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Transcription:

PSIR SEP (2015) Projet Scientifique d Initiation à la Recherche (PSIR) Gestion du risque légionelle dans les tours aéroréfrigérantes des établissements de santé réglementation et responsabilités H. Blanchais, M. Chatot-Henry, L. François, M. Hauteville, M. Crochet* Groupe esaip 18 rue du 8 mai 1945, CS 80022 49180 St Barthélémy d Anjou Cedex ARTICLE INFO Article history: Received 13 February 2015 Keywords: Legionnaires disease Legionella Cooling towers Hospitals Legionella risk Regulations Measures ABSTRACT Legionnaires' disease is a severe respiratory infection that can be fatal. During the recent years, this poorly known disease shocked the French public opinion because of the epidemics and deaths it has caused, especially near Lens in 2004. Legionnaires disease is actually caused by Legionella bacteria that grows in damp and stagnant environments. Therefore, cooling towers are ideal places for the proliferation of this bacteria. Specifically, cooling towers from healthcare facilities such as hospitals represent a considerable Legionella risk for staff and particularly for the patients, that are more vulnerable. Difficult to manage, this risk theats the safety of hospitals and the health of people. Faced with the challenge posed by these towers in the management of Legionella risk, French law sets up a number of regulations and laws, for hospital operators, to limit the proliferation of the bacteria and thus, the contamination of people. However, managing the risk of Legionella in hospitals don t consist to only respect the measures established by law. It is also necessary to consider further actions to make operators of cooling towers from healthcare facilities effectively prevent the risk. 1. INTRODUCTION La légionellose est une maladie qui est restée longtemps méconnue en France, bien que les premières souches de légionelles, responsables de la maladie, aient été mises en évidence entre 1943 et 1968. Plusieurs centaines de cas ont ensuite été observés en France au cours de la seule année 1979, ce qui a fortement sensibilisé les autorités sanitaires françaises. Plus tard, la forte médiatisation autour des risques de propagation par les systèmes de climatisation dans les secteurs hôteliers et hospitaliers a ébranlé l opinion publique et fait réagir le gouvernement. De pronostic grave, voire mortel, évoluant sur un mode épidémique, elle est devenue une priorité sanitaire intégrant les plans nationaux d hygiène et de santé. Tout dispositif de production ou de distribution d eau est susceptible d être une source potentielle de contamination par les légionelles. De l eau chaude sanitaire des douches au refroidissement par dispersion d eau en passant par les bains à remous comme les spas, le risque légionelle est omniprésent. Dans les établissements de santé, ce sont en grande partie dans les tours aéroréfrigérantes (TAR) humides que s observe le développement des légionelles. Pour diminuer l impact sanitaire de ces TAR, pour limiter les épidémies et pour répondre aux inquiétudes de la population, de plus en plus concernée, la réglementation autour de ces tours s est renforcée, en particulier grâce aux arrêtés de décembre 2004, relatifs aux installations de refroidissement par dispersion d eau dans un flux d air. Au vu de la législation et des responsabilités des exploitants, comment gérer le risque légionelle dans les tours aéroréfrigérantes des établissements de santé? Quelles actions peuvent être mises en place dans les hôpitaux? Peut-on combattre le risque à la source? Si non, quelles mesures pourraient être envisagées pour limiter un tel risque? Cet article s attachera à fournir des réponses à ces problématiques précises, qui concernent un milieu spécifique, les hôpitaux, où la qualité des systèmes aéroréfrigérants doit être primordiale. *Contact : mcrochet@esaip.org

H. Blanchais et al. / PSIR SEP (2015) 2 2. PRESENTATION DE LA LEGIONELLE 2.1. La bactérie Legionella 2.1.1. Caractéristiques générales Présente en quantité dans l environnement, la légionelle est une bactérie de la famille des Legionellaceae, qui comporte un seul genre, Legionella (1). Ce genre regroupe actuellement plus d une cinquantaine d espèces a et 64 groupes sérologiques b, dont Legionella pneumophila. Il s agit d une bactérie aérobie stricte c, dite à Gram négatif : elle possède une membrane qui s organise en trois parties. Ainsi, on distingue la membrane externe, l espace périplasmique (pour le stockage d enzymes, d éléments nutritifs ) et la membrane plasmique. La paroi de la bactérie est comprise dans l espace périplasmique. La légionelle est un bacille non sporulé et non capsulé qui se présente sous la forme d un bâtonnet doté d un ou plusieurs flagelles, ce qui lui permet de se mouvoir dans le milieu. Elle peut mesurer entre 1 et 2 µm de long, pour 0,5 à 0,7 µm de large. La figure 1 représente une légionelle observée au microscope électronique. sites industriels, les eaux de loisirs (bains à remous mal entretenus par exemple), mais aussi parfois dans les eaux d arrosage, les fontaines, etc. Cette bactérie est présente partout à la surface du globe, mais on la trouvera plus fréquemment dans les pays industrialisés en conséquence de ses préférences écologiques. La colonisation des eaux domestiques par des bactéries est devenue une source de problèmes sanitaires. Ces bactéries constituent une matrice de polymères organiques fixée sur les parois des canalisations, dont l épaisseur varie de quelques micromètres à quelques millimètres : c est ce que l on appelle le «biofilm» (figure 2). Figure 2 : Biofilm bactérien vu au microscope électronique (bacterioblog) e Figure 1 : Représentation de Legionella pneumophila observée au microscope électronique (ITV Central) d 2.1.2. Milieu et prolifération de la bactérie La légionelle est une bactérie d origine hydrotellurique, c est-à-dire qu on peut la rencontrer dans les eaux et les sols. En effet, on peut la trouver dans les réservoirs aquatiques naturels, tels que les lacs, les rivières les eaux de pluie Mais aussi dans les sols humides, les composts ou les boues d épuration. La bactérie peut aussi coloniser les eaux domestiques : elle prolifère notamment dans les réseaux d eau chaude sanitaire, les TAR utilisées pour la climatisation d immeubles tertiaires ou pour le refroidissement sur les a La classification phylogénétique de ces bactéries pose de nombreuses questions : le nombre d'espèces de ce genre varie suivant les publications en fonction des critères retenus. b Des souches appartiennent à un même sérogroupe si elles sont reconnues par les mêmes anticorps pour un type d antigène donné. c Une bactérie aérobie stricte est une bactérie qui a besoin de dioxygène (dans le milieu) pour vivre et pour se développer. d Source de la figure 1 : ITV Central, http://www.itv.com/news/central/2012-08-06/second-persondies-from-legionnaires-disease-in-stroke-on-trent/ Ce biofilm est en général à l origine de la contamination de l eau circulante par les bactéries, puisqu il joue un rôle protecteur vis-à-vis de ces bactéries et donc des légionelles, en raison de sa structure, mais aussi de la présence de protozoaires. En effet, les légionelles ont la capacité d interagir avec d autres microorganismes, dans lesquels elles survivent et se développent. Ces microorganismes sont une source d enzymes et de substances nutritives qui permettent aux légionelles de se développer et de proliférer (c est par exemple le cas de certaines algues). Plus particulièrement, Legionella est capable d infecter les amibes aquatiques, comme on peut le voir sur la figure 2. Quatorze espèces d amibes sont reconnues pour être leurs hôtes et leur permettent de survivre longtemps à l intérieur de la cellule en échappant aux mécanismes de dégradation et au système immunitaire de la cellule-hôte (2). Leur forme kystique confère aux légionelles une résistance vis-à-vis du milieu extérieur et notamment vis-à-vis des agents désinfectants. En intégrant un kyste amibien, Legionella peut donc survivre dans les eaux froides, résister aux biocides et à de hautes températures. Cela lui confère ainsi la persistance nécessaire pour coloniser les canalisations, comme par exemple dans une tour aéroréfrigérante. On note par ailleurs que dans un système contaminé, la proportion de légionelles présentes se répartit à plus de 95% emprisonnées dans le biofilm et à moins de 5% libres dans l eau (3). La figure 3 représente une amibe aquatique infectée par des légionelles. e Source de la figure 2 : bacterioblog.com, http://www.bacterioblog.com/2006/07/27/des-biofilms-en-or/

H. Blanchais et al. / PSIR SEP (2015) 3 peuvent en outre favoriser la prolifération, tels que le caoutchouc, le polyéthylène ou la silicone (7). Présence d autres microorganismes : La présence d autres microorganismes à travers le biofilm favorise le développement et la protection des légionelles, comme vu précédemment. 2.2. La maladie : la légionellose La légionellose est provoquée par la bactérie Legionella. Elle représente l un des principaux risques infectieux liés à l eau contaminée dans les réseaux, et plus particulièrement dans les TAR. Figure 3 : Amibe aquatique (en vert) infectée par Legionella (en rouge) (BBC News) f 2.1.3. Conditions de développement de la bactérie Les légionelles prolifèrent facilement dans les milieux hydriques domestiques. Cependant, plusieurs facteurs déterminent la concentration en Legionella dans le milieu. Les trois paramètres principaux sont la température, les caractéristiques physico-chimiques de l eau du milieu et la présence d autres microorganismes (4). La température : Legionella est détectable dans des milieux dont la température varie entre 6 C et 63 C (5). Son optimum de croissance se situe entre 25 C et 43 C (6). En règle générale, la bactérie est détruite lorsque la température du milieu avoisine 50 C. La vitesse de destruction est d autant plus grande que la température augmente, comme le montre le tableau 1 : Tableau 1 : Durée de destruction des légionelles en fonction de la température (4) Température ( C) Durée de destruction 50 6 heures 55 20 minutes 57,5 6 minutes 60 2 minutes 70 27 secondes Les caractéristiques physico-chimiques de l eau : Les légionelles prolifèrent dans des eaux peu turbulentes ou stagnantes, plus chaudes et moins vives. Par ailleurs, elles tolèrent une large gamme de ph, puisqu elles peuvent se développer dans des eaux dont le ph est compris entre 4 et 10 (4). La présence de certains composés dans l eau peut aussi favoriser leur développement. C est le cas lorsque le milieu contient du tartre, des résidus de zinc ou de fer, du calcium ou du magnésium Certains matériaux 2.2.1. Historique Aussi appelée «maladie du légionnaire», la légionellose se définit comme une atteinte respiratoire aiguë de gravité variable, pouvant aller d une maladie relativement bénigne à une pneumonie mortelle. Elle doit son nom à une épidémie survenue en 1976 : du 21 au 24 juillet se tient le 58ème congrès de l American Legion à l hôtel Bellevue-Stratford de Philadelphie. On dénombre environ 4400 participants. 182 personnes tombent malades dont 29 décèdent (15,9 % des malades) : la bactérie Legionella pneumophila, qui affectionne particulièrement les eaux tièdes (de 30 à 60 C), s était propagée par le système de climatisation de leur hôtel (8). La maladie est alors surnommée «pneumonie de la grand-rue». Les médias font grand cas de l affaire : «La peur a signé le registre de l hôtel» Daily News, New York (1976) «La peur a réservé une chambre à l hôtel Bellevue» Daily News, Philadelphie (1976) L enquête donne lieu à l intervention du CDC (Center for Disease Control and prevention) (3600 personnes dont 200 épidémiologistes). Cela suscite 2603 analyses toxicologiques, 5120 examens microscopiques et 990 tests sérologiques. Finalement, le 18 janvier 1977, Mac Dade et al. isolent la bactérie de poumons de quatre sujets décédés (8). Après l identification de la bactérie ont lieu plusieurs autres événements mettant en évidence la maladie. Ainsi, de nombreuses épidémies de légionellose sont décrites en Amérique du Nord, en Asie et en Europe : on estime d ailleurs entre 8 000 et 18 000 le nombre de cas de légionellose chaque année aux Etats-Unis (9). Par contre, la vraie incidence n est pas connue car tous les cas ne sont pas diagnostiqués. En France, entre 1200 et 1500 cas sont recensés chaque année (selon l Institut Pasteur). Plus récemment, des cas groupés de légionellose tels que ceux observés dans la région de Harnes ou la région lyonnaise ont fortement sensibilisé l opinion publique sur les risques liés à la bactérie. f Source de la figure 3 : BBC News, http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/3677756.stm

H. Blanchais et al. / PSIR SEP (2015) 4 2.2.2. Symptômes de la maladie Le genre Legionella comprend une cinquantaine d espèces, elles-mêmes recouvrant plusieurs dizaines de sérogroupes. Cependant, plus de 90 % des cas de légionellose sont dus à la seule Legionella pneumophila et plus de 84 % des cas sont même occasionnés par le sérogroupe 1 (10), seul sérogroupe détecté par le test urinaire et également le sérogroupe le plus répandu. Les risques pour la santé sont liés à l inhalation de fines gouttelettes (< 5 micromètres) d eau contaminée diffusées dans l air sous forme d aérosols. L inhalation est le seul mode de contamination connu à ce jour, puisque le contact cutané et l ingestion ne sont pas reconnus comme mode de transmission. De plus, aucun cas de transmission interhumaine n a été rapporté (maladie non contagieuse). La contamination par inhalation peut conduire à trois types de manifestations cliniques : la fièvre de Pontiac, la légionellose (maladie du légionnaire) et dans une moindre mesure, la légionellose extra pulmonaire. Le diagnostic repose majoritairement sur la recherche d antigènes urinaires chez le patient (spécifiques des infections à Legionella pneumophila, pathogène) (4). La fièvre de Pontiac : Il s agit d une infection bénigne qui guérit spontanément, c est-à-dire sans traitement, sur une période de 2 à 5 jours. Elle est souvent inaperçue puisqu elle présente des symptômes identiques à ceux de la grippe. Il s agit de la manifestation clinique la plus répandue. La légionellose : Il s agit d une manifestation plus grave que la précédente puisqu elle peut être mortelle. C est une infection pulmonaire aiguë apparaissant entre 2 et 10 jours après exposition. Elle se manifeste par des infections pulmonaires aiguës de type pneumopathies. Les premiers symptômes ressemblent à une grippe (fièvre, toux sèche) suivis par une augmentation de la fièvre qui peut atteindre 39,5 C. Le malade ressent alors des sensations de malaise, ainsi que des douleurs abdominales (nausées, vomissements, diarrhées), accompagnées de troubles psychiques (confusion, désorientation, hallucinations pouvant aller jusqu au delirium et au coma). Toutefois, l insuffisance respiratoire est la principale cause de décès. En l absence de traitement par des antibiotiques (comme l érythromycine, la rifampicine et la ciprofloxacine), le taux de mortalité de cette maladie est de 15 à 20 %. La contraction de la maladie est soumise à de nombreux facteurs de risques, parmi lesquels on trouve le sexe (les hommes sont 2,5 fois plus atteints que les femmes), l âge (l âge médian des personnes ayant contracté la maladie en 2004 en France était de 59 ans), le tabagisme, l alcoolisme, le diabète et l immunodépression. Plus particulièrement, les personnes à haut risque de contamination correspondent aux immunodéprimés sévères et notamment après transplantation ou greffe d organe, ou en cas de corticothérapie prolongée (ou récente) à forte dose (8). La légionellose extra-pulmonaire : Cette forme clinique est très rare, mais c est aussi la plus grave. Les infections peuvent être très variées mais prennent en général la forme d encéphalites, de myocardites, de péritonites... Qui entraînent généralement la mort. 3. LES LEGIONELLES DANS LES TAR DES MILIEUX HOSPITALIERS Les hôpitaux sont soumis à plusieurs apports thermiques, internes et externes. Les TAR se retrouvent principalement dans les systèmes de climatisation des milieux hospitaliers. En effet, la fonction principale d une TAR est d'évacuer vers le milieu extérieur la chaleur issue du système du refroidissement (11). Il existe trois catégories de TAR (12) : - La TAR humide : Il s agit d un transfert thermique de l eau vers l air par évaporation ; - La TAR sèche : Il s agit d un transfert thermique de l eau vers l air par conduction et convection ; - La TAR hybride qui mélange le fonctionnement des TAR sèches et humides. Généralement, les TAR utilisées dans le milieu hospitalier sont de type humide. Une TAR humide est un système de refroidissement évaporatif dans un flux d air généré par une ventilation mécanique ou naturelle. Ces TAR ont l avantage de combiner une efficacité thermique élevée et des prix attractifs. Les TAR humides sont les plus compactes et les moins bruyantes et elles possèdent un coût de fonctionnement inférieur par rapport aux deux autres systèmes. Les TAR humides ont donc généralement de très bons rendements énergétiques. Elles permettent d atteindre des températures de sorties d eau de 25 C pour une température extérieure de 32 C et 40 % d humidité relative, avec un débit d air relativement faible. Le principal phénomène thermique mis en œuvre dans une TAR humide est l évaporation de l eau. En effet, lorsque l eau chaude rentre dans la TAR, elle est pulvérisée en fines gouttelettes, qui entrent dans la tour où circule l air. Pendant que les gouttelettes sont entraînées vers le bas de la tour, une partie de l'eau s'évapore. Lorsque l eau s évapore, une réaction endothermique a lieu, ce qui entraîne la diminution de la température de l air dans la tour. Ce refroidissement de l air à l intérieur de la tour va permettre de refroidir l eau qui ne s est pas évaporée. Un éliminateur de gouttelettes placé en haut de la tour réduit la perte en eau et l eau refroidie s accumule au bas de la tour pour être pompée, afin de recommencer un nouveau cycle. Le principe d une TAR humide est schématisé par la figure 4.

H. Blanchais et al. / PSIR SEP (2015) 5 établissements qui en sont munis, comme les hôpitaux. Cette réglementation a pour objectif d une part d encadrer ces structures en leur proposant des actions de contrôle et de prévention et d autre part d imposer une méthodologie de surveillance des installations. Figure 4 : Schéma du principe de fonctionnement d'une TAR humide (ENSP) g Ces TAR humides rendent plus difficile la gestion du risque légionelle. En effet, d une part, l eau circule dans la tour entre 20 C et 30 C. Ces températures sont idéales pour la prolifération de la bactérie, puisqu il s agit de leur optimum de croissance. D autre part, certains circuits d eau réfrigérée ont parfois des tronçons de canalisation où l écoulement est nul ou très faible. Cela favorise le développement des légionelles, qui prolifèrent dans les milieux inertes, comme nous l avons vu dans la première partie. De plus, après l évaporation de l eau dans la TAR, l eau restant au fond du bassin est chargée en sels minéraux dissous. Le développement de bactéries et celui du biofilm dans lequel les légionelles vont se multiplier est favorisé par la présence de ces matières en suspension (4). La TAR humide est donc un milieu très favorable à la survie et à la multiplication des légionelles. Le principe de refroidissement par voie humide de la TAR conduit ensuite à disperser dans l air un entraînement vésiculaire, qui est constitué de petites particules d eau provenant de la TAR. Ces gouttelettes possèdent la même composition que l eau présente dans la TAR humide et sont donc susceptibles de véhiculer des bactéries si le circuit est contaminé. Ce phénomène d entraînement vésiculaire présente un réel risque de contamination des personnes (4). Ainsi, les TAR humides présentes dans les établissements de santé entraînent d importants développements de légionelles, ainsi que leur dispersion dans l environnement. Dans un contexte réglementaire français toujours plus strict, nous pouvons nous demander comment le gouvernement français prend en compte le risque légionelle au sein des hôpitaux, et plus particulièrement dans ceux munis de TAR. 4. LE VOLET SANITAIRE : QUE DIT LA LOI? Face à l enjeu biologique que représentent les légionelles, le gouvernement français met en place une réglementation stricte adaptée aux TAR et aux différents g Source de la figure 4 : Ecole Nationale de la Santé Publique, http://documentation.ehesp.fr/memoires/2005/igs/micollier.p df 4.1. La surveillance de la légionellose D après le décret n 87-1012 du 11 décembre 1987 modifié par le décret n 99-363 du 6 mai 1999, la légionellose est une maladie à déclaration obligatoire. En effet, en cas de détection, le médecin a pour obligation de la déclarer «au médecin inspecteur de santé publique de l'agence Régionale de Santé (ARS) de leur lieu d'exercice» (13). La publication de la circulaire DGS n 97/311 du 24 avril 1997, relative à la surveillance et à la prévention de la légionellose, permet également de consolider le dispositif de surveillance. Ainsi, le nombre de cas déclaré augmente : il passe de 80 en 1996 à 440 en 1999 (11), comme on peut le voir sur la figure 5. Figure 5 : Evolution du nombre de cas et du taux d'incidence de la légionellose en France à partir des données de la déclaration obligatoire, 1988-2013 (INVS) h Cette circulaire traite de différents points, qui permettent aux professionnels de la santé de diagnostiquer efficacement la maladie et de la déclarer puis de mettre en place des actions. Ces points concernent notamment : - Le renforcement du dispositif de surveillance de la légionellose ; - La définition des grandes lignes de la prévention en l absence de cas ; - La description des étapes de l investigation lors de la déclaration d un cas. La circulaire comporte une fiche de déclaration d un cas de légionellose et un guide d investigation d un ou de plusieurs cas de légionellose (13). h Source de la figure 5 : Institut de Veille Sanitaire, http://www.invs.sante.fr/dossiers-thematiques/maladiesinfectieuses/maladies-a-declarationobligatoire/legionellose/donnees-de-surveillance

H. Blanchais et al. / PSIR SEP (2015) 6 4.2. La responsabilité des établissements de santé A la suite de la publication de cette circulaire, de nombreux cas groupés de légionellose d origine nosocomiale sont déclarés, par exemple lors de l épidémie parisienne de l été 1998. Cette recrudescence des déclarations conduit à la rédaction de la circulaire DGS n 98-771 du 31 décembre 1998, relative à la mise en œuvre de bonnes pratiques d entretien des réseaux d eau dans les établissements de santé et aux moyens de prévention du risque lié aux légionelles dans les installations à risque et dans des bâtiments recevant du public. Cette circulaire met en avant la responsabilité des exploitants des hôpitaux. En effet, ces derniers doivent : - Faire preuve d une meilleure connaissance de leur réseau ; - Assurer un entretien régulier du réseau de l hôpital ; - Formaliser les procédures d utilisation de l eau pour les soins et pour la désinfection des dispositifs médicaux ; - Rechercher systématiquement la légionelle lors de la survenue d une pneumopathie chez un patient hospitalisé. Les résultats des différentes enquêtes démontrent que, grâce à la nouvelle réglementation, le risque légionelle est mieux traité. Cependant, il est aussi prouvé que les hôpitaux sont les principaux lieux de contamination des cas de légionellose. En 2000, 20 % des cas de légionellose déclarés étaient d origine nosocomiale. Parmi ces cas, 40 % des patients sont décédés. Pour pallier le phénomène et prévenir le risque de contamination dans les hôpitaux, la circulaire DGS/SD7A/SD5C/DHOS/E4 n 2002/243 du 22 avril 2002 relative à la prévention du risque lié aux légionelles dans les établissements de santé est rédigée. Selon la Direction générale de la santé ; la circulaire doit traiter des points suivants (2002) : - L amélioration de la gestion des installations à risque ; - La prise en compte du risque de légionelles dans les activités de soins ; - Les modalités de mise en œuvre de ces dispositions par les établissements de santé. 4.3. Les hôpitaux à caractère ICPE Outre les réglementations s appliquant à la maladie de manière générale, les exploitants des établissements de santé doivent également se soumettre à la réglementation spécifique aux TAR. En effet, avec les réseaux d eau chaude sanitaire, ce sont les TAR qui engendrent majoritairement le risque légionelle dans les hôpitaux (conditions de température idéales, biofilm, eau inerte, etc). En raison de la présence de ces TAR dans leurs installations, les établissements de santé sont assignés au titre d Installation Classée pour la Protection de l Environnement (ICPE). En fonction de leur activité et de leur capacité, les hôpitaux peuvent être soumis à déclaration ou à enregistrement. La définition du régime de l installation est définie par le Code de l environnement (rubrique 2921) des installations classées. Elle se base aussi sur le fonctionnement et la puissance des TAR ; le tableau 2 présente le régime de l installation en fonction de la puissance thermique (évacuée maximale) de la TAR. Tableau 2 : Régime de l installation en fonction de la puissance thermique de la TAR Puissance thermique Supérieure ou égale à 500 kw Comprise entre 50 et 500 kw Régime Enregistrement Déclaration et soumis à contrôle périodique Selon le régime auquel il est soumis, un hôpital doit répondre à des exigences précises : - Une ICPE soumise à enregistrement devra répondre aux exigences de l arrêté du 14 décembre 2013 relative aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement ; - Une ICPE soumise à déclaration devra répondre aux exigences de l arrêté du 14 décembre 2013 relative aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de la déclaration. Ces arrêtés imposent plusieurs mesures : - un objectif de résultat pour Legionella pneumophila au lieu de Legionella specie, notamment par le maintien de la concentration en bactéries dans les TAR à un niveau acceptable et constant ; - une fréquence de mise à jour des formations des personnes (notamment du personnel de l hôpital et des agents de maintenance des tours) sur la légionelle (au minimum tous les 5 ans) ; - une réalisation d analyses régulières concernant Legionella pneumophila ; - une maîtrise des AMR (Analyse Méthodique des Risques de développement des légionelles) qui va permettre à l exploitant d identifier et de déterminer les facteurs de risques pour chaque TAR qu il possède ; - une maîtrise des prélèvements qui va faciliter les analyses physico-chimiques et microbiologiques des bactéries.

H. Blanchais et al. / PSIR SEP (2015) 7 Ces actions permettront de maintenir la concentration de toutes les espèces de légionelles constante dans les eaux du circuit de refroidissement, mesurée selon la norme NF T 90-431. Cette concentration doit être inférieure à 1000 UFC i /L, seuil à partir duquel le risque d acquisition d une légionellose n est plus considéré comme faible. L arrêté préfectoral du 26 avril 1999 fixe des prescriptions aux TAR qui dépassent cette concentration de 1000 UFC/L. Deux seuils réglementaires sont définis en fonction des concentrations en légionelles mesurées dans les prélèvements : - A partir de 10 3 UFC/L, la concentration en légionelles franchit une phase d alerte où un contrôle des installations doit être mis en place afin de diminuer la présence de ces bactéries dans les installations et permettre un retour à la normale ; - A partir de 10 5 UFC/L, la phase d urgence est alors déclenchée et impose l arrêt immédiat pour une vidange et un nettoyage des installations. Finalement, l ensemble de la réglementation, et plus particulièrement ces trois arrêtés, doivent permettre la mise en place par l exploitant d actions préventives j, correctives k, curatives l contre le risque légionelle. Mais comment gérer concrètement ce risque de façon efficace? 5. PROPOSITIONS DE MESURES POUR LA GESTION DU RISQUE LEGIONELLE La loi impose de mettre en place des actions pour gérer le risque légionelle dans les établissements de santé. Que mettre en place alors? Peut-on combattre le risque à la source? Si non, quelles mesures pourraient être envisagées pour limiter un tel risque? Pour répondre à ces problématiques, il est nécessaire de s appuyer sur les neuf principes de la prévention. La solution idéale est d éviter le risque. Le risque légionelle est principalement induit par les TAR dans les hôpitaux, et plus spécifiquement par l humidité qu elles provoquent. L enjeu est donc de limiter l humidité. Or, en parallèle des TAR humides, il existe aussi des TAR sèches. Le refroidissement est alors effectué grâce à des ventilateurs et l eau ne stagne pas. Donc les légionelles i UFC (Unité Formant une Colonie) : Il s'agit d'une mesure de la concentration en bactéries dans un prélèvement. On considère qu une UFC correspond à une bactérie. j Action préventive : action mise en œuvre sur l installation afin de gérer les facteurs de risque de prolifération et de dispersion des légionelles qui n ont pu être supprimées par des actions correctives. k Action corrective : action mise en œuvre sur l installation visant à supprimer un facteur de risque de prolifération et de dispersion des légionelles ou à faciliter sa gestion; l Action curative : action mise en œuvre sur l installation en cas de dérive d un indicateur de suivi de l exploitation, pour un retour rapide de cet indicateur sous le seuil d alerte. ne peuvent pas se développer, puisque le milieu ne leur convient pas (l eau est turbulente, et la température est trop élevée). La tour sèche présente alors comme avantage de ne pas consommer d eau et d être facile à entretenir : la bactérie n a aucune chance de proliférer. Ce type d installation ne présente donc aucun risque sanitaire lié aux légionelles. En revanche, ce type de TAR présente également des inconvénients, comme une consommation énergétique élevée, un encombrement et un poids plus importants, ou encore des nuisances sonores conséquentes liées au débit d air élevé. Finalement, pour choisir une TAR au sein d un hôpital, il faut considérer tous les enjeux. Faut-il privilégier les avantages sanitaires au détriment des autres aspects? Il est évident qu une TAR est mieux adaptée à la gestion du risque légionelle, mais il faut être conscient que le risque légionelle ne peut pas être le seul critère de choix. Si mettre en place des tours sèches dans les hôpitaux n est pas possible (au vu des inconvénients), il convient de combattre directement les risques à la source. Il s agit ici d éviter la formation des légionelles. L enjeu est alors de prévenir la corrosion, l encrassement et le développement bactériologique car ce sont des facteurs aggravants au risque légionelle. Lors de la conception de la TAR, l exploitant doit choisir des matériaux peu sensibles à la corrosion, à l entartage et à la formation de biofilms tels que les aciers inoxydable, le cuivre. Il peut également s assurer de la suppression des bras morts où l eau circule peu ou pas, et de la mise en place d un système de filtration de l air aspiré pour éliminer les poussières favorisant le développement de la bactérie. Les hôpitaux déjà munis de TAR humides pourraient également mettre en place un système de traitement d eau adéquat et un programme d entretien approprié, avec les instructions suivantes : - Réaliser des procédures d arrêt et de redémarrage des TAR qui limiteraient la prolifération des bactéries ; - Mettre en place un protocole de nettoyage (notamment par un traitement anti-légionelles avec une injection de produits biocides adaptés) ; - Assurer un maintien de la qualité d eau afin d éviter l accroissement de bactéries ; - Suivre constamment l évolution des mesures mises en place. Si les légionelles sont déjà formées dans le biofilm, on peut mettre en place un traitement pour détruire les bactéries. Nous avons retenu trois moyens de traitement : le traitement thermique, le traitement chimique et le traitement physique. Les traitements chimique ou thermique dépendent du réseau d eau chaude sanitaire (ECS) associé. Un choc thermique devra être effectué avec une élévation de la température de l ECS au niveau des points de soutirage. La température d eau injectée aux alentours de 70 C entraîne la destruction instantanée des légionelles.

H. Blanchais et al. / PSIR SEP (2015) 8 L infiltration d eau chaude doit se dérouler sur une période de temps suffisamment importante afin d éliminer au maximum les bactéries indésirables. Le retour à la normale s effectue par un refroidissement de l eau injectée. Cependant, les amibes dans lesquelles sont intégrées les légionelles peuvent résister à de hautes températures. Il est plus judicieux de combiner le choc thermique avec un traitement chimique : l injection de chlore associée au traitement thermique permettra de désinfecter complétement le réseau. Le chlore, biocide oxydant, est très souvent utilisé grâce son pouvoir désinfectant remarquablement élevé. De plus, cet agent chimique peu coûteux occasionne un impact environnemental modéré et maîtrisable et peut être utilisé pour traiter les eaux destinées à la consommation humaine (eaux potables). Cependant, certaines légionelles peuvent toujours subsister dans le biofilm, même après un tel traitement. Le nombre de Reynolds, indicateur des formes d'écoulement, peut néanmoins, en augmentant, conduire à un écoulement «turbulent» de l eau, arracher la biomasse, et ainsi libérer les bactéries du biofilm. Ce mécanisme est à la base de certains traitements, qui agissent directement sur le biofilm, et il permet de comprendre pourquoi un traitement chloré, même massif, ne supprime pas totalement les légionelles qui restent «accrochées» au biofilm, surtout si le temps de contact chlore/bactérie est insuffisant. Le traitement physique (comme la filtration membranaire) est moins pertinent, en raison de son efficacité limitée par rapport aux autres méthodes. Un autre principe de la prévention préconise aussi de mettre en place des mesures de protection des personnes confrontées au risque légionelle. L exploitant de l hôpital doit donner la priorité aux mesures de protection collective par rapport aux mesures de protection individuelle. Le personnel intervenant à proximité d une TAR d hôpital (pour des opérations de maintenance, d entretien, ou de nettoyage) doit être protégé de l exposition aux bactéries. Le personnel ne doit en outre intervenir que sur une tour à l arrêt, sauf en cas d impératif justifié par la nécessité de maintenir le fonctionnement de la tour. Le personnel ne peut de plus intervenir qu après un temps de latence afin de permettre aux gouttelettes d eau de se déposer et de ne pas se diffuser et infecter les personnes. Enfin, pour maîtriser le risque légionelle, il est également important de former et d informer le personnel et les équipes de maintenance des TAR dans les hôpitaux, pour qu ils aient conscience du danger lié à la contamination, ainsi qu aux bonnes conduites à tenir face à un tel risque. Des procédures d intervention doivent être rédigées et mises à disposition des intervenants et les interventions doivent être consignées dans un carnet de suivi pour assurer la traçabilité. Une bonne prévention en amont permettra ainsi de limiter la contraction et la transmission de la maladie. 6. CONCLUSION Les dernières épidémies de légionellose ont rappelé à quel point l opinion publique était sensibilisée sur le sujet et ont montré que l entretien de ces systèmes aéroréfrigérants doit être efficace en tout temps. Les conséquences liées à une prolifération de légionelles au sein des TAR d un hôpital peuvent être désastreuses, notamment en ce qui concerne la santé des patients et l image de l établissement en termes d hygiène. Aujourd hui, les établissements de santé ont pris conscience d un risque qui est longtemps resté peu connu, presque inconnu. Le renforcement des réglementations et l application des mesures préconisées permettent de mieux protéger le milieu hospitalier, milieu où la vulnérabilité des personnes est au plus haut. En réalité, seule l effectivité des bonnes pratiques en termes de gestion du risque (matérialisées par les neuf principes de la prévention), de surveillance, d entretien et de contrôle pourra être garante de la sécurité de ces personnes. La prévention de la légionellose repose sur une surveillance environnementale et clinique. La surveillance environnementale nécessite un programme d'entretien régulier des réseaux (nettoyage pour éliminer le tartre notamment), une circulation permanente de l'eau avec élimination des bras morts et une température suffisamment forte de l'eau. L objectif cible dans les établissements de santé est de maintenir la concentration en légionelles inférieure à 10 3 UFC par litre d eau. Les propriétaires des tours aéroréfrigérantes doivent également appliquer un protocole de nettoyage et d'entretien de ces tours. L'éradication des légionelles dans l'eau reste difficile. Néanmoins, les bactéries peuvent être tuées soit par choc thermique, soit par choc chimique (par choc chloré ponctuel ou par chloration continue), ou soit par une combinaison des deux, plus efficace. La surveillance clinique est également primordiale. Lors de la survenue d un cas de légionellose d origine nosocomiale probable, il est recommandé de mettre en place une surveillance clinique de tous les patients hospitalisés susceptibles d avoir été exposés, afin de mettre en œuvre très rapidement le traitement approprié si cela s avère nécessaire. La déclaration immédiate des cas communautaires permettra d identifier le plus rapidement possible des cas liés ou groupés. Finalement, les mesures préventives, protectives et curatives contre le risque légionelle sont multiples. Il suffit alors que les exploitants des établissements de santé soient suffisamment impliqués dans la prévention de la légionellose et qu ils s assurent que les mesures soient correctement appliquées. Ces mesures de prévention permettront des avancées significatives concernant la gestion d un tel risque dans le milieu hospitalier.

H. Blanchais et al. / PSIR SEP (2015) 9 REFERENCES [1] LEGIONELLA, agent de la Légionellose. INRS. [En ligne] septembre 2011. [Citation : 21 novembre 2014.] http://www.inrs.fr/eficatt/eficatt.nfs/(alldocparref)/fcl EGIONELLOSE?OpenDocument. [2] Bouyer, Sabrina, et al. Long-term survival of Legionella pneumophila associated with Acanthamoeba castellanii vesicles. Poitiers : Environ. Microbiol., 2007. [3] Flemming, Hans-Curt et Walker, John T. Contamination potential of biofilms in water distribution systems. Water Supply. IWA Publishing, 2002, Vol. 2, 1. [4] Micollier, Anne. Analyse du risque légionelle lié aux tours aéroréfrigérantes pour les sites Michelin France, suite aux arrêtés du 13 décembre 2004. Rennes : Ecole Nationale de la Santé Publique, 2005. [5] Agence Régionale de Santé. Maîtrise du risque de développement des légionelles dans les réseaux d'eau chaude sanitaire. Marne-la-Vallée : CSTB Editions, 2012. ISBN 2-86000-xxx-x. [6] Konsihi, Tadashi, et al. Influence of Temperature on Growth of Legionella pneumophila biofilm determined by precise temperature gradient incubator. Journal of bioscience and bioengineering. The Society of Biotechnology, 2006, Vol. 101, 6. [7] Balty, Isabelle, Bayeux-Dunglas, Marie-Cécile et Dornier, Graziella. Les légionelles en milieu de travail. Point des connaissances. INRS, 2006, Vol. 5012. [8] Mounier, Marcelle. Légionelles. [PowerPoint] Limoges : CHU de Limoges, 2001. [9] Cazalet, Christel et Buchrieser, Carmen. Qu'apprend-on du génome de Legionella pneumophila? Médecine sciences. 2005, Vol. 21, 5. [10] Institut Pasteur. Légionellose - Institut Pasteur. [En ligne] janvier 2013. [Citation : 3 décembre 2014.] http://www.pasteur.fr/ip/easysite/pasteur/fr/presseold/fiches-sur-les-maladies-infectieuses/legionellose. [11] Squinazi, Fabien. Gestion du risque lié aux légionelles. Paris : Conseil Supérieur d'hygiène Publique de France, 2001. [12] Hamon. Guide des bonnes pratiques Legionella et tours aéroréfrigérantes. Paris : Ministères en charge de la Santé, de l'industrie et de l'environnement, 2001. [13] Institut de Veille Sanitaire. Légionellose. INVS "observer, surveiller, alerter". [En ligne] 2 octobre 2004. [Citation : 4 décembre 2014.] http://www.invs.sante.fr/dossiersthematiques/maladies-infectieuses/maladies-adeclaration-obligatoire/legionellose/comment-signaleret-notifier-cette-maladie.