LIVRE VERT MODERNISER LA DIRECTIVE SUR LA RECONNAISSANCE DES QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES Réponses de l Ordre des Experts-Comptables de France aux questions posées par le Livre vert Question 1 : Avez-vous des observations à formuler concernant les rôles respectifs des autorités compétentes de l État membre de départ et de celles de l État membre d accueil? Il semble que seul l Etat membre d accueil est en mesure d apprécier véritablement le niveau de qualification requis des professionnels amenés à exercer sur son sol une profession réglementée comme celle d expert-comptable en France. Pour la profession d expert-comptable en France, ce niveau de qualification est sanctionné par un diplôme de niveau 5 (article 11e de la directive RQP) qui est en corrélation avec la nature des prestations attendues des professionnels. Ce niveau de prestation découle des différents aspects juridiques et économiques auxquels les bénéficiaires de la prestation sont confrontés. Le niveau de qualification pour exercer une prestation est en relation directe avec l environnement législatif et réglementaire auquel est confronté le bénéficiaire. La qualité de cette prestation sert la fiscalité des entreprises et, à ce titre, contribue à l intérêt général ce qui correspond au fait que la profession française soit sous la double tutelle du Ministre de l Economie, de l industrie et de l emploi, et du Ministre du Budget, des comptes public et de la fonction publique. Si la proposition de la carte professionnelle devait être retenue, celle-ci devra comporter non seulement les informations essentielles d ordre administratif mais aussi des informations plus détaillées accessibles uniquement par les autorités compétentes désignées, sur les diplômes acquis, les antécédents professionnels et disciplinaires, l expérience professionnelle, les modalités d exercice localement, etc. Dans tous les cas, il semble nécessaire de clarifier les points suivants : o Choix de l autorité compétente de l Etat membre de départ chargé de délivrer la carte professionnelle ; o Rôle de l Etat membre d accueil dans ce dispositif ; o Contenu de la carte : données administratives et données professionnelles suffisantes permettant à l Etat membre d accueil d apprécier le niveau de qualification du professionnel migrant ; o Modes de sécurisation de la carte professionnelle ; o Durée de validité de la carte et modalités de renouvellement ; Livre vert - Directive RQP Réponses Version finale Page 1
o Cas de l établissement et cas de la prestation temporaire et occasionnelle : carte unique ou cartes spécifiques. Question 2 : Pensez-vous qu une carte professionnelle pourrait présenter les avantages suivants (en fonction de l objectif de son titulaire)? a) Le titulaire de la carte change de pays sur une base temporaire (mobilité temporaire) : option 1 : la carte remplacerait la déclaration que les États membres peuvent actuellement exiger au titre de l article 7 de la directive ; option 2 : le régime de déclaration serait maintenu, mais la carte pourrait être présentée à la place de tout document justificatif. b) Le titulaire de la carte souhaite la reconnaissance automatique de ses qualifications : la présentation de la carte accélérerait la procédure de reconnaissance (l État membre d accueil devrait prendre une décision dans un délai de deux semaines, au lieu de trois mois). c) Le titulaire de la carte demande la reconnaissance de qualifications qui ne font pas l objet d une reconnaissance automatique (système général) : la présentation de la carte accélérerait la procédure de reconnaissance (l État membre d accueil devrait prendre une décision dans un délai d un mois au lieu de quatre). a) Le lien affirmé entre le niveau de qualification et la qualité de la prestation nous conduit à privilégier la seule option 2. Dans un Etat où la profession est règlementée, qui édicte des normes d exercice et poursuit l exercice illégal, il est difficilement envisageable de laisser se côtoyer deux régimes différents. Le prestataire de service temporaire et occasionnel doit être soumis aux mêmes règles normatives et déontologiques que le professionnel établi dans le pays du lieu de la prestation. L organisme professionnel compétent de l Etat membre d accueil doit être informé, en temps réel et a priori, de la prestation et disposer des moyens d en contrôler la qualité, la durée et la nature. La déclaration est un acte minimum qui ne doit pas engendrer de délai supplémentaire, ce n est pas une demande d autorisation d exercer la profession. La carte professionnelle peut favoriser le traitement accéléré du dossier. b) La reconnaissance automatique des qualifications ne s applique pas pour l accès à l expertise comptable en France. Cet accès est subordonné à la réussite d une épreuve d aptitude (articles 26 et 27 de l ordonnance n 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée portant institution de l Ordre des experts-comptables) organisée et gérée par le Ministère de l Enseignement supérieur. c) C est le cas de la France pour l accès à l expertise comptable. Livre vert - Directive RQP Réponses Version finale Page 2
La carte professionnelle pourrait favoriser le traitement accéléré du dossier. Actuellement, les délais sont dus au calendrier de l épreuve d aptitude. Cet examen n a lieu qu une fois par an. Les faibles flux ne permettent pas d envisager plusieurs sessions par an. Toutefois, des solutions pourraient être envisagées, en accord avec le Ministère de l Enseignement supérieur, pour faciliter l accès à ces épreuves essentiellement destinées à vérifier les connaissances du professionnel migrant en droit français ainsi qu en déontologie et réglementation professionnelle. Question 3 : Reconnaissez-vous les avantages majeurs qu il y aurait à inscrire le principe de l accès partiel, ainsi que ses critères d'application, dans la directive? (Veuillez fournir des arguments précis pour toute dérogation à ce principe.) L approche sur l accès partiel à une profession doit être regardée à la lueur du critère de scission possible des prestations attendues par le bénéficiaire de la prestation. Il existe sans doute des domaines dans lesquels les compétences ouvrent sur des spécialités sécables. L exemple des différents domaines techniques sur lesquels sont susceptibles d intervenir les ingénieurs cités dans l exemple du Livre vert en constitue une illustration. Il est aussi essentiel de préciser que certaines professions font appel à des connaissances scientifiques ou à des lois naturelles qui ne connaissent pas de différence d appréhension dans les Etats membres ni ailleurs dans le monde. Certaines professions techniques et scientifiques exercent sur des lois universelles qui s affranchissent des délimitations territoriales. En revanche, dans le domaine de l accompagnement des entreprises sur les missions comptables et du conseil lié à ces missions, les professionnels sont confrontés à des réglementations de droit interne qui sont l expression de la souveraineté des Etats. Ainsi, il est nécessaire de disposer d une formation pluridisciplinaire (techniques comptables, techniques financières, droits comptable, commercial, fiscal, social, civil) pour accompagner le bénéficiaire de la prestation. Cependant la pluridisciplinarité ne porte pas sur des domaines sécables. La compétence pluridisciplinaire est une condition nécessaire à la délivrance d une prestation de qualité, la maitrise, même parfaite, de l une de ces disciplines n est pas suffisante à l exercice partiel de la profession. Question 4 : Approuvez-vous l idée d abaisser le seuil actuel de deux tiers des Etat membres nécessaire à la création d une plate-forme commune à un tiers des Etats membres (soit 9 sur 27)? Partagez-vous l idée qu un test de compatibilité avec le marché intérieur (fondé sur le principe de proportionnalité) est nécessaire pour garantir qu une plate-forme commune ne constitue pas un obstacle pour les prestataires de services issus d Etats membres non participants? (Veuillez donner des arguments précis pour ou contre cette idée.) L Ordre des Experts-comptables approuve la proposition d abaisser à 9 (un tiers) le nombre d Etats membres concernés par la création d une plate-forme commune. La profession française collabore, depuis plusieurs années, au dispositif «Common Content» qui n est rien d autre qu une plate-forme commune de formation destinée à Livre vert - Directive RQP Réponses Version finale Page 3
harmoniser les niveaux de formation et de compétence des professionnels de la comptabilité et de l audit entre les Etats membres engagés dans cette démarche. Le «Common Content» implique à ce jour 6 Etats membres et 9 organisations professionnelles (www.commoncontent.com). L abaissement à 9 du nombre d Etats concernés par la création d une plate-forme est indispensable. Ce chiffre reste encore élevé. Le travail à 9 organisations professionnelles représentant 6 Etats membres pour le «Common Content» a souvent ralenti l avancement du projet. Le test de compatibilité fondé sur le principe de proportionnalité, peut s avérer nécessaire pour éviter le risque d inflation ou la disproportion des options et conditions préconisées par la plate-forme commune. Question 5 : Connaissez-vous des professions réglementées pour lesquelles des citoyens de l'ue pourraient effectivement se trouver dans une situation de ce type? Veuillez préciser de quelle profession il s agit et les qualifications en cause, et expliquer pourquoi ces situations ne sont pas justifiables. Cette question laisse penser que certaines professions auraient une approche exclusive d entrave supposée au principe de libre circulation tel que perçu par des professions ou des Etats membres plus motivés par une extension du périmètre d activité de leurs membres que par la prise en compte des motifs qui accompagnent l exigence de qualification. Pour ce qui concerne la profession d expert-comptable en France, le haut niveau de qualification exigé des professionnels ne peut être mis en discussion sans prendre en considération la maitrise pluridisciplinaire évoquée ci-dessus ni en ignorant que le niveau de qualification est aussi motivé par l exercice des missions d audit contractuelles et légales par les mêmes professionnels. Ces missions peuvent être d une grande complexité et participent à la défense de l intérêt général. En revanche, les missions de conseil non liées à l établissement des comptes annuels des entreprises ne sont pas réglementées et relèvent donc d une pure logique de marché. Question 6 : Seriez-vous favorable à ce que chaque État membre ait l'obligation de veiller à ce que les informations relatives aux autorités compétentes pour la reconnaissance des qualifications professionnelles et aux documents requis à cette fin soient disponibles via un centre national d information en ligne? Seriez-vous favorable à l obligation de permettre à tous les professionnels d'effectuer les formalités de reconnaissance en ligne? (Veuillez étayer votre réponse par des arguments précis.) Cette proposition ne parait pas poser de problème. Le Conseil supérieur de l Ordre des Experts-comptables a été désigné comme «point de contact» au niveau national selon les termes de la directive RQP. Ce service est géré par la direction de la formation. L ensemble de la procédure (articles 26, 26-1 et 27 de Livre vert - Directive RQP Réponses Version finale Page 4
l ordonnance n 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée portant institution de l Ordre des experts-comptables) est disponible en ligne sur le site www.futurexpert.com. Question 7 : Etes-vous favorable à ce que l exigence d une expérience professionnelle de deux ans imposée aux professionnels provenant d un État membre qui ne réglemente pas leur activité soit supprimée dans le cas où des consommateurs se rendant à l étranger ne font pas appel à un professionnel local dans l État membre d accueil? L État membre d accueil devrait-il toujours être autorisé à exiger une déclaration préalable dans ce cas? (Veuillez étayer votre réponse par des arguments précis.) La suppression de la déclaration préalable à une prestation et de tous justificatifs est risquée. Une telle disposition ouvrirait la voie à des dérives. En effet, rien n empêcherait un professionnel exerçant dans un Etat membre qui continuerait à suivre ses clients en France d avoir par la suite des clients français. De nouveaux contacts ne sont pas exclus. Aucun contrôle n est possible. L exigence d une déclaration préalable et renouvelable chaque année devrait être maintenue (voir réponse à la question 2). Question 8 : Etes-vous favorable à l idée que la notion de «formation réglementée» englobe toutes les formations reconnues par un État membre et utiles pour une profession, et pas seulement les formations qui visent spécifiquement l'exercice d'une profession déterminée? (Veuillez étayer votre réponse par des arguments précis.) Les notions de «formation réglementée» et de «niveau de qualification» sont étroitement liées. En ce qui concerne le cursus de l expertise comptable en France, le jeu des dispenses d épreuves, unique dans l enseignement supérieur français, permet d accueillir des profils très variés jusqu'au niveau bac+5 (master). La nouvelle filière de la validation des acquis de l expérience (VAE) pour l obtention des diplôme comptables de l Etat prévue jusqu au niveau final (diplôme d expertise comptable) est une autre opportunité pour faire reconnaître ses compétences sans aucune condition de nationalité. Ces dispositions sont ouvertes aux ressortissants d un Etat membre qui souhaiterait exercer en France. Mais cet accès suppose que les référentiels existants puissent être encore en vigueur pour apprécier les dispenses à accorder. Cela milite donc en faveur du maintien des niveaux de qualifications retenus par la directive RQP. Il convient d ajouter également que la profession française d expert-comptable et d auditeur est membre de l International Federation of Accountants (IFAC) et, à ce titre, est tenue d appliquer les normes éducation (International Education Standards) édictées cette Fédération mondiale. L IFAC regroupe 164 membres et associés dans 125 pays et représente plus de 2,5 millions de professionnels de la comptabilité. Nous sommes donc bien dans le cas d une formation réglementée dans un cadre qui est beaucoup plus large que l UE. Livre vert - Directive RQP Réponses Version finale Page 5
Question 9 : Seriez-vous favorable à la suppression de la classification figurant à l'article 11 (en ce compris l'annexe II)? (Veuillez étayer votre réponse par des arguments précis.) L Ordre des Experts-Comptables est opposé à la suppression de la reconnaissance des qualifications professionnelles. Il s agit d une reconnaissance établie dans le cadre d une concertation européenne qui constitue une démarche d harmonisation de l appréciation communautaire des niveaux de qualifications professionnelles. Cette reconnaissance permet d instaurer un langage commun sur les cursus d éducation. L Etat membre d accueil qui, à notre sens est le mieux placé pour définir le niveau de qualification requis pour exercer sur son sol, doit disposer d un référentiel d étalonnage qui serve de référence au professionnel candidat à la mobilité. Cette classification permet d objectiver le niveau requis. Toute suppression risquerait d y substituer un régime d arbitraire de l Etat membre d accueil, source de conflit et en définitive, préjudiciable au candidat. Le maintien de cette classification a également son utilité dans le cas de parcours d études pluri nationaux et dans le cadre de la validation des acquis de l expérience (VAE). Question 10 : Si l article 11 de la directive est supprimé, les quatre phases décrites ci-dessus devraient-elles être inscrites dans une directive modernisée? Si vous n êtes pas favorable à la mise en œuvre des quatre phases, une ou plusieurs d entre elle seraient-elles acceptables à vos yeux? (Veuillez étayer votre réponse par des arguments précis). Nous devons en tout premier lieu rappeler que nous sommes opposés à la suppression de l article 11 de la directive RQP. Les phases 1 et 2 proposées par le Livre vert pourraient être retenues pour l application des mesures compensatoires. Dans son évaluation des dossiers, l Etat membre d accueil apprécie le niveau de formation et de qualification du professionnel migrant ainsi que son expérience. Le critère de durée n est pas un motif suffisant. La phase 3 «nouvelle garantie» prévoyant que l Etat membre d accueil justifie explicitement sa décision en matière de mesures compensatoires est déjà appliquée dans les faits dans notre procédure. La «commission consultative» siégeant auprès du Ministre de l Enseignement supérieur pour la formation professionnelle des experts-comptables, apprécie les dossiers présentés par les professionnels migrants et justifie sa décision, positive ou négative, dans sa réponse aux candidats. La phase 4 n est pas souhaitable dans l immédiat. Nos textes précisent que l épreuve d aptitude est organisée au moins une fois/an (arrêté du 27 août 1996). Dans les faits, cette épreuve n a lieu qu une fois/an compte tenu des flux très faibles jusqu à ce jour. (Voir réponse à la question 2b). Livre vert - Directive RQP Réponses Version finale Page 6
Question 11 : Seriez-vous favorable à l application de la directive aux diplômés qui souhaitent effectuer un stage rémunéré dans leur profession à l étranger? (Veuillez étayer votre réponse par des arguments précis.) La profession française ne voit pas d obstacle à cette ouverture. Cette possibilité est déjà prévue dans les textes relatifs au diplôme d expertise comptable. Le décret du 30 décembre 2009 relatif au diplôme d expertise comptable, prévoit la réalisation du stage de 3 ans dans un autre Etat membre. Il n y a pas de frein particulier à admettre des stagiaires ressortissants d autres Etats membres dès lors que le marché de l emploi le permet et que la règlementation de la formation dans l Etat membre d origine du stagiaire l autorise. La directive modernisée devrait fixer un cadre minimum de garanties procédurales. L Ordre des Experts-Comptables n a pas estimé nécessaire de commenter les autres dispositions du Livre vert qui concernent davantage d autres professions, notamment les professionnels de la santé. Livre vert - Directive RQP Réponses Version finale Page 7