Politiques publiques Leçon 7 : La question de la temporalité
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- Marie-Louise Gobeil
- il y a 8 ans
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1 Politiques publiques Leçon 7 : La question de la temporalité Laurie BOUSSAGUET Table des matières Section 1: Les trois temps de l'action publique... p. 2 Section 2 : Les temporalités du changement... p. 4 Section 3 : L'importance de la longue durée... p Pourquoi est-il nécessaire de prendre en compte le temps long?...p Typologie du changement en fonction de la temporalité (des causes et des effets du changement)... p Application aux PP :... p. 6 1
2 La dimension temporelle est centrale dans l'analyse des politiques publiques. Cf. séquences de l'action publique ; changement lent et changement rapide ; inertie des institutions ; le changement suppose un avant et un après (comparaison diachronique, dans le temps) ; ouverture de «fenêtres d'opportunité» sur le temps court ; etc. Le temps est partout. : la mise à l'agenda : à l'instant «t-1», l'enjeu n'existe pas comme problème politique ; et à l'instant «t», il a émergé sur l'agenda des autorités politiques. Mais si cette dimension est très présente, elle ne fait pas l'objet d'un traitement explicite ou systématique par les analystes des politiques publiques. Il n'existe pas de théorie consacrée à la question du temps dans les politiques publiques. L'objectif de cette séance, c'est de montrer que «time matters» (Cf. Bonoli). Plusieurs dimensions peuvent être abordées (plan de la leçon) : Les 3 temps de l'action publique (les principales variables d'analyse entretiennent des rapports différents au temps) ; Les temporalités du changement ; L'importance de la longue durée. Section 1: Les trois temps de l'action publique Remarque Catégories empruntées à l'historien F. Braudel : il existe trois types de temporalités, le temps long, le temps moyen et le temps court. Les dynamiques qui s'inscrivent dans le temps court sont celles des jeux d'acteurs et des interactions stratégiques. Cf. une action ponctuelle, jusqu'à une législature, en passant par le cycle d'un projet de loi, depuis son élaboration jusqu'à son adoption. Théoriquement, c'est le cadre temporel qui est privilégié par les approches du choix rationnel. La variable dominante est celle des intérêts (celle des acteurs). De l'autre côté, le temps long fait référence à des dynamiques structurelles (comme des changements socio-démographiques) mais aussi intellectuelles (exemple : émergence de nouvelles représentations sociales, évolution des valeurs, etc.). Cela va de quelques décennies à plus d'un siècle. C'est le cadre temporel privilégié dans les approches cognitives. La variable dominante est celle des idées. Entre les deux, on trouve des dynamiques qui s'inscrivent dans une temporalité moyenne ou intermédiaire (c'est-à-dire une ou deux décennies), comme celle qui concerne les changements institutionnels. C'est donc le cadre temporel privilégié par le néo-institutionnalisme historique qui rend compte des inerties institutionnelles liées aux choix du passé (Cf. séance 5 sur le changement et la notion de «path dependence»). La variable qui domine est celle des institutions. >>> L'action publique est donc traversée par des logiques temporelles différentes, plus ou moins longues. Illustrations : Les politiques de lutte contre la pédophilie : on trouve des évolutions de très long terme (vision de l'enfant dans la société et paradigme scientifique du traitement des délinquants sexuels et des enfants victimes) ; de moyen terme (des institutions internationales comme des textes internationaux sur les droits de l'enfant qui structurent le champ des possibles en matière de protection de l'enfance) ; et de court terme (les mobilisations d'acteurs et une fenêtre d'opportunité qui s'ouvre dans la seconde moitié des années 1990). Les politiques énergétiques dans le secteur de l'électricité et l'intégration des énergies renouvelables (Cf. travaux d'a. Evrard) : des changements de court terme (arrivée de partis verts au pouvoir) ; de moyen terme (introduction progressive de nouveaux dispositifs autour des énergies renouvelables dans les systèmes existants) ; et de plus long terme (nouveau cadrage cognitif autour de la protection de l'environnement, du développement durable, du changement climatique, etc.). 2
3 Les politiques de lutte contre l'obésité : idem. Voir le texte de la séance sur le sujet (texte de Thibault Bossy). 3
4 Section 2 : Les temporalités du changement Cf. séances 5 et 6 sur ces problématiques. Les deux grands types de changement généralement identifiés en analyse des politiques publiques (changements lents, à la marge et longues périodes d'inertie vs changements de grande ampleur, brutaux et rapides) renvoient à deux grands types de temporalité dans les études du changement : le temps long et le temps court. Toutefois, les approches plus récentes qui tentent de dépasser cette opposition, cherchent à davantage articuler les deux types de temporalité : Baumgartner et Jones avec le modèle des équilibres ponctués : on assiste à de longues périodes de stabilité, ponctuées de changements soudains, comme l'illustre le cas de la politique américaine du nucléaire civil. Kingdon et la fenêtre d'opportunité : les trois courants qui structurent l'action publique (celui des problèmes, celui des solutions et celui de la politique) possèdent leur propre calendrier sur le temps long. Et c'est leur conjonction dans le temps court qui permet l'ouverture d'une fenêtre et l'inscription d'un nouveau problème à l'agenda. Streeck et Thelen sur les changements graduels mais transformateurs. Cf. 5 mécanismes mentionnés dans la séance 6 (displacement, drift, layering, conversion, exhaustion). >>> En prenant en compte les différentes temporalités du changement, et notamment la longue durée, on peut ainsi dépasser les visions classiques du changement de PP et expliquer notamment comment des causes s'étalant dans la longue durée peuvent être à l'origine de changements rapides. D'où la nécessité de prendre en compte la longue durée dans l'analyse. 4
5 Section 3 : L'importance de la longue durée C'est quoi la longue durée? Comment la délimiter? = l'espace temporel qui dépasse celui encadrant l'action humaine individuelle pouvant exister dans une institution publique. Cette durée dépasse souvent 30 ans (il est difficile pour une seule personne de suivre un même dossier plus de 30 ans). La longue durée renvoie donc à 30 ans et plus (de façon conventionnelle). 1. Pourquoi est-il nécessaire de prendre en compte le temps long? Deux grandes raisons peuvent être mentionnées : Les causes «adéquates» (Cf. Max Weber) du changement de l'action publique ne peuvent pas se limiter au temps court. Si on s'était arrêté à la dernière décennie, on n'aurait pas pu montrer le rôle joué par la transformation de la vision de l'enfant dans l'émergence de la pédophilie comme problème public. La rencontre entre les chaines causales peut plus ou moins s'étaler dans le temps par exemple, des changements rapides peuvent en fait résulter de causes à la temporalité longue. Ainsi, il a fallu plusieurs réformes successives et diffuses pour que le gouvernement central britannique de Thatcher réalise des coupes importantes dans les budgets de la politique de l'habitat. Seule une attention à la longue durée permet au chercheur de prendre conscience du caractère systématique et progressif de ce retrait de l'etat providence. 2. Typologie du changement en fonction de la temporalité (des causes et des effets du changement) Cf. Travaux de Pierson (qui s'appuie sur le cas du changement climatique issu des sciences naturelles pour illustrer son propos) : 5
6 3. Application aux PP : (1) : Les causes de long-terme ne produisent des effets de court-terme qu'à partir du moment où un seuil a été franchi. Déficits publics ou nombre de chômeurs (2) : Ce sont des processus de changement très graduels comme le changement démographique ou culturel (impact seulement sur la longue durée). Changement progressif de la place de l'enfant dans nos sociétés, jusqu'au développement de la protection de l'enfance. (3) : A court-terme, il ne se passe rien mais les effets se font sentir à long-terme (processus lent). A court-terme, si on regarde le contenu des politiques sociales dans les années 1980 en Grande- Bretagne et aux Etats-Unis, on pourrait conclure que le retrait de l'etat n'a pas eu lieu. En fait, en modifiant le contexte de la prise de décision (Cf. «cadre d'interaction» dans les dimensions du changement de Hassenteufel) pour affaiblir les défenseurs du système en place, Reagan et Thatcher ont ouvert, à plus long-terme (donc à retardement), la voie à des changements de programme de grande ampleur. Il n'y a donc pas eu de démantèlement (retrenchment) de l'etat providence comme ils l'avaient annoncé, en termes de contenu de PP, mais ils ont posé les bases d'un démantèlement possible dans les décisions futures, en affaiblissant les groupes d'intérêt prenant la défense du welfare state (c'est-àdire retrenchment systémique et non pas programmatique). >>> Il y a donc un intérêt à insister sur la conjonction de temporalités différentes et sur leurs interactions pour mieux saisir les mécanismes complexes de l'action publique. 6
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