La banque JP GOLDMAN De sa création à son risque de faillite



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Transcription:

La banque JP GOLDMAN De sa création à son risque de faillite L'exemple fictif qui suit simplifie volontairement certains mécanismes ainsi que la présentation d'un bilan bancaire. L'objectif pédagogique implique quelques «trahisons» peu conséquentes. Création par les fondateurs actionnaires qui apportent des capitaux en liquide ( millions par exemple). Total Total La banque fait son métier en prenant les dépôts de ses clients (dettes envers ces derniers) et en prêtant de l'argent à ses clients (créances sur ces derniers), par exemple 3 millions. 3 Total 4 Total 4 On remarque que la JP Goldman est très prudente, elle n'a accordé des prêts qu'à concurrence du montant de ses dépôts. Elle n'a donc pas créé de monnaie. De plus, elle a une bonne marge de liquidités (1/3 des dépôts) pour satisfaire ses clients au guichet (ou au distributeur, ou lorsqu'ils règlent des achats par chèque, etc.). 3 Bien entendu, elle va très vite prêter plus qu'elle ne reçoit de dépôts et participer à la création monétaire. Elle va par exemple doubler son encours de prêts. 4 6 Total 64 Total 64 Elle a financé les prêts accordés par une augmentation des dépôts (insuffisante) et par un recours à un endettement supplémentaire, par exemple en émettant des obligations sur le marché financier auprès d'investisseurs divers (ménages, entreprises, autres banques, fonds spéculatifs, etc.). On note que le montant de liquidités disponible a baissé, ce qui devient plus risqué. A ce stade, on peut déjà se poser la question du risque de faillite en distinguant les notions de liquidité et de solvabilité. Tant qu'elle peut faire face à ses engagements de passif, elle est solvable. N'oublions pas que nous avons ici une vision statique (le bilan à un moment donné) et qu'entre deux bilans il y a une dynamique par des flux monétaires qui entrent (des prêts remboursés par exemple) et qui sortent (des dettes remboursées, des charges diverses...). De plus, une banque va gagner de l'argent grâce à son produit net bancaire (Intérêts reçus + commissions intérêts versés commissions versées). Une réglementation prudentielle exige un minimum de capitaux propres par rapport aux crédits accordés (en réalité d'autres risques sont à prendre en compte). Sans entrer dans les détails du fameux ratio Mc Donough (ni de l'ex-ratio Cooke), ce minimum est de 8%. Ici, nous avons (/6) 16%, soit le double requis! De même, la banque doit avoir un ratio de liquidité qui doit être de %! A la lecture du bilan, on semble en être loin. C'est ici qu'il faut différencier les liquidités (ou plutôt trésorerie disponible) et la liquidité d'un actif. Les actifs sont plus ou moins liquides. Dans notre exemple, nous avons 4 à % liquide mais sûrement aussi des créances qui vont se transformer en liquidités à brève échéance. Admettons que l'on prévoit d'encaisser à moins d'un mois 3 de prêts (arrivés à échéance), plus les 4 de trésorerie, on a 34 d'actif 4 14 Joel Calatayud 1

considéré liquide. Du coté passif, on a aussi des échéances à moins d'un mois, par exemple ¾ des dépôts (3) et 4 d'autres dettes, soit aussi 34. Le ratio de liquidité est assuré. On voit bien ici l'intérêt de la banque à jouer avec les échéances (rendre son actif le plus liquide possible et «allonger» son passif). En réalité, le bilan bancaire est foncièrement asymétrique: elle accorde par exemple des prêts immobiliers (long terme) alors qu'elle a un passif très exigible à plus court terme(les clients peuvent exiger à tout moment leurs dépôts à vue). S'en suit une course aux liquidités. On en vient par conséquent au marché interbancaire, qui consiste, pour les banques, à se prêter mutuellement et quotidiennement de l'argent (avec intérêt). En effet, certaines banques peuvent disposer d'excédents de trésorerie alors que d'autres ont des besoins. Dans notre exemple, à un moment donné, la situation est la suivante: interbancaires 4 63 Total 72 Total 72 Notez que l'encours des prêts a augmenté. Mais à ce stade, nous sommes encore loin de la réalité de structure d'un bilan bancaire d'aujourd'hui. 8 4 14 En effet, on a assisté depuis ans, au phénomène de désintermédiation. Autrement dit, les agents, qu'ils aient une capacité ou un besoin de financement, se sont de plus en plus tournés vers les marchés financiers. En réalité, il vaut mieux parler de mobiliérisation (ou marchéisation) de la structure des bilans bancaires (Laurence Scialom, Economie bancaire). Ce recours aux marchés financiers se retrouve aussi bien à l'actif (acquisitions de titres) qu'au passif (émission de titres). interbancaires 1 3 6 Total Total La structure du bilan de JP Goldman montre bien cette mobiliérisation (6 % de l'actif, 68% du passif). Notons que les capitaux propres ne représentent plus que 2,8% du passif et que la part des dépôts est de plus en plus faible. A ce stade, on peut se demander si la banque fait toujours son métier d'intermédiaire prêteur et si elle n'est pas plutôt devenue un opérateur de marché? Si l'on prend le modèle de la banque universelle à la française, la réponse est entre les deux. Les chiffres présentés ici sont exagérés par rapport à la réalité pour bien montrer la tendance de marchéisation. 3 28 La question est: pourquoi ce recours massif aux marchés financiers? Une explication complète exigerait 8 pages de démonstrations théoriques et empiriques (voir des auteurs comme Aglietta, Pastré, Scialom...). Dérèglementation, produits dérivés (de couverture et/ou de spéculation), concurrence accrue entre les banques, mondialisation financière, etc...sont autant de raisons à ce phénomène. Intéressons nous cependant au point particulier de la titrisation. Puisqu'il est pénible pour un banquier d'attendre le remboursement des prêts qu'il accorde, pourquoi ne pas transformer ces actifs en titres négociables sur les marchés financiers? En effet, un prêt à l'actif a deux inconvénients majeurs, il ne devient liquide qu'au fur et à mesure des échéances et il y a un risque plus ou moins grand de défaut de l'emprunteur. La titrisation va être un outil formidable pour, à la fois, trouver des liquidités et se séparer du risque de crédit. En réalité, le mécanisme est d'une complexité extrême faisant appel à des «circuits» dans lesquels interviennent de multiples agents et outils différents (hedge funds, investisseurs institutionnels, marchés secondaires plus ou moins réglementés, instruments financiers de type CDO, etc.). Faisons donc abstraction de cette complexité: Joel Calatayud 2

interbancaires 1 7 Total Total Nous retrouvons presque le même bilan sauf que la JP Goldman a titrisé millions de prêts: - pour les prêts, + pour les titres (vous pouvez convertir en milliards pour être plus proche de l'actualité)*. Cela signifie qu'elle dispose de plus de titres susceptibles de se transformer en liquidités grâce au marché. Autre avantage: en diminuant son encours de prêts, elle peut en accorder de nouveaux tout en respectant son ratio de solvabilité! Exemple ici: 28/= 11,2% (bien au delà des 8% exigés). On peut bien voir là un des attraits majeurs de la titrisation qui peut devenir un processus sans fin, qui plus est, gagnant-gagnant. Sauf que, tout a une fin... (*) Dans cette présentation, nous faisons comme si la banque conservait les prêts titrisés dans son bilan alors que dans la réalité ils peuvent avoir été dispersés vers d'autres entités (avec le risque). 3 28...et il faut bien parler de la valorisation de ces titres et du risque de marché. Un actif n'a de valeur que celle que veut bien lui accorder le marché! Faisons l'hypothèse d'une crise financière plus ou moins soudaine qui serait survenue en aout 27. Si tout à coup, après une longue période euphorique où les marchés ont cru que les cours pouvaient monter jusqu'au ciel, des investisseurs se posent des questions sur la vraie valeur de certains titres (jusque là très bien notés par les agences de notation), que les détenteurs de ces tritres se posent les mêmes questions, que tout le monde veut vendre et que personne ne veut acheter, les cours s'effondrent, ou pire, leur cotation est suspendue. Les règles comptables, pour faire simple, obligent la valorisation de ces actifs à la valeur de marché (s'il y en a un). Admettons une perte de valeur, ne serait-ce que de % (donc -7), des valeurs mobilières que détient la banque: interbancaires 1 63 (- perte potentielle 7) Total 93 Total 93 Il s'agit là d'un raccourci un peu saisissant mais bien réel. La perte potentielle est constatée, sous forme de provisions, ce qui vient impacter les capitaux propres. Ici, les actionnaires de la banque sont, comme on dit, «rincés». La banque doit être recapitalisée (actionnaires présents qui remettent la main à la poche, nouveaux actionnaires, rachat par une autre banque). Hormis ce petit problème, la JP Goldman est-elle en faillite? Non, toujours pas, même avant sa recapitalisation. Si elle peut toujours faire face à ses engagements, tout va bien...ou presque. 3-42 Nous avons vu que la situation du marché ne permettait pas de vendre dans de bonnes conditions et que la valeur de ses actifs baisse dangereusement. Autrement dit, la course aux liquidités devient de plus en plus difficile. Puisque les actifs sont durs à vendre, ou alors à perte, la banque va devoir se financer par le passif. Récapitulons: emprunter à la banque centrale ou aux autres banques, accroître les dépôts des clients ou émettre de nouveaux titres obligataires (la recapitalisation, c'est fait). En situation normale, le recours naturel est de s'adresser à ses consoeurs (BNP, Société Générale, etc.) sur le marché interbancaire. Problème, elles aussi sont peut-être (sûrement) dans les mêmes difficultés et perdent confiance entre elles quant à la capacité de remboursement de chacune. De plus, les prêts interbancaires sont aussi garantis par la qualité des actifs et en l'occurence, ces actifs sont non seulement dépréciés comptablement mais personne ne connait leur «juste valeur». Heureusement, la banque centrale intervient en «injectant» des liquidités sur ce marché interbancaire. C'est le principe de «prêteur en dernier ressort» des banques centrales (FED, BCE notamment) qui ne Joel Calatayud 3

peuvent laisser le marché interbancaire s'assécher sans risque systèmique majeur. On l'a vu, depuis l'été 27, les injections de liquidités ont été régulières et massives par centaines de milliards d'euros et de dollars. Revenons à notre JP Goldman. Elle a depuis été recapitalisée.un tour de table de banquiers et d'investisseurs institutionnels a permis de réunir 6 milliards (ah oui, au fait, on a laissé tomber les millions, cela faisait petit joueur). interbancaires 2 38 Total 98 Total 98 On observe que la recapitalisation a fait remonter les capitaux propres à la hauteur réglemenaire (8% des prêts) mais le montant du bilan s'est considérablement réduit. On imagine une stratégie d'apurement, de recentrage sur le métier de base, de réorientation du portefeuille d'actifs vers des marchés plus sains, etc. La banque centrale a accepté de prendre en pension certains actifs douteux, bref la situation semble assainie et pourtant... 12 4 18...le risque systèmique s'accentue. Malgré tous les efforts entrepris par la JP Goldman, des Etats-Unis tombe une nouvelle fracassante. Lehman Brothers, une des premières banques d'affaires du pays est mise en faillite. Pourtant, les mois précédents, le trésor américain a fait ce qu'il fallait pour sauver d'autres banques et institutions (Fannie Mae et Freddie Mac entre autres). Le principe du «too big to fail» consiste à ne pas laisser tomber une banque bien trop importante pour ne pas mettre en péril le système bancaire tout entier. Les banques centrales, on l'a vu, appliquent ce principe mais lorsque ce sont les Etats qui s'y collent, c'est que le gouffre n'est plus très loin. Dans le cas de Fannie et Freddie, spécialisés dans le rachat de crédits hypothécaires, le montant en jeu se chiffre en milliers de milliards de dollars en interaction avec les agents du monde entier! Dans la foulée, le plus gros assureur mondial (AIG) doit lui aussi être sauvé de la faillite. En ce septembre noir de 28, Paulson (sorte de super ministre des finances américain) décide que trop c'est trop et que le «too big to fail» ne s'appliquera pas à Lehman Brothers, pour l'exemple. Les réactions en chaîne se multiplient (Lehman a des créanciers et des actionnaires «rinçés») et surtout aggravent une crise de confiance de tous les acteurs. Notre JP Goldman elle-même a des créances sur Lehman qu'elle risque de transformer en pertes sèches. La panique des petits clients est proche et les gros clients, eux, ne perdent pas de temps et retirent illico leurs fonds de la JP Goldman qui ne peut plus faire face à ses engagements. L'investissement des nouveaux actionnaires n'a même pas le temps de porter ses fruits: interbancaires 8 1 (- perte définitive 3) Total 19 Total 19 A ce stade de bilan, recapitaliser est impossible, les récents actionnaires viennent de perdre 3 milliards, il reste milliards de dépôts à rembourser (chaque déposant est assuré par un fonds de garantie à hauteur de 7 ), la totalité de l'actif ne suffit pas à éponger le passif exigible, on est bien en situation de faillite. Finalement, un consortium réunissant l'etat, la Caisse des dépôts et la Poste permet de sauver la banque car sa faillite aurait provoqué une nouvelle réaction en chaîne sur les autres banques françaises. On réunit un «package» de 6 milliards constitué en grande partie des ressources du livret A ( milliards) plus un endettement supplémentaire de l'etat ( milliards). 2-3 Joel Calatayud 4

Situation après sauvetage: interbancaires 6 8 1 2 Total Total Qu'est-ce qui permet d'être plus rassuré après cette opération? Après tout, la précédente recapitalisation (privée) a échoué. Ici les capitaux propres représentent presque le tiers de l'encours de prêts. Mieux, les liquidités sont là et les clients de la banque sont rassurés par l'intervention publique. Dans le même temps le marché interbancaire se desserre, les autres banques ont plus confiance dans la signature de la JP Goldman; par conséquent les investisseurs potentiels aussi, les titres émis par la banque sont à nouveau notés triple A par les agences de notation, les dépôts à vue affluent, la banque ne propose plus des rendements farfelus, moins rémunérés mais sûrs. Encore mieux, elle reprête aux PME, etc. Conclusion: ce scénario passant de la catastrophe totale au redressement magique est peu probable. On se demande néanmoins si à force de socialiser les pertes il est souhaitable de reprivatiser les profits? Autrement dit, une fois la JP Goldman relancée, quelle obligation y a t-il à la privatiser? En raison de la concurrence? Bruxelles? On touche là le sujet majeur de cette crise financière et bancaire. Au delà de la meilleure régulation que même les capitalistes les plus coriaces appellent de leurs voeux, la (re)prise en main publique de la sphère bancaire et financière est déjà là. Joel Calatayud