par Alain Jacquot CNAF Responsable du bureau des Prévisions



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Transcription:

La réforme des aides au logement dans le secteur locatif par Alain Jacquot CNAF Responsable du bureau des Prévisions En 1999, par le biais des aides au logement (aide personnalisée au logement et allocation de logement), les CAF, les caisses de la Mutualité sociale agricole et les régimes spéciaux ont versé un peu plus de 8 milliards de francs à des personnes à faibles ressources pour les aider à faire face à leur loyer ou à leur mensualité de remboursement. D un montant mensuel moyen d environ 1 5 francs, ces aides étaient versées, en décembre 1999, à environ 6,3 millions de bénéficiaires. Près de 8 % d entre eux sont locataires. Dans le secteur locatif, les montants d aide sont calculés en appliquant des barèmes complexes, qui prennent en compte les ressources du bénéficiaire, ses dépenses de logement (dans la limite d un plafond de loyer) et ses charges de famille éventuelles (encadré 1 ci-dessous). Encadré 1 Le barème des aides au logement applicable avant janvier 21 Dans le secteur locatif, deux aides à la personne coexistent : l aide personnalisée au logement (APL) et l allocation de logement (AL). L APL est versée aux locataires d un logement conventionné ; sont conventionnés les logements du parc HLM, ainsi que certains logements du parc privé. Les personnes locataires d un logement non conventionné sont susceptibles de percevoir l AL, qui se subdivise elle-même en deux aides : l allocation de logement à caractère familial (ALF), versée aux familles, et l allocation de logement à caractère social (ALS), versée aux personnes seules et aux couples sans enfant (1). Les barèmes de l AL locative et de l APL locative sont des barèmes complexes (2) qui prennent en compte : la situation de famille du bénéficiaire (nombre de personnes à charge) ; les ressources du bénéficiaire. Les ressources prises en compte pour le calcul de l aide du mois de juillet n au mois de juin n + 1 sont celles perçues pendant l année n - 1 par l allocataire, son conjoint ou concubin, ainsi que par toutes les personnes ayant vécu au moins six mois au foyer du bénéficiaire au cours de l année n - 1 et s y trouvant encore. Les ressources servant au calcul s entendent des revenus nets catégoriels retenus pour l établissement de l impôt sur le revenu, après prise en compte de certaines déductions (abattements de 1 % et 2 % pour les salariés, pensionnés et retraités, par exemple). Les prestations familiales et les minima sociaux ne figurent pas dans les ressources prises en compte. Pour le calcul de l aide, certaines de ces ressources sont susceptibles de faire l objet d une mesure de neutralisation ou d abattement. Ainsi, il n est pas tenu compte des ressources professionnelles d une personne cessant son activité pour se consacrer à un enfant de moins de trois ans. Il n est pas non plus tenu compte, par exemple, des ressources professionnelles d une personne au chômage, indemnisée au taux plancher de l allocation unique dégressive. A l inverse, lorsque à l ouverture du droit, les ressources de l année de référence sont faibles (i.e. inférieures à 812 fois le SMIC horaire), il est procédé à une évaluation forfaitaire des ressources, sur la base de 12 fois le salaire mensuel du mois qui précède l ouverture du droit ; le loyer (hors charges) acquitté par le bénéficiaire, dans la limite d un plafond de loyer. Au-delà du plafond de loyer, le montant d aide versé n augmente plus. Ce plafond de loyer varie en fonction de la situation de famille du bénéficiaire et la région de résidence. Le territoire métropolitain est découpé en trois zones : - la zone I comprend les communes de l agglomération parisienne (dans ses limites de 199), - la zone II comprend les communes d Ile-de-France non situées en zone I, ainsi que les grandes agglomérations de province (plus de 1 habitants au recensement de 199), - la zone III comprend les communes de province non situées en zone II. A titre indicatif, le loyer plafond applicable à une personne seule est de 1 577 francs en zone I et de 1 298 francs en zone III, en AL comme en APL. Pour une famille de deux enfants, en zone I, le loyer plafond est de 2 449 francs en APL et de 2 224 francs en AL. (1) Les couples mariés depuis moins de cinq ans et pour lesquels les deux conjoints sont âgés de moins de 4 ans relèvent, cependant, de l ALF. (2) La brochure «Eléments de calcul des aides personnelles au logement», éditée par les ministères du Logement et de l Emploi et de la Solidarité, n est pas rigoureusement exhaustive ; elle ne comprend pas moins de 88 pages! Pour être juste, il faut toutefois signaler qu une partie non négligeable de la complexité des aides au logement est imputable aux aides versées aux accédants à la propriété : en comparaison de ces dernières, les aides dans le secteur locatif peuvent presque être considérées comme étant d une simplicité biblique 125 RECHERCHES ET PRÉVISIONS N 62-2

Deux barèmes d aide qui conduisent à des situations injustes Ce dispositif, où coexistent deux barèmes d aide (celui de l APL et celui de l AL), conduit à des situations injustes : des ménages ayant des revenus et des dépenses de logement identiques ne perçoivent pas le même montant d aide, selon qu ils bénéficient de l AL ou de l APL. L APL bénéficie aux ménages locataires d un logement conventionné (i.e. logements du parc HLM, ainsi qu une petite partie des logements du parc privé). Son montant est en général supérieur à celui de l AL (qui couvre la majeure partie du parc locatif privé), à loyer, ressources et composition familiale donnés. Il est difficile de trouver une justification à cet écart qui avantage les bénéficiaires de l APL alors que les loyers du parc HLM sont inférieurs à ceux du secteur locatif privé, à surface, qualité et localisation identiques (1). Comparativement aux bénéficiaires de l APL (tableau ci-dessous), les bénéficiaires de l AL ont des ressources en moyenne plus faibles et acquittent des loyers en moyenne plus élevés. Ceci s explique (en partie au moins) par la faible rotation des locataires dans les logements du parc HLM ; pour le calcul du montant d aide au logement, les ressources prises en compte n incluent pas les montants perçus par le bénéficiaire au titre des minima sociaux (RMI, allocation de parent isolé, allocation aux adultes handicapés, allocation de solidarité spécifique, allocation d insertion, minimum vieillesse et allocation de veuvage). Tableau 1 Les bénéficiaires des aides au logement en secteur locatif Effectif Loyer Montant moyen Montant des bénéficiaires mensuel moyen des ressources mensuel moyen (en milliers) prises en compte d aide (1) Isolés AL 1 55 1 818 22 62 878 APL 814 1 391 26 19 882 Ensemble 2 364 1 671 23 484 879 Couples sans personne à charge AL 219 2 228 33 83 899 APL 168 1 615 35 983 92 Ensemble 387 1 962 34 749 98 Couples + 1 personne à charge AL 155 2 442 47 516 993 APL 151 1 744 44 831 1 24 Ensemble 36 2 98 46 193 1 8 Couples + 2 personnes à charge AL 166 2 64 54 316 1 14 APL 21 1 98 52 923 1 136 Ensemble 375 2 215 53 538 1 122 Couples + 3 personnes à charge AL 9 2 713 49 588 1 85 APL 159 2 5 55 998 1 394 Ensemble 249 2 26 55 977 1 381 Couples + 4 personnes à charge ou plus AL 41 2 786 49 588 1 85 APL 13 2 53 5 989 1 84 Ensemble 144 2 262 5 587 1 84 Isolés + 1 personne à charge AL 182 2 367 28 322 1 374 APL 222 1 681 33 395 1 267 Ensemble 44 1 99 31 17 1 315 Isolés + 2 personnes à charge ou plus AL 13 2 663 26 983 1 689 APL 219 1 879 3 516 1 696 Ensemble 349 2 171 29 197 1 693 AL 2 533 2 74 29 1 1 11 Total APL 2 44 1 653 35 924 1 137 Ensemble 4 578 1 886 32 148 1 67 Source : CNAF, fichier FILEAS au 31 décembre 1999. Champ : secteur locatif - bénéficiaires affiliés auprès des CAF de Métropole en décembre 1999. (1) Les ressources prises en compte sont des ressources annuelles (hormis les cas d évaluation forfaitaire des ressources, les ressources de l année civile n sont utilisées pour le calcul du montant d aide de juillet n + 1 à juin n + 2). 126 RECHERCHES ET PRÉVISIONS N 62-2

Montant d aide perçu, en fonction des ressources mensuelles (1) Cas d une famille de deux enfants résidant dans une grande ville de province et acquittant un loyer mensuel de 2 5 francs 3 2 5 2 1 5 1 5 1 2 3 4 5 AL 6 7 8 9 1 11 12 (1) Salaire net de cotisations sociales, avant abattements de 1 % et 2 % prévus par la législation fiscale. Lecture du graphique : pour un revenu mensuel de 3 francs, le montant d aide en APL (aide personnalisée au logement) est de 2 francs. Montant d aide perçu en aide personnalisée au logement, en fonction des ressources Cas d une famille de deux enfants résidant dans une grande ville de province et acquittant un loyer mensuel de 2 5 francs Lecture du graphique : pour un RMIste, les ressources prises en compte sont égales à (l aide reçue est de 2 4 francs). Pour un salarié rémunéré au niveau du RMI, le montant d aide n est plus que 2 5 francs.. Montant d aide perçu, en fonction des ressources mensuelles (1) Cas d une famille de deux enfants résidant dans une grande ville de province et acquittant un loyer mensuel de 2 5 francs 3 25 2 15 1 5 3 25 2 15 1 5 RMI (1) Salaire net de cotisations sociales, avant abattements de 1 % et 2 % prévus par la législation fiscale. Lecture du graphique : pour un revenu mensuel de 3 francs, le montant d aide en APL (aide personnalisée au logement) est de 2 francs. APL 1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 11 12 13 barème unifié Jan 21 barème unifié Jan 22 ancienne AL ancienne APL 14 15 Ainsi, un bénéficiaire qui n a d autres ressources que le RMI est considéré, pour les besoins du calcul des aides au logement, comme ayant des ressources nulles. Comme le montant d aide versé est fonction décroissante des ressources prises en compte, il perçoit un montant d aide supérieur à celui perçu par un individu qui tire de l exercice d une activité professionnelle un revenu équivalent au RMI, puisque, dans ce dernier cas, le revenu d activité est pris en compte dès le premier franc (2). Pour une famille de deux enfants, le montant d APL est de 2 395 francs si la famille bénéficie du RMI (ressources prises en compte nulles) et de 2 55 francs si la famille perçoit tous les mois un revenu d activité équivalent au RMI. Cette inégalité de traitement, au détriment des personnes à faibles revenus d activité, peut constituer un frein à la reprise d activité de la part de bénéficiaires des minima sociaux. Au 1 er janvier 21, un même barème C est à ces deux problèmes qu entend porter remède la réforme mise en œuvre, sur le secteur locatif, à partir du 1 er janvier 21. Les points clés de cette réforme sont les suivants : un même barème s appliquera désormais en AL et en APL. Cette unification concernera non seulement la formule de calcul mais aussi les loyers plafonds qui, pour les familles, étaient plus élevés en APL qu ils ne l étaient en AL. Le nouveau barème sera plus proche du barème de l APL que de celui de l AL ; le barème de l APL posséde pour caractéristique de présenter un «plateau», ce qui signifie que tant que les ressources restent en deçà d un certain seuil, l aide est constante et à son niveau maximum. Le nouveau barème possédera également cette caractéristique, mais le plateau sera plus long que dans le barème de l APL : la longueur du plateau sera portée au niveau du revenu d activité équivalent au RMI (encadré 2 - p. 128). De la sorte, un bénéficiaire qui perçoit des revenus d activité équivalents au RMI percevra désormais le même montant d aide qu un RMIste (3) ; au-delà de ce plateau, c est-à-dire pour des ressources prises en compte supérieures au RMI, le montant d aide décroîtra linéairement en fonction des ressources (i.e. chaque franc supplémentaire de ressources se traduira par une baisse de l aide d un nombre donné de centimes), jusqu à devenir nulle. 127 RECHERCHES ET PRÉVISIONS N 62-2

Encadré 2 Le nouveau barème locatif Le loyer est pris en compte dans la limite d un plafond, qui est l ancien plafond de l aide personnalisée au logement (APL) locative. Comme pour l ancienne APL, l aide est obtenue en retranchant du loyer (plafonné le cas échéant) et du forfait de charges une participation personnelle, notée P. Cette participation personnelle s exprime selon la formule : P =,85 x (L + C) + (T f + T L ).(R - R o ) L : loyer (plafonné) C : forfait de charges (qui ne varie que selon le nombre de personnes à charge) R : ressources prises en compte R o : longueur du plateau de l aide T f : un paramètre, qui varie selon le nombre de personnes à charge T L : un paramètre, qui dépend du loyer Le terme (T f + T L ).(R - R o ) n est pas pris en compte lorsque R est inférieur à R o : l aide est dans ce cas à son niveau maximal. Par ailleurs, si la participation P ainsi calculée est inférieure à 175 francs, elle est portée à ce montant. A compter du 1 er janvier 22, la longueur R o du plateau sera fixée de telle sorte qu un bénéficiaire du RMI et un titulaire d un revenu d activité équivalent au RMI perçoivent le même montant d aide, et disposent donc du même niveau de vie, avant et après versement des aides au logement. Pour rendre comparable les ressources d un RMIste et celles d un salarié, il convient de tenir compte : des allocations familiales (pour les familles de deux enfants ou plus). Pour le RMIste, les allocations familiales constituent une ressource prise en compte pour le calcul de l allocation de RMI et viennent donc en déduction de celle-ci ; du forfait logement. Pour le calcul des ressources et du montant de RMI, les aides au logement constituent une ressource prise en compte pour un montant forfaitaire, appelé «forfait logement», qui vient réduire d autant le montant du RMI perçu par le bénéficiaire ; des abattements de 1 % et 2 % applicables aux revenus d activité. Pour chaque configuration familiale (i.e. nombre de personnes à charge) envisageable, la formule qui permet de calculer la longueur du plateau est donc la suivante : R o =,72 x [plafond du RMI - allocations familiales (1) - Forfait logement] (1) Il s agit des allocations familiales de base, c est-à-dire des allocations familiales calculées sans tenir compte des majorations applicables si la famille comprend un ou plusieurs enfants à charge âgés de 11 ans ou plus. Baisse du montant mensuel d aide, au-delà du plateau, pour 1 franc supplémentaire de revenu mensuel Loyer égal au loyer plafond Zone II Loyer égal à la moitié du loyer plafond Zone II Isolés,34,31 Couples sans enfant,38,35 1 enfant,33,3 2 enfants,29,26 3 enfants,25,22 4 enfants,23,2 Lecture du tableau : pour un couple avec un enfant dont les revenus sont supérieurs au RMI, lorsque le revenu mensuel s accroît de 1 franc, le montant mensuel d aide est réduit de 33 centimes. 4,8 millions d allocataires sont concernés par cette réforme dont le coût est estimé à 6,5 milliards de francs. Pour 1,2 million d entre eux, le gain mensuel est supérieur à 2 francs. Pour 1,6 million d entre eux, il est compris entre 5 francs et 2 francs. Cette réforme sera mise en œuvre en deux étapes : dès le 1 er janvier 21, les barèmes seront unifiés, mais la longueur du plateau sera fixée transitoirement à un niveau intermédiaire entre celle du plateau du barème actuel de l APL et le montant du RMI ; au 1 er janvier 22, la longueur du plateau sera portée au niveau du RMI. Un barème plus équitable mais non exempt d imperfections S il traite de manière plus équitable les locataires du parc HLM et ceux du parc privé, ainsi que les bénéficiaires de minima sociaux et les titulaires de petits revenus d activité, le nouveau barème ne règle pas tous les problèmes et n est pas exempt d imperfections. Un premier problème résulte de la revalorisation des loyers plafonds, au cours des quinze dernières années, sur la base des évolutions constatées de l indice du coût de la construction, alors que dans le même temps les loyers réels ont progressé en moyenne beaucoup plus rapidement. 128 RECHERCHES ET PRÉVISIONS N 62-2

Montant d aide perçu en application du nouveau barème, en fonction du loyer Cas d une famille de deux enfants à très faibles ressources résidant dans une grande ville de province 3 25 2 15 1 5 loyer plafond 5 1 15 2 25 3 35 4 Lecture du graphique : le montant d aide augmente jusqu au loyer plafond et reste stable au-delà. La proportion de bénéficiaires des aides personnelles au logement pour lesquels le loyer effectif est supérieur au loyer plafond s est ainsi accrue (4). Les charges de logement prises en compte pour le calcul des aides sont, par conséquent, de plus en plus déconnectées des loyers réellement acquittés par les locataires, et le nouveau barème n apporte pas dans l immédiat de solution à ce problème. Un second problème provient de la sensibilité des montants d aide par rapport au montant du loyer, tant que celui-ci est inférieur au plafond. Pour un niveau de ressources donné, le montant de l aide calculé selon le nouveau barème (ou selon les anciens) croît à peu près linéairement en fonction du loyer, jusqu au loyer plafond. Il existe donc une large plage de valeurs pour le loyer, entre lesquelles une partie seulement de la hausse du loyer est supportée par le locataire, le solde étant pris en charge par la CAF, par le biais de l aide. Or, pour les allocataires ayant de faibles ressources, tant que le loyer effectif reste inférieur au loyer plafond, c est la CAF qui prend en charge la quasi-totalité de l augmentation du loyer. Ainsi, pour une famille de deux enfants pour laquelle les ressources sont inférieures à la longueur du plateau, lorsque le loyer passe de 2 francs à 2 1 francs par mois, le montant de l aide augmente de 91,5 francs, et la somme restant effectivement à la charge de la famille de 8,5 francs [pour les bénéficiaires dont la participation personnelle est de 175, francs (encadré 2), l aide au logement prend en charge la totalité de l accroissement du loyer]. Ce n est que pour des ressources plus élevées, proches du revenu d exclusion, que le «reste à charge» marginal (le «ticket modérateur», pourrait-on dire) devient plus important. Dans ces conditions, pour les bailleurs, il pourrait être tentant de «récupérer» une partie de l aide en réclamant au locataire un loyer plus élevé, proche du loyer plafond. Si de tels comportements se produisaient (5), les aides au logement auraient tout autant pour effet de financer les bailleurs que de solvabiliser les ménages pauvres. Le risque concernerait surtout les ménages à très faibles ressources (prises en compte) et confrontés à des bailleurs importants, si l on suppose qu un gros bailleur a plus de chances d être bien informé et être capable de mesurer les conséquences d une hausse de loyer sur le montant d aide perçu par ses locataires. Les deux problèmes que constituent la faiblesse des loyers plafonds et la sensibilité au loyer des montants d aides sont étroitement imbriqués, parce qu un relèvement des loyers plafonds pourrait avoir des effets inflationnistes. Dans ces conditions, une revalorisation significative des loyers plafonds ne peut guère se concevoir, à moyen terme, qu accompagnée d une réduction concomitante de la pente du barème en fonction des loyers. (1) Voir Le Blanc D., Laferrère A. et Pigeois R., Les effets de l existence du parc HLM sur le profil de consommation des ménages, Economie et statistique, 1999, n 322. (2) On entend par revenu d activité équivalent au RMI le niveau de revenu salarial qui procure à son bénéficiaire le même niveau de vie qu un RMIste, avant versement de l aide au logement (voir encadré 2 pour le mode de calcul détaillé). (3) Pour traiter ce problème d équité entre les bénéficiaires de minima sociaux et les personnes disposant de faibles revenus d activité, deux autres solutions étaient envisageables a priori : intégrer les minima sociaux dans les ressources prises en compte pour le calcul des aides au logement. Il aurait alors fallu, dans le même temps, procéder à une revalorisation de l ensemble des minima sociaux, sous peine de voir le niveau de vie des bénéficiaires chuter brutalement ; appliquer une décote aux revenus d activité, lors du calcul des ressources à prendre en compte pour les aides au logement. Cette solution aurait été très compliquée à mettre en œuvre, compte tenu des interactions qui se seraient produites avec les dispositifs d abattement et de neutralisation existant à l heure actuelle. Elle aurait en outre considérablement obscurci le système des aides au logement pour les allocataires. (4) En décembre 1996, le loyer réel était supérieur au plafond pour 57 % des bénéficiaires des aides personnelles dans le secteur locatif affiliés auprès des CAF de Métropole (source CNAF, échantillon national des allocataires). (5) Des travaux économétriques récents (Lafferrere A. et Le Blanc D., «Un essai de mesure de l effet des aides au logement», mimeo INSEE, 2) laissent penser que c est sans doute en partie ainsi que les choses se passent, au moins à court terme (à long terme, les aides au logement fonctionneraient selon ce schéma comme des aides à la pierre implicites, et pourraient encourager la construction). 129 RECHERCHES ET PRÉVISIONS N 62-2