MOBILISATION DES RESSOURCES DOMESTIQUES EN AFRIQUE DE L'OUEST: OPPORTUNITES MANQUÉES FÉVRIER 2015



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Transcription:

MOBILISATION DES RESSOURCES DOMESTIQUES EN AFRIQUE DE L'OUEST: OPPORTUNITES MANQUÉES FÉVRIER 2015 UNE ETUDE PRODUITE PAR DALBERG ET COMMANDITEE PAR OSIWA

REMERCIEMENTS Ce rapport n'aurait pu être rédigé sans les contributions généreuses, en temps et en connaissances spécialisées, de nombreuses personnes et organisations. Nous remercions les membres de l'équipe de l'open Society Initiative for West Africa (OSIWA) qui ont fourni un savoir, une orientation et un soutien précieux pendant toute la durée de la préparation de ce rapport. Nous sommes particulièrement reconnaissants envers Ibrahima Aidara, Mohamed Sultan et Vera Mshana. Nous souhaitons également remercier toutes les personnes qui ont bien voulu prendre part aux entretiens, partageant ainsi leurs vaste expérience, approches et données en matière de politique fiscale en Afrique de l'ouest. ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 2

ABBREVIATIONS ABWA Fédération des ordres des professionnels comptables d'afrique de l'ouest AfDB Accord de double imposition ALP Accord/mécanisme de prix préalable APA Advance Pricing Agreement/Arrangement ATAF African Tax Administration Forum BEPS Base Erosion and Profit Shifting CEMAC Central African Economic and Monetary Community CET Common External Tariff CGI General Tax Code CSO Civil Society Organization CT Corporate tax DGID Direction Générale des Impôts et Domaines - Senegal's Tax administration DITA Directorate of Investigations and Tax Audits DTA Double Tax Agreement (DTA) EAC East African Community ECOWAS Economic Community of West African States EITI Extractive Industries Transparency Initiative EIU Economic Intelligence Unit EPZ Export Processing Zone FCFA Franc de la Communauté Financière Africaine - African financial community franc FDI Foreign Direct Investment FIRS Federal Inland Revenue Service GDP Gross Domestic Product GFI Global Financial Integrity IFAC International Federation of Accountants IFFs Illicit Financial Flows IMF International Monetary Fund ISO International Organization for Standardization KRA Kenya Revenue Authority MENA Middle East and North Africa MERCOSUR Mercado Común del Sur (Common Market of the South) MTT Multilateral Tax Treaty ODA Official Development Aid OECD Organisation for Economic Co-operation and Development ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 3

ONECCA - Senegal Senegalese Accountancy Body (Ordre National des Experts Comptables et Comptables Agréés - Senegal OSIWA RPRSP SADC SYSCOA TIWB TIWG TPA TPA UN UNCTAD UNCTAD UNECA US USA VAT WAEMU WBG WBIC WTO Open Society Initiative for West Africa ECOWAS Regional Poverty Reduction Strategy Paper Southern African Development Community West African Accounting System (Système Comptable Ouest African or SYSCOA) Tax Inspectors Without Borders Tax Incentives Working Group Transfer Pricing Associates Transfer Pricing Associates United Nations United Nations Conference on Trade and Development United Nations Conference on Trade and Development United Nations Economic Commission for Africa United States United States of America Value-Added Tax West African Economic and Monetary Union World Bank Group World Bank Investment Climate World Trade Organization ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 4

DEFENITIONS Accord de prix préalable (APP) Un APP est un accord concernant des transactions précises qui définit à l'avance les critères nécessaires permettant de déterminer les prix de transfert. L'accord peut être conclu de manière unilatérale avec l'administration fiscale ou de manière bilatérale ou multilatérale avec les services fiscaux d'autres pays. Source: Manuel des Nations unies sur les prix de transfert pour les pays en voie de développement Déclaration pays par pays Lorsque le capital d'une société est constitué d'une part plus importante de créances que de fonds propres, elle est décrite comme ayant une «capitalisation restreinte». D'un point de vue fiscal, il peut sembler plus avantageux de financer une société sur la base de capitaux d'emprunt (c'est-à-dire par endettement) plutôt que par des apports en capitaux, dans la mesure où le paiement d'intérêt sur les créances est généralement déductible d'impôts, alors que les distributions sont des dividendes non déductibles. Source : Manuel des Nations unies sur les prix de transfert pour les pays en voie de développement Délocalisation des profits Voir Tarification abusive des transferts Dépenses fiscales Montant des recettes perdues par l'état suite à l'octroi d'exonérations et d'incitations fiscales. Source : Tax Policy Center, Tax Expenditures: What are they and how are they structured? Double Imposition La double imposition décrit l'inclusion du même revenu dans l'assiette imposable de deux contribuables distincts mais liés. Supposons par exemple qu'une filiale basée au Nigeria (Société A) soit soumise à un ajustement de tarification de transfert (suite à l'application de la réglementation No. 1, 2012) portant sur une transaction avec une entreprise associée (Société B) basée aux États unis ; si le Nigeria augmente les charges fiscales de la société A par le biais d'un tel ajustement et que les États unis ne déduisent pas ce montant de l'assiette imposable de la société B, il s'ensuit que le même montant sera soumis à l'impôt dans les deux pays, d'où la double imposition. Source : Climat d'investissement de la Banque mondiale, 2013 Échange automatique d'informations fiscales L'échange automatique d'informations fiscales exige des états qu'ils recueillent des données auprès des institutions financières sur les revenus, les gains et les biens octroyés en guise de rémunération à des personnes, sociétés et fiducies non résidents. Il est également obligatoire que les données recueillies soient automatiquement mises à la disposition des états où est basée l'entité non-résidente. Source : Intégrité financière mondiale ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 5

Facturation abusive des échanges La facturation abusive des échanges également décrite comme tarification abusive des échanges est une méthode permettant de déplacer des fonds à l'étranger illicitement en faisant délibérément une déclaration fallacieuse de la valeur d'une transaction commerciale sur une facture soumise en douane. Source: Intégrité financière mondiale Flux financiers illicites (FFI) Les FFI sont des mouvements d'argent gagné, transféré ou utilisé illégalement. Source: Intégrité financière mondiale Formule de répartition La formule de répartition est utilisée pour répartir le revenu net d'un groupe financier entre les différentes entités et filiales qui le constituent. La formule se base généralement sur une combinaison de facteurs tels que la propriété, la masse salariale, le chiffre d'affaires, le capital investi ou les coûts de fabrication. Source: Manuel des Nations unies sur les prix de transfert pour les pays en voie de développement Fuite des capitaux La fuite des capitaux décrit le mouvement non déclaré de fonds entre un pays et le reste du monde. Source : Banque mondiale, 1985 Incitations fiscales Les incitations fiscales également appelées avantages fiscaux confèrent un traitement fiscal préférentiel à des groupes spécifiques d'assujettis, dépenses d'investissement ou retours sur investissement sous forme de déductions d'impôt ciblées, de crédits, d'exclusions ou d'exonérations. Source : Banque africaine de développement, Mobilisation des ressources intérieures en Afrique : Tendances, défis et choix stratégiques Manipulation des prix de transfert Voir Tarification abusive des transferts Mécanisme de prix préalable (MPP) Voir Accord de prix préalable (APP) Principe de pleine concurrence (PPC) Le PPC pour les prix de transfert signifie que le montant facturé par une partie associée à une autre pour un produit donné doit être le même que si les parties n'étaient pas liées. Le prix de pleine concurrence pour une transaction doit par conséquent être le même que s'il était fixé sur le marché ouvert. Source: Manuel des Nations unies sur les prix de transfert pour les pays en voie de développement Révélation d'informations sur la propriété effective Conformément au principe de révélation d'informations sur la propriété effective, les informations relatives au contrôle et à la propriété des sociétés, fiducies et fondations doivent être publiées officiellement afin de faciliter la diligence raisonnable. Il exige également de manière explicite et impose que les institutions financières identifient les derniers ayant-droit ou contrôleurs de la société, fiducie ou fondation souhaitant ouvrir un compte. Source : Indice de l'opacité financière du Réseau mondial pour la justice fiscale ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 6

Secret financier Il n'existe pas de définition universelle du secret financier. De manière générale cependant, un paradis fiscal offre des services permettant à des personnes ou à des entités de contourner (et souvent d'enfreindre) les lois, législations et réglementations d'autres juridictions, utilisant comme outil principal la dissimulation des transactions. Source : Indice de l'opacité financière du Réseau mondial pour la justice fiscale Système de taxation Dans le cadre d'un système de taxation unitaire, les bénéfices des diverses filiales Unitaire d'une société ou des diverses sociétés d'un groupe sont calculés en considérant l'ensemble du groupe comme une seule unité. Une formule, comme la formule de répartition, permet d'affecter les profits globaux d'une multinationale aux différentes entreprises associées sur la base d'une combinaison de facteurs multiples, tels que la propriété, la masse salariale, les ventes, le capital investi et les coûts de fabrication. Source : Organisation de coopération et de développement économique, Terminologie fiscale internationale Tarification abusive des transferts La tarification abusive des transferts a lieu lorsque deux sociétés appartenant à la même multinationale échangent entre elles et manipulent les prix afin d'accroître les bénéfices et de réduire les pertes. En référence à la tarification abusive des transferts, les expressions «délocalisation des profits», «manipulation des prix de transfert» ou «tarification frauduleuse des transferts» sont également utilisées. Source : Réseau pour la justice fiscale Tarification des transferts Description générale de la tarification des transactions transfrontalières au sein d'un groupe sous forme de biens, de services ou de biens immatériels. Source: Manuel des Nations unies sur les prix de transfert pour les pays en voie de développement Tarification frauduleuse des transferts Voir Tarification abusive des transferts ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 7

AVANT-PROPOS L'Afrique de l'ouest a atteint un stade critique de son développement. Des décisions importantes doivent être prises afin de réduire la dépendance vis-à-vis de l'aide étrangère, accroître les investissements publics dans les initiatives de développement et réduire l'extrême pauvreté. Des chiffres effrayants circulent sur l'ampleur de la fuite des capitaux hors de la région. Même si ces chiffres sont parfois contestés, ils sont néanmoins révélateurs. Même s'il est important, le débat sur l'ampleur du problème ne doit pas nous détourner de la question centrale, à savoir qu'il est impératif que nos États opèrent un changement de paradigme, afin de mettre fin à une perte de capitaux se chiffrant à plusieurs milliards, voire milliers de milliards, de dollars en flux de capitaux illicites. De nombreux rapports ont été publiés sur ce sujet. Bien que ce rapport ne puisse pas rendre compte de toutes les nuances et de la complexité de la réforme des politiques fiscales dans la région, il traite de deux aspects clés, qui à eux deux, donnent la possibilité aux États de lever des capitaux et de s'assurer que les profits que tire le secteur privé de l'exploitation des ressources naturelles et de ces marchés en essor jouent un rôle juste et équitable dans la fourniture de ressources permettant d'appuyer les programmes socioéconomiques et de développement endogène. Nous avons décidé de nous concentrer sur les incitations fiscales et la tarification abusive des transferts, car en tant que fondation, nous nous intéressons en premier lieu aux questions liées à la gouvernance. Nous pensons que l'instauration et la mise en œuvre effectives d'une réglementation complète permettent d'obtenir les meilleurs résultats dans l'immédiat. Certaines questions nécessitent d'être traitées de toute urgence, notamment le recours excessif aux pouvoirs discrétionnaires, l'absence de contrôle législatif, l'opacité ou l'absence d'analyse des coûts et bénéfices, la faible capacité des agences de collecte des impôts ainsi que la corruption sous toutes ses formes. Nous comprenons qu'un accent important est mis sur les hypothèses qui sous-tendent les projections chiffrées figurant dans ce rapport et nous sommes ouverts à toute idée constructive sur la manière d'améliorer cette méthodologie. La question centrale traitée par ce rapport demeure néanmoins l'importance de la fiscalité comme outil pouvant favoriser le développement en Afrique de l'ouest. La fiscalité est une manifestation concrète du leadership et de la planification de l'avenir ou l'absence de ceux-ci. Sa mise en œuvre est extrêmement complexe et technique, mais elle est

humaine par essence. L'instauration de systèmes fiscaux appropriés est sans nul doute l'une de sources de financement les plus durables pour les pays d'afrique de l'ouest. Les gouvernements ont pour devoir vis-à-vis de leurs citoyens de s'assurer que l'exploitation des ressources naturelles, qu'elles soient minières ou agricoles, se fasse sur la base d'une compensation juste et équitable. C'est pour cette raison que la gouvernance est une partie si essentielle de ce processus. Nous devrions tous nous sentir concernés, car la gouvernance affecte la capacité de l'état à définir ses politiques de développement. Elle dicte par exemple les montants que le gouvernement doit dégager pour soutenir l'agriculture et résorber l'insécurité alimentaire, et quels montants il doit prévoir pour assurer une éducation et une couverture médicale étendues et de meilleure qualité, particulièrement en faveur des groupes habituellement marginalisés. Notre région regorge d'exemples de crise de leadership, de manque de prévoyance et d'inefficacité dans la gestion des ressources et recettes de l'état. Une pression soutenue et des revendications accrues de la part des communautés locales et de la société civile entre autres peuvent déboucher sur le type de réforme transformatrice dont nos populations pourront tirer profit. Nous espérons que ce rapport commandité par OSIWA et élaboré par Dalberg constituera une contribution significative à ce débat. Abdul Tejan-cole Directeur exécutif Open Society Initiative for West Africa ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 9

1 SYHTHESE 1 Un rapport publié en 2010 par la Banque africaine de développement (BAD) indique que la tarification abusive des transferts et l'octroi excessif d'incitations fiscales constituent des problèmes majeurs qui amenuisent l'assiette fiscale déjà très réduite dans la plupart des pays 2 africains. Au sein de la Communauté économique des États de l'afrique de l'ouest (CEDEAO), ces deux facteurs représentent de réelles occasions manquées par les États membres de générer les ressources intérieures indispensables pour financer des projets ayant un potentiel de transformation sociale et économique. Au cours de la dernière décennie, les flux financiers 3 illicites (FFI), à savoir le mouvement de fonds gagnés, transférés et utilisés de manière illégale, se sont accrus à un taux annuel de 23 % au sein de la CEDEAO, passant de moins de 3 milliards 4 de dollars US en 2002 à plus de 18 milliards de dollars US en 2011. Bien que les estimations divergent grandement et soient fortement contestées, les observateurs économiques s'accordent généralement sur le fait que les FFI en provenance de l'afrique dépassent probablement en volume les flux d'aide et d'investissement. En 2011 par exemple, l'aide 5 publique au développement (APD) a atteint 12 milliards de dollars US. Selon la Commission 6 économique des Nations Unies pour l'afrique (CEA), 60 % des FFI proviennent de la tarification abusive des transferts, alors que les pays d'afrique sub-saharienne continuent de mobiliser 7 moins de 17 % de leur produit intérieur brut (PIB) en recettes fiscales. Dans le cas de la tarification frauduleuse des transferts, les sociétés multinationales tirent parti de leur structure organisationnelle pour délocaliser des profits hors d'une juridiction à forte fiscalité vers des juridictions à fiscalité plus faible, essentiellement par le biais de la sous- 8 facturation ou de la surfacturation. Contrairement à la tarification abusive des transferts, qui réduit l'assiette fiscale en recourant à une manipulation frauduleuse des prix des transactions au sein du groupe, les incitations fiscales accordent des déductions d'impôt, des crédits, des 1. BAD, Domestic Resource Mobilization across Africa: Trends, Challenges and Policy Options, 2010. 2. Les incitations fiscales également appelées avantages fiscaux confèrent un traitement fiscal préférentiel à des groupes spécifiques d'assujettis, dépenses d'investissement ou retours sur investissement sous forme de déductions d'impôt ciblées, de crédits, d'exclusions ou d'exonérations. (BAD, 2010) 4. Intégrité financière mondiale. Intégrité financière mondiale, Données FFI par pays : http://wwwgfintegrity.org/issues/data-by-country/, 2002-2012. 5. Banque mondiale, IDM Aide publique au développement nette reçue (en US$ actuels), 2011. 6. CENUA, The Dimension of Illicit Financial Flows as a Governance Challenge, 2013. 7. OCDE, Illicit Financial Flows from Developing Countries, 2014. 8. ATAF, Transfer Pricing in the Extractives Industry: A taxing exercise for Sub-Saharan Africa, 2014

exclusions ou des exonérations fiscales à certains groupes de contribuables, dépenses d'investissement ou retours sur investissement. Cependant, ces mesures peuvent entraîner d'importantes pertes de recettes et provoquer d'autres effets inattendus, tels qu'une concurrence fiscale dangereuse entre les pays de la CEDEAO. En outre, ces mesures n'atteignent pas forcément leur objectif déclaré, qui est d'attirer des investissements étrangers directs (IED). 1.1 DÉFIS ET CONSÉQUENCES DE LA TARIFICATION FRAUDULEUSE DES TRANSFERTS EN AFRIQUE DE L'OUEST 1.1.1 QUELS SONT LES ENJEUX? Le manque à gagner en recettes fiscales causé par la tarification frauduleuse des transferts représente une perte d'opportunités importantes pour les gouvernements d'afrique de l'ouest de définir leurs priorités de développement avec suffisamment de contrôle, ce qui est difficile à réaliser lorsque le financement provient de l'aide internationale ou de la dette. Les hypothèses suivantes sous-tendent notre estimation de l'ampleur des pertes en recettes au cours des cinq prochaines années en raison de la tarification frauduleuse des transferts : Les tendances concernant les IED, les importations et les exportations demeureront stables au cours des cinq prochaines années. 9 Les FFI continueront de croître à un taux de 23 % par an au cours des cinq prochaines années. Ce taux de croissance annuel est calculé sur la base des estimations de Global Financial Integrity (GFI). 10 La tarification frauduleuse des transferts représentera environ 60 % des FFI, conformément aux estimations de la CEA, qui sont basées sur les données de GFI. Selon ces estimations, 60 % des FFI proviennent de «transactions commerciales réalisées par des multinationales». Il s'agit là d'estimations mondiales, mais selon les hypothèses, elles sont de la même ampleur (sinon supérieures) en Afrique de l'ouest. Il convient également de noter que certains experts de la région remettent en cause ces chiffres. Néanmoins, ils servent de base d'estimation pour le calcul des volumes de tarification fallacieuse des transferts, dans un domaine où les données sont inexistantes pour des raisons que ce rapport tentera de clarifier. Si les FFI émanant de la tarification frauduleuse des transferts restaient au sein de la CEDEAO et étaient déclarés normalement aux autorités fiscales, ils seraient sujets à une 9. Ce taux de croissance annuel est calculé sur la base des estimations de GFI. 10 CEA, Troisième réunion du comité sur la gouvernance et la participation populaire, 2013. 11. Calcul de Dalberg, 2014 ; il s'agit de la moyenne du taux d'irs de chaque pays, tel qu'indiqué dans l'indice de 2014 sur la liberté économique de la Fondation Heritage. 12 Ces chiffres sont basés sur les estimations de GFI pour les principales composantes des FFI. ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 11

taxe équivalente à l'impôt sur le revenu des sociétés (IRS), générant ainsi des recettes fiscales supplémentaires pour les États. Les taux d'irs dans les États membres de la CEDEAO resteront inchangés, ce qui maintiendra le taux moyen à 29 pour cent dans l'ensemble de la CEDEAO. Sur la base de ces hypothèses, nous estimons que les pertes en capital global causées par la 12 tarification frauduleuse des transferts passeront de 11 milliards de dollars US en 2011 (60 % du total des FFI en 2011) à 78 milliards de dollars US en 2018, entraînant une hausse des pertes en recettes fiscales de l'état de 3 milliards de dollars US en 2011 à 14 milliards de dollars US en 2018. Le tableau ci-après présente des estimations sur les tendances futures en matière de tarification frauduleuse des transferts ainsi que les pertes correspondantes pour l'état en recettes fiscales de 2012 à 2018. CAFI Estimation de la CEDEAO de 2011 à 2018 à un taux de croissance annuel de 23 pour cent (en milliards de dollars américains) Les pertes estimées des recettes publiques en raison du transfert mauvaise évaluation pour les pays de la CEDEAO de 2012 à 2018 (en milliards USD) 2012 9 23 2012 4 2013 11 28 2013 5 2014 14 34 2014 6 +23.0% +23.0% 2015 17 42 2015 7 2016 21 52 2016 9 2017 25 64 2017 11 2018 31 78 2018 14 CAFI d'autres produits CAFI de transfert mispricing hypothèses: Les données de base IFF est estimée à 18 milliards de dollars en 2011 (GFI), y compris $ 9 milliards de transfert mispricing taux de croissance annuelle de 23 pour cent est IFF Transfert mispricing représente 60 pour cent des IFF Organisations gouvernementales des pertes de revenus de transfert mispricing Le taux de l'irs moyenne est de 29 pour cent Des pertes nettes de référence de recettes fiscales est de 3 milliards de dollars en 2011 (29 pour cent du montant du transfert mispricing - $ 9milliard) Source: Dalberg analysis 13 Estimations de Dalberg (voir le chiffre ci-dessus dans «Estimations des tendances futures des FFI et pertes connexes pour l'état en recettes fiscales en raison de la tarification frauduleuse des transferts»). 14. Projet Borgen, ECOWAS Adopts New Strategy For Reducing Poverty, 2011, disponible sur le site http://borgenproject.org/ecowas-adopts-new-strategy-for-reducing-poverty/. 15 Banque mondiale, International Transfer Pricing and Developing Economies: From Implementation to Application, 2013. ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 12

Pour mettre en perspective ces pertes en recettes fiscales, si des mesures avaient été prises pour enrayer efficacement la tarification frauduleuse des transferts (et à supposer que la tarification frauduleuse des transferts ainsi récupérée ait été imposée correctement), la CEDEAO aurait 13 recouvré 15 milliards de dollars US supplémentaires entre 2012 et 2013, un montant plus que suffisant pour couvrir les besoins de financement du Document de stratégie de réduction de la 14 pauvreté de la Communauté économique des états de l'afrique de l'ouest (DSRP). Un régime de prix de transfert efficace c'est-à-dire qui atteint le double objectif de protéger 15 l'assiette fiscale d'un pays tout en maintenant un climat d'investissement attractif peut contribuer à enrayer efficacement les FFI issus de la tarification frauduleuse des transferts et mobiliser d'avantage de recettes fiscales afin de combler les besoins en financement lors du développement de projets nationaux et régionaux. Cependant, des obstacles entravent la mise en place immédiate d'un tel régime, notamment l'inexistence d'un cadre juridique complet et harmonisé sur les prix de transfert, la capacité limitée des administrations fiscales et le risque inhérent de fuite de capitaux de la région comme conséquence de la mise en place de politiques fiscales plus strictes. 16 Climat d'investissement de la Banque mondiale (CIBM), International Transfer Pricing and Developing Economies: From Implementation to Application, 2013. 17. Il existe une cohérence fondamentale entre le Manuel des Nations Unies (à l'intention des pays en développement) et les Directives de l'ocde sur la tarification des transferts (à l'intention des pays développés) dans leur application du PPC traité par l'article 9 de la Convention modèle des Nations Unies et de la Convention modèle de l'ocde. Bien qu'il existe des différences entre les deux, celles-ci reflètent généralement des divergences de perspective et d'emphase, plutôt que des différences dans les principes devant être appliqués (Source : Deloitte, Arm's Length Standard, 2013). 18. Par exemple, lorsque les administrations fiscales imposent aux assujettis des conditions liées à la fourniture d'informations qui vont au-delà des besoins et de la capacité de l'administration fiscale (Source : Climat d'investissement de la Banque mondiale, 2013). 19 CIBM, International Transfer Pricing and Developing Economies: From Implementation to Application, 2013. 20 UEMOA, Règlement 08/2008/CM/UEMOA et règles d'application 005/COM/2010/UEMOA. ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 13

LES OBSTACLES CONTRE UNE GESTION EFFICACE DES PRIX DE TRANSFERT Inexistence D'un Cadre Juridique Complet Et Harmonisé Sur Les Prix De Transfert Au Sein De La Cedeao Le niveau de sophistication des cadres juridiques permettant le suivi des transactions transfrontalières avec des parties associées diffère considérablement d'un pays de la CEDEAO à l'autre. Seuls le Ghana et le Nigeria ont élaboré des politiques spécialisées sur les prix de transfert, alors que les neuf autres États membres ont des «régimes émergents» ; dans le même temps, quatre États membres (le Niger, le Togo, la Guinée Bissau et le Cabo Verde) ne disposent pas encore de politique régissant les prix de transfert. Capacité limitée des administrations fiscales Une étude récente publiée par le Forum des administrations fiscales africaines (ATAF) a révélé que la tarification frauduleuse des transferts représentait un problème grave dans la plupart des pays d'afrique de l'ouest. Selon cette étude, l'absence de professionnels de la fiscalité qui se spécialisent dans les prix de transfert constitue un obstacle majeur au suivi de cette pratique. Même ceux qui ont ce savoir-faire doivent suivre une formation spécialisée et continue sur les prix de transfert dans des secteurs tels que l'exploitation minière, les hydrocarbures, les technologies de l'information et de la communication, les secteurs liés à la propriété intellectuelle et sur des questions spécifiques telles que le traitement des actifs et les marques et cessions de sociétés. Risque intrinsèque de baisse des IED comme conséquence de la mise en place de politiques fiscales plus strictes La mise en conformité avec le régime de prix de transfert tend à être très coûteuse, particulièrement au début. Selon les estimations d'une enquête réalisée en 2011 par Deloitte au profit de la Commission européenne,les coûts de conformité avec les prix de transfert (documentation sur les prix de transfert, autorisations et décisions, et procédures d'accord mutuel) représentent de façon directe ou indirecte environ 60 % de tous les coûts liés à la conformité des entreprises à la fiscalité pour une nouvelle filiale ouverte dans l'union 21. Mario Mansour et Grégoire Rota-Graziosi ; WAEMU, Tax Coordination, Tax Competition, and Revenue. Mobilization in the West African Economic and Monetary Union, 2013. 22. Ibid. 23. FMI, Spillovers in international corporate taxation, 2014. 24. Cette étude concerne la période 1980-2013 et a porté sur un échantillon de 173 pays, y compris les États membres de la CEDEAO (Source : FMI, Spillovers in international corporate taxation, 2014).

16 européenne par une multinationale dont la maison-mère a une certaine envergure. Les coûts de conformité seraient de la même ampleur pour une filiale ouverte au sein de la CEDEAO et soumise aux régimes de prix de transfert actuellement en vigueur en Afrique de l'ouest ; en 17 effet, ces derniers sont tous basés sur le principe de pleine concurrence (PPC). Dans certains cas, la charge de conformité pour les multinationales peut être considérablement plus élevée dans le contexte de l'afrique de l'ouest, particulièrement lorsque le manque d'expérience ou de capacité des administrations fiscales entraîne ce que certains assujettis peuvent considérer comme des audits aléatoires des prix de transfert, des litiges inutilement longs et/ou des 18 exigences indues en matière de documentation et de révélation d'informations. Le risque de double imposition augmente également pour les multinationales en raison des ajustements des prix de transfert. L'enquête globale d'ernst & Young réalisée en 2003 sur les prix de transfert indique que 40 % des ajustements effectués sur les prix de transfert ont 19 entraîné une double imposition. Par conséquent, la double imposition inflige un coût de transaction additionnel aux multinationales, ce qui freine le commerce international et l'investissement étranger. 25. Stefan Van Parys et Sebastian James, Why Tax Incentives May be an Ineffective Tool to Encouraging Investment? The Role of Investment Climate, 2009. 26 Ils ont réalisé une analyse théorique de la manière dont le climat d'investissement affecte l'impact du taux de l'impôt sur les sociétés à l'aide d'un modèle dans lequel les recettes fiscales sont utilisées pour améliorer le climat des investissements. 27 CEDEAO, 2014 ; Gret-Iram, Etude prospective sur les mesures de protection nécessaires pour le développement du secteur agricole en Afrique de l'ouest (illustration sur quelques filières stratégiques). 28 Mario Mansour et Grégoire Rota-Graziosi ; UEMOA, Tax Coordination, Tax Competition, and Revenue Mobilization in the West African Economic and Monetary Union, 2013. 29 Ibid. ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 15

1.1.2 Appel à l'action Dans le cadre du marché régional commun, des disparités entre les règles de prix de transfert créent des failles que les sociétés peuvent exploiter. En 2008 par exemple, l'union économique 20 et monétaire de l'afrique de l'ouest (UEMOA) a adopté un accord fiscal multilatéral (AFM) qui concède aux États membres de l'union la détermination des droits d'imposition sur les 21 investissements intra-communautaires. L'AFM couvre les taxes sur le revenu, notamment 22 celles recouvrées par l'administration centrale au nom des autorités locales. Les multinationales ayant des filiales dans plusieurs pays de l'uemoa peuvent décider d'utiliser comme point d'entrée dans la zone la filiale (société A) basée dans un état membre de l'uemoa n'appliquant que peu ou pas de règles sur les prix de transfert. La multinationale va ainsi bénéficier d'un avantage fiscal inattendu par rapport à d'autres multinationales dont les filiales sont basées dans des États membres de l'uemoa appliquant un régime fiscal sur les prix de transfert. L'administration fiscale peut considérer les transactions entre la société A et ses filiales comme relevant des échanges intra-régionaux et appliquer par conséquent les dispositions de l'afm. Dans le cadre d'une approche régionale, il serait possible d'harmoniser la législation et d'éliminer les failles. Les États membres de l'uemoa ont insisté sur les difficultés liées à la fois au manque de personnel spécialisé dans les prix de transfert et aux capacités insuffisantes qui entravent l'élaboration et l'application de la réglementation sur les prix de transfert. Par conséquent, les efforts régionaux doivent également mettre l'accent sur l'identification des besoins communs aux pays membres de la CEDEAO et concevoir des programmes en vue de répondre à ces besoins de manière centralisée. La Commission de la CEDEAO est la mieux placée pour jouer ce rôle. De nouveaux programmes peuvent être mis en place, notamment le regroupement des données sur la tarification et les transactions disponibles dans chaque pays afin de pouvoir établir des comparaisons régionales pertinentes (par exemple des bases de données de transactions indépendantes qui permettent d'évaluer si les transactions entre des parties associées appliquent un prix en fonction de la valeur du marché). Les intérêts régionaux doivent également être protégés au niveau mondial, ce qui nécessite une approche résolument régionale. Les États membres de la CEDEAO ne sont pas signataires du Plan d'action de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur l'érosion de l'assiette fiscale et la délocalisation des bénéfices (BEPS), qui vise à redéfinir les règles de fiscalité internationales afin de lutter contre l'évasion fiscale. Des concertations sont en cours et la CEDEAO doit faire les efforts nécessaires pour jouer le rôle de porte-parole de la région sur cette question. 30 Murphy, Benefits of Country-by-Country Reporting, 2012 31 Manuel des Nations unies sur les prix de transfert pour les pays en voie de développement, 2012 32 Ibid. 33. EuropeAid, Transfer pricing and developing countries, année de publication non fournie. 34 UEMOA, Règlement N 08/CM/UEMOA. ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 16

1.2 PERTES DE RECETTES PAR L'ÉTAT ET CONCURRENCE FISCALE NÉFASTE ENTRE LES PAYS COMME CONSÉQUENCES DES INCITATIONS FISCALES 1.2.1 Quels sont les enjeux? Les incitations fiscales sont tout simplement trop onéreuses pour l'afrique de l'ouest, car elles peuvent provoquer une érosion de l'assiette fiscale aux dépens de la mobilisation des ressources publiques. En outre, ils peuvent créer une concurrence entre les États membres de la CEDEAO, entraînant ainsi une perte nette au niveau régional. Une étude récente publiée par le 23 Fonds monétaire international (FMI) a démontré que les incitations fiscales accordées dans un pays donné peuvent, dans une large mesure, avoir des répercussions négatives sur les politiques mises en œuvre par d'autres pays. Une baisse d'un point du taux mondial de l'impôt sur les sociétés (IS) peut très rapidement se traduire par une réduction de 3,7 % de l'assiette 24 fiscale des entreprises dans un pays donné. Dans les secteurs de l'agriculture et de la manufacture, l'octroi d'incitations fiscales a également provoqué une concurrence néfaste qui a considérablement réduit les taux de l'impôt sur les sociétés au sein de la CEDEAO. En dépit de leur coût élevé, les incitations fiscales ne sont pas toujours un facteur clé dans l'arrivée d'ied et dans la croissance économique. L'étude de Stefan Van Parys et Sebastian,25,26 James conclut que les réformes fiscales au sein de la zone du franc CFA n'ont pas eu un impact important sur les flux d'ied ou sur la constitution de capital fixe. L'étude démontre que ce sont plutôt d'autres facteurs, notamment le renforcement de la confiance des investisseurs suite à l'élargissement des garanties fiscales et à la simplification du système fiscal, qui ont réussi à attirer d'avantage d'investissements étrangers. 1.2.2 Appel à l'action La CEDEAO et l'uemoa ont fait paraître des directives et lignes directrices portant notamment sur une mise en cohérence des politiques fiscales entre les États membres. Ces initiatives portent entre autres sur l'adoption par la CEDEAO d'un Tarif extérieur commun (TEC), ce qui signifie que tout produit entrant dans l'espace CEDEAO sera évalué au même taux de droit de 27 douane (0 %, 5 %, 10 %, 20 % et 35 %). Le TEC devrait entrer en vigueur en 2015 au sein de la région CEDEAO. L'UEMOA a également émis des directives réduisant les taux d'imposition. Cependant, une analyse récente des efforts d'harmonisation au niveau de l'uemoa a démontré que des politiques autres que la législation fiscale, telles que les codes d'investissement, peuvent être utilisées par les États membres afin de contourner les directives 28 régionales. 35 TNJ, Financial Secrecy Index next steps. 36 Sebastian James, Tax and Non-Tax Incentives and Investments: Evidence and Policy Implications, 2013. 37 Le projet de code se contente de proposer des mécanismes d'application laxistes et met l'accent sur l'harmonisation des régimes fiscaux plutôt que sur la coopération régionale. En outre, il n'oblige pas les états membres de l'eac à réaliser des études sur les dépenses fiscales afin de mieux évaluer l'efficacité des incitations fiscales dans l'atteinte des objectifs de développement. Source : Réseau pour la justice fiscale- Afrique & ActionAid International, Tax competition in East Africa: A race to the bottom?, 2011). 38 Sebastian James, Tax and Non-Tax Incentives and Investments: Evidence and Policy Implications, 2013. ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 17

Tous les États de l'uemoa dérogent au traitement fiscal imposé par leur code général des 29 impôts en accordant des régimes fiscaux préférentiels, souvent dans le cadre du code d'investissement national, dont certains ont été mis en place après (et en dépit de) la formulation des directives de l'uemoa. 1.3 RECOMMENDATIONS D'un point de vue général, l'élaboration et la mise en œuvre d'une initiative ouest-africaine axée sur les prix de transfert et la rationalisation des incitations fiscales s'avère absolument nécessaire. La volonté politique est un pilier essentiel de toute initiative de ce type ; les gouvernements nationaux, de concert avec la Commission de la CEDEAO, doivent prendre l'engagement de réformer conjointement leurs politiques fiscales. Nous proposons ci-après des recommandations spécifiques portant respectivement sur les prix de transfert et les incitations fiscales. 1.3.1 Recommandations sur les prix de transfert Réformer la politique de prix de transfert est une entreprise considérable, mais nous pensons que les trois phases initiales suivantes sont essentielles : (i) choisir entre l'approche PPC et des méthodes alternatives, telles que la formule de répartition, pour trouver le régime de prix de transfert le mieux adapté pour la région ; (ii) améliorer l'échange d'informations entre les États membres de la CEDEAO ; et (iii) susciter et orienter le changement à l'échelle internationale. A. Choisir un régime de prix de transfert adapté pour la région La CEDEAO doit prendre la décision stratégique d'adapter le PPC de l'ocde ou de développer des méthodes alternatives, telles que la formule de répartition (FR). Comme point de départ, la CEDEAO pourrait étudier les avantages et les limites de chaque méthode, en tenant compte du contexte régional. Les paragraphes suivants décrivent les méthodes basées sur le PPC et sur la formule de répartition, ainsi que ce que nous considérons comme les étapes essentielles de la mise en œuvre et de l'application d'un régime de prix de transfert dans la région. Il s'agit simplement de points de départ qui nécessitent des analyses et des réglages supplémentaires, ainsi qu'une évaluation minutieuse des autres méthodes. 39. OCDE, Tax Incentives for Investment A Global Perspective: experiences in MENA and non-mena countries, 2007. 40 BAD, Domestic Resource Mobilization across Africa: Trends, Challenges and Policy Options, 2010. 41 Intégrité financière mondiale (GFI), Données FFI par pays : http://wwwgfintegrity.org/issues/data-by-country/, 2002-2012. 42 Banque mondiale, WDI Aide publique au développement nette reçue (en US$ actuels), 2011. 43 CENUA, Troisième réunion du comité sur la gouvernance et la participation populaire, 2013. 44 OCDE, Flux financiers illicites en provenance des pays en voie de développement, 2014. ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 18

Normes PPC. Le PPC représente la norme de l'ocde permettant de déterminer les conditions des transactions commerciales et financières entre des entreprises associées dans le contexte de la fiscalité. Cependant, des difficultés concrètes s'opposent à sa mise en œuvre : i) un volume considérable de documentation est exigé des contribuables ; (ii) sa mise en œuvre et son application nécessitent énormément de temps et de ressources ; et (iii) il requiert des éléments de comparaison, qui n'existent pas au sein de la CEDEAO. Formule de répartition. La méthode de la formule de répartition (FR), également appelée taxation unitaire, constitue une alternative à l'approche PPC. Dans le cadre de la taxation unitaire, les profits des diverses filiales d'une entreprise ou des diverses sociétés d'un groupe sont calculés en considérant l'ensemble du groupe comme une 30 seule unité. La méthode FR permet d'affecter les profits globaux d'une multinationale aux différentes entreprises associées sur la base d'une combinaison de facteurs multiples, tels que la propriété, la masse salariale, les ventes, le capital investi et les coûts 31 de fabrication. Cette méthode n'est pas exempte de limites : (i) le caractère arbitraire des formules prédéfinies rend difficile la transposition des spécificités propres à chaque entreprise multinationale ; (ii) la FR dépend fortement d'informations basées à l'étranger ; (iii) sa mise en œuvre est difficile et ne peut se faire sans une coordination et 32 un consensus internationaux ; et (iv) la FR peut créer des désaccords entre certains pays, car chacun peut souhaiter accentuer ou inclure différents facteurs dans la formule de répartition sur la base des activités ou facteurs proéminents dans sa juridiction. Mise en place d'un groupe régional consultatif et de coordination sur les prix de transfert La Commission de la CEDEAO pourrait envisager la création d'un organe consultatif «adapté» sur les prix de transfert, qui réunisse les représentants des administrations fiscales, des conseillers en comptabilité et en fiscalité et des multinationales. Cet organe servirait de plateforme de concertation, de partage d'expérience et de discussion sur les questions liées aux prix de transfert en Afrique de l'ouest. L'Union européenne (UE) a rassemblé un groupe d'experts des secteurs publics et privés afin de constituer son «Forum conjoint sur les prix de transfert» (FCTT UE) ; la CEDEAO pourrait s'inspirer de cet exemple afin de mettre en place son propre organe consultatif en vue de renforcer sa collaboration avec d'autres groupes spécialisés sur les questions fiscales, tels que l'abwa (Fédération des ordres des professionnels comptables d'afrique de l'ouest). 45 Commission économique des Nations unies pour l'afrique (CENUA), Troisième réunion du comité sur la gouvernance et la participation populaire, 2013. 46 La tarification des transferts définie comme étant le prix que l'entité d'une société facture à une autre entité de la même société pour un bien ou un service (Dictionnaire financier Farlex, 2012) n'est pas intrinsèquement une pratique illégale ou nécessairement frauduleuse. Elle le devient en cas de manipulation des prix afin de réduire la charge fiscale ou de gonfler les pertes apparentes afin de réduire autant que possible les bénéfices ; on parle également de tarification frauduleuse des transferts, de manipulation de la tarification des transferts ou de tarification abusive des transferts (Réseau pour la justice fiscale). 47 The Africa Center, Africa Rising? From resource potential to shared prosperity, 2014, 48 GFI, Implied Tax Revenue Loss from Trade Mispricing, 2010. 49 BAD, Domestic Resource Mobilization across Africa: Trends, Challenges and Policy Options, 2010. 50 Christian Aid, Losing Out: Sierra Leone's massive revenue losses from tax incentives, 2014. ETUDE DES POLITIQUES DE PRIX DE TRANSFERT ET DES INCITATIONS FISCALES 19