Accompagnement social personnalisé :



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Transcription:

GUIDE À L INTENTION DES ÉQUIPES TERRAIN DE HANDICAP INTERNATIONAL ET AUX ACTEURS DES SERVICES SOCIAUX Décembre 2009 Accompagnement social personnalisé : Réflexions, méthode et outils d une approche en travail social de proximité

Auteurs : Audrey RELANDEAU, Nathalie CHERUBINI, Claudie DIDIER SEVET et Annie LAFRENIERE ; produit par le Domaine Services Sociaux, Economiques et Education, Direction des Ressources Techniques, Handicap International Contributions : Hervé BERNARD, Philippe CHERVIN, Eric DELORME, l ensemble des Responsables de Programmes, Dominique GRANJON, Eric PLANTIER-ROYON, Cécile de RYCKEL, Mathieu DEWERSE, de Handicap International, Pamela TREVITHICK, Emmanuelle SIX, Equipes Handicap International et partenaires de nos programmes en Algérie, Balkans, Cambodge, Indonésie, Madagascar, Maroc, Mozambique, Népal, Russie, Sénégal. Appui technique et édition : Handicap International Pôle Publications Professionnelles, Catherine Dixon Relecture : Stéphanie Deygas Création graphique : Catherine Artiglia Mise en page : Frédéric Escoffier Contacts : Annie Lafrenière, Référente Technique Insertion Sociale, Handicap International annie.lafreniere@handicap-international.ca Hervé Bernard, Responsable de Domaine, Handicap International hbernard@handicap-international.org Crédit photo couverture :_ Priscille Geiser / Handicap International Ce guide peut être utilisé ou reproduit sous réserve de mentionner la source et uniquement pour un usage non commercial. ISBN: 978-2-909064-34-5

Sommaire Partie 1 Partie 2 Partie 3 Préface page 04 Principes et repères page 07 / Travail social et développement page 08 / Accompagnement social personnalisé : généralités page 16 / L accompagnement social personnalisé de personnes en situation de handicap page 25 Guide pratique page 29 / Guide pratique de l intervenant social page 30 / Guide pratique du chef de projet page 47 Boîte à outils page 53 / Etape 1 : Prise de contact page 54 / Etape 2 : Diagnostic social page 55 / Etapes 3 et 4 : Négociation du projet et plan d action page 69 / Etape 5 : Contractualisation page 71 / Etape 6 : Démarrage et suivi du projet page 73 / Etape 7 : Évaluation / bilan intermédiaire page 74 / Etape 8 : Finalisation de l accompagnement page 75 Bibliographie et références page 78 Principes et repères Guide pratique Boîte à outils 3

Préface Le présent ouvrage est un guide méthodologique sur l accompagnement social personnalisé. Proposant des éléments de compréhension, de réflexion et de pratique sur cette approche du travail social, il s adresse aux intervenants de terrain de Handicap International et aux référents de services publics ou associatifs en charge de l accueil, l information, l orientation et l accompagnement de personnes en situation de handicap et des autres publics vulnérables. Handicap International intervient déjà depuis plusieurs années dans le champ de l accompagnement, notamment dans le cadre de politiques et de stratégies mises en œuvre pour le développement de services de santé et d insertion sociale des personnes en situation de handicap. Albanie Formation de travailleurs sociaux ; Afghanistan Centre de réhabilitation communautaire ; Algérie Espaces de socialisation et mise en œuvre de la démarche de projet personnalisé dans les structures d accueil des enfants privés de famille ; Balkans Projet d accompagnement psycho-social ; Brésil Expérience des projets sociaux ; Cambodge Accompagnement social des patients du centre para-tétraplégique ; Indonésie Projet d insertion post-tsunami ; Madagascar Bureau d action sociale dans les projets de développement local ; Maroc Projet de participation sociale ; Mali Réseau d échange et de savoirs ; Ouzbékistan Centres ressources et réseau social ; Roumanie Projet Aurora ; Russie Accompagnement familial et mise en réseau des acteurs de l intervention précoce ; Rwanda Projet d insertion ; Sénégal Système communautaire d identification et d accompagnement de personnes en situation de handicap en Casamance ; Sierra Léone Promotion des droits et de l insertion sociale des personnes en situation de handicap En parallèle, le champ du travail social s est beaucoup développé et structuré ces dernières années dans les pays occidentaux. Il nous paraît intéressant et pertinent d en diffuser les méthodes et outils sur les terrains, en réponse aux besoins et attentes exprimés en termes de compréhension du travail social et de sa corrélation avec les principes et concepts fondateurs de Handicap International, de cohérence d intervention et surtout d appui méthodologique et technique aux pratiques de terrain. Ce guide participe également à la réflexion menée par Handicap International sur le processus global d insertion des personnes en situation de handicap et s articule, entre autres, sur le modèle de compréhension qu est le Processus de Production du Handicap (PPH), les droits des personnes handicapées et sur la stratégie de développement communautaire participative et inclusive qu est la Réadaptation à Base Communautaire (RBC), modèles et pratiques déjà largement utilisés sur nos programmes. Ce guide s inscrit d ailleurs dans le travail de capitalisation sur l approche RBC mené par Handicap International et donne suite aux séminaires internationaux organisés à Pékin et à Bujumbura en 2009. Ce guide de l accompagnement social personnalisé peut être utilisé : Dans un projet spécifique d insertion sociale, par la mise en place d un dispositif territorial d accompagnement social pour les personnes en situation de handicap et de vulnérabilité leur permettant l accès aux services et la réalisation de projets personnalisés ; 4

Comme support d accompagnement de la personne dans les projets de développement et d urgence d Handicap International : santé, rééducation, réadaptation, vie familiale et sociale, éducation, vie professionnelle, ville et handicap, sports et loisirs, etc. Comme support de sensibilisation et de formation pour le renforcement des compétences et pratiques des professionnels, acteurs et partenaires locaux travaillant en proximité auprès des personnes en situation de handicap et de vulnérabilité, pour une prise en compte de la notion d accompagnement social personnalisé. Il n a pas vocation à être un outil supplémentaire à appliquer d autorité sur les terrains, mais veut apporter des éléments de compréhension et des conseils méthodologiques pour la mise en place et/ou l amélioration de pratiques déjà existantes. Son contenu propose un cadre pour l accompagnement social personnalisé et vise à apporter des outils concrets et réalistes, mais également souples et adaptables, pour répondre aux besoins des intervenants de terrain qui accompagnent les personnes en situation de handicap. Le guide est conçu en trois parties : / D abord, une section «Principes et repères» apporte des éléments théoriques sur le travail social, le développement et l accompagnement social personnalisé. / Cette section est ensuite suivie d un «Guide pratique» à l intention des travailleurs sociaux, intervenants ou référents sociaux responsables de l accompagnement, qui aborde en détail la mise en œuvre de l accompagnement social personnalisé en proposant diverses techniques d interventions et outils pratiques. Ce «Guide pratique» propose également un volet s adressant aux chefs de projets, ou coordinateurs de dispositif social, où sont proposés des repères pour le développement et le suivi d un service d accompagnement. / La troisième partie est une «Boîte à outils» composée majoritairement d outils provenant des programmes de Handicap International. Comme il était difficile de présenter dans un ouvrage papier tous les outils disponibles, un CD- Rom a été ajouté à ce guide pour proposer un aperçu assez exhaustif des outils existants qui pourront être adaptés ensuite aux contextes et terrains. Enfin, il est important de noter que ce guide s inscrit dans un processus d apprentissage sur l accompagnement social personnalisé et qu il est conseillé dans cet ordre d idée de compléter cet apprentissage par des manuels de formation, d expériences de mise en pratique et autres outils relevant du travail social et du développement. Plusieurs démarches ont alimenté la construction de ce guide : recherches documentaires, échanges d expériences et entretiens avec des professionnels de Handicap International au siège et sur les programmes, échanges avec des professionnels de l action sociale et avec des acteurs de développement local et international. Les réflexions ont été grandement nourries par la participation des équipes sur les terrains, par les pratiques développées, les questions soulevées et les besoins exprimés, qui se consolidèrent entre autres lors d un séminaire interne sur l accompagnement social personnalisé organisé à Lyon en décembre 2008. Nous souhaitons que ce guide soit un levier majeur pour améliorer l insertion sociale des personnes en situation de handicap, en reconnaissant le rôle croissant joué par les intervenants sociaux, la place centrale et les capacités de la personne en situation de handicap, et enfin l importance de la démarche et du temps qui doit être accordé à toute situation de changement. 5

6

Principes et repères Partie 1 / 1. Travail social et développement - - - - - - - - - - - - - PAGE 08 Travail social : définitions et contextes d intervention - - - - - PAGE 09 Zoom sur trois champs d interaction - - - - - - - - - - - - - - - - - PAGE 11 / 2. Accompagnement social personnalisé : généralités -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - PAGE 16 Définition et objectifs de l accompagnement social personnalisé - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - PAGE 17 Avantages de l accompagnement social personnalisé -- - - - PAGE 19 L approche systémique - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - PAGE 20 / 3. L accompagnement social personnalisé de personnes en situation de handicap - - - - - - PAGE 25 7

1. Travail social et développement Partie 1 Basés sur des fondements humanistes, les mondes du développement et du travail social sont imbriqués. Ils ont en commun le désir de la reconnaissance et de l accès aux droits des personnes en difficulté et développent des actions pour améliorer leurs conditions de vie et faciliter une meilleure participation sociale de chacun. F. Poelcher / Handicap International Depuis une vingtaine d années, le travail social fait face à de nombreux défis locaux, nationaux et internationaux. L impact des accords internationaux favorisant la libération des marchés et celle des institutions de l éducation, de la santé et des services sociaux a poussé les associations internationales représentant la profession, notamment la Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux (FITS) 1 et l Association Internationale des Écoles de Travail Social (AIETS) 2, à définir des règles et accords entre les pays, en fonction de contextes historiques et politiques spécifiques. Dans le même temps, les gouvernements, les ONG et autres organisations internationales, se sont vus confier la mise en place de programmes dans le champ du travail social. Afin de mieux comprendre cette interaction, il est intéressant de relever quelques fondements et objectifs communs aux politiques de développement et aux politiques de l action sociale. Le but visé : - La capacité d émancipation des personnes - La mobilisation des individus, familles, organisations, communautés en vue d améliorer leurs conditions de vie - La réduction des inégalités et des injustices par l insertion des groupes marginalisés, vulnérables, exclus ou en situation de risque - Le changement social (application des lois, influence sur les politiques sociales) Les différents niveaux d impacts : - Individuel - Familial - Communautaire - Sociétal 1. Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux : www.ifsw.org 2. Association Internationale des Écoles de Travail Social : www.iassw-aiets.org 8

Les valeurs de référence : - La valeur intrinsèque de chaque être humain (équité entre tous) - Les droits humains et la justice sociale - L approche du développement humain - La valorisation du potentiel et de la diversité - La capacité de l individu à être acteur de son développement personnel et à pouvoir faire des choix - Le respect mutuel et la solidarité collective Les moyens utilisés : - Les théories/concepts du comportement humain 3 - Les théories du développement psychologique humain 4 - Les théories de communication humaine 5 - L analyse des systèmes sociaux - Les méthodes d évaluation et d intervention / TRAVAIL SOCIAL : DÉFINITIONS ET CONTEXTES D INTERVENTION Principes et repères Maksim Seth pour Handicap International Définitions Selon les Nations Unies (1959) : «Le Travail Social est une activité visant à aider à l adaptation réciproque des individus et de leur milieu social, cet objectif est atteint par l utilisation de techniques et de méthodes destinées à permettre aux individus, aux groupes, aux collectivités de faire face à leurs besoins, de résoudre les problèmes que pose leur adaptation à une société en évolution, grâce à une action coopérative, d améliorer les conditions économiques et sociales.» En juillet 2001, l AIETS et la FITS s entendent sur une définition internationale du travail social. «Le travail social comme profession s emploie à promouvoir le changement social et la solution de problèmes dans les relations humaines de même qu il aide les personnes à se donner du pouvoir et à se libérer en vue d un plus grand bien-être. S appuyant sur les théories des sciences humaines et des systèmes sociaux, le travail social intervient dans le champ des interactions entre les personnes et leur environnement. Les droits de la personne et la justice sociale sont des principes fondamentaux de l action en travail social.» 3. cf les théories behavioristes (Pavlov et Watson) et cognitives (Lewin et Festinger) 4. cf les théories de Vygosky, Freud, Piaget 5. cf «Essais de linguistique générale», Roman Jakobson, Editions de Minuit, Paris, 1973, p. 209-248 9

Historique et contextes La pratique du travail social dans le monde a fortement évolué à partir de la seconde moitié du XXème siècle, dans un premier temps à cause de la problématique des réfugiés fuyant les conflits armés ou les famines. La mobilité croissante des populations, la multiplication des conflits se déplaçant dans le monde, les cultures de plus en plus hétérogènes, ont ensuite conduit à penser le travail social dans une dimension internationale. La création de la Fédération Internationale du Travail Social, en 1950, illustre cette volonté. Ainsi le champ du travail social, davantage développé et structuré dans les pays du nord, cherche à attirer l attention de la société civile et des pouvoirs publics sur des problèmes tels que la pauvreté, la situation des populations vulnérables (personnes âgées, personnes handicapées, orphelins, réfugiés, etc.), les maladies, le non-accès à l éducation, l analphabétisme, les répercussions des guerres et des catastrophes naturelles, etc. A la fin des années 90, Lionel H. Groulx, socio-anthropologue québécois 6 a identifié, dans les pays européens, au Québec et aux Etats-Unis, trois configurations principales de l action sociale : Le modèle socio-institutionnel : développé avant la crise économique, il postule que seul l état est légitime pour apporter une réponse institutionnelle et universelle aux besoins sociaux ; Le modèle néolibéral : l aide étatique doit se limiter aux plus démunis. Ce schéma laisse les lois du marché fixer la réponse aux besoins sociaux ; Le modèle socio-communautaire : il prône également le désengagement de l Etat mais au profit des communautés afin de solidariser le dynamisme des collectivités et de développer des réseaux naturels d entraide. Depuis une vingtaine d années, l évolution des contextes sociaux et économiques, des comportements, des repères et des valeurs obligent les praticiens, les formateurs et chercheurs en travail social à accentuer les échanges internationaux dans le but d établir des pistes de réflexion communes et de nouvelles techniques d intervention. Aujourd hui, dans les pays développés, «le travail social de cette fin de siècle est aux prises avec trois changements majeurs. En premier lieu, la densité des problèmes sociaux n est pas la même qu il y a 20 ou 30 ans : la pauvreté est devenue exclusion sociale et l emploi, le vecteur premier de l intégration sociale. Cela signifie que le travail social se voit plus directement concerné par ce qui se passe dans le monde du travail, monde étranger au travail social traditionnel, l économique demeurant depuis longtemps un «non-pensé» de cette profession. En deuxième lieu, l État social a modifié substantiellement sa trajectoire d intervention de sorte que le travail social toutes catégories confondues ne peut plus s identifier au seul service public bien qu il soit la source de ses références premières depuis les années 1960. Par conséquent, l interface avec les organisations communautaires est désormais une donnée incontournable : on les comprend mieux, on les tolère, mais elles sont objectivement des organisations «concurrentes» à celles du service public. En troisième lieu, de nouvelles pratiques auxquelles le travail social s est associé ou non ont surgi au sein de la société civile et de l espace public commun autour de trois référentiels : celui de l insertion, celui du développement local et celui de l économie sociale. Ces référentiels se conjuguent en partie avec la territorialisation et la décentralisation de plusieurs politiques publiques. C est là une autre donnée étrangère au travail social traditionnel qui s était, avec les années, de plus en plus spécialisé et sectorisé (santé mentale, protection de la jeunesse, intervention auprès des familles, intervention auprès des aînés, etc.) dans le cadre d un État-providence centralisé et qui exerçait un quasi-monopole de la production de services collectifs.» 7 6. «Action sociale et lutte populaire : une analyse de cas» - Canadian journal of sociology - 1981 7. «Le travail social au Québec (1960-2000) : 40 ans de transformation d une profession», Louis Favreau, Nouvelles pratiques sociales, vol. 13, n 1, 2000, p. 27-47 10

Ces questions se répercutent en partie sur la pratique du travail social dans la plupart des pays dits «du sud», même si les politiques et dispositifs d action sociale sont généralement sousexploités voire inexistants dans certains cas. Lorsqu un travail social existe, sa gestion et ses moyens sont centralisés au niveau national, les travailleurs sociaux sont peu nombreux et ont une marge de manœuvre souvent restreinte. Toutefois, dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) par exemple, la communauté internationale s engage de plus en plus fortement dans des programmes locaux de développement dans les pays du Sud, où des intervenants du travail social jouent un rôle-clé. La pratique du travail social, par son champ d intervention (l individu, la communauté et son environnement) et sa méthodologie (autodétermination et participation), prend aujourd hui tout son sens sur les terrains des différents programmes de développement. Dans les pays du Sud, ces pratiques sont le reflet des enjeux du travail social tels que vus précédemment, tout en s ancrant dans un territoire nouveau, souvent bien loin des contraintes institutionnelles des pays développés, et peut être aujourd hui le terreau d expérimentations/d innovations et de renouveau. La Fédération Internationale des Ecoles du Travail Social vise la promotion du développement de la formation en travail social, la diffusion et la formalisation de ces pratiques à travers le monde. Cependant, on note qu encore aujourd hui les pratiques du travail social demeurent peu présentes dans les pays du Sud, peu connues par les agents de développement, les professionnels du champ social et les Etats. / ZOOM SUR TROIS CHAMPS D INTERACTION Principes et repères Travail Social et Droits des Personnes Handicapées L entrée en vigueur, en mai 2008, de la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées 8, ou CDPH, a marqué au niveau international la reconnaissance politique et juridique d une meilleure compréhension du handicap, issue des débats qui, dans les années précédentes, avaient amené à un changement d attitude envers les personnes handicapées. Celles-ci sont désormais considérées pleinement et premièrement comme des personnes, sujets de droits, capables de les revendiquer, de prendre des décisions pour leur propre vie, par un accord libre et conscient, et d être des membres actifs de la société ; elles ne sont plus vues uniquement à travers leurs déficiences, comme devant faire l objet d une assistance. La Convention est un instrument des droits de l Homme comportant une dimension de développement social explicite. Elle réaffirme que toute personne, présentant des incapacités, peut jouir des droits de l Homme et des libertés fondamentales sur la même base qu autrui. Or, l un des fondements historiques du travail social est bien celui de la défense et de l accès aux droits fondamentaux pour tous. C est par l accès à la citoyenneté, le développement de l autonomie et les actions de promotion des populations que le travail social prend toute sa dimension. Comme mentionné plus loin dans le guide, «l une des principales missions de l accompagnement social personnalisé est de permettre aux personnes vulnérables/en difficultés d avoir accès, en leur qualité de citoyen, à l ensemble de leurs droits.» 9 Il s agit de tendre vers une société où chacun aurait pleinement sa place en rendant les individus acteurs de leur développement personnel. Le travail de l intervenant social s inscrit donc en référence aux différents cadres juridiques existants : l intervenant, accompagnant par exemple un enfant dont le projet personnalisé est en lien avec l insertion scolaire, se basera sur les cadres existants aux niveaux local, national et international en matière d éducation pour tous. La CDPH représente aujourd hui la seule référence juridique contraignante spécifique aux droits des personnes handicapées ; elle ne crée pas de 8. Convention sur les Droits des Personnes Handicapées : http://www.un.org/disabilities/default.asp?navid=13&pid=150 9. «L accompagnement social en question», rapport de conseillers techniques en Travail social de DRASS, février 2003 11

nouveaux droits, mais rassemble des dispositions issues des droits de l homme et du droit humanitaire, et vise à s assurer que les personnes handicapées peuvent jouir pleinement de tous les droits de l homme. En lien avec ces cadres, l intervenant social aura comme rôle d identifier localement les acteurs responsables de mettre en œuvre les politiques sociales et de voir comment les publics vulnérables s y inscrivent. Dans le cadre de projets de développement, l intervenant social n aura pas comme mandat de dénoncer et de culpabiliser les acteurs locaux, mais plutôt de les accompagner pour la reconnaissance de ce public et la mise en application de leurs obligations de services vers ces personnes exclues. L accompagnement social personnalisé contribue par ailleurs à l autonomisation des personnes dans la réalisation de leur projet de vie, renforçant ainsi leur autodétermination : - Au plan individuel, il s agit de la façon dont l individu accroît ses aptitudes et son pouvoir de décision en développant la confiance en soi, l estime de soi, l initiative et le contrôle sur son existence. - Au plan collectif, l autodétermination est le résultat de la participation dans des actions politiques et collectives, et requiert la participation active des personnes pour une redistribution des ressources favorable au groupe. «L autodétermination comporte quatre composantes essentielles : la participation, la compétence, l estime de soi et la conscience critique (conscience individuelle, collective, sociale et politique). Lorsque ces quatre composantes sont en interaction, un processus d autodétermination est alors enclenché. Ce processus proactif est centré sur les forces, les droits et les habiletés des individus et de la communauté, plutôt que sur les déficits ou les besoins.» (Anderson, 1996). Ce processus, rendu possible par une relation d accompagnement de proximité, requiert la participation active des personnes accompagnées dans toutes les étapes de l accompagnement : du diagnostic de la situation, à l élaboration et à la mise en œuvre du projet personnalisé, jusqu à la sortie du dispositif. Pour cela, l intervenant social devra savoir s adresser aux plus vulnérables et développer des méthodes appropriées tout au long de l accompagnement pour renforcer l impact vers ces personnes oubliées des services sociaux. 12

Travail Social et Processus de Production du Handicap 10 Facteurs de risque Cause RIPPH/SCCIDIH 1998 Facteurs personnels Systèmes organiques Aptitudes Facteurs environnementaux Intégrité déficience Capacité Incapacité Facilitateur Obstacle Interaction Habitudes de vie Participation sociale situation de handicap Principes et repères Basé sur le modèle du développement humain universel, donc applicable à tout être humain, le Processus de Production du Handicap (PPH) est un modèle social du handicap. Ce modèle nous amène donc à percevoir le handicap comme : un état non pas figé mais évolutif une situation qui varie en fonction du contexte et de l environnement un état qui peut être modifié grâce à la réduction des déficiences et/ou au développement des aptitudes et/ou à l adaptation de l environnement Selon le PPH, la «situation de handicap» est le résultat des interactions entre les facteurs personnels 11 et les facteurs environnementaux 12 en regard à une habitude de vie. La «situation de handicap» est alors entendue comme une limitation dans la réalisation de cette habitude de vie. A l inverse, le PPH parle de pleine participation sociale lorsque l ensemble des habitudes de vie peuvent être réalisées. Chacun de ces facteurs est analysé en fonction d une échelle de mesure qui va de l intégrité à la déficience, de la capacité à l incapacité, de facteurs facilitateurs aux obstacles et finalement de la participation sociale à la situation de handicap. Dans le contexte du PPH, la liste des habitudes de vie peut être utilisée comme un outil de mesure de la participation sociale. Une habitude de vie est une activité quotidienne (ou un «rôle social») valorisée par la personne ou son contexte socioculturel, elle assure la survie et l épanouissement d un individu tout au long de sa vie dans sa communauté. 10. «Le Processus de Production du handicap, modèle individuel, social et systémique du handicap», Patrick Fougeyrollas, octobre 2006 11. Cf boîte à outils, liste de facteurs personnels dans le cadre d outils pour établir le diagnostic social 12. Cf boîte à outils, liste de facteurs environnementaux dans le cadre d outils pour établir le diagnostic social 13

De même, les outils du travail social, dans leurs définitions théoriques et leurs applications pratiques, analysent la relation entre l individu, son environnement et son degré de participation et d implication au sein de cet environnement. Ils aident également à la détermination de ce qui est de la responsabilité individuelle et de ce qui est de la responsabilité sociale. Dans ce contexte, et notamment dans le cadre d un accompagnement social personnalisé, la liste des habitudes de vie peut servir de référence à l élaboration d un projet personnalisé, comprenant l évaluation de la demande de la personne, la définition de ses besoins et les objectifs à atteindre. Un projet personnalisé peut se construire, par exemple, en fonction du désir d amélioration des habitudes de vie en cours ou par un travail autour d habitudes de vie non encore réalisées. Travail Social et Réadaptation à Base Communautaire (RBC) RBC et Handicap Définition de l OMS, de l OIT et de l Unesco en 1994 «La RBC (Réadaptation à Base Communautaire) est une stratégie qui s inscrit dans le cadre du développement communautaire pour la réadaptation, l égalisation des chances et l intégration sociale de toute personne en situation de handicap. Sa mise en œuvre fait appel aux efforts conjugués des personnes en situation de handicap elles-mêmes, de leurs familles et de leurs communautés, des services sociaux, de santé, d éducation et de formation.» Les objectifs de la RBC sont : 1- Faire en sorte que les personnes en situation de handicap et de vulnérabilité puissent maximiser leurs aptitudes physiques et mentales, accéder aux services et opportunités offerts à toute la population et devenir des contributeurs actifs à la vie de la communauté et de la société dans son ensemble. 2- Dynamiser les communautés pour qu elles promeuvent et protègent les droits humains des personnes en situation de handicap par des réformes consistant, par exemple, à éliminer les obstacles à la participation sociale. En tant qu élément d une politique sociale, la RBC privilégie le droit des personnes handicapées à vivre au sein de leur communauté, à jouir du bien-être et d une bonne santé, enfin, à participer pleinement aux activités éducatives, sociales, culturelles, religieuses, économiques et politiques. La RBC exige des gouvernements qu ils délèguent les responsabilités et les ressources nécessaires aux communautés afin qu elles assurent la base de la réadaptation. Le travail social peut se faire dans une approche RBC sous différentes formes. Tout d abord, dans un contexte où les ressources sont existantes mais non accessibles, il est possible de mettre sur pied des services où les personnes ayant des besoins définis se présentent et obtiennent l information souhaitée. Cette activité que l on peut appelée «information/orientation» implique chez l intervenant social une bonne écoute et un recensement constant des services disponibles et adaptés dans un territoire donné. Ensuite, lorsque les populations sont isolées et en difficulté 14

quant à identifier leurs besoins, un service d information/orientation peut s avérer insuffisant et se doit d être complété par un dispositif d accompagnement social personnalisé. Finalement, dans le cas où les services sont inexistants ou très peu développés, l intervenant social se verra parfois même attribuer des compétences de base en réadaptation physique, insertion professionnelle, éducation ou autre, afin de fournir une réponse minimale pour la mise en œuvre de projets personnalisés. L intervenant social, qu on peut qualifier d agent RBC, trouve donc, dans ce contexte de pratiques communautaires, toute sa place de «créateur de lien» et de «médiateur» entre les populations, les différents acteurs composant le système relationnel (famille, amis, employeurs, représentants des institutions, partenaires associatifs, autres professionnels, etc.) et les services mis à disposition. Les pratiques du travail social lient deux espaces de vie : la sphère personnelle et la sphère collective. Elles visent à concilier les caractéristiques individuelles et les caractéristiques collectives et/ou communautaires d un territoire à l intérieur duquel évoluent les populations en situation de handicap. Principes et repères 15

2. Accompagnement social personnalisé : généralités Partie 1 Du point de vue étymologique, le terme «accompagnement» est une extension du mot «compagnon». A l origine, «compagnon» vient du latin «companio» qui signifie «celui qui mange son pain avec», et qui donnera plus tard en français le mot «compain», qui deviendra «copain» en français moderne. C est aujourd hui un mot à la mode, un mot passe-partout, un mot à tiroir qui peut prendre plusieurs formes : accompagnement scolaire, accompagnement pédagogique, accompagnement de fin de vie, accompagnement à la santé et aux soins, accompagnement social, etc. L accompagnement social est considéré comme différent des formes anciennes de suivi, puisqu il n est pas uniquement centré sur la personne mais inclut le travail d articulation avec l offre, la recherche de réponses ainsi que leur adaptation à la situation de chaque usager, puis la préparation d une disponibilité à les recevoir. L accompagnement social personnalisé est issu de l évolution des courants sociaux et de l utilisation de nouvelles méthodologies d intervention en travail social mises en place à la fin des années 80. Originaire des Etats-Unis et issu de la réflexion autour de pratiques psychothérapeutiques et systémiques, il favorise une approche globale de la personne tout en prônant un modèle personnalisé. Contrairement aux pratiques traditionnelles en travail social, basées sur le schéma d un professionnel chargé d un mandat et d un usager pris en charge, la démarche de l accompagnement social personnalisé repose sur l éthique d un engagement réciproque entre les personnes (notion d un cheminement commun). Pourquoi «personnalisé»? La notion d individu (étymologiquement, «ce qui ne peut être divisé») exprime une idée d unité, tandis que celle de personne (du latin persona, «masque» et par extension, «caractère» «rôle») rend compte d une singularité, d une figure. Par conséquent, la personnalisation n exprime pas du tout la même idée que l individualisation, c est-à-dire l action de réduire à une unité indivisible ; elle consiste à s identifier à une personne, de saisir sa singularité. Ainsi, «personnaliser» ne veut pas seulement dire individualiser, mais bien aménager les missions et les possibilités de réponse d un service ou d un dispositif à chaque individu et en fonction de ses propres potentialités. 16

Exemple = un repas individualisé est un repas où chaque portion correspond à un individu, tandis qu un repas personnalisé est adapté spécifiquement aux souhaits de chaque personne servie. Plateaux individualisés Plateaux personnalisés / DÉFINITION ET OBJECTIFS DE L ACCOMPAGNEMENT SOCIAL PERSONNALISÉ L accompagnement social : Le concept d accompagnement social comporte trois dimensions : - Une dimension relationnelle (être avec) : c est la qualité de la relation (connaissance et respect mutuel) qui déterminera en grande partie la réussite d une action. - Une dimension de changement et de déplacement vers une situation nouvelle (et meilleure). L accompagnateur est :. Devant, pour impulser, mais pas trop car souvent les personnes «courent» derrière les intervenants sociaux. A côté, pour partager, co-construire et négocier. Derrière, pour laisser la personne faire son chemin mais aussi soutenir et «ramasser» ou «pousser» en cas d échec et de fatigue. - Une dimension temporelle : l accompagnement social a un début et une fin qui doivent être déterminés en accord avec la personne. Il doit respecter le cadre d intervention (durée du programme) mais aussi le rythme fixé par la personne. Les objectifs à atteindre et leur planification aideront à organiser le temps. Un accompagnement ne doit jamais durer trop longtemps, il est alors le signe de l interdépendance entre l intervenant et la personne aidée. J-P. Porcher pour Handicap International Principes et repères Selon le Conseil Supérieur de Travail Social : «L accompagnement social personnalisé peut se définir comme une démarche volontaire et interactive qui met en œuvre des méthodes participatives avec la personne qui demande ou accepte une aide, dans l objectif d améliorer sa situation, ses rapports avec l environnement, voire de les transformer. (...) L accompagnement social auprès d une personne s appuie sur le respect et la valeur intrinsèque de chaque individu, en tant qu acteur et sujet de droits et de devoirs.» 17

Il s agit d une méthode d intervention qui suppose la triangulation de trois facteurs en présence : - un bénéficiaire (l usager) - un dispositif d action dans un environnement donné (un projet, un service) - un intervenant (travailleur social ou référent social) L objectif de l accompagnement social personnalisé, par l analyse globale du parcours de vie d un individu, est d encourager l autonomisation de ce dernier, en lui permettant d exprimer et d organiser au mieux l étude et la réalisation d un projet (personnalisé). Des intervenants de terrain s expriment Association partenaire d Inter Aide sur un projet d accompagnement à Bombay (Inde) «L objectif de l accompagnement social des personnes est de leur donner confiance en elles pour qu elles puissent devenir autonomes. Le niveau d autonomie se mesure par la capacité de la personne à résoudre ses problèmes, sa capacité à faire des projets et sa capacité à aider les autres.» La Fédération Algérienne des Handicapés Moteurs (FAHM), Algérie L accompagnateur : - Est un facilitateur, un passeur : il va soutenir la personne pour qu elle trouve elle-même les solutions les plus pertinentes et conformes à son contexte. - «Marche avec» : il est au côté des personnes, il ne fait pas et ne décide pas à leur place. On cite l exemple de la jeune fille qui n a pas voulu de la machine à coudre apportée par l agent social, car développer une activité de couture l enfermait chez elle, dans son hameau, alors qu elle souhaitait une activité qui lui permettrait de sortir de cette exclusion. - Ecoute et accueille les émotions et les sentiments des personnes. Par exemple, quand une personne a vécu de nombreux échecs, il lui sera difficile de rentrer dans une dynamique de projet si elle n a pu être comprise dans sa peur du lendemain, dans son manque de confiance en elle, dans sa colère parfois de ne pas être acceptée. Passer par l expression des émotions permet ensuite d ouvrir un imaginaire sur ce qui serait possible. - S assure que les besoins élémentaires sont acquis. On ne peut se projeter dans l avenir si le minimum vital (manger, avoir un toit, ne pas risquer sa vie dans les déplacements) n est pas respecté. - Se réfère à d autres professionnels : l agent d insertion ne travaille pas seul, il fait partie d une équipe et travaille en complémentarité avec d autres, même s il reste le référent de la personne qu il accompagne. - Tient compte de l entourage de la personne. La famille peut être un atout comme un obstacle au changement. Aussi, il faut pouvoir associer la famille au projet en lui permettant d en voir l intérêt. La personne elle-même peut être sollicitée pour aider sa famille à changer : «comment penses-tu que ta famille pourrait accepter que tu fasses cette formation? Qui de ta famille pourrait être ton allié pour convaincre ton père (ou ta mère) qui semble opposé(e) à cela?» Il est toujours préférable que ce soit la personne elle-même qui reste actrice des changements dans son entourage plutôt que l agent d insertion. D une part, parce que cette démarche renforce le sentiment de confiance en soi de la personne et, d autre part, parce qu elle est mieux acceptée par la famille, qui n apprécie pas toujours les «interventions extérieures» dans son organisation. - «Assemble le puzzle» : très souvent, l agent d insertion va accompagner la personne pour qu elle redonne du sens à sa vie en la «réunifiant» autour d un projet, et non pas dans des projets éclatés et irréalistes. - Donne des «couleurs» : l agent d insertion, par son regard sur la personne «en devenir», ne la réduit pas à son handicap ou à ses problèmes. Il voit en elle ce qu elle pourrait devenir (avec ses possibilités et ses potentiels) et ne s attache pas seulement à ses difficultés. 18

L accompagnement personnalisé permet à la personne de : Approfondir ses champs d intérêt ; Définir ses besoins ; Développer ou maintenir des capacités, attitudes ou comportements qui pourraient être utiles ; Trouver les moyens de lever les obstacles au cheminement personnel, social et professionnel. Chaque individu étant unique, il appelle l adaptation d une méthodologie particulière. Des intervenants sur le terrain s expriment Emmanuelle Six, assistante sociale, Responsable de Programme à Inter Aide «L accompagnement social consiste à guider les personnes souffrant d un déficit de ressources quotidiennes (matérielles, psychologiques, relationnelles, culturelles ) pour mener à terme un projet (qui soit le leur), adapté à leurs capacités et à leur environnement, compte tenu des normes et de la vie sociale (reconnue par l opinion publique et par les autorités légales).» / AVANTAGES DE L ACCOMPAGNEMENT SOCIAL PERSONNALISÉ Le service d accompagnement social personnalisé, outil pertinent pour l insertion sociale, l autonomisation et l autodétermination des individus, présente des avantages nombreux car il relie les forces et acteurs en présence sur un lieu et dans un temps défini. Il a un impact/effet indiscutable sur le milieu. Principes et repères Ses finalités Participer à une meilleure insertion sociale de l usager/participant/bénéficiaire, par une approche globale et personnalisée de sa situation ; Développer la participation des personnes à leur propre changement par une meilleure gestion de l interaction avec l environnement, en encourageant l autonomisation et l autodétermination ; Aider à une meilleure construction de l image de soi en renforçant la confiance en soi et la conscience de ses capacités. Son action sur le milieu Analyse des transversalités et complémentarités des biens et services qui œuvrent pour l insertion sociale d un public ; Participation à une mise en cohérence des projets et dispositifs territoriaux ; Interaction des systèmes en présence (médicaux, sociaux, professionnels, économiques, de loisirs ) ; Incitation au travail de groupe et de réseau, renforcement de la pluridisciplinarité. Ses méthodes et outils Ecoute, empathie et valorisation ; Démarche positive : «ce que l on peut faire» et non pas «ce que l on ne peut pas/plus faire», qui s appuie sur les forces en présence ; Adaptation aux spécificités des terrains et aux différents contextes ; Modèles de pratiques d intervention basée sur les caractéristiques culturelles, religieuses, historiques ; 19

Principe de réalité, en tenant compte des possibilités de la personne et des ressources de l environnement. Sa fonction d observatoire Identification, appréciation et synthèse des types de besoins et de demandes sur un territoire (connaissance et analyse des acteurs territoriaux, du public cible et de leurs demandes, etc.) Ses effets connexes Il interroge directement la place de l environnement familial, relationnel et social dans le développement de la personne ; Il tend à modifier le regard que portent les professionnels, les participants et la communauté sur les différences. / L APPROCHE SYSTÉMIQUE La personne évolue dans des dimensions diverses, à la fois physique, psychologique, sociale et spirituelle. Ces dimensions recoupent les différents aspects de son existence (son corps, sa pensée, ses valeurs et ses croyances), son rapport aux autres et au monde (relation à sa famille, à l entourage, etc.) et sa motivation existentielle (place et rôle qu elle s attribue en ce monde). Entrer en relation et en communication avec autrui, être dans une démarche d accompagnement, suppose donc la prise en compte globale de la personne, afin de mieux la connaître et la comprendre. C. Billet / Hamsa Press pour Handicap International Le contexte dans lequel évolue une personne tient compte des valeurs de la société dans laquelle elle vit et du groupe auquel elle se rattache. Il est donc crucial de prendre en considération le contexte et de distinguer les normes sociales collectives, nationales ou internationales (santé, éducation, droits de l homme) des représentations subjectives de chacun. Une prise en compte des valeurs locales et le décodage de systèmes de valeurs propres à un territoire sont donc importants et garantissent les résultats d une démarche d accompagnement cohérente et efficace. En travail social, notamment dans le cadre de dispositifs d accompagnement social personnalisé, certains intervenants appuient leurs actions sur l approche systémique. Cette approche, issue de réflexions en psychosociologie et en communication, est née dans les années 40 aux Etats- Unis. Elle considère que chaque être humain coexiste à l intérieur de plusieurs systèmes et que ces systèmes s influencent les uns les autres. Dans un contexte donné, un individu est donc toujours en interrelation avec l environnement et les autres membres du groupe auquel il appartient. Le comportement de chacun des membres d un groupe est lié aux comportements de tous les autres et en dépend directement. De plus, l approche systémique considère que ce qui fait problème dans une situation n est pas le symptôme d un mal-être ou d un dysfonctionnement, mais le contexte dans lequel il s inscrit. Dans le cadre de l accompagnement social, l approche systémique permet d organiser au mieux un projet personnalisé, de faire la part des choses et de n oublier aucun des membres qui com- 20

pose chacun des systèmes dans la définition d un plan d action. De plus, cette approche permet d identifier et de comprendre la place et la fonction de chacun au niveau individuel et par extension, au niveau collectif et communautaire. Sa place dans la société Avec ses différents lieux de vie Ses lieux d appartenance Socioculturelle et religieuse Ses associations Sportives, humanitaires ou autres La personne Personnalité Culture Histoire Identité Valeurs Goûts Son travail Et son entreprise Son logement Et son quartier Principes et repères Son école Et ses lieux de formation L approche systémique met également en avant un certain nombre d éléments communs à chacun des systèmes en présence et à partir desquels peut se construire le diagnostic de la situation globale d un individu, ou par exemple, celle d une famille, d une communauté, d une entreprise. Le but : Pourquoi tel groupe ou telle communauté existe? Que permettent-ils? (sentiment d appartenance, processus d identification ) Les alliances : Qui forme les alliances, à quelles fins (pouvoir, coalition )? Comment sont-elles modifiées? L espace : Quel est l espace physique et relationnel? Qui est proche de qui? Qui est à distance? Qui est isolé? Les forces gravitationnelles : Quelles sont les personnes sur lesquelles on s appuie? Vers qui se tourne-t-on en cas de besoin? Quelles sont les caractéristiques de ces personnes? Les limites et les frontières : Chaque personne a une propre frontière qui lui permet d être autonome tout en partageant des espaces collectifs. Il s agit également des frontières entre les générations. Les rôles : Qui contribue aux besoins du groupe? Qui gère les finances? Qui met des limites? Qui autorise? Qui interdit? Qui souffre? Qui est valorisé? Qui est le leader/héros? Qui est le bouc émissaire? Les positions : Chaque personne a une position qui lui permet d être reconnue par les autres, d avoir une estime d elle-même et de pouvoir évoluer. (Quelle est la position des enfants? Quelle est la position des adultes? Quels sont les frontières et les modes de communication entre eux?) 21

Les règles : Quelles sont les règles communes? Les règles implicites? Qui gouvernent les actions et les réactions en lien avec les règles établies? Les valeurs : Quelles sont les représentations mentales et émotionnelles? Les valeurs culturelles, religieuses? Qu est-ce qui est bien? Qu est-ce qui est mal? Les croyances : Quelles sont les croyances familiales, communautaires? Quel est le regard commun porté sur tel sujet de société, sur tel mythe ou telle réalité? Quelques repères L approche systémique nous invite à analyser une situation dans sa globalité, et à nous intéresser aux possibilités des personnes plutôt qu à leurs manques. La personne ne peut pas être réduite à ses problèmes ou son handicap. Pour cela, les principes sont les suivants : - Tout système (personne, famille, groupe, communauté, etc.) porte en lui les solutions aux problèmes qu il se pose. Lors de moments de crise ou de changement nécessaire, si le système ne trouve pas de solutions, les signes de souffrance de l un ou plusieurs de ses membres vont attirer l attention de «l aidant». De ce fait, dans une situation qui pose problème, les solutions sont toujours à chercher en priorité dans le contexte. Les solutions qui viennent de l extérieur, non adaptées au contexte, sont rarement durables et significatives pour les familles/communautés, menant souvent à l échec et à une déstabilisation du système en place. - Tout système (personne, famille, groupe, etc.), même en situation de grande vulnérabilité, possède des capacités et des ressources qui peuvent être mobilisées. Piaget, un pédagogue, disait qu à chaque fois qu une personne donne la solution à un enfant ou à tout autre individu, ou si elle fait les choses à sa place, elle le prive de faire l expérience de chercher et de trouver lui-même comment faire. C est cette expérience qui construit sa confiance en lui et son estime. Il convient toutefois de rappeler que dans le cadre du travail social (urgence et développement), il peut arriver que certaines personnes soient dans un tel dénuement que l on se doit de leur donner les moyens de combler leurs besoins de base. C est alors une étape nécessaire et indispensable avant de mobiliser des capacités. - Tout système a son évolution propre. Les mêmes situations ne produisent pas forcément les mêmes effets et il y a plusieurs chemins pour arriver au changement. Ceci veut dire deux choses : a) Nous n avons pas à attendre les gens «au tournant». Par exemple, un enfant battu ne deviendra pas forcément un parent maltraitant, toutefois si on est convaincu qu il le sera, on risque de mettre en place le contexte (crainte, contrôle) qui favorisera cette attitude. b) Il n existe pas une seule façon d arriver à un changement, il y a toujours plusieurs solutions possibles. Ainsi, dans l accompagnement d une personne, il n y a pas de solution idéale à trouver et appliquer. - Un système humain est un système vivant, porteur de cycles de vie. Certaines périodes sont marquées par la construction (du couple conjugal, parental par exemple), d autres sont dans l évolution. Pour se transformer, tout système passe par des temps de crise (le temps du changement) qui correspondent au passage d un état à un autre. Par exemple, un jeune couple va traverser un moment de déséquilibre pour accueillir leur premier enfant et trouver leur état de parents. Il en sera de même avec les enfants, au moment du départ des parents, de la mort, de la maladie ou du développement d une déficience chez l un des membres de la famille. 22