CONCEVOIR UNE INSTALLATION D ANC SUR UN TERRAIN SATURE EN EAU Franck WANERT Expert Judicaire docteur en géologie
Un sol se sature en passant d un état tri-phasique à un état bi-phasique C est-à-dire qu il perd sa composante gazeuse, pour ne garder que les composantes solides et liquides, En première approche nous considérerons donc qu un sol saturé est un sol bi-phasique, composé uniquement de particules solides et de liquide
La saturation en eau d un sol peut avoir deux origines: Soit par descensum, c est-à-dire que le débit d infiltration du sol est inférieur au débit d apport (précipitations atmosphériques, inondation par expansion de crues ). Soit par ascensum, c est-à-dire par remontée d une nappe dont la surface piézométrique viendrait à l affleurement pouvant aller jusqu à présenter un certain artésianisme. La saturation est atteinte lorsque la teneur en eau d un sol est égale à sa porosité efficace c est-à-dire au pourcentage de vides communiquant entre eux.
La différence entre un sol saturé et un sol qui ne l est pas est la présence, plus ou moins importante, de gaz. La différence de pression entre les gaz et l eau est à l origine des phénomènes de succions. Et donc de la capacité d infiltration ou la perméabilité du sol, c est-à-dire de la vitesse de transit d un liquide qui le traverserait.
La conception d une installation d ANC pourra donc être différente suivant la nature de la saturation du sol auquel est confronté le projet. La récurrence de la saturation et sa durée seront également des variables à considérer pour dimensionner l installation Enfin les phénomènes d hystérésis peuvent faire évoluer un milieu car les déplacements d eau ne se font pas sans déplacements de matériaux et l irréversibilité des phénomènes n est donc pas systématique.
Les sols étant constitués, pour leur phase solide, de grains de tailles différentes et en pourcentages variables, les évolutions ne sont pas égales et linéaires dans tout le volume de sol considéré. Un sol est donc un milieu hétérogènes et anisotrope. Ce qui interdit toute généralisation des raisonnements et tout comportement préétabli. Un sol ne se met pas en équation. La qualité de la prescription sera donc directement liée à la capacité d analyse et à la compétence du prescripteur.
La prescription aura donc à faire face à deux problèmes: Le défaut d infiltration (traitement des effluents et évacuation des effluents traités) temporaire ou permanent; Le passage d un milieu aérobie à un milieu anaérobie avec lyse des bactéries et donc rupture de la chaîne de minéralisation de la matière organique.
Le temps de submersion correspond à la durée entre le début des précipitations et le moment où la surface du sol est saturée. Il y a infiltration lorsqu au début d une averse la capacité d absorption du sol est supérieure aux précipitations. Au fur et à mesure le sol se charge d eau jusqu à saturation.
Ainsi quand la capacité d absorption du sol est dépassée, l eau reste disponible en surface par stagnation ou ruissellement. La capacité du sol à piéger une partie des précipitations et à en restituer une autre à l écoulement dépend, entre autre, des caractéristiques de perméabilité et de porosité du sol. L appréciation empirique de ces valeurs, c est-à-dire sans essais de perméabilité, équivaudrait à intuiter les pourcentages relatifs et la répartition spatiale des différentes fractions solides du sol.
De plus seuls des essais de perméabilité à charge variable et niveau constant permettront de tenir compte des phénomènes de succions. La complexité de ces phénomènes nécessite que chaque installation face l objet d une étude spécifique réalisée par un bureau d étude spécialisé qui maîtrise les phénomènes hydrauliques. La grande majorité des expertises judiciaires relatives aux problèmes d assainissement ont pour origine une erreur d appréciation des caractéristiques, à moyens terme, du sol.
Parfois, la saturation des sols a une origine anthropique comme, par exemple, dans la plaine de la Crau ou depuis le XVIéme siècles on pratique une inondation des champs pour la culture du foin AOC entre le début du mois de juillet et la fin du mois de septembre.
La conception d une installation d assainissement en sol saturé passe par les étapes suivantes: Analyse géologique et historique de la région à étudier (phase bibliographique); Investigation in situ avec éventuellement des sondages dans les deux ou trois premiers mètres pour l observation des coupes de sol et la reconnaissance de surfaces piézométriques; Réalisation d essai de perméabilité pour la connaissance de la capacité d absorption et d évacuation du sol; Enquête sur la récurrence et la durée des phénomènes.
La durée des phénomènes de saturation conditionnera également la prescription. Si les filières traditionnelles sont sensibles à la présence d eau qui peuvent les affecter de façon plus ou moins irréversible; Les filières industrialisées, généralement dans des cuves étanches, si elle ne sont pas affectées dans leur process de traitement doivent tenir compte des phénomènes de sous pression.
C est donc l évacuation qui pourra poser problème; surtout dans les régions ou les rejets au milieu hydraulique sont interdits; Les géomenbranes qui contiendront un filtre à sable ou un filtre planté sont inefficaces face à ces problèmes de saturation; Les tertres, si ils préservent la capacité de traitement du système, ne règlent pas pour autant les phénomènes d évacuation.
L assainissement en zone de saturation temporaire ne pourra donc se faire en toute sécurité que dans des systèmes contenus dans des enceintes étanches susceptibles de résister aux sous pressions. L assainissement en zone de saturation permanente jusqu au niveau du sol avec infiltration dans le sol en place n est pas envisageable. Il appartient au plan de zonage d exclure de ces zones l assainissement non collectif.
L évacuation des effluents traités dans les zones de saturation temporaire jusqu au niveau du sol devra pouvoir avoir recours à une surverse pour compenser le défaut d infiltration lors des périodes de saturation. Si la saturation ne se développe pas jusqu au niveau de la surface du sol, il existera toujours une possibilité d évacuation par tranchée de dispersion végétalisée réalisée dans les horizons de sub-surface. Si la saturation est de faible durée avec une récurrence faible, l impact sur le système ne sera pas très important et sa pérennité ne sera pas remise en cause.
Pour conclure, je dirai que: la réalisation d un ANC dans des zones de saturation quasi-permanente et venant presque à l affleurement, résulte d un aberration du plan de zonage. Comme, il est tout aussi aberrant d interdire, dans ces zones, les rejets temporaires par surverse dans le milieu hydraulique superficiel. Cela témoigne de l incompétence de leurs auteurs et montre, une fois de plus, que la systématisation des règlements rigides en matière de sol va à l encontre de l efficacité et des buts recherchés.
La complexité et la diversité des phénomènes de saturation, si ils aboutissent tous au même résultat, militent pleinement pour la collaboration étroite du bureau d études et du SPANC pour transcender les règles et adapter l installation à ce contexte particulier. L important est plus d assainir que de règlementer.
Il vaut mieux, dans ce contexte particulier des terrains saturés, une installation qui ne serait pas tout à fait réglementaire mais qui fonctionnera plutôt qu une installation réglementaire qui dysfonctionnera. Car, dans ce cas, c est bien le plan de zonage qui est en cause et qu il faudra corriger et cela autorise, de mon point de vue, à adapter le contexte règlementaire. Faut-il le rappeler, en matière d assainissement non collectif c est le bon sens qui doit prévaloir.
Dysfonctionnement d un tertre provoqué par la saturation du sol