Loi sur la protection juridique



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Transcription:

Paris, le 1 er Mars 2007 A Mesdames et Messieurs les Bâtonniers Loi sur la protection juridique Madame, Monsieur le Bâtonnier, La loi n 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique a été publiée au Journal Officiel le 21 février 2007. Nous vous avions informés de son adoption par l'assemblée Nationale le 8 février dernier vous précisant que nous reviendrions vers vous afin de commenter ce texte que la profession a soutenu. Les avocats dénonçaient en effet depuis des années les dérives de la pratique de l'assurance de protection juridique (exclusion des avocats du précontentieux, barèmes imposés aux avocats de réseaux des compagnies notoirement insuffisants, remise en cause de fait du libre choix de l'avocat.) Le Président de la République lui-même, lors de la célébration du Centenaire de la Conférence des Bâtonniers, le 4 juillet 2003 à la Sorbonne, avait souligné les effets pervers de l'implication de l'assureur dans le choix de l'avocat souhaitant "que le développement de l'assurance de protection juridique ne débouche pas sur un salariat". La profession a toujours soutenu que l'assurance de protection juridique était un formidable instrument d'accès au droit de nos concitoyens et en particulier des classes moyennes. Cependant, son développement, encouragé par les Gardes des Sceaux successifs, ne pouvait se faire une nouvelle fois aux dépens de notre profession. Malgré la recherche d'un équilibre entre les intérêts des uns et des autres, au besoin au moyen d'une charte, les pourparlers avec les assureurs, pourtant menés depuis des années, n'aboutissaient pas, de sorte que seul le législateur était en mesure de rétablir cet équilibre.

A la suite du mouvement sur l'aide juridictionnelle et l'accès au droit, le gouvernement, à la demande de la profession, a enfin permis l'adoption de ce texte que certains estimeront modeste ou contournable, mais qui pose pour la première fois depuis bien longtemps l'idée du rôle déterminant des avocats dans ce secteur. Il replace, en outre, l'assuré au cœur des préoccupations du législateur. Voyons à présent les principales dispositions. 1 / La définition du sinistre : Le nouvel article L127-2-1 définit le sinistre en Assurance de Protection Juridique comme "le refus qui est opposé à une réclamation dont l'assuré est l'auteur ou le destinataire" Cette définition a pour but d'éviter, pour l'assureur, de dénier trop facilement sa garantie ou de retarder l'intervention des acteurs de l'accès au droit, car l'assureur estimait que le litige soit n'était pas né, soit était né avant souscription du contrat. L'assuré doit pouvoir pourtant très rapidement recevoir réponse de l'assureur quant à la prise en charge du sinistre. Il s'agit là d'une disposition protectrice du consommateur, destinée à lui éviter d'avoir à plaider ou en tout cas le moins souvent possible contre l'assureur lui-même sur la notion même de sinistre. 2 / Le sort des actes réalisés avant déclaration du sinistre : Cette disposition (article L127-2-2) règle le sort des actes faits avant la déclaration du sinistre. Trop souvent l'assureur opposait une déchéance de garantie à l'assuré, qui avait seul consulté un avocat, lequel était intervenu (consultation, actes de procédure). La commission des clauses abusives avait jugé que ces clauses étaient abusives (point A-3 de la recommandation n 02-03 du 21 février 2002). Malgré les engagements des assureurs, certains contrats comportaient encore ces déchéances, en sorte que là encore l'intervention du législateur est la bienvenue. Cependant l'alinéa 2 du même article prévoit, et cela est assez logique au regard de l'économie du contrat, que ces actes n'auront pas à être pris en charge par l'assureur sauf urgence (interruption d'une prescription, constat de faits sur l'instant ). 3 / La présence de l'avocat dans la phase précontentieuse : Par les pratiques des plateaux techniques, l'avocat s'est trouvé au fil du temps évincé du "précontentieux". L'assuré est pris en charge par le juriste de la compagnie qui va gérer pour lui, y compris vis-à-vis de l'adversaire potentiel, les suites du sinistre. Nous estimions à cet égard que le choix soit laissé à l'assuré, de sorte que, dès lors que celui-ci souhaitait confier la défense de ses intérêts dès ce stade à son avocat, il devait pouvoir le faire.

Nous nous heurtions, à ce titre, à une difficulté tenant au contenu même de la directive européenne de 1987 et à sa transposition dans le code des assurances par la loi de 1989.En effet, il est loisible à l'assureur de préciser dans le contrat que les honoraires de l'avocat ne sont pris en charge qu'en cas de procès. Dès lors, l'assuré en phase précontentieuse ne pouvait que s'en remettre aux juristes de la compagnie ou régler son avocat s'il souhaitait le voir intervenir dès ce stade. L'avancée du texte voté est d'interdire à la compagnie d'assister seule l'assuré lorsqu'il est informé que la partie adverse est elle-même assistée d'un avocat (nouvel article L127-2-3). L'idée qui a prévalu afin de réintroduire l'avocat dans cette phase précontentieuse (d'ailleurs illustrée par des cas douloureux pour des assurés) est que la partie adverse peut se servir, en phase contentieuse, des correspondances échangées en phase précontentieuse, ce qui est soit un frein à la recherche d'une transaction, soit un risque pour l'assuré de voir ces propositions constituer un aveu. Nous avons, avec succès, vanté les mérites du secret de nos correspondances (article 66-5 de la loi de 1971 régissant notre profession), mais aussi le principe de "l'égalité des armes", principe reconnu par la CEDH. Bien plus, nous avons aussi, dans ce débat, démontré que la profession n'était plus figée dans le contentieux, mais, au contraire, à même de conseiller la juste transaction, précisément parce que nous connaissons les enjeux et risques judiciaires. Enfin, l'assuré était en droit, dans cette situation, d'obtenir le conseil indépendant d'un professionnel du droit. A cet égard, je vous invite à lire le rapport du sénateur Detraigne, que vous pourrez consulter sur le site du Sénat, qui a parfaitement décrit cette problématique et les avantages de la présence de l'avocat aux côtés de l'assuré à ce stade (page 35). Désormais, dès lors que la partie adverse est elle-même assistée d'un avocat, l'assuré sera luimême assisté d'un confrère. Cela réintroduit l'avocat dans cette phase précontentieuse. 4 / La problématique des réseaux d'avocats : Selon le nouvel article L127-3, il est désormais interdit à l'assureur de proposer à l'assuré le nom d'un avocat sans demande écrite de sa part. Par ailleurs, le nouvel article L 127-5-1 prohibe les accords tarifaires entre assureur et avocats. Ce sont là, à n'en pas douter, les dispositions qui ont marqué le bras de fer entre la profession et les compagnies. A ce titre, certains confrères, membres de ces réseaux, n'ont pas manqué de critiquer les instances représentatives de la profession et sa volonté de restaurer par ce moyen le libre choix de l'avocat. Ce sont parfois les mêmes, d'ailleurs, qui se plaignaient également des contraintes tarifaires imposées par des apporteurs d'affaires au poids économique sans commune mesure avec le leur, mais aussi avec celui de la profession tout entière. De fait, en France, la dérive la plus notable était liée à ces pratiques. L'argument des assureurs selon lequel l'opacité et l'imprévisibilité de l'honoraire de l'avocat les avaient conduits à "barémiser" leurs correspondants, afin de permettre aux assurés

d'obtenir de ceux-ci des prestations de qualité moyennant des cotisations modestes, n'était nullement convaincant. Les assureurs ont, à cet égard, (y compris en achetant de pleines pages dans la presse afin d'y publier une lettre ouverte aux députés) tenté d'effrayer quant à un possible renchérissement des primes. Or, l'assurance de protection juridique est largement bénéficiaire. Par ailleurs, le secteur est extrêmement concurrentiel, que ce soit côté compagnies, comme côté avocats, en sorte que ce renchérissement est loin d'être avéré. Restaurer la liberté de choix en instaurant la liberté de l'honoraire, qui est déterminé entre l'avocat et son client, lequel est l'assuré et non l'assureur, semblait à l'évidence correspondre au vœu de la directive de 1989, qui avait déjà dans ses motifs perçu l'atteinte possible à l'indépendance de l'avocat. Cela est encore plus vrai aujourd'hui après les fusions et rapprochements de compagnies. Ce texte, loin d'être défavorable aux assurés, leur permet d'exercer leur libre choix d'un conseil indépendant. Ils pourront, en outre, grâce aux règles du cumul des garanties contenues dans le code des assurances, appeler, en cas de plafonds insuffisants, plusieurs de leurs compagnies protection juridique. En effet, et c'est là encore une originalité française, nos concitoyens sont multi assurés par la technique de l'inclusion du contrat de protection juridique dans un autre contrat, à la différence de ce qui se pratique par exemple en Allemagne, où, très probablement, l'existence d'un tarif rémunérant les avocats a amené les assureurs à privilégier le contrat principal de protection juridique, qui garantit l'ensemble des frais résultant de ce tarif pour des primes somme toute raisonnables. Même s'il a été souligné que ces textes étaient insuffisants et pouvaient être contournés, ils n'en constituent pas moins un premier stade permettant ensuite, par un suivi effectif de la mise en œuvre de ce texte, d'envisager plus sereinement qu'actuellement le développement de l'assurance de protection juridique en France. 5 / Le sort des sommes obtenues au titre des frais irrépétibles : Déjà la commission des clauses abusives avait estimé que les clauses des contrats qui prévoyaient la subrogation au bénéfice des compagnies concernant ces sommes créaient un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Certes, des engagements dits déontologiques des assureurs et notamment de la FFSA avaient convenu du droit, pour l'assuré, à obtenir le versement à son profit de ces sommes, dès lors qu'il avait lui-même exposé d'autres frais restés à sa charge.

Désormais, le contrat, par inversion du principe, devra prévoir que ces sommes reviennent en priorité à l'assuré "pour les dépenses restées à sa charge et, subsidiairement dans la limite des sommes qu'il a engagées " à l'assureur ((nouvel article L 127-8) Il s'agit là encore d'une disposition qui permettra au justiciable de couvrir la partie des honoraires de son avocat choisi qui dépasseraient le plafond de garantie. De telles dispositions constituaient un minimum exigé fermement par la Conférence des Bâtonniers dans la perspective d'un développement de la protection juridique, moyen de "solvabiliser" la clientèle, notamment celle de la classe moyenne. Et ce d'autant que le Sénat a enrichi les dispositions qui viennent d'être commentées et qui constituaient seules la proposition de loi initiale. 6 / La subsidiarité de l'aide juridictionnelle par rapport à l'assurance de protection juridique Il s'agit en fait de ne pas accorder l'aide juridictionnelle à un justiciable qui bien qu'éligible au regard de ses ressources ou de sa situation (AJ de plein droit) est couvert par un contrat de protection juridique ( ou tout autre système de protection - on peut penser par exemple au statut du fonctionnaire) permettant la prise en charge de ces frais (l' article 5 de la loi a modifié en ce sens l'article 2 de la loi sur l'aide juridictionnelle ). En tout premier lieu, ce mécanisme est fréquemment utilisé par les systèmes d'accès au droit de nos voisins européens (voir en ce sens l'excellent rapport de juillet 2004 établi par le Sénat dans la série "Législation comparée" sur l'aide juridique). C'est sans doute cette raison qui avait amené le législateur à introduire dans la loi sur l'aide juridique en son article 3-1 alinéa 3 ce principe concernant les litiges transfrontaliers (loi n 2005-750 du 4 juillet 2005 art 1 er ). La loi nouvelle généralise le système. Il n'est en effet aucunement choquant que le justiciable qui a fait l'effort de régler une prime puisse d'abord solliciter sa compagnie avant de solliciter la solidarité nationale, quand bien même il serait éligible à l'aide juridictionnelle. Ce principe étant posé, un décret va très rapidement en assurer la mise en œuvre effective, la profession sera à cet égard consultée. A ce titre et plus généralement, la profession se doit vis-à-vis de tous nos concitoyens de vérifier, lorsqu'ils nous confient une nouvelle affaire, s'ils ne sont pas assurés. En effet, trop souvent, nos concitoyens ignorent, du fait de la pratique de l'inclusion, qu'ils sont bénéficiaires d'une telle garantie.

Même si les seuils de rémunération de tel ou tel contrat peuvent apparaître notablement insuffisants, ils procurent en règle générale plus que l'aide juridictionnelle. Cela permettra en outre d'alléger le budget de l'etat. Il conviendra cependant de veiller à ce que l'économie ainsi réalisée (qu'il conviendra de quantifier) ne se traduise pas par un désengagement de l'etat, mais au contraire par un redéploiement au bénéfice des autres justiciables non assurés. Certes, on objectera avec raison que ces contrats ne couvrent jamais la matière pénale, sauf éventuellement les délits non intentionnels, et rarement la matière du droit de la famille, secteurs les plus concernés par l'aide juridictionnelle. Cependant, par ces économies et cette démarche volontariste du Barreau quant au souci des deniers de l'etat, nous montrerons notamment vis-à-vis de Bercy notre volonté de nous inscrire, non pas dans une démarche inflationniste des budgets, mais dans celle d'un accès au droit effectif et de qualité moyennant une juste rémunération des professionnels libéraux que nous sommes. 7 / L'article relatif aux étrangers en situation irrégulière : Ainsi que vous le savez, la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers a subi de nouvelles modifications qui nécessitaient une adaptation de la loi sur l'aide juridictionnelle relativement à ce point. Désormais, l'article 3 de la loi sur l'aj prévoit ces cas de figure : remplacement des anciennes procédures des articles 18 bis, 22 bis, 24, 35 bis et 35 quater de l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 par les nouvelles procédures prévues aux articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers. A ce titre, une note vous a été adressée et la Conférence reste vigilante quant au contenu du décret qui doit prévoir la modification de la grille de l'article 90 (nombre d'uv). 8 / Les recours contre les décisions des BAJ : L'ancien article 23 était insuffisant et peu clair. Cette loi a été utilisée pour unifier les recours contre les décisions des BAJ.Désormais ce sont les présidents de la cour d'appel ou de la cour de cassation pour l'ordre judiciaire, les présidents des cours administratives d'appel, de la section du contentieux du Conseil d'etat, pour les juridictions administratives qui statuent sans recours. Le président du TGI n'est plus organe de recours des décisions de son BAJ. Par ailleurs et surtout, alors que l'ancien texte ne prévoyait de recours que si le refus de l'aide était fondé sur le caractère irrecevable de l'action (renvoi à l'article 7) ou en cas de retrait, désormais le recours est plus largement ouvert puisqu'il peut être exercé par l'intéressé luimême "lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé, ne lui a été accordé que partiellement ou lorsque ce bénéfice lui a été retiré ".

9 / Le cas des personnes placées à l'isolement L'article 9 de la loi complète le mécanisme de l'article 64-3 prévoyant l'indemnisation de l'avocat intervenant par devant les commissions disciplinaires des détenus (prétoire) et aligne sur ce dernier cas l'indemnisation des avocats assistant une personne faisant l'objet d'une mesure d'isolement d'office ou de prolongation de cette mesure Cette loi correspondait à l'une des revendications de la profession à l'origine du mouvement sur l'aide juridictionnelle. Il convient de donner acte au pouvoir de ce qu'il a respecté son engagement à cet égard, mais de rester vigilant et mobilisé quant à son application. Une chose est certaine : seule la mobilisation de ces derniers mois a permis, par la démonstration de notre détermination sur cet aspect de l'accès au Droit, d'obtenir enfin cette avancée alors que ce dossier était enlisé depuis des années. Parallèlement et à la suite du compte rendu des Assises de l'aide Juridictionnelle et de l'accès au Droit que nous vous avons fait parvenir, la commission tripartite (CNB, Conférence, Barreau de Paris) se réunit prochainement en vue de préparer la réunion à la Chancellerie du 7 mars prochain, au cours de laquelle l'avant-projet de décret sera présenté. En effet, vous vous souvenez que le Directeur de Cabinet du Garde des Sceaux avait, en clôture des travaux de cette journée, annoncé des modifications possibles par décret dès avant la fin de la législature. Les discussions se poursuivent donc au moins sur : - le versement d'une avance sur dotation complémentaire dans le cadre des protocoles de défense de qualité - la mise en œuvre de la subsidiarité de l'aide juridictionnelle par rapport à l'assurance de protection juridique - la rétribution de l'avocat intervenant dans le cadre de la nouvelle procédure concernant les étrangers - les moyens d'information de l'avocat en cas de rejet - la rétribution des avocats des personnes placées à l'isolement - les mesures réglementaires relatives à la modification des voies de recours contre les décisions des BAJ.

Par ailleurs, le débat électoral actuel doit nous permettre d'obtenir de ceux qui aspirent à être en responsabilité des réponses sur le devenir de l'accès au Droit, puisque le constat fait le 30 janvier par tous les participants a bien été celui fait depuis longtemps par la profession : le système actuel est à bout de souffle et doit d'urgence être réformé. Nous vous tiendrons bien évidemment informés de toute nouvelle évolution. Veuillez croire, Madame, Monsieur le Bâtonnier, en notre sincère volonté de faire évoluer favorablement ce dossier, et en nos sentiments les plus dévoués. Frédéric COVIN Vice-Président de la Conférence des Bâtonniers Président de la Commission Patrick GERVAIS sur l Accès au Droit, l Aide Juridictionnelle et la Protection Juridique