par Karl Farcnik, B. Sc., M.D., FRCP(C) et Michelle Persyko, PsyD, CPysch.



Documents pareils
IMMED Monitoring vidéo porté

Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS)

e-santé du transplanté rénal : la télémédecine au service du greffé

L abus médicamenteux Critères IHS : 1. La prise médicamenteuse est régulière et dure depuis plus de 3 mois

Agenda. Prevalence estimates in France PAQUID 23/11/14. Workshop Innovation Alzheimer 6 Novembre Atelier BANQUE NATIONALE ALZHEIMER

Définition, finalités et organisation

TRAUMATISME CRANIEN DE L ENFANT : conduite à tenir?

sous-estimée et sous-diagnostiquée

La prise en charge de votre épilepsie

Vertiges et étourdissements :

Migraine et Abus de Médicaments

QUESTIONNAIRE SUR LE TROUBLE DE L ACQUISITION DE LA COORDINATION (QTAC) Martini, R et Wilson, BN

Questions / Réponses. Troubles du sommeil : stop à la prescription systématique de somnifères chez les personnes âgées

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

La schizophrénie est une maladie évolutive; elle comporte 5 phases, qui se succèdent souvent dans l ordre 2 :

Présentation: Aline Mendes

Les maladies vasculaires cérébrales

Dr Julie Dauphin, Ph.D. Psychologue clinicienne

Trouble bipolaire en milieu professionnel: Du diagnostic précoce àla prise en charge spécialisée

Qu est-ce que la maladie de Huntington?

«Boire un verre de vin par jour augmente la longévité.»

(septembre 2009) 30 %

L hépatite C pas compliqué! Véronique Lussier, M.D., F.R.C.P.C. Gastroentérologue Hôpital Honoré-Mercier 16 avril 2015

9.11 Les jeux de hasard et d argent

Dangers potentiels d Internet et des jeux en ligne

L obésité et le diabète de type 2 en France : un défi pour la prochaine décennie. DANIEL RIGAUD CHU de Dijon

Chapitre 1 : Introduction à la rééducation périnéale

Céphalées de tension. Hélène Massiou Hôpital Lariboisière, Paris

Votre guide des définitions des maladies graves de l Assurance maladies graves express

Medication management ability assessment: results from a performance based measure in older outpatients with schizophrenia.

Céphalées vues aux Urgences. Dominique VALADE Centre d Urgence des Céphalées Hôpital Lariboisière PARIS

Les nouveaux anticoagulants oraux, FA et AVC. Docteur Thalie TRAISSAC Hôpital Saint André CAPCV 15 février 2014

Permis de conduire et maladie d Alzheimer. Denise STRUBEL Service de Gérontologie et Prévention du Vieillissement CHU Nîmes

La prise en charge de votre insuffisance cardiaque


Nouvelles addictions. Dr Marie VERSCHAVE Praticien hospitalier Service de médecine interne E et addictologie

Cancer bronchique primitif: données épidémiologiques récentes

admission aux urgences

TDAH ET LA CONDUITE AUTOMOBILE

Sommeil et sport Dr. Arnaud PRIGENT (Pneumologue à St LAURENT) sport et sommeil 01/06/2010

Le jeu pathologique en Suisse: quelques données épidémiologiques*

Sophie Blanchet, Frédéric Bolduc, Véronique Beauséjour, Michel Pépin, Isabelle Gélinas, et Michelle McKerral

L hôpital de jour ( HDJ ) en Hôpital général Intérêt d une structure polyvalente? Dr O.Ille Centre hospitalier Mantes la Jolie, Yvelines

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

SOMMAIRE I. INTRODUCTION 4 II. SOURCES D INFORMATION 5

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

«Les jeux en ligne, quelle influence en France?»

CONTROVERSE : IDR OU QUANTIFERON LORS D'UN CONTAGE EN EHPAD?

SURVEILLANCE EPIDEMIOLOGIQUE DES TMS EN ENTREPRISES : LES RESULTATS DU SUIVI A TROIS ANS DE LA COHORTE COSALI

Les personnes âgées et le système de santé : quelles sont les répercussions des multiples affections chroniques?

Rapport 2014 sur la lutte contre la tuberculose dans le monde

Prise en charge de l embolie pulmonaire

Diabète de type 1 de l enfant et de l adolescent

Santé mentale au travail Enjeu Clinique ou de Leadership? Maladie ou blessure?

Les tests génétiques à des fins médicales

o Anxiété o Dépression o Trouble de stress post-traumatique (TSPT) o Autre

Pacte européen pour la santé mentale et le bien-être

La migraine. Foramen ovale perméable. Infarctus cérébral (surtout chez la femme)

Service d Urologie - Hôpital de la Conception - APHM. 2. Service de Gynécologie Obstétrique - Hôpital de la Conception - APHM. 3

SOIXANTE-SEPTIÈME ASSEMBLÉE MONDIALE DE LA SANTÉ A67/18 Point 13.5 de l ordre du jour provisoire 21 mars Psoriasis. Rapport du Secrétariat

Télé-expertise et surveillance médicale à domicile au service de la médecine générale :

Céphalées. 1- Mise au point sur la migraine 2- Quand s inquiéter face à une céphalée. APP du DENAISIS

La prise en charge d un trouble dépressif récurrent ou persistant

Enquête de Santé par Interview Belgique 2001

Une échelle d évaluation semistructurée. B. Gravier

Trucs du métier. L arthrite psoriasique en l absence du psoriasis. clinicien@sta.ca. Avez-vous un truc? Son épidémiologie et son expression

L APS ET LE DIABETE. Le diabète se caractérise par un taux de glucose ( sucre ) trop élevé dans le sang : c est l hyperglycémie.

PROGRESSEZ EN SPORT ET EN SANTÉ. Mieux vivre avec ma maladie chronique, Me soigner par l activité physique Programmes Santé

Hépatite C une maladie silencieuse..

iceps 2015 Objectifs de la Présentation Efficacité des Thérapies Comportementales et Cognitives pour les Troubles Mentaux Swendsen

LA MÉTHAMPHÉTAMINE LE CRYSTAL C EST QUOI

REPOUSSER LES LIMITES DE LA CHIRURGIE BARIATRIQUE DANS LES OBESITES MASSIVES AVEC COMORBIDITES

Évaluation du risque cardiovasculaire dans le contexte de l hypertension artérielle et de son traitement

Approche centrée e sur le patient

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

testez-vous! Préparez vos partiels en toute sénérité!

La prise en charge de l AVC ischémique à l urgence

les télésoins à domicile

Référentiel Officine

déclarations d assurabilité en cas d accident (invalidité ou soins hospitaliers)

INFORMATION À DESTINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ LE DON DU VIVANT

Compte rendu d hospitalisation hépatite C. À partir de la IIème année MG, IIIème années MD et Pharmacie

SONDAGE AUPRÈS DES INFIRMIÈRES

Consensus Scientifique sur. les. Champs statiques

admission directe du patient en UNV ou en USINV

L hôpital de jour de gériatrie

Arthralgies persistantes après une infection à chikungunya: évolution après plus d un an chez 88 patients adultes

La prise en charge d un trouble bipolaire

Faites marcher votre cerveau, il a besoin d exercice!

N o de contrat : Je demande par la présente une révision de la surprime concernant le numéro de contrat susmentionné. Signé à ce jour de 20

Prévention des chutes

Traumatisme crânien léger (TCL) et scolarité

Controverse UDM télésurveillée Pour. P. Simon Association Nationale de Télémédecine

Programme «maladie» - Partie II «Objectifs / Résultats» Objectif n 2 : développer la prévention

L addictologie hospitalière de liaison

Revue de la littérature

Diabète Type 2. Épidémiologie Aspects physiques Aspects physiologiques

N.-B. 18 à 34 24,3 28,1 20,1 24,4. 35 à 54 36,7 23,0 31,6 49,3 55 à 64 18,7 18,7 21,3 16,9 65 et plus 20,3 30,2 26,9 9,4

CE QU IL FAUT SAVOIR PARTICIPATION À UN ESSAI CLINIQUE SUR UN MÉDICAMENT

Transcription:

L association entre l usage de l alcool et la démence chez les personnes âgées L association entre l usage de l alcool et la démence est complexe et elle est souvent incomprise. Des études démontrent que la consommation modérée d alcool exerce un effet protecteur contre l apparition de la maladie d Alzheimer et de la démence vasculaire. La consommation abondante augmente toutefois le risque de contracter une démence vasculaire et une démence liée à l alcool, mais non celui de contracter la maladie d Alzheimer. Les cliniciens doivent savoir comment diagnostiquer et traiter les problèmes d alcool, en particulier chez les personnes âgées. par Karl Farcnik, B. Sc., M.D., FRCP(C) et Michelle Persyko, PsyD, CPysch. Le D r Farcnik est professeur adjoint de psychiatrie à l Université de Toronto. Le D r Persyko est psychologueconseil au Réseau universitaire de la santé, division Ouest. La relation entre l usage de l alcool et la démence chez les personnes âgées est complexe. En effet, l usage modéré de l alcool peut avoir un effet protecteur contre l apparition de la démence. Toutefois, la consommation excessive a été associée à un risque accru de démence chez les personnes âgées. En considérant le fait qu entre 2 % et 10 % des personnes âgées abusent de l alcool ou en dépendent 1, le retentissement social d un tel comportement est important 2. Pour cette raison, il importe que les cliniciens connaissent le taux de consommation d alcool de leurs patients et la manière dont elle peut agir sur leur fonctionnement cognitif. Le présent article s attachera à définir la consommation d alcool et à décrire la relation entre l usage de l alcool et différents types de démence. On abordera différentes questions dont celle du tableau clinique de l alcoolisme, celle des investigations pertinentes à effectuer et celle des interventions thérapeutiques nécessaires. Il convient de noter que la compréhension que l on a actuellement dans le domaine est limitée et que cette ignorance partielle a des répercussions sur les conclusions et les recommandations que l on peut y faire. La question de la consommation d alcool La question de savoir si l alcool est bénéfique ou nuisible dépend de la quantité consommée. À ce chapitre, les personnes âgées présentent une tolérance inférieure aux jeunes personnes. Typiquement, l alcoolémie, soit la concentration d alcool dans le sang, est plus élevée chez les personnes âgées que chez les jeunes personnes pour un certain nombre de raisons, y compris la diminution du métabolisme et du débit sanguin, la réduction de la masse corporelle maigre et la baisse de la quantité d eau corporelle 3. Les La Revue canadienne de la maladie d Alzheimer Janvier 2005 13

femmes présentent une tolérance inférieure aux hommes en raison d un ralentissement important de leur métabolisme. En faisant la recension de la documentation scientifique existante, les auteurs ont constaté que deux facteurs compliquent la comparaison des données. En effet, la définition de la consommation abondante d alcool diffère d une étude à l autre 4. De plus, la définition de personne âgée peut varier dans une plage d âge entre 50 ans à 75 ans. La consommation passant de légère à modérée est fréquemment définie comme se situant entre un et trois verres par jour. Toutefois, aux États-Unis, la consommation de plus de deux verres par jour est considérée comme abondante et l ingestion de plus de cinq verres par jour est jugée extrêmement abondante 5. Ces définitions se compliquent davantage par le fait qu un verre normal n a pas la même quantité d alcool selon le pays où l étude a été réalisée, car la quantité varie en effet de huit à treize grammes d alcool par verre. La relation entre l usage de l alcool et la démence La relation entre l usage de l alcool et la démence est complexe et souvent incomprise. La démence peut être soit directement causée par la consommation d alcool, soit indirectement causée par l usage de l alcool dans le cas des démences liées à l alcool. Cette définition a été proposée et validée par Oslin 6,7. La démence liée à l alcool se définit comme «une La question de savoir si l alcool est bénéfique ou nuisible dépend de la quantité consommée. À ce chapitre, les personnes âgées présentent une tolérance inférieure aux jeunes personnes. Typiquement, l alcoolémie, soit le taux d alcool dans le sang, est plus élevée chez les personnes âgées que chez les jeunes personnes pour un certain nombre de raisons, y compris la diminution du métabolisme et du débit sanguin, la réduction de la masse corporelle maigre et la baisse de la quantité d eau corporelle 3. Les femmes présentent une tolérance inférieure aux hommes en raison d un ralentissement important du métabolisme. détérioration importante de la fonction cognitive, suffisante pour entraver le fonctionnement social ou professionnel». La définition se subdivise en démence probablement et possiblement liée à l alcool selon l association entre l usage de l alcool et la démence ainsi que d autres constatations dont les symptômes physiques et neurologiques. Il existe aussi des catégories dans la définition, y compris la démence mixte, où plusieurs causes peuvent entrer en jeu et où l alcool est un facteur contributif. L usage de l alcool peut soit exercer un effet protecteur contre l apparition des autres formes de démence dont la maladie d Alzheimer et la démence vasculaire qui peuvent constituer un facteur de risque pour les maladies en question. D après la documentation scientifique actuelle 6, la démence liée à l alcool a toutes sortes de causes, dont certaines sont décrites dans le présent article. L encéphalopathie de Wernicke- Korsakoff est la forme la plus courante de démence liée à l usage de l alcool 8 et elle est associée aux symptômes suivants; le délire, le déficit de la mémoire, la confusion, et à des signes cliniques, dont l ophtalmoplégie et l ataxie. Toutefois, il convient de noter que l encéphalopathie de Wernicke- Korsakoff est souvent dépourvue de manifestations spécifiques. La pellagre est une affection rare associée à une carence en niacine et se manifeste dans les premiers stades par des symptômes semblables à ceux d une maladie physique ou d une dépression. Parmi les symptômes les plus concluants, on compte la confusion, les hallucinations, la paranoïa, la faiblesse spastique et la positivité du signe de Babinski. Très rare et touchant principalement les hommes, la maladie de Marchiafava-Bignami est associée à la dégénérescence du corps calleux ainsi qu à des manifestations variables. Le diagnostic de cette affection est ardu et, même si la tomodensitographie ainsi que l imagerie par résonance magnétique aident à clarifier le tableau clinique, le diagnostic est typiquement effectué en post-mortem. 14 La Revue canadienne de la maladie d Alzheimer Janvier 2005

Toutes ces affections sont largement liées à des carences nutritives secondaires causées par une consommation abondante d alcool. Parmi les démences liées à l alcool, on compte la démence directement causée par la consommation d alcool, quoique que l existence même du phénomène prête encore à controverse 8. Cette controverse est attribuable au fait qu il a été impossible de définir cliniquement ce type de démence comme entité distincte de la symptomatologie de l encéphalopathie de Wernicke- Korsakoff et que ce type de démence n est pas une preuve de maladie neurologique précise. Les répercussions de l alcool comme facteur de risque pour d autres démences sont déterminées par la quantité consommée. Dans une étude, on a rapporté que lorsque les personnes prenaient entre un et trois verres par jour, elles couraient un risque inférieur de contracter une démence que si elles faisaient preuve d abstinence 9. La consommation abondante d alcool tend cependant à augmenter le risque de contracter une démence, mais cette constatation n a pas été appuyée dans toutes les études. Dans un résumé d études épidémiologiques d envergure sur la maladie d Alzheimer, on n y retrouve point de relation apparente entre la consommation abondante d alcool et l accroissement du risque de contracter la maladie d Alzheimer 10. On a cependant noté que la consommation abondante d alcool augmente le risque de contracter une démence vasculaire 11,12. Les recherches génotypiques n ont pas été concluantes. Dans certaines études, on a démontré que les alcooliques présentant le génotype ApoE4 étaient exposés à un risque plus grand de contracter une démence que ceux qui étaient négatifs pour le génotype en question 13, quoiqu on ait observé le contraire dans d autres études 9. Il convient aussi de mentionner qu une étude effectuée à Bordeaux a indiqué que le fait de consommer jusqu à quatre verres de vin par jour diminuait le risque de contracter une démence 14. Des constatations similaires ont été signalées par Cervilla 15. Étant donné que cette quantité d alcool serait qualifiée d abondante, l explication la plus vraisemblable pour cette contradiction apparente tient au fait que le vin contient des composés neuroprotecteurs comme le resvératrol 16. Signes et symptômes de l abus d alcool L abus d alcool, tel qu il est défini dans le «Manuel diagnostique et statistiques des troubles mentaux, quatrième édition, texte révisé» (DSM IV-TR), survient lorsqu une personne connaît des difficultés dans divers domaines, dont à son travail, dans ses relations interpersonnelles, avec la loi et avec des problèmes attribuables à son comportement éthylique. Malgré ses difficultés, cette personne continuera à boire au même rythme. La dépendance à l alcool est associée à des symptômes de tolérance et de sevrage de même qu à la continuation de la consommation malgré des problèmes Dans une étude, on a rapporté que lorsque les personnes prenaient entre un et trois verres par jour, elles couraient un risque inférieur de contracter une démence que si elles faisaient preuve d abstinence 9. La consommation abondante d alcool tend cependant à augmenter le risque de contracter une démence, mais cette constatation n a pas été appuyée dans toutes les études. Dans un résumé d études épidémiologiques d envergure sur la maladie d Alzheimer, on n y retrouve point de relation apparente entre la consommation abondante d alcool et l accroissement du risque de contracter la maladie d Alzheimer 10. psychologiques ou physiques persistants ou récurrents causés par l alcool 17. Ces critères peuvent être difficiles à imposer aux personnes âgées qui sont à la retraite et plutôt isolées, car elles peuvent pourtant subir des conséquences négatives suite à leur comportement de consommation. Il existe de nombreuses conséquences directes et indirectes associées à la consommation abondante d alcool. C est pourquoi les cliniciens doivent se familiariser avec ces répercussions, en particulier lorsque le tableau clinique du patient permet de soupçonner l alcoolisme. La Revue canadienne de la maladie d Alzheimer Janvier 2005 15

Points de récapitulation La consommation modérée d alcool peut diminuer la prévalence de la maladie d Alzheimer et de la démence vasculaire. La consommation abondante d alcool constitue un facteur de risque pour la démence liée à l alcool et la démence vasculaire. Le traitement de l alcoolisme chez les personnes âgées peut conduire à une amélioration des symptômes cognitifs et aussi physiques. Il est important pour les médecins de comprendre comment diagnostiquer et traiter l alcoolisme chez les personnes âgées. Au nombre des signes et des symptômes de l alcoolisme, on y figure la cirrhose du foie, l hypertension, la maladie cardiaque, les troubles gastro-intestinaux et certains types de cancers. Parmi les signes neurologiques, on compte une neuropathie périphérique et une démarche évasée, et ils secondaires à une atrophie cérébelleuse. Enfin, les troubles psychiatriques associés peuvent comprendre l anxiété, la dépression et l insomnie. Les carences nutritives consécutives à la négligence alimentaire peuvent altérer la concentration de la vitamine B12 et celle de l acide folique. Les chutes récurrentes survenant pendant les périodes d intoxication sont associées à des traumas, y compris à des traumatismes crâniens et à des fractures 18. Investigations en laboratoire et évaluations cliniques Dans le cadre d une évaluation clinique, il est important pour les cliniciens d interroger les patients au sujet de l usage qu ils font de l alcool. Il ne fait pas de doute que l alcoolisme n est pas diagnostiqué. Un certain nombre de facteurs expliquent cette situation, notamment le manque de connaissance de la part du clinicien de même que le refus de la part du patient. La quantité d alcool consommée, la fréquence de la consommation de même que les symptômes qui répondent aux critères de l abus et de la dépendance doivent être abordés. On a aussi prouvé que certains instruments comme le questionnaire CAGE et le test MAST-G («test de dépistage de l alcoolodépendance du Michigan version gériatrique») sont valides dans les personnes âgées 19. Si on évalue un patient dément, les renseignements auxiliaires que le questionnaire et le test permettent de recueillir sont très importants pour le diagnostic. Les investigations laboratoires les plus couramment utilisées sont la détermination du taux de gamma-glutamyltransférase (GGT) et celle du volume globulaire moyen (VGM). La détermination de la concentration de la transferrine déficiente en hydrates de carbone (TDHC) est aussi utilisée. Ces marqueurs sont utiles dans le grand âge 2, puisqu ils permettent de montrer la présence d anomalies comparables à celles des jeunes alcooliques. Alcoolisme tardif par rapport à alcoolisme précoce Les données scientifiques montrent que les personnes qui connaissent des difficultés avec l alcool tard dans la vie (apparaissant après l âge de 45 ans) diffèrent de celles dont les problèmes se manifestent précocement (avant l âge de 25 ans). Ainsi, par exemple, on a montré dans une étude que les alcooliques tardifs étaient plus capables de parvenir à l abstinence, avaient moins besoin de désintoxications et présentaient une consommation d alcool moindre de même qu un plus petit nombre d affections psychiatriques comorbides que les alcooliques précoces. Ces différences contribuent à l amélioration du résultat thérapeutique 2. Recommandations thérapeutiques Des recherches limitées indiquent que le traitement des personnes âgées atteintes de troubles alcooliques peut être bénéfique 20. L hospitalisation est recommandée étant donné la présence d affections comorbides et le fait que le sevrage tend à se montrer plus intense et plus long chez les personnes âgées que chez les jeunes personnes. Le traitement aigu doit comprendre une stabilisation médicale, y compris le recours à la thiamine pour prévenir l encéphalopathie de Wernicke-Korsakoff. Les benzo- 16 La Revue canadienne de la maladie d Alzheimer Janvier 2005

diazépines sont aussi conseillées dans le cadre du sevrage. Une fois qu une personne a été stabilisée, il faut commencer un traitement psychologique, soit à domicile, soit en clinique externe. Les réunions des «Alcooliques anonymes» (AA) peuvent être utiles. Le choix entre l abstinence ou la minimisation des conséquences par la diminution de la consommation dépend de la capacité d une personne à maîtriser son ingestion d alcool. Une approche psycho-éducative auprès des personnes âgées est particulièrement importante étant donné la polypharmacie et les interactions possibles entre le métabolisme de l alcool et d autres drogues. Il importe de mentionner qu une fois qu une personne est capable de parvenir à l abstinence, il arrive souvent que la déficience cognitive présente un certain degré de réversibilité 21. Conclusions pratiques Il est important pour les cliniciens d évaluer la consommation d alcool chez les patients âgés qui les consultent. Il ne fait aucun doute qu il faudra d autres recherches pour corriger les incohérences entre les études actuelles, donner un surcroît de précision aux évaluations cliniques et comprendre les conséquences de la consommation d alcool. Utilisé avec modération, l alcool semble le plus vraisemblablement avoir un effet protecteur contre l apparition de la maladie d Alzheimer et de la démence vasculaire. Toutefois, la consommation abondante de cette substance conduit à un accroissement du risque de contracter une démence liée à l alcool et une démence vasculaire. La relation de l alcool avec la maladie d Alzheimer est cependant moins claire. Les séquelles physiques constituent aussi un aspect important de l alcoolisme. Cette consommation abusive doit être soumise à des stratégies thérapeutiques qui pourront éventuellement mener à une amélioration importante de la fonction cognitive et des symptômes physiques. Par ailleurs, les cliniciens doivent savoir comment diagnostiquer et traiter les problèmes d alcool, en particulier chez les personnes âgées. Références 1. Rigler S. Alcoholism in the elderly. Am Fam Physician 2000; 6(6): 1710-6. 2. Wetterling T, Veltrup C, John U, et al. Late onset alcoholism. Eur Psychiatry 2003; 18:112-8. 3. Kalant H. Pharmacological interactions of ageing and alcohol. In: Gomberg ESL, Hegadus AM, Zucker RA (eds). Alcohol problems and ageing. Research monograph no. 33. US Department of Health and Human Service, Bethesda, USA, 1998; pp. 99-116. 4. Whelan G. Alcohol: a much neglected risk factor in elderly mental disorders. Curr Opin Psychiatry 2003; 16:609-14. 5. Perreira KM, Sloan FA. Excess alcohol consumption and health outcomes: A 6 year follow-up of men over age 50 from the Health and Retirement Study. Addiction 2002; 97:301-10. 6. Oslin D, Atkinson RM, Smith DM, et al. Alcohol related dementia: proposed clinical criteria. Int J Geriatr Psychiatry 1998; 13:203-12. 7. Oslin DW, Cary MS. Alcohol-related dementia: validation of diagnostic criteria. Am J Geriatr Psychiatry 2003; 11(4):441-7. 8. Victor M. Alcoholic dementia. Can J Neurol Sci 1994; 21:88-99. 9. Ruitenberg A, van Swieten JC, Witteman JC, et al. Alcohol consumption and the risk of dementia: the Rotterdam Study. Lancet 2002; 359:281-6. 10. Tyas SL. Alcohol use and the risk of developing Alzheimer s Disease. Alcohol Res Health 2001; 25(4): 299-306. 11. Lindsay HR, Verreault J, Rockwood K, et al. Vascular dementia: incidence and risk factors in the Canadian study of health and aging. Stroke 2000; 31(7):1487-93. 12. Skoog I. Status of risk factors for vascular dementia. Neuroepidemiology 1998; 17(1):2-9. 13. Mukamal J, Kuller LH, Fitzpatrick A, et al. Prospective study of alcohol consumption and risk of dementia in older adults. JAMA 2003; 289(11):1405-13. 14. Orgogozo JM, Dartigues JF, Lafont S, et al. Wine consumption and dementia in the elderly: a prospective community study in the Bordeaux area. Rev Neurol 1997; 153:185-92. 15. Cervilla JA, Prince M, Mann A. Smoking, drinking and incident cognitive impairment: a cohort community based study included in the Gospel Oak project. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2000; 68:622-6. 16. Bastianetto S, Zheng WH, Quirion R. Neuroprotective abilities of resveratol and other red wine constituents against nitric oxide-related toxicity in cultured hippocampal neurons. Br J Pharmacol 2000; 131(4):711-20. 17. American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. Fourth Edition. American Psychiatric Association, Washington, DC, 2000. 18. Smith, JW. Medical manifestations of alcoholism in the elderly. Int J Addictions 1995; 30(13&14):1749-98. 19. Joseph CL, Ganzini L, Atkinson RM. Screening for alcohol use disorders in the nursing home. J Am Geriatr Soc 1995; 43:368-73. 20. O Connell H, Chin A, Cunningham C, et al. Alcohol use disorders in elderly people-redefining an age old problem in old age. BMJ 2003; 327:664-7. 21. Carlen PL, Wilkinson DA. Reversibility of alcohol-related brain damage: Clinical and experimental observations. Acta Med Scand 1987; 717(Suppl):19-26. La Revue canadienne de la maladie d Alzheimer Janvier 2005 17