MEMOIRE pour obtenir le DESS en Sciences de l information et de la documentation spécialisées. présenté et soutenu par.



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Transcription:

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS INSTITUT NATIONAL DES TECHNIQUES DE LA DOCUMENTATION MEMOIRE pour obtenir le DESS en Sciences de l information et de la documentation spécialisées présenté et soutenu par Alice Faucheux le 21 octobre 2005 Gestion de contenu et site de ressources documentaires : Approche théorique et expériences dans l Administration Jury composé de Madame Claudine Masse et de Monsieur Michel Girault Cycle supérieur Promotion XXXV

Remerciements Je remercie de tout cœur Madame Claudine Masse pour sa présence et son soutien tout au long de mon travail. Les longues conversations que nous avons eu ensemble ont enrichi et fait évoluer ma réflexion et son soutien efficace m a permis de surmonter les difficultés rencontrées. Je la remercie également pour la richesse des contacts professionnels que j ai pu nouer grâce à elle. Un grand merci à Monsieur Michel Girault pour son accueil et sa bienveillance. Sans lui ce travail n aurait pas pu être mené à bien. Pour leur gentillesse et leur disponibilité, merci à Chrystèle Avisse et Béatrice Leroy, documentalistes au Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative. Un grand merci également à tous ceux qui ont généreusement accepté de me donner une partie de leur temps et de partager avec moi leurs compétences en me recevant souvent longuement. Ils ont ainsi permis que ce mémoire voit le jour. Merci donc à : Jacques Amsellem, Marie-Thérèse Andrieu, Anne Bescond, Corinne Delcourt, Olivier Garry, Marianne Gautier, Hélène Parmentier, Marie-Pascale Krumnow, Guy Rossignol, Martine Sibertin-Blanc et Marielle Trégouët. 2

Résumé Gestion de contenu et site de ressources documentaires : approche théorique et expériences dans l Administration / Alice Faucheux. Paris : INTD-CNAM, 2005. Mémoire DESS. Gloss, Bibliogr., 55 ref.. (113 p.) Résumé : Les outils de gestion de contenu (CMS) permettent de créer des sites Web dynamiques et, pour les plus sophistiqués d entre eux, de gérer l ensemble des contenus de l entreprise. L Administration les utilise aujourd hui pour développer ses sites Web (Intranet, Internet et Extranet). Une refonte de site est l occasion pour les professionnels de l I-D de repenser leurs produits documentaires en ligne et d en améliorer l usabilité. Par ailleurs, tout projet de gestion de contenu est une porte d entrée à la gestion des connaissances dans l organisme. S y impliquer est donc un enjeu stratégique pour les professionnels. L indexation et les langages documentaires optimisent les moteurs de recherches des systèmes, et des taxinomies adaptées permettent de créer une architecture fonctionnelle de l information. Mots-clés : CMS SITE WEB DYNAMIQUE INTRANET DOCUMENTAIRE USABILITE DOSSIER DOCUMENTAIRE VEILLE ARCHITECTURE DE L INFORMATION INDEXATION MANAGEMENT DE L INFORMATION GESTION DES CONNAISSANCES 3

Table des matières INTRODUCTION... 9 PREMIERE PARTIE DEFINITIONS PRELIMINAIRES : CMS ET PUBLICATION SUR LE WEB 12 1. Définitions... 13 1.1. Système de gestion de contenu ou Content Management System (CMS).... 13 1.2. Distinction entre CMS, Enterprise Content Management (ECM) et Web Content Management.... 14 2. Le principe fondateur de la Gestion de contenu Web... 16 2.1. Le principe fondateur : La séparation du fond et de la forme pour une production de sites dynamiques... 16 2.2. Avantages en terme de mise à jour par rapport à la gestion de sites statiques... 16 2.3. La création des pages réunissant contenus et gabarits (Restitution)... 17 3. La publication sur le Web avec un CMS.... 19 3.1. Les trois grandes étapes de la publication... 19 3.2. Des Workflow pour coordonner les tâches... 19 3.3. Le bouleversement de la notion de document : modélisation et exemple d interface d un CMS en back office.... 20 3.3.1. Contenus ou documents?... 20 3.3.2. La structuration de l information : le XML et les documents structurés... 20 3.3.3. Modélisation des contenus... 22 4. Conception du système et fonctionnalités.... 23 4.1. Les grandes lignes de la conception du système... 23 4.2. Panorama des fonctionnalités offertes par les CMS... 24 4.2.1. Edition et production... 24 4.2.2. Publication... 24 4.2.3. Rangement : architecture de l information... 27 4.2.4. Recherche... 29 4.2.5. Archivage... 30 4.2.6. Fonction portail : encore faible pour les CMS de publication sur le Web... 30 5. Les compétences réunies dans un projet de gestion de contenu sur le Web... 33 5.1. Typologie de base des acteurs et de leurs fonctions... 33 4

5.2. L éclatement de la profession de Webmestre.... 34 DEUXIEME PARTIE POUR L IMPLICATION DES PROFESSIONNELS DE L I-D DANS LES PROJETS WEB ET DE MANAGEMENT DE L INFORMATION... 36 1. La mutation des pratiques depuis l avènement d Internet et des outils de Gestion de contenu... 37 1.1. Entre 1995 et 2000 : la nécessité d adapter ses pratiques au nouveau medium... 37 1.2. Aujourd hui : d une redéfinition des pratiques par rapport au Web à une redéfinition dans le Web... 38 1.3. Vers une redéfinition des métiers dans le Management d information... 39 2. Projet Web Réflexions sur l offre en ligne : pour une webisation des produits documentaires... 41 2.1. L opportunité offerte par la refonte d un site avec un CMS... 41 2.2. Service en ligne : conception d une bibliothèque numérique... 42 2.2.1. Site de ressources documentaires : bibliothèque numérique... 42 2.2.2. Problèmes posés par la raréfaction des liens interpersonnels entre le professionnel et son public... 44 2.3. Webisation des produits documentaires... 45 2.3.1. Les produits documentaires... 45 2.3.2. Sortir d une logique papier pour adopter une logique Web... 46 2.3.3. Les dossiers documentaires et les synthèses... 47 2.3.4. La veille... 52 2.3.5. La double logique des sites de ressources et d information : push et pull... 58 3. Gestion de contenu et Management de l Information... 59 3.1. Des pratiques de gestion documentaire au Management de l Information... 59 3.2. Les notions de Management de l Information, de document et d information selon les définitions de la norme FD X 50-185... 59 3.3. A de nouveaux besoins, de nouveaux projets, outils, services et professions... 61 3.3.1. Les projets de gestion de contenu, porte d entrée au Management d Information... 61 3.3.2. La période de mutation professionnelle des métiers de l I-D... 62 3.4. La mobilisation de compétences et de savoir-faire traditionnels dans les projets de gestion de contenu... 63 3.4.1. L architecture de l information... 64 3.4.2. L indexation et le XML... 66 3.5. Les Enjeux... 67 TROISIEME PARTIE CONCEPTION D UN SITE DE RESSOURCES DOCUMENTAIRES DANS L ADMINISTRATION : BENCHMARK ET PROPOSITION... 68 1. Mission au Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative... 69 1.1. Projet de refonte de l Intranet du Ministère dans un CMS (Spip Agora)... 69 1.2. Mission... 70 5

1.3. Méthode suivie : approche utilisateur des CMS et benchmarking... 71 2. Benchmark des sites ministériels de ressources documentaires et des services d information... 74 2.1. Sites et produits... 74 2.1.1. Typologie des sites administrés par les documentalistes... 74 2.1.2. Les contenus des sites de ressources documentaires des Intranets (souvent disponibles aussi en Extranet)... 75 2.1.3. La structuration de l information... 75 2.2. Compétences et positionnement dans l organisme... 76 2.2.1. Des professionnels interviewés... 76 2.2.2. Au Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative... 76 2.3. Politique documentaire et activités menées pour assurer l alimentation du site... 78 2.3.1. Récupération des publications du ministère... 78 2.3.2. Politique documentaire pour orienter la veille et définir les thématiques des dossiers documentaires... 79 2.3.3. Réseaux... 80 3. Proposition de gammes de produits pour l «espace documentaire» de l Intranet... 81 3.1. Analyse de l existant... 81 3.1.1. Le site de la documentation actuel : MJSdoc... 81 3.1.2. Les ressources documentaires produites par d autres services que la documentation, sur l Intranet actuel... 83 3.2. Spip Agora... 84 3.2.1. Fonctionnalités... 84 3.2.2. Un outil peu utilisé dans l Administration aujourd hui... 85 3.3. Proposition : bascule de l existant et décloisonnement des contributions pour la création du site de ressources... 86 3.3.1. Gamme de produits et rubriquage... 86 3.3.2. Alimentation des rubriques... 89 3.4. Perspectives... 90 CONCLUSION... 93 BIBLIOGRAPHIE... 95 ANNEXES... 106 Annexe 1 : Guide d entretien... 107 Annexe 2 : Glossaire... 111 6

Liste des figures Figure 1 : La production des pages Web dynamiques... 17 Figure 2 : Les trois grandes étapes de la publication avec un CMS... 19 Figure 3 : Exemple d une interface de contribution sous Typo3... 22 Figure 4 : Champs relatifs au cycle de vie d un contenu, exemple de Typo3, interface contributeur du site www.consitution-europenne.fr... 25 Figure 5 : Portion de l architecture du site www.constitution-europeenne.fr géré avec Typo3 qui permet de voir comment un CMS indique qu un contenu ne figure plus sur le site... 26 Figure 6 : Icônes utilisées pour signifier un flux XML (RSS ou ATOM) sur un site... 27 Figure 7 : Structuration hiérarchique de l information... 28 Figure 8 : Structuration relationnelle ou en réseau de l information... 28 Figure 9 : Espace Ressources du site Internet du Ministère de l Agriculture www.agriculture.gouv.fr géré sous Spip... 43 Figure 10 : Exemple de dossier documentaire en ligne, www.ladocumentationfrancaise.fr... 48 Figure 11 : Schéma d une méthode de modélisation de dossiers documentaires dans un CMS en trois étapes... 51 Figure 12 : Page du site http://webplanet.net Informatique>Veille & Moteurs choisi à titre d exemple d architecture d un site ou d une rubrique de veille... 54 Figure 13 : Les quatre types complémentaires de Gestion de l Information qui constituent le Management de l Information... 61 7

Figure 14 : Organisation cible de l Intranet 2005 au MJSVA... 69 Figure 15 : le portail MJSdoc de l Intranet du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative... 82 Figure 16 : Structuration visuelle de la page d accueil de l Espace documentaire... 88 Liste des annexes Annexe 1 : Guide d entretien... 107 Annexe 2 : Glossaire... 110 8

Introduction 9

«La gestion de contenu»? Il semble que l on ne parle que de cela aujourd hui. Depuis quelques mois, les articles introductifs et méthodologiques sur les nouveaux outils se multiplient dans les revues spécialisées de Sciences et Techniques de l Information. L ADBS leur a consacré au printemps dernier une journée d étude. L association des professionnels de l I-D a alors annoncé la création d un nouveau groupe métier. La raison en est que déjà, les professionnels doivent faire face, dans leurs pratiques et leur métier, à un bouleversement technologique. Toutes les entreprises, tous les organismes publics ont déjà adopté ou sont en passe d adopter les outils de gestion de contenu. Ces outils ont une double finalité. La première est de gérer les contenus de l entreprise. Par contenu on entend, les données produites par l organisme et ceux qui sont nécessaires à son bon fonctionnement. La seconde finalité est de permettre la publication de ces contenus, sur le Web ou sur tout autre support, y compris le papier. Concrètement, selon les projets et les outils choisis, il s agit de mettre en œuvre des systèmes d information intégrés ou de concevoir des sites Web dits dynamiques. L évolution technologique est importante. Mise en perspective avec les pratiques et savoir-faire des professionnels de l I-D, elle soulève des problématiques multiples. Du point de vue des produits tout d abord : quels bénéfices peut on attendre de l exploitation de ces outils pour la conception de sites Web? Dans quelle mesure l offre de produits et de services en ligne pourra-t-elle être optimisée et valorisée à l occasion du changement technologique? Et quels seront les changements organisationnels sur les pratiques documentaires à envisager? Du point de vue du métier, on comprendra combien est stratégique la connaissance et la maîtrise des outils par les professionnels de l I-D, qui se définissent eux-mêmes comme des médiateurs de l Information : quels liens existe-t-il entre les outils de gestion de contenu, la gestion des connaissances, le Records Management et la Veille? Enfin, les projets de mise en œuvre de gestion de contenu, support de la gestion de l information, ne seraient ils pas une occasion pour tout professionnel de se positionner stratégiquement dans une perspective de Management de l Information? Pour répondre à ces questions, le choix d aborder de front les questions technologiques liées aux outils a été fait. Une première partie de définitions 10

préliminaires présente les concepts clés, explore les fonctionnalités des outils et dresse un panorama des compétences réunies dans les projets de mise en œuvre de gestion de contenu Web. Cette approche technologique est critiquable dans la mesure où les outils évoluent très vite et que dans peu de temps les informations qui s y trouvent ne seront plus d actualité. Pour atténuer ce problème de la pérennité de l information, ce sont les concepts de base des nouvelles technologies qui sont mis en avant et non leurs outils et formats informatiques, qui eux, changent rapidement. Ces définitions préliminaires permettent d aborder une partie théorique dont l objet est de valoriser l implication des professionnels de l I-D dans les projets de gestion de contenu Web et de Management de l Information. Elle est nourrie de lectures, de réflexions personnelles et de l observation des pratiques ministérielles. Une adaptation de cette approche théorique à un terrain est présentée dans le cas d étude qui conclu ce mémoire. 11

Première partie Définitions préliminaires : CMS et publication sur le Web 12

1. Définitions 1.1. Système de gestion de contenu ou Content Management System (CMS). «Système de gestion de contenu» est une traduction littérale de l anglais Content Management System (CMS). En français, on utilise couramment le sigle CMS pour désigner les logiciels de gestion de contenu. La notion de gestion de contenu a été clairement définie par Myriam Lalaude 1 dans son intervention à la journée d étude de l ADBS du 19 avril 2005 [6] 2. Elle indique qu au sens strict «la gestion de contenu permet la construction et l administration d une base de contenus (référentiel de contenus) et ceci indépendamment de la façon dont ils seront publiés». Cette base de contenus, que l anglais nomme simplement base de données 3 a pour objectifs [6] [25] : - de gérer des volumes importants de données hétérogènes : de toutes tailles, de tous formats (contenus textuels, images ou éléments multimédia, fichiers attachés PDF, PTT, Excel, Word ) stockés dans la base ou puisés dans des bases MySQL et des outils applicatifs. - de fournir une chaîne de publication en XML* 4. - de permettre une publication multicanal de ces contenus hétérogènes : c'està-dire de permettre à partir de ces contenus l édition et la publication de documents sur différents supports ou médias : Web, papier ou même autres comme les messages sur les mobiles 5 qui se développent aujourd hui. Par exemple, pour l édition d une page Web ou la publication d un rapport papier, le CMS peut être paramétré pour associer un contenu textuel saisi dans le CMS, une image provenant d une banque d images et les dernières statistiques provenant d un logiciel de gestion des ressources humaines, le tout suivant une configuration de publication déterminée. 1 Consultante, Cap Gemini 2 Les chiffres indiqués entre crochets, suivis éventuellement d un numéro de page, renvoient à la bibliographie présentée en fin de mémoire 3 Les articles américains la désigne en effet, simplement database : base de données [8], [15], [20] 4 Les termes suivis d un astérisque sont définis dans le glossaire, Annexe 2, p. 110 5 Mis en œuvre pour M6 Web avec le logiciel libre de gestion de contenu Jalios, intervention de Hafosa Ali [6] 13

- de permettre à plusieurs individus de travailler sur un même contenu. Par conséquent, un système de gestion de contenu doit comprendre des workflow* éditoriaux avec des étapes de corrections (automatisées ou non) et de validation des contenus. Ces applications ont donc pour ambition d être des outils de publication mais aussi, pour les plus sophistiqués d entres eux, de constituer tout ou partie du système d information (SI) d une entreprise ou d un organisme. 1.2. Distinction entre CMS, Enterprise Content Management (ECM) et Web Content Management. Un CMS ou Système de gestion de contenu est un terme générique qui recouvre différents types d applications. L Enterprise Content Management (ECM) désigne une catégorie d application très ambitieuse de gestion de l information de l entreprise. Elle correspond à la définition de la gestion de contenu stricto sensu qui précède. C'est-à-dire qu elle exploite pour le Système d Information de l entreprise (SI) toutes les potentialités de la gestion de contenus. Sa finalité est double. D une part, la publication via tous les supports et média envisageables (Web : sites Internet, Intranets, Extranets, mais aussi papier : rapports d activité, publications commerciales etc.). D autre part, la gestion des connaissances, par la constitution d une base de connaissances et la création d espace de travail collaboratif [10, p. 28]. Il s agit donc d un système totalement intégré de production, de publication et d organisation de tous les contenus et informations (les données textuelles, les images aussi bien que les outils applicatifs ) de l entreprise avec une dématérialisation complète des procédures. De tels systèmes utilisent des logiciels hauts de gamme dits Enterprise CMS ou E-CMS 1. Le Web Content Management ou Gestion de contenu Web a pour unique finalité la gestion de sites Web (Internet, Intranet et Extranet). Selon leurs possibilités d extensions, les logiciels 2 proposent une gamme plus ou moins large d outils relatifs 1 Patrice Bertrand, directeur des opérations chez Smile cite les logiciels propriétaires Vignette, Tridion ou Broadvision et les logiciels libres Jahia ou Redhat E-CMS dans un Livre Blanc sur les CMS [9, p.3] 2 Dans le domaine du Libre, les plus utilisés en France sont Spip, Typo3, ezpublish, phpnuke, Zope ou OpenCms [9, p. 7] 14

au workflow*, au travail collaboratif, etc Certains d entre eux sont très simples de mise en œuvre, comme Spip qui connaît un grand succès en France et qui est considéré comme un outil «prêt à l emploi» qu un simple particulier peut utiliser pour créer son site Web. Il paraît important de distinguer ici ces deux types d applications, Enterprise Content Management et Web Content Management dans la mesure où de nombreux articles assimilent les CMS aux outils de publication sur le Web. L une des raisons qui pourrait être évoquée pour expliquer cette confusion est qu il existe aujourd hui une véritable explosion de l offre de logiciels de publication sur le Web, logiciels propriétaires et logiciels libres. Cette explosion de l offre correspond à une maturité des technologies ainsi qu à une demande forte des Webmestres confrontés aux contraintes des mises à jour de leurs pages produites par des logiciels d édition html traditionnels, comme Dreamweaver ou FrontPage. Des CMS de publication sur le Web simples à mettre en œuvre, qui lèvent la contrainte de la mise à jour fastidieuse et répétitive des pages, ont été rapidement adoptés pour tous types de sites, des sites institutionnels aux simples sites de particuliers. En revanche, peu d organismes privés ou publics sont mûrs pour profondément modifier l ensemble de leurs pratiques de travail en adoptant un E-CMS capable de gérer un système d information totalement intégré. L évolution se fait, mais progressivement par l adoption de systèmes de gestion de contenu pour certaines procédures uniquement, pour le partage des contenus entre tous les sites Web de l organisme, pour des chaînes de production ou encore pour un espace de travail collaboratif. Mais il est important de garder à l esprit les ambitions premières de la gestion de contenu qui peut offrir beaucoup plus que la seule fonction d édition de pages Web. 15

2. Le principe fondateur de la Gestion de contenu Web 2.1. Le principe fondateur : La séparation du fond et de la forme pour une production de sites dynamiques Le fond c est le contenu de la page Web contenu textuel, données image ou document multimédia qui est stocké dans la base de données alors que la forme désigne la présentation de ce contenu dans la page. La forme est définie dans un gabarit 1 (aussi nommé Template ou Squelette selon les outils) suivant la charte graphique du site qui détermine le positionnement des contenus dans la page, l alignement, les polices de caractères, les interlignes, les types d encadrement ou de cartouche, les zones de menu, etc [10, p.27]. Dans un CMS, fond et forme sont créés séparément et ne sont réunis qu au moment de l affichage des pages Web. On parle de création dynamique des pages et de site dynamique. Cela permet de créer un contenu sans aucune indication de mise en forme, si ce n est de déclarer avec quel(s) gabarit(s) ce contenu devra s afficher. Cela permet aussi d assurer la cohérence graphique des pages au sein du site et une mise à jour automatique des contenus. 2.2. Avantages en terme de mise à jour par rapport à la gestion de sites statiques C est une différence fondamentale avec les sites de la première génération, dits statiques, pour lesquels fond et forme sont liés. Dans un site statique, chaque modification d une information doit être reproduite sur chacune des pages où elle apparaît. Il faut faire les modifications page par page. Lorsque les sites sont volumineux, les mises à jour deviennent très contraignantes. La modification d un nom ou d un e-mail présent sur un grand nombre de pages peut nécessiter plusieurs heures de travail. 1 Selon les outils ce sont des templates Html, JSP, PHP ou XSL [9, p. 39], des feuilles de style CSS (Cascading Style Sheets: feuilles de style en cascade) telles que définies par le World Wide Web Consortium (W3C) 16

Un site géré dynamiquement par un CMS lève la majorité des difficultés liées aux mises à jour puisque chaque création ou modification d un contenu dans la base se fait «à la source» et que contenus et gabarits graphiques sont dissociés. Une modification apportée à un gabarit se reproduira sur toutes les pages affichées avec ce gabarit, de même qu une modification sur un contenu sera affichée sur toutes les pages où il doit s afficher. 2.3. La création des pages réunissant contenus et gabarits (Restitution) La fusion des gabarits et des contenus est désignée Restitution, traduction de l anglais Content Delivery, et se produit au moment de l affichage des pages. La figure 1 présente un schéma qui explicite le principe de la création dynamique des pages. La conception des gabarits et des contenus est donc faite séparément, et les contenus créés (stockés dans la base de données) ne sont réunis à un gabarit graphique qu au moment de l affichage de la page par l internaute, à la «restitution», en front office. Figure 1 : la production des pages Web dynamiques Création de contenus Back office Création de gabarits Publication des pages : Restitution Front office : Affichage de la page par l internaute 17

Notons que la Restitution des contenus dans un gabarit pose un problème de lenteur d affichage des pages qui est surmonté en recourant à des outils de cache*. Lorsque les pages sont demandées pour la première fois, elles sont stockées dans une mémoire intermédiaire, dite mémoire cache, de façon à pouvoir être réaffichées rapidement pour toute demande ultérieure, sans que le processeur ait à rechercher à nouveau toutes les informations de contenus et de gabarits et de les réafficher ensemble. Le temps d accès aux pages dont les contenus sont déjà assemblés est inférieur au temps nécessaire à la récupération des données pour la restitution des pages. Par conséquent recourir à un système de cache permet de réduire le temps nécessaire à l affichage des pages. Enfin, en raison de la séparation de la production des contenus et des gabarits graphiques, la création des contenus d un site Web dynamique se trouve être très différente de celle d un site statique, géré sous Dreamweaver ou FrontPage, et de leur logique Wysiwyg* 1. Ces éditeurs de sites statiques proposent des interfaces graphiques où l on travaille directement sur la page et où, ce que l on crée à l écran est ce qui sera publié. Les outils de gestion de contenu sur le Web offrent en revanche, du côté amont, des formulaires de saisie pour les contenus 2, proches par leur aspect des formulaires de saisie des bases de données documentaires, et d autres interfaces pour concevoir les gabarits graphiques 3. 1 Sigle de What you see is what you get : «ce que vous voyez est ce que vous obtenez» 2 Le chapitre 2.3.1 en donne un exemple sous Typo3 3 Précisons tout de même que certains outils proposent des interfaces de visualisation des pages du site, voir dans certains cas une interface Wysiwyg* mais même dans ces cas là, les contributeurs créent leurs contenus dans les formulaires de saisie. 18

3. La publication sur le Web avec un CMS. 3.1. Les trois grandes étapes de la publication La publication sur le Web avec un CMS comporte trois grandes étapes [6] : - la création de contenus dite Contribution : les auteurs (contributeurs) saisissent les contenus dans la base et les qualifient en choisissant des métadonnées dans le formulaire de saisie et le/les gabarit(s) graphique(s) dans lequel(s) ils devront s afficher. - la validation : les valideurs contrôlent les contenus et les envoient pour publication. - la publication dite Restitution qui associe à l affichage des pages les contenus et le gabarit appelé. 3.2. Des Workflow pour coordonner les tâches Pour coordonner les actions, les CMS proposent de créer des Workflow*. Ils sont plus ou moins performants selon les outils disponibles mais en théorie, ils permettent par la création d alertes par mail ou sur l interface utilisateur de l application de prévenir les différents acteurs du processus à la fin de chaque action effectuée. Contribution et Validation sont des actions réalisées par les personnes en charge de la «vie du site», en back office. En revanche, la publication se fait automatiquement au moment de l affichage des pages pour l internaute, en front office. Contribution : Création de contenus Figure 2 : les trois grandes étapes de la publication avec un CMS Back Office Front Office Validation des contenus et envoi pour publication Restitution : publication des contenus dans des gabarits Workflow 19

3.3. Le bouleversement de la notion de document : modélisation et exemple d interface d un CMS en back office. 3.3.1. Contenus ou documents? Jusqu ici, on a évité d employer le terme document pour désigner les contenus textuels créés et publiés avec un outil de gestion de contenu, en lui préférant celui de contenu. Contenu est un terme ouvert ce qui est dans un contenant 1 qui ne définit ni le type d information dont on parle, ni son support. C est finalement bien pratique pour éviter de considérer combien la notion traditionnelle de document tout écrit qui sert de preuve ou de renseignement 2 est bouleversé par la logique de la gestion de contenu. 3.3.2. La structuration de l information : le XML et les documents structurés Dans son intervention à la journée d étude sur la gestion de contenu organisé par l ADBS [6], Philippe Martin 3 indique que «traditionnellement, le document est conteneur d information, fermé et validé comme un tout. ( ) [et qu ] aujourd hui, le document composite est un contenu associé à une structure logique et à des éléments de présentation (feuilles de style)». La gestion de contenu oblige en effet à revoir la conception traditionnelle de document comme entité fermée, pour adopter une conception nouvelle d un document composite et structuré. Ce qui en est la cause, ce sont les langages de programmation balisés que les CMS utilisent, dont le XML*, qui sont capables de décrire toutes sortes de données et de textes. Ils travaillent sur une information structurée constituée des données ellesmêmes et de métadonnées qui caractérisent les données. Plus précisément, un document XML* est un document structuré qui comporte : - les éléments de contenu, textuels par exemple - des commentaires ou métadonnées qui ne font pas partie des éléments de contenu au sens strict dans la mesure où ils n apparaîtront pas à la publication. Ces métadonnées le caractérisent. Ce peuvent être des informations sur la structure des 1 Définition du Petit Robert 2 Définition du Petit Robert 3 Bureau Van Dijk 20

parties textuelles (ceci est un titre, ceci est un paragraphe, ceci est un lien hypertexte ) sur leur sens et leurs destinataires potentiels (ceci parle de cela, ceci pourrait intéresser ceux-là ) - des instructions de traitement qui permettent par exemple d appeler le gabarit avec lequel les éléments de contenus doivent s afficher. Concrètement, les contributeurs n auront pas à apprendre le langage de programmation utilisé par le CMS choisi. Les outils proposent des interfaces de saisie qui sont structurées comme des fiches de base de données. Les champs correspondent à des ouverture/fermeture de balises. Il y a des champs pour saisir du texte, d autres pour caractériser ce à quoi ce texte correspond dans le document publié final (titre, sous-titre, chapeau, paragraphe, lien hypertexte ), et éventuellement d autres encore qui ajoutent une couche sémantique de caractérisation du texte (sujet, thème...). Enfin, il y a encore les champs qui spécifient où et comment le texte devra s afficher dans le site (indication de ou des rubriques, indication du gabarit graphique, lien avec d autres données comme une image par exemple, durée après laquelle le texte devra être archivé ou détruit). Pour bien comprendre à quoi ressemble une interface de saisie de contenus dans un CMS, la figure 2 présente un exemple d interface de contribution (back office) sous Typo3 1. Il s agit de l interface de saisie des «news» du site www.constitutioneuropenne.fr. La copie d écran ne permet pas d avoir une vue complète de l ensemble des champs mais elle donne une bonne idée des interfaces de contribution qui sont très proches pour les différents outils. On a cherché à rendre évidente la distinction entre données et métadonnées en utilisant deux couleurs pour la légende : en bleu les données qui sont les zones de texte qui apparaîtront à la publication, en rouge les métadonnées qui caractérisent les données. 1 Copie d écran aimablement fournie par Anne Bescond, Sources d Europe. 21

Figure 3 : exemple d une interface de contribution sous Typo3 Caractérisation du type de document Zone relative au cycle de vie du document Localisation du document dans le site Structuration des Zones de texte Mots clés Notons que le document restitué à la publication est un document composite, c'est-àdire qu il peut être construit avec plusieurs documents structurés différents (un ou plusieurs éléments textuels, éléments multimédia ) et un gabarit graphique, mais qu en fait c est complètement transparent pour l internaute. 3.3.3. Modélisation des contenus Afin de paramétrer l interface de saisie il est nécessaire de procéder à une modélisation des contenus qui figureront sur le site. Une méthode sera proposée dans la seconde partie du mémoire, mais notons déjà qu il est nécessaire de faire une analyse rigoureuse de la structure des contenus pour pouvoir les caractériser et les découper le plus finement possible jusqu à leur niveau de granularité*. C'est-à-dire jusqu au point où l information ne peut plus être découpée. 22

4. Conception du système et fonctionnalités. 4.1. Les grandes lignes de la conception du système La conception du système se fait en amont du projet de création de site puis en cours de vie du site pour l adapter aux nouveaux besoins. Elle découle de l analyse des besoins mené au début du projet, en général par un groupe de travail coordonné par un chef de projet et constitué des futurs utilisateurs du système. Ensemble ils ont procédé à l identification des besoins des destinataires du site et à l analyse de l existant (les contenus et ressources à mettre en ligne, éventuellement l analyse du ou des sites préexistants). La conception du système détermine : - la conception des formulaires de saisie dans la base correspondant à une modélisation des contenus qui s attache à la structure des contenus, à leur cycle de vie et précise leur(s) localisation(s) dans l architecture du/des site(s), leurs auteurs et leurs destinataires - l architecture de l information du site. En général, il y a correspondance entre l organisation des contenus dans la base et la structure de rubriquage du site - la conception de vocabulaires contrôlés pour qualifier les contenus : listes de métadonnées, éventuellement un thésaurus - la définition de chartes graphiques et éditoriales pour assurer la cohésion du site - la conception de gabarits graphiques - la gestion des droits d accès des contributeurs (auteurs) et des responsables éditoriaux (valideurs) qui valident les contenus du site - la gestion des contributions par la mise en place de workflow* éditoriaux qui coordonnent les activités. 23

4.2. Panorama des fonctionnalités offertes par les CMS 4.2.1. Edition et production a- Chaîne de production «industrielle» C est ce qui a été vu dans le détail précédemment : les CMS permettent une production «industrielle» des contenus avec une répartition des tâches, une gestion des contributions par droits d accès, et la possibilité de définir des workflow* éditoriaux. b- Travail collaboratif et gestion de versions concurrentes Certains outils peuvent proposer des briques de travail collaboratif avec une gestion des versions dites «concurrentes». C est à dire qu il est possible de proposer dans un espace donné du site ou de la plateforme Web, un espace de travail collaboratif. Le CMS fournit un outil qui distingue les évolutions apportées par les différentes personnes qui travaillent sur un même document, en général par la couleur. Cela permet de conserver les différentes versions d un même document produit en commun tout en identifiant les différentes mains qui y ont travaillé. 4.2.2. Publication a- Publication multicanal Le principe selon lequel les contenus sont stockés dans une base de données avant d être publiés à l affichage des pages dans un ou plusieurs gabarits graphiques rend possible la publication multicanal d un même contenu sous diverses formes. Un même contenu peut être publié dans différentes pages d un site avec une présentation différente, mais aussi dans différents sites gérés par la même base de données. Notons par ailleurs, que la plupart des outils intègrent en standard un outil de mesure et de suivi d audience (statistiques) pour permettre de connaître la fréquentation de ses pages. b- Sélection et cycle de vie des contenus Les CMS permettent de déclarer pour les contenus des règles de gestion relative à leur publication. Il s agit, pour chaque contenu, de définir la ou les rubriques où il 24

devra s afficher sur le site, et de préciser son cycle de vie. C'est-à-dire de déclarer à où et à quel moment cet article doit être publié sur les pages. Par exemple, où, quand et pour combien de temps une actualité doit elle figurer en page d accueil? Quand sera-t-elle mise dans une rubrique thématique? Quand sera-t-elle mise en archive et éventuellement quand devra-t-elle être retirée du site? On peut distinguer trois grandes catégories de cycles de vie par type de contenus [6] : - les cycles de vie courts des contenus vifs les actualités par exemple qui sont rapidement mis en archives et éventuellement supprimés du site. - les cycles de vie moyens des contenus qui restent plus longtemps sur un site les chiffres clés, les données d un rapport annuel par exemple et sont mis en archives au bout d une durée déterminée (mensuelle, annuelle selon les cas). - les cycles longs des contenus pérennes comme les réglementations ou les procédures qui restent en ligne. En back office, les contributeurs et les valideurs indiquent les délais selon le cycle de vie souhaité pour le document. La figure 4 reprend l exemple de Typo3 utilisé précédemment pour illustrer le type d interface fournie par les CMS. Figure 4 : Champs relatifs au cycle de vie d un contenu, exemple de Typo3, interface contributeur du site www.consitution-europenne.fr 1 Dans l architecture du site, l état du document est signifié par des icônes. Un document retiré du site ne disparaît pas de l arborescence si cela n est pas souhaité. Il peut continuer d y figurer avec une icône qui indique que ce contenu toujours présent dans la base n est plus publié dans le site. A titre d exemple, la figure 5 de 1 Copie d écran fournie par Anne Bescond, Sources d Europe 25

l architecture du site constitution-européenne géré par Typo3 présente un type de notification de suppression d un contenu sur un site. Contenu retiré du site, toujours présent dans la base Figure 5 : portion de l architecture du site www.constitution-europeenne.fr géré avec Typo3 qui permet de voir comment un CMS indique qu un contenu ne figure plus sur le site 1. c- L échange de contenus entre sites distants: syndication et agrégation de flux XML (flux RSS ou Atom) Les CMS permettent un partage de contenus entre sites distants. La technologie repose sur la production et/ou la réception d un fichier XML* dont les formats les plus courants aujourd hui sont RSS* et Atom*. Ce type de fichier permet de distribuer (syndiquer) ou de recevoir (agréger) les dernières mises à jour d une rubrique d un site. Un fichier contient les titres, éventuellement les sous-titres, un résumé et les liens qui pointent vers les derniers contenus produits dans la rubrique du site concerné. Comme ce fichier est constamment mis à jour on parle de «flux» ou de «fils» 2 XML ou RSS*. Ce sont les rubriques dont les mises à jour sont fréquentes, comme les rubriques d actualités des sites, qui sont généralement syndiquées. On trouve d ailleurs de plus en plus de flux XML sur le Web et particulièrement sur les sites de la presse et des médias. www.lemonde.fr par exemple propose un flux XML par rubrique d actualité. Lorsqu il s agit de recevoir ces flux d informations on parle d agrégation de flux. Pour un site Web, il est possible de générer dans une page Web un espace réservé 1 Copie d écran fournie par Anne Bescond, Sources d Europe 2 En anglais, on utilise le terme feed 26

pour afficher ces flux d information 1. Cela permet d afficher dans son site Web des contenus produits par d autres sites. Il n existe pas encore de norme pour le format de données utilisé pour ces flux. La première version du format RSS* (Really Simple Syndication 2 ou Rich Site Summary 3 ) date de 1999 et depuis il évolue très vite. Atom* (Atom Syndication Format 0.3) est aujourd hui le dernier né. Il a pour objectif de s étendre aux différents contenus et pas seulement aux brèves d actualité et de prendre en compte une gestion des droits d accès et la gestion des versions concurrentes dans les espaces de travail collaboratif [27, p. 52]. Dans les sites, les flux XML sont signifiés par des icônes oranges où selon les cas est inscrit en lettres blanches : XML*, RSS* ou Atom* comme le montre la figure 6. Figure 6 : icônes utilisées pour signifier un flux XML (RSS* ou ATOM*) sur un site (images libres de droits) 4.2.3. Rangement : architecture de l information a- Organisation hiérarchique Dans la majorité des cas, l architecture de l information dans un CMS de publication sur le Web correspond à la structure de rubriquage qui a été déterminé pour le site. Le mode d organisation le plus classique est celui d une structure hiérarchique arborescente, semblable à la structure d une arborescence de dossiers sous Windows. 1 Il est aussi possible pour un particulier n ayant pas de site Web, d utiliser un petit programme d agrégation de flux XML qui affiche les contenus au fil du temps ou encore de les recevoir dans sa boîte mail, comme une newsletter. 2 Traduire «Syndication vraiment simple» 3 Traduire «Résumé complet d un site» 27

La figure 7 présente d une façon schématique une organisation hiérarchique de l information. Figure 7 : structuration hiérarchique de l information b- Organisation relationnelle ou en réseau Cependant, pour un site l organisation hiérarchique pure peut être trop structurante. Par exemple, si l on souhaite qu une même information apparaissent dans deux rubriques différentes (qu une nouvelle apparaisse à la fois sur la page d accueil du site et dans une rubrique thématique). Pour remédier à ce problème, il est possible d associer un contenu à plusieurs thèmes ce qui crée une organisation plus relationnelle que hiérarchique. Il est alors possible de définir plusieurs classifications distinctes et ranger un même contenu au regard de ces différents arbres [9, p. 27 et 10, p. 27]. L organisation relationnelle de l information présente l avantage de donner la possibilité à l internaute de retrouver un article dans différentes rubriques du site et ainsi de faciliter l accès à l information. Figure 8 : structuration relationnelle ou en réseau 28

Notons enfin que la correspondance entre structure interne (référentiel de contenus) et structure externe (du site) n est cependant pas une obligation [9, p. 26]. Dans le cas d architectures différentes pour le référentiel et pour le site, il est nécessaire de déclarer des règles de gestion ou de notifier pour chaque contenu du référentiel sa position dans le rubriquage du site. 4.2.4. Recherche a- la recherche dans le site Les moteurs de recherche sont des outils spécifiques qui ne relèvent pas à proprement parler du CMS mais la plupart d entre eux en proposent qui sont plus ou moins performants selon les outils 1 [9, p. 50]. Il est donc parfois nécessaire de recourir à un moteur externe 2 pour obtenir des résultats pertinents (moteur qui indexe automatiquement tous les contenus, y compris les documents joints et propose des fonctions de tri par pertinence). b- La logique du référencement Le référencement vise à optimiser la visibilité d un site dans les différents outils de recherche disponibles sur Internet, les moteurs de recherche comme Google, Yahoo ou Alta Vista. Les principes de base sont d une part de définir, à la création des pages du site, des mots-clés qui caractérisent le contenu pour faciliter le repérage du site par les moteurs. D autre part, de veiller à avoir pour chacune de ses pages des URL (adresse de la page Web) dont les termes sont porteurs de sens parce que les moteurs procèdent à leur indexation. Comme les CMS génèrent automatiquement des URL dépourvues de sens (du type partrimoine?articleid=324) il est parfois nécessaire de procéder à la réécriture des URL pour leur donner des titres porteurs de sens (du type patrimoine/journeenationnale/orleans.html) 3. 1 Le moteur de recherche de Spip en particulier offre des fonctions de recherche simplifiées et assez sommaires [9, p. 50] 2 Le livre Blanc sur les CMS de publication sur le Web de Smile (2005) recommande dans le monde du Libre le moteur HtDig et le logiciel propriétaire Ultraseek [9, p. 50] 3 La Documentation Française pour le site www.vie-publique.fr géré sous Spip a fait réaliser par un prestataire un programme de réécriture des url 29

Or, on applique la même logique du référencement pour faciliter ce repérage des pages par le moteur interne du site que celui du référencement de site pour les moteurs externes. La recherche via les moteurs, et particulièrement ceux qui ont des fonctionnalités peu développées comme le moteur de Spip, gagne en performance lorsque les contenus sont bien indexés manuellement, c'est-à-dire enrichis de métadonnées de nature sémantique. Pour faciliter cette indexation manuelle, il faut mettre à disposition des contributeurs des listes de vocabulaire contrôlé, pertinent des listes fermées, ouvertes, voire même un ou plusieurs thésaurus. 4.2.5. Archivage Les CMS permettent de gérer le cycle de vie des contenus publiés sur le Web. Selon le cycle de vie déterminé pour un contenu, l outil transfert après la durée déterminée, le contenu en archives dans les rubriques du site. C est particulièrement utile pour les rubriques de documents peu pérennes comme les actualités. 4.2.6. Fonction portail : encore faible pour les CMS de publication sur le Web a- Définition d un portail Stricto sensu, aujourd hui un portail est une plateforme qui a pour vocation : - sur le Web, d être une porte d entrée vers un large éventail de services et de contenus, à l interface personnalisable par l internaute. MyYahoo en est le premier exemple (créé en 1999). - pour les Intranet d entreprise, d être pour l utilisateur, en plus d un outil de communication pour l entreprise, un véritable espace et outil de travail. C est à la fois la page d accueil de l Intranet, personnalisable, où sont agrégés des contenus hétérogènes (Internes et Externes), et une plateforme qui intègre les applications de l entreprise dont l utilisateur, en fonction de son profil, a besoin pour travailler [9, p. 43]. 30

La fonction portail est assurée par un outil d agrégation un gestionnaire de portail qui permet d identifier l utilisateur (identification numérique SSO 1 ) et de personnaliser l interface en se proposant d y agréger des contenus hétérogènes : - des contenus gérés par un CMS (contenus textuels, travail collaboratif, bases de données ) et des liens vers des rubriques de l Intranet où d autres sites Internes - des contenus provenant de sites externes et des liens externes - la messagerie de l entreprise - les applications de l entreprise (d autres plateformes de travail collaboratif, des outils divers par exemple de statistiques, de gestion du personnel ), etc. [9, p. 44]. b- Distinction entre portail et page d accueil C est une distinction importante qu il faut donc faire : «portail» est souvent utilisé comme un synonyme de «page d accueil» d un site. «Page d accueil» étant définie comme une page Web qui donne accès aux différents contenus du site et devant être conçue selon des principes ergonomiques et graphiques destinés à favoriser l accessibilité et la lisibilité de la page. La responsable de l information publique à la Documentation Française définit ainsi la notion de portail : «c est un outil d agrégation qui permet la mise en scène sur le Web de contenus éditoriaux avec des outils applicatifs» 2. Selon cette acception, un «portail» est une page d accueil, un outil de communication, qui peut contenir des éléments statiques, des éléments dynamiques provenant d un CMS, insérés dans la page en utilisant des flux XML, et des liens vers des rubriques et des applications, des bases de données Ce type de «portail» / page d accueil peut être conçue avec un CMS et même avec un éditeur traditionnel comme Dreamweaver auxquels quelques développements auraient été ajoutés 3. L assimilation entre portail et page d accueil est très répandue parmi les documentalistes. Mais il paraît important de faire ces distinctions pour être en mesure 1 SSO ou Single Sign-On est une solution basée sur un annuaire qui permet à l utilisateur d accéder à ses services et applications en s identifiant une seule et unique fois sur le portail 2 Martine Sibertin-Blanc interviewé en juin 2005 3 C est le cas de la page d accueil du site www.vie-publique.fr de la Documentation Française qui est gérée en statique alors que les contenus sont gérés dynamiquement avec un CMS. 31

de communiquer clairement avec d autres professionnels dans d éventuels projets Web (des chargés de Communication et des informaticiens en particulier). c- La majorité des CMS de publication sur le Web n ont pas de fonction de portail Les CMS de publication sur le Web ne proposent pas contrairement aux produits hauts de gamme d Enterprise Content Management de fonction portail à proprement parler. Mais ils permettent de construire des pages d accueil aux contenus hétérogènes et dynamiques. 32

5. Les compétences réunies dans un projet de gestion de contenu sur le Web 5.1. Typologie de base des acteurs et de leurs fonctions Il est possible qu une personne crée et alimente à elle seule un site Web géré avec certains CMS prêts-à-l emploi en cumulant les responsabilités. Cependant, dans la majorité des cas, les tâches sont réparties entre différents acteurs, aux fonctions et aux compétences distinctes : - L administrateur : chef de produit / chef de projet Il procède à la configuration du système. Il supervise et coordonne les activités de l ensemble des acteurs, détermine les droits d accès des uns et des autres, valide les différentes chartes éditoriales et graphiques. - Le développeur Il met en œuvre les développements demandés par l administrateur. Avec certains outils, cette fonction nécessite des compétences en informatique assez avancées. De ce fait, cette fonction peut être externalisée, c'est-à-dire confiée à un prestataire spécialisé dans le développement des CMS. - Le graphiste Il réalise la charte graphique du site et éventuellement, si ses compétences le permettent, les gabarits graphiques. - Les responsables éditoriaux ou valideurs Ils sont chargés de veiller au respect des chartes éditoriales par les contributeurs et de valider ou non les contenus avant de les envoyer à la publication. - Les contributeurs Ce sont les auteurs de contenus. Ils se spécialisent selon leur métier dans la production d un ou plusieurs types de contenus. Notons que le cumule des fonctions est chose courante. L administrateur peut être responsable éditorial et contributeur. Les contributeurs peuvent tous être déclarés valideurs responsables éditoriaux. C est le cas pour tous les Intranets du Ministère des Finances où un workflow*, initialement mis en place, a été gelé parce qu il 33

entravait les contributions 1. Enfin, le développeur peut ne pas exister dans le cas où un logiciel libre comme Spip est utilisé en standard et dont tous les développements de la communauté sont réutilisés sans qu il y ait de développements propres. C est le cas pour le site www.vie-publique.fr 1 de la Documentation Française. 5.2. L éclatement de la profession de Webmestre. Cette typologie basique des responsabilités témoigne d un éclatement de la profession de Webmestre en plusieurs métiers distincts. Un article américain récent intitulé Where have all the Webmaster gone?[7] va d ailleurs beaucoup plus loin dans la distinction des métiers de la création et de la maintenance d un site Web. Ainsi, du titre unique de Webmaster au début des années 1990 se sont dégagés de nombreux métiers que l auteur répartit dans quatre domaines d activité comme suit : Management de site - Directeur des opérations Web - chargé du e-business - chef de projet - chef de produit Maintenance technique - informaticien de maintenance Contribution - Auteurs / contributeurs Design et conception - graphiste - développeur / informaticien - chargé de la qualité - analyste / testeur - Architecte de l information - chargé du marketing des produits L auteur note d ailleurs que dans le Web il n y a quasiment pas de métiers réellement nouveaux et que les chefs de projet, auteurs, graphistes, etc. travaillent simplement 1 Interview de Corinne Delcourt, responsable de la sous-direction Informatique du Ministère des Finances, chargée des Intranets du Ministère 34