THE RAISONS FOR THE EXCLUSION OF SERVICES OF MICRO- FINANCE INSTITUTIONS: THE TUNISIA CASE



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65 THE RAISONS FOR THE EXCLUSION OF SERVICES OF MICRO- FINANCE INSTITUTIONS: THE TUNISIA CASE LES RAISONS DE L EXCLUSION DES SERVICES DES INSTITUTIONS DE MICRO-FINANCE : CAS DE LA TUNISIE Mohamed Mehdi MEJDOUB, Ecole Supérieure de Commerce de Tunis, mehdimedoub@yahoo.fr Chokri MAMOGHLI, Institut des Hautes Études Commerciales de Tunis, mamoghli@yahoo.fr ABSTRACT The obective of this paper is to identify the socio-economic factors that explain the exclusion of the microentrepreneurs from the services of micro-finance institutions in Tunisia. The exclusion is analysed in its two main dimensions: credit rationing and self-exclusion. The results of a multinomial Logit model indicate that there is no discrimination against the poor while women benefit of a positive discrimination. The reputation is a determining factor in the access to the financing while the entrepreneurship profile has a negative effect on this access. KEY-WORDS: micro-finance, credit rationing, self-exclusion. RÉSUMÉ L obectif de ce travail est d identifier les facteurs socio-économiques qui expliquent l exclusion des microentrepreneurs des services des institutions de micro-finance en Tunisie. L exclusion est analysée dans ses deux principales dimensions, à savoir : le rationnement du crédit et l auto-exclusion. Les résultats d un modèle Logit multinomial indiquent qu il n existe pas de comportement discriminatoire vis à vis des pauvres alors que les femmes bénéficient d une discrimination positive. La réputation est un facteur déterminant dans l accès au financement alors que le profil entrepreneurial a un effet négatif sur cet accès. MOTS-CLÉS : micro-finance, rationnement du crédit, auto-exclusion 1. INTRODUCTION La micro-finance s est révélée ces dernières décennies comme une nouvelle forme d intermédiation financière qui permet de remédier au problème de l exclusion des micro-entreprises des services financiers bancaires classiques (Barr, 2005 ; Brau et Woller, 2004). Ainsi, des milliers d Institutions de Micro-Finance (IMF) ont été créés et se sont lancés dans la distribution de services financiers aux micro-entrepreneurs. Selon la Campagne du Sommet du Micro-crédit (2006), on recense auourd hui plus de 3000 institutions, qui desservent près de 113 millions de clients dans le monde. Parmi les institutions les plus importantes, figurent la Grameen Bank au Bangladesh, la BancoSolidario en Bolivie et la Bank Rakyat en Indonésie. Chacune de ces banques dessert des millions de microentrepreneurs en services financiers, en utilisant des techniques innovatrices pour évaluer les proets et inciter les micro-entrepreneurs au recouvrement (Kirkpatrick et Maimbo, 2002). Toutefois, malgré cet essor, l utilisation du financement des IMF par les micro-entrepreneurs demeure encore en deçà des espérances. En effet, des travaux récents ont montré que le taux de pénétration de la micro-finance est encore très faible et que beaucoup de micro-entrepreneurs sont encore exclus du financement. Selon Christen et al. (2004), sur les 500 millions de micro-entrepreneurs dans le monde, seuls 85 millions ont été desservis en services

66 financiers, soit un taux de pénétration de seulement 17%. Honohan (2004) a montré que même dans les pays supposés performants en matière de micro-finance, le taux de pénétration reste encore faible. Le Bangladesh occupe la tête de liste de ces pays, avec 13% de taux de pénétration, suivi de l Indonésie avec 6,7%. Claessens (2006) a assimilé l activité des IMF à la finance informelle et a révélé, qu à l exception du Népal et de l Afrique du Sud, le taux d utilisation du crédit informel dépasse rarement 30%. Le taux d utilisation du crédit des IMF serait encore beaucoup plus faible, puisque la finance informelle tel que définie par l auteur inclut aussi les tontines, les prêteurs d argent locaux ainsi que d autres formes de finance informelle. Il s avère donc qu il existe un problème d exclusion financière de la maorité des micro-entrepreneurs éligibles au financement des IMF. Selon Claessens (2006), Honohan (2005), Kempson et al. (2000), Morduch (1999a) et Baydas et al. (1994), cette exclusion peut prendre deux formes. La première est le rationnement du crédit, tel que défini par Stiglitz et Weiss (1981). La deuxième est l auto-exclusion, c est-à-dire la décision de certains micro-entrepreneurs de ne pas utiliser le financement, bien qu il soit disponible. Toutefois, à l exception de Baydas et al. (1994), la plupart des travaux ayant porté sur la question en micro-fiance n ont pas traité de ces deux formes d exclusion à la fois. Ainsi, Coleman (2006), Mosley (2001), Amin et al. (1999), Evans et al. (1999) se sont uniquement intéressés à la participation ou non des micro-entrepreneurs aux programmes de micro-crédit, sans pour autant déterminer la source de l exclusion. De leur côté, Morduch (2000) et Buvinic et Berger (1990) ont abordé le problème du rationnement du crédit, sans évoquer celui de l auto-exclusion. L obectif de ce travail est d identifier les facteurs socio-économiques qui expliquent l exclusion financière dans ses deux dimensions (rationnement et auto-exclusion), pour les micro-entrepreneurs éligibles au financement des IMF. Pour ce faire, nous avons étudié les déterminants de cette exclusion sur un échantillon de micro-entrepreneurs en Tunisie. En Tunisie, des IMF, dites «associations de développement local» ayant le statut d associations à but non lucratif, opèrent dans toutes les délégations pour desservir les micro-entrepreneurs en services financiers. Elles sont exclusivement financées par une banque étatique, la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS). Depuis la promulgation en 1999 des lois régissant la distribution du micro-crédit, et usqu en 2006, 160 associations ont été créées et ont distribué plus de 164 000 crédits. Ainsi, le taux de pénétration reste faible puisqu il existe en Tunisie près de 586 000 micro-entrepreneurs éligibles au financement des associations de développement, répartis entre 400 000 micro-entreprises non agricoles (Institut National de la Statistique, 2002) et 186 000 petits exploitants agricoles (Centre National des Etudes Agricoles, 2007). L intérêt de cette recherche est de fournir une explication à cette faible pénétration, qui n est pas à la hauteur des d efforts déployés par le gouvernement et les institutions du pays pour développer le secteur de la micro-finance. L échantillon examiné est composé de 209 micro-entrepreneurs. Les données ont été collectées par questionnaire, durant les mois de uin et uillet 2007. Un modèle Logit multinomial a été spécifié afin d expliquer les causes de l exclusion du financement des associations de développement local. Les résultats montrent qu il n existe pas de discrimination de la part de ces associations vis-à-vis des pauvres mais que ceux-ci s auto-excluent. En outre, les femmes profitent d une politique de discrimination positive de la part des associations. Par contre, les personnes ayant un profil entrepreneurial souffrent, paradoxalement, de problèmes de rationnement de crédit. Enfin, la réputation du micro-entrepreneur dans sa communauté influe sur son accès au financement. La section suivante passe en revue les travaux antérieurs ayant traité des déterminants de l exclusion en microfinance, et formule les hypothèses de l étude. La section 3 porte sur la méthodologie de recherche. La section 4 présente les résultats du modèle, ainsi que leur interprétation. Enfin, la dernière section conclue ce travail. 2. REVUE DE LA LITTÉRATURE SUR LES DÉTERMINANTS DE L EXCLUSION EN MICRO-FINANCE La revue des travaux antérieurs a permis d identifier un certain nombre de facteurs socio-économiques qui semblent influer sur l exclusion du micro-entrepreneur des services des IMF. Ces facteurs sont la «réputation pour la fiabilité», le profil entrepreneurial, le genre et la pauvreté. La relation entre réputation et accès au financement a été révélée par Diamond (1989). Celui-ci explique que les entrepreneurs qui cherchent à acquérir une bonne réputation auprès de leur banque, choisissent d investir dans des proets sûrs. Ils seront ainsi capables de rembourser leur crédit, de construire une bonne réputation, de bénéficier de

67 taux d intérêt plus faibles et par conséquent d un accès plus facile au financement. La réputation se développe aussi dans d autres contextes que celui de l interaction banque-entrepreneur. En effet, selon Howorth et Moro (2006), l institution financière peut atténuer les problèmes liés à l asymétrie d information en recourant à l évaluation de la réputation de l entrepreneur dans sa communauté. Ainsi, un entrepreneur qui bénéficie d une bonne réputation dans sa communauté a plus de chance d accéder au financement (Howorth et Moro, 2006 ; Coleman, 2006 ; Wenner, 1995). Toutefois, la réputation est un concept flou qui peut porter sur différentes caractéristiques personnelles de l entrepreneur (Chun, 2005 ; Mayer et al., 1995). Dans le cadre d études sur l accès de l entrepreneur au financement, Coleman (2006) a montré que la «réputation pour la solvabilité» d un micro-entrepreneur a un effet positif sur son accès aux services de l institution de micro-finance en Thaïlande. Howorth et Moro (2006) ont montré que la «réputation pour la fiabilité» d un petit entrepreneur au nord de l Italie a un effet positif sur son accès au crédit bancaire. Wenner (1995) a montré que, dans le cas des crédits de groupe, l utilisation de la «réputation pour la fiabilité» comme critère de sélection des membres se traduit par une plus grande solvabilité du groupe. Dans ce travail, nous nous intéressons à la «réputation pour la fiabilité» du micro-entrepreneur. Selon Mayer et al. (1995), ce type de réputation constitue le construit le plus crucial pour le développement de la confiance entre deux partenaires. La première hypothèse de ce travail est donc que la «réputation pour la fiabilité» a un effet négatif sur l exclusion du financement des associations de développement local. L accès au financement est aussi en relation avec le profil entrepreneurial. Cette relation puise ses origines dans la théorie de développement économique de Schumpeter (1934). En micro-finance, certains chercheurs expliquent que les services des IMF doivent être distribués aux personnes ayant un profil entrepreneurial afin d assurer un meilleur impact et une meilleure durabilité du secteur. Selon Morduch et Haley (2002), les compétences entrepreneuriales sont fondamentales pour assurer le succès d une micro-entreprise. D après Khandker (1998), la distribution de services financiers à des personnes qui n ont pas de caractéristiques entrepreneuriales augmente le risque et les coûts de transactions pour l institution de micro-finance. Ces chercheurs conviennent alors que des programmes spécifiques d assistance directe seraient plus adaptés pour aider les non-entrepreneurs à améliorer leurs conditions de vie. La deuxième hypothèse de ce travail est donc que le profil entrepreneurial a un effet négatif sur l exclusion du financement des associations de développement local. Le genre a un effet sur l accès de l entrepreneur au financement. Selon Morduch (1999a) et Mosley (2001), les femmes représentent respectivement 94% et 60% du portefeuille clients de la Gramenn Bank et de la Banco-Sol, deux des plus grandes IMF dans le monde. Brandsma et Buroree (2004) ont révélé que 60% des clients des instituions de micro-finance membres du réseau Sanabel dans la région MENA sont des femmes. Les femmes seraient donc considérées par les IMF, comme plus sérieuses, honnêtes et crédibles que les hommes (Brau et Woller, 2004 ; Pitt et Khandker, 1998; Morduch, 1999a ; Schreiner, 2003). Cependant, d autres travaux remettent en cause cette idée de discrimination positive. En effet, Baydas et al. (1994) ont montré qu en Equateur, les femmes souffrent plus de problèmes de rationnement du micro-crédit que les hommes. Buvinic et Berger (1990) et Evans et al. (1999) ont respectivement montré qu au Pérou et au Bangladesh, les femmes micro-entrepreneurs utilisent moins le microcrédit que leurs homologues hommes. Ces résultats mitigés suggèrent que le genre a une influence sur l utilisation du financement, mais que cette influence peut aussi bien être positive que négative. La troisième hypothèse de ce travail est donc que le genre a un effet sur l exclusion du financement des associations de développement local. L effet de la pauvreté sur l accès au financement des IMF a suscité un grand débat dans la littérature. En effet, c est à travers sa capacité à toucher les pauvres que la micro-finance a émergé, s est développée et révélée comme une nouvelle forme d intermédiation financière (Barr, 2005 ; Seck, 2007 ; Morduch, 1999b). Elle a été définie comme un nouvel outil adapté, pour lutter contre la pauvreté (Moll, 2005 ; Matin et al., 2002) et permettre à la communauté internationale d atteindre ses obectifs de millénaire (Morduch et Hayley, 2002). Les chercheurs en micro-finance, qu ils soient institutionnalistes ou welfaristes, ont ainsi cherché à identifier les cadres, structures et méthodes de fonctionnement permettant aux IMF de toucher le plus de pauvres et de très pauvres. Toutefois, beaucoup de travaux empiriques ont montré que les pauvres sont loin de représenter la clientèle privilégiée des IMF. Leur participation au portefeuille clients de ces institutions demeure encore très faible et suette à plusieurs contraintes (Naavas et al., 2000 ; Mosley, 2001 ; Evans et al.,1999 ; Datta, 2004). La quatrième hypothèse de ce travail est donc que la pauvreté a un effet positif sur l exclusion du financement des associations de développement local.

68 Outre ces fondamentaux, il existe des facteurs intermédiaires qui peuvent influer sur certaines des relations susprésentées. Datta (2004) et Cleassens (2006) expliquent respectivement que l âge et le niveau d instruction peuvent modérer la relation entre pauvreté et exclusion. Selon Buvinic et Berger (1990) et Berger (1989), les niveaux de formation et d instruction des femmes peuvent influer sur leur accès au financement. 3. DÉVELOPPEMENT DE LA MÉTHODOLOGIE 3.1 Échantillonnage Dans ce travail, le questionnaire a été utilisé comme instrument de collecte de données. Ce questionnaire a été administré, durant les mois de uin et uillet 2007, à un échantillon de 209 personnes se trouvant dans le gouvernorat de Siliana, au nord ouest de la Tunisie. Le travail de terrain a mobilisé 8 enquêteurs. Le choix de la région a été motivé par l existence de 4 associations de développement local qui opèrent depuis plus de 4 ans. Ce nombre d années nous semble être un historique minimum pour constituer une base de données suffisamment importante. Sur les quatre associations, trois ont accepté de participer à l enquête. L échantillon retenu est réparti entre les délégations où opère chacune des associations ayant accepté de participer à l enquête, sur la base de la taille du portefeuille crédits de ces associations. L échantillon est subdivisé en trois groupes de micro-entrepreneurs, à savoir : ceux qui sont financés, ceux qui sont rationnés et ceux qui s auto-excluent. Les personnes appartenant aux deux premiers groupes sont identifiées au hasard au niveau des registres des associations. La répartition entre les personnes financées et celles rationnées par le crédit, a été réalisée sur la base de la ventilation des demandes de crédits entre acceptées et refusées dans chaque association. Les personnes appartenant au troisième groupe sont identifiées de deux manières : (1) auprès des employés des associations qui ont indiqué des micro-entrepreneurs locaux qui seraient éligibles aux services des associations mais qui n ont pas demandé l accès au crédit ; (2) auprès des micro-entrepreneurs retenus dans les deux premiers groupes qui ont indiqué certains de leurs proches ou amis qui n auraient pas demandé l accès au financement. Dans les deux cas, une liste a été dressée, et des personnes ont été choisies au hasard par les chercheurs. Les auto-exclus constituent 30% de l échantillon alors que les financés et les rationnés représentent respectivement 50% et 20%. L âge moyen des micro-entrepreneurs est de 49 ans et les femmes représentent plus de 41% de l échantillon. La plupart n ont pas de niveau d instruction et n ont pas suivi de formation. Le tableau 1 décrit la composition de l échantillon retenu. Fréquence Pourcentage Exclusion Auto-exclus 63 30,1 Refusés 42 20,1 Financés 104 49,8 Genre Homme 123 58,9 Femme 86 41,1 Niveau d instruction Instruit 80 38,2 Non instruit 129 61,8 Formation Formé 46 22,0 Non formé 163 78,0 Délégations Bergou 80 38,3 Rouhia 58 27,8 Siliana Sud 71 34,0 TABLEAU 1 - Description de l échantillon

69 3.2 Mesure des variables L exclusion financière peut être définie par deux dimensions : le rationnement du crédit et l auto-exclusion (Claessens, 2006 ; Honohan, 2005 ; Baydas et al., 1994). Le rationnement du crédit découle du déséquilibre entre l offre et la demande de crédit et de l incapacité du mécanisme prix à équilibrer le marché de crédit (Stiglitz et Weiss, 1981). L auto-exclusion, par contre, consiste dans la décision de certains micro-entrepreneurs de ne pas utiliser le financement, bien qu il existe (Claessens, 2006 ; Kempson et al., 2000). Dans le cadre de ce travail, l exclusion est mesurée à travers ses deux dimensions. La pauvreté est un attribut socio-économique complexe qui peut être définie de différentes manières. Cependant, la revue de la littérature permet de distinguer entre deux principaux concepts de la pauvreté, à savoir : la pauvreté absolue (Orshanskey, 1963, 1965 et 1969) et la pauvreté relative (Townsend, 1992 ; Pressman, 2002 ; Citro et Micheal, 1995). Dans le contexte de la micro-finance, Amin et al. (1999) et Mosley (2001) ont utilisé les seuils de la pauvreté absolue pour distinguer entre les pauvres et les non pauvres. D autres, comme Evans et al. (1999) et Datta (2004) ont relativisé la pauvreté en répartissant leur échantillon entre différentes classes socio-économiques à travers la combinaison de différents critères. Nous nous alignons alors sur la méthode d Evans et al. (1999) et Datta (2004) pour relativiser la pauvreté en classant notre échantillon en plusieurs groupes. L item retenu pour mesurer la pauvreté est les dépenses annuelles par unité de consommation et le critère de dispersion choisi pour classer l échantillon entre différents groupes est les quartiles. Nous attribuons les notes suivantes pour chacun des groupes : riche = 1, aisé = 2, pauvres = 3 et très pauvres = 4. Le profil entrepreneurial est mesuré par le «locus of control». Celui-ci a émergé avec Rotter (1966) et reflète la perception qu ont les individus du contrôle des évènements clés dans leur vie. Ceux qui associent le contrôle des évènements à eux-mêmes sont dits avoir un «locus of control» interne et sont appelés les «internes». Ceux qui attribuent le contrôle à des forces extérieures sont dits avoir un «locus of control» externe et sont appelés les «externes» (Nwachukwu, 1995). Selon Rotter (1966), Cromie (1987) et Cromie et Johns (1983) les entrepreneurs sont ceux qui ont un «locus of control» interne. Dans le présent travail, l échelle de Levenson (1974) est utilisée pour mesurer le «locus of control» et par conséquent le profil entrepreneurial. Elle compte 21 items (au départ, l échelle compte 24 items. Trois items ont été éliminés : il s agit d items qui mesurent la perception du contrôle des répondants au sein d une organisation. Ces items ne peuvent pas être utilisés dans notre travail), mesurés sur une échelle de Likert de cinq points allant de «complètement d accord» à «complètement en désaccord». Nous considérons les 7 premiers items qui mesurent la dimension interne du locus of control. L échelle a été purifiée par la méthode d ACP (KMO = 0,85 et alpha de Cronbach = 0,91) et un facteur appelé «interne» a été identifié. Ce facteur est corrélé avec les quatre items, et explique 79,5% de la variance. Les scores factoriels sont utilisés pour introduire ce facteur comme variable dans le modèle économétrique. La «réputation pour la fiabilité» est mesurée à travers l évaluation de la perception du chef de village. S inspirant de Coleman (2006), des questions ont été directement posées à cette personne pour connaître sa perception de chaque membre de l échantillon. Les questions ont porté sur les trois dimensions de la fiabilité tels que définies par Mayer et al. (1995) et Davies et Prince (2005), à savoir : l habilité, l intégrité et la bienveillance. La perception a été mesurée sur une échelle de 3 points qui prend les valeurs 1 pour mauvaise, 2 pour moyenne et 3 pour bonne. L échelle a été purifiée par la méthode ACP (KMO = 0,67 et alpha de Cronbach = 0,87) et un facteur appelé «réputation pour la fiabilité» qui explique 80% de la variance, a été identifié. Les scores factoriels sont utilisés pour introduire ce facteur comme variable dans le modèle économétrique. Enfin, l âge du micro-entrepreneur est mesuré par le nombre d années, alors que le reste des variables est introduit comme des variables dummy comme suit : Genre = 1 pour les femmes, niveau d instruction = 1 si la personne est instruite et formation = 1 si la personne a déà suivi une formation technique. 3.3 Spécification du modèle économétrique Dans ce travail, la variable à expliquer est l exclusion financière qui peut prendre trois modalités : y i (Exclusion) = 0 si la personne s auto-exclut 1 si la personne est rationnée par le crédit 2 si la personne est financée

70 Le phénomène à étudier est donc discret et la variable qui le décrit est polytomique. Le recours à un modèle multinomial non ordonné (Logit Multinomial) s avère adapté à notre analyse économétrique. Le Logit Multinomial consiste non pas à estimer y i, mais à estimer la probabilité de réalisation d une modalité de y i par rapport à une modalité de référence. Le modèle s écrit alors sous sa forme logarithmique suivante: p p p Log = ) x J= 0,2 1 ( ) Log( ) Log( ) = ( β β1 p1 pj PJ p p p Log = ) x J= 0,1 2 ( ) Log( ) Log( ) = ( β β 2 p2 p J PJ i i 4. ANALYSE DES RÉSULTATS Des tests de corrélations et d associations ont été conduits avant la spécification du modèle pour vérifier s il n existait pas de problème de multi-colinéarité entre les variables explicatives. Les résultats de ces tests indiquent que les valeurs des coefficients sont faibles et touours inférieures à 0,6. Il n existe donc pas de problème de multicolinéarité entre les variables explicatives retenues dans cette recherche. Le processus de spécification du modèle a été réalisé en deux étapes. Dans un premier temps, nous avons introduit, selon la méthode de régression pas à pas ascendante, les variables explicatives. Dans un deuxième temps, nous avons introduit, au fur et à mesure, les variables de contrôle. Le modèle retenu est ugé comme ayant une bonne qualité d austement (Pseudo R² de 0,51). Le reste de cette section sera consacré à l interprétation du signe et du seuil de signification des coefficients obtenus et présentés dans le tableau 2. P(0) / P(2) P(1) / P(2) P(0) / P(1) (1) (2) (3) (4) (5) (6) Genre.18 (0.41).69 (0.97) -.68* (-1.66) -1.32* (-1.77).87* (1.67) 2.02** (2.12) Niveau instruction*genre -34.90*** (-35.60).031 (0.04) -35.94*** (-29.33) Formation*Genre -2.42*** (-2.93) 1.42* (1.76) -3.84*** (-3.73) Pauvreté 2.02*** (5.78) -.64 (-1.04).15 (0.72).029 (0.06) 1.87*** (5.00) -.67 (-0.89) Age*Pauvreté.041*** (4.86).0029 (0.31).03*** (3.09) Niveau Instruction*Pauvreté -.31 (-1.11).32 (1.48) -.64** (-2.02) «Réputation pour la fiabilité» -.62** (-2.44) -.50 (-1.61) -.66*** (-3.12) -.57*** (-2.78).036 (0.13).07 (0.21) Interne -.95*** (-3.64) -.96** (-2.10).66*** (3.14).66*** (3.13) -1.61*** (-5.75) -1.62*** (-3.50) Constante -6.67*** (-5.78) -5.13*** (-4.07) -1.34** (-2.50) -1.68*** (-2.83) -5.33*** (-4.41) -3.44** (-2.52) Log pseudo-likelihood -105.34372 Pseudo R2 0.5112 *** Signification au seuil de 1% ** Signification au seuil de 5% * Signification au seuil de 10% TABLEAU 2 : Estimation des coefficients du modèle L estimation des coefficients du modèle pour la variable «genre» indique que les femmes ont plus de probabilité de s auto-exclure que d être rationnées par le crédit (colonnes 5 et 6). Ce résultat confirme ceux d Evans et al. (1999),

71 Buvinic et Berger (1990) et Berger (1989) qui expliquent que les femmes demandent moins l accès au micro-crédit que les hommes. Le niveau d instruction (niveau d instruction*genre) aurait, cependant, un effet négatif sur leur décision d auto-exclusion (colonnes 2 et 6). D un autre côté, lorsqu elles demandent l accès au financement, les femmes ont moins de risque d être rationnées que financées (colonnes 3 et 4). Ce résultat reoint les apports de Schreiner (2000), Morduch (1999a) et Khandar (1998) qui expliquent que les IMF préfèrent octroyer les microcrédits aux femmes plutôt qu aux hommes. Les femmes seraient considérées comme plus sérieuses et moins risquées (Honlonkou et al., 2006). Toutefois, il s avère que les femmes qui ont déà suivi une formation professionnelle (formation*genre) ont une plus grande probabilité d être rationnées que financées (colonnes 2 et 6). Ce résultat s explique par le fait que les femmes cherchent à financer des activités qui ne sont pas prioritaires pour les associations. En effet, 43% des femmes formées qui demandent l accès au financement, cherchent à lancer des activités non agricoles. Or, Plus de 62% des demandes de crédit refusées concernent des proets non agricoles. Les résultats obtenus confirment la troisième hypothèse selon laquelle le genre a un effet sur l exclusion. Les coefficients de la variable «pauvreté» indiquent que celle-ci n a aucun effet sur le rationnement du crédit (colonnes 3 et 4). Ceci montre que, d un côté, les pauvres ne souffrent pas d un comportement discriminatoire de la part des associations, mais que d un autre côté, ils ne constituent pas une clientèle privilégiée de ces associations. Par ailleurs, les pauvres ont une plus grande probabilité de s auto-exclure que d être financés ou rationnés (colonnes 3 et 5). Ils seraient donc réticents à utiliser de services financiers qui leur sont destinés. Ceci confirme les apports d Evans et al. (1999) qui révèlent que les pauvres ne veulent pas accéder au financement par peur de ne pas pouvoir rembourser le crédit. Cependant, lorsque l âge et le niveau d instruction sont introduits comme variables de contrôle dans le modèle, l effet de la pauvreté sur la probabilité de s auto-exclure que d être financé ou rationné, n est plus significatif. Ceci montre que la décision d auto-exclusion provient essentiellement de l âge avancé (âge*pauvreté) et du faible niveau d instruction (niveau d instruction*pauvreté) des pauvres (colonnes 2 et 6). Ce résultat reoint les apports de Datta (2004) et Cleassens (2006) selon lesquels l âge est le niveau d instruction constituent un frein à l utilisation des services financiers par les pauvres. Par ailleurs, en micro-finance, il ne s agit pas seulement de savoir si les pauvres utilisent ou pas les services des IMF, mais de déterminer aussi qui, parmi les pauvres, contracte un crédit. En effet, comme cela a déà été expliqué, la pauvreté est une notion complexe qui peut être relativisée. Il existe ainsi plus d une catégorie de pauvres. Dans ce travail, nous avons distingué entre les pauvres et les très pauvres. Dans le débat qui anime la littérature sur la microfinance, les welfaristes expliquent que l IMF doit se focaliser sur la profondeur de sa pénétration (depth of outreach), alors que les institutionnalistes préconisent l étendue de la pénétration (breadh of outreach). Pour inscrire les résultats dans ce débat, nous procédons à un tri croisé entre les variables pauvreté et exclusion financière (tableau 3). Les résultats indiquent que 86,5% des très pauvres s auto-excluent contre 23,1% des pauvres. D un autre côté, il s avère que près de 52% des pauvres sont financés contre 9,6% des très pauvres. Il est donc possible de conclure que les IMF en Tunisie financent plus les pauvres que les très pauvres. Les résultats obtenus confirment la quatrième hypothèse pour la modalité auto-exclusion, mais l infirment pour la modalité rationnement du crédit par les associations. Pauvreté Riches Aisés Pauvres Très pauvres Total Exclusion Auto-exclus 3,8% 7,5% 23,1% 86,5% 30,1% Refusés 30,8% 20,8% 25% 3,8% 20,1% Financés 65,4% 71,7% 51,9% 9,6% 49,8% Total 100% 100% 100% 100% 100% Echantillon total = 209 personnes TABLEAU 3 : Tri croisé entre exclusion et pauvreté

72 L analyse des coefficients de la variable «interne» montre que, plus une personne a un profil entrepreneurial, moins elle a de probabilité de s auto-exclure que d être financée ou rationnée (colonnes 1, 2, 5 et 6). Les entrepreneurs cherchent donc plus à accéder au financement que les non-entrepreneurs. Ceci confirme les apports de Shumpeter (1934), qui explique que l accès au financement est une concrétisation du processus entrepreneurial. Ce résultat reoint aussi les apports d Amit et al. (1990), selon lesquels une personne ayant un profil entrepreneurial cherche à contracter des crédits pour financer son investissement. Il reoint notamment les explications de Pretes (2002) et Otero et Rhyne (1994), qui insistent sur les besoins importants des micro-entrepreneurs d accéder au financement D un autre côté, l analyse montre que, plus une personne a des capacités entrepreneuriales, plus sa probabilité d être rationnée par le crédit plutôt que financée est grande. Ce résultat est surprenant, dans la mesure où il va à l encontre de la deuxième hypothèse selon laquelle les IMF cherchent à financer des personnes ayant des caractéristiques entrepreneuriales, et ce afin d assurer la pérennité du proet et par conséquent le remboursement du crédit (Morduch et Haley, 2002 ; Khandker, 1998 ; Amit et al., 1990). Ceci permet de rendre compte d une différence fondamentale entre les banques et les IMF. Ces dernières seraient plus focalisées sur des volets sociopolitiques que sur la viabilité des micro-entrepreneurs. Les résultats obtenus confirment la deuxième hypothèse pour la modalité auto-exclusion mais l infirment pour la modalité rationnement du crédit. Enfin, les coefficients de la variable «réputation pour la fiabilité» montrent que, plus une personne ouit d une bonne réputation dans sa communauté, moins elle a de probabilité d être rationnée par le crédit que financée (colonnes 3 et 4). Ce résultat confirme celui de Coleman(2006) et Howorth et Moro (2006). D un autre côté, la «réputation pour la fiabilité» étant mesurée auprès du chef du village, ce résultat montre que les associations de développement se basent sur l information locale dans la sélection des demandes de crédit à financer. Ceci reoint les apports de Casson et Giusta (2004) et Aghion et Morduch (2002) qui insistent sur l importance de l implication d un représentant de la communauté dans le processus de sélection des bénéficiaires et de distribution du microcrédit. Cette implication est d autant plus importante pour les associations de développement local en Tunisie, qu elles n ont pas les moyens humains et logistiques pour mobiliser, seules, les micro-entrepreneurs. Toutefois, l impact de la «réputation pour la fiabilité» sur l auto-exclusion n est pas déterminant dans la mesure où il perd sa significativité quand d autres variables (des variables de contrôle pour la pauvreté et le genre) sont introduites dans le modèle (colonne 2). Les résultats obtenus confirment la première hypothèse mais montrent que l impact de la «réputation pour la fiabilité» sur la modalité auto-exclusion n est pas déterminant. Ainsi, le rôle du chef de village dans la mobilisation des micro-entrepreneurs se révèle important mais non déterminant. 5. CONCLUSION Les résultats de ce travail nous amènent à tirer quatre conclusions principales. La première est qu il n existe pas de discrimination (positive ou négative) de la part des associations de développement local à l égard des pauvres. La faible participation de ces derniers dans le secteur de la micro-finance s explique par leur refus d utiliser le financement plutôt que par des problèmes d accès. L âge et le faible niveau d instruction expliquent en grande partie ce résultat. Mais les pauvres, sont aussi faiblement sensibilisés et mobilisés par les associations de développement local. La deuxième conclusion concerne l accès des femmes au micro-crédit. Celles-ci constituent une clientèle privilégiée des associations de développement local. Ce résultat peut s inscrire dans le cadre de la politique menée en Tunisie depuis l indépendance et visant l émancipation de la femme, surtout rurale. La troisième conclusion est que les associations fondent leur décision de financement, sur l information locale pour remédier aux problèmes liés à l asymétrie d information. Enfin, la dernière conclusion a trait à la différence entre les banques et les associations de développement local, dans la mesure où ces dernières accordent moins d importance aux compétences entrepreneuriales de leurs clients. L intervention de l Administration Régionale dans le choix de certains bénéficiaires ainsi que le contexte socioculturel caractérisé par la prédominance de personnes «fatalistes», peuvent expliquer ce résultat. RÉFÉRENCES AGHION, Beatriz A, MORDUCH, Jonathan (2000). Microfinance Beyond Group Lending. Economics of Transition. Vol 8, No 2, 401-420.

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