CRÉER PROTÉGER REPRODUIRE DIFFUSER



Documents pareils
Cours n 3 Valeurs informatiques et propriété (2)

SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

FAQ sur le metteur en scène

Propriété intellectuelle en informatique

DROIT D AUTEUR & BASES DE DONNÉES

La Joconde. ( , 0,77x 0,53 m) de Léonard de Vinci TEMPS MODERNES

protéger ses REPÈRES créations Tout ce qu il faut savoir pour bien protéger ses créations

Guide de la pratique sur les réserves aux traités 2011

Ressources APIE. Sécuriser la réalisation et la diffusion d une brochure. l immatériel. Cahier pratique. En bref

La protection juridique des bases de données illustrée par les dernières jurisprudences

Le droit d auteur et les. thèses électroniques

Agence pour la Protection des Programmes Service dépôt / référencement. Agence pour la Protection des Programmes Service juridique

TABLE DES MATIERES. Section 1 : Retrait Section 2 : Renonciation Section 3 : Nullité

MARQUE DE FABRIQUE, DE COMMERCE OU DE SERVICE DEMANDE D'ENREGISTREMENT

Société française des intérêts des auteurs de l écrit

CATALOGUE DES FORMATIONS INFORMATIQUES 2015

La protection des bases de données au regard du droit Marie-Josée de Saint Robert, Chef du Service linguistique de l'office des Nations Unies à Genève

CONDITIONS GÉNÉRALES D UTILISATION DES OPTIONS DE JEUX

BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

PUBLICITE ET DROITS D AUTEUR

FICHE N 12 ERREUR SUR LE PRIX DE LA LOCATION

Décision du Défenseur des droits n MLD

Conditions générales d utilisation

I. OUVERTURE D UNE PROCEDURE COLLECTIVE SUR ASSIGNATION DU CREANCIER

Quel cadre juridique pour les mesures d investigation informatique?

Garantie locative et abus des propriétaires

CONDITIONS GENERALES DE VENTE

marque Repères Tout ce qu il faut savoir avant de déposer une marque

REGLEMENT DU JEU-CONCOURS «Crée la DINGO de tes rêves» Du 22 février au 8 mars 2013

Ressources numériques et droits associés

Règlement - Jeu «Rencontrez les TALE OF VOICES et écoutez avec eux leur nouvel album en avant-première»

Autoportraits photographiques. Il s agit de se photographier soi-même (ce n est pas un portrait pris par un autre)

Premier arrêt de la Cour de Cassation sur la preuve électronique Cour de Cassation, Civ. 2, 4 décembre 2008 (pourvoi n )

Vérifier. la disponibilité d une marque. Comment savoir si une marque est disponible? mode d emploi

CONDITIONS GENERALES D UTILISATION. 1.1 On entend par «Site» le site web à l adresse URL édité par CREATIV LINK.

Bertrand Siffert LLM, Titulaire du brevet d'avocat Conseil en Propriété Intellectuelle

Photos et Droit à l image

REGLEMENT DU CONCOURS : «BOURSES JEUNES TALENTS 2015 DE LA FONDATION GLENAT»

Conditions Générales d utilisation de l Application «Screen Mania Magazine»

Ni tout noir, ni tout blanc Consignes Thème I - Observer

LIVRET DE VISITE. Autoportraits du musée d. musée des beaux-arts. place Stanislas

LOI N DU 7 MARS 1961 déterminant la nationalité sénégalaise, modifiée

1S9 Balances des blancs

Responsabilité civile des administrateurs et des réviseurs d une société anonyme : questions choisies

CAHIER DES CHARGES. Le présent cahier des charges comporte 8 pages numérotées de 1 à 8 CHAMBRE RÉGIONALE DE MÉTIERS ET DE L ARTISANAT DE CORSE

Conditions d utilisation du site fim@ktabati d Algérie Télécom

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l arrêt suivant :

Galerie de photos échantillons SB-910

Règlement de la Bibliothèque municipale

ÉPREUVE E5. ACTIVITÉS DE COMMUNICATION

1. L ENTREPRISE 2. CARACTERISTIQUES ET DEROULEMENT DE LA PRESTATION CHARTE QUALITE 2.1. DEMARCHE VOLONTAIRE 2.2. REALISATION DE L AUDIT

Comment protéger vos idées?

Vérifier. la disponibilité d une marque Comment savoir si une marque est disponible?

PROTECTION DES DROITS DU TRADUCTEUR ET DE L INTERPRETE

ARTCURIAL LYON CONDITIONS GÉNÉRALES D ACHAT ET DE VENTE 1 - LE BIEN MIS EN VENTE

ANNE VICTOR Studio All Rights Reserved

Code des Usages de la Publicité sur le Lieu de Vente

Principes Généraux de l Université d Orléans : Propriété de résultats issus de projets collaboratifs

CONDITIONS GENERALES D UTILISATION. L application VAZEE et le site internet sont édités par :

WIPO Training of trainers Program on Effective Intellectual Property Asset Management by Small and Medium-Sized Enterprises (SMEs)

CONTRAT TYPE DE CESSION DE DROITS D AUTEUR

CONDITIONS GENERALES D ACHAT

Droit d auteur et propriété intellectuelle en questions. Guide pour les communicateurs fédéraux. COMM Collection - N 20

été 1914 dans la guerre 15/02-21/09/2014 exposition au Musée Lorrain livret jeune public 8/12 ans

OAPI - Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle

onditions Générales P h o n e W e b M é d i t e r r a n é e Club des Pins - STAOUELI- Tél : Fax: info@phoneweb-med.

CONDITIONS PARTICULIERES DE VENTE EN LIGNE DE TITRES DE TRANSPORT SUR REMONTEES MECANIQUES

I - SUR L'ACTION PUBLIQUE

Foire Internationale de Marseille

CONDITIONS PARTICULIERES DE VENTE EN LIGNE du 6/12/2014 au 24/04/2015

GUIDE DE LA RETRAITE DES ARTISTES AUTEURS

inaptitude quelles sont les obligations?

L impression numérique

CONDITIONS PARTICULIERES DE VENTE EN LIGNE DE TITRES DE TRANSPORT SUR REMONTEES MECANIQUES

Théâtre - Production théâtrale Description de cours

Georgette Josserand, lassée du comportement de son mari, qui refuse désormais de lui adresser la parole, décide de demander le divorce.

CONDITIONS GENERALES DE VENTE DE LA LICENCE SERVEUR

Les Cahiers du Conseil constitutionnel Cahier n 24

SÉNAT PROPOSITION DE LOI

Ces conditions de vente prévaudront sur toutes autres conditions générales ou particulières non expressément agréées par SUD LOGICIEL GESTION.

Conditions Générales de Vente

LICENCE SNCF OPEN DATA

NON MAIS T AS VU MA TÊTE!

La saisie-contrefaçon

UN COURS DE PHOTO. le cadeau idéal pour progresser en photo. en 4 heures pour une personne. Des cours collectifs à choisir parmi 8 thèmes :

TD 1 Marque vs Nom de Domaine

Utiliser le logiciel Photofiltre Sommaire

Cour d appel de Lyon 8ème chambre. Arrêt du 11 février Euriware/ Haulotte Group

Conditions Générales de Vente Internet. 7, rue Alfred Kastler CAEN. informatiquetélécominternet

Convention N 2013/P1/MMSH/015

Etat des lieux de la nullité pour fausse déclaration intentionnelle de risques S. Abravanel-Jolly

Conditions d'utilisation de la plateforme Défi papiers

CHARTE D UTILISATION DU SITE

ACCORD DU 24 JUIN 2010

La saisie-contrefaçon Présentation générale

[Le Graphisme en Droit d Auteur]

Fiche conseil LE BAIL COMMERCIAL. Explications et conseils. Nos fiches conseils ont pour objectif de vous aider à mieux appréhender les notions :

REGLEMENT DU JEU CONCOURS «FAN DE BARBECUE»

Transcription:

MANUELA DOURNES L IMAGE ET LE DROIT CRÉER PROTÉGER REPRODUIRE DIFFUSER Groupe Eyrolles, 2010 ISBN : 978-2-212-12575-7

Chapitre

Créer et protéger des images Quel est le cadre légal de la création artistique? À quelles conditions une œuvre peut-elle prétendre à la protection? Quelles sont les images protégeables? Comment prouver l antériorité d une œuvre? Tous les créateurs et utilisateurs d images se posent ces questions. La loi et la jurisprudence y répondent en partie.

Concevoir et réaliser des images originales La création artistique est le fruit d un processus intellectuel partant d une idée et aboutissant à la formalisation de celle-ci. Pour garantir une protection optimale, certaines conditions doivent être remplies. À NOTER Les idées, les thèmes, les sujets, les informations brutes, etc., ne sont pas protégés par la loi. L inspiration est libre. À NOTER Le Code de la propriété intellectuelle (ou CPI) rassemble les textes législatifs et réglementaires régissant notamment le droit d auteur, les dessins et modèles, les marques, les brevets d invention. À chacune de ces catégories correspondent des règles spécifiques. Avoir une idée et l exprimer Concevoir une œuvre, c est en premier lieu en avoir l idée. Les idées ne sont pas protégeables. Elles appartiennent à tout le monde. On dit aussi qu elles sont de «libre parcours». Nul besoin d autorisation pour photographier le mont Blanc, peindre un bouquet de tournesols, dessiner un merle noir et diffuser les images ainsi réalisées. Fournir une idée à quelqu un ne donne aucun droit à moins que cet apport ne soit constaté par contrat, la qualité de coauteur peut ainsi exceptionnellement être reconnue au fournisseur de l idée. Mais dans la plupart des cas, il n est pas possible de s approprier une idée ou de s en réserver l exclusivité. Il a ainsi été jugé que l idée d envelopper des arbres sur une avenue ou un jardin public, ou celle qui consiste à associer des rubans aux branches d un arbre échappe à la protection par le droit d auteur. L inspiration est donc libre. Tout créateur a le droit de s inspirer d une œuvre préexistante. Les sujets, les données brutes et factuelles, un paysage de la nature, etc., ne sont pas protégés même s ils ont déjà été retenus comme sujet d une œuvre préexistante. La notion de nouveauté n est pas prise en compte en matière de droit d auteur. Cependant, l exécution devra se différencier d une création antérieure par sa forme d expression. En effet, la mise en forme de l idée ou la réalisation de l œuvre constitue le fait générateur de la protection. Le Code de la propriété intellectuelle dispose qu une œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, «du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l auteur» (article L. 111-2). Par conséquent, une idée n est pas protégeable 4 CHAPITRE 1 CRÉER ET PROTÉGER DES IMAGES

5 en elle-même et seule une réalisation concrète peut bénéficier de la protection de la loi. Être original Cependant, la forme d expression acquiert le statut d œuvre protégée par le droit d auteur seulement si elle est «originale». Cette condition fait l objet d un contrôle au cas par cas par les tribunaux. Dans un procès pour plagiat ou contrefaçon, par exemple, avant de se prononcer sur l originalité d une œuvre, le juge s interroge toujours en premier lieu sur la question de savoir s il est en présence d une œuvre de l esprit au sens du droit de la propriété littéraire et artistique. À cette fin, il recherche les indices démontrant qu une œuvre donnée est le fruit d une démarche personnelle et originale. IMPORTANT L originalité n est pas définie par la loi. Il appartient aux tribunaux de rechercher, au cas par cas, dans quelle mesure un auteur a fait preuve d une démarche personnelle et originale. Une œuvre doit être empreinte de la personnalité de son auteur. La notion d œuvre protégeable La création d une œuvre de l esprit se caractérise par le passage de la conception à la réalisation, en d autres termes, de l idée à la forme d expression. Même inachevée, l œuvre est protégeable. Les premiers coups de pinceau sur une toile ou une esquisse sont protégeables. à retenir Définir l originalité L originalité est une notion subjective, difficile à appréhender. L œuvre peut être originale sans être nouvelle pour autant, ce qui distingue la propriété littéraire et artistique de la propriété industrielle qui concerne les inventions. L une des conditions de validité des brevets, par exemple, est leur nouveauté, au sens objectif du terme. En revanche, l originalité d une œuvre de l esprit se manifeste par la marque de la personnalité de l auteur. Il faut une exécution personnelle au niveau de l expression, des choix, du style et de la composition. Une œuvre doit se différencier suffisamment d une autre, même si le thème, le sujet ou le modèle sont identiques, même si l inspiration est commune. Deux peintres ou deux photographes possédant la même formation, le même talent, s inspirant du même paysage pour réaliser chacun un tableau ou une photographie peuvent faire preuve d originalité. Qu il s agisse du DÉFINITION Originalité Fait «œuvre originale» le créateur qui, par son expression et sa composition, marque sa création de son empreinte personnelle. pinceau ou de l appareil numérique, l exécution suppose nécessairement une approche personnelle. «Malgré l unité d inspiration, chacun aura interposé entre le sujet, proposé à ses regards, imposé à son attention, et la toile, une représentation intellectuelle, une préfiguration de l œuvre achevée, qui portera la marque de son tempérament, de ses préférences.» (Henri Desbois, Le Droit d auteur en France, 3 e édition, Dalloz, 1978.)

Dans le domaine artistique, l originalité revêt un caractère particulier. La copie, réalisée de la main d un artiste, comporte nécessairement une part d originalité. Le professeur Henri Desbois, dont les analyses font encore autorité malgré leur ancienneté, l a fort bien souligné : «Il importe en effet d éviter une confusion : l originalité, qui est une pierre de touche de toute création d ordre intellectuel, n a pas le même sens dans le domaine des arts À NOTER figuratifs que dans celui de la littérature. Un tableau, qui constitue La reproduction à l identique, servile, la reproduction fidèle d un paysage ou d un modèle, donne prise par un procédé technique quelconque (photocopie, numérisation, etc.) ne aux droits d auteur, ce qui n est pas le cas de la copie, manuscrite permet pas de conférer une originalité ou mécanique, d un texte. Peu importe que le sujet d une œuvre à la copie. d art ne soit pas nouveau, au sens objectif du mot : qu elle qu ait été la docilité, la servilité de l artiste, la copie, qui est issue de sa main, a un caractère original, à la différence de celle d un texte. La personnalité de l artiste s est, en effet, nécessairement manifestée, et une telle manifestation suffit pour livrer passage aux droits d auteur.» (Henri Desbois, Le Droit d auteur en France, 3 e édition, Dalloz, 1978.) DÉFINITION Œuvre dérivée L adaptation ou la transformation d une œuvre est appelée «œuvre dérivée». Elle est protégeable par le droit d auteur mais se trouve subordonnée à l autorisation de l auteur de l œuvre d origine. Mais il y a des limites. Si des éléments caractéristiques d une œuvre sont reproduits dans une autre, il peut s agir d une œuvre dérivée, par exemple un dessin s inspirant d une photographie. L œuvre dérivée peut être originale si son auteur apporte une touche personnelle. Mais dans ce cas, la loi exige que l on obtienne l autorisation de l auteur de l œuvre d origine. Dans notre exemple, le dessinateur devra obtenir l autorisation du photographe (CPI, article L. 112-3). Des photographies originales Toutes les photographies sont susceptibles d être protégées par le droit d auteur sous condition d originalité. Avant 1985, l accès à la protection était plus restreint, puisque seules les photographies présentant un caractère artistique ou documentaire étaient protégeables, ce qui n est plus le cas aujourd hui. Le photographe qui s inscrit dans une démarche personnelle, au travers des choix artistiques qui s offrent à lui, crée une œuvre originale. L originalité est reconnue par les tribunaux à de nombreuses créations photographiques : paysages, villes, animaux, photographies aériennes, photographies de plateau de cinéma, etc., même lorsque le sujet est empreint d une grande banalité. 6 CHAPITRE 1 CRÉER ET PROTÉGER DES IMAGES Sont protégeables les photographies d une ville et de ses environs «qui ne se limitent pas à une reproduction purement documentaire des sujets qu elles traitent, mais dont l auteur par le choix de la lumière, de la prise

7 de vue, de la mise en valeur des sujets, s est inscrit dans une démarche personnelle originale qui donne à son travail une valeur artistique» (cour d appel de Bordeaux, 31 mars 2005). Des exemples particulièrement intéressants, montrant toute la complexité de l originalité, nous sont fournis par la jurisprudence concernant les photographies d œuvres d art et plus particulièrement de tableaux. Un éditeur avait publié deux ouvrages consacrés à Picasso comportant une iconographie constituée à partir des photographies scannées dans le catalogue raisonné de référence des œuvres de Picasso, réalisé par la Réunion des musées nationaux (RMN), et composé de 33 volumes contenant 16000 reproductions des œuvres du peintre. Il avait par ailleurs obtenu l autorisation de la succession Picasso pour reproduire les œuvres dans ses ouvrages. Pourtant, l éditeur a été poursuivi par le photographe des tableaux et la RMN. Le juge leur a donné raison, estimant que le photographe des tableaux, «loin de s effacer derrière le peintre, a recherché la quintessence des œuvres photographiées et au travers du choix délibéré des éclairages, de l objectif, des filtres et du cadrage ou de l angle de vue, a exprimé dans la représentation qu il en a faite, sa propre personnalité, mettant en relief, là un trait qu il fait ressortir, là un contraste ou un effet procédant du support ; qu il a de surcroît, à plusieurs reprises, procédé à des agrandissements mettant en exergue un fragment de l œuvre lui apparaissant particulièrement révélateur ; que cette démarche globale n est nullement celle d un simple technicien au rang duquel les [éditeurs des deux ouvrages litigieux] cherchent à tort à placer le photographe, mais révèle un véritable créateur.» Le photographe obtient 800000 francs (122 000 euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon et la RMN, qui intervenait aux côtés du photographe pour contrefaçon de son catalogue, obtient 300000 francs (45000 euros). (Cour d appel de Paris, 26 septembre 2001.) Cette décision est à rapprocher de celle d une autre cour d appel qui avait jugé protégeables des photographies de tableaux, le photographe «ayant mis en valeur certains aspects des toiles et notamment leur craquelé» (cour d appel de Dijon, 7 mai 1996). Sont également protégeables des photographies reproduisant des tableaux, alors que celles-ci ne sont pas le résultat d une seule approche technique mais révèlent au travers du choix de la luminosité, de la distance de prise de vue, de l objectif, des filtres, des contrastes, l empreinte de la person- Apprécier l originalité L appréciation de l originalité d une photographie est soumise à l analyse des tribunaux. Elle s exprime à travers le choix du sujet, sa mise en valeur, sa composition, l angle de vue, la distance par rapport au sujet, l éclairage, les contrastes, le choix de l objectif, des filtres et enfin du travail artistique réalisé par le photographe sur le cliché après la prise de vue, retouches, effets REMARQUE Deux œuvres en une : les photographies d œuvres d art, ou d œuvres architecturales, comportent deux niveaux de droit d auteur, celui de l artiste dont l œuvre est reproduite et celui du photographe. Il en résulte pour l utilisateur l obligation de recueillir deux autorisations distinctes et de s acquitter de deux droits de reproduction. en pratique

CONCLUSION Si le photographe justifie d un léger apport personnel, s il ne se contente pas de reproduire servilement le tableau, il peut bénéficier de la protection par le droit d auteur. nalité de l auteur en «permettant notamment de mettre en valeur par le jeu de contrastes certains éléments des tableaux» (cour d appel de Paris, 27 janvier 2006). Ces décisions sur la protection des photographies de tableaux font l objet de critiques de la part d utilisateurs mais aussi de la doctrine, certains estimant, à juste titre, que les photographies d œuvres en deux dimensions reproduisant fidèlement tableaux, cartes et plans, estampes, manuscrits, etc., ne laissent pas au photographe de véritable marge de manœuvre en termes de création et de choix artistique. Selon le professeur Christophe Caron, «la photographie servile de l œuvre d art en deux dimensions semble, dans la plupart des hypothèses, incompatible avec l expression d une personnalité, puisque le photographe se contente de se positionner devant le tableau afin de la restituer de la façon la plus neutre possible» (Communication Commerce électronique, février 2002). Des photographies non originales Au contraire, des décisions refusent l originalité à certaines photographies. 8 À NOTER Les photographies ayant un caractère purement démonstratif, se bornant à montrer des scènes banales, sans mise en scène ni cadrage particulier, sont dépourvues d originalité. CHAPITRE 1 CRÉER ET PROTÉGER DES IMAGES Des clichés de bâtiments marseillais, reproduisant certes la beauté architecturale de ces derniers, «ne traduisent aucune recherche esthétique ni mise en valeur, le caractère strictement démonstratif excluant tout choix des angles et autres éclairages [ ]. La présence d arbustes et de ciel bleu dans le Sud de la France n a rien d original, à l instar des jeux d ombre simplement contingents de l horaire de la prise de vue sans recherche particulière» (cour d appel d Aix-en-Provence, 7 juin 2005). De même, des photographies illustrant un article de presse se sont vues refuser la protection au motif qu elles étaient «ordinaires consistant seulement à fixer un objectif sans recherche de création originale», et se bornant à montrer des scènes banales sans manifester de recherche d expression personnalisée (cour d appel de Limoges, 15 juin 2005). L originalité a été refusée à des photographies de paparazzi pour défaut de mise en scène, d un cadrage particulier et du «choix d un angle de vue et du moment pour réaliser les clichés litigieux dès lors que l instant auquel ils ont déclenché leurs appareils était exclusivement commandé par l apparition, pour quelques secondes, des personnages pris pour cible» (cour d appel de Paris, 5 décembre 2007). Nous retrouvons les photographies de tableaux. Mais dans les exemples qui suivent, elles ne sont pas originales et ne bénéficient d aucune protection. Tel est le cas de photographies qui résultent d un «savoir-faire» consistant à reproduire le tableau, ou l œuvre en deux dimensions, de la manière

9 la plus fidèle et la plus neutre possible, et non d une démarche artistique permettant au photographe d exprimer sa personnalité. Le but est d obtenir un cliché qui ne soit pas différent de l œuvre telle que perçue à l œil nu en restituant exactement le tableau. S agissant de clichés commandés par une galerie à un photographe, la mission de ce dernier consistait à effectuer une reproduction fidèle des œuvres d art, ce qui, selon la cour d appel de Paris, exclut a priori toute subjectivité ou interprétation de la part du photographe. Ne sont pas protégeables par le droit d auteur les photographies de tableaux «consistant à effectuer une reproduction fidèle des œuvres d art» dans le but de constituer un fonds de documentation. En effet, les choix revendiqués par le photographe, consistant essentiellement à rendre l ambiance naturelle et bleue du tableau photographié, ne constituent pas des éléments susceptibles d exprimer un travail personnel et original mais ont pour seul objectif de reproduire l œuvre avec le plus de fidélité possible, afin de la représenter telle que le public la perçoit. Par ailleurs, l angle de prise de vue et les choix techniques destinés à obtenir une reproduction adaptée de la couleur bleue dominante ne traduisent pas de vision personnelle du photographe et le cadrage ne saurait à lui seul produire un effet d ensemble original (cour d appel de Paris, 24 juin 2005). À suivre! Prouver la date de création Le mécanisme de la protection par le droit d auteur peut laisser perplexe. En effet, on lit à l article L. 111-1 du CPI que l auteur d une œuvre de l esprit jouit sur cette œuvre, «du seul fait de sa création», d un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous. La création, même inachevée, d une œuvre de l esprit constitue donc le point de départ de la protection. La législation sur le dépôt légal qui rend obligatoire le dépôt à la BNF (Bibliothèque nationale de France) notamment de tous les imprimés, photographies, À NOTER Le photographe qui réalise des clichés d une incontestable qualité technique mais qui sont le résultat de son seul savoir-faire technique ne fait pas œuvre de création et les clichés ne peuvent donner prise au droit d auteur. CONCLUSION Toutes les images ne sont pas originales! L utilisation d images non originales n est soumise à aucune autorisation et ne donne pas lieu au paiement de droits d auteur. IMPORTANT La loi n exige aucune démarche, aucune formalité, aucune mention, aucun dépôt ou enregistrement quelconque pour protéger une œuvre.

en pratique Prouver l antériorité de l œuvre Il est possible de prouver l antériorité d une œuvre : par dépôt chez un notaire ou un huissier ; par dépôt auprès d une société d auteurs ou d artistes ADAGP (Société de gestion collective des droits d auteur dans les arts graphiques et plastiques : arts visuels tels que peinture, sculpture, photographie ), SAIF (Société des auteurs de l image fixe), SCAM-SGDL (Société civile des auteurs multimédia Société des gens de lettres), SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) ; par dépôt à l INPI (Institut national de la propriété industrielle) sous enveloppe Soleau : enveloppe en deux parties dont l une est retournée au déposant après perforation et enregistrement mais dont le contenu est limité ; par l envoi à soi-même de la création sous pli recommandé avec accusé de réception, le cachet de la poste faisant foi ; bien entendu, l enveloppe ne doit pas être ouverte tant qu il n y a pas de contentieux. Toutefois, ce dernier procédé ne présente pas une grande fiabilité. documents multimédias et désormais les services de communication en ligne (Internet), n est en rien liée à la propriété littéraire et artistique et n a aucune incidence sur la protection des œuvres. ATTENTION Un dépôt ne protège pas nécessairement. La simple reprise d une idée, à l exclusion de toute reproduction d éléments de forme de l œuvre déposée, est licite. Néanmoins, il n est pas inutile pour un créateur de prendre quelques précautions destinées à faire valoir ses droits en cas de contestation. Le principal intérêt de ces démarches, qui encore une fois ne sont absolument pas imposées par la loi, est de donner une date certaine à la création et le cas échéant d en prouver l antériorité. C est la forme sous laquelle l œuvre est déposée qui est protégeable et non l idée. 10 CHAPITRE 1 CRÉER ET PROTÉGER DES IMAGES