Le biométhane, une énergie naturelle renouvelable qui a fait ses preuves

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1 Le biométhane, une énergie naturelle renouvelable qui a fait ses preuves Emmanuel ADLER Cabinet ACONSULT Centre d'affaires des Monts d'or St Genis les Ollières tel Ressource naturelle renouvelable produite par digestion anaérobie des immondices putrescibles (déjections animales, gadoues, boues, résidus industriels fermentescibles ), le biogaz, également nommé "gaz des marais ou de fumier", fait aujourd'hui l'objet d'une attention nouvelle. En effet, dynamisé par le contexte tendu des prix de l énergie, les ambitions du Grenelle de l Environnement et enfin, le récent avis favorable de l AFSSET autorisant la réinjection du biométhane en réseau, la filière méthanique devrait connaître des beaux jours, tout particulièrement dans le domaine agricole et urbain. Si la digestion intéresse aujourd hui les campagnes, il est instructif de se rappeler que la découverte du méthane remonte à 1778, avec la découverte d Alessandro Volta, père de la pile électrique. Ce savant identifia ainsi, dans les bulles de gaz 1 émises par les vases en putréfaction du lac Maggiore, l existence de «gaz hydrogène carboné». Matériel de collecte et d'analyse des gaz des marais utilisés par Volta 2 en Le mot «gaz» apparaît au XVII e siècle, quand Jan Baptista van Helmont ( ), médecin, chimiste et physicien Flamand, inventa ce terme dérivé du grec chaos et nommé geist (fantôme) en flamand. 2 In Briefe über die natürlich entstehende entzündbare Sumpfluft, Alessandro Giuseppe A.A. Volta, traduit par Johann Heinrich Ziegler, p1

2 En 1808, le britannique Humphrey Davy, «étudiant la fermentation d un mélange d eau et de fumier en vase clos, recueillit dans une cloche à mercure un mélange gazeux composé d hydrocarbure, de gaz carbonique et de trace d azote 3.» En 1868, l agronome Jules Reiset, correspondant de l'institut, étudiant la dynamique de l azote dans les fumiers, observa le dégagement d un gaz combustible, l'hydrogène protocarboné (gaz des marais). Il faudra à peu près 100 ans après sa découverte pour que la première application des traitements anaérobiques soit mise en œuvre. C est en effet le 22 septembre 1881 à Vesoul, que l'entrepreneur Louis Mouras déposa le brevet n pour une «nouvelle fosse d aisance dite vidangeuse automatique et inodore 4» assurant l'épuration des eaux de latrines par fermentation méthanique. Cette invention sera commercialisée dans le monde entier sous l impulsion de l'abbé Moigno, professeur de mathématiques, éditeur scientifique (dont la revue scientifique Cosmos) et homme d'affaires. L objectif cherché est alors la «liquéfaction» des matières solides putrescibles avant rejet à l égout des effluents. La fosse Mouras (1881) 5 Peu après en Grande Bretagne, Donald Cameron, ingénieur sanitaire à Exeter, déposa le 16 septembre 1898 le brevet n relatif au «septic tank» afin de purifier les eaux d égouts. 3 Gaz de fumier, dernières techniques de production et d utilisation, E Lesage et P. Abiet Ed La Diffusion nouvelle du livre, Soissons ; 132 p 4 Les fosses septiques, A. Builder, 4ème éd., Dunod Paris p2 5 Rapport sur fosse septique et hygiène publique, Dr Octave Simonot, Éd. Impr. Tribune, 1911, 45 p. p2

3 La septic tank (1898) 6 Sujet d intérêt pour les hygiénistes de la salubrité urbaine, l anaérobique concerne le terrain de l agriculture, tout particulièrement en France. Car c est à Bordeaux, il y a un plus de 120 ans, en 1884, que l'agronome Ulysse Gayon spécialiste observa "la présence de gaz carburés forméniques dans la fermentation du fumier» et démontra son pouvoir énergétique en "utilisant pour des expériences de chauffage et d'éclairage le gaz provenant d'une bonbonne de 100 litres pleine de fumier et d'eau" 7. A la même période, Pierre-Paul Dehérain, l un des pères de l agronomie française et créateur à Grignon en 1875 du plus vieux dispositif de parcelles expérimentales après celui de Rothamsted (1843) en Grande Bretagne, analysa les gaz prélevés sur les tas de fumier de l Ecole Nationale d Agriculture de Grignon. Il constata en particulier que «la cellulose se décomposait, sous l influence des ferments du fumier, en volumes égaux d acide carbonique et de méthane» 8. En parallèle, Alphonse-Théophile Schloesing menait ses recherches avec une étuve fermée de laquelle, à 52 C, il recueilli 27 litres de gaz combustible par kilo de fumier 9. Il convient également, mais sans exhaustivité, de citer les contributions microbiologiques des russophones 10 Serge Winogradsky et Vasily Oméliansky, et enfin, aux Pays-Bas en 1905, du biologiste Nicolaas Louis Sohngen, du Laboratoire de Delft, qui identifia divers organismes anaérobies, donnant son nom à Methanobacterium sohngenii. 6 Brevet US Pat. N du 12 décembre 1898 déposé par D. Cameron, FJ Commin & AJ Martin pour un «apparatus for treating sewage». 7 En 1883, Ulysse Gayon ( ), Directeur de la Station Agronomique de Bordeaux, disciple de Louis Pasteur (qui a étudié le vin et la bière), publie ses travaux originaux (p ; Comptes Rendus des Séances de l'académie des Sciences, tome ). 8 Traité de chimie agricole, P-P Dehérain, seconde Ed., Masson, Paris 1902 (p786) 9 Sur la combustion lente du fumier et sa fermentation anaérobie, Annales Agronomiques, tome 18 p5-18; 1892 Paris 10 Recherches sur les organismes de la nitrification : Influence des substances organiques sur le travail des microbes nitrificateurs. Annales agronomiques, 1900, 26 : p3

4 Ce dernier mit en particulier en évidence 11 la double nature du méthane, "comme nutrition carbonée (dépense de construction) et source d'énergie (dépense d'entretien) pour les bactéries". Développée pour traiter les pollutions, la digestion anaérobie allait ainsi progressivement s associer à la valorisation énergétique. Pour preuve, en 1897 en Inde, un premier digesteur fut construit par les Anglais sur une léproserie à Matunga, près de Bombay, avec l objectif de produire du carburant véhicule. Ce fut finalement un petit moteur qui fut installé sur le site en 1907 pour produire un peu d électricité et de chaleur. Mais c'est surtout entre les deux guerres, que de nombreux travaux font progresser la digestion anaérobie des boues des stations d'épuration, en particulier en Grande Bretagne 12, en Allemagne 13 et aux Etats Unis 14. Illustration de ces progrès, de nombreux digesteurs entrent en service dans les années sur des stations d épuration, avec le souci d optimisation énergétique du biogaz produit, souligné par les nombreuses études comme celles-ci-dessous sur la réinjection du biométhane en réseau. caractéristiques du biogaz produit par divers digesteurs de boues d épuration (1930) 11 Sur le rôle du méthane dans la vie organique, Rec. trav. chim., 29, Paris Un moteur de 25 chevaux fut installé sur la station d épuration de Birmingham en La première utilisation en 1924 du gaz de digestion a été réalisée sur la station d'épuration d'essen-recklinghausen "Die städtische Abwasserreinigung Ende", Karl Imhoff 1927; Ges-Ing 50, Operation of Sludge Gas Engines Greeley, S et Velzy, 1936 Sewage Works J.8 (1): p4

5 Mais c est en France 15, pays pionnier, que les premières réalisations de digestion des fumiers furent réalisées vers la fin des années 1930 en Algérie, sous l'impulsion de deux enseignants de l'ecole nationale d'agriculture d'alger, Isman et Ducellier, qui déposèrent un brevet en 1938 aux Etats- Unis pour un "system for producing a pulsating circulation in appartus containing gas evoving products" 16 : C'est sur la base de leur brevet que de nombreuses installations agricoles vont s'équiper de digesteurs de gaz de fumier (voir publicité ci-après), et que divers équipements de valorisation du biogaz vont être développés, à l'instar de cette cuisinière : digesteur agricole et cuisinière alimentée en gaz de fumier 17 (1952) 15 DUCELLIER G., ISMAN M. (1955): Dix huit années de travaux sur le gaz de fumier, Rapport adressé à l Académie d agriculture de France, Paris. Biométhane vol. 2 principes, techniques et utilisations, Bernard Lagrange, 1979 Edisud 16 Brevet nord américain n du 26 septembre "Gaz De Fumier, dernières techniques de production et d'utilisation" Lesage, E. et Abiet, Ed La Diffusion nouvelle du Livre 137 pp p5

6 Dans les années 1980, c'est sur la base du brevet déposé par Isman et Ducellier que les premiers essais de digestion anaérobie des ordures ménagères furent conduits en France par la société Valorga. Ces quelques éléments historiques, non exhaustifs, permettent de mettre en évidence la richesse technologique et scientifique acquise par les hommes en matière de gestion de gaz des marais. Compte tenu du contexte actuel en matière de production d'énergie renouvelable et de retour au sol des déchets putrescibles, il ne faut pas douter que les acquis présentés faciliteront le développement de la filière et permettront de lever les réticences à caractère sanitaire liées à la valorisation du biométhane Le 30 octobre 2008, l Afsset rendait un avis favorable pour l injection de biogaz dans le réseau de gaz naturel, mais soulignait étrangement le manque de données pour les stations d'épuration p6