Le dossier médical et le secret professionnel

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Transcription:

Le dossier médical et le secret professionnel Par Me Francis TEHEUX et Me Jean-François HENROTTE I. La tenue d un dossier médical L obligation de tenir un dossier médical pour chaque patient est à la fois une obligation déontologique et une obligation légale. En effet : l article 38 du code de déontologie dispose que le médecin doit en principe tenir un dossier médical pour chaque patient ; l article 15 de la loi coordonnée sur les hôpitaux impose de constituer pour chaque patient un dossier médical. II. Les droits du patient sur le dossier médical 1) Les principes applicables a. Le secret médical L article 458 du code pénal sanctionne toute violation du secret professionnel. C est évidemment le cas du secret médical. Les règles déontologiques s imposant aux médecins font une application de ce principe général au secret médical 1 Le secret professionnel auquel sont soumis les praticiens de l art de guérir vise la protection du patient 2. Cette obligation au secret s impose non seulement aux médecins mais également à toute autre personne qui, en raison de son état ou de sa profession, a connaissance de secrets qui lui ont été confiés, de sorte que le personnel soignant est incontestablement tenu aux mêmes secrets 3. b. Les droits de la défense Les droits de la défense constituent un principe fondamental, reconnu depuis longtemps par la jurisprudence et d ailleurs consacré par des conventions internationales 4, qui sont directement applicables en droit interne belge. 1 Code de déontologie médicale, articles 55 à 70. 2 Cass., 16 décembre 1992, Rev. Dr. Santé, 1996-97, p. 25 ; Cass., 19 janvier 2001, J.L.M.B., 2002/1, p. 24; http://www.cass.be/ 3 Cass., 9 février 1988, Pas. 1988, I, 662 ; http://www.cass.be/ 4 Convention internationale des droits de l homme, art. 6

Ce principe général peut être invoqué tant par le patient que par le médecin. Le droit du patient à la vérité sur son état de santé et à l information implique le droit d accès à son dossier 5 mais également le droit de se faire délivrer les données objectives du dossier, c est-à-dire les radiographies, clichés, résultats d examens, protocoles médicaux et même les notes dans les consultations médicales 6. Ce droit du patient est «incontestable lorsque le préjudicié met en cause la responsabilité professionnelle, pénale ou civile du médecin qui l a soigné antérieurement» 7 Dans ce cas, le médecin a non seulement le droit mais le devoir de se libérer du secret professionnel chaque fois qu il y va de l intérêt majeur du patient 8. Le médecin peut lui-même invoquer ce principe général des droits de la défense. Ainsi, ne viole pas le secret professionnel le médecin contre lequel est intentée une action en responsabilité, lorsque, en assurant sa défense, il communique au Tribunal ou au Collège d experts des informations sur l état de santé de son patient 9 2) Le droit ou le devoir de révéler les secrets a. La production d un dossier en justice Le juge, lorsqu il existe des présomptions qu une partie ou un tiers détient un document contenant la preuve d un fait pertinent, peut ordonner que ce document soit déposé au dossier de la procédure 10. Cette règle générale s applique au dossier médical. Ainsi, lorsqu un patient invoque en Justice des raisons médicales à l appui de son action, le Tribunal peut, nonobstant le secret médical, en ordonner la production 11 12. b. Le consentement du patient Pendant longtemps, en considérant que le secret professionnel est d ordre public et qu il échappe dès lors à la disposition du malade, on a décidé que le médecin n est pas délié du secret si le malade lui donne son accord pour divulguer des confidences qu il lui a faites. 5 Civ. Arlon, 6 mars 1992, RGDC, 1993, p. 83. 6 Civ. Bruxelles, 18 janvier 1991, RGAR, 1992, n 11905 ; Mons, 2 février 1989, Pas., 1989, II, 189, note JS ; JT, 1992, p. 642 ; Bruxelles, 20 juillet 1989, RGAR, 1990, n 11701. 7 P. LAMBERT, «le Secret Médical : questions pratiques», in «Les frontières juridiques de l activité médicale», Actes du colloque du 8 mai 1992, Liège, Editions du Jeune Barreau de Liège, p. 119. 8 Bruxelles, 16 décembre 1957, Pas., 1958, II, p. 42 ; Bruxelles, 24 février 1988, JLMB, 1988, p. 1028, note PH. 9 JL FAGNART, «aspects actuels de la responsabilité médicale», in «droit et Médecine», CUP, volume XI, 11 octobre 1996, p. 276 et référence citée ; P. LAMBERT, op. cit., p. 119 et références citées 10 Code Judiciaire, article 877. 11 Trib. Trav. Verviers, 21 mai 1973, JL, 1973-1974, p. 46. 12 Comme l a jugé le Juge des Référés de Bruxelles (7 mars 1988, JT, 1988, p. 458), une conception illimitée du secret médical reviendrait à attribuer un privilège à une catégorie déterminée de personnes, ce qui aurait pour conséquence illicite l impunité des infractions commises par les médecins dans le cadre de leurs activités professionnelles.

C est cette conception, désormais condamnée par la doctrine et par la jurisprudence, qui est pourtant consacrée par le code de déontologie médicale 13. Le même code de déontologie introduit lui-même un tempérament important : «Le médecin, lorsqu il l estime utile ou lorsque le malade lui en fait la demande, peut remettre au patient, dans la mesure où son intérêt l exige, les éléments objectifs du dossier médical, tels que les radiographies et les résultats d examens» 14. «Ce que le code de déontologie présente comme un droit pour le médecin est considéré, par la jurisprudence, comme un devoir (...). Une partie importante de la doctrine a tendance à reconnaître le droit de libre disposition du patient sur les données relevant du secret professionnel. Le patient peut délier le médecin de son obligation au secret. Le caractère d ordre public du secret professionnel n est pas contestable, mais il n empêche nullement le patient de renoncer au secret. La volonté du patient de bénéficier de la protection du secret professionnel est une condition d application de la règle. Lorsque le patient consent à une révélation, il n y a plus de secret à protéger. Le consentement met fin à l illégalité de la divulgation» 15. 3) A qui le dossier médical doit-il être remis? Au juge, au patient ou à un médecin? a) Au Juge On l a vu plus haut, le Juge peut ordonner à une partie ou à un tiers de produire à la procédure tout document, et donc aussi le dossier médical. Cette injonction peut s adresser aux médecins et/ou à l hôpital, parties à la cause contre lesquelles le patient agit en responsabilité. L ordre du Tribunal de produire le dossier peut également être adressé à un tiers, comme l hôpital (lorsqu il n est pas à la cause parce que sa responsabilité n est pas recherchée) ou comme le Conseil de l Ordre des Médecins, qui connaîtrait du dossier parce que son avis aurait été sollicité. Le dossier sera remis, selon la décision du Juge, soit à lui-même, soit à un expert médecin qu il aura désigné avec une mission déterminée. L injonction du Tribunal peut être assortie d une astreinte, c est-à-dire la condamnation à payer telle somme d argent par jour de retard si le dossier n est pas déposé dans le délai indiqué. b) Au patient On l a lu ci-dessus, l article 42 du code de déontologie dispose que le médecin, lorsqu il l estime utile ou lorsque le malade lui en fait la demande, peut remettre au patient les éléments objectifs du dossier médical. 13 Article 64 : la déclaration d un malade relevant son médecin du secret professionnel ne suffit pas à libérer le médecin de son obligation 14 Article 42. 15 JL FAGNART, op. cit., p. 275.

Cette obligation 16 de délivrer le dossier médical au patient est consacrée par la jurisprudence et par la doctrine 17. L'article 10, paragraphe 2 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel prévoit également l accès direct du patient aux données médicales le concernant selon les modalités déterminées aux articles 32 à 35 de l'a.r. du 13 février 2001 portant exécution de la loi, ainsi que nous le verrons ci-dessous. c) A un médecin Deux dispositions légales prévoient explicitement qu avec l accord du patient, le dossier médical doit être transmis à un autre médecin. L arrêté royal n 78 du 10 novembre 1967 relatif à l exercice de l art de guérir dispose que tout praticien (...) est tenu, à la demande ou avec l accord du patient, de communiquer à un autre praticien traitant désigné par ce dernier pour poursuivre ou compléter soit le diagnostic, soit le traitement, toutes les informations utiles et nécessaires d ordre médical (...) le concernant. Plusieurs conditions d application découlent de ce texte : il faut l accord du patient; le dossier ne peut être transmis qu à un autre praticien ; cet autre praticien doit avoir été désigné par le patient ; le médecin désigné doit l avoir été pour poursuivre ou compléter le diagnostic ou le traitement ; toutes les informations d ordre médical doivent être transmises. Depuis l entrée en vigueur de cet arrêté royal, une législation beaucoup plus générale trouve à s appliquer : c est la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel (M.B., 18 mars 1993), modifiée par la loi du 11 décembre 1998 (M.B., 3 février 1999).. Tous les commentateurs de cette loi ne sont pas d accord de considérer que tout dossier médical est un fichier. Nous voyons difficilement que le dossier médical ne puisse pas être considéré, au regard de cette loi, comme un fichier, celui-ci étant défini comme «tout ensemble structuré de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés, que cet ensemble soit centralisé, décentralisé ou réparti de manière fonctionnelle ou géographique». La loi s'applique à tout traitement de données à caractère personnel automatisé en tout ou en partie, ainsi qu'à tout traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier Il nous paraît donc certain que la loi du 8 décembre 1992 s applique aux dossiers médicaux. En vertu de l article 10 paragraphe 2 de cette loi, l accès du patient aux données médicales le concernant peut se faire soit directement, soit par l intermédiaire d un médecin choisi par lui selon les modalités déterminées aux articles 32 à 35 de l'a.r. du 13 février 2001 portant exécution de la loi. 16 Nous rappelons que la jurisprudence considère comme un devoir ce que le code de déontologie présente comme un droit pour le médecin. 17 JL FAGNART, op. cit., p. 277, notes 262 et 263.

L'accès direct du patient à ses données est une innovation de la réforme de 1998. Cette innovation doit toutefois être tempérée par le fait que le responsable du traitement peut toujours demander l'intermédiation d'un médecin. Le rôle du médecin ainsi choisi par le patient pour avoir accès au fichier (donc au dossier médical) est bien spécifique : «La fonction du médecin est de traduire les informations dans un langage intelligible pour l intéressé» 18. La fonction de cet intermédiaire est donc de renforcer le droit à l accès et de rendre la communication intelligible pour la personne concernée 19. Le patient peut donc s adresser : au responsable du traitement au professionnel des soins de santé choisi par la personne concernée, à la demande du responsable du traitement ou de la personne concernée, Le médecin ainsi choisi comme intermédiaire doit-il tout transmettre au patient? Compte tenu du droit d'accès direct prévu à l'article 10, paragraphe 2, on peut le penser puisque l'on ne comprendrait pas qu'en cas d'accès direct la personne concernée ait accès à tout et que cela ne soit pas le cas en cas d'intermédiation. La question est toutefois controversée. On aura donc également égard à l'avis émis par la Commission de la protection de la vie privée avant la réforme de 1998 selon lequel on peut limiter le droit d accès pour sauvegarder «laa protection de la personne concernée ou des droits et liberté d autrui» 20. «En règle générale, le médecin choisi par la personne concernée doit lui communiquer toute l information qui la concerne. A titre exceptionnel, ce médecin est en droit d effectuer une sélection parmi les données si une telle mesure s avère strictement nécessaire pour la protection de l intéressé lui-même ou des droits et libertés d autrui (...) La motivation du médecin, de type thérapeutique, devrait être fondée exclusivement sur la protection de l individu. Il devrait agir de cette manière si l information est susceptible de provoquer un trouble profond chez celui-ci et de porter gravement atteinte à sa santé physique ou psychique (diagnostic grave ou fatal, troubles du comportement (...) (...) La limitation à la communication des informations ne vaut que dans la relation entre l intéressé et le médecin qu il a choisi. Le (responsable du traitement)(...) est, quant à lui, tenu de communiquer au médecin choisi par l intéressé toute l information que le traitement contient au sujet de ce dernier» 21. 18 Commission de la protection de la vie privée, avis n 36/95 du 22 décembre 1995 sur l interprétation de l article 10, paragraphe 3, de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l égard des traitements de données à caractère personnel, Rev. Dr. Santé, 1996-97, p. 6. 19 JL FAGNART, op. cit., p. 279. 20 Article 13 et considérant 42 de la directive CE 95/46 du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l égard des traitements des données à caractère personnel. 21 Commission de la protection de la vie privée, avis n 36/95, cité ci-dessus

III. Conclusions De l analyse ci-dessus, qui n a pas la prétention d être complète, nous croyons pouvoir tirer les conclusions suivantes : Le secret médical n est pas un principe absolu. Il ne peut empêcher l exercice des droits de la défense Le médecin dont la responsabilité professionnelle est mise en cause a le droit de produire le dossier médical de son patient Le patient, qu il mette ou non en cause la responsabilité du médecin et/ou de l hôpital, a un droit d accès à son dossier médical Si une procédure judiciaire est engagée, il suffira au patient de demander au Juge d ordonner, en vertu de l article 877 du Code Judiciaire, à une partie ou à un tiers qui le détient, la production du dossier médical Si une procédure judiciaire n est pas engagée, le patient pourra se faire remettre personnellement ou par l'intermédiaire d'un médecin le dossier médical. Le responsable du traitement devra transmettre au patient ou au médecin l intégralité du dossier médical. Le médecin choisi par le patient pour la transmission des données devra les traduire dans un langage intelligible pour le patient et n y effectuer une sélection que si cela s avère strictement nécessaire pour la protection du patient lui-même ou pour les droits et libertés d autrui.