ESCP-Europe 2011 : La mondialisation explique-t-elle principalement le rattrapage des pays émergents? Présentation du sujet
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- François Richard
- il y a 9 ans
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1 ESCP-Europe 2011 : La mondialisation explique-t-elle principalement le rattrapage des pays émergents? C Présentation du sujet e sujet fait explicitement référence à la mondialisation et s inscrit d emblée dans le programme de deuxième année. C est d ailleurs le seul qui cite le terme de mondialisation dans son énoncé. Cependant, le thème précis n est pas la mondialisation mais sa liaison avec le développement des pays émergents. Il faudra préciser ce que l on entend par pays émergents, car cette notion est loin de faire l unanimité. Depuis son invention en 1981 par Antoine van Agtmael, économiste à la Banque mondiale, l expression a fait florès mais a changé aussi de sens. Pour aller vite, une économie émergente regroupe certains traits caractéristiques : un revenu par habitant intermédiaire ; un taux de croissance supérieur ou égal à la moyenne mondiale ; un potentiel de croissance important qui fait la différence avec les pays les moins avancés ; des réformes structurelles ayant contribué à les insérer dans le commerce mondial On compterait aujourd hui une cinquantaine de pays émergents et, donc, on ne peut se limiter aux seuls BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), même s ils en constituent un socle solide. L énoncé suppose deux orientations : voir en quoi la mondialisation peut expliquer ce rattrapage et en quoi les pays émergents ont pu mettre en place des stratégies propres qui leur ont permis de le réaliser. Il n y a pas de délimitation temporelle, mais il faut se concentrer sur la période récente (à partir des années ), car c est depuis lors que les pays émergents se sont développés. Il est également nécessaire d avoir un certain recul historique et de citer, par exemple, le rattrapage de certains pays au XIX e siècle (Japon, Russie ), analysé en particulier par Alexander Gerschenkron. Daniel Fleutôt, Professeur d AEHSC en classes préparatoires économiques et commerciales au lycée Charles-De-Gaulle, à Caen. Corrigés Ces corrigés sont des copies d étudiantes qui ont très bien réussi cette épreuve en obtenant la note maximale de 20/20. Sont-ce les copies idéales? La réponse est bien sûr non, mais elles ont su intégrer l essentiel des attentes du correcteur sur le sujet. Ce n est pas un modèle mais seulement un exemple, qui démontre qu en ayant des connaissances et une technique de dissertation, les bons résultats sont là. Ces copies suggèrent que deux orientations doivent guider les étudiants pour qu ils réussissent cette épreuve : maîtriser les notions de base sans nécessairement rentrer dans tous les détails et avoir une technique de dissertation, de mise en place des connaissances au regard toujours du sujet. En espérant que ces exemples pourront vous servir afin d organiser votre réflexion sur les sujets à venir.
2 W Copie 1 alt Whitman Rostow, dans Les étapes de la croissance économique, donne les cinq passages incontournables qu un pays doit connaître afin de se développer. Il doit rassembler des conditions préalables, comme la disposition en matières premières ou la disponibilité des mentalités aux changements. Ce pays connaitra ensuite un take-off caractérisé par un fort taux d investissement, puis il empruntera la marche vers la maturité pour aller vers une société de consommation de masse. Pour établir ce modèle, Rostow se base sur la croissance économique des Etats-Unis durant la révolution industrielle. Aujourd hui, la mondialisation, caractérisée par l accélération des échanges et l interconnexion des civilisations, peut-elle être un instrument d accélération de ces étapes dans les pays émergents? En effet, si certains pays ont plus ou moins suivi ce modèle de développement sur le XIX e siècle et sur le XX e siècle, d autres ont attendu la fin du XX e siècle voire le début du XXI e siècle pour commencer à se développer : on parle alors des pays émergents. Cela a entraîné un renouveau des théories du développement et une réactualisation des questions concernant le rattrapage des pays émergents. Quels modèles ont-ils suivi? La mondialisation peut-elle expliquer leur rattrapage? Nous verrons dans un premier temps que la mondialisation est un facteur nécessaire au rattrapage des pays émergents, puis nous montrerons qu elle n est pourtant pas le facteur principal du rattrapage de ces pays, voire qu elle peut en être un obstacle. La mondialisation est un processus qui se caractérise par l accélération des échanges de personnes, de marchandises et de capitaux. Alors qu elle se réalisait au départ uniquement entre les pays développés, notamment ceux de «la Triade», à savoir l Amérique du Nord, l Europe et le Japon, elle s ouvre progressivement à des pays ayant des structures différentes : les pays émergents. On observe le développement de flux Nord-Sud, et aussi Sud-Sud. Or, nous pouvons remarquer que les exportations et les importations qui se sont accélérées grâce à la mondialisation ont eu des effets positifs sur les pays émergents. Kaname Akamatsu montre que c est la remontée de filière qui a permis aux nouveaux pays industrialisés d Asie (NPIA) de rattraper leur retard économique. D après cette théorie, les pays qui, par exemple, disposent de matières premières, vont les exporter aux pays développés et vont importer en échange des biens d équipement industriel. Ils vont ensuite bloquer les importations de ces biens, notamment par une hausse des droits de douane sur ces produits, les fabriquer au sein du pays une fois que la technique de production sera acquise, puis les exporter pour importer en échange des produits manufacturés. Le même schéma va ensuite se réaliser sur les biens de consommation, puis sur les biens à haute valeur ajoutée. Ainsi les NPIA ont connu un rattrapage économique grâce aux jeux des importations et des exportations. Ce modèle fait écho à deux théories du développement : l industrialisation par substitution aux importations et l industrialisation par substitution aux exportations. Dans le premier cas, le pays bloque provisoirement ses importations d un certain bien afin de lui permettre de le produire lui-même et ensuite de l exporter. Dans le second cas, le pays va modifier ses exportations. Il cessera d exporter des produits traditionnels pour passer à des biens plus rentables. On pensera notamment au Brésil qui a diminué ses exportations de café pour se développer dans d autres secteurs : il est aujourd hui le leader industriel en Amérique latine et possède également des compétences avancées dans le domaine de l aéronautique.
3 Ainsi la mondialisation, par le jeu des importations et des exportations, a permis le rattrapage de certains pays émergents qui se sont introduits dans le commerce international. De plus, la mobilisation de capitaux suffisants afin de développer une industrie est souvent permise par l épargne étrangère, les investissements directs à l étranger (IDE). C est pourquoi la mondialisation, parce qu elle accélère les échanges financiers, est favorable à l essor de nouvelles entreprises. Cette mondialisation a également des effets secondaires positifs concernant le rattrapage social des pays émergents. En effet, la remontée de filière des NPIA a réclamé une main-d œuvre qualifiée : des efforts en éducation et en formation ont donc été nécessaires. Par ailleurs, une main-d œuvre qualifiée peut demander une protection sociale plus importante, de meilleures conditions de travail, ou encore un salaire plus élevé, d où une hausse du niveau de vie et une amélioration des conditions de vie. L apparition d une classe moyenne peut ensuite être un moteur de la croissance et du développement, notamment grâce à la consommation de cette nouvelle classe. La mondialisation se caractérise aussi par les échanges culturels, les échanges d idées. Ainsi les populations des pays émergents peuvent souhaiter copier les modèles sociaux des pays développés et donc demander de nouvelles revendications sociales. C est d ailleurs ce que souhaitait Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique. Pour lui, on allait vers une égalisation des conditions grâce à la mondialisation. Dans le même sens, John Stuart Mill qui proclamait «Heureux les pays pauvres!» a montré que grâce à la mondialisation et au commerce international il y aurait une diffusion à l échelle internationale du progrès technique. Ainsi, au niveau économique et social, la mondialisation serait profitable aux pays les moins développés. Par exemple, la diffusion des avancées dans le domaine médical a permis la diminution du virus du Sida dans les pays d Afrique, même s il reste beaucoup de progrès à faire dans ce domaine. Dans la même idée que Mill, Francis Edgeworth a montré qu une innovation ne profitait pas au pays exportateur de celle-ci mais davantage aux pays importateurs. Enfin, la mondialisation, parce qu elle véhicule, comme l a démontré Max Weber, le modèle capitalistique de la recherche du profit par la rationalisation des processus de production, a rendu possible un certain rattrapage des pays émergents. En effet, l ouverture à de nouveaux marchés permet le développement d une spécialisation et d une division internationale du travail (DIT). Les entreprises des pays émergents vont pouvoir anticiper de nouveaux débouchés dans les pays développés et vont produire en plus grande quantité, réalisant ainsi des économies d échelle, soit une baisse du coût unitaire de production, ainsi que des effets d apprentissage. De plus, les entreprises vont avoir besoin d une main-d œuvre supplémentaire, ce qui va augmenter l emploi et la consommation intérieure. Enfin, les entreprises vont augmenter les profits, peut-être en distribuer une partie aux salariés, or selon Arthur Lewis il est indispensable qu une classe sociale génère des profits afin qu un pays puisse se développer. Il y a donc bien une corrélation positive entre la mondialisation et le rattrapage économique et social des pays émergents. C est pourquoi les institutions qui organisent la mondialisation et les règles du commerce international incitent les pays émergents à s y insérer. Pourtant, leurs rôles sont aujourd hui discutés, notamment avec le problème de l endettement des pays émergents. Doit-on alors remettre en cause la mondialisation comme facteur du rattrapage des pays émergents? La mondialisation peut avoir des effets négatifs qui vont à l encontre d un rattrapage économique des pays émergents. D abord, on observe une dégradation des termes de l échange pour ces derniers. En effet, ils vont, dans un premier temps, exporter des matières premières pour importer des biens manufacturés industriels. Or, les cours des prix des matières premières ne cessent de chuter
4 tandis que ceux des biens industriels se stabilisent ou augmentent. Ainsi, les pays émergents vont devoir exporter plus de matières premières pour importer la même quantité de biens industriels : il y a donc pour eux une détérioration des termes de l échange. Ce constat contredit la théorie HOS (Heckscher Ohlin Samuelson) de dotation en facteurs de production selon laquelle le commerce international est un échange de facteurs rares contre des facteurs abondants. Ainsi les biens rares deviendront abondants et les biens abondants rares, ce qui devrait conduire à une égalisation des prix. Mais la détérioration des termes de l échange pour les pays émergents montre que cette théorie ne s applique pas, d autant plus que la spéculation à la Bourse sur les cours des matières premières rend la situation encore plus instable. Le développement des importations et des exportations a également pour effet d augmenter la dépendance des pays émergents envers les commandes des pays développés. Par exemple une crise économique aux Etats-Unis va entraîner une baisse de leurs importations, d où une diminution des exportations dans les pays très liés commercialement avec eux, comme ceux d Amérique du Sud. C est pourquoi il y a aujourd hui un renouveau des théories de domination «centre-périphéries» selon lesquelles le centre, c est-à-dire les pays développés et les firmes transnationales (FTN), dominerait les périphéries, notamment les pays émergents. De plus, les investissements directs à l étranger (IDE) réalisés par les FTN entraînent un dualisme dans les pays émergents. En effet, le commerce international et les FTN vont favoriser certains secteurs, certaines zones géographiques, ou risquent au contraire de délaisser des pans entiers de l économie nationale d un pays émergent, notamment les activités traditionnelles. Il y aura également un fort dualisme entre les populations, ce qui peut entraîner des conflits sociaux. De plus, l implantation des FTN dans les pays émergents est parfois justifiée par une main-d œuvre bon marché ou par des réglementations très souples au niveau salarial ou encore environnemental. Ainsi les pays émergents, pour attirer les capitaux étrangers, vont remettre en cause des acquis sociaux ou freiner le développement des avancées sociales. L exploitation de la main-d œuvre est donc un obstacle au rattrapage social des pays émergents, ils vont connaître une hausse des inégalités à l intérieur du pays ; les inégalités entre les pays émergents et les pays développés vont aussi être plus marquées et plus visibles. Par exemple, la Chine, qui est entrée dans l Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, n est toujours pas en mesure d assurer aux citoyens le respect des droits de l homme, malgré un développement économique rapide mais très inégal selon les régions. De plus, il existe d autres facteurs que celui de la mondialisation qui peuvent expliquer le rattrapage des pays émergents. Saskia Sassen dans A Sociology of Globalization, en 2007, a montré comment le global se construit à partir du local. Selon elle, ce sont les Etats qui poussent au développement d un pays et à son entrée dans la mondialisation et non l inverse. Pour reprendre l exemple de la Chine, c est en effet un fort interventionnisme étatique qui a rendu possible le développement économique de ce pays, par exemple avec la création de zones franches pour l implantation des FTN. Le rattrapage des pays émergents peut s expliquer aussi par la mise en place de stratégies de contournement des contraintes de la mondialisation. Par exemple, la création de zones de libre-échange comme celle du Mercosur permet aux pays émergents de faire des alliances commerciales afin de se protéger dans un premier temps de la concurrence des pays développés. Cette stratégie s appuie sur les théories de Friedrich List selon lesquelles une nation doit provisoirement appliquer un «protectionnisme éducateur» afin de permettre à ses industries de se développer à l abri de la concurrence internationale. De même, Paul Krugman parle de la mise en place de politiques commerciales stratégiques qui consistent à donner des subventions aux entreprises nationales afin de les aider à se développer. Pourtant, ces stratégies sont provisoires et n auraient aucun sens sans la mondialisation, car elles ne sont
5 que des moyens de mieux s y insérer. Ainsi, même s il existe d autres facteurs du rattrapage des pays émergents, ils sont souvent liés, indirectement parfois, à la mondialisation, car ils ont pour but final l intégration au commerce international. Conclusion La mondialisation explique le rattrapage économique et social des pays émergents, notamment grâce aux importations et aux exportations, aux IDE, sans oublier le rôle de la spécialisation, de la division internationale du travail et des échanges d idées, de modèles, de modes de vie. Pourtant, le rattrapage des pays émergents peut être expliqué par d autres facteurs, même s ils sont finalement liés, directement ou indirectement, à la mondialisation. De plus, cette mondialisation peut avoir des effets pervers concernant le développement économique et social des pays émergents. C est pourquoi il est important de redéfinir aujourd hui les nouveaux enjeux de la mondialisation du point de vue des pays émergents. Si elle leur est majoritairement profitable, elle entraîne toutefois des déséquilibres auxquels il faut tenter de remédier. Le succès du commerce équitable semble par exemple être une première réponse. Copie réalisée par Marlène Del Conté, étudiante au lycée Charles-de-Gaulle de Caen, qui a intégré l ESC Toulouse en septembre A Copie 2 l heure où les plus grandes puissances mondiales sortent difficilement de la crise des subprimes dans laquelle ils sont plongés depuis 2007, certains pays s en sortent plutôt bien, il s agit des pays émergents. Ce sont des pays qui se caractérisent par leur développement et leur industrialisation relativement rapides et récents. Qui aurait parié il y a cinquante ans que les plus importants concurrents des Etats-Unis et de l Europe deviendraient un jour la Chine ou l Inde? Car ces pays ont aujourd hui un rôle important sur la scène internationale de par leur population mais aussi de par leur puissance commerciale. La Chine est, par exemple, devenue en 2010 le premier exportateur mondial. Parmi ces pays qui sont aujourd hui à la frontière des pays développés figurent aussi le Brésil, le Mexique, l Inde, ou bien encore les «dragons d Asie» (Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hongkong). Mais comment expliquer ce développement aussi rapide? Il s avère que l essor de ces pays peut être daté du début des années 1980, phase d entrée dans la mondialisation. Peut-on alors dire que le rattrapage et le développement des pays émergents sont principalement dus à la mondialisation? Nous verrons que la mondialisation a permis à ces pays une insertion rapide dans les échanges, mais que cela ne s est pas fait sans dommages ; et qu aujourd hui, bien qu ils aient une nouvelle place sur la scène internationale, ces pays ont encore de nombreux défis à relever.
6 A la fin des années 1970, le mode de régulation monopolistique géré principalement par l Etat arrive à essoufflement dans les pays développés, et il en est de même pour les stratégies de développement dirigées par l Etat dans les pays en voie de développement. Le tournant libéral des années 1980 s opère donc dans le monde entier. Et dans les pays en voie de développement le constat de l échec des stratégies autocentrées amène vers une ouverture aux échanges qui est souvent soutenue par les institutions internationales. Tout d abord, à la fin des années 1970, on constate un certain échec des stratégies autocentrées pour le développement. Ces stratégies reposaient sur une fermeture aux échanges et un développement assuré par l Etat. En effet, au lendemain de la décolonisation, les pays riches sont accusés d avoir «pillé» le tiers-monde, et les anciennes colonies se ferment alors aux échanges, comme l Inde notamment. Mais il s avère que l Etat n a pas réellement su remplir son rôle en matière de développement. En effet, le développement par l Etat a surtout laissé place à beaucoup de corruption, à une mauvaise gestion des fonds et des infrastructures, du fait de l absence d élites locales aptes à remplacer les colons. Les structures de production restent alors relativement archaïques et les populations ne ressentent aucun effet de développement. Le choix est donc, au début des années 1980, de suivre le tournant libéral et d ouvrir les marchés des pays en développement aux capitaux. La volonté principale est que ces pays, notamment les plus importants, puissent suivre le modèle de développement établit par Walt Whitman Rostow pour illustrer le développement des pays riches lors de la révolution industrielle. Rapidement les plus grands pays du Sud s ouvrent aux capitaux et laissent les firmes multinationales (FMN) s installer sur leur sol. L intérêt est que ces FMN investissent directement dans ces pays et qu ils génèrent un profit qui n est pas un emprunt, donc qui n est pas à rembourser. De plus, ces FMN créent des emplois dans ces pays. Et bien que certains auteurs dénoncent une exploitation, il vaut mieux être exploité par des FMN qui proposent souvent un meilleur salaire et de meilleures conditions de travail, que ne pas être exploité du tout. Ainsi les capitaux commencent à affluer vers ces nouveaux pays prometteurs que sont la Chine, l Inde ou l Amérique latine, développant ainsi les places financières et boursières. De plus, la mondialisation permet aussi une certaine mondialisation des images, élément important de l entrée dans les différentes phases de la transition démographique. Enfin, cette entrée dans la mondialisation des pays émergents a aussi été poussée par les institutions internationales. En effet, à partir des années 1980, le Fonds monétaire international (FMI) axe son action sur les pays en développement avec pour but principal d instaurer le libéralisme. Le FMI met alors en place des plans d ajustement structurel qui ont pour but de déréglementer, de libéraliser et de stabiliser les économies en crise des pays du Sud. Par la suite, le consensus de Washington applique les idées développées par John Williamson en 1989, résumées en dix principes à appliquer par les pays du Sud pour un bon développement. Ainsi, après sa crise de 1982, le Mexique devient un «bon élève» du FMI, il s ouvre aux capitaux, diminue l inflation, stabilise sa monnaie et entre dans l Alena en Il semble donc que l ouverture aux échanges et l insertion dans la mondialisation aient impulsé le développement de ces pays. Ainsi la mondialisation a permis une insertion rapide dans les échanges des pays les plus avancés au Sud, mais nous allons voir que dans les années 1990, cette mondialisation est aussi cause de certains problèmes. Il semble que le «tout marché» se soit installé un peu trop brutalement dans les pays émergents. En effet, les systèmes bancaires et financiers ne peuvent pas devenir en dix ans aussi solides que les systèmes des pays riches. Dans les années 1990, les limites du «tout
7 marché» commencent à se faire sentir, avec de nombreuses crises financières, une impopularité croissante des institutions internationales et des pays qui s en sortent mieux avec une intervention de l Etat. Tout d abord, bien qu il soit devenu un «bon élève» du FMI après sa première crise en 1982, le Mexique fait à nouveau face à une crise en En effet, il attire à l époque beaucoup de capitaux mais continue à s endetter massivement. Le peso est ancré sur le dollar, et lorsqu en 1993 le cours du dollar augmente, le coup de l endettement devient insoutenable. Le Mexique ne peut plus rembourser, et comme le système est fragile les capitaux s en vont. Le pays sombre alors dans une nouvelle crise. Il en est de même à la fin des années 1990 en Asie. Les pays asiatiques sont alors plutôt bien insérés dans les échanges mondiaux et attirent beaucoup de capitaux. En 1997 la concurrence du dollar devient trop importante, le bath est alors dévalué, mais il y a surréaction et tous les pays de la zone dévaluent leurs monnaies. L économie s effondre et les systèmes de «currency board» (caisse d émissions) empêchent de faire fonctionner la planche à billets pour la faire repartir. Le système financier étant jeune et fragile, les capitaux s en vont et préfèrent retourner vers des lieux plus sûrs : «Fly to safety». Ainsi l économie mondialisée met en péril ces pays. De plus, suite à ces crises, le FMI met en place ses plans d ajustement structurel qui ont un coût social relativement important. Les restrictions imposées à la population ne sont pas acceptées et les institutions internationales deviennent relativement impopulaires dans ces pays. On voit ainsi se développer de nombreuses théories qui remettent en cause la mondialisation et le «tout marché» en vue du développement. Les plans d ajustement structurel du FMI ne semblent pas efficaces et, de plus, le FMI n a su ni prévenir la crise asiatique ni la gérer. Ces stratégies de développement sont d autant plus remises en cause, qu un pays tel que la Corée du Sud se sort du sous-développement grâce à l Etat. En effet, en 1960 la Corée du Sud avait un développement équivalent à celui du Soudan aujourd hui. Sa stratégie de développement et d industrialisation fut de s ouvrir aux échanges avec un contrôle important de l Etat. Le pays n est pas purement protectionniste mais les grandes industries de consommation et industries lourdes restent aux mains de l Etat. Etat qui effectue aussi un contrôle important sur les échanges extérieurs. Et il en est de même pour la Chine, son capitalisme est particulier étant donné que toute entreprise étrangère voulant s installer sur le sol chinois doit s associer avec une entreprise chinoise afin d assurer le transfert de technologies. Ainsi la mondialisation explique une partie du rattrapage, mais il s avère que l insertion dans les échanges ne fut pas toujours bénéfique et que d autres facteurs ont été utiles. Une partie du rattrapage des pays émergents n est pas forcément due à la mondialisation, cette dernière a même parfois été néfaste. Mais nous allons voir que la mondialisation a tout de même permis aux pays émergents d avoir aujourd hui une nouvelle place dans le monde bien que les défis à relever soient encore nombreux. Aujourd hui, les pays émergents ont acquis une nouvelle place sur la scène internationale, ils ont un nouveau poids commercial et politique. Cependant ils ont encore de nombreux défis à relever pour espérer entrer un jour dans le cercle très fermé des pays développés. La Chine est devenue en 2010 premier exportateur mondial devant l Allemagne, signe qu il ne faut plus négliger les pays émergents. En effet, aujourd hui le commerce ne se fait plus uniquement dans «la Triade» (Etats-Unis, Europe, Japon), il faut aussi compter sur ces pays émergents qui représentent maintenant un tiers des échanges mondiaux. Et les produits exportés ne sont plus seulement des matières premières, 80 % des exportations provenant du Sud sont aujourd hui des produits manufacturés. Ainsi les pays émergents sont des concurrents de plus en plus importants pour les pays riches. D autant plus que ces pays ont
8 aujourd hui leurs propres FMN qui représentent 25 % des FMN mondiales. Des entreprises comme Tata (Inde), Petrobas (Brésil) et China Railway (Chine) concurrencent de grandes entreprises du Nord. Tout cela étant rendu possible par la mondialisation. D autre part, ces pays ont aussi une nouvelle place politique dans le monde. La Chine est entrée depuis 2001 à l OMC et fait aussi partie du G8. Elle permet ainsi de représenter les pays du Sud sur la scène politique. De plus, la Chine est un des plus gros contributeurs à la dette américaine. Elle détient en effet milliards de dollars de bons du Trésor américain, ce qui lui permet d exercer une certaine pression sur cette grande puissance. Enfin, la Chine intervient aussi dans les pays les moins avancés (PMA) notamment en Afrique avec le «Beijing Consensus» qui promet une aide aux pays d Afrique sans ingérence. La mondialisation a donc non seulement permis le rattrapage des pays émergents mais leur a aussi permis d avoir un nouveau rôle dans le monde. Mais ce n est pas pour autant fini. De nombreux défis s adressent aujourd hui à ces pays. Il est nécessaire, pour que leurs 10 % de croissance soient viables à long terme, que ces pays développent leur consommation interne. En effet, en Chine, seules 35 % des personnes ont accès à la consommation et ce chiffre est en constant recul. Les Chinois l ont bien compris, ils doivent développer leur consommation interne pour rendre leur croissance soutenable. Et cela passe par le développement de la protection sociale. Car la population vieillit et il faut qu elle soit assurée. Des réformes sont donc en cours en Chine afin d améliorer la protection sociale. Car, pour que le rattrapage soit total, il faut que ces pays ne soient plus seulement «émergents» mais «développés». Conclusion Nous avons donc vu que, depuis le début des années 1980, la mondialisation a permis à quelques pays du Sud d entrer dans un processus de développement et d industrialisation. Bien que cela ne se soit pas fait sans mal et que certains pays aient opté pour d autres solutions, ces pays sont aujourd hui des pays émergents. Il leur reste cependant de nombreux défis à relever pour espérer un jour entrer dans le cercle très fermé des pays développés. Néanmoins, à l heure où le FMI revoit sa position sur le rôle de l Etat dans le développement et reconnaît que les plans d ajustement structurel ne sont pas la meilleure solution, nous pouvons nous demander si la mondialisation peut encore permettre l essor des pays qui sont encore sur la voie du développement. Copie réalisée par Johanna Vary, étudiante au lycée Bonaparte de Toulon, qui a intégré la Skema Business School en Pour approfondir Les pays émergents. Brésil Russie Inde Chine Mutations économiques et nouveaux défis, par Julien Vercueil, Bréal, Mondialisation et compétition, par Luiz Carlos Bresser-Pereira, La Découverte, Les nouveaux conquérants. Qui a peur des entreprises des économies émergentes?, par Sébastien Dessillons et Thomas Maurisse, Presses de l'ecole des mines, Nations et mondialisation. Les stratégies de développement dans un monde globalisé, par Dani Rodrick, La Découverte, 2008.
9 «Pays émergents : être ou ne pas être occidental», Alternatives Internationales n 51, juin Disponible dans nos archives en ligne. «Les pays émergents sortent renforcés de la crise», Alternatives Economiques Poche n 43, avril Disponible dans nos archives en ligne. «Pourquoi la mondialisation est réversible», Alternatives Economiques n 303, juin «Pays émergents être ou ne pas être occidental», Alternatives Internationales n 51, juin Disponible dans nos archives en ligne. L analyse de Luiz Carlos Bresser-Pereira sur les stratégies des pays en développement pour rattraper leur retard L économiste brésilien Luiz Carlos Bresser-Pereira analyse les stratégies de développement des pays du Sud à revenus moyens en s appuyant sur une comparaison des réussites asiatiques et des échecs latino-américains sur les cinquante dernières années. Critiquant la politique de libéralisation à tout-va de certaines économies émergentes s inspirant fortement du consensus dit de Washington, l auteur montre que les voies suivies par des pays comme la Chine, la Corée du Sud, le Vietnam, l Inde ont accordé une place centrale à l Etat-nation, permettant ainsi de définir une stratégie nationale de développement. Bresser-Pereira milite pour une ouverture commerciale des pays émergents afin de bénéficier de leurs avantages comparatifs et de saisir les opportunités de croissance liées à l intégration commerciale mondiale, mais il refuse l intégration financière internationale. L ouverture financière entraîne une surévaluation de la monnaie nationale et, par là, une contraction du secteur exportateur et, donc, un ralentissement de la croissance qui finit par déboucher sur un déséquilibre de la balance des paiements et une dépendance monétaire sur un plan international. L auteur parle d un nouveau «développementisme» reposant sur une épargne nationale au service du développement national. Les politiques monétaire et de change doivent être au service non pas des intérêts internationaux, mais nationaux. Le taux de change doit retrouver sa place essentielle comme variable micro et macroéconomique dans la politique économique (référence faite à la stratégie chinoise). L Etat est au cœur de la stratégie développementaliste, en agissant et en contrôlant le marché des changes, mais aussi en définissant une politique fiscale et budgétaire rigoureuse afin d imposer à la société des stratégies favorables sur le long terme par l intermédiaire de politiques structurelles (politiques industrielles, d innovation et d éducation). Daniel Fleutôt
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