L O G E M E N T INDIGNE -Dominique CHARIN, Conseillère juriste ADIL 26 -Nelly ARGOUD élève-avocate ADIL 26
Quelques notions à ne pas confondre Certaines notions ne doivent pas être confondues. D un côté les définitions sont distinctes, de l autre les mécanismes sont différents.
Insalubrité, péril, infractions au RSD Définitions
L INSALUBRITE Articles L.1311-23 à L.1331-31 et L1336-3 du CSP L insalubrité est une notion réglementaire, définie dans le Code de la Santé Publique par la notion de danger grave pour la santé des occupants et des voisins, de tout immeuble bâti ou non, vacant ou non, du fait de son état ou de ses conditions d occupation. Il existe deux principaux facteurs d insalubrité: un bâti et/ou un équipement dégradé (humidité, risques d'incendie, chauffage défectueux avec risque d'intoxication au monoxyde de carbone etc.) des conditions anormales d occupation du logement (mauvais usage, surpeuplement, location d un local dépourvu d'ouverture sur l'extérieur).
L'insalubrité d'un logement peut être évaluée à la lumière d une liste de 29 critères concernant l'hygiène et la santé, notamment : la superficie totale du logement (un logement de moins de 9m2 et d'une hauteur sous plafond inférieure à 2m20 est jugé insalubre) l état du bâti : murs fissurés, escaliers ou sols instables, humidité importante les installations sanitaires (absence d'arrivée d'eau potable, d'eau chaude ou de siphon d'évacuation des eaux, absence de douche et de toilettes séparées de la cuisine et de la pièce principale) l'installation électrique (si l installation n'est pas aux normes ou ne fonctionne pas) le chauffage (si l installation ne permet pas un chauffage suffisant) les matériaux (présence d'amiante ou de plomb) l'absence d'ouverture donnant sur l'extérieur etc
Pour chaque critère, on mesure le degré d'insalubrité d'un logement en fonction du risque pour la santé des occupants ou du voisinage par exemple : Un raccordement non étanche, une fuite de gaz ou un trop fort taux d'humidité peuvent engendrer une intoxication au dioxyde/monoxyde de carbone, un incendie, des allergies etc. La présence de matériaux dangereux constitue un risque de saturnisme ou de problèmes cancéreux. Le traitement d une plainte d insalubrité avérée est un moyen de l action publique pour lutter contre l habitat indigne et fait l objet d un arrêté préfectoral après enquête d insalubrité des agents de la DDASS ou du SCHS. Compétence : Préfet
PERIL Article 511-1 à 511-4 du CCH Le péril concerne tout élément bâti (mur, immeuble occupé ou non, partie d immeuble). Les désordres constatés doivent porter atteinte à la solidité de l édifice ou de certains de ses éléments intérieurs (plafonds, planchers, escaliers intérieurs) ou extérieurs et créer un risque pour la sécurité des occupants et/ou du public. Le péril existe encore lorsque, d une manière générale, il n offre pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique. La procédure de péril relève d une compétence municipale : seul le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices menaçant ruine. En cas d'arrêté d'insalubrité ou de péril, en application du décret du 30 janvier 2002, le logement qui fait l'objet d'un arrêté d'insalubrité ou de péril ne peut être considéré comme un logement décent. Compétence : Maire
Les manquements au Règlement Sanitaire Départemental (RSD) On parle encore de manquements aux règles d habitabilité et d hygiène. Un logement, malgré un gros œuvre solide et sain, peut comporter des défauts, susceptibles de créer des gênes, nuisances, des manquements aux règles d hygiène et d habitabilité. Le RSD permet une action plus large en prenant en compte, les règles sanitaires, l environnement et les conditions d occupation du logement : ventilation et éclairement des locaux, alimentation en eau potable, installation de chauffage etc. Le RSD est le texte de référence pour imposer des prescriptions en matière d hygiène et de salubrité aux activités qui ne relèvent pas du champ d application de la loi du 19 juillet 1976. Remplacé petit à petit par des décrets de portée nationale et non spécifique à chaque département, le RSD demeure d actualité sur les points suivants : locaux d habitation et assimilés, dispositions applicables aux bâtiments autres que ceux à usage d habitation et assimilés, élimination des déchets et mesures de salubrité générale, prescriptions applicables aux activités d élevage et autres activités agricoles Le RSD s attache aux manquements à la salubrité que le responsable soit : - propriétaire bailleur ; - locataire ; - propriétaire occupant ; - ou que le logement soit vacant. Compétence : Maire.
LE LOGEMENT DECENT Définition
PRINCIPE: UN LOGEMENT DECENT Article 6 loi 6.07.89, Loi SRU, Décret 30.01.2002 Le principe de décence s impose au propriétaire bailleur dans le cadre d une location. Ce principe de décence découle de plusieurs textes: La loi du 6 juillet 1989 (n 89-462), article 6 «est décent le logement qui ne laisse pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou la santé et doté des éléments le rendant conforme à l usage d habitation». La Loi Solidarité et Renouvellement Urbain (Loi SRU du 13 décembre 2000 ) selon laquelle le locataire peut exiger du bailleur la mise en état de décence de son logement.
Article 187 2 de la Loi SRU: Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. «Les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en Conseil d'etat pour les locaux à usage d'habitation principale ou à usage mixte mentionnés au premier alinéa de l'article 2 et les locaux visés au deuxième alinéa du même article, à l'exception des logements-foyers qui sont soumis à des réglementations spécifiques.» Un décret d application de cet article 187 du 30 janvier 2002, prohibe d une part la location par un propriétaire de logements qui ne présentent pas des caractéristiques décentes d habitation et précise d autre part les caractéristiques du logement décent.
Un logement est décent s il: ne présente pas de risques manifestes pour la sécurité physique des occupants ne présente pas de risques manifestes pour la santé des occupants est doté des équipements habituels permettant d y habiter, vivre normalement. Le logement est décent par exemple lorsqu il: assure le clos et le couvert du logement met en place des dispositifs de retenue des personnes(garde-corps des fenêtres, escaliers) dispose de réseaux et branchements d'électricité et de gaz et d équipements de chauffage, de production d'eau chaude conformes aux normes de sécurité bénéficie de dispositifs d'ouverture et de ventilation des logements permettant un renouvellement de l'air
Le décret précise encore certains éléments d équipement et de confort que le logement doit contenir pour être décent, notamment: 1. Une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d'alimentation en énergie et d'évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement. Pour les logements situés dans les départements d'outre-mer, il peut ne pas être fait application de ces dispositions lorsque les conditions climatiques le justifient ; 2. Une installation d'alimentation en eau potable assurant à l'intérieur du logement la distribution avec une pression et un débit suffisants pour l'utilisation normale de ses locataires; 3. Des installations d'évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ; 4. Une cuisine ou un coin cuisine aménagé de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé à une installation d'alimentation en eau chaude et froide et à une installation d'évacuation des eaux usées ; etc
A RETENIR Un logement indécent n est pas automatiquement insalubre (ex : présence d infiltrations d eau) Un logement insalubre ou présentant des manquements à l hygiène ou à l habitabilité est indécent (présence de plomb, absence d alimentation en eau potable, dégradation de la structure du bâtiment). 2 modes de règlement des litiges: Le mode amiable: saisine de la Commission départementale de conciliation Le contentieux: saisine du Tribunal d instance. Le juge déterminera la nature des travaux à réaliser, le délai de leur exécution. Le juge peut réduire le montant du loyer ou de suspendre, avec ou sans consignation, le paiement du loyer et la durée du bail jusqu à l exécution des travaux.
JURISPRUDENCE EN MATIERE DE LOGEMENT DECENT
Nature de l équipement de chauffage L'existence d'une cheminée dans le salon, d'un convecteur dans la salle d'eau et d'un poêle à bois et charbon dans la cuisine ne permettent pas d'assurer un chauffage normal. Le bailleur devra procéder à une nouvelle installation de chauffage. Dans cette affaire, les preneurs avaient pourtant une parfaite connaissance des lieux loués, dont ils avaient été propriétaires jusqu'à la vente de l'immeuble ancien aux enchères publiques (CA Nîmes 29 janv. 2004). N'a pas été jugé indécent le logement dont le système de chauffage est constitué d'un poêle à bois, de convecteurs électriques, d'un panneau radiant et d'un radiateur à bain d'huile (CA Dijon, 5 janv. 2006).
Installation de chauffage non dangereuse Compte tenu des graves anomalies affectant l'installation d'un chauffage au fuel qui avait fait l'objet d'une mise en demeure du bailleur décrivant "une situation intolérable" avec "risque important d'intoxication au monoxyde de carbone" mettant en danger la vie du locataire et de ses enfants, la cour d'appel a estimé qu'elles étaient contraires à la décence, les résultats négatifs d'émanation de CO2 n'excluant pas tout risque d'intoxication (CA Lyon, 6 sept. 2005).
Preuve de l'insuffisance du système de chauffage Pour apporter la preuve que le logement n'est pas décent en raison de l'insuffisance du système de chauffage, tous les éléments d'équipement de chauffage mentionnés à l'état des lieux doivent être pris en compte. Le procès verbal de l'huissier de justice qui ne retient que le poêle à bois pour faire la preuve d'une température insuffisante alors que le logement comporte des convecteurs électriques dans le séjour et dans les chambres ne fait pas la preuve de l'insuffisance du système de chauffage (CA Dijon, 5 janv. 2006). N'a pas été jugée insuffisante une installation de chauffage pour un logement lorsque l'on peut demander le réglage de la chaudière, même collective, et ce, en dépit de l'absence de radiateurs dans la salle d'eau et la cuisine (CA Bordeaux, 6 avril 2006). Néanmoins, le fonctionnement de la chaudière et des radiateurs défectueux obligeant le locataire à recourir à un chauffage d'appoint est facteur de nondécence (CA Paris, 10 mars 2005), tout comme la présence dans les locaux du deuxième étage d'un seul convecteur électrique pour alimenter la salle de bains, tandis que les autres pièces sont dépourvues de chauffage (CA Besançon, 22 nov. 2005).
Absence de système de chauffage fixe Se plaignant de problèmes d'humidité affectant le logement, un locataire, suspend le paiement de ses loyers. Il sollicité la désignation d'un expert judiciaire. L expert dépose son rapport et conclut à la réalité des désordres concernant humidité et condensation et indique que le logement ne peut, au sens de la loi SRU du 13 décembre 2000, être considéré comme un logement décent. Contrairement au juge de première instance, la Cour d appel de Lyon retient le caractère indécent du logement qui s'en trouve donc impropre à l'habitation et qui interdit au juge, de prononcer l'expulsion de son occupant. En effet, le logement occupé par le preneur est indécent au sens de la loi SRU du 13 décembre 2000 dans la mesure où il ne comporte ni système de ventilation ou aération nécessaire, situation entraînant des phénomènes de moisissures importants, ni système de chauffage fixe, le remplacement des anciennes huisseries en bois par des menuiseries PVC et du bac à douche par le propriétaire n'ayant pas suffit à rendre le logement décent (CA Lyon, 24 juillet 2012).
Les convecteurs électriques ne permettent pas un chauffage suffisant Le bailleur avait donné en location meublée à son locataire, un mobil-home. Les relations entre les parties se sont dégradées et le preneur a finalement quitté les lieux loués. Par exploit d huissier de justice, le bailleur a été assigné devant le Tribunal d'instance en nullité du bail et en remboursement des loyers versés. Antérieurement, à la saisine du juge, une enquête avait été effectuée par le service Santé-environnement de la DDASS. Il ressortait que le mobil-home n était pas conçu pour loger une famille à l'année et qu'il existait toujours des anomalies telle celle résultant d une isolation insuffisante et de convecteurs électriques ne permettant pas un chauffage suffisant en période de grand froid. La Cour d appel d Aix-en-Provence dans son arrêt du 9 février 2012 applique les dispositions des articles 6, alinéas 1 et 2, et 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 aux logements meublés conformément à article 2 de la même loi. La Cour rappelle que conformément à ces textes, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent répondant aux caractéristiques prévues par le décret du 30 janvier 2002 et assurant sa sécurité physique. Méconnaît cette obligation de délivrance d'un logement décent le bailleur qui loue un mobil-home alors que ce dernier n'est pas conçu pour loger une famille à l'année, qu'il est assorti de nombreux désordres et anomalies et que les conditions de sécurité ne sont pas respectées.