Elaborer un scénario

La vidéo - Module 2 Elaborer un scénario Cours interne Auteur : Philippe Schaffter Version 1.0 Mai 2010 Copyright 2010 Camera Club Jura, CH 2900 Porrentruy Droit de reproduction autorisé à condition de mentionner son origine.

Tables des matières 1 Qu est-ce qu un scénario? 3 1.1 Les types de films 3 2 Fiction 4 2.1 Nécessité 4 2.2 Contenu d un scénario 4 2.2.1 L'argumentaire 4 2.2.2 Le synopsis 4 2.2.3 La note d'intention de réalisation 4 2.2.4 La continuité dialoguée du scénario 5 2.2.5 Le story-board 5 2.2.6 Le plan de travail 6 2.2.7 La bible 7 2.3 Les constituants essentiels de tout scénario 7 2.4 Les fondements d un bon scénario : histoire, construction et personnages 8 2.4.1 Histoire 8 2.4.2 Construction du récit 8 2.4.3 Personnages 9 2.5 Un ingrédient essentiel : l art du dialogue 10 2.6 Penser à la mise en images et en sons 10 2.6.1 Repérages 11 2.6.2 Recherches musicales 11 2.7 Les 10 erreurs les plus courantes dans l'écriture d'un scénario 12 3 Documentaire 13 3.1 Introduction 13 3.2 Qu est-ce qu un documentaire? 13 3.3 Comment écrire un documentaire? 13 3.3.1 Préparation 13 3.3.2 Dossier 14 3.3.3 Tournage 15 3.3.4 Montage 15 3.3.5 Remarque concernant la durée 16 4 Reportage 16 4.1 Introduction 16 4.2 Faut-il un scénario? 16 5 Animation 17 6 Clip vidéo 17 7 Interview 18 7.1 Préparation de l interview 18 7.1.1 Déterminer le type d interview 18 7.1.2 Choisir le mode d interview 18 7.1.3 Adapter les questions 18 7.1.4 Organiser l interview 18 7.2 Déroulement de l interview 19 7.2.1 Quelques principes à respecter 19 7.2.2 Usez de psychologie 19 7.3 Aspects techniques 19 8 Souvenirs personnels 20 9 Annexes 20 2

1 Qu est-ce qu un scénario? 1.1 Les types de films Elaborer un scénario, c est «créer un film complet sur le papier», avant d empoigner la caméra et le micro. La technique à utiliser pour concevoir un scénario dépend du genre de «produit» que l on ambitionne de réaliser. Grossièrement, on distingue les cas de figure suivants : La fiction est le film d événements imaginaires, parfois inspirés de faits réels. Il met en scène plusieurs personnages, plus rarement un seul. Les acteurs dialoguent entre eux. L action peut se dérouler dans le passé, le présent ou l avenir. Parfois, un tel film nécessite des décors, des costumes et des accessoires de toutes sortes. Dans l interview, vous posez des questions à une ou plusieurs personnes, et ces personnes répondent. Votre film donne alors une réponse subjective sur un sujet déterminé. Le déroulement d une interview doit respecter des règles précises et être structuré. L interview est souvent un des composants du documentaire ou du reportage. Le documentaire est une description plus ou moins complète d un sujet précis : histoire, géographie, technique, science, architecture, nature, animaux, portraits de personnages, fait de société, religion, etc. Il décrit généralement l environnement, les causes, l évolution, l étendue d un phénomène, les comportements, les interrelations, les intervenants. Il fait souvent appel à des experts du domaine concerné. Le reportage rapporte votre vision d événements qui se sont déroulés en des lieux et à des moments déterminés. Vous êtes le témoin subjectif de ces événements, et vous donnez au spectateur la possibilité d y assister en différé (en direct pour CNN ). Le film d animation montre des acteurs et des scènes «virtuelles». Le type le plus connu est le dessin animé. Mais l on peut animer des personnages en pâte à modeler, en carton, des marionnettes, des «légos», bref à peu près tout et n importe quoi. L illusion de mouvement est donné par la juxtaposition de séquences très brèves, voire même d images individuelles. Parfois, les dialogues sont inexistants. Le clip vidéo est une séquence très courte, de quelques secondes à quelques minutes. Il a généralement un but divertissant (clip musical) ou publicitaire. Il est aussi utilisé par les chaînes de télévision pour remplir les temps morts entre deux émissions. Le film de souvenirs personnels est tourné pendant les vacances, un voyage, un anniversaire, un événement personnel, familial ou professionnel. Ce genre de production est très libre, et peut très bien ne respecter aucune règle. Mais si l on procède ainsi, le résultat a souvent un caractère «amateur» manifeste. Le respect de quelques principes simples peut améliorer grandement. Voyons maintenant ce que doit contenir un scénario en fonction du type de film. 3

2 Fiction 2.1 Nécessité Même si elle s inspire de faits réels, la fiction reste en partie une histoire imaginée, recréée de toutes pièces. C est le genre qui demande le plus de moyens : décors, costumes, accessoires, acteurs, dialogues, etc. Avant de mettre ces moyens en œuvre, il faut les obtenir, et avant de les obtenir, il faut penser à tout. S il manque quelque chose, le tournage sera interrompu, et tout le monde perdra son temps. Pour un film professionnel destiné aux cinémas, le scénario est obligatoire. Tous les aspects du film sont écrits sur le papier, et ce document sert à tous les intervenants et à tous les stades de la réalisation. C est lui qui assure la cohérence de toutes les actions entreprises, de l idée de départ jusqu au montage final. Si un jour vous vous lancez dans la création d une fiction, vous devrez également rédiger ce genre de document, sous peine de voir votre film partir dans tous les sens. Il est d ailleurs exigé par les producteurs qui financent les réalisations. Pas de scénario, pas de sous 2.2 Contenu d un scénario Un scénario professionnel se compose de 7 parties : 1 un argumentaire 2 un synopsis 3 une note d'intention de réalisation 4 une continuité dialoguée, avec une description psychologique des personnages 5 un story-board 6 un plan de travail 7 une bible 2.2.1 L'argumentaire C'est l'idée principale, le concept du film résumé en quelques phrases. Il décrit le message global ou final du film. Exemple : Deux anciennes amies se rencontrent. Elles se racontent leurs vies respectives. 2.2.2 Le synopsis C'est l'histoire du film, résumée en 1 page maximum, racontant l'intrigue dans les grands axes. 2.2.3 La note d'intention de réalisation Elle explique (entre autres) : votre concept artistique (images, décor sonore, montage,...) ainsi que ses objectifs votre parti pris de réalisation (un seul plan séquence, vue subjective, jeu des acteurs) l'univers général du film le message global ou final du film. 4

2.2.4 La continuité dialoguée du scénario C'est l'ensemble des dialogues du film découpé par scènes dans l'ordre prévu dans le film définitif. C'est une description visuelle et auditive dans l'ordre chronologique de l'histoire. Pas de notion de plan à intégrer dans le découpage, il faut uniquement présenter les scènes et les personnages présents dans une scène. Chaque scène est numérotée, accompagnée de renseignements indiquant son univers et son ambiance. Elle débute avec une description résumée en quelques mots, selon 4 critères : le lieu : ville, campagne, montagne, port, gare,... l'endroit : intérieur ou extérieur, chambre, bureau, parc, le moment : jour ou nuit, l'heure l ambiance : météo, environnement sonore, agitation, Exemple : Scène 1. La rencontre Lieu : Porrentruy, collège Thurmann Endroit : devant la porte d entrée principale Moment : à 9h du matin Ambiance : il pleut, avec une légère brume. L école semble déserte. - Monsieur André : Vous êtes Madame Gasser? - Madame Gasser : Oui - Monsieur André: Bonjour Madame. - Madame Gasser: Enchantée - Monsieur André: Je suis André Mermoud, le directeur de l école. Soyez la bienvenue. - Madame Gasser: (un peu empruntée) Ah justement, je voulais vous voir - Monsieur André: (sûr de lui) Je suis au courant. J ai vu votre fils. - Madame Gasser: Il vous a dit pour - Le fils arrive en courant - Monsieur André: (cordial) Oui. Le voilà justement qui arrive Entrons, je vous prie. Scène 2. L entretien Les mêmes protagonistes, à l'intérieur du bureau du directeur. 2.2.5 Le story-board Il sert de complément à la continuité dialoguée du scénario lors du tournage. Il correspond à un système visuel des dialogues avec un découpage séquentiel scènes / plans, à chaque fois numérotés. Le story-board décrit les scènes dans l'ordre prévu dans le film définitif. Comme la continuité dialoguée, il définit l'univers de la séquence, le lieu, l'endroit, le moment, l ambiance. On rajoute la liste des personnages présents dans chaque scène, avec des indications supplémentaires nécessaires pour la mise en scène (éclairage, son) ou le jeu des acteurs (costumes, accessoires). Le story-board comporte aussi la succession des plans pour chaque scène, les répliques des personnages, les indications scéniques et toutes les précisions techniques indispensables au tournage (mouvements de caméra, ). C'est une suite d'images dessinées ou de photos présentant le film découpé plan par plan. Les images doivent être simples et compréhensibles. Les déplacements des acteurs sont indiqués par des flèches. Les mouvements de caméra ou les changements de focales sont indiqués par des flèches et des explications. 5

Les interactions entre les événements et les personnages sont difficiles à gérer si elles sont trop nombreuses et trop complexes, ce qu'elles sont dans la réalité et avec de vrais acteurs. On comprendra que le travail qui consiste à synthétiser totalement la mise en scène, à tout imaginer dans le moindre détail, à tout dessiner peut devenir très fastidieux s'il y a trop de paramètres (c'est à dire trop de mouvements, de gestes, de positions) à gérer dans un plan et d'un plan à l'autre (car il faudra raccorder les plans entre eux!). Remarque Un story-board est, à la base, une description imagée des futures scènes et plans du film. Ce document est généralement élaboré par des dessinateurs. Si vous n êtes pas doué en dessin (comme moi ), vous devrez utiliser des mots et des phrases pour «imager» votre projet. En vous lisant, on devrait pouvoir «visualiser mentalement» chaque séquence. Rappel Une scène (appelée aussi séquence) est une série de plans continus ou un plan séquence qui forme une unité narrative : unité de temps, unité de lieu, unité d'action. Ainsi une scène pour le cinéma est-elle faite de plusieurs plans, en raison des cadrages qui changent souvent pour coller de près à l'action, pour l'exprimer. On définit pour chaque scène : (à reprendre de la continuité dialoguée) le numéro de la scène les acteurs présents le lieu l'endroit le moment l ambiance On définit ensuite pour chaque plan : le numéro de plan le type de plan (plan large, gros plan,...) la mobilité de la caméra : plan fixe ou en mouvement s il y a un mouvement de la caméra, on indique * le type de mouvement (travelling, panoramique, ou les deux) * le plan de départ (type et cadrage) * le plan de fin (type et cadrage) * un plan fixe peut comporter un zoom (avant ou arrière) la durée de chaque plan le dialogue des acteurs avec des indications précises sur le jeu de ces derniers l'ambiance et les indications sonores (si celles-ci diffèrent de celles de la scène). Utile En annexe, vous trouverez à la fin de ce module des modèles de documents utilisables pour élaborer votre scénario. 2.2.6 Le plan de travail Il indique l'ordre dans lequel les différents plans des différentes scènes vont être filmés. C'est un découpage plan par plan, une organisation du tournage en fonction des lieux de tournage, selon le story-board et non selon le déroulement de l'histoire. Cela évite de se déplacer plusieurs fois au même endroit à des moments différents. 6

2.2.7 La bible C'est la liste des protagonistes du film et leurs descriptions brèves, afin de les contacter en cours de production (téléphone, adresse des hôtels, adresse personnelle, email,...). Il y a trois grands groupes : le groupe artistique liste des différents acteurs principaux, secondaires, cascadeurs, doublures, figurants le groupe technique liste de l'équipe technique : réalisateur, opérateur, cadreur, ingénieur du son, artificier, décorateur, script, électricien, accessoiriste, et leurs assistants le groupe prestataire liste des prestataires de locations : matériel sons, lumières, images, liste des lieux de tournage, de cantine, de transport, des hôtels. Remarque Toutes les étapes ne sont pas toujours utiles. Dans la pratique, on se contente seulement de 1, 2, 5, 6 et 7, parfois moins. Le modèle évoqué ci-dessus correspond à un film de long métrage, donc à plus ou moins 80 minutes, mais cela, on s'en doute, est très théorique. 2.3 Les constituants essentiels de tout scénario Un scénario est un élément indispensable à l'élaboration d'un film. C'est un récit narratif et descriptif présenté sous une forme proche du texte de théâtre. Ecrire un scénario consiste à créer des images, à construire un récit qui sera filmé. Ce n'est en aucun cas un texte littéraire, poétique, mais un exposé précis, concret et bref de ce que le spectateur verra à l'écran. Un scénario n'est pas destiné à être lu mais à être vu. L invention de l histoire - l idée du film C est le point de départ du film, ce qui met en branle un processus de création. L idée d un film peut avoir pour origine le désir de raconter une histoire à partir d un fait de société ou d un fait divers d un fait historique d un roman d une bande dessinée d une biographie d un événement personnel d un phénomène particulier d une invention mentale Le travail autour de l idée et la recherche d un sujet Il implique le développement de l idée de départ à travers la mise à jour d un véritable sujet qui donnera toute son envergure au film et déterminera la nature du travail à poursuivre. Cela implique souvent un sérieux effort de recherche de documentation ou d imagination. La narration Deux règles gouvernent la narration : la clarté et la description. La clarté, car le scénario sera lu par plusieurs personnes, dont d éventuels producteurs, et qu il faut tout de suite qu on 7

comprenne l histoire. La description, car le scénario est avant tout un outil de travail qui doit être précis pour les acteurs, le réalisateur et tous les autres intervenants. Le réalisateur et ses assistants le dissèquent pour préparer le tournage, évaluer tous leurs besoins. Tous les techniciens s'en servent pour mettre en place décors, lumière et costumes. Le chef opérateur, l'équipe chargée des effets spéciaux, le compositeur, le monteur, et les acteurs, toutes les personnes qui vont participer à l'aventure du film auront un exemplaire du scénario en main, et ils ont tous besoin d'y trouver des informations claires. Cet outil est susceptible d'être remanié tout au cours du tournage. Remarque Le fait que vous entrepreniez seul la création de votre film ne vous dispense pas de penser à tous les aspects possibles. Vous devrez certainement pratiquer plusieurs des métiers cités ci-dessus! Le scénario sera alors votre pense-bête! 2.4 Les fondements d un bon scénario : histoire, construction et personnages 2.4.1 Histoire L histoire implique une intrigue très structurée. Celle-ci doit monter en puissance par paliers successifs en suivant une stricte progression. Le modèle narratif de référence est celui d Hollywood, qui fonctionne en trois actes. Il peut servir de modèle pour vos débuts. Le premier acte permet de présenter rapidement le protagoniste, l'univers dans lequel il vit, la situation dans laquelle il se trouve au moment où débute le film. Soudain survient un événement, l incident déclencheur, qui va bouleverser l'équilibre de ce personnage, le pousser à faire un choix difficile, ou alors lui faire désirer quelque chose de nouveau. Dès lors, le héros de l'histoire a un objectif qu'il va tout faire pour atteindre. L'histoire à proprement parler peut alors débuter. A ce stade, il faut diffuser les informations essentielles sans trop en dire et ménager un intérêt dramatique («suspense») pour le spectateur. Le deuxième acte représente la majeure partie du scénario. Le protagoniste met tout en œuvre pour atteindre son objectif mais de nombreux obstacles se mettent en travers de sa route, parfois incarnés par un personnage, un antagoniste. Les obstacles s'enchaînent et gagnent sans cesse en intensité jusqu'à un point de non retour, le climax, au cours duquel le protagoniste va devoir mener l'ultime combat (que ce soit un personnage ou un événement). A ce stade, le héros a atteint son objectif ou il a échoué. Le troisième acte montre les résultats, les conséquences de l'histoire. C'est la partie la plus brève du scénario. 2.4.2 Construction du récit Pour soutenir l'intérêt du spectateur, il ne faut pas le perdre en route. En un mot, il faut le captiver. Etablir une progression continue et bien construite est nécessaire. Il faut en effet que toute scène avance en répondant à d'autres questions qui ont été posées précédemment. Chaque scène et chaque plan doivent progresser et devenir meilleurs ou 8

pires. Il en est de même pour les dialogues, chaque réplique doit faire avancer l'histoire, informer le spectateur sans en avoir l'air. Etant admis qu'une progression dramatique est souhaitable, nécessaire, il est évident que l'on devra parvenir à un paroxysme ou «climax» de préférence dans le dénouement, celuici étant le point culminant de cette progression, l'aboutissement d'une série de crises et de temps forts dont il est le plus important. N'oublions pas cependant que trop de temps forts risquent surtout de nuire. Tout est question de dosage par rapport aux enjeux, aux émotions exprimées dans le film, au rythme souhaité. Celui-ci naîtra de la combinaison des mouvements internes aux plans et du montage. Pour «capturer» le plus tôt possible le spectateur, on utilise ce qu'on appelle une accroche, c'est à dire une entrée en matière qui doit être immédiatement captivante. Attention cependant à ce que l'accroche ne soit pas trop spectaculaire ou trop forte pour ne pas dévaluer la fin ou ce qui suit. Elle doit être bien intégrée dans la progression dramatique. Cependant, il ne suffit pas d'avoir su éveiller l'intérêt du spectateur, encore faut-il le garder attentif jusqu'à la fin du film! D'où la nécessité de cette progression, indépendamment de toute considération esthétique. L'exposition, qui est la plage du film où il doit y avoir la plus forte concentration d'informations (celles-ci ne doivent surtout pas avoir l'air d'en être!) doit être dramatisée, c'est à dire parfaitement intégrée à l'action, et sa durée gagne à être limitée. Pas de distribution gratuite de l'information, moins on explique, mieux ça vaut. Le spectateur a une propension naturelle à anticiper ce qui va se passer. On peut jouer avec cette anticipation, le devancer, le surprendre. Le spectateur doit tout comprendre, même et surtout ce qui n'est pas explicité. Encore faut-il que ce soit possible! Ceci dit, une histoire peut être intéressante même s'il n'y a pas de suspense. L'intérêt du spectateur doit être cependant maintenu en éveil, même si personne n'est en danger dans le film. Pas besoin de tout casser à chaque séquence Dernier détail : notre oeil repère particulièrement bien ce qui est répétitif, tant il est habitué à l'infinie diversité de tout ce qui est naturel et vivant. Ainsi l'utilisation de cycles doit-elle être savamment dosée, et l'on a remarqué qu'au delà de deux fois et demie, la répétition est repérée et perçue comme gênante. 2.4.3 Personnages Pour la création des personnages, voici deux conseils de travail. Créer une liste de personnages avec déjà quelques caractéristiques (psychologiques, sociales, physiques, comportementales) que vous compléterez par la suite. Ce travail permet une évolution des personnages. Créer un deuxième tableau sur lequel vous fixez les différents moments de l histoire sur un axe horizontal. Vous pouvez ainsi parfaitement visualiser la progression de l intrigue et cocher les moments où interviennent vos personnages. Ceci vous renseignera doublement sur la fréquence de leur utilisation, avec parfois des déséquilibres à réparer, et sur la pertinence du moment où vous les faites apparaître. 9

Règles immuables et universelles Tout d'abord, le protagoniste doit être solidement caractérisé, ses actions, ses réactions, sa manière de parler, de se mouvoir, ses tics, ses manies, son allure générale doivent permettre au spectateur de le comprendre, de le connaître, pour pouvoir s'identifier à lui, ou, tout du moins, pour adhérer à sa quête. Ensuite, l'objectif de ce personnage doit être assez puissant pour le motiver tout au long de l'histoire, il doit vraiment tout mettre en œuvre pour atteindre son objectif. Sinon, le spectateur ne pourra pas s'impliquer profondément dans l'histoire. Construire les personnages est véritablement tout un art, toute une alchimie complexe et subtile. Leur crédibilité dans la logique du récit doit être bien établie et suffisamment convaincante pour paraître naturelle, pour qu'ils puissent jouer ce rôle : nous entraîner dans leur jeu, nous convaincre de leur réalité, rendre crédibles et inévitables leurs actes, les événements auxquels ils participent, nous captiver... Comme le font de nombreux romanciers, il peut être utile d'établir des fiches sur les personnages, leur inventer une identité, un état civil, une vie quotidienne, une famille, un entourage, une psychologie. Il n'est généralement pas souhaitable de tout expliciter au spectateur, et même doit-on ménager des zones d'ombre qui elles aussi contribuent à tenir en éveil la curiosité. 2.5 Un ingrédient essentiel : l art du dialogue Présenter des faits et fournir des informations au spectateur C est la fonction la plus évidente, mais elle est à utiliser avec prudence. Il ne s agit pas de tout dire tout de suite à travers la voix des personnages, mais de rendre possible une gradation de l intérêt dramatique par ce qu ils disent ou ne disent pas. Faire progresser et dramatiser l action grâce à des paroles charnières Parfois, un mot ou une phrase peut faire basculer l histoire du film. Le père : Adeline, ma fille, irais-tu me chercher un verre d eau? La fille : Je ne suis pas ta fille! Maman me l a avoué ce matin! Nous assistons ici au basculement irrémédiable du rapport entre deux personnages à partir d une seule réplique qui annonce également l entrée du spectateur dans une autre dimension de l histoire. Caractériser les personnages par leur manière de parler Les répliques peuvent en effet permettre de les cerner culturellement, socialement et psychologiquement. Ici, on jongle avec le vocabulaire et les réactions. Un personnage peut s exprimer comme un expert, ou seulement par onomatopées. Il peut aussi apparaître complètement à côté du sujet traité. 2.6 Penser à la mise en images et en sons Dramatiser le déroulement du film, affiner les dialogues, rendre les personnages crédibles, tout cela est nécessaire. Mais un dernier point mérite d être étudié : le choix des décors visuels et sonores. 10

Un film historique (tel que Amadeus, de Milos Forman) ne pourra pas être tourné au centre de New-York et être accompagné de musique techno! Si l on veut plonger le spectateur dans une époque différente, il faut l immerger dans les décors visuels et sonores adéquats. Dans ce but, il est vivement recommandé d effectuer des repérages et des recherches à l avance, afin de dénicher les décors adaptés. Il en va de même pour les sons et la musique. Ces deux aspects contribuent grandement à la qualité du produit fini. 2.6.1 Repérages Si, dans votre scénario, vous prévoyez de dérouler une action dans un lieu précis, alors vous avez deux possibilités : soit ce lieu existe déjà, soit il faudra le créer! Comme l amateur éclairé n a généralement pas les moyens de fabriquer des décors, il devient nécessaire de repérer à l avance un ou plusieurs endroits pouvant convenir à chaque scène. On peut concevoir de tourner un film en huis clos, dans une seule pièce, mais il faut un talent certain pour dissiper la monotonie que peut engendrer ce genre de tournage. Même les scènes de théâtre, qui ne constituent à la base qu un seul «volume», changent plusieurs fois de décor en cours de pièce. Plusieurs décors différents sont donc généralement nécessaires. En plus, selon qu ils sont intérieurs ou extérieurs, ils offrent chacun un éclairage différent. Si l on dispose d un éclairage artificiel, celui-ci est relativement constant. Il n en va pas de même si une lumière naturelle entre en jeu, le soleil en particulier. Lors du repérage des décors, il est donc judicieux de penser à : l adéquation du décor avec l action prévue le genre d éclairage disponible, ainsi que le réseau électrique l infiltration de rayons solaires (qui empêche toute simulation de scène nocturne) la présence de nuisances sonores (aéroport, travaux, bruits d appareils, d activités) ce qu on voit de l intérieur vers l extérieur, à travers les fenêtres les anachronismes (tubes au néon dans un corridor de château) les possibilités et horaires d accès le genre de voisinage (personnes âgées ou peu tolérantes) Il sera peut-être nécessaire de demander l autorisation de fréquenter les lieux. Faire preuve de tact en avertissant les voisins à l avance sera aussi une bonne chose. 2.6.2 Recherches musicales Il est des films dans lesquels la musique devient un véritable «personnage», tant sa présence est évidente et judicieuse. Sans elle, le film ne serait pas pareil (Amadeus, encore lui ). Et ce qui concerne la musique vaut aussi pour les bruitages et les ambiances sonores en général. Choisir l ambiance sonore la plus adaptée n est pas évident. Les goûts du réalisateur interviennent forcément. Mais les impératifs du scénario priment sur les affinités personnelles. Et il est bon de posséder une discothèque élargie pour illustrer une production vidéo d une manière autant diversifiée qu adaptée au propos. Rappel L utilisation de musique soumise à des droits d auteur n est admise que dans le cadre familial. Toute utilisation commerciale est interdite, à moins de payer les droits. 11

Conclusion Au terme de cette présentation des grands principes de l écriture du scénario cinématographique, j espère que vous êtes prêt à franchir le pas et à vous lancer dans la rédaction proprement dite. Je vous conseille au départ de travailler à deux pour croiser les points de vue, ce qui est toujours bénéfique dans la pratique de ce type d écriture. 2.7 Les 10 erreurs les plus courantes dans l'écriture d'un scénario Erreur n 1 : L'idée de l'histoire n'est pas originale, voire constitue même un plagiat. Erreur n 2 : Les scénaristes ont souvent recours à un genre non adapté pour développer leur idée, ou alors ils imposent à leur idée les rythmes prédéterminés du genre au lieu de trouver des événements spécifiques à l'idée. Erreur n 3 : Ils pensent que pour écrire un scénario qui marche, il suffit de trouver LE bon concept. Mais ils ignorent comment développer l idée à partir des deux ou trois scènes suggérées par ce concept, pour en faire un scénario de 100 pages. Erreur n 4 : Ils ne savent pas comment rattacher l'histoire aux 3 principaux actes de l'histoire, l'intrigue n'arrive donc pas à se dégager du personnage et le personnage principal ne change pas. Erreur n 5 : Ils construisent un héros qui est un individu isolé et qui présente une liste de traits de caractère superficiels au lieu de faire partie d un réseau de personnages, chacun étant structuré différemment des autres. Erreur n 6 : Ils essaient de créer leur intrigue en utilisant la structure en 3 actes, ce qui ne fonctionne pas et qui est responsable de faiblesses en milieu d'histoire, au lieu d'utiliser les 22 étapes de toute grande histoire qui bâtissent une intrigue progressant sans à-coups du début à la fin. Erreur n 7 : Ils n'arrivent pas à donner de faiblesse morale ainsi qu'émotionnelle à leur héros au début de l'histoire. Erreur n 8 : Ils ne savent pas comment créer un univers autour de l'histoire et comment le relier au héros. Erreur n 9 : Ils pensent que l'histoire est portée par les dialogues, ou alors ils obligent les dialogues à faire le travail que devrait faire la structure. Erreur n 10 : Ils ignorent que la réécriture est un savoir-faire et non du bricolage. Ils réécrivent alors dans le mauvais ordre, et leur deuxième version est encore pire que la première. 12

3 Documentaire 3.1 Introduction Contrairement à ce qu on pourrait penser, un documentaire ne se tourne pas «sur le vif». La plupart du temps, il prend naissance sous forme de scénario. Bien qu un réalisateur puisse, dans l absolu, griffonner quelques notes avant de se lancer dans le tournage, il aura tout intérêt à préparer son travail dans le terrain. Cela lui fera gagner du temps. Mais comment coucher sur papier un parti pris de mise en scène, comment anticiper le contenu d interviews qui n ont pas encore été enregistrées, exprimer son propre point de vue sur des images qui n ont pas encore été tournées? 3.2 Qu est-ce qu un documentaire? Il existe diverses formes de documentaires, de part leur durée, mais aussi et surtout, de part leur forme. Parmi ses diverses déclinaisons : documentaire historique, géographique, animalier, scientifique, littéraire, pictural, etc «making of» (montre comment un film a été tourné, comment un spectacle s organise) portrait (célébrités ou personnages du quotidien) film d observation biographie enquête Certains documentaires s apparentent au reportage (réalité filmée en «direct»), d autres à la fiction. Dans certains cas, le documentaire est strictement construit comme un long métrage de fiction : structure en trois actes, protagoniste qui mène une enquête, obstacles, suspense, climax et résolution. Mais, quel que soit sa forme ou son sujet, un documentaire se base sur le réel : un fait, un lieu, un épisode historique ou un personnage existant. Le postulat de départ est toujours le même : on prend appui sur une réalité pour en dire plus, pour montrer quelque chose de plus large. Il s agit pour l auteur d identifier ce qui, dans cette réalité, peut constituer une histoire. C est là que documentaire et fiction se rejoignent. Dans les deux cas, on parle d histoire, de thème, de point de vue de l auteur, de situations, voire même de personnages. Dans les deux cas, l étape du scénario va se révéler nécessaire. Le documentaire met en relation (comparaison, connexion) un sujet réel avec la vie des spectateurs, mais c est aussi une narration, une façon particulière de conter une histoire. 3.3 Comment écrire un documentaire? 3.3.1 Préparation Le documentaire est avant tout un travail de réflexion, de conception à partir d un sujet réel. Comme c est le cas pour l écriture d une fiction, l auteur commence par s informer sur le sujet, fait des recherches (bibliographie, filmographie, Internet ). Dans le cadre d un documentaire, les repérages sont nécessaires dès la phase d écriture. C est également au cours de cette genèse du projet que vont avoir lieu les premières rencontres avec les personnes qui seront filmées et interviewées. En effet, ces intervenants se trouvent soudain en position de comédiens : ils vont devoir interpréter leur propre rôle, du point de vue du réalisateur. Comme dans une fiction, ce sont ces personnes (personnages) 13

qui vont séduire le public, le pousser à s identifier, s impliquer dans le récit, ce sont eux qui vont créer une émotion dans le film. Le public va être d autant plus touché par les «héros» du film qu il sait que ces personnes existent réellement. C est la grande force du documentaire : la réalité est plus forte que la fiction. Ce cinéma du réel doit être attractif pour le spectateur, il a une dimension de spectacle, de divertissement. C est la raison pour laquelle on applique le terme de narration, voire même de dramaturgie, au documentaire. Il faut penser, au cours de l écriture, à un casting, au rythme du récit, éventuellement à créer des amorces, du suspense. En faisant des recherches, il faut non seulement se concentrer sur les faits liés au documentaire, mais aussi sur la manière de les montrer clairement au public. Une fois que l auteur s est bien «immergé» dans son sujet, il va devoir faire des choix. Tout d abord, il définit clairement le sujet et le thème de son film. Puis il doit sélectionner les éléments qui servent le mieux son propos : choix de lieux, choix de scènes, de situations, de personnes Ecrire un documentaire, c est aussi se demander ce qu on veut expliquer à travers ce film, quels seront les principaux points abordés et leurs liens entre eux, quelles seront les images susceptibles de fournir des indices supplémentaires. Le film doit passer par plusieurs phases : questionnement, explication et conclusion. Diverses structures permettent d illustrer cette explication : énumération (un phénomène et plusieurs causes) cause / conséquence (la conséquence devenant la cause d une nouvelle conséquence) problème / solution (problème, cause du problème, solution) comparaison (différences, ressemblances, similitudes) Les options qui s offrent à l auteur sont vastes, une grande partie du travail de préparation du documentaire consiste à effectuer ces choix. Il n y a pas de formule type, de parti pris de réalisation meilleur que les autres. La seule chose à garder en tête au moment de l écriture, c est que la forme doit suivre la fonction, c est à dire que le projet rédigé sur papier doit suggérer le genre de film qu on souhaite réaliser, que le langage utilisé doit être cohérent avec le style de ce film. 3.3.2 Dossier Le dossier d un documentaire se compose d une note d intention, d un synopsis et du scénario lui-même. Dans la note d intention, l auteur expose rapidement le sujet de son film, la trame de l histoire, les lieux et les personnes qu il compte filmer, mais il doit surtout défendre son point de vue sur le sujet abordé, son désir de le traiter, l angle qu il a choisi. Deuxième point capital, le réalisateur doit convaincre de l intérêt, de l émotion que le spectateur peut retirer de ce documentaire. Ce texte est sensé permettre aux lecteurs de visualiser ce que seront le ton et le «message» du film. Bref, qu elle s applique au documentaire ou à la fiction, la note d intention remplit toujours la même fonction : convaincre, séduire, résumer le contenu, ses intentions, expliquer le but et la démarche. 14

Le synopsis résume, étape par étape, le structure du futur film et son contenu. Il fait un bref rappel du sujet traité, du contexte historique, géographique, sociologique, s il y a lieu de le faire. Il peut également dresser un rapide portrait des personnes qui apparaîtront dans le film. Le rôle de ce document est de donner envie de lire le scénario, il doit donc le représenter avec fidélité, tant par le style que par le rythme. Lorsque le sujet est traité d une façon très proche de la fiction, il vaut mieux prendre la peine de rédiger un «vrai» scénario. Ecrire des dialogues précis dans un scénario de documentaire n est pas une façon de «truquer» la réalité au moment du tournage, mais d affirmer dès l écriture que la parole sera mise au premier plan dans le futur film. Un documentaire n est pas tenu de décrire la réalité de façon brute, de respecter la chronologie des évènements, ni d utiliser une narration linéaire. Quand le film, par son concept, s éloigne de la fiction, il vaut mieux rédiger un story-board qui fait l inventaire de chaque élément du film : scènes, plans, interviews, extraits de films, photos, et montre la manière dont ils seront organisés entre eux. Ce scénario (ou story-board) est en quelque sorte le récit d une réalité dont l auteur a été témoin au moment des repérages et qui lui a donné un désir de film, réalité qui sera réaménagée au moment du tournage. Le scénario de documentaire suggère comment le film sera organisé pour communiquer les informations au public, mais ce n est pas un texte figé, seulement un outil de travail, de prospection, dont l écriture va évoluer au cours du tournage et du montage. 3.3.3 Tournage Alors que sur le tournage d un film de fiction, le scénario est un outil prépondérant et utilisé par chaque intervenant, le réalisateur de documentaire va se détacher de cet outil au moment du tournage. Il ne s agit pas de faire rejouer aux personnes filmées des scènes déjà observées par l auteur, de mettre dans leurs bouches des phrases écrites dans le scénario. Quant au réalisateur, il a besoin de retrouver de la nouveauté face aux images qu il tourne. Sur le tournage du documentaire, le scénario a cependant un rôle de médiateur à jouer : il est un outil de dialogue entre le réalisateur et ses techniciens, un témoignage de ses envies, ses partis pris de mise en scène. Si vous filmez seul, c est un pense-bête. De bonnes images ont besoin d être préparées, planifiées. Ce qui va être montré au spectateur n est qu une abstraction, une interprétation de l événement originel. Le scénario joue le rôle de référence, de garde-fou.. 3.3.4 Montage C est précisément parce que le tournage d un documentaire apporte un lot de fraîcheur, de surprise, d imprévus, que l étape du montage va s avérer une phase d écriture à part entière. Le produit filmé ne sera pas forcément fidèle à son concept sur le papier. L auteur qui, au stade de l écriture, ne pouvait qu imaginer ce que ses personnages allaient faire ou dire devant la caméra, se retrouve avec des minutes, voire des heures, d images spontanées qui peuvent tout aussi bien conforter que contredire son propos d auteur. Là encore, le réalisateur va devoir faire des choix, du tri parmi toutes les heures de rushes à sa disposition. 15

C est le montage qui va donner au film une cohérence, souligner les enchaînements entre les diverses parties du récit, créer une unité visuelle. Cette étape va jouer un rôle très important au niveau du rythme du film, surtout quand il repose sur de nombreuses interviews. Dans un premier temps, le montage permet de supprimer tout ce qui redondant dans le discours des interviewés, tous les temps morts. Mais il offre au réalisateur bien d autres possibilités pour rendre les images plus dynamiques, pour créer des enjeux, voire du conflit : faire s entrecroiser les interviews par exemple, ou encore, les décomposer en plusieurs courts passages qui seront disséminés tout au long du film. Ecrire un scénario de documentaire est une démarche qui peut sembler ardue de prime abord, parce qu elle oblige l auteur à anticiper un réel qui n a pas encore eu lieu. Une bonne idée n est pas suffisante pour donner naissance à un bon film, encore faut-il présenter une histoire, des personnages, des enjeux. Mais cette étape est aussi un moyen de prendre du recul sur le sujet du film, de se poser des questions, de donner de la maturité au projet. Tourner un documentaire, c est filmer l inconnu, et l écriture y prépare. 3.3.5 Remarque concernant la durée Dans le monde professionnel de la télévision, les documentaires ont une durée bien définie : 13, 26, 52 ou 90 minutes! Cet impératif découle des grilles horaires attribuées aux émissions, qui sont assez rigides. Et bien souvent aussi, les documentaires sont produits en série, et doivent donc avoir l une de ces durées. Cela facilite la programmation. L amateur éclairé peut s affranchir totalement de ces principes, et donner à son produit la durée qui lui convient! 4 Reportage 4.1 Introduction Dans un reportage, on filme un ou des événements, que l on essaie de montrer au spectateur de la manière la plus objective possible. Dans ce genre de film, l imprévu prend encore plus de place que dans le documentaire. Certains reportages peuvent avoir un caractère «prévisible» (par exemple le Festival de Cannes, dont le déroulement est connu) ou totalement aléatoire (un conflit entre deux pays). A l extrême, le réalisateur peut se trouver complètement débordé par les actions qui l entourent. Il ne peut alors qu essayer de suivre le mouvement, et filme comme il peut. Il est donc parfois difficile de prévoir un contenu à l avance (scénario). De même, Il peut être impossible de vouloir adopter un point de vue, d expliquer des causes, d illustrer les événements à l aide d interviews, ou de «prouver» ce qu on avance. La seule possibilité de «filtrer» un reportage consiste à montrer ou ne pas montrer certaines séquences tournées sur le vif, lors du montage. 4.2 Faut-il un scénario? Je serais tenté de dire non. Du moins, pas aussi détaillé que ceux de la fiction ou du documentaire. Mais je persiste à croire qu il est bénéfique de préparer, autant que faire se 16

peut, le tournage dans le terrain. La préparation peut alors se résumer à une liste de questions : que vais-je essayer de filmer (le thème)? à quel endroit vais-je essayer de me placer (quels cadrages)? si on me refuse un accès, quel autre endroit pourrais-je choisir? que vais-je dire en introduction? quels «acteurs» peuvent se trouver sur le lieu de l action? quelles personnes vais-je essayer d interviewer? quelles questions vais-je poser à ces personnes si je peux les rencontrer? J ai volontairement tout écrit au conditionnel. Les événements nous imposent leur loi, et l on a déjà vu des reporters revenir bredouilles 5 Animation L animation exhale un très fort parfum de fiction. Le cas le plus connu est le dessin animé. Mais on peut animer tout et n importe quoi. Par rapport à la fiction, la différence principale réside dans la manière de filmer. En effet, une animation est bien souvent constituée d une multitude de plans fixes, très courts (parfois une seule image), assemblés bout à bout. C est donc principalement l étape du tournage qui est concernée. Ce qui me fait dire que l étape du scénario reste en tous points comparable à celle de la fiction. Peut importe qu on montre des personnages réels ou virtuels. Comme dans la fiction, on devra créer l histoire, les dialogues, exprimer des «sentiments», choisir des cadrages, des éclairages, des séquences sonores. J irai même plus loin : il faudra être très précis en ce qui concerne l ordre des prises, afin de ne pas être noyé dans un fatras de fragments d images au moment du montage. Le scénario devra donc être très détaillé. Il faudra aussi prêter une grande attention à l identification (donc à la séquence) des différentes prises de vues. 6 Clip vidéo Le clip vidéo (divertissant ou publicitaire) est une fiction en tout petit. Un clip dure généralement entre 1 et 5 minutes. Si la durée moyenne d un plan dans une fiction est de 5 à 10 secondes, elle peut baisser à 2 secondes, voire moins, dans un clip. La plupart du temps, les séquences et les plans s enchaînent à une cadence hyper rapide. Ceci dit, rien ne change par rapport à la fiction. On tourne des séquences très brèves, mais les exigences sont les mêmes quelle que soit leur durée : décor, costumes, éclairage, L écriture d un scénario est donc recommandée, si ce n est obligatoire. Une seule chose peut changer dans le cas d un clip musical : les dialogues sont remplacés par des paroles de chanson. 17

7 Interview L interview est un genre en soi, mais très souvent intégré dans des documentaires ou des reportages. Ici, c est surtout le contenu textuel (voire personnel ou émotionnel) qui prime, alors que les décors, les costumes, les illustrations sonores peuvent être réduits à un minimum. A priori, on ne recherche pas non plus une progression dramatique. Néanmoins, une interview devrait être menée (et filmée) selon des règles assez strictes. 7.1 Préparation de l interview 7.1.1 Déterminer le type d interview On peut envisager une interview sous 5 facettes : l explication (l interlocuteur vous parle d un sujet donné) le portrait (montrera le parcours et la personnalité de l interlocuteur) le témoignage (on aimerait obtenir le récit d un événement) la déclaration (on désire enregistrer des commentaires sur un événement récent) le micro-trottoir (on souhaite avoir le reflet de l opinion publique sur un événement) 7.1.2 Choisir le mode d interview On détermine ensuite l orientation de l interview. : non-directive (peu de questions, très ouvertes, pour susciter l envie de parler) directive (on n utilise que des questions, plus ou moins ouvertes) semi-directive (fait appel à des questions et à des reformulations) 7.1.3 Adapter les questions Selon le genre de développement souhaité, on prévoira des : questions fermées : réponse par oui ou non Exemple : Etes-vous d accord d augmenter les impôts? questions à choix multiples : aucune, une ou plusieurs réponses possibles Exemple : Préférez-vous augmenter les impôts ou les taxes? questions semi-ouvertes : réponses brèves et précises Exemple : Combien de? Qui peut? Quand doit-on? Où peut-on? questions ouvertes : permet des réponses détaillées, une argumentation longue Exemple : Que pensez-vous d une éventuelle augmentation d impôts? Remarque : les questions trop fermées peuvent limiter l interlocuteur, et on peut alors rater une explication plus développée et peut-être enrichissante. 7.1.4 Organiser l interview Cela revient à choisir un thème plus ou moins précis, et à s y tenir poser en premier les questions les plus importantes se documenter au préalable sur les sujets qui seront abordés s informer sur l interlocuteur avant de le rencontrer évaluer une durée approximative de l interview. 18

7.2 Déroulement de l interview 7.2.1 Quelques principes à respecter arriver à l heure convenue ; un retard pourrait être perçu comme un manque d intérêt se présenter à l interlocuteur, et présenter l objet de votre démarche et sa finalité citer les modes de diffusion envisagés (téléréseau, cinéma, internet) annoncer le temps prévu pour l interview choisir un endroit calme et confortable, où l on ne sera pas dérangé mettre l interlocuteur à l aise en échangeant des propos informels avant de commencer ne poser qu une seule question à la fois si vous interviewez plusieurs personnes, éviter qu ils ne parlent en même temps 7.2.2 Usez de psychologie Gardez à l esprit que le langage gestuel exprime nos sentiments et apparaissez détendu. Votre interlocuteur le ressentira, et se sentira en confiance. Ce sera tout bénef Si l entretien doit durer longtemps, prévoir des boissons pour l interlocuteur. Cela répond à un besoin pratique et engendre la sympathie. Vous devez absolument éviter : de reposer les mêmes questions de donner votre propre avis sur le sujet ; c est celui de l interlocuteur qui est important de jouer à l expert ; au contraire, feignez l ignorance, vous obtiendrez plus d infos d accepter une réponse imprécise ; au besoin, reformulez la question de «meubler» les silences avec des mots ; un silence amène une «tension» que votre voix empiète sur celle de l interlocuteur (facilité pour le montage à venir) Il est donc utile de laisser des temps morts entre les questions et les réponses. Cela peut aussi laisser un temps de réflexion à l interlocuteur, et amener des compléments d information. Si possible, essayez de récolter des anecdotes qui dynamisent le récit. Cela est plus facile en fin d interview, quand l interlocuteur est plus relax. En fin d interview, demandez à l interlocuteur s il a quelque chose à ajouter. En fonction du sujet, vous pouvez aussi lui demander de résumer ce qu il a dit. Cela peut constituer une belle clôture. 7.3 Aspects techniques placer l interlocuteur devant un décor foncé (pas de surface claire ni de fenêtre!!!) le «journaliste» se place en face de l interlocuteur la caméra est placée à côté du «journaliste» ne pas centrer l interlocuteur au milieu de l écran, mais le décaler à 1/3 ou 2/3 de l image utiliser 2 sources de lumière : 2/3 en éclairage général, 1/3 en direct sur le visage au besoin, ajouter un 3 ème éclairage d appoint, en arrière-plan en extérieur, placer l interlocuteur à 30 degrés du soleil, pas de face contrôlez le niveau sonore d enregistrement s il y a trop de bruit ambiant, utiliser un micro directif ou externe (rapproché) vérifier que la caméra a bien démarré l enregistrement 19

8 Souvenirs personnels Le film de souvenirs, c est un reportage avec zéro moyens. On filme comme on peut, ce qui vient. On ne parle plus du tout de scénario Sauf que vous savez généralement à l avance qu il y aura un anniversaire, que vous allez partir en voyage, que les vacances sont prévues dans telle région Alors pourquoi ne pas anticiper un peu ce qui pourrait arriver? Ce que vous pourriez être amené à visiter, à voir, à entendre, les personnes que vous pourriez rencontrer? Ce ne sont pas les guides touristiques qui manquent. Vous trouverez des masses d informations sur internet. Les amis que vous avez invités vous ont peut-être parlé d un truc qu ils ont prévu. Tante Agathe vous a annoncé sa visite samedi prochain. Et vous n avez jamais filmé Tante Agathe Tout cela peut vous permettre de préparer un peu d éventuelles prises de vue. Une chose est sûre : ce que vous n aurez pas filmé ne pourra plus l être, ou du moins pas dans les mêmes conditions. Alors filmez! Et filmez encore! Faites comme les Japonais! Il vous sera facile d enlever les séquences indésirables (ou des fragments de séquence) lors du montage. Et pour ne rien rater, assurez-vous d avoir toujours un support disponible pour enregistrer (cassette, carte mémoire, DVD inscriptible). Rien de plus rageant que de lire le message «Disque plein» au moment crucial. Idem pour les batteries ou les piles. 9 Annexes Annexe 1 : Descriptif global d une séquence Annexe 2 : Découpage d une séquence en plans Annexe 3 : Fiche pour acteur Annexe 4 : Fiche pour personnage Annexe 5 : Fiche pour costume Annexe 6 : Fiche pour accessoire Annexe 7 : Fiche pour véhicule Annexe 8 : Fiche pour repérage 20

Descriptif global d une séquence Film Séquence n Description Personnage(s) Figurants Lieu général Endroit précis Décoration Moment Ambiance Bruitages Costumes Accessoires Maquillage Lumière Véhicules Divers 21

Découpage d une séquence en plans Séquence n Description Plan n Sujet filmé Durée mm :ss Type de plan Mouvement caméra Effets visuels Fond sonore 1 Dialogues Plan n Sujet filmé Durée mm :ss Type de plan Mouvement caméra Effets visuels Fond sonore 2 Dialogues Plan n Sujet filmé Durée mm :ss Type de plan Mouvement caméra Effets visuels Fond sonore 3 Dialogues Commentaires 22

Fiche pour acteur Nom et prénom Disponibilité de à Contact Adresse 1 : Adresse 2 : E-mail : Tel. fixe : Tel. mobile : Tel. prof : Commentaires : Taille / Poids Yeux Cheveux Date de naissance Sexe Origine Tailles de costume Chemise : Pantalon : Veste : Chaussures : Chapeau : Véhicule disponible Remarques 23