bonnes raisons pour NE PLUS utiliser «sourd-muet»...

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Transcription:

5 bonnes raisons pour NE PLUS utiliser «sourd-muet»...

Réalisation : APEDAF asbl Rue Van Eyck, 11a 1050 Bruxelles Editeur responsable : Anne-Charlotte Prévot Rédaction : Helena Almeida Illustrations : Maïlee Huynh (asbl Inform Action : www.informaction.be) Conception graphique : Inform Action et Helena Almeida Coordination : Edith Rioux APEDAF D/2012/4000/6 Nous remercions chaleureusement pour leur précieuse collaboration: Christine Hamoir (parent membre de l APEDAF et chercheuse pour le projet ensignement - Marie Haps/Profils), Christine Moysons (administratrice Fédération Francophone des Sourds de Belgique) et Audrey Zians (diplômée en traduction italien-allemand et étudiante en droit),

3 Avez-vous déjà entendu au détour d une conversation la dénomination «sourd-muet(te)» au sujet d une personne sourde? Si vous employez aussi ce terme en le pensant correct, il faut savoir qu il ne correspond pas à la réalité vécue par les personnes sourdes. Les livres et films populaires sur la surdité (la célèbre histoire d Helen Keller par exemple) ont pu contribuer à maintenir cette terminologie toujours présente à l heure actuelle dans les médias ou dans les textes officiels. Que ce soit sous l éclairage d une approche oraliste ou dans une perspective signante, ce livret reprend 5 raisons qui justifient une remise en question des habitudes de chacun. À travers cette brochure, l APEDAF espère permettre au citoyen une meilleure compréhension de la différence et apporter une pierre à l édifice de la tolérance et de l échange. L information doit donc être diffusée dans l ensemble de la société pour qu un réel changement puisse s amorcer.

4 Sondage Pour connaître l avis du grand public, l APEDAF a réalisé un sondage via le site www.apedaf.be : Qu évoque pour vous le terme «sourd-muet»? 1 Vu par les sourds Beaucoup d entendants pensent que «muet» signifie «parler mal» alors que cela signifie en réalité qu AUCUNE voix ne sort de la bouche... Si les entendants ne savent pas signer, on les appelle entendants-muets? Non? Pareil pour les sourds Cela signifie, pour moi, que je suis débile, ignorant ou simple d esprit. Dans la société, des gens mettent sur un papier soit on est sourd-muet ou malentendant. Je me retrouve où? Je ne suis pas malentendant ni sourd-muet. Je suis une personne sourde qui sait parler. Retrouvez l intégralité des avis sur www.apedaf.be

Vu par les entendants 5 Il faudrait arriver à faire une distinction entre l aspect purement médical et l utilisation du terme dans la vie journalière. Ne peut ni entendre ni parler. Aucun contact, aucun échange. Ce terme met les deux handicaps dans le même «panier», alors qu ils devraient être dissociés. Le terme sourd-muet ou sourd et muet a une connotation «médicale», (...) et leur spécificité identitaire n est pas prise en compte. Que le Sourd n a pas de voix... Qu il n aurait rien à dire...alors que c est complètement faux. Je trouve cette expression datée et méprisante.

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1... Parce que sourd et muet sont deux réalités différentes D après les définitions du dictionnaire 2 : Sourd = qui ne perçoit pas ou qui perçoit difficilement les sons. Muet = qui n a pas ou plus l usage de la parole. Sourd-muet = personne privée de l ouïe ET de la parole. Au niveau physique, les organes qui sont touchés sont bien distincts et en aucun cas liés. La surdité implique une perte partielle ou totale de l audition et touche donc l oreille (externe, moyenne et/ ou interne). La mutité, d un point de vue médical, désigne l absence de cordes vocales ou l incapacité de la personne à les utiliser. Sauf exception rare, les cordes vocales des personnes sourdes fonctionnent parfaitement, mais leur perception des sons déficiente influence leur capacité à les utiliser, à vocaliser. En fonction de leurs capacités audiophonologiques, il leur est donc plus ou moins difficile de prononcer des mots puisqu elles ne s entendent pas. Ces définitions réduisent néanmoins la réalité car, même privés de langage oral, les sourds ne sont pas dépourvus de parole : ils utilisent la langue des signes (voir p.13). 7

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2... Parce que les techniques ont évolué D une part, les progrès technologiques ont une influence sur la perception des sons par les personnes malentendantes ou sourdes et par conséquent sur leur vocalisation. Pour les premières, les appareils auditifs sont de plus en plus perfectionnés et permettent une meilleure discrimination de la parole dans le bruit. Pour les surdités plus profondes, l implant cochléaire peut offrir des résultats étonnants qui seront d autant meilleurs si la personne a eu accès aux sons avant que sa surdité ne s installe. Néanmoins, il ne faut pas oublier que si les appareillages améliorent l audition, ceux qui les portent restent sourds et l apport auditif disparaît dès qu ils les enlèvent ou en cas de dysfonctionnement de l appareil. 9 D autre part, le développement de la prise en charge logopédique 3 et de l éducation précoce constitue une aide dans l acquisition du langage oral. Les méthodes employées sont plus variées et ludiques, s adaptant aux enfants et à leurs capacités individuelles. Malgré ces performances, les efforts à fournir par les jeunes sourds pour s exprimer vocalement sont importants et, s ils privilégient la langue des signes, ils ne sont pas muets pour autant.

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3... Parce que chaque surdité est différente 4 Sourds ou malentendants, tous parlent mais suivant des modalités différentes. Un sourd oraliste a appris à articuler (voir p.9) et lit sur les lèvres 5 pour comprendre le langage oral. Il faut faire attention à ne pas oublier sa surdité malgré son éventuelle facilité de compréhension apparente. Un sourd signant pratique la langue des signes de son pays (elle n est pas universelle). Les sourds peuvent également être bilingues et employer les deux modes de communication, en fonction de leur(s) interlocuteur(s). Un malentendant, dont la perte d audition est partielle, peut développer des compétences audiophonologiques importantes et compenser en partie son déficit auditif par le port d appareils. Choisir le terme le plus adapté peut parfois être délicat. Si vous souhaitez être précis, vous pouvez toujours demander directement à la personne comment elle souhaite être nommée. À défaut, le qualificatif de personne sourde sans précision du caractère «signant» ou «oraliste» peut s avérer le plus adéquat. 11

12 La langue des signes permet de transmettre la poésie

4... Parce que certains préjugés persistent Pendant des siècles, la plupart des entendants ont partagé une vision péjorative de la surdité et de la mutité. Assimilées à un manque d intelligence, on pensait que les sourds qui ne vocalisaient pas correctement étaient incapables d accéder à des concepts abstraits car expression orale et compréhension étaient associées. 13 Les capacités vocales doivent pourtant être différenciées des facultés intellectuelles, tout comme les aptitudes en lecture et en écriture ne reflètent pas forcément non plus la pensée profonde d une personne. De plus, même si certains sourds ne peuvent développer de compétences vocales (pour diverses raisons) et n utilisent pas leur voix, ils ne sont pas pour autant muets. Ils s expriment dans la langue des signes nationale. En Belgique, la langue des signes francophone belge (LSFB) est reconnue officiellement depuis 2003. Porteuse d une grande richesse, celle-ci permet d appréhender des notions aussi complexes que celles véhiculées via les langues orales, de créer de la poésie, des jeux de signes (qui correspondent aux jeux de mots des entendants), de saisir l abstrait,...

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5... Parce que le terme «sourd-muet» peut entraver la communication Penser qu une personne n est pas capable de mener une conversation si, en plus de ne pas entendre, elle ne peut pas prononcer de mots, n incite pas forcément à aller vers elle. 15 Pourtant, elle lit peut-être sur les lèvres de son interlocuteur et/ou maîtrise la langue orale. Si elle utilise plutôt la langue des signes et que vous ne la pratiquez pas, ce n est pas non plus un obstacle insurmontable. Lorsque l on rencontre une personne qui parle une langue que l on ne connaît pas, plusieurs réactions sont possibles : essayer de trouver une autre langue commune, communiquer autrement que verbalement,... C est la même chose avec une personne sourde. Le mime, le dessin ou l écriture sont envisageables : place à l improvisation! 6 L échange peut revêtir 1000 facettes différentes. Il dépend de la créativité des personnes en présences et l aspect visuel de la langue des signes constitue un vrai plus dans ce sens. En faisant le pas, cela permet de se rendre compte que les difficultés envisagées de prime abord sont tout à fait dépassables.

Presse 16 En raison d une méconnaissance de la surdité, les médias utilisent encore à tort «sourd-muet» pour évoquer des personnes sourdes, ainsi que d autres termes inadéquats liés à la surdité. Cela est cependant de moins en moins fréquent, probablement depuis la lettre ouverte rédigée par Martine Fraiture, Présidente de la Fédération Francophone des Sourds de Belgique. 7 Plus d informations sur l association sur www.ffsb.be NB: Les noms des médias n ont pas été cités volontairement pour éviter de les stigmatiser. «Tenait-il un coffee-shop?» (10 août 2007) «L individu est en effet sourd-muet et ne bredouille que le berbère du Riff.» «Ils n ont pas été entendus» (23 juin 2001) : «(...), des personnes handicapées de la voix ont assisté à une agression à la Cité du Peterbos. ( )! Ne dites plus handicapé de la voix ou sourd-muet mais sourd

«Sourd, muet mais riche» (16 janvier 2002) «Alexis, ( ), malentendant, ( ), le sourd-muet dépité ( )»! Ne confondez plus malentendant et sourd (-muet) (voir page 11). 17 «Sourd et muet, une circonstance atténuante à sa violence» (24 décembre 2010) «Le handicap de Laurent qui ne sait s exprimer que par le langage des signes (...)»! Ne dites plus langage des signes mais langue des signes «Sourd, muet mais pas manchot» (3 mars 2011) «Le tribunal a fait appel à une interprète par signes (...)»! Ne dites plus interprète par signes mais interprète en langue des signes

Ailleurs 8 Les entendants ont surtout retenu tout au long de l histoire l aspect de la mutité davantage que celui de la surdité et cela se retrouve dans beaucoup de langues. 18 Les spécialistes de l étymologie estiment que, dans les langues indo-européennes de manière générale, «sourd-muet» trouve son origine dans mu, mum, la seule onomatopée que quelqu un qui a la bouche fermée est capable de produire. Le sens aurait par la suite évolué vers «sans voix», d où le mot «muet» en français et mute en anglais. Dans cette langue, celui-ci se réfère à l incapacité ou la volonté de ne pas émettre de sons : on utilise officiellement deaf-mute (deaf = sourd) ou deaf and dumb (mais ce mot a une connotation négative), sans distinction. Il est surprenant de constater que les Allemands sont appelés «muets» par les Russes. À l origine, nemoï (= muet) signifiait «bredouillant», «bègue», «parlant de manière indistincte et non compréhensible», «sans langue». Il n a pris le sens de «sans voix» que par après. De même, l étranger qui parle une langue que les Russes ne comprennent pas est qualifié de nemetz.

Les Hongrois ont employé le mot russe dans leur propre langue : «muet» se dit néma et «allemand» német. On observe le même phénomène en polonais par l analogie entre niemec, qui signifie «allemand» et l adjectif niemy qui veut dire «muet» ou en tchèque, avec nêmý pour «muet» alors qu «allemand» se dit nêmecký. On peut donc en déduire que la surdité et/ou le mutisme ont été attribués à ceux que l on ne parvenait tout simplement pas à comprendre. 19

Législation La législation ne s est pas encore adaptée à l évolution des conceptions et le terme «sourdmuet» est toujours présent dans quelques textes juridiques. 20 La loi du 29 avril 2001 modifiant diverses dispositions légales en matière de tutelle des mineurs : «Art. 936. Le sourd-muet qui saura écrire, pourra accepter lui-même ou par un fondé de pouvoir. (...)» 9 La loi du 21 décembre 2009 relative à la réforme de la cour d assises : «Art. 283. Si l accusé est sourd-muet et ne sait pas écrire, le président nomme d office pour son interprète la personne qui aura le plus d habitude de converser avec lui. Il en est de même à l égard du témoin sourd-muet ou d une partie civile sourde-muette. (...). Dans le cas où le sourd-muet peut écrire, le greffier écrit les questions et observations qui lui sont faites; (...).» 10 L arrêté royal du 6 juillet 2011 relatif au statut pécuniaire du personnel en Région wallonne mentionne dans ses tableaux «Interprète pour sourd-muet 1re classe» (et 2e classe). 11

L arrêté du gouvernement de la Communauté française 12 du 19 janvier 2001 fixant les conditions d octroi des subventions pour l organisation de stages sportifs pour handicapés : «(...) 3 nonante francs ou deux euro et vingt-trois cents pour les stagiaires sourds-muets.» 13 Pourtant, on retrouve dans d autres textes édités depuis 1997 le seul terme «sourd» ou «malentendant», notamment en ce qui concerne les dispositions d intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées, le sous-titrage sur la chaîne RTBF, les communications électroniques ou encore l enseignement spécialisé. 21 L APEDAF entamera des actions dans le sens d une uniformisation de la législation : Plus d informations sur www.apedaf.be Si vous êtes témoin d une situation où «sourd-muet» est employé de manière inadaptée, vous pouvez nous contacter pour mener avec nous cette action de sensibilisation.

Comme nous avons pu le voir dans de cette brochure, les sourds ne sont donc pas sauf exception rare physiologiquement muets. Mais, à défaut d entendre, il est difficile pour eux d apprendre à oraliser et on a cru pendant longtemps que la «mutité» était une conséquence de leur surdité. Avec les progrès éducatifs et technologiques, ils peuvent à présent communiquer en utilisant la langue orale, la langue des signes, ou combiner les deux. 22 Si certains sourds peuvent utiliser leur voix, il faut savoir qu il leur est parfois difficile de la contrôler sans entendre ou en entendant très peu. Il ne faudra donc pas s étonner d une prononciation ou une intonation particulière. N hésitez pas à demander à la personne de parler moins ou plus fort, à répéter et faire répéter si nécessaire, etc. Et pourquoi ne pas essayer d utiliser quelques signes? Nous disposons d une multitude de moyens pour entrer en relation avec les autres. Il est important de cultiver la tolérance pour permettre aux personnes sourdes de suivre la voie qui leur correspond le mieux: qu ils parlent ou non, oralement ou via la langue des signes, il s agit de tous les entendre, dans leur individualité, leur façon d être au monde.

Références 1 Sur 56 réponses reçues, 21 personnes étaient sourdes, 29 entendantes et 6 malentendantes. 2 Larousse de Poche 2006, Paris 3 Logopédie : terme désignant la prononciation et l articulation normale du langage parlé et écrit. Source : www. vulgaris-medical.com/encyclopedie/orthophonie-6274. html 4 La question du langage - Langage, entendance et surdité, APEDAF, Bruxelles, 2008, p.24 5 Se dit aussi : «lecture labiale» 6 Pour une belle rencontre entre sourds et entendants, tentez l expérience de la Chuuut Party : www.ffsb.be 7 Voir sur le site de la FFSB : www.ffsb.be/sites/default/ files/publications/lettre_ouverte.pdf 8 MOTTEZ Bernard, «Les Sourds existent-ils?», Éditions L Harmattan, Coll. La philosophie en commun, Paris, 2006, pp.122-123 et GUITTENY Pierre, Langue, pidgin et identité, Université Michel de Montaigne Bordeaux III, GLOTTOPOL n 7 janvier 2006, p.129 9 www.ejustice.just.fgov.be ; publiée le 31 mai 2001 10 www.ejustice.just.fgov.be ; publiée le 11 janvier 2011 11 www.ejustice.just.fgov.be ; publié le 25 août 2011 12 Qui se nomme à présent Fédération Wallonie-Bruxelles 13 www.ejustice.just.fgov.be ; publiée le 21 février 2001

Association des Parents d Enfants Déficients Auditifs Francophones Rue Van Eyck, 11A bte 5-1050 Bruxelles Tel : 02/644 66 77 - Fax : 02/640 20 44 E-mail : info@apedaf.be www.apedaf.be Éditeur responsable : Anne-Charlotte Prévot APEDAF D/2012/4000/6 Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles