Différents aspects de la filière bois en Amazonie brésilienne



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Transcription:

N O T E T E C H N I Q U E MARIE-FRANÇOISE FLEURY Géographe Différents aspects de la filière bois en Amazonie brésilienne L auteur nous décrit ici le réseau complexe du marché des bois dans cette région d Amérique latine et les différents acteurs qui concourent à son déve l o p p e m e n t LE MARCHÉ INTERNATIONAL L Amérique latine détient 56 % du potentiel forestier tropical mondial, l Asie 25 % et l Afrique 19 %. Sur le marché international, l Afrique ne représente que 7 % des exportations des bois tropicaux, alors que l Asie en détient 76 %. Quant à l Amérique latine, malgré son immense réserve, elle ne représente que 17 % du marché, dont 6 ou 7 % reviennent au Brésil. Ce pays exporte 46 % des bois en provenance d Amazonie, dont 80 % sont originaires du seul état du Pará, situé dans la région Nord. Cette faible participation brésilienne au marché international des bois tropicaux, par rapport aux bois asiatiques, peut s expliquer par : la très forte hétérogénéité de la forêt amazonienne qui ne permet pas d obtenir des rendements élevés ; la déficience des infrastructures de transport ; les problèmes politico-économiques qui ont longtemps freiné le développement des zones exploit a b l e s. L exportation des bois amazoniens se fait par l intermédiaire de sociétés spécialisées qui commercialisent 20 % de la production sur le marché international, soit 35 à 40 essences. Ces bois sont exportés sous forme d avivés, de contreplaqués et de plac a g e s. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 1999, N 259 (1) 59

LA FILIÈRE BOIS EN AMAZONIE L état du Pará Pará state L exportation des grumes est strictement interdite depuis la fin des années 70. Les sciages d avivés destinés au marché international correspondent à du premier choix, c est-à-dire à des bois sans défaut. Il en est de même pour les placages et les contreplaqués exportés. L AMAZONIE UN MONDE HÉTÉROGÈNE ET COMPLEXE Cet immense espace occupe une place à part dans l économie du Brésil. Dans les années 70, la création de routes, dites transamazoniennes, a permis au gouvernement en place de désenclaver l Amazonie sur le plan économique. C est à cette époque aussi que le Plan d Intégration Nationale (P I N) fit venir massivement une population «e x t é r i e u r e» originaire du Nordeste. C est donc une véritable «armée agricole» qui s est installée en Amazonie pour bénéficier d un environnement plus favorable et développer l agriculture d abord, l élevage ensuite. Quant à l exploitation forestière, démarrée dans les années 60, elle s est développée à la suite de ces deux types de colonisation pour donner naissance, quinze ans plus tard, à un marché du bois national et international. ESSENCES EXPORTÉES PAR L ÉTAT DU PARÁ ET CLASSÉES PAR ORDRE D IMPORTANCE Nom commercial M o g n o V i r o l a J a t o b a Pau amarelo A n d i r o b a S u c u p i r a Angelim vermelho C e d r o I p é T a t a j u b a T a u a r i M a s s a r a n d u b a C e d r o r a n a Louro vermelho C u m a r u Pau roxo C e r e j e i r a C u r u p i x a J a c a r e u b a Angelim pedra M a r u p a Jacaranda do para F r e i j o Muiracatiara/Gonçalo alves Louro faia/carvalho brasileiro A m a p a P i q u i a P a r á - p a r á A c a p u M a n d i o q u e i r a M a t a - m a t a Q u a r u b a Fava amarela Nom scientifique Swietenia macrophylla Virola surinamensis Hymenaea spp. Euxylophora paraensis Carapa guianensis Bowdichia nitida/ Diplotropis spp. Dinizia excelsa Cedrela spp. Tabebuia spp. Bagassa guianensis Couratari spp. Manilkara huberi Cedrelinga catenaeformis Ocotea rubra Dipterix odorata Peltogyne spp. Amburana cearensis Microphalis spp. Calophyllum brasiliense Hymenolobium petraeum Simaruba amara Dalbergia spruceana Cordia goeldiana Astronium spp. Euplassa spp./roupala spp. Brosimum spp. Caryocar villosum Jacaranda copaia Vouacapoua americana Qualea spp. Eschweilera spp. Vochysia spp. Vatairea guianensis Source AIMEX (Associaçao das Industrias de Madeiras Exportadoras do Estado do Pará). Ces essences (cf. liste ci-dessus) sont employées dans le bâtiment (charpente, menuiserie extérieure et intérieure), en ameublement, en construction navale et pour la fabrication de contreplaqué. LE MARCHÉ INTÉRIEUR Il se compose de deux marchés que se partagent 95 % des exploitants. A lui seul, il absorbe 80 % de la production des bois amazoniens : Le marché national brésilien, qui est et sera de plus en plus demandeur de bois amazoniens parce que les 60 BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 1999, N 259 (1)

THE AMAZONIAN WOOD SECTOR BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 1999, N 259 (1) 61

LA FILIÈRE BOIS EN AMAZONIE sources traditionnelles d approvisionnement en provenance des états du Sud stagnent et que la demande croît avec le développement démographique, économique et urbain du Brésil. Il est alimenté par de grandes unités de transformation qui écoulent ainsi une partie de leurs productions qui ne peut être exportée. Selon les estimations, le marché national commercialise une quarantaine d essences et absorbe environ 60 % des bois d Amazonie. Le marché local, qui présente l intérêt d écouler toutes les productions de second choix qui ne peuvent trouver place sur les deux marchés précédents. Il est alimenté par une multitude de petites entreprises souvent équipées d un matériel rudimentaire. Il permet de fournir aux populations amazoniennes du bois de construction à bas prix, dont la qualité moyenne répond à leur niveau d exigence. Cent cinquante essences seraient utilisées sur ce marché qui absorbe 20 % des bois commercialisés. Sur le marché national comme sur le marché local, les volumes échangés ne sont ni réellement quantifiés ni certifiés quant à leurs origines. En l absence de statistiques, il est donc difficile de connaître les tenants et les aboutissants de cette filière et il est important d utiliser ces données avec beaucoup de prudence. LES ACTEURS DU SECTEUR FORÊT-BOIS Les propriétaires SUR LES SITES D EXPLOITATION Les sites d exploitation appartiennent aux scieurs ou aux exportateurs de bois amazoniens. Ils exploitent eux-mêmes le potentiel forestier acquis sur un site ou plusieurs sites différents (selon les essences recherchées) dans un rayon maximal de 100 à 120 km de la scierie ou du lieu d exportation qui, souvent, sont identiques. Les salariés La main-d œuvre forestière, dont les conditions de vie sont très difficiles, est exclusivement masculine et locale. A 85 % les bûcherons sont des Paraenses qui connaissent très bien leur environnement ainsi que les différentes essences des forêts qu ils doivent exploiter. Seuls quelques Nordestins, après plusieurs années passées en Amazonie, peuvent rivaliser avec les Paraenses. Toute cette main-d œuvre, peu formée et parfois illettrée, se révèle difficile à gérer pour les exploitants. De plus, l absentéisme est important chez les salariés peu motivés par leur travail. Principaux lieux de concentration des scieries en Amazonie (1990) The main sawmills centres in Amazonia (1990) Pour pallier cet important problème lié à la maind œuvre, certaines grandes sociétés font des efforts importants pour fidéliser leurs salariés en leur proposant de meilleurs salaires et des primes, en fonction du volume et de la qualité des productions, et s attachent à former du personnel compétent. Très souvent, ce personnel est logé par l entreprise dans de petites maisons en bois mises à sa disposition. Tous ces efforts permettent aux entreprises d exiger un travail sérieux et soigné de la part de leurs employés. Cependant seules de grandes sociétés, encore rares en Amazonie, disposent des ressources financières nécessaires à la mise en place de tels «modèles sociaux». Les propriétaires DANS LES SCIERIES Les exploitations et les scieries ont vu le jour, pour la plupart, à partir de 1985. Elles ont profité des fronts de colonisation agricole et pastorale pour s installer sur le premier front pionnier paraense créé en 1980 ; environ 70 % des propriétaires du Municipe de Paragominas sont natifs de l Espirito Santo tandis que les autres sont issus du Minas Gerais, de Bahia, de São Paulo et sont donc essentiellement du Sudeste du B r é s i l. Sur le deuxième front pionnier paraense, plus tardif (après 1986), et plus à l ouest, les propriétaires, au lieu de venir de l Espirito Santo, sont originaires du Rio Grande do Sul, du Santa Catarina, du Parana ; plus de 90 % d entre eux viennent du sud du Brésil, conséquence logique de la disparition de la Mata Atlantica du Sudeste avant celle d Araucaria du Sud. D après les fi- 62 BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 1999, N 259 (1)

THE AMAZONIAN WOOD SECTOR chiers de l AIMEX, 90 % des propriétaires des 3 000 scieries actuelles du Pará sont originaires du Sud et du Sudeste. Tous sont venus s installer après la disparition de leurs forêts. Parallèlement, ils ont su profiter des avantages fiscaux accordés par le gouvernement brésilien et ont investi leurs capitaux dans la région Nord, où il n existait pas de réseau commercial, réseau qu ils ont dû créer, développer et gérer. La terre en Amazonie est bon marché pour un Brésilien du Sud et du Sudeste et ce risque était donc minimal. Pourtant certains d entre eux ont conservé une ou deux scieries dans ces régions du Brésil, cœur économique du pays, où ils fabriquent du contreplaqué, des caisses pour les agrumes et des placages. Les salariés Les scieries emploient une main-d œuvre nombreuse, en provenance du Nordeste (75 %) et, plus précisément des états suivants : Maranhão mais aussi Piaui, Ceará, Bahia, Rio Grande do Norte et Pernambuco. On compte aussi 20 à 25 % de Paraenses, souvent venus de municipes voisins, attirés par de bons salaires et de bonnes conditions de travail, car le bouche à oreille fonctionne bien dans l état du Pará. Dans les scieries, la main-d œuvre est exclusivement masculine tandis que, dans les unités de fabrication de placages et de contreplaqués, les femmes sont nombreuses et sont employées à la manutention, à la détection des défauts et à l encollage des feuilles de p l a c a g e. DANS LES SOCIÉTÉS D EXPORTATION La filière exportatrice est dominée par des compagnies étrangères et quelques industriels brésiliens du Sud et du Sudeste. Les propriétaires Les compagnies étrangères ont joué un rôle moteur dans le développement de la filière. Elles se sont installées en Amazonie avec leurs capitaux et leur savoirfaire. Français, Américains, Japonais, Danois, Italiens et quelques industriels du Sud et du Sudeste ont investi la région et l ont exploitée. Citons, pour exemple, la Société E L D O R A D O, filiale du groupe français L A P E Y R E, aujourd hui premier exportateur d avivés brésiliens, et E I D A I, Société japonaise, premier exportateur de c o n t r e p l a q u é. Ces exportateurs étrangers sont de gros investisseurs qui, devant le recul des exportations asiatiques et africaines, ont pressenti la réussite des bois amazoniens. Ce sont des hommes d affaires puissants qui achètent souvent de plus petites unités en péril pour se développer. Tous sont installés à Belém ou dans ses environs (Icoaraci, Ananindeua...) et quelques-uns le sont à Paragominas, véritable capitale du sciage de l état de Pará. Les salariés Hormis quelques Nordestins, ce sont surtout des hommes venus du Pará (Paraenses) qui composent la main-d œuvre pour les travaux de séchage, de classement des sciages et pour la manutention des bois. FONCTIONNEMENT DE LA FILIÈRE BOIS UN RÉSEAU DE SOUS-TRAITANCE En Amazonie et principalement dans le Pará, on recense plus de 3 000 scieries constamment à la recherche de nouveaux fournisseurs de grumes. Bon nombre d entre elles appartiennent à un réseau étendu de soustraitance pour les grandes sociétés exportatrices, qui souvent possèdent leurs propres unités de sciages mais dont la capacité de production ne permet pas de répondre à la totalité de la demande. Mais ces sociétés ont tout intérêt à garder les mêmes fournisseurs, sélectionnés au fil des années parmi la multitude de scieries existantes dans la région. Néanmoins, elles travaillent quelquefois, de façon occasionnelle, avec un certain nombre de scieries susceptibles de leur fournir des essences spécifiques à une région. LES FOURNISSEURS OCCASIONNELS Tous les exploitants forestiers, sans exception, sont à la recherche incessante de grumes. A ce titre, les autres fournisseurs de bois que sont les éleveurs et les agriculteurs constituent un maillon important de la filière bois. Avant de mettre en place des brûlis, les agriculteurs vendent sur pied les meilleurs arbres ; les scieurs viennent les exploiter car la plupart des agriculteurs ne disposent pas du matériel nécessaire. De même, les éleveurs, avant de créer des pâturages, cèdent aux exploitants forestiers les arbres commercialement intéressants. Pour les agriculteurs et les éleveurs, la vente des bois sur pied génère un revenu non négligeable ; pour les scieurs, cette source d approvisionnement est financièrement intéressante car le prix d achat de ces bois n est pas très élevé. Ces nombreux éleveurs et agriculteurs, dépendant des scieurs, jouent un rôle important dans la filière, en saison des pluies en particulier lorsque les stocks de grumes sont insuffisants ou lorsqu ils diminuent de façon inquiétante. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 1999, N 259 (1) 63

LA FILIÈRE BOIS EN AMAZONIE LE RÔLE IMPORTANT DU SECTEUR INFORMEL Répartition géographique du bois paraense Geographical distribution of paraense wood Il est difficile de passer sous silence les accords illégaux qui existent entre certains acteurs de la filière ; il est même totalement impossible de les quantifier. Cette filière bois comporte une face tout à fait officielle sur laquelle se greffe une importante économie souterraine. En effet, une part non négligeable des bois amazoniens n est pas exploitée dans un cadre légal car certaines coupes sont effectuées en dehors des e x p l o i t a t i o n s. D autres transactions irrégulières du même ordre sont réalisées sur des parcs naturels et des réserves indiennes, qui sont pourtant des lieux protégés par l Etat. Il est difficile d évaluer les volumes prélevés lors de ces opérations clandestines. L ÉVOLUTION DU MARCHÉ DES BOIS AMAZONIENS L Amazonie, qui constitue la plus grande réserve forestière de la planète, va être amenée à prendre une place de plus en plus importante sur le marché international des bois tropicaux. Les exportations augmentent régulièrement et la structure de l industrie du bois se développe en même temps que les exportations. L ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION En 1994, la production de sciages feuillus du Brésil (10 millions de m 3 ) a dépassé celle de la Malaisie (8,6 millions de m 3 ) alors qu en 1993 la production des deux pays était identique (9,1 millions de m 3 ). Durant les années suivantes, la production du Brésil a continué à croître sensiblement, alors que celle des principaux producteurs de sciages tropicaux s est stabilisée ou a régressé. Depuis 1994, le Brésil conforte ainsi sa place de leader mondial pour la production de sciages tropicaux. L activité de déroulage et de tranchage en forte croissance a permis une très forte augmentation de la production et de l exportation de contreplaqué et de placage. Jusqu en 1994, le Brésil a réalisé des percées commerciales spectaculaires pour les placages et pour les contreplaqués produits par l état du Pará. Depuis 1994, le secteur bois brésilien marque le pas suite aux différentes mesures économiques imposées par le plan Real* et à la réévaluation de sa monnaie. * Le plan Real repose sur la nouvelle monnaie, le Real, émise à parité avec le dollar, ce qui impose au Brésil des taux d intérêt très élevés et conduit à un ralentissement de l économie. L ÉVOLUTION DES FLUX L évolution des flux amène de grands changements sur le marché international des bois tropicaux. Les échanges ne sont plus uniquement Sud-Nord mais également Sud-Sud. Le Brésil, qui était le fournisseur de l Europe, de l Amérique du Nord, du Golfe Persique, des Caraïbes, devient celui des Philippines, pays devenu un gros importateur de bois grâce aux revenus apportés par l exportation à grande échelle de produits finis tels que les meubles. Les pays du Nord sont moins demandeurs d essences tropicales que l Asie du Sud-Est ; celle-ci est dans l obligation de s approvisionner directement en Amérique latine et en Afrique (Brésil, Cameroun, Gabon...). Le Brésil doit donc saisir ces opportunités et se donner les moyens de répondre rapidement à cette nouvelle demande qui devrait se renforcer dans les années à venir. L Amazonie devrait donc augmenter sa capacité de production et d exportation dans le futur. Pourtant une enquête directe auprès des forestiers amazoniens révèle deux analyses fort différentes : Pour certains d entre eux, cette occasion favorable est synonyme de gains rapides et conséquents mais n est pas sans risque, car le système peut devenir de plus en plus destructeur. Pour d autres, l exploitation forestière est encore pionnière et montre une faible territorialisation. Preuve 64 BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 1999, N 259 (1)

THE AMAZONIAN WOOD SECTOR en est la double option prise par un grand nombre de forestiers de devenir exploitants forestiers et éleveurs. Tous acquièrent, parallèlement à leurs unités de sciage, de tranchage ou de déroulage, des fazendas d élevage dont les revenus leur paraissent plus réguliers et plus sûrs. Majoritairement depuis quelques années, ils investissent davantage dans l achat de troupeaux que dans l achat de matériels de sciage modernes et performants. Cette attitude montre une certaine crainte de l avenir et prouve que l activité bois reste pionnière pour certains d entre eux, qui craignent peut-être de profondes réactions internationales et un durcissement de la part des écologistes face aux problèmes de gestion durable. En effet, les décideurs politiques pourraient imposer une gestion durable stricte pour assurer la pérennité des massifs forestiers, ce qui engendrerait des surcoûts conséquents pour la profession. Simultanément, les Paraenses prennent conscience de la surexploitation de leurs ressources forestières par des compagnies étrangères et voient leurs forêts s appauvrir alors que les bénéfices sont réinvestis ailleurs. Le Brésil, cependant, sous la pression d instances nationales et internationales, a pris conscience des efforts qu il doit accomplir pour mettre en œuvre une véritable politique de gestion durable. Marie-Françoise FLEURY Hameau Les Perruches 78270 BLARU France R E F E R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S DROULERS M., 1995. L Amazonie. Paris, France, Nathan, 188 p. EMPERAIRE L., LESCURE J.-P., 1994. Extractivisme et conservation de la biodiversité au Brésil. JATBA, 22 p. FAO, 1993. Forêts, Statistiques aujourd hui pour demain. 1961, 1991, 2010. Rome, Italie, FAO, 47 p. FEARNDIDE P. Le Monde des débats, janv. 1995. Paris, France. IBGE, 1991. Geografia do Brasil, vol. 3, Regiao Norte. Rio de Janeiro, Brésil, IBGE, 242 p. IDESP, 1992. Para Desenvolvimento : Amazonica eco-visoe. Belém, Brésil, IDESP, 98 p. IDESP, 1988. Para Desenvolvimento : Meio ambiente. Belém, Brésil, IDESP, 91 p. LENA P., 1985. Colonisation et modernisation agricole en Amazonie brésilienne. CIRAD, 23 p. LENA P., 1991. L Amazonie, la recherche et le développement. Les exposés-débats du CRESTIG. Cayenne, Guyane, CRESTIG, 23 p. LENA P., ENGRACIA DE OLIVEIRA A., 1992. Amazonia, a fronteira agricola 20 anos depois. Coleçao Ed. Galvao. Belém, Brésil, Ed. CEJUP, 363 p. MINISTÈRE DE L AGRICULTURE BRÉSILIEN, 1989. Madeira da Amazonia. Brasilia, Brésil, 52 p. NETO M., 1991. O enigma Amazonia. Belém, Brésil, Ed. CEJUP, 143 p. OLIVEIRA E., 1989. Dimensions dramatiques de la violence en Amazonie. Belém, Brésil, Ed. CEJUP, 53 p. PARANT B., 1992. La commercialisation des bois tropicaux. Nogent-sur-Marne, France, C.T.F.T., 78 p. PINTON F., 1994. De la collecte prédatrice à la gestion concertée. In : Ecodécision, Montréal, Canada, p. 53-57. ROS-TONEN M., 1992. Timber exploitation and colonization of the Brazilian Amazon region. Amazonia, Ecology and Sustainable Development, 19 p. SUDAM, 1980. Desenvolvimento florestal da Amazonia. Belém, Brésil, S U D A M, 9 1 p. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 1999, N 259 (1) 65