Master Sciences, Technologies, Santé Mention Santé Publique



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Master Sciences, Technologies, Santé Mention Santé Publique Épidémiologie d'intervention À partir de l'édition Arnette 1992, épuisée François DABIS Jacques DRUCKER Alain MOREN Chapitre IV Réalisation d'une enquête épidémiologique 1. Choix et conception d'un protocole a. Les différents types d'enquête épidémiologique b. Comment choisir un groupe de référence c. Biais de sélection et d'information 2. Réalisation d'une enquête de terrain Sauf mention contraire le contenu de ce document est sous contrat creative commons accessible à : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/deed.fr La référence de ce document est à présenter comme suit : Dabis F, Drucker J, Moren A. Master Sciences, Technologies, Santé, Mention Santé Publique, 2009-2010 : Épidémiologie d'intervention : Réalisation d'une enquête épidémiologique. Bordeaux : Université Victor Segalen Bordeaux2, ISPED ; 2010.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 2 Chap IV.1.a Les différents types d'enquête épidémiologique Les études épidémiologiques cherchent souvent à mettre en évidence l'association entre l'exposition à un facteur de risque et la survenue d'une maladie ou d'une façon plus générale entre une cause et un effet. Dans ce type de travail, la contrainte majeure vient du fait que l'on doit montrer que l'exposition est survenue avant la maladie (figure 1). Exposition ============> Maladie Temps Figure 1 La relation de base en épidémiologie. Classification des enquêtes épidémiologiques On peut distinguer cinq types principaux d'enquête épidémiologique (figure 2). 1. Étude expérimentale : l'investigateur au temps A choisit lui-même l'affectation des sujets au groupe exposé au facteur ou au groupe non exposé. Afin d'éviter les biais, les groupes sont constitués le plus souvent par tirage au sort. On ne parle plus alors véritablement d'enquête. 2. Enquête prospective de cohorte : l'enquêteur au temps B choisit les groupes étudiés sur la base de leur statut exposé/non exposé au facteur de risque. Le caractère exposé ou non de tel ou tel individu n'est plus sous la dépendance de l'enquêteur qui est seulement responsable de la constitution des groupes et de leur suivi prospectif au cours du temps. 3. Enquête rétrospective de cohorte : l'enquêteur au temps C ou D (c'est-à-dire après la survenue de la maladie) choisit les groupes étudiés sur la base de leur statut exposé/non exposé au facteur de risque. 4. Enquête transversale : l'enquêteur au temps C ou D mesure simultanément la présence ou l'absence de la maladie et le caractère exposé ou non à ce même instant. 5. Enquête cas-témoins : l'enquêteur au temps C ou D choisit les groupes étudiés sur la base de leur statut malade/non malade. Figure 2 Les cinq types d'enquête épidémiologique (d'après Monson RR)

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 3 Approche expérimentale L'affectation des sujets de l'étude au facteur d'exposition est sous le contrôle de l'investigateur. Cette approche permet de tirer au sort (randomiser) les sujets en deux groupes exposés et non exposés au temps t1 et de les suivre pour comparer le taux d'apparition de la maladie dans les deux groupes, au bout de l'intervalle de temps t1-t2. Le tirage au sort a pour but de garantir la comparabilité des groupes puisque chaque individu a une probabilité identique d'être affecté au groupe exposé ou au groupe non exposé. Cette technique évite de nombreux biais. C'est la raison pour laquelle ce type d'étude est souvent considéré comme la méthode de référence. Les essais cliniques correspondent à ce modèle. Les inconvénients et contraintes sont cependant nombreux : coût élevé, durée de l'étude souvent longue, difficultés pour étudier une maladie rare et surtout problèmes éthiques si l'exposition au facteur de risque est potentiellement dangereuse. Dans la pratique, la plupart des études épidémiologiques n'appartiennent pas à cette catégorie mais à celle des enquêtes d'observation. Enquêtes d'observation L'investigateur ne contrôle pas l'affectation des sujets au facteur d'exposition. Il observe simplement la relation entre l'exposition à un facteur et la survenue de la maladie. De ce fait, les enquêtes d'observation sont sujettes à de nombreux biais, mais une grande proportion de ceux-ci peuvent être évités ou contrôlés si les enquêtes sont bien conçues, bien conduites et correctement analysées. Dans les enquêtes de cohorte, qu'elles soient prospectives ou rétrospectives, les sujets sont sélectionnés selon leur statut exposé ou non exposé et sont observés au cours du temps afin de comparer le taux d'apparition de la maladie dans les deux groupes. A la différence des études expérimentales, les groupes sont constitués après le début de l'exposition et non avant. L'investigateur n'a donc aucun contrôle sur l'exposition. Il ne décide pas si un individu est exposé ou non. Dans les enquêtes cas-témoins, les sujets sont sélectionnés selon leur statut malade ou non malade et on compare la fréquence d'exposition au facteur dans les deux groupes. Par exemple, afin d'étudier la relation entre la cirrhose du foie et la consommation d'alcool, on entreprend d'abord une étude cas-témoins. On sélectionne des sujets sur la base de leur statut malade/non malade en incluant tous les malades ayant un diagnostic de cirrhose du foie dans l'ensemble des hôpitaux d'une région. Les sujets témoins sont choisis parmi les patients admis dans les mêmes hôpitaux pour d'autres maladies. Les enquêteurs déterminent alors les antécédents de consommation d'alcool chez les cas et chez les témoins. On obtient ainsi les quatre groupes suivants (tableau I) : Tableau I Étude cas-témoins de la relation entre consommation d'alcool et cirrhose du foie Forts consommateurs d'alcool * Faibles consommateurs d'alcool Cas Cirrhose du foie a c Témoins Pas de cirrhose du foie b d * Une forte consommation d'alcool est définie par exemple comme la consommation quotidienne d'au moins un litre de vin ou son équivalent pendant au moins cinq ans.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 4 En imaginant qu'une telle étude montre une forte association entre la consommation d'alcool et la survenue d'une cirrhose du foie, on va chercher à confirmer cette association à l'aide d'une enquête de cohorte : on enrôle tous les adhérents à un certain régime d'assurancemaladie de la même région et on les suit pendant plusieurs années pour déterminer combien auront développé une cirrhose. Au moment où les participants sont sélectionnés, les enquêteurs mesurent l'exposition au facteur de risque par le nombre de verres (de litres, etc.) et le type d'alcool consommés quotidiennement. Cette information est obtenue à l'aide d'un questionnaire adressé à tous les adhérents. Ultérieurement, l'enquête portera sur la survenue des cas de cirrhose dans la cohorte. Cette enquête est de type cohorte prospective. Au terme de cette enquête, les résultats seront présentés de la façon suivante (tableau II) : Tableau II Etude de cohorte de la relation entre consommation d'alcool et cirrhose du foie Forts consommateurs d'alcool Faibles consommateurs d'alcool Cirrhose du foie a c Pas de cirrhose du foie b d Les enquêtes cas-témoins et leur utilisation C'est la méthode épidémiologique la plus couramment utilisée, notamment dans le domaine des maladies infectieuses et de l'épidémiologie d'intervention. Ces enquêtes sont rétrospectives car l'investigateur remonte dans le temps, de la maladie vers l'exposition. L'exposition au facteur de risque et la survenue de la maladie sont des événements antérieurs au début de l'enquête. Dans ce type d'enquête, on peut recruter deux catégories de cas : des cas incidents (nouveaux cas) au fur et à mesure qu'ils apparaissent ou des cas prévalents (tous les cas), présents à un moment ou pendant une période donnés. Les témoins sont des individus qui n'ont pas la maladie étudiée. Il peut s'agir de sujets sains ou de sujets atteints d'une autre maladie que celle ayant servi à constituer la série des cas. Le problème majeur de ce type d'étude est la comparabilité des cas et des témoins. On distingue deux types d'enquêtes cas-témoins : Les enquêtes à visée exploratoire Elles ont pour but de tester plusieurs hypothèses concernant la cause possible d'une maladie. Cette démarche peut être indiquée : quand l'histoire naturelle de la maladie n'est pas suffisamment bien connue pour justifier que l'on teste d'emblée une hypothèse spécifique ; quand on veut pouvoir tester diverses hypothèses pour voir si l'une d'entre elles se dégage. Les enquêtes à visée analytique Elles cherchent à affiner une hypothèse unique concernant la relation entre l'exposition au facteur et la survenue de la maladie. Elles permettent de préciser les résultats obtenus au cours de l'enquête à visée exploratoire. Par exemple, lorsqu'on enquête sur une épidémie, on a le plus souvent une démarche initiale de type exploratoire que l'on complète par une ou plusieurs enquêtes à visée analytique. Les enquêtes de cohorte et leur utilisation Dans une enquête de cohorte, on sélectionne les sujets sur la base de leur exposition au facteur étudié et on les suit pour voir s'ils développent la maladie.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 5 Enquêtes prospectives C'est l'approche de cohorte la plus fréquente et la plus intuitive. On sélectionne les groupes exposés et non exposés en début d'enquête et on les suit de façon prospective au cours du temps. Dans l'enquête de cohorte sur la consommation d'alcool et la cirrhose du foie, on mesure l'exposition à l'alcool au moment de l'inclusion dans l'étude, puis on constitue deux groupes (forts consommateurs et faibles consommateurs d'alcool) et on les suit pendant plusieurs années pour mesurer la fréquence de survenue des cirrhoses du foie dans chacun des groupes. Enquêtes rétrospectives Dans cette approche, l'exposition au facteur et la survenue de la maladie sont antérieures au début de l'enquête. Les catégories "exposé" et "non exposé" sont déterminées a posteriori et on observe la maladie en se basant sur les données existantes. Ce type d'étude a été beaucoup utilisé dans les enquêtes sur les risques professionnels grâce aux données conservées par certaines industries sur l'histoire professionnelle et médicale de leurs employés. Les enquêtes prospectives de cohorte permettent d'obtenir des informations plus fiables que les enquêtes rétrospectives. Cependant, ces dernières restent très utiles voire les seules utilisables dans certaines conditions. Ainsi, dans l'exercice Oswego (chapitre II,2), l'exposition au facteur avait déjà eu lieu et la maladie s'était déjà produite au moment où l'enquête débuta. Les enquêteurs ont déterminé quels mets avaient été consommés. Puis, ils ont classé les participants au buffet selon qu'ils avaient (exposés) ou pas (non exposés) consommé chaque aliment. Ils ont précisé la fréquence de la maladie (gastro-entérite) dans les deux groupes. Ceci représente une étude de cohorte rétrospective distincte pour chaque met considéré. Cette approche était possible parce que l'information sur une grande partie de la cohorte des participants au buffet était disponible. Noter que, dans cet exemple, on a également pu réaliser une enquête cas-témoins en comparant le groupe des cas à celui des sujets indemnes quant à la fréquence d'exposition à chacun des aliments. Il est important de constater que dans une population bien circonscrite de taille modérée tels qu'une école, une usine, un club, un service hospitalier, etc., on peut souvent alternativement utiliser l'une ou l'autre approche. Pour des raisons d'analyse statistique (chapitre V,2,a), l'approche de cohorte rétrospective, si elle peut être choisie, s'avère plus intéressante que l'approche cas-témoins. Enquêtes transversales Un cas particulier d'enquête de cohorte est celui où l'exposition au facteur de risque et la maladie sont mesurées en même temps. Dans ce cas, la séquence "Exposition au facteur de risque ====> Maladie" ne peut pas être appréciée. Exemple : Dans une étude conduite en Suisse dans les années 1960 (Duback UC. Am J Epidemiol 1971, 93 : 425-34), on a mesuré la prévalence de la prise de phénacétine chez 7 311 femmes consultantes de plusieurs cliniques, en même temps qu'un dépistage de la protéinurie leur était proposé. Six cent vingt trois femmes utilisaient de la phénacétine au moment du dépistage. Parmi les non utilisatrices, un échantillon de 621 femmes a été sélectionné pour comparer la fréquence de la protéinurie. Les résultats ont été les suivants (tableau III) :

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 6 Tableau III Étude de la relation entre la prise de phénacétine et la protéinurie Utilisatrices de phénacétine Présente Protéinurie Absente Total Prévalence Oui Non 39 584 19 602 623 6,3% 621 3,1% Ce tableau montre une association entre la présence d'une protéinurie et l'utilisation de phénacétine, mais ne permet pas de conclure quelle est la cause et quel est l'effet. La prise de phénacétine a pu provoquer une affection rénale traduite par une protéinurie ou bien l'existence d'une maladie rénale a pu conduire les femmes à utiliser la phénacétine. Dans la pratique Il est important de démystifier deux préjugés en matière d'enquête de cohorte : - Une enquête de cohorte est beaucoup plus longue et plus coûteuse qu'une enquête cas-témoins. Ceci n'est pas toujours vrai. En effet, les enquêtes rétrospectives de cohorte peuvent être assez facilement menées. Elles apportent souvent plus d'informations que l'enquête cas-témoins qu'on aurait pu réaliser dans la même population. - "Une enquête de cohorte ne permet d'étudier qu'un seul facteur de risque à la fois". En fait, dans ce type d'enquête il est possible d'étudier l'exposition à plusieurs facteurs de risque si la cohorte est issue de la population générale et si on peut définir simultanément plusieurs groupes d'exposition à des facteurs de risque différents. Par exemple, le modèle classique de ce type de cohorte est la Framingham Heart Study initiée en 1950 à Framingham, petite ville du Massachussetts (États-Unis), qui a inclus dans une étude prospective l'ensemble de la population de la ville (5 200 habitants). Cette cohorte est suivie depuis 40 ans et a permis d'étudier la relation entre les maladies cardio-vasculaires et plusieurs facteurs de risque, en particulier : le tabagisme, l'hypercholestérolémie, l'obésité et la consommation d'alcool. Il est également possible, avec cette cohorte, d'étudier d'autres pathologies que les maladies cardiovasculaires. L'enquête cas-témoins précède le plus souvent l'enquête de cohorte pour étudier un thème donné. Les deux types d'enquête ont des avantages et des inconvénients qui sont résumés dans le tableau IV. Il faut savoir les mettre en balance avant de choisir un type de protocole, car les méthodes d'analyse sont assez différentes. Reprenons l'exemple de la cirrhose du foie et la consommation d'alcool. Enquête cas-témoins Avantages maladie rare : même parmi les forts consommateurs d'alcool, le taux d'incidence de la cirrhose du foie est assez faible ; coût : on peut interroger les cas et les témoins en même temps dans l'hôpital ; taille de l'échantillon : limitée (chapitre IV,1,b) ; sources de données : faciles d'accès (dossiers hospitaliers, interrogatoire des patients) ; pas de problème éthique : les cas ont déjà la cirrhose au moment de l'enquête.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 7 Inconvénients problème de mémoire : les sujets peuvent ne pas se rappeler correctement leurs habitudes de consommation d'alcool dans le passé. De plus, ils peuvent se rappeler de façon différente leur consommation selon qu'ils ont ou non une cirrhose ; problème de validation : l'enquêteur n'a a priori aucun moyen de valider l'histoire racontée par le sujet. Enquête de cohorte Avantages l'enquête permet de calculer le taux d'incidence de la cirrhose dans les groupes de forts et de faibles consommateurs d'alcool, et donc d'apprécier réellement le risque associé à ce comportement ; la séquence exposition-maladie sera clairement décrite à la fin de l'étude, à condition que celle-ci dure assez longtemps (au moins autant que le temps de latence présumée de la cirrhose) ; l'enquête permet de s'intéresser en même temps à d'autres maladies pour lesquelles l'alcool pourrait être un facteur de risque (ulcère gastro-duodénal, polynévrite, accident domestique, professionnel ou de la voie publique) ; ce type d'enquête permet d'apprécier une relation de type dose-effet. Inconvénients taille de l'échantillon : on doit suivre probablement plusieurs dizaines de milliers d'individus, pour observer un nombre suffisant de malades, compte tenu de la relative rareté de cette affection ; latence très longue : les sujets inclus doivent être suivis plusieurs années, ce qui est très coûteux, avec le risque de perdre de vue un certain nombre d'entre eux avant que l'enquête ne soit terminée ; modification des habitudes de consommation d'alcool au cours de la période d'étude : ceci pourrait conduire à considérer comme exposés des sujets qui ont très vite arrêté de boire quelle qu'en soit la raison, et vice versa. Ce problème peut cependant être mis en évidence et pris en compte en effectuant plusieurs mesures de la consommation d'alcool en cours d'enquête pour vérifier le niveau d'exposition. Causalité dans les enquêtes d'observation L'approche expérimentale fournit une méthode directe pour établir une relation causale entre deux variables. Dans les enquêtes d'observation, l'interprétation des données doit être particulièrement Dans les enquêtes d'observation, l'interprétation des données doit être particulièrement prudente, en particulier quant à une éventuelle relation de causalité entre l'exposition à un facteur et la survenue d'une maladie. Une association statistiquement significative n'est pas synonyme de relation causale.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 8 Tableau IV Avantages et inconvénients des enquêtes cas-témoins et de cohorte (d'après Schlesselman JJ. Case-control studies. pp 18-20) CAS-TEMOINS COHORTE Étude de maladies rares + - Étude de facteurs d'exposition rares Possibilité d'étudier plus d'un facteur de risque Possibilité d'étudier plus d'une maladie à la fois Facilité pour déterminer le statut malade/non malade - + + ± - + + + si prospective - si rétrospective Facilité pour déterminer le statut exposé/non exposé au facteur de risque ± (basé sur la mémoire) + (type, quantité, durée d'exposition, etc.) Possibilité de calculer des taux d'incidence de la maladie Possibilité d'étudier l'histoire naturelle de la maladie (en particulier la séquence exposition-maladie) Utilisation des sources de données existantes - + - + + + Si rétrospective Trouver un groupe de sujets comparables Difficile En général plus facile Taille de l'échantillon Petite Grande Coût Modéré Élevé si prospective Temps nécessaire Court Long si prospective et latence importante Suivi Sans objet Peut être un problème dans une cohorte prospective (perdus de vue) Difficultés de réalisation Limitées Importantes (surtout si prospective) Concept Difficile à expliquer Relativement intuitif Éthique Pas de problème Peut être un problème

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 9 Une association statistiquement significative peut être : un artefact : du fait d'un biais ou du hasard ; une association indirecte, c est-à-dire une association entre un facteur de risque et la maladie due à leur relation commune avec un facteur de risque (tiers facteur). Exemple : L'étude d'un médicament (facteur de risque) utilisé pour traiter la syphilis a montré qu'il était associé avec un taux élevé d'ictère (maladie). Une enquête plus complète a montré que des seringues mal stérilisées (tiers facteur) étaient utilisées pour injecter ce médicament et avaient occasionné des hépatites. une association causale, c est-à-dire une association pour laquelle une modification de l'exposition au facteur de risque est suivie d'une modification dans la survenue d'une maladie. En fait, il existe différents critères simples de jugement de l'existence ou non d'une relation causale : La cohérence de l'association Est-ce que l'on observe cette association de façon répétée? La probabilité qu'une association soit causale est d'autant plus élevée qu'une telle association est retrouvée dans différentes populations, dans différentes circonstances et dans différents types d'enquête. Cette répétition des résultats garantit que l'association a peu de chance d'être un artefact dû à un biais dans la méthodologie de l'enquête ou dans la sélection des sujets. Par exemple, la cohérence des résultats entre les enquêtes anglaises, américaines et françaises sur la relation entre tabagisme et cancer du poumon est presque parfaite, malgré des approches méthodologiques différentes. La force de l'association La force de l'association est décrite par le risque relatif ou l'odds ratio (chapitre V,2,a). En général, un risque relatif ou un odds ratio supérieur à quatre a peu de chances de s'expliquer par des biais dans l'enquête. La spécificité de l'association Est-ce que le facteur de risque étudié, et lui seul, induit la maladie? Ce critère n'est pas aussi utile que les précédents car un facteur de risque peut effectivement jouer sur plus d'une maladie et les maladies peuvent être d'étiologie multifactorielle. Le critère de spécificité s'applique surtout aux agents infectieux. Exemples La consommation excessive d'alcool joue un rôle dans l'apparition de la cirrhose du foie, des ulcères gastro-duodénaux, des polynévrites, etc. Le principal facteur de risque de cancer du poumon est la consommation de tabac, mais cette maladie est multifactorielle : d'autres facteurs d'exposition professionnelle et d'environnement jouent également un rôle dans sa genèse. La relation temporelle La maladie suit l'exposition au facteur de risque avec une distribution des périodes d'incubation que l'on peut prédire. Cette propriété est essentielle et doit être vérifiée pour affirmer la causalité. Par exemple, la forte consommation d'alcool précède bien l'apparition de la cirrhose du foie de plusieurs années. La plausibilité clinique et biologique Existe-t-il un mécanisme biologique qui explique cette association? L'hypothèse est-elle cohérente avec ce que l'on sait de l'histoire naturelle de la maladie? De façon expérimentale, chez l'animal, l'administration prolongée d'alcool peut induire une cirrhose du foie.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 10 La gradation biologique A-t-on des arguments en faveur d'une relation de type dose-effet? Une augmentation de la fréquence de la maladie lorsque l'exposition au facteur de risque augmente est un argument de poids quant à la causalité de l'association. Ce type de relation est plus facile à mesurer dans une enquête prospective de cohorte. En résumé Les enquêtes cas-témoins et les enquêtes de cohorte sont les outils de base de l'épidémiologiste. Chaque type d'enquête a des avantages et des inconvénients. La décision d'adopter l'une ou l'autre méthodologie dépend du facteur de risque et de la maladie étudiés, du jugement de l'épidémiologiste, ainsi que des moyens qui seront à sa disposition. En pratique, on commence en général l'étude d'une relation facteur de risque-maladie par une enquête cas-témoins et l'on poursuit avec une enquête de cohorte si l'on juge nécessaire ou souhaitable de confirmer les résultats de l'enquête cas-témoins. En dehors des études expérimentales, la mise en évidence d'une association entre le facteur de risque et la maladie ne permet pas de conclure de façon absolue à l'existence d'une relation causale. Cependant, la satisfaction de plusieurs des critères de causalité permet d'affirmer avec une très forte probabilité une relation causale. De plus, dans beaucoup de circonstances, l'enquête épidémiologique d'observation constitue l'étape ultime de l'étude de cette relation lorsque l'approche expérimentale s'avère impraticable. Bibliographie Dawber TR. The Framingham study : the epidemiology of atherosclerotic disease. Cambridge : Harvard University Press, 1980. 257 p. Hennekens CH, Buring JE. Epidemiology in medicine. Boston : Little, Brown, 1987. Chapitre 2, pp 101-214. Monson RR. Occupational epidemiology. Boca Raton : CRC Press, 1980. pp 35-66. Rothman JR. Modern Epidemiology. Boston : Little, Brown, 1986. Chapitres 2 et 15, pp 7-21, 311-26. Rumeau-Rouquette C, Bréart GR. Pardieu R. Méthodes en épidémiologie. Paris : Flammarion, 1985. Chapitre 2, pp 9-15. Schlesselman JJ. Case control studies : design, conduct, analysis. Oxford : University Press, 1982. Chapitre 1, pp 7-26.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 11 Chap IV.1.b. Comment choisir un groupe de référence Selon les types d'enquête épidémiologique (cas-témoins ou cohorte) un groupe de référence permet de déterminer la fréquence attendue de l'exposition à un facteur de risque ou la fréquence attendue d'une maladie dans la population générale et ainsi de la comparer à celle observée dans le groupe étudié, c'est-à-dire le groupe des cas ou le groupe exposé. En l'absence d'un groupe de référence, on mesure uniquement la fréquence de l'exposition à un facteur de risque chez des cas ou la fréquence d'une maladie dans un groupe exposé, mais on ne peut mesurer l'association facteur de risque - maladie. Considérons l'exemple d'une épidémie d'hépatite virale au cours de laquelle l'enquête a montré que 88% des malades avaient bu de l'eau provenant de l'adduction municipale. Pour conclure que l'eau est probablement la source de l'épidémie, il faut comparer ces résultats obtenus chez les malades avec ceux recueillis chez des témoins. Dans ce cas précis, les enquêteurs ont constaté que 93% des sujets témoins indemnes d'hépatite avaient bu la même eau. Ils ont donc conclu que l'adduction d'eau municipale n'était pas en cause. Dans cette même étude, les enquêteurs ont trouvé que 90% des cas avaient consommé un produit acheté à la pâtisserie, contre seulement 46% des sujets témoins. Autrement dit, la fréquence de la consommation de produits de cette pâtisserie était bien supérieure, dans le groupe des sujets malades, à celle que l'on attendait dans le reste de la population, représentée par un échantillon de sujets bien portants (témoins). Ce facteur alimentaire a représenté vraisemblablement un facteur de risque d'hépatite au cours de cette épidémie et pourrait être sa source. Recommandations pour le choix d'un groupe témoin dans une enquête cas-témoins Dans cette approche, le groupe témoin apporte une information sur la fréquence attendue de l'exposition au facteur de risque dans un groupe comparable en tous points au groupe des cas, à l'exception du fait qu'aucun des membres de ce groupe n'a de manifestations de la maladie étudiée. Les sujets témoins doivent être choisis dans le même "univers" que celui dont sont issus les cas Autrement dit, ils doivent posséder les mêmes caractéristiques démographiques, socioculturelles, professionnelles et économiques. Pour ce faire, il est nécessaire de caractériser avec précision la population d'où viennent les cas et de choisir les sujets témoins les plus représentatifs de cette population. Si cette opération n'est pas bien conduite, on risque d'introduire un biais de sélection dans l'étude, biais qu'il sera impossible de corriger au moment de l'analyse, avec pour conséquence une surestimation ou une sous-estimation de l'association entre le facteur de risque et la maladie. Parmi les sources potentielles de témoins, on peut citer : l'hôpital si les cas sont choisis en milieu hospitalier, le voisinage, la famille, les amis, les collègues professionnels si les cas sont choisis dans la communauté. Les sujets témoins devraient pouvoir devenir des cas s'ils développaient la maladie Par exemple, dans une enquête sur la gastro-entérite du voyageur (la classique "turista"), on veut tester l'hypothèse d'une association entre la consommation de certains cocktails alcoolisés et la survenue des troubles digestifs. On décide de choisir les cas parmi les touristes consultant pour une diarrhée aiguë dans le service d'accueil d'un hôpital. Le groupe témoin le plus approprié sera constitué de touristes fréquentant le même hôpital pour des maladies de sévérité comparable, mais ne manifestant pas de signes de gastro-entérite (traumatismes mineurs, infections cutanées, etc.). En effet, si ces témoins développaient une

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 12 "turista", ils auraient alors toutes chances d'être inclus dans le groupe des cas. De plus, en choisissant des sujets qui consultent dans cet hôpital pour des problèmes de sévérité comparable, on contrôle de nombreux facteurs socio-économiques, comportementaux et géographiques qui contribuent au recrutement des cas et dont il serait impossible de tenir compte au moment de l'analyse. Les sujets témoins doivent avoir la même possibilité d'exposition au facteur de risque que les cas Reprenons l'exemple de la turista. On pourrait choisir les sujets témoins parmi les patients admis à l'hôpital pour une pneumonie, une fracture ou une appendicite, avec probablement les résultats suivants : Ont bu des cocktails N'ont pas bu de cocktail Cas (turista) 50 50 Témoins (pas de turista) 20 80 Total 100 100 Odds Ratio = 50 * 80 20 * 50 = 4,0 Autrement dit, les personnes ayant consommé des cocktails ont un risque quatre fois plus élevé d'avoir une "turista" que les autres. Si l'on prenait comme témoins exclusivement des sujets avec un faible "risque" de consommation de cocktails alcoolisés comme par exemple un groupe de sujets souffrant d'ulcère gastrique chronique, on pourrait obtenir les résultats suivants : Ont bu des cocktails N'ont pas bu de cocktails Cas (turista) 50 50 Témoins (pas de turista) 10 90 Total 100 100 Odds Ratio = 50 * 90 50 * 10 = 9,0 De cette manière, on surestimerait le risque réel de gastro-entérite lié à la consommation de cocktails. A l'inverse, si l'on prenait des témoins à haut risque de consommation d'alcool tels que des sujets souffrant de manifestations d'alcoolisme chronique (hépatite, cirrhose, polynévrite, etc.), on sous-estimerait probablement ce risque. Ceci est illustré numériquement dans le tableau suivant :

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 13 Ont bu des cocktails N'ont pas bu de cocktails Cas (turista) 50 50 Témoins (pas de turista) 90 10 Total 100 100 Odds Ratio = 50 * 10 50 * 90 = 0,11 Il s'agit là d'exemples caricaturaux. Ils illustrent cependant la direction et l'amplitude de l'effet que l'on pourrait observer si le groupe témoin était "contaminé" par des sujets ayant une maladie connue pour être positivement ou négativement associée avec le facteur de risque étudié. Les sujets témoins doivent avoir eu la même possibilité de contracter la maladie étudiée que les cas Si l'on veut étudier, par exemple, la relation entre la prise de contraceptifs oraux et la survenue d'un cancer de l'ovaire, on exclura à l'évidence du groupe témoin les femmes ayant eu auparavant une ovariectomie! Lorsque les sujets témoins sont sélectionnés parmi des malades (sujets hospitalisés par exemple), il est souhaitable de sélectionner plusieurs groupes de malades différents pour constituer les groupes témoins. Supposons que dans l'enquête sur l'association cocktails- "turista" on n'ait pas mis en évidence une telle relation en prenant comme témoins uniquement des patients avec une fracture de jambe. En revanche, en analysant les résultats de l'étude avec pour témoins des sujets ayant souffert de pneumonie ou d'appendicite, on trouve cette fois une forte relation entre la consommation de cocktails et la survenue de gastro-entérite. La sélection de plusieurs groupes témoins différents a ainsi permis de repérer un biais de sélection classiquement lié au recrutement de sujets dans un service de traumatologie. Les patients de traumatologie sont, à première vue, des sujets en bonne santé, représentatifs de la population d'où on a extrait les cas. Ils ont simplement eu la malchance de tomber ou d'être renversés par une voiture. Cependant, il est important de préciser les circonstances dans lesquelles ils ont été blessés : certains d'entre eux peuvent en effet avoir pris des risques injustifiés et ont peut-être aussi une plus grande chance de prendre d'autres risques (comme par exemple de boire inconsidérément) que la population générale. Cela n'implique pas que les patients de traumatologie ne doivent pas être utilisés comme sujets témoins. Cependant, il faut être conscient des biais possibles que l'on introduit en les recrutant dans les enquêtes qui étudient des facteurs de risque tels que la consommation de boissons alcoolisées. Recommandations pour le choix des sujets non exposés dans les enquêtes de cohorte Dans une enquête de cohorte, un groupe de référence (sujets non exposés) apporte une information sur la fréquence attendue de la maladie dans un groupe de sujets comparable en tous points au groupe exposé au facteur de risque, à l'exception du fait qu'ils ne sont pas exposés au facteur étudié. Les sujets non exposés doivent provenir du même "univers" que les sujets exposés Ils doivent posséder les mêmes caractéristiques démographiques, socio-culturelles, professionnelles et économiques.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 14 Les sources potentielles de sujets exposés et non exposés peuvent être de trois types : la population générale (totale ou échantillon), des groupes particuliers (retraités, anciens combattants, enfants d'âge scolaire, etc.). des groupes professionnels avec différents niveaux d'exposition. Pour constituer un échantillon de la population générale, on prend, par exemple, un échantillon de sujets vivant dans une ville ou un quartier. On détermine leur consommation de tabac, leur degré d'obésité, leur taux de cholestérol, etc. On crée ainsi un groupe de sujets exposés à un certain facteur et un groupe de non exposés. On les suit le temps nécessaire pour observer s'ils développent une maladie cardio-vasculaire, un cancer du poumon, voire d'autres affections. La cohorte de Framingham (Chapitre IV,1,a) est l'exemple même de ce type d'étude. Un groupe particulier peut être composé, par exemple, de tous les anciens combattants du Viêt-Nam chez lesquels on détermine rétrospectivement quelle a été leur exposition aux défoliants (agent orange notamment) durant les combats. Puis on mesure et on compare l'incidence des cancers dans les groupes "exposé" et "non exposé". Pour recruter un groupe professionnel, on sélectionne les mineurs qui travaillent dans une mine d'uranium et on détermine leur niveau d'exposition à ce produit. A l'intérieur de chaque groupe d'exposition, on observe la survenue de certains types de cancer pleuropulmonaire. On peut également recruter l'ensemble des mineurs, sans se préoccuper de leur degré d'exposition à l'uranium et comparer la fréquence globale de survenue du cancer du poumon dans ce groupe avec celle observée dans la population générale (groupe non exposé). Les sujets non exposés doivent avoir le même risque théorique de contracter la maladie que les sujets exposés s'ils étaient mis en contact avec le facteur de risque Cette condition peut être illustrée par l'exemple suivant. Des essais de vaccination contre les infections à Hemophilus influenzae de type b ont été réalisés dans l'état de l'alaska aux Etats-Unis vers 1980. L'Alaska a une population mixte constituée d'esquimaux et de sujets de race blanche ou "caucasienne". On a étudié, dans cette population, la protection conférée par la vaccination contre la survenue d'otites moyennes et/ou de méningites à Hemophilus influenzae b. On a donc observé prospectivement et comparé des enfants vaccinés d'un village esquimau (sujets exposés au vaccin) à des enfants non vaccinés recrutés dans un village esquimau voisin (sujets non exposés au vaccin). Il était important, dans cette étude, de ne recruter dans le groupe de référence (non exposé) que des enfants de l'ethnie esquimau, si les sujets vaccinés étaient exclusivement des enfants esquimaux. En effet, les sujets de race blanche ont des caractéristiques socio-économiques, notamment un mode d'habitat, différentes de celles des esquimaux, qui risquent d'influencer la survenue de telles infections. De plus, les enfants esquimaux ont fréquemment une déficience immunitaire qui les rend davantage susceptibles aux otites, pneumonies et méningites à Hemophilus influenzae b que les enfants de race blanche. La simulation suivante permet de comprendre les conséquences que pourrait avoir un mauvais choix du groupe témoin dans ce type d'étude :

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 15 Cas n 1 Les enfants de race blanche ont été exclus de l'étude Malades Non malades Total Esquimaux exposés (vaccinés) 30 70 100 Esquimaux non exposés (non vaccinés) 80 20 100 Risque Relatif = 30/100 80/100 = 0,37 Les enfants vaccinés ont un risque trois fois moins élevé de faire une infection à Hemophilus influenzae b que les enfants non vaccinés. Cas n 2 Les enfants de race blanche constituent le groupe non exposé Malades Non malades Total Esquimaux exposés (vaccinés) 30 70 100 Enfants de race blanche non exposés (non vaccinés) 20 80 100 Risque Relatif = 30/100 20/100 = 1,5 Avec ce protocole (cas n 2), les enfants vaccinés ont apparemment un risque 1,5 fois plus élevé d'avoir une infection à Hemophilus influenzae b que les enfants non vaccinés. Autrement dit le vaccin n'est pas protecteur. Il apparaît même dangereux! Dans cet exemple, le mauvais choix du groupe non exposé a introduit un biais de sélection qui a conduit à une distorsion de l'estimation réelle de l'efficacité vaccinale au point d'en changer le sens. Appariement La logique de l'appariement est de garantir que les deux groupes d'étude (cas et témoins, ou exposés et non exposés) sont comparables vis-à-vis de certaines de leurs caractéristiques au moment de la mise en place de l'enquête. L'appariement consiste à associer à chacun des sujets cas (ou aux sujets exposés) un ou plusieurs sujet(s) témoin(s) (ou sujet(s) non exposé(s)) ayant les mêmes caractéristiques vis-à-vis du (des) facteur(s) que l'on veut contrôler : par exemple le sexe, l'âge, l'origine ethnique, etc. Ces facteurs sont alors distribués de façon identique dans les deux groupes dès le démarrage de l'étude. Les différentes techniques d'appariement sont décrites dans le chapitre V,2,d.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 16 Combien de groupes de référence? Le nombre de groupes de référence nécessaire à la réalisation d'une enquête est une source fréquente de discussion en épidémiologie. La réponse à cette question dépend du jugement de l'enquêteur et du thème de l'enquête. La règle générale est la suivante : si l'on teste une seule hypothèse, un seul groupe témoin est a priori suffisant. Si l'on teste plus d'une hypothèse, il est légitime de considérer plus d'un groupe témoin. On peut aussi renforcer les conclusions d'une étude si plusieurs groupes témoins montrent la même tendance dans l'association facteur de risque - maladie. Quelle taille d'échantillon? Il existe des formules (équations) et des tables pour estimer la taille d'un échantillon. Elles prennent en compte : La fréquence relative de l'exposition au facteur de risque dans le groupe de comparaison (enquête cas-témoins). L'incidence attendue de la maladie dans la population totale d'une étude de cohorte ("exposés" et "non exposés"). Le risque relatif ou l'odds ratio théorique mesurant l'association facteur de risque - maladie que l'on considère suffisant en termes de santé publique pour justifier l'étude. Le niveau choisi des risques d'erreur de 1ère espèce (α) et de 2ème espèce (β). Dans une enquête épidémiologique, l'erreur α est le fait d'affirmer qu'il existe une association entre facteur de risque et maladie, alors qu'en réalité il n'y en a pas (rejeter l'hypothèse nulle alors qu'elle est vraie); l'erreur β est le fait d'affirmer qu'un facteur de risque n'est pas associé à la maladie alors qu'en réalité il l'est (ne pas rejeter l'hypothèse nulle alors qu'elle est fausse) (Chapitre V,1,a). Le nombre souhaité de témoins par cas. Si le nombre total de cas disponibles est élevé, le rapport "un témoin par cas" est suffisant. Cependant, si l'on dispose de peu de cas, on peut augmenter la puissance de l'enquête en augmentant le nombre de témoins par cas. Il est inutile de dépasser quatre témoins par cas, car au-delà le gain en termes de puissance est minime (figure 1). Il est clair que plus le nombre de témoins par cas est élevé, plus la taille globale de l'échantillon sera grande. Il faut également considérer le coût du recrutement des cas et des témoins quand on calcule la taille de l'échantillon. S'il est coûteux d'obtenir des cas et de les interroger alors que le recrutement et l'obtention d'information sur les sujets témoins sont peu coûteux, il peut être intéressant d'augmenter le rapport du nombre de témoins par cas.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 17 Figure 1 Facteurs intervenant dans l'estimation de la taille d'un échantillon Calcul de la taille d un échantillon pour une enquête de cohorte n = ( [ e a * (2 p * q ) ] + [ e 2b * {po + (po * RR) - po 2 - (po 2 * RR2)} ] )2 [ po * (1 - RR ) ]2 où n est le nombre de sujets exposés ou non exposés (N = 2n est la taille de la cohorte) p1= incidence de la maladie chez les exposés po = incidence de la maladie chez les non-exposés

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 18 RR est le risque relatif, RR = p1 / po p est l'incidence de la maladie dans la cohorte, p = (p o + p1) = [ p o * (1 + RR) ] et q = 1 - p 2 2 ε α est la valeur tirée de la table de l'écart réduit (test bilatéral) pour un seuil de signification α donné (ε α = 1,96 pour α = 0,05) ε 2β est la valeur tirée de la table de l'écart-réduit pour une puissance donnée (1 - β) (ε 2β = 1,28 pour β = 0,10 ) Au numérateur, le terme sous la deuxième racine carrée { po + ( po * RR ) - po 2 - ( po 2 * RR 2 ) } peut également s'écrire : { p1 * ( 1 - p1 ) } + { po * ( 1 - po ) } Le dénominateur [ po * (1 - RR ) ] 2 peut également s'écrire : (po - p1) 2 Le tableau I donne les valeurs de ε habituellement utilisées pour différents choix de α et β. Tableau I Valeurs de l écart-réduit * pour les risques α et β ** selon le type de test α ou β Test unilatéral ε 2α ou ε 2β Test bilatéral ε α 0,001 3,09 3,29 0,005 2,58 2,81 0,01 2,33 2,58 0,025 1,96 2,24 0,05 1,64 1,96 0,10 1,28 1,64 0,20 0,84 1,28 0,30 0,52 1,04 * Selon les auteurs, l'écart-réduit est noté u, ε ou z ** Les valeurs de ε 2β à utiliser sont les mêmes pour un risque β donné que le test soit unilatéral ou bilatéral. Calcul de la taille d un échantillon pour une enquête cas-témoins n = [ ( p * q ) * {1 + ( 1/c ) } * ( e a + e 2b ) 2 ] ( P0 - P1 )2 où n = nombre de cas p = proportion d'individus exposés dans l'ensemble de l'échantillon (malades et témoins), qui peut se calculer : p = [ p 1 + ( c * p0 ) ] et q = 1 - p (1 + c)

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 19 c = nombre de témoins par cas p0 = proportion de sujets exposés au facteur de risque parmi les témoins p1 = proportion de malades exposés au facteur de risque, qui se calcule en fonction de p0 : ( p0 * 0R ) p1 = [ 1 + { p0 * ( OR - 1 ) } ] OR = odds ratio minimum exigé pour qu'une intervention présente un intérêt en terme de santé publique ε α = valeur tirée de la table de l'écart réduit (test bilatéral) pour un niveau de signification donné (tableau I) ε 2β = valeur tirée de la table de l'écart réduit (test unilatéral) pour une puissance donnée (1 - β) (tableau I) n' = c * n est le nombre de témoins N = n + n' est le nombre total de sujets dans l'étude Plus le risque relatif (ou l'odds ratio) que l'on veut mesurer est proche de 1, plus la taille de l'échantillon doit être grande (figure1b). A l'inverse, plus le risque relatif ou l'odds ratio s'éloigne de 1 (vers 0 ou vers l'infini), plus la taille de l'échantillon diminue. De même, c'est lorsque la fréquence de la maladie est voisine de 0,5 (enquête de cohorte), ou lorsque la fréquence de l'exposition est voisine de 50% (enquête cas-témoins) que le nombre de sujets nécessaire sera minimum (figure1c). A l'inverse, si la maladie ou l'exposition sont très rares, ou bien très fréquentes, la taille de l'échantillon augmentera. La taille globale de l échantillon dépendra finalement du choix du nombre de témoins par cas (figure 2). En fait, il n'existe pas de recette idéale pour estimer la taille optimale d'un échantillon pour une enquête épidémiologique. Il faut se rappeler que dans les formules utilisées : Figure 2 Relation entre la taille totale d'un échantillon et le nombre de témoins par cas les risques d'erreurs α et β sont purement conventionnels. En général, on prend α = 5 % et β = 10 %. Dans certains cas, on peut adopter une attitude moins exigeante et prendre α = 10 % et β = 20 % ; le risque relatif ou l'odds ratio théorique jugé suffisant pour effectuer l'étude est établi

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 20 de façon assez empirique (dans le cas contraire on aurait déjà une bonne réponse à la question venant des résultats d'autres études et l'étude à entreprendre n'aurait pas beaucoup de sens!) ; de même, l'estimation de la fréquence de l'exposition au facteur de risque ou de la fréquence de la maladie est parfois plus ou moins empirique. Au total, la taille de l'échantillon ainsi calculée ne représente que le nombre minimum de sujets considéré comme nécessaire pour mettre en évidence ce que l'on cherche, compte tenu du contexte de l'étude. Le nombre de sujets nécessaire ainsi calculé est le résultat de manipulations et d'hypothèses qu'il faut garder en mémoire en interprétant le résultat obtenu. Enfin, les formules précédemment développées peuvent être manipulées pour donner le risque relatif ou l odds ratio susceptible d être mis en évidence pour une taille d échantillon donnée, compte tenu des contraintes budgétaires ou autres que l investigateur pense rencontrer (Walter SD. AM J Epidemiol 1977, 105 : 387-96). Ce type d exercice peut être intéressant pour juger de l opportunité de lancer une enquête quand on sait à l avance jusqu où l on pourra aller en termes de taille d échantillon : quel serait en effet l intérêt de mener une enquête qui ne pourrait détecter au mieux qu un risque relatif de 3 ou 4 lorsque l on imagine qu il doit probablement se situer dans la gamme 1,5-2? Avec les limites déjà évoquées, le calcul de la taille de l'échantillon est une étape aussi importante que le choix d'un groupe de référence dans la mise en place d'une enquête épidémiologique. Cet exercice est de toute façon indispensable dans la phase de rédaction d un protocole et l établissement d une demande de financement. Bibliographie Hennekens CH, Buring JE. Epidemiology in medicine. Boston : Little, Brown, 1987. Chapitre 2, pp 132-77. Lwanga SK, Lemeshow S D. Détermination de la taille d un échantillon dans les études sanométriques : manuel pratique. Genève : OMS, 1991. 84 p. Schlesselman JJ. Sample size requirements in cohort and case-control studies of disease. Am J Epidemiol 1974, 99 : 381-4. Schlesselman JJ. Case-control studies : design, conduct, analysis. Oxford : University Press, 1982. Chapitres 3 et 6, pp 76-85, 144-158.

Master SP : Réalisation d'une enquête épidémiologique 21 Chap IV.1.c. Biais de sélection et d'information Dès la conception d'un protocole d'étude épidémiologique, et tout au long de sa réalisation et de son analyse, il est nécessaire de prendre en considération les facteurs susceptibles d'entraîner des conclusions erronées. En effet, l'association entre un facteur de risque et une maladie dans une étude épidémiologique peut être due au hasard ou à un biais. Elle peut être aussi réelle mais non causale, ou enfin réelle et causale. L'intervention du hasard peut être évitée en travaillant sur un échantillon de taille adéquate (Chapitre IV,1,b). Elle est évaluée en fonction des résultats des tests statistiques (Chapitre V,1,a). La recherche des critères de causalité constitue une étape habituelle et indispensable de l'analyse d'une étude épidémiologique (Chapitre IV,1,a). Reste le rôle possible des biais. Ceux-ci sont en général évitables au moment de la conception d'un protocole et il importe donc alors de prévoir le rôle qu'ils pourraient jouer. On peut distinguer deux grandes catégories de biais : - les biais que l'on peut éviter au moment de la conception du protocole, mais aussi prendre en compte au cours de l'analyse : ce sont les biais de confusion ; - les biais que l'on peut éviter lors de la conception du protocole et la mise en place de l'étude, mais qui ne peuvent pas être controlés lors de l'analyse : ce sont les biais de sélection et les biais d'information. Dans ce chapitre, nous discutons uniquement ces deux derniers types de biais (les biais de confusion sont décrits au chapitre V,2,b). Définition Un biais est défini comme une distorsion de l'estimation de la mesure d'une association entre l'exposition à un facteur de risque et la survenue d'une maladie. L'effet peut être une surestimation ou une sous-estimation de la force de l'association, voire un défaut d'appréciation du sens de l'association. Un biais résulte d'une erreur systématique dans la sélection des sujets d'une étude (biais de sélection) ou dans le recueil d'informations concernant les sujets sélectionnés (biais d'information). Biais de sélection Les biais de sélection sont induits par une sélection préférentielle des sujets à comparer qui n'est pas indépendante de leur statut malade/témoin dans une étude cas-témoins ou de leur statut exposé/non exposé dans une étude de cohorte. Exemples de biais de sélection Les biais de surveillance et de diagnostic Ils peuvent survenir lorsque le facteur de risque étudié influence directement la détection de la maladie. Par exemple, dans une enquête cas-témoins, on veut comparer les antécédents de traumatisme accidentel (facteur de risque) chez des cas de spondylarthrite ankylosante (SA) et dans un groupe témoin issu de la population générale. En raison de la surveillance médicale étroite qu'entraîne un traumatisme, la probabilité de détection d'une SA est plus élevée chez un individu qui a subi un traumatisme que chez un sujet sans antécédent de ce type. En conséquence, même en l'absence d'association réelle entre traumatisme et SA, on pourrait