Toxidermies A Dupuy Service de Dermatologie CHU de Rennes
Introduction Médicament Effet thérapeutique recherché Effets indésirables (tous organes++) Le médicament fait partie de quasiment toutes les listes étiologiques Peau et médicament Dermatose pouvant être induite par un médicament (pemphigus, dermatose IgA linéaire, lupus, ulcèration, aphtes, vascularite, etc ) Toxidermie : éruption cutanée dont les caractéristiques cliniques font évoquer une cause médicamenteuse
Toxidermies Effet indésirable systémique d un médicament, avec expression cutanée (exclu par ex : eczéma de contact) Individu-dépendant++ (distinguer des effets indésirables «obligatoires». Ex : effets cutanés des anti-egfr) Plusieurs tableaux cliniques dermatologiques (et extra-dermatologiques) évocateurs de toxidermie Mais tableau clinique en général non totalement spécifique (concurrence++ avec des causes infectieuses) Sévérité variable : de l éruption fébrile simple et régressive à la défaillance multiviscérale NB : En règle ces situations peuvent être distiguées dès le début de l évolution
Objectifs Connaître les principales caractéristiques épidémiologiques des toxidermies Connaître les différents types de toxidermie Sémiologie Caractéristiques epidémiologiques et cliniques Conduite à tenir devant une suspicion de toxidermie
D après A Barbaud. Toxidermies avec manifestations systémiques. Manifestations cutanées des connectivites. Vol I.
Epidémiologie Les plus fréquents des effets indésirables des médicament notifiés au centres de pharmacovigilance Les réactions cutanées au médicament compliquent 3% des traitements hospitaliers Motivent 1% des consultations et 5% des hospitalisations en dermatologie
Risque variable selon les médicaments Risque élevé (>3%) Alopurinol, amoxicilline, ampicilline, carbamazépine, isoniazide, lamotrigine, nérirapine, D-pénicillamine, phénytoïne, produits de contraste iodé, rifampicine, sulfadiazine, sulfaméthoxazoletriméthoprime, sulfasalazine Risque faible (<0,5%) Aminophylline, aspirine, atropine, codéine, digoxine, dinitrate d isosorbide, gentamycine, hydroxyde d aluminium, hydroxyde de magénsium, insuline, méthyldopa, morphine, paracétamol, prednisone, prométhazine, propranolol, sel ferreux, sprironolactone, trinitrate de glycéryl
Pathogénie Réaction d hypersensibilité à médiation immunologique Médiée par des anticorps (anaphylaxie) Médiation immunologique cellulaire++ Mécanisme non immunologique («réaction cutanée au médicment» plutôt que «toxidermie»)
Facteurs favorisants Groupe HLA Certains groupes HLA pour certains médicaments (abacavir, carmabazépine, allopurinol) Associations médicamenteuses Hémopathies lymphoïdes et MNI Infection par le VIH
Diagnostic Tests in-vitro et in-vivo Pas de test in-vitro utile et validé Prick-tests pour les réactions anaphylactiques (Réintroduction médicamenteuse) Imputabilité Probabilité que les manifestations cliniques soient d origine médicamenteuse plutôt que d une autre origine Choix parmi les médicaments pris par le malade de celui dont la responsabilité est la plus probable
Imputabilité Imputabilité extrinsèque Quelles données sur la fréquence des toxidermies avec tel médicament Imputabilité intrinsèque Lien de causalité entre l accident et les médicaments pris par le malade Critères chronologiques Critères cliniques
Critères imputabilité intrinsèque Critères chronologiques Délai entre début du traitement et la survenue de l éruption : différent selon le type d éruption++ Evolution après l arrêt (?) Réadministration (accidentelle ou passée) Critères sémiologiques Sémiologie Facteurs favorisants Autres causes non médicamenteuse Examens complémentaires Imputabilité exclue / douteuse / plausible / vraisemblable / très vraisemblable
Toxidermies Toxidermie «banale», exanthème maculo-papuleux Urticaire allergique Nécrolyse épidermique toxique (Sd de Lyell et Stevens- Johnson) «DRESS», sd d hypersensibilité Pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) Erythème pigmenté fixe
Exanthème maculo-papuleux
Exanthème maculo-papuleux 90% des toxidermies Début coudes, genoux, tronc Extension en 3 à 5 jours Fièvre, prurit Eosinophilie sanguine Diagnostic différentiel : éruption virale / (Nécrolyse épidermique, DRESS) Histologie peu contributive : nécrose kératinoctaire, éosinophiles en faveur Antibiotiques / anticomitiaux / PCI / AINS / IEC Délai 7-21 jours (pic J9) / 2 à 3 jours si réintroduction
Urticaire et angio-oedème
Urticaire et angio-oedème Urticaire allergique : <10% des urticaires Urticaire médicamenteuse allergique : x % des urticaires allergiques Clinique : de l urticaire au choc anaphylactique Pénicillines, PCI, anesthésiques généraux, sérums et vaccins Délai : «dans l heure» IEC : angioedèmes (effet pharmacologique+). Délai long
PEAG
Pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) Survenue brutale : éruption diffuse fébrile Pustules non folliculaires prédominant dans les grand plis Parfois purpura, cocardes atypiques Hyperleucocytose à PN Desquamation après 7 à 10 jours, spontanément résolutif Histo : pustules intraépidermiques sous-cornées, nécroses kératinocytaires D différentiel : psoriasis pustuleux, érythème mercuriel Aminopénicillines, pristinamycine, diltiazem, chloroquine, hydroxychoroquine, terbinafine Délai : typiquement <2jours. Parfois 2 à 3 semaines
Erythème pigmenté fixe
Erythème pigmenté fixe Eruption récurrente qui laisse une pigmentation résiduelle Prurit et brûlures localisées plaques ovalaires rouge-brun qq cm diamètre, parfois bulleuses Muqueuses parfois isolément touchées Pas de fièvre Récurrence aux mêmes endroits si réintroduction Pathognomonique d une cause médicamenteuse Délai de quelques heures pour ré-introduction Analgésiques, barbituriques, sylfamides, cyclines, carbamazépine
DRESS
Syndrome d hypersensibilité «DRESS» : Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms» Début plus tardif que les autres réactions médicamenteuses Atteinte de plusieurs organes Durée d évolution prolongée
DRESS Souvent œdème facial initial Eruption maculopapuleuse diffuse, parfois érythrodermie. Parfois pustuleux. Atteinte muqueuse fréquente Eosinophilie souvent importante Hépatite cytolytique ou mixte Néphropathie interstitielle Pneumopathie interstitielle Histologie cutanée : aspects variés, dont pseudolymphome Evolution parfois fatale (hépatite aiguë, myocardite retardée) Guérison lente, entrecoupée de poussées
DRESS Anticomitiaux, dapsone, sulfamides, allopurinol, minocycline Délai d apparition 20-60 jours Physiopathlogie : réactivation virale (groupe herpès, parvovirus B19) induite par le médicament
Nécrolyse épidermique toxique
Nécrolyse épidermique toxique NET ou Sd de Lyell : > 30% surface décollée Sd Stevens-Johnson : < 10% Intermédiaire : 10 à 30% Diagnostic différentiel du Sd Stevens-Johnson : Erythème polymorphe Rare : 1 / 1 million PA Mortalité Lyell : 30%
Clinique Début : Sd grippal, conjonctivite, érosions buccales Lésions cutanées J2-J3 douloureuses Macules rouges sombres Bulles Erosions Aspect en «linge mouillé» (signe de Nikolsky)
Erythème polymorphe
Clinique Désordres hydroélectrolytiques et dysrégulation glycémique Risque infectieux ++ Atteinte viscérale associée Pancytopénie Hépatite Nécrolyse digestive Pancréatite
Diagnostic différentiel Histologie cutanée indispensable : nécrose de toute l épaisseur de l épiderme Diagnostics différentiels Épidermolyse staphylococcique Pustulose exanthématique aiguë généralisée Dermatose IgA linéaire médicamenteuse Erythème pigmenté fixe bulleux généralisé Lupus cutané suraigu Réation aiguë du greffon contre l hôte SJS vs Erythème polymorphe
Pronostic Mortalité 30% dans les sd de Lyell Pronostic lié à l âge, l état physiologique préalable, l étendue du décollement Guérison spontanée Séquelles oculaires++
Médicaments AINS (oxicams++), sulfamides, phénobarbital, phénytoïne, carbamaépine, acide valproïque, lamotrigine, quinolones, aminopénicillines, céphalosporines, névirapines, allopurinol. Délai : en règle 7-21 jours, plus précoce également compatible
Prise en charge Urgente En unité de soins intensifs Equilibration hydroélectrolytique Alimentation entérale ou parentérale Prévention de l infection Lit fluidisé, limitation des traumatismes Anticoagulation Immunoglobulines, ciclosporine
Toxidermies : prise en charge Arrêt des médicaments suspects Impératif dans les formes graves EXCEPTIONNELLEMENT poursuivi si traitement INDISPENSABLE, non substituable, et réaction sans signe de gravité Prise en charge des formes graves en hospitalisation (USI pour nécrolyse épidermique) Tratement symptomatique Anti-histaminiques : uniquement si anaphylaxie Corticothérapie : intérêt discuté
Prise en charge ultérieure Désensibilisation : rares indications Uniquement pour les réactions anaphylactiques Chez les patients ayant des prick-tests positifs Protocole à réaliser en milieu hospitalier Bien codifié pour la pénicilline (et sulfamides antibactériens, voire certaines chimiothérapies) Eviction et réadministration PAS de réintroduction Exception: Réadministration possible si exanthème à l ampicilline dans la mononucléose Eviction : touche les médicaments de la même classe pharmacologique (pour les sulfamides anti-bactériens : pas d extension aux sulfamides nonanti-bactériens diurétiques ou antidiabétiques) Eviction chez les membres de la famille si réaction grave + lien HLA
Suspicion de toxidermie : Conduite à tenir Décrire les lésions quelle type de toxidermie? Photographier, biopsier Schéma chronologique de toutes les prises médicamenteuses (enquête policière) Interrompre les médicaments imputables (les remplacer si utile et possible) Remettre au patient une lettre mentionnant les traitements interdits (jusqu à nouvel ordre) Parfois programmer bilan allergologique à distance Déclarer si grave ou inhabituel