1 REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO Primature ADRESSE DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE AU FORUM ALLEMAGNE-AFRIQUE DU 11 SEPTEMBRE 2014 L AFRIQUE LE CONTINENT DES OPPORTUNITES Kinshasa, le 11 septembre 2014
2 I. INTRODUCTION Mr. Le Ministre fédéral de la coopération économique et du développement, Distingués invités, Mesdames, Messieurs, J aimerais commencer par remercier les organisateurs de ce forum pour m avoir invité à participer à cette importante rencontre pour un dialogue sur la vision allemande pour le développement de l Afrique. Le développement socio-économique de l Afrique est aujourd hui, pour les Africains, un défi majeur à relever, parce qu il constitue le levier idéal pour hisser les pays Africains dans le club des pays émergents. Depuis juillet 2001, le lancement du NEPAD, avec notamment les projets d infrastructures des corridors ainsi que le Programme Détaillé de Développement de l'agriculture Africaine, me semble un pas positif vers une vision commune du développement de l Afrique. Force est de reconnaitre que le continent Africain a besoin des partenaires comme l Allemagne pour l accompagner sur le chemin de développement intégral. En effet, les ressources naturelles de l Afrique et le dynamisme de sa population combinés au savoirfaire allemand est susceptible de produire des miracles sous forme de développement durable. Toutefois, pour être mutuellement bénéfique, ce partenariat doit se fonder sur la responsabilité et le respect mutuels. II. L AFRIQUE : CONTINENT D AVENIR ET D OPPORTUNITES Alors qu elle était à la traîne de l économie mondiale, l Afrique connait une croissance soutenue depuis le milieu des années 1990. Les perspectives économiques en faveur du continent demeurent stables grâce à un taux de croissance moyen qui s'est maintenu autour de 4 % et qui devrait dépasser les 6% dans les années à venir. Depuis quelques années, sept des dix économies mondiales avec une forte croissance se trouvent en Afrique Subsaharienne. Stimulée par des réformes institutionnelles opérées dans la plupart des pays, la croissance en Afrique est portée principalement par les secteurs de télécommunications et de ressources naturelles (mines, hydrocarbures), etc. Et on trouve dans quasiment tous les pays un regain de confiance de la part des investisseurs. Cependant, en dépit des réalisations remarquables en termes de croissance économique, le continent africain a encore beaucoup de défis à relever. Les déficits en infrastructures sont énormes et impactent négativement l essor d une industrie manufacturière créatrice d emplois et de richesse. La disparité des revenus entre riches et pauvres minent encore le développement du continent africain. Mais bien plus, l Afrique est dominée par des
3 guerres à répétition et des instabilités politiques qui empêchent les pays de se servir de la paix et de la sécurité pour construire un continent prospère. Le chômage, et particulièrement celui des jeunes, est l une des manifestations d une répartition inégalitaire et inéquitable des richesses. Ces différents goulets d étranglement impactent négativement la participation du continent dans les échanges commerciaux au niveau mondial. En effet, l Afrique importe plus qu elle n exporte et lorsqu elle exporte, ce sont des produits bruts à très faible valeur ajoutée. L Afrique n a participé qu à environ 3,5% aux échanges mondiaux en 2012 (contre 3,0% en 2005) alors que la part de l Asie est passée pour la même période, de 27,2% à 31,5%. Concernant particulièrement l Allemagne, ses échanges commerciaux avec l'afrique ont également sensiblement baissé durant ces 15 dernières années. Alors que les exportations africaines vers l Allemagne représentaient 3,5% en 1960, de nos jours, l'afrique pèse à peine 2 % (20 milliards d'euros sur 1 100 milliards en 2012). L Afrique du Sud, premier client de l'allemagne sur le continent, est le vingt-huitième partenaire commercial allemand. De même, les exportations allemandes vers l Afrique régressent en faveur des pays asiatiques (Chine [y compris Taiwan, Hong Kong], Malaisie, Corée du Sud, Singapour, Inde et Japon). Le sommet de ce jour est donc une opportunité pour définir des stratégies visant à augmenter le volume d échanges entre l'afrique et l Allemagne. En effet, au regard des flux nets de l aide bilatérale, l'allemagne reste malgré tout, parmi les premiers partenaires de l'afrique. Ses interventions dans plusieurs domaines la place parmi les plus importants bailleurs de fonds du continent africain. Le peuple africain apprécie à sa juste valeur la technologie allemande qui, du reste, est l'une des plus avancées au monde. Et, c est notamment au moyen de la haute technologie que l'allemagne peut soutenir la croissance de l'afrique. III. LA RDC : LOCOMOTIVE OU ACTEUR-CLÉ POUR LA RELANCE DÉFINITIVE DE L AFRIQUE? A l instar d autres pays, la République Démocratique du Congo, contribue effectivement au processus de relance des activités économiques en Afrique. En 2002, sous le leadership du Président de la République, Chef de l'etat, Son Excellence Joseph KABILA KABANGE, la RDC a renoué avec la croissance. Cela fait 4 ans que cette croissance se maintient autour d une moyenne de 7%. A fin 2013, il était de 8,5% ; soit le taux de croissance le plus élevé en RDC depuis 1970, et selon les projections du FMI, elle se situera à 8,8% en 2014. L'économie congolaise est donc aujourd hui caractérisée par un cadre macroéconomique stable, une inflation totalement maîtrisée et faible, et une stabilité totale du franc congolais par rapport aux devises étrangères. En effet, le taux d inflation se situait à près de 10.000% en 1993-1994 contre 1% en 2013. Un record dans l'histoire de l'économie congolaise. Le taux de change moyen est demeuré
4 stable autour de 920 Francs Congolais le dollar américain durant les quatre dernières années. La volonté et la détermination du Gouvernement, sous l impulsion du Président de la République, sont sans équivoque pour engager les réformes institutionnelles fondamentales en vue de l amélioration de la gouvernance et de l environnement des affaires. Il est indispensable d éliminer les situations de rentes indues pour permettre au pays de poser les bases de l émergence économique. Parmi les réformes initiées dans le secteur des finances publiques, il y a notamment l entrée en vigueur en 2012 de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) en lieu et place de l Impôt sur le Chiffre d Affaires (ICA). Cette mutation a permis d augmenter, de l année à l autre de 46,7% les recettes publiques en termes réels et d améliorer l efficacité dans la mobilisation des recettes. La mise en œuvre des réformes des finances publiques s est aussi caractérisée par «la bancarisation de la paie des agents et fonctionnaires de l Etat» dont l objectif principal est la maîtrise des effectifs et de la masse salariale. Elle concerne tous les fonctionnaires qui émargent au budget de l'etat, y compris les militaires et les policiers. A ce jour, près de 70% des fonctionnaires sont payés par banque. Cette opération historique a permis au Gouvernement non seulement de canaliser l'entièreté des salaires vers les bénéficiaires, mais aussi de démanteler le réseau de fonctionnaires fictifs très élaboré. Plusieurs millions de dollars qui se volatilisaient chaque mois du Trésor ont été récupérés. D autre part, cette stratégie permet aussi de soutenir le processus de pénétration bancaire dans l ensemble du pays. L économie congolaise a fait preuve de résilience avec une augmentation significative de la production minière. Tous les principaux produits miniers ont connu une forte progression ces dix dernières années (cuivre, cobalt, or, diamant, zinc, cassitérite, coltan, wolframite, etc.). La production de cuivre s est située à 914.631 tonnes en 2013, contre 16.359 tonnes en 2003. Au niveau mondial, la production de cuivre a augmenté de 8% en 2013. La RDC est redevenue, en dépassant la Zambie, le plus grand producteur de cuivre en Afrique et le 6 ème producteur mondial derrière le Chili (5,8 millions de tonnes), la Chine, le Pérou, les Etats-Unis et l'australie. Des réformes courageuses et risquées sont mises en œuvre pour garantir la transparence et la redevabilité dans la gestion des ressources naturelles. C est grâce à ces efforts que la RDC a pu être déclarée «pays conforme» le 2 juillet 2014 à Mexico par le Conseil d administration de l Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE).
5 Grâce aux retombées de la stabilité macroéconomique, notamment les excédents budgétaires, la consolidation des réserves de change, la stabilité des prix, le Gouvernement finance aujourd hui l éducation, la santé ainsi que les infrastructures (routières, aéroportuaires, fluviales, bâtiments du Gouvernement). Les acteurs publics bâtissent donc pour l avenir et non plus pour leurs propres intérêts. S'agissant de l'éducation, les dépenses y consacrées sont passées de 6% du budget national en 2007 à 16,04 % en 2014. Depuis l année 2013, le Gouvernement finance un programme annuel de CDF 125 milliards (l équivalent de 128,6 millions de dollars américains) pour la construction ou la réhabilitation de 1 000 écoles primaires sur toute l étendue de la République. Ce projet s inscrit dans un vaste programme de réhabilitation et de construction des infrastructures scolaires. Parmi les effets positifs induits de notre politique en matière de scolarisation et d alphabétisation, il y a notamment (i) la gratuité progressive de l enseignement primaire ; (ii) la scolarisation de la jeune fille à travers des programmes spécifiques ; ainsi que (iii) le taux brut de scolarisation qui a progressé de 83,7 % en 2007 à 101 % en 2012 en école primaire, pour des effectifs qui sont passés de 8,8 millions d élèves à 12,6 millions sur la même période. S'agissant de la santé, il faut souligner le rééquipement de plusieurs centres hospitaliers dans 277 zones de santé. Sur fonds propres, le gouvernement a mis 80 milliards de francs congolais (soit 86,9 millions de USD), pour réhabiliter, équiper et doter en médicaments dans une première phase, 200 hôpitaux de référence et 1000 Centres de santé qui se trouvaient pour la plupart dans un état de délabrement avancé. L accès au soin de santé connaît une amélioration dans le pays. En vue de répondre de manière durable aux problèmes de pauvreté et de malnutrition, le gouvernement a lancé un vaste programme de développement des parcs agro-industriels. Il s agit des zones économiques spéciales consacrées à la production, transformation et distribution des produits agro-industriels. IV. QUEL APPORT POUR UNE COOPÉRATION GAGNANT- GAGNANT ENTRE L ALLEMAGNE ET L AFRIQUE? Les pays africains sont reconnaissants de l appui que l Allemagne apporte aux populations à travers divers programmes. Nous citons d abord la Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ), l'agence de coopération technique allemande pour le développement, dont les projets sont exécutés dans plusieurs pays africains, notamment dans la préservation de l environnement, et la KFW qui est active dans le secteur de l Approvisionnement en Eau Potable et Assainissement (AEP&A). Nous citons également les multiples interventions de la fondation Konrad Adenauer en Afrique. C est ici l occasion pour moi d insister sur les besoins réels, à mon avis, de l Afrique toute entière. L Afrique a besoin de la paix pour se développer comme l Europe en a eu besoin pendant les trente glorieuses vers les années 1945 et 1975.
6 Grâce à une période d accalmie et d entente mutuelle, elle a construit sa richesse d aujourd hui. Je suis donc content de constater que l Allemagne s inscrit dans cette lignée car, la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, une bonne gouvernance, un développement économique qui soit écologiquement et socialement durable ainsi que des structures de coopération économiques et politiques équitables constituent des objectifs centraux de la politique allemande en Afrique. En ce qui concerne la question de la prévention des conflits, mon point de vue est qu à côté de l idée importante d éviter qu après la crise soit avant la crise, il me semble que nous devrions beaucoup réfléchir à comment mettre en place des mécanismes pour prévenir la survenance des conflits plutôt que de les gérer. La RDC a une amère expérience des guerres qui, suite à près de 20 ans d insécurité, a consacré en moyenne 2% de son PIB annuel pour lutter contre les agressions et les rebellions. Ces dépenses militaires ont été un effet d éviction considérable sur les investissements productifs et dans les secteurs sociaux. La question est, pour moi, comment persuader les dirigeants des pays belliqueux de ne pas générer la guerre mais la prospérité? En ce qui concerne la proposition de la formation des jeunes africains, comme j ai déjà eu l occasion de le souligner, c est le meilleur moyen d accompagner l Afrique vers son émergence. Mais c est une condition nécessaire mais pas suffisante, à notre avis, parce que des jeunes mieux formés dans une économie peu industrialisée risquent de constituer une bombe à retardement pour des «printemps arabes généralisés». Il nous faut donc créer de la valeur ajoutée, en construisant des industries dans les domaines clé comme l agriculture, secteur à forte intensité de main d œuvre pour espérer absorber une masse importante de la population active. Transformons nos minerais sur place, en Afrique, avec la collaboration d un pays à forte technologie comme l Allemagne et nous éviterons le pire! Cette stratégie a le triple avantage de permettre une accélération du processus de démocratisation notamment grâce à une population plus alphabète, d augmenter la qualité de la santé de la population avec des moyens financiers plus importants et d assurer une meilleure alimentation par une production agricole non plus de subsistance mais désormais de précision, plus abondante et de qualité tel le concept de parc agroindustriel que la RDC expérimente actuellement. Il est indéniable que l Afrique devra multiplier les efforts pour la transformation structurelle de son système économique en vue d une prospérité partagée. L acquisition des nouvelles technologies ainsi que l expansion de leur application pour la création des nouveaux produits à haute valeur ajoutée constituent le chemin par excellence pour garantir une croissance économique soutenue et partagée en vue de la réduction de la pauvreté dont souffre la majorité des ménages africains.
7 Pour construire un ensemble plus grand que la somme des parties, je partage l idée d explorer la proposition allemande de construire l union africaine de demain à partir des pôles sous-régionaux de croissance devant servir de locomotive afin de booster le développement de l Afrique. Ce modèle a porté des fruits sous d autres continents. L Afrique du Nord, de l Ouest, Centrale, de l Est et Australe peuvent-elles se choisir des locomotives naturelles pour assurer cette convergence des économies africaines? Il me semble que cette question vaut son pesant d or. L Allemagne devra renforcer ses liens de coopération avec l Afrique dans les domaines des sciences et des technologies, de l éducation sous toutes ses composantes, des petites et moyennes entreprises, de la gestion durable de l environnement, de la démocratie, de l'agriculture, de la bonne gouvernance, de la paix et de la sécurité. L Allemagne peut donc assister les pays africains dans le processus d acquisition des nouvelles technologies qui passe nécessairement par un investissement massif dans la création et la diffusion des connaissances dans tous les domaines. Compte tenu des externalités qui accompagnent ce processus, l Allemagne peut soutenir les institutions engagées dans le processus de découverte des nouvelles technologies et innovations afin de soutenir le développement d un entreprenariat véritablement africain. Usant de son leadership européen et mondial, l Allemagne est en mesure d accompagner le continent africain dans son effort d émergence. En effet, une coopération axée sur le progrès technologique, le développement humain, la bonne gouvernance et la paix, permettra à l Afrique d accroitre sensiblement sa productivité et offrir sur le marché international des produits et services à valeur ajoutée élevée. Une telle transformation structurelle des économies africaines aura pour effet immédiat l augmentation du revenu des ménages qui constituera à son tour un marché porteur pour l économie allemande. Ainsi, l aide de l Allemagne aujourd hui créera les conditions d une croissance soutenue pour l économie allemande demain. Le dynamisme que font montrent les économies africaines aujourd hui peut constituer un marché important pour les entreprises allemandes. Un tel alignement est capable de donner à l Allemagne une source solide de croissance dans un environnement mondial caractérisé par un ralentissement des activités de production. V. EN CONCLUSION En dépit de la conjoncture internationale peu favorable, les économies africaines parviennent à réaliser des performances macroéconomiques remarquables. En conséquence, l Afrique est devenue une destination de prédilection pour les investisseurs, notamment pour les entreprises allemandes. Elle est en effet devenue le continent des nouvelles opportunités. Elle demeurera attractive et prospère. Il y a donc plus d'une raison pour penser à un avenir radieux en terre africaine.
8 Dans cette perspective, la RDC peut apporter beaucoup pour le développement de l Afrique. Et conscient de ce devoir, nous nous engageons à œuvrer dans ce sens et bien sûr, sollicitons l accompagnement de l Allemagne pour la renaissance d une Afrique nouvelle, plus juste, plus équitable et plus écologique. Que vive l Afrique! Que vive la République Fédérale d Allemagne! Que vive le partenariat Allemagne-Afrique! Je vous remercie