1917 *1974 DÉCOUVRIR LA LITTÉRATURE SOVIÉTIQUE

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2 NÇÌVELLI CR Directeur : Francis Cohen Rédacteur en chef : Antoine Casanova Rédacteur en chef ad joint : Emile Breton Secrétaire de rédaction : Michel Strulovici Secrétariat général : Léandre Curzi Secrétaire Odette Célérier Maquette Main Le Bris Comité de rédaction : Michel Apel-Muller, Gérard Bel - bin, Colette Bernas, Guy Biolat, Lucien Bonnafé, Emile Breton, Pierre Bruno, Christine Buci-Glucksmann, Antoine Casanova, Philippe Cazelle, Catherine Clément, Francis Cohen, Jacques Coru, Jacques De Bonis, Jean Deroche, Bernard di Crescenzo, Jean-André Fieschi, André Gisselbrecht, Serge Goffard, Maurice Goldring, Jean Goldzink. Aimé Guedj, Guy Hermier, Francoi3 Hincker, Jacques Leclerc, Paul Mazliak, Roland Ménard, Elle Mignot, Jacques Mil/tau, Maurice Mois sonnier, Jean-Louis Moynot, Jacques Pesenti, Rolland Pierre, Claude Prévost, Jean Ron y, Jacques Roux, Laurent Salini, Lucien Sire, Michel Simon, Michel Strulovici, Jean Thibaudeau, France Vernier, Roland Weyl. Vernes : William Vigé Rédaction 2, place du Colonel-Fabien, Paris (19`) Tél. : ; Administration et service de vente 168, rue du Temple, Paris Tél. : Régie publicitaire A. C. P. 187, quai Valmy, Paris Tél.: PH., de reitle st. mmu'rn France Marche Commun Autres Pays 15 F 'Alrique du Nord 20 F AUX ABONNÉS ': efri.cas de. changemeni dadresse, les P. T. T. ne font pas suivre les publications. Si vous désirez rece voir votre revue sans retard vous asee donc intérét it nous communiquer avant le 15 du mois votre nouvelle adresse sans oublier de nous joindre également l'ancienne et 2,40 F en timbresposte. mprime par Corbière et Jugain, Alengon. Diffusé par les N. M. P. P. Directeur de la publication Francis Cohen

3 VELL Pour compléter votre collection Ik Bi,-e _,, \,,..., ole...e.». N o 68 No oci gt 1,,d ei riew _.... eb 1, 1 e I)),, e 144eteet di - e Las dlordn om. I m,A ,... le Polma Ulm n nn..int No 74 N o 75 No 76 N o 77 Chacun des numéros ci-dessus vous seront adressés sur la base de 7 F, l'exemplaire. Pour l'étranger, ajoutez 10 %. FONS: ARXIU HISTÒRIC CONC Passez vos commandes: en adressant le bulletin figurant dans l'encart de ce numéro aux Editions de La Nouvelle Critique, 29, rue du 4-Septembre, Paris C. C. P. Paris

4 Le concours La bataille pour La N.C. algré les retards dans l'acheminement du courrier au moment M du lancement de notre concours, celui-ci a déjà pris un bon départ, puisque 350 abonnements étaient déjà parvenus à la revue à la mijanvier, et que 150 abonneurs y participent, à litre individuel ou collectif, certains déjà avec des résultats impressionnants puisque le cercle bisontin de La N. C. en est à 33 points. Rappelons que le compte est obtenu sur la base d'un point pour un abonnement d'un an et qu'à la clóture, le 30 avril, les six premiers bellacieront de voyages à l'étranger, selon les modalités précisées dans notre numéro de janvier, et qu'un lot de livres sera offert en cadeau pour chaque tranche de cinq points. Voici donc un premier classement, sns aucun doute très provisoire Cercle bisontin de La N. C. (Gerard Depry) : trente-trois points ; Michel Prost, de Chaumont et Gerard Servais, de Villers-les-Nancy : sept points ; Michel Grossman, de Strasbourg et Aimé Guedj, de Plessis- Trévise : six points ; Michel Barbier, de Tours et France Vernier : cinq points et demi ; Mme Besson, de Digne, Jean-Paul Blandino, d'ajaccio, et le Cercle de La N. C. de Sartrouville : cinq points ; Joel Vernet, de Sorgues, et Michel Apel Muller de Mácon : quatre points. La NC et le renforcement du parti Hubert Keller, Nancy l'ai fait le concours de La N. C. l'année dernière. Je vais certainement m'y remettre cette année. Je pense que c'est vraiment un excellent moyen de diffuser notre revue. Parmi les abonnés que j'ai réussi à convaincre l'an dernier trois ont donné leur adhésion au parti et deux ont décidé de faire le concours cette année à Nancy. C'est peut-etre prétentieux de ma part de m'attribuer des mérites qui sont surtout ceux de La N. C. ellemeine, mais je vous assure que ça procure une sacrée satisfaction de militant!... Françoise Fleury, Rouen. l'apprécie particulièrement l'effort de La N. C. pour étre en prise directe sur l'actualité politique et culturelle sans pour cela abandonner un nécessaire effort théorique qui fait l'intéret de votre revue... Enonçant quelques-unes des raisons qui font qu'elle apprécie la revue, notre correspondante poursuit : Tout cela pour vous dire que je me réabonne non parce que je suis communiste et qu'il faut bien soutenir la revue théorique du paro, mais parce que La N. C. est passionnante, utile dans la vie politique, syndicale, etc.» Marc Sagnol, Lyon. «Remerciement à la revue tout entiere, pour la qualité de ses articles. Je connais La N. C. depuis environ un an et demi, suis un lecteur régulier récent (janvier) et un abonné encore plus récent (mai de cette année) et je crois qu'il me serait à présent impossible de me passer de votre, de notre revue... Vous avez contribué à mon brillant succès à P. E. S. d'allemand (je suis arrive 1" pour l'académie de Lyon) par vos articles sur «Ecriture et socialisme dans quelques romans de la R.D.A., ainsi que par l'inter- la nouvelle critique 2 view de Hermann Kant (La N. C., n 38) et l'étude de L'Amphithilltre de Hermann Kant. Ces articles mont beaucoup aidé dans l'étude de cet ouvrage. Sachez d'autre part que je ne suis pas le seul, et que tous les camarades de mori cercle U. E. C. («prépa» du lycée Edouard-Herriot) qui ont tous obtenu des résultats excellents aux différents concours, vous doivent également teile ou teile bonne note dans differentes matieres. Le point sur les initiatives de La N.C. L'appel que nous avons lancé et les propositions que nous avons faites dans notre numéro 79/80 a déjà reçu un large écho. Nous faisons le point ici sur ce qui a été déjà engage et les initiatives prévues. Ont été organisées les initiatives suivantes : ans le 13» arrondissement de Paris, les Amis de La Nouvelle Cri- D tique ont organisé avec grand succès, le 28 novembre, une soirée thatrale, on, après la représentation des Caprices de Marianne par les Tréteaux du Sud parisien, un très interessant débat s'est instauré entre la salle et Roger Mollien, Francis Cohen, Gerard Bellouin, Andre Voguet, conseiller du 13» et Serge Lana, architecte de la renovation du quartier. e 19 décembre, à Courbevoie, la L première soirée de discussion du Cercle des Amis de La N. C. a réuni une assistance jeune, critique, socialement diverse et avide de débat et d'action politiques et culturels autour de Francis Cohen, Yvan Denis et Bernard di Crescenzo. inéma : Week-end au Havre : les C%-:" 13, 14 et 15 janvier, la commission cinema de La N. C., en collaboration avec l'unité cinema de la maison de la culture du Havre, a organise dans cette ville un week-end sur le theme «Cinema et propagande». Le Cin g-ceil de Dziga Vertov, des films cubains contemporains, La»je est à nous de Jean Renoir, des courts metrages d'uni-ci-te, le film d'anatole Litvak de la série américaine Pourquoi nous combattons, un

5 film américain justifiant l'intervention U. S. au Vietnam étaient au programme. Les débats étaient animes par Emile Breton, Noel Burch, Bernard Eisenschitz, Jean-André Fieschi, Jean-Patrick Lebel. our le Portugal. Dans la «foulée du dossier Portugal que nous P avons publié en novembre, Andre' Gisselbrecht et Emile Breton ont participé ä des assemblées-débats sur le Portugal, notamment ä Argenteuil, Nanterre, Bois-Colombes, Amiens, Champigny, Sartrouville et ä l'université de Vincennes. Sont prévues A Grenoble est organise par la rzfédération de l'isère du P. C. F. et La N. C., le 5 février ä partir de 17 heures, au Palais des Congrès de Grenoble, un grand débat sur «les intellectuels dans la France d'aujourd'hui et de demain avec Jacques Chambez, membre du bureau politique. Ce débat sera suivi de la presentation par M. Ricci des textes de Gramsci publiés aux Editions sociales. Projection aussi du film de Jean-Daniel Simon, avec la participation de l'auteur, 11 pleut toujours où c'est mouillé. Une exposition en collaboration avec le Conservatoire du musée de Grenoble rassemblera des dessins originaux de Picasso, Matisse, Leger, Chagall, pendant toute la durée de l'initiative. Une vente de livres permettra aux participants de dialoguer avec Francis Cohen, Jacques Frémontier, Pierre Seghers, France Vernier. 1 a Nouvelle Critique et l'univer- sité nouvelle de Lyon organisent un deuxième samedi «non stop» sur la littérature le 1" mars 1975, de 15 ä 22 h 30, salle des spectacles de Parilly, Venissieux. La discussion sur la recherche marxiste en littérature aura pour theme «Brecht, Lukacs et le problème du réalisme. Cette journée de réflezion et de débats sera animée par Gilben Badia, André Gisselbrecht, Claude Prévost. Signalons aussi une ventesignatures de livres, avec le concours de la librairie nouvelle de Lyon. Possibilité de repas en commun pris sur place. (Renseignements-inscriptions auprés de Mme Condamin, 41, avenue Rock feiler Lyon.) La résistance ; la culture ; le socialisme aux couleurs de la France. Une conférence aura heu tous les deux mois. A Nancy (Meurthe-et-Moselle Sud) la fédération du P. C. F. et La N. C. organisent le 12 février, pendant le Festival du thatre universitaire une rencontre-conférence de presse avec Jacques Chambaz sur la position des communistes concernant les problèmes du theätre. Un débat suivra avec pour thème : les communistes et la culture. ne initiative de la fédération des Hauts-de-Seine du P. C. F. et La N. C. se tiendra le samedi premier mars ä partir de 17 h 30 et jusqu'à 24 h, salle des fétes de Nanterre, rue d'asnière. Le theme général en est : Les sciences, les arts, la culture, pour le progrès, pour les hommes, pour la société. Six débats simultanes se dérouleront jusqu'à 20 h 30 sur Développement des sciences et des techniques, progres, pourquoi, pour qui? Croissance, économie, entreprise, en crise pourquoi, en sortir comment? Fonction de l'enseignement et finalité de l'éducation. La création, un besoin pourquoi., une nécessité pour qui, la réaliser comment? La médecine et les libertés, viennent les menaces? Dans la crise, bis, justice, libertés. A 20 h 30 : intervention de Jacques Chambaz sur la politique du P. C. F., la culture et les intellectuels. A 21 h 30 : spectacle. En permanence une exposition réalisée par Raoul-Jean Moulin sur Recherche et moyens modernes d'expression dans le domaine des Arts plastiques. Une foire aux livres avec de nombreux auteurs. Un buffet campagnard vous accueillera. Un e tiré ä part de La N. C. sera spécialement édité pour cette initiative. (Participation aux /rais : 20 F. Pour tous renseignements s'adresser M. Claude Denis, fédération des Hauts-de-Seine du P. C. F., 18, rue Franklin, Nanterre (92).) La bataille pour La N.C. a section du P. C. F. de Vierzon L (Cher) prévoit ä partir des propositions de La N. C. (voir n 79/80) un cycle de conférencedebat commençant le 29 janvier ä 20 h 30 sur le theme : «Crise : fatalité ou faillite d'un système» avec Bernard di Crescenzo. En prévision Nous signalons qu'une affiche présentant la revue et appelant aux abonnements est disponible. Pour toute commande s'adresser à La N. C., 168, nie du Temple, Paris. Tel

6 Grand Concours d'abonnements (1e novembre avril 1975) Si votre carnet d'abonnements est épuisé utilisez les deux bulletins ci-dessous - 1- Talon d conserver par l'abonneur Abonnement de Tarif Tarif normal étudiant 2 ans (2 points) [3 1 an point) 6 mois (1/2 point)d Adresse Montant et bon envoyé ä la N. C. par virement postal chèque bancaire versement direct Bulletin d refourner cl: LA IgIA/F Abonnement de 2 ans 1 an 6 mois A bonné : Nom et prenom Adresse Tarif normal Tarif Ambam Qualité ou profession ci-joint mon règlement en cheque postal 13, cheque bancaire E. especes E. (C. C. P Paris) A bonneur : Nom et prenom Adresse 168. rue du Temple, Paris LA 168, nm du Temple ELLE Paris Tel Reçu d remenre cl l'abonné Abonnement de 2 ans 1 an 6 mois Adresse Date L'abonneur Tarif Tarif normal étudiant - Kiff Talon à Tonserver par l'abonneur Abonnement de Tarif Tarif normal étudiant 2 ans (2 points) I an (1 point) E 6 mois (1/2 point) E Adresse Montant et bon envoyé ä la N. C. le par virement postal chèque bancaire versement direct Bulletin cl retourner cl:,lle eub 168, rae Abonnement de 2 ans 1 an 6 mois A bonné Nom et prénom Adresse du Temple, Paris Tarif normal Tarif étudiant Qualité ou profession ci-joint mon règlement en cheque postal D, chèque bancaire 0, especes D. (C. C. P Paris) A bonneur Nom et prenom Adresse au ELLE 168,7r5t2lajzple L LA Reçu d remettre à l'abonné Abonnement de Tarif Tarif normal étudiant 2 ans D D 1 an D u 6 mois D D M Date L'abonneur Tel

7 NC SOMMA IRE n 81 Février 1975 FONS: ARXIU HISTORIC CONC La bataille pour La N. C. La culture en péril? Entretien avec Jacques Chambaz Gramsci, Togliatti et l'iguanodon Jacques Texier Economie, politique et philosophie en Grèce archaique Yvon Garlan N. C. Internationale R. D. A. : notes sur «itinéraire culturel» Claude Prévost U. S. A. : la crise du capitalisme monopoliste d'etat Victor Pedo Que Lire sur l'u. R. S. S. Francis Cohen Débat sur la littérature soviétique 51 N. C. Actuelles : Mouvement d'idées, La N. C. a lu, La N. C. a vu, La N. C. signale, Les Echecs 77 Propositions aux lecteurs 95, 96 Iconographie : pp. 6 et suivantes : dessins de Picasso pour Guerre et Paix éditions Cercle d'art pp. 12 et suivantes : Roger-V iollet ; pp. 25 et suivantes : documents Ambassade de R. D. A. ; pp. 41, 43 : Richard Kalvar (Viva) ; p. 42 : William Klein (V iva) ; p. 44 : Martine Franck (Viva) ; p. 45 : Gloaguen (Viva) ; pp. 51 et suivantes : documents, agence de presse Novosti ; pp. 81, 82, 83, 86 : Roger- Viollet ; p. 84 : Bibliothique nationale ; p. 88 : Procontact ; p. 90 : photo du film : II pleut toujours oü c'est mouille de Jean-Daniel Simon. Copyright 1975 «Les Editions de La Nouvelle Critique a. Tous droits de reproduction réservés. 5

8 La culture en péril? entretien avec Jacques Chambaz La N. C. : Par ministres interposés, Giscard prend ou annonce une série de mesures concernant le theätre, la télévision, la radio, la recherche scientifique, Peducation selon la nouvelle appellation de l'ex-ministre de l'education nationale. Y a-t-il lä une politique nouvelle? Jacques Chambaz : Les prises de position et les actions des intellectuels eux-mémes répondent déjà à la question. Elles éclairent les menaces sérieuses qui pesent sur la recherche scientifique et l'enseignement supérieur, sur la création littéraire et artistique, sur l'enseignement, bref, sur la culture considérée dans la diversité de ses composantes. Des faits confirment sans cesse la gravité de la situation et la nocivité de la politique gouvernementale grands programmes menacés, universités proches de l'asphyxie, réalisateurs de télévision et de cinema, hommes de théátre et musiciens, écrivains et artistes, acteurs et interpretes, tous sont aujourd'hui frappés, et, avec eux, l'ensemble des personnels des equipes de création. Les comptes de la pénurie sont lourds, lourds pour les intellectuels et la culture, lourds pour la nation. Certes, il y a des différences, entre les hommes, les styles, les tactiques. Aujourd'hui, le pouvoir se donne l'apparence du libéralisme et affiche volontiers une démarche pragmatique, au coup par coup. Ces différences ne sauraient dissimuler l'essentiel aujourd'hui, comme hier, il s'agit d'une politique profondément réactionnaire, profondement malthusienne, qui met en cause le mouvement meme de la culture. Et comment, pourrait-il en etre autrement? La culture n'est pas isolée du mouvement social et la politique culturelle du gouvernement ne saurait étre indépendante de sa politique d'ensemble, une politique qui s'efforce de préserver les intéréts du grand capital et de maintenir sa domination sur l'ensemble de la vie nationale. Disant cela, nous prenons garde de sous-estimer les ceuvres et les recherches qui caractérisent la vie culturelle dans les divers domaines de l'activité intellectuelle, mais nous tenons compte du fait que ces ceuvres et ces recherches se font en définitive malgré et contre la crise et la politique qui la nourrit. La N. C. : Cette politique, le grand souci de la classe dominante est de la faire accepter, non seulement par le public, c'est-à-dire par la population, mais par les intéressés eux-mémes. D'oü une intense activité idéologique, multiforme et multidirectionnelle. Quels en sont les thèmes, les moyens? Jacques Chambaz : La manifestation la plus visible de cette politique, c'est la pénurie, avec toutes ses conséquences. Mon budget est un budget d'imagination, déclare Michel Guy. Mon budget ne peut ignorer l'actuel climat d'austérité, affirme René Haby. Et après tout, de ce mal relatif ne peut-il sortir un bien si la situation conduit à mieux utiliser les crédits, à éviter les gaspillages, à mettre l'accent ici sur la qualité et la «circulation des ceuvres, là sur les finalités de l'éclucation et sur la prise en compte des rythmes individuels des éleves. De tels propos sont indécents au moment où la diminution absolue des moyens qui leur sont consacrés met en cause la recherche, la création littéraire et artistique, l'éducation nationale. Indécents, aussi, quand le scandale des pétroliers et la dilapidation des fonds publics au bénéfice des grandes sociétés démontrent assez oft se trouvent les veritables gaspillages, dans la domination du grand capital sur la vie nationale. Les crédits publics accordés à Michelin représentent la totalité du budget du secrétariat d'etat à la Culture. 11 suffirait du cinquième de cette somme pour répondre aux besoins urgents de l'ensemble des universités. Au-delà, les intellectuels peuvent vérifier, par leur propre expérience, à quels gaspillages conduit désormais un systeme dont les limites historiques plongent le pays dans la crise. Les chercheurs peuvent témoigner de ce que coúte dès maintenant au pays le coup d'arrét donné aux grands programmes, les ingénieurs, cadres et techniciens connaissent les gaspillages auxquels conduisent les déséquilibres du développement économique et le sous-emploi de leurs capacités, sous-emploi qu'illustre tragiquement le eheimage total et partidl qui les frappe comme ii frappe l'ensemble des salariés. Les enseignants vivent quotidiennement les gaspillages auxquels conduisent la ségrégation sociale et l'inadaptation d'un système scolaire qui nourrit les retards et les échees. Les créateurs peuvent mesurer comment l'objectif du pouvoir en organisant la penurie, l'autoritarisme et l'arbitraire est bien de les contraindre au silence et d'appauvrir leurs rapports avec le public. La N. C. : La pression materielle et idéologique du pouvoir vise ä inciter les intellectuels au repli sur eux-mémes. II espere obtenir par lä un effet de divi- la nouvelle critique 6

9 sion entre catégories et de coupure du mouvement démocratique général. Jacques Chambaz C'est vrai. Le pouvoir spécule sur la profondeur méme de la crise pour tenter d'en faire accepter les conséquences par ceux-là mémes qui en sont les victimes et qu'il s'efforce de diviser dans l'espoir d'empécher coúte que coúte que converge leur exigence d'une autre politique. Eclairer les causes de la crise, mettre en évidence les responsabilités du pouvoir, c'est dépasser ces apparences et dégager les bases objectives de la convergence des aspirations et des intéréts des intellectuels d'un méme secteur d'activité, des intellectuels dans leur ensemble, des intellectuels et des masses populaires. Comme nous l'avons réaffirmé cet été, en Avignon, dans des conditions qui n'étaient pas simples, tous les intellectuels, et, avec eux, tous les personnels qui contribuent à l'activité des équipes de création artistique et de recherche scientifique sont aujourd'hui frappés. C'est en particulier la conséquence des rapports nouveaux qui se nouent entre l'ensemble des disciplines et qui fait qu'à un degré jusqu'ici inconnu toute atteinte dans un domaine de la culture retentit sur d'autres domaines et sur l'ensemble du mouvement de la culture. Sur un autre plan, les luttes des intellectuels pour leur activité recoupent à un degré inconnu jusqu'ici les luttes des travailleurs contre le chómage et pour de nouvelles conditions de travail et de vie. C'est l'expression des liens nouveaux entre la culture et l'ensemble du mouvement social tels qu'ils s'expriment avec le développement des forces productives. Et ces aspirations et ces luttes, conformes aux intéréts de chacun, sont en méme temps conformes aux intéréts du pays. Elles ont une dimension nationale qui fonde leur convergence. C'est bien pourquoi les uns et les autres ont raison de refuser la fatalité de la pénurie, de s'opposer à l'autoritarisme, de faire front, ensemble, pour désamorcer les tentatives de division que suscite en permanence la politique du pouvoir. Mais la crise actuelle ne se limite pas à ses manifestations économiques ou budgétaires, aussi importantes soient-elles. Les premiers, en 1971, nous avons mis en évidence le fait qu'il ne s'agissait ni d'une crise passagère, ni d'une crise sectorielle, mais d'une crise globale, affectant la société dans son ensemble, et à laquelle aucun secteur de la vie nationale ne saurait échapper. Les différents aspects de cette crise, économique, politique, idéologique, morale, conjuguent leurs effets pour mettre en cause la liberté de création et de recherche, pour hypothéquer l'ensemble des activités intellectuelles, pour appauvrir les rapports entre ces activités et les masses populaires. C'était le moment oü l'un des thèmes idéologiques soutenu par la bourgeoisie affirmait que les débuts de la révolution scientifique et technique permettraient de faire l'économie de changements révolutionaaires et conduiraient à la convergence du socialisme et du capitalisme. Ces idéologies technocratiques «optimistes ont désormais fait place à des idéologies technocratiques de fin du monde qui vont jusqu'à alimenter une sorte de peur de l'an et qui s'efforcent d'accréditer Pidée que la crise serait inévitable. L'objectif essentiel de cette campagne, qui tient compte du soutien qu'a obtenu le Programme commun, c'est-à-dire des modifications du rapport des forces politiques, est de dépolitiser tous les problèmes afin d'obscurcir la conscience claire des mécanismes à 7

10 , fr--=1) W l'oeuvre dans la crise, donc la conscience des solutions capables d'en sortir le pays. Cette campagne n'est pas le seul fait du pouvoir et des forces qui le soutiennent. Elle trouve aujourd'hui son echo chez des hommes et dans des organes de presse qui se veulent d'opposition ou < objectifs n. II n'est que de lire Le Monde ou Le Nou ve! Observateur pour sen convaincre : attaques contre la médecine mise en cause de la science, rendue responsable des maux ou des perversions qu'entraine l'exploitation capitaliste ; reanimation des images les plus vieillotes de condamne à l'apolitisme, par fonction, écarté de toute responsabilité reelle ; complaisance, pour ne pas dire mise en valeur du a libéralisme et de l'humanisme > giscardien, cet humanisme au ventre mou dune classe sociale qui s'accroche à ses privileges et dont le maitre-mot demeure : ce qui est bon pour le profit est bon pour l'epanouissement de la personnalité et pour la societe. De telles démarches s'inscrivent dans les idéologies de la crise et relaient, particulièrement pour les intellectuels, la propagande gouvernementale, serait-ce en lui donnant l'apparence d'une caution de gauche. Le propre de ces démarches, c'est d'accepter le truquage des cartes à partir duquel le gouvernement s'efforce de présenter sa politique comme la seule possible et le renversement des fronts par lequel ii s'efforce de présenter les victimes comme les responsables de la crise. Elles isolent de la crise d'ensemble de la société et de ses racines politiques et sociales teile ou teile de ses consequences insupportables à l'évidence, comme la pollution ou la degradation du cadre de vie. Elles opposent des consequences complémentaires, mais distinctes de la crise, et renoncent par là à en dévoiler les origines comrnunes et le veritable moyen d'y porter remède. La N. C. : Ces campagnes visent les intellectuels. Certains, dans la mesure oü jis ressentent profondément la crise sans en voir toujours ni l'origine ni l'issue, ne son(-ils pas conduits ä douter de leur utilité, voire de leur qualité d'intellectuels ou Wirte ä la rejeter? Jacques Chambaz : C'est bien l'un des objectifs de ces campagnes. Un de leurs aspects, c'est de prendre prétexte du fait que la classe ouvrière et les masses populaires sont écartées de tout accès et de toute participation reelle à des composantes essentielles de la culture pour considerer comme secondaires les nécessités de la creation artistique ou de la recherche scientifique, sinon pour les discréditer et en faire des instruments d'oppression, pour rendre les intellectuels responsables d'une situation dont l'origine s'enracine dans le systeme capitaliste et la politique du pouvoir. La situation est effectivement intolerable, non seulement pour des raisons de justice sociale, mais du point de vue de la démocratie et de l'intéret national. Elle concerne la classe ouvrière et les masses populaires elles-memes en notant au passage que la ségregation dont est victime la première ne saurait conduire pour autant à la traiter en enfant mineur avec un paternalisme condescendant, ignorant la réalité qui en fait la force sociale décisive des changements révolutionnaires et la portée démocratique et nationale de ses I u tt es. Mais cette situation concerne aussi les intellectuels. leur rále, leur activité. La lutte nécessaire pour reculer des aujourd'hui les la nouvelle critique 8

11 obstacles que rencontrent la classe ouvriere et les masses populaires est inséparable de la lutte pour la reconnaissance du riile social de la création artistique et de la recherche scientifique. Opposer l'une à l'autre, c'est rester sur le terrain de l'idéologie bourgeoise et de la pratique gouvernementale. Sous la pression de la crise et des idéologies qu'alimente la grande bourgeoisie, c'est retarder sur la vie, serait-ce sous le prétexte de priciser ou d'enrichir la demarche de la gauche, que réalimenter, aujourd'hui, des questions auxquelles l'expérience a porté réponse, une expérience à laquelle notre réflexion et notre pratique ne sont pas etrangeres. Ainsi en est-il des fausses oppositions entre culture nationale et cultures regionales ; public et non public ; spontaneité et travail recherches individuelles et recherches collectives ; recherches spécialisées et recherches interdisciplinaires, véritablement interdisciplinaires ; recherche fondamentale, recherche de développement ; formation générale el formation professionnelle ; formation de la personnalité et enseignement de contenu scientifique élevé. Confrontes aux exigences et aux possibilités de la révolution scientifique et technique, frappés de plein fouet par la crise de la société, les intellectuels sont menaces sur le plan matériel, moral, professionnel. Comme la classe ouvriere, ils ont intérét ä la transformation de la société et cette transformation, en retour, exige l'essor de la culture, le déploiement de leurs capacités. L'aggravation de la crise renforce l'exigence et l'urgence de ces transformations. Elle renforce tualité du Programme commun, programme pour la culture, pour les intellectuels, par l'ensemble de ses dispositions qui s'attaquent réellement à la domination du grand capital ; programme qui dessine les contours d'une politique culturelle novatrice, forte des propositions antérieurement élaborées par notre parti, avec la con ribution active de nombreux intellectuels, communistes et non communistes ; programme cohérent, donc unificateur à l'heure oià le pouvoir oppose entre elles les diverses composantes de la culture, appose la science et la production, la création et la diffusion, Paris et la province, les intellectuels et les masses populaires. La politique et les initiatives de notre parti ont comme objectif de permettre aux intellectuels d'en prendre conscience. La N. C. : Le parti socialiste fait un effort pour définir une politique culturelle. Que penser de cet effort et de ses résultats actuels? Jacques Chambaz : Cet effort existe. Il est, c'est vrai, récent. Mais il est difficile, à la lecture des textes publiés jusqu'ici, et dont chacun des signataires affirme qu'il n'engage pas le parti socialiste, de parler d'une politique culturelle fondée sur une conception explicite et cohérente. Cela tient sans doute à la nature méme du parti socialiste, parcouru de courants idéologiques divers et constitué de tendances differentes dont l'existence ne parait pas faciliter une discussion approfondie. Ceci rappele, ces documents, après avoir rendu hommage à la réflexion de notre parti, paraissent surtout vouloir sen distingucr ce qui est le droit strict de leurs rédacteurs mais force est de constater que ce souci les conduit à une sensibilité évidente à certains des thèmes idéologiques que je viens d'évoquer. La N. C. : Certains pensent que, en orientant particulierement son action vers les entreprises, le 21 e Congres du P. C. F. a voulu réduire quelque peu l'importance accordée aux problemes des intellectuels et de la culture... 9

12 »nett f1- it 1 Jacques Chambaz : le répondrai d'abord qu'une des conséquences des débuts de la révolution scientifique et technique est d'accroitre le nombre et le röle des intellectuels dans la vie sociale. Les ingénieurs, techniciens et cadres sont de plus en plus nombreux dans les entreprises. Aussi, parier d'activité du parti, aujourd'hui, dans les entreprises, c'est parler de son activité vers la classe ouvrière, mais aussi vers les ingénieurs et techniciens, c'est parler de l'activité des cellules de chercheurs, d'enseignants et d'universitaires. De maniere plus générale, ce n'est pas d'aujourd'hui que la bourgeoisie oppose le caractère révolutionnaire du parti communiste et la portée profondement démocratique et nationale de sa demarche, le röle de la classe ouvriere dans le mouvement social et son alliance avec d'autres catégories sociales qui y ont intérét pour elles-memes. Le mérite du parti est sans aucun doute d'avoir developpe et mis en ceuvre une conception de l'alliance de la classe ouvriere et des intellectuels fondée sur l'analyse de leur röle convergent, mais distinct. C'est bien pourquoi la bourgeoisie s'acharne à caricaturer cette conception qui, bin d'impliquer quelque subordination que ce soit de la classe ouvrière et des intellectuels, repose sur l'idée qu'il s'agit d'une alliance entre partenaires différents, mais egaux. Ce n'est pas le partí communiste, mais la bourgeoisie qui met en cause aujourd'hui la spécificité du travail intellectuel et son röle grandissant dans la société. Nous entendons, quant à nous, ne lui céder en rien, car il s'agit dune question essentielle. Comme le déclarait Roland Leroy pour le 25 anniversaire de la revue : < L'activité intellectuelle interprète, et anticipe parfois, de façon spécifique, à son rythme, avec ses méthodes et leurs bis, sur l'activité productrice comme sur les luttes sociales et politiques. Dans cet écart nécessaire, résident les conditions de possibilité d'une création intellectuelle, scientifique ou artistique. Il est de la plus haute importance pour que finalement, dans le temps historique, le mouvement social révolutionnaire et le mouvement culturel marchent du méme pas, que de part et d'autre soit pris conscience de cet écart, du fait qu'il s'agit bien d'un écart, ni d'un envol dans des cieux idéaux ni d'un engluement dans le domaine économique et politique, étroitement conçus. Ce n'est pas le parti communiste mais la bourgeoisie qui met en cause la liberté de creation et la liberté de recherche pour lesquelles nous nous prononçons non par éclectisme ou manceuvre, mais pour des raisons de principe fondées sur la reconnaissance des nécessités mémes du mouvement de la création artistique et de la recherche scientifique et sur la reconnaissance des rapports réels entre l'activité intellectuelle et l'ensemble du mouvement social, entre le mouvement révolutionnaire et le développement de la culture. La N. C. : Le problème de l'alliance et de la politique de classe amene aux questions de l'union. Des intellectuels de gauche, attachés à l'union s'interrogent sincerement sur notre politique... Jacques Chambaz : 11 ny a pas de notre part changement de strategie. Il y a effort pour preciser les conditions actuelles de la mise en ceuvre dune stratégie qui s'est enrichie et vérifiée dans la pratique et qui a conduit aux succès enregistrés jusqu'ici par l'union de la gauche. Ces succès n'ont pas été spontanes. Ceux des intellectuels qui y ont contribué le savent et connaissent le nöle qu'a joué notre parti, à chaque etape. Aujourd'hui, le pouvoir tire les leçons des succes la nouvelle critique 10

13 ity v -.;1? remportés par la gauche unie autour du Programme commun. II na pu l'emporter, de justesse, qu'en engageant toutes les forces politiques réactionnaires et en promettant le changement. L'aggravation de la crise tend à affaiblir sa base sociale au moment méme on ne dispose plus de réserve à droite. II est donc conduit à tenter de détourner de l'union et du Programme commun une partie de la gauche elle-méme. Dans c-ette situation, le comportement du parti socialiste, comme vient de le rappeler le Comité central, suscite des inquiétudes qui portent sur sa conception actuelle des objectifs, des moyens et des alliances, et qu'alimente son refus de nos propositions d'action commune d'ampleur nationale, sous prétexte des questions que nous posons devant le pays. II ne s'agit donc ni d'une polémique gratuite ni d'une querelle d'états-major. II s'agit de questions essentielles qui concernent directement tous ceux qui rejettent les combinaisons du passé et qui souhaitent de véritables changements. Notre attitude s'inspire du souci exclusif de préserver et de consolider l'union afin d'aboutir au rassemblement largement majoritaire capable de vaincre le grand capital et de créer les conditions d'une application réelle et durable de la politique du Programme commun, ce que le 21' congrès a appelé l'union du peuple de France pour le changement démocratique. La N. C. : Quel est, pour la démarche unificahice que nous proposons, le röle des moyens d'expression du parti, et quel peut étre en particulier le röle de La Nouvelle Critique? Jacques Chambaz : C'est de jouer pleinement le [-öle qui est le sien, c'est-à-dire d'exprimer la politique du parti, en contribuant à son assimilation et à son enrichissement, en rapport avec le mouvement vrai des luttes idéologiques, politiques et sociales, avec le mouvement vrai de la science, de l'art et de la littérature, de la culture dans son ensemble. La Nouvelle Critique tient ainsi une place essentielle dans l'ensemble de l'activité multiforme du parti sur ces questions, de la féte de l'humanité aux initiatives des organisations du parti, des recherches qui se poursuivent au C. E. R. M. et à l'institut Maurice Thorez aux ouvrages publiés par les. Editions sociales, de l'activité des intellectuels communistes parmi leurs pareils à l'ensemble des moyens d'expression du parti. Elle occupe ainsi une place originale, indispensable dans la mise en ceuvre de la politique du parti, considérée dans la totalité de ses dimensions et dans la diversité de ses champs d'application. Elle contribue aux progrès de l'alliance des intellectuels et de la classe ouvrière, et elle permet à de nombreux intellectuels de devenir communistes. La bourgeoisie entretient à ce propos une équivoque qu'il est nécessaire de dissiper : l'adhésion d'intellectuels au parti est une chose, l'alliance des intellectuels et de la classe ouvrière en est une autre. Les deux démarches, si elles ne s'opposent pas, n'en sont pas moins dislindes. Un récent numéro de La Nouvelle Critique a contribué à éclairer les raisons d'intellectuels de disciplines diverses qui, aujourd'hui, rejoignent le parti. lis le font parce qu'ils le considèrent à juste titre comme la force essentielle des changements auxquels ils aspirent et parre qu'ils approuvent sa politique. Mais ils le font aussi, du mörtle mouvement, pourrait-on dire, pour mieux déployer leur propre activité, pour mieux assumer leur röle d'intellectuels. 11

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15 Gramsci, Togliatti et l'iguanodon A propos du tome 1 des «Ecrits politiques» d'antonio Gramsci Jacques Texier Dans le temps méme où sont livrés au public français d'importants textes de Gramsci, dans le temps o() paraissent des études sur lesquelles nous nous proposons de revenir (et notamment l'ouvrage de Christine Buci-Glucksmann, Gramsci et l'etat, à partir de nombreux inedits en français et méme en italien de Gramsci), se développe une vaste opération politique de «maquillage» dont l'introduction de R. Paris aux Ecrits Politiques de Gramsci est sans doute un des temps forts. C'est cette opération que démonte ici Jacques Texier. etä uelques elements concernant le développcment politique de Gramsci tout d'abord. Je présenterai ensuite rapidement cet animal préhistorique qu'on appelle iguanodon. Après quoi, j'analyserai la tres spéciale e Introduction» que nous offre R. Paris «Une époque de fer et de feu» Le tome 1 des Ecrits politiques de Gramsci vient de paraitre aux Editions Gallimard Le lecjeur français de Gramsci pourra done decouvrir des textes de la période juvénile ( ) jamais traduits en français et ceux de l'ordine Nuovo et du Mouvement des Conseils d'usine ( ) tres partiellement connus 2. Ces deux ensembles de textes sont importants ä bien des égards. Le premier (écrits de jeunesse) permet de se faire une idee precise du point de départ theorique et politique d'un jeune révolutionnaire italien (il a vingt-six ans en 1917) encore tout impregne' d'idealisme, mais qui n'en saisit pas moins ä sa maniere la portee historique de la révolution russe. Le second (période de l'ordine Nuo - ro, ) nous introduit au coeur des luttes d'une période cruciale de l'histoire italienne, du mouvement ouvrier Italien, du mouvement ouvrier international, luttes auxquelles Gramsci participe directement et intensément, et au cours desquelles son elaboration theorico-polifique revet des caracteres nouveaux et originaux. Ces années sont cenes d'une crise profonde de la société italienne, d'une poussée révolutionnaire de la classe ouvriere qui culmine dans les greves d'avril et de septembre 1920, d'une crise tout aussi grave du socialisme italien qui fait la démonstration de son incapacité politique ; années marquées également par la naissance de la III Internationale (I" Congres 1919, 2* Congres 1920) et par le travail intérieur qui aboutira ä la naissance des différents partis communistes comme sections de l'internationale comm u niste. Années de luttes de classes aigues au plan national et international et de luttes politiques décisives ä l'intérieur du parti socialiste italien. Ce parti na pas trahi la classe ouvriere tors du conflit impérialiste, declare se rallier ä la Internationale en 1919 et en 1920, mais il re- (use de se débarrasser de son aile réformiste et se revele incapable de subir les mutations internes nécessaires ä sa fonction de parti dirigeant révolutionnaire. Après l'enthousiasme révolutionnaire d'octobre 1917 et les affrontements de classes qui suivent, ce sera en 1920 le premier grave échec de la classe ouvriere 13 italienne (occupation des usines en äeptembre) trahie par ses dirigeants réformistes (C. G. I. L.) et rendue impuissante par une direction poliligue (P. S. I. dirige par la majorité dite maximaliste») qui masque son inaptitude radicale sous le verbe volutionnaire. Ce sera la montee du fascisme et d'autres échecs : la marche sur Rome et l'arrivée de Mussolini au gouvernement en octobre 1922, puis après d'autres combats malheureux (après l'assassinat de Matteotti et la crise qui en resulte en 1924), la chape noire du régime fasciste totalitaire s'abattra sur Pitalie pour vingt ans (1926 : Gramsci 1. Ecrits politiques, I, N. R. F. 1974, 460 p. ; 79 F. Textes choisis, presentes et annotés par R. Paris, traduits par M.-G. Martin, G. Mogel, A Tassi, R. Paris. Les Ecrits politiques II et III qui feront suite couvriront les annees , jusqu'ä l'arrestation. L'intégrale des Cahiers de la prison sera publiée en quatre volumes. Les Lettres de la prison dans leur version la plus complete onl ete publiees en 1971 (N. R. F.). Les Editions sociales, de leur côté, annoncent la publication d'un volume d'ceuvres choisies couvrant tute Pactivité de Gramsci avec une introduction de Francois Ricci. 2. Le volume des (Euvres choisies (500 p.), publie par les Editions sociales en 1959, etait essentiellement consacre aux Cahiers de la prison. II comportait neanmoins 40 pages de textes consacres ä l'ordine Nuovo et aux Conseils d'usine.

16 couvert par l'immunite parlementaire, est arrete). J'anticipe pour mettre en place quelques dates reperes car en virile ce premier volurne des Ecrits dits politiques s'acheve ä la fin de Nous sommes ä la veille de la scission de Livourne (janvier 1921) qui voit la naissance du.parti communiste d'italie. La scission «se fait A gauche» comme on disait dort, c'est-ä-dire que la motion communiste na pas la majorité. L'aile droite 1-gormiste (Treves, Turail, etc.) et le centre maximaliste» (Serrati) restent ensemble dans le P. S. I. La tendance communiste du P. S. 1. qui fonde le nouveau parti resulte de la conjonction récente de trois courants d'inegale importance, qui s'est per& au Congre.s d'imola (novembre 1920). Le plus important dirige par Bordiga est dit abstentionniste» en reference ä son refus souvent proclamé de participer aux luttes electorales Le deuxieme courant est appelé ordinoviste» et, outre Gramsci, it est animé par Togliatti, Terracini, Leonetti 4, etc. La troisieme composante de faible importance vient de la tendance maximaliste du P. S. I. Pendant plusieurs annees, le nouveau parti est hordiguiste». Ce n'est qu'ä partir de 1923 que Gramsci entreprend, et mene à bien, un vaste travail de renovation du parli pour l'arracher au sectarisme de Bordiga. Cette ligue gramscienne triomphera de maniere &rasante au III Congres du parti ä Lyon en Le tome I des Ecrits politiques, qui cornprend un large choix des textes de la periode ordinoviste» de Granisci, permet done de connaitre un des deux principaux courants politiques qui va donner naissance, en 1921, au parti communiste d'italie. Quelle co la problematique politique des annees Pour tous les communistes, la situation est revolutionnaire et il s'agit d'instaurer la diclature du prolétariat et la republique des Soviets. Pour y parvenir, it faut en finir avec le réformisme politique et organisationnel, transformer les instruments politiques du proletariat. L'elaboration gramscienne de ces annéeslä CO centree sur la création et le developpement de conseils d'usines > comme base du futur pouvoir des soviets et sur la critique correlative des organisations social-démocrates (parti socialiste et syndicats). Bordiga, pour sa part, n'eprouve que mefiance pour l'expérience turinoise des conseils d'usine et l'elaboration théorico-politique des ordinovistes : il met l'accent sur la création rapide d'un parti cornmuniste a pur. C'est son orientation qui s'imposera quasi totalement en la nouvelle critique Lénine pourtant, tors de la préparation du 11* Congres de I'lnternationale, met l'accent sur la necessité d'en finir tant avec l'opportunisme de gauche qu'avec l'opportunisme de droitc (cf. la critique sectarisme et du doctrinarisme de «gauche dans La Maladie infantile) et de construire un parti d'avantgante qui soit par lä meme un parti de masse. Et tors du Congres de l'internationale, auquel (iramsci n'assiste pas, Lenine soutient les positions elaborees par l'ordine Nuovo et publiées dans la revue sous le titre Pour une renovation du parti socialiste 7. Est-ce ä dire qu'il ny ait aucune faiblesse dans l'elaboration gramscienne de la periode ordinoviste» Plusieurs types de questions se posent. Celle- ei tout d'abord de portee tres genérale : ä quel point est parvenue la transmutation théorique que la participation ä la tulle des classes et la réflexion font subir aux cadres generaux de la.pensée gramscienne 7 Quelle distance y a-t-il entre ces textes et la theorie de l'histoine presente en 1917 dans le numéro unique tie la Citta futura? Sur le plan politique ensuite : Gramsci na-t-il pas pcndant un temps sousestime l'importance décisive du parti, meme sil est vrai qu'il ne la méconnaissait pus? Mais la faiblesse de Gramsci semble résider surtout dans un certain moralisme politique qui lui fait quelquefois considerer avec mépris la lutte pour le pouvoir dans le mouvenient ouvrier (cf. son attitude en aotit 1920 : «Ne participant pas aux I wies pour le pouvoir dans la section [de Turin], nous entendons commencer un travail d'organisation d'un groupe desinteresse, etc.», cf. Spriano, p. 60). Gramsci lui-meme s'est livré ä une vigoureuse autocritique quelques annees plus tard. En 1924, il dira En , nous avons commis des erreurs tres graves.qu'au fand nous payons aujourd'hui. Nous n'avons pas, par peur d'etre traites d'arrivistes et de carriéristes, constitue une fraction et cherché ä l'organiscr dans taute l'italie... (Lettre Leonetti dans La lormazione del gruppo dirigente del P. C. 1., p. 183). Mais l'essentiel dans ces textes et dans ce mouvement c'est la demarche de pensé: qui ay manifeste, le cheminement et les preoccupations qui s'y revelent, la riehesse des analyses oblenues. On songe en les lisant au jugernent de V. Dogot que rapporte Spriano : Dans chacune de ses pensees on percolt le marxiste profond 8.» Un mantiste sans doute qui revient de loin > si Ion songe A son point de depart» et A sa formation culturelle, mais chez qui la participation A la lutte politique et l'assimilation originale du léninisme determinent une transmutation theorique productrice d'analyses materia listes dont nous avons toujours apprendre. Transmutation, enchainement et relative continuite : ce premier volume permet de les évaluer. Le jeune révolutionnaire idéaliste de 1917 saisit ä sa maniere la portée politique et théorique de la revolution russe des lors sa reflexion et son action en sera centree sur la question suivante : existe-t-il en Italie, ä Turin, quelque chose qui ressemble au soviet, un embryon de soviet qui permette aux révolutionnaires italiens de faire comme en Russie» 7 L'Ortline Nuovo y repond positivement en organisant le mouvement des conseils d'usine et en liant ce travail A la renovation du parti socialiste 6. Cette élaboration se fait dans un moment de poussée révolutionnaire dans une Italie en crise on la question du pouvoir est posee en terme d'alternative ou bien la dictature du proletariat ou bien la reaction terroriste de la bourgeoisie O. De l'échec de l'occupation des usines de septembre 1920, Gramsci tirera des consequences pratiques : la necessité de constituer un parti communiste ". Un nouveau cycle s'ouvrira alors, 3. Le nom de Bordiga et la tendance abstentionniste qu'il dirigeait est son vent connue A partir des critiques que lui porte Lénine dans La nmladie infantile du communisme, cf. le paragraphe VII : participer flux parlements bourgeois 7» et les paragraphes III et IV de l'annexe. 4. Cf. son livre récemment traduit, Notes sur Gramsci, E. D. I. 5. Cf. Togliatti, La formazione del gruppo dirigente del P. C. I., nel , 1962, E. R. 6. Sur tonte cette période, cf. la remarquable Storia del Partito communista italiano, de P. Spriano, Eeinaudi, dont le tome 1(1967) est intitule De Bordiga A Gramsci». 7. Ecrits politiques I, p Les propositions pratiques avancées par l'ordite Nuovo, écrivait Lénine, correspondent pleinement A tous les prineines tondamentanz de la III Internationale. 8. Spriano, Storia del 1'. C. 1., p Cf. Le M011eement turinois des Conseils dusine, p. 353 ; Le programme de l'ordine Nuovo, p. 368 ; Tour dabord renover le parti, p. 305, E. P. I. 10. La phase actuelle de la tulle de classes en ltalie est celle qui précede, soit la conquete du pouvoir politique par le prolétarint révolutionnaire... soit inc terrible réaction de la part de la classe possédante et de la caste gouvernante... Pour une rinovation du parti socialiste, E. P. I., p Cf. Le parti communiste et La /rartion communiste, p. 389 et p. 405, E. P. I.

17 que le tome II couvrira, et oü nous verrons d'autres transmutations s'opérer sur la base d'une nouvelle pratique. Le changement d'attitude à l'egard du jacobinisme en sera le symptöme majeur. L'antijacobinisme de la periode anterieure disparaitra. Point décisif car à travers ce probleme du jacobinisme ou de l'antijacobinisme, c'est la double question de la dictature et de l'hégemonie» qui se profile, l'enorme question des alliances 2, Sans que pour autant dans cette liquidation de l'antijacobinisme anterieur, Gramsci perde de vue l'originalité de la revolution proletarienne par rapport à la rivolution jacobine (question de la démocratie ouvriere et du deperissement de l'etat "). Son séjour à Moscou, en , comme representant du P. C. d'italie l'exécutif de la 111" Internationale, enrichira encore son expérience et sa vision politiques. A partir de 1923, la pensee et l'action de Gramsci s'ouvrent à de nouvelles taches et it de nouveaux problemes. II s'agit de renover le P. C. qui traverse une crise grave, pour en faire veritablement un parti léniniste lié aux masses et aux réalites nationales. Au cours de cene réelaboration politique, une nouvelle question chemine et se dessine, differente de celle qu'il se posait en , et qui deviendra une des questions centrales des Cahiers de la prison : pourquoi le mouvement ouvrier italien a-t-il été vaincu 3 Le processus revolutionnaire peut-il se derouler en Occident, dans les pays capitalistes developpés, oa la structure sociale est beaucoup plus complexe, comme s'est déroulé en Russie 3 Gramsci, on le sait, repondra negativement et entreprendra une nouvelle analyse de l'etat et de l'histoire nationale pour fonder sa reponse. A partir de 1923, le concept d' < hegemonie qui n'est pas absent des textes de , prendra une place de plus en plus centrale Commence ainsi l'élaboration d'une nouvelle strategie caractérisée par le passage de la < guerre de mouvernent» à la guerre de position». Dans les pays occidentaux, l'attaque frontale de l'etat qui a réussi en Russie, n'est pas possible ; la classe ouvriere guidée par son parli doit déployer une vaste politique d'alliance el une longue lutte pour la conquete de < l'hégernonie sans lesquelles son entreprise est vouée l'aventure. < L'hégemonie pour Gramsci, comme antérieurement chez Lénine, c'est la direction politique et ideologique de la classe ouvriere. Elle repose sur le consentement. Elle implique une alliance de «forces sociales heterogenes ayant des laterets en commun. Elle suppose donc un compromis economique» ne mettant pas en cause les intere'ts fondamentaux de la classe ouvriere. L'introduction en France du concept gramscien < d'hégemonie» pose quelques problemes. Dans le vocabulaire politique des communistes français l'hegémonie» designe la domination d'un Etat ou d'un parti. En ce sens nous disons que le P.C.F. ne revendique aucune < hégemonie» du parir. Par ailleurs nous menons une lutte idéologique pour conquerir et assurcr à la classe ouvriire sa fonction dirigeante. Présentation sommaire de l'iguanodon Ces rapides indications sur la pebode nous seront utiles par la suite. Elles permettent immidiatement de comprendre d'une part l'actualiré de Gramsci et d'autre part la lutte ideologique qui se dechaine son sujet. La réflexion sur l'ceuvre de Gramsci donne heu à des interpretations divergentes et opposees paree qu'en definitive ce qui est en cause, c'est la strategie revolutionnaire des grands partis communistes occidentaux aujourd'hui. L'investigation historique sur le passe s'en ressent quelquefois de façon destructive. II arrive mime souvent que la plus élementaire honnetete intellectuelle disparaisse. On verifie ainsi que le type de rapport au passé qu'établissent les differentes forces politiques est assez symptomatique de leur avenir et de leur capacité politique actuelle. A cet égard, faut bien constater que l'anticommunisme est mauvais historien. La capacité d'un parti politique ecrire sa propre histoire est par exemple un critere important pour juger de sa capacité à etre tout à fait actuel et présent. On nous accordera peut-etre que l'historiographie communiste par exemple a fait quelques progres depuis une quinzaine d'annees. Le point de départ en fut la reconnaissance critique du passé entreprise lors du X3,C Congres. Parmi ceux qui nous donnent des leeons ou qui voudraient nous indiquer impérativement comment cette reconnaissance critique doit etre faite (pour kur convenir à eux), est loisible de rencontrer de curieux historiens». L'obsession anticommuniste dans le present produit chez eux une historiographie tout autant obsessionnelle. Reprenant librement une image de. Togliatti, on pourrait les appeler des iguanodons de rhistoriographie. Mais, plus qu'une image, c'est une 15 caregorie historico-politique, un canon d'interprétation dont je voudrais montrer le caractere opératoire en analysant l'etonnante introduction» à ce tome I des Ecrils poliligues que nous devons à R. Paris. Un systéme à eran Dans un article antérieur consacré au livre de Marie-Antonietta Macciocchi (voir La N. C., n" 76), nous avons analyse une des figures possibles d: l'attaque menee contre le P. C. I. et les autres partis communistes à l'occasion de Gramsci. Pour M. A. M., ii s'agissait de briser le tandem Gramsci-P. C. I. A partir de la pensée Mao-Zé-Dong, l'ensemble de l'ceuvre de Gramsci était revendiquée contre la degenerescence opportuniste du P. C. I. dont Togliatti serait le principal responsable ' s. Mais il ne s'agit là que d'un cas de figure ; il y en a bien d'autres, avec pourtant un nvariant : l'hostilite à Togliatti et à la ligne politique du P. C. I. Voyons done quelquesunes des variations car elles sont tres instructives pour comprendre Gramsci lui-meme et le developpement de sa pensée. II y a d'abord ceux qui liquident le Gramsci des Calaiers de prison avec la problematique de la guerre de position» et de la conquete de l'hegemonie. Ce Gramsci-là, continué par Togliatti, porte deja la responsabilité de < la degénérescence opportuniste». Par contre le Gramsci de 1926, celui du travail inacheve sur la question méridionale, celui des Theses du congres de Lyon, est encore revolutionnaire : l'objectif stratégique clairement énonce est encore la dictature du proletariat ; le moyen d'insurrection. Pour d'autres, cette solution n'est 12. On consultera utilement l'article de H. Portelli : e lacobinisme et antijacobinisme de Gramsci e, numero special de Dialecriques. 13. A cet égard. M.-L. Salvadori degage bien la perrnanence d'un certain a antiiacobinisme» de Gramsci dans Gratine, e il problema stork della democrazia. Einaudi, le renvoie it mes commentaires sur les theses de Portelli et Salvadori dans rnon article < sur Gramsci e, Cahiers de C. E. R. M. 14. Sur ces problemes de la periodisation cf. la tres intéressante contribution de Gruppi dans son article e Le concept d'hegemonie chez Grarnsci >, numero special de Dialeeriques et mon anide dejil cité (Cahiers du C. E. R. M La methodologie de l'ouvrage a ele' ninsi resumee par Grisoni et Maggiori qui l'approuvent s Macchiocchi revele que Gramsci est inscrit dans Mao et l'inverse est aussi enongable. La Quinzaine lirteraire du 1"-15 avril 1974.

18 gucic satisfaisanic, csi, comme nous l'avons vu, dès 1923 on voit apparaitre la question de l'hégémonie, de la fonction nationale du prolétariat, de la recherche des alliances nécessaires, de l'intérét pour des phases transitoires intermédiaires, et cela dans le cadre dune problématique nouvelle : celle des conditions propres aux pays capitalistes économiquement et civilement développés pour le passage au socialisme. Des lors, ii faut régresser d'un cran. Restera encore le Gramsci de l'ordine Nuovo et des Conseils d'usine qui par bonheur échappe au naufrage. Diversement mais toujours curieusement interpreté : comme un théoricien de la spontanéité, un autogestionnaire, un penseur libertaire, etc. Enfin dernier cran, il y a ceux qui pensent que le plus simple est d'en finir purement et simplement avec Gramsci, considéré en bloc comme un penseur mineur, provincial, idealiste, opportuniste, qui reste profondément étranger au marxisme ou qui est le plus bel exemple de sa dégénérescence. lis se réclament le plus souvent de Bordiga considéré volontiers comme le seul penseur marxiste rigoureux de la III Internationale 6 C'est ä cette dernière école que se rattache desormais R. Paris : Le temps bloqué On comprendra des tors le mécanisme mis en oeuvre dans l'introduction et dans les notes. Ce qu'il s'agit d'etablir, c'est la supériorité théorique et politique de Bordiga du point de vue révolutionnaire». Pour cela on mobilisera tous les arguments utilisés dans le passé contre Gramsci soit de son vivant, soit après sa mort, et d'oü qu'ils viennent des réformistes ou des maximalistes du parti socialiste, de Bordiga luimeme, ou bien de Tasca et de Beni objectif : ramener la pensée de Gramsci aux proportions souhaitables, détruire le mythe, la «légende de Gramsci grand M' yolutionnaire. Mais tout cela na d'interét qu'utilisé contre Togliatti et le P. C. I. 11 faut donc mener de pair l'attaque contre Gramsci et Togliatti qui a construit le mythe Gramsci ä ses fins propres. Nous aurons done cette étonnante introduction où pendant trentre-trois pages, R. Paris part en guerre contre un article écrit par Togliatti en 1937 lors de la mort de Gramsci. Le procédé a de quoi surprendre, car enfin, Togliatti na pas cessé d'écrire sur Gramsci jusqu'a la veille de sa mort et son interprétation n'a pas ccssé de s'enrichir 17. Si Ion voulait étudier sérieusement le rapport Gramsci-Togliatti, la moindre des choses était de prendre en compte tous les textes. Singulière démarche que eelle d'un historien de 1974 qui arréte le temps en Sortira-t-il pour autant victorieux de cette confrontation sur mesure? II faut bien lui concéder quelques petits succes. Togliatti, en 1937, commet quelques erreurs d'ordre matériel sur la date d'adhésion de Gramsci au P. S. I., sur ses origines familiales. L'anide porte aussi la marque de son temps dans certaines formules rituelles du genre : Gramsci, disciple de Lénine et de Staline.» Et surtout cet article est avant tout un article politique, écrit en plein combat antifasciste et visant à susciter des énergies, à galvaniser le courage des combattants partir de l'exemple de Gramsci. II ne peut done repondre à toutes les normes scientifiques qu'on est en droit d'attendre d'un travail historiographique en C'est sans doute pourquoi notre valeureux historien a fixé son choix sur lui. L'iguanodon bloque le cours du temps en Quelques petites victoires done, sur un terrain soigneusement préparé par un des adversaires et dont nous laisserons ä R. Paris toute la gloire. Mais par ailleurs, ce qui est frappant, c'est que le noyau essentiel de Tinterprétation togliatienne qui consiste à dégager le caractère léniniste de la démarche gramscienne reste inentamé. C'est en effet cette diese de Togliatti que R. Paris veut téduire a l'état de mythe et force est de constaten que les arguments détructeurs» de notre critique ne sont que des arguties sans force. lis n'ont de poids que si Ion veut bien supposer chez Togliatti une interprétation bornee et stupide de sa thèse concernant le léninisme de Gramsci. Bref si Ion prend Togliatti pone un imbécile. Mais faire passer Togliatti pour un imbécile est une entreprise risquée. Le boomerang revient sur le lanceur quand it n'atteint pas l'objectif. Je ne veux pas suivre R. Paris pas ä pas dans sa démonstration, je n'en ai pas la place. Mais relevons quelques échantillons ä titre d'illustrations. Léniniste ou pas? la nouvelle critique 16 Selon Togliatti, la révolution russe, la compréhension de sa portée historique est un moment essentiel dans le développement de la pensée de Gramsci ; elle représente une < poussée décisive is». Qu'y a-t-il à objecter à cela? Notre historien examine les articles que Gramsci consacre l'événement ; conclusion de l'expert : «Le texte lui-méme ne permet nullement de conclure une connaissance effective des positions du POSDR(b) i.» Comme si c'était la question! De plus les informations de Gramsci sont partielles voire erronées. Le professeur n'est pas content : il note dans la marge à l'encre rouge : e Sa rencontre avec la révolution russe n'est pas allée sans erreurs ni tätonnements 29. L'affaire est entendue au concours d'entrée de cette école léniniste, l'eleve Gramsci est recalé! Lénine lui, ne devait pas avoir les mémes criteres de recrutement puisqu'au Congrès de l'internationale, ii soutient la position des ordinovistes et que, dans La Ma/odie infantile, il critique le doctrinarisme sectaire de Bordiga. R. Paris en est un peu embarrassé. Comme ii écrit délicieusement : L'echo inespéré que rencontre en Russie un article de Gramsci du printemps 1920, va contribuer iei a brouiller quelque peu les canes 21 Et oui, Lénine luiméme se met a entretenir la tégende tenace d'un Gramsci léniniste. Reste à redistribuer les cartes et à éclaircir le jeu. Le fond de l'affaire, pour R. Paris, c'est que ce texte de Gramsci, approuvé par Lenine, na rien de spécifiquement gramscien, en vérité il est bordiguiste! Faire passer Togliatti pour un imbécile, c'est lui préter la these d'un Gramsci léniniste de naissance ou presque. Après quoi, on peut démontrer que cela n'est pas le cas. Mais qui cela intéresse-t-il? On sait bien quelle a été la formation culturelle de Gramsci et qu'il est d'abord un révolutionnaire néo-hégélien! On sait aussi que cela est arrive a d'autres et qu'ils oft par ailleurs et ensuite inventé le marxisme. On sait meme qu'on peut mettre Marx en formules et légiférer dogmatiquement ä partir de la comme Bordiga et n'étre marxiste qu'au sens Marx déclarait : Moi en tout cas je ne suis pas marxiste»». Le propos de Togliatti n'était pas de faire passer un examen à Gramsci, mais de saisir le développement de 16. Pour A. De Clementi par exemple Bordiga est l'unique dirigeant communiste italien qui se soit reellement réclamé du marxisme.» Cf. Rivisia rica del socialismo, ä partir de Les Editions sociales préparent une traduction du volume italien publié par les Editori Riuniti qui rassemble tous les écrits de Togliatti directement consacres ä Gramsci. 18. Cf. p Cf. p Cf. p Cf. p Cf. p. 38.

19 sa pensée, ä travers ses tensions, ses contradictions internes, sa maturation, ses mutations et ses transmutations ; ä partir des situations et des täches historiques qu'il a clú affronter ; d'en saisir la logique interne et d'y reperer l'émergence toujours plus assuree d'une méthode d'analyse et d'intervention qui reflete une assimilation originale et créatrice du léninisme. Voilä la these générale de Togliatti ; ä partir de lä, on peut discuter du léninisme de Gramsci et il est evident qu'll y a beaucoup ä dire. Mais au fait, quelle idée R. Paris se fait-il du léninisme? On pourrait eire tenté de croire qu'il sen fait le défenseur, ä lire son réquisitoire contre Gramsci. Mais il est ä craindre que Lénine non plus ne réussirait pas son examen d'entrée ä l'école marxiste. Tout d'abord le < léninisme», nous apprend notre historien du mouvement ouvrier, n'est en vérité qu'une < doctrine forgée par Zinoviev ä partir de 1923 pour faire piece ä Trotski». Par ailleurs, il est fait référence positivement ä la maniere dont Bordiga entendait la restauration du marxisme». Oppose ä Lénine, Bordiga nous rappelle R. Paris, «dénie au léninisme toute existence et toute originalité propres " La these est connue : pour Bordiga, le marxisme pour étre rigoureux et pur ne peut étre que l'éternelle répétition de quelques formules sclérosées. Tout le reste est dégénérescence opportuniste : ä commencer par le < léninisme Ainsi donc, c'est au tour de Lénine de disparaitre dans la trappe des experts en révolution. Le terrain est déblayé des principaux obstacles idéologiques au développement du mouvement révolutionnaire : Lénine, Gramsci ; reste encore ä détruire les partis communistes, mais on s'y emploie. Abandonnons Lénine et le léninisme, laissons R. Paris continuer son combat avec Togliatti et revenons au traitement qu'il fait subir ä Gramsci lui-méme. Ii s'agit, on l'a vu, de < redimensionner Gramsci, de rétablir de justes proportions entre sa stature théorique et politique et celle de Bordiga. Des lors, les choses deviennent franchement comiques, car ce que nous voyons émerger de cette introduction, c'est le portrait d'un Gramsci légerement debile qui s'essouffle vainement derrière son ainé mieux doué et qui ne finira par l'emporter sur lui qu'avec l'aide extéheure du grand frere russe qui a besoin de docilité. Gramsci < rate son entrée (article sur le problème de la neutralité), sa reconnaissance de la révolution russe est aussi «un acte manqué > (la révolution contre le «Capital ). De plus, il a beaucoup tramé avant d'adhérer au P. S. et plus encore avant de renoncer ä une carriere universitaire. II luí a fallu des annéas avant de comprendre la nécessité d'une rupture franche avec les socialistes. Quant ä l'expérience ordinoviste, elle prouve surtout que Gramsci était theoriquement en pleine confusion mentale. Que Gramsci ne joue qu'un reite limité lors des premiers pas du P. C. d'italie est donc tres compréhensible. II na qu'un strapontin, mais c'est sa vraie place. II aurait dú la garder. Sil en fut autrement, ce n'est qu'un effet de la bureaucratisation de la 111 Internationale. Sil passe aujourd'hui pour un grand homme, c'est que Togliatti a forgé sa legende et a canonisé San Antonio pour fonder sa propre dynastie. Teile est la these de notre historien. Elle prouve surtout que le développement historique ne se déroule pas conformément ä ses vceux et que ce sont les fausses valeurs» qui dominent le mouvement ouvrier. Mais elle est interessante culturellement parlant pour dessiner les traits d'un certain type d'historiographie oelle de l'iguanodon. Que voyonsnous en effet? Faire de Phistoire?» Après la première guerre mondiale, dans le cadre général d'une lutte de classes intense, des hommes se réclamant du mouvement ouvrier se sont combattus pour faire triompher leur point de vue. Aujourd'hui, en 1974 nous pouvons étudier ces luttes, les comprendre mieux que ceux qui les ont menées paree que des cycles historiques se scint relativement conclus, paree que nous pouvons faire l'histoire de ces luttes et pas seulement les re-vivre. Ce travail difficile est utile, il conduit ä de nouveaux jugements sur les jugements prononcés par les combattants eux-mémes. Bref nous ne sommes plus en et nous pouvons espérer parvenir ä une connaissance critique. Sans doute les choses ne sont pas simples, paree que les questions débattues ont un enjeu actuel. Mais étant aussi devenus autres, nous pouvons entreprendre de connaitre ce passé qui est nötre et dont nous résultons. Nous en avons besoin pour mieux agir dans le présent. Bref nous pouvons objectiver notre passé, l'historiciser, c'est-à-dire le connaitre comme passé et restructurer nos rapports avec lui, qui sont aussi constitutifs de notre ètre actuel. Nous le pouvons... mais l'iguanodon ne le peut pas. Paree que le mouvement 17 historique ne s'est pas déroulé conformément ä ses vceux, ä cause de ce qu'il est politiquement aujourd'hui, l'iguanodon reste enchainé au passé, ii re-vit le passé. L'iguanodon est un animal ressasseur. Prenons le cas de R. Paris. Granisci bergsonien! Au cours des luttes politiques de l'après-guerre, les adversaires de Gramsci (les réformistes, les maximalistes, les bordiguistes) l'ont combattu avec un certain nombre d'arguments politiques et idéologiques. En 1914, il aurait été interventionniste > comme Mussolini ; le mouvement des Conseils était dénoncé comme anarcho-syndicaliste, réformiste ou libertaire ; quant aux positions théoriques des ordinovistes, elles auraient été celles d'idéalistes crociens, spontaneistes, volontaristes, etc. Bergsonisme! leur criait-on. Ne peut-on aborder ces questions aujourd'hui avec un peu de sérénité historique sur la base d'une documentation attestée? Pour R. Paris, le combat continue avec les mèmes méthodes, mais sans les meines excuses car nous sommes en D'inspiration libertaire, le mouvement des Conseils d'usine et l'idéologie ordinoviste? C'est une sottise assez colossale et le lecteur en jugera. Mais si R. Paris tient ä cette idée, ii pouvait par exemple faire figurer dans son anthologie des textes comme Discours aux anarchistes ou!'etat et le socialisme's qui traute explicitement du probleme. Pour le «bergsonisme» et le volontarisme», R. Paris fait mieux encore. Non seulement il reprend l'antienne qu'on a serinée ä Gramsci toute sa vie, mais il prétend faire entériner sa these par Gramsci luimeine 26. Le texte des Cattiers de la prison sur lequel ii prétend s'appuyer pour nous prouver que Gramsci < s'assume > comme < bergsonien», dit tres exactement le contraire de ce qu'on veut lui faire dire 27 Pour Gramsci, la faiblesse theorique et politique du mouvement ouvrier italien d'après la guerre réside dans le couple fatalisme-volontarisme et les accusations de bergsonisme qu'on lui adressait ne sont qu'un symptóme de oette faiblesse. Comme on voit, de ä 1974, le niveau théorique de la polémique n'a pas varié. serait plutót descendu. Pourtant 23. Cf. p Cf. p L'Ordine Nuovo, , Einaudi, p. 377 et p Introduction p Cf. Passau, e Presente, Einaudi, p. 55 et 59.

20 Ic probleme cst important et passionnant et il est lié à toute une serie de questions connexes. 11 s'agit des rapports de la «spontanéité s et de la direction consciente (discipline, organisation), inseparable de la question des rapports de l'économique et du politique, de celle de la democratie ouvriere et des institutions politiques dont elle a besoin, liée donc ä la question du jacobinisme et de l'antijacobinisme. II s'agit aussi indirectement des conceptions philosophiques de Gramsci ; de son point de depart idéaliste : mais qu'on y prenne garde, ce n'est pas n'importe quel idéalisme, c'est la philosophie de l'immanence ; des «influences subies, celle de Sorel par exemple : mais qu'on oublie pas une chose, le développement intellectuel d'un penseur comme Gramsci ne s'explique pas ä coups «d'influences s, mais d'abord par l'histoire de son rapport theoricopratique ä la réalité ; de son aboutissement enfin dans les Cahiers oü Gramsci soutient l'autonomie philosophique du marxisme. Il y a lä matiere ä penser pour celui qui veut étudier et discuter serieusement. Mais ce n'est pas l'occasion appropriée car je voudrais, pour finir, dire quelques mots de la deuxieme partie de l'introduction et suivre notre historien lorsqu'il s'aventure au-delä de l'année 1937 (pp. 44 ä 60). Ce peut etre utile pour compléter notre description de l'iguanodon historiographique. R. Paris s'y occupe de la publication des muvres de Gramsci par le P. C. I. et de l'interprétation donnée par ce partí de sa propre histoire. Le sujet est intéressant et il faudrait montrer comment la connaissance et l'interpretation de l'ceuvre de Gramsci se sont developpées en liaison avec les luttes menees par le P. C. I. aux differents moments de son histoire. Comment oette connaissance s'est étendue, comment cette interpretation s'est approfondie ou rectifiée. La bibliographie est déjà considerable. Avis aux amateurs. Légende et dénigrement Qu'apprenons-nous en lisant R. Paris. Que la premiere édition des Leitres de la prison était tres partielle et que les coupures n'étaient pas innocentes. C'est vrai, la preuve c'est que, depuis 1947, l'institut Gramsci en a publié d'autres de plus en plus completes. Nous apprenons entre autres par R. Paris que les références ä Bordiga avaient disparu. C'est vrai et les communistes italiens se sont depuis expliques lä-dessus. Le lecteur n'en saura rien u. Ce qui interesse R. Paris, c'est de détruire la legende de Gramsci Qu'il y ait eu une légende de Gramsci c'est vrai également. Et c'était un fait politique, comme la légende Matteotti. L'historiographie scientifique a pu en souffrir ä tel ou tel moment? C'est vrai aussi et les communistes italiens en conviennent 29. Les lecteurs n'en sauront rien. Seulement, il faut s'entendre. Eliminer la légende? d'accord. Mais pour mettre quoi ä la place? La vérite historique ou le denigrement? R. Paris nous dit qu'on a voulu dresser l'image d'un samt sans faiblesses, sans drames, échappant aux contingences humaines. Supposons-le un instant. R. Paris, pour sa part, est plein d'indulgence pour les «faiblesses suppo- M'es de Gramsci ; ii fait état de lettres aux autorités oil le prisonnier promet qu'une fois liberé, il s'abstiendra de toute propagande et de toute activite politique L'absolution accordee ensuite par l'auteur (ce n'est pas une capitulation ne suffit pas ä effacer dans mon esprit l'idee qu'il s'agit lä dune petite infamie. Pour effacer cette idee, il eút suffi mais alors l'idee ne serait pas nee que R. Paris apprenne au lecteur que Gramsci, malade, a été continuellement l'objet du chantage de Mussolini. Une simple demande de gräce eút tout arrange. Gramsci rejette continuellement la proposition. Mais il ne renonce pas ä defendre sa santé et ä sauver sa peau. Sa politique constante : utiliser tous les moyens légaux, un point c'est tout. Les Leitres de la prison sont pleines de ce débat avec sa belle-sceur qui voudrait en faire plus. En 1935, l'état de santé de Gramsci est dejä catastrophique. II a cesse d'écrire. II intervient alors pour obtenir absolument un changement de conditions, son transfert dans une clinique, choisie en fonction des exigences de la police. Telles sont les circonstances precises de la démarche m. II suffit de les préciser et alors Gramsci n'a plus besoin de l'absolution de R. Paris. Mais peut-etre suis-je trop soupçonneux et la petite idee qui a germe dans ma tete estelle sans fondement? Tant mieux, si je me trompe, mais hélas j'ai peur que non. D'autres détails me donnent ä penser que l'iguanodon a non seulement des trous de mémoire mais qu'il est venimeux. Viennent ensuite des récriminations cocasses contre la premiere édition des Cahiers de la prison. Les notes de Gramsci ont été regroupées par themes, on le sau. Notre historien fulmine : s'est agi... de constituer en livre ce qui n'était que projet, pensée en train de se penser et de se dire.. Une maniere encore de censurer et d'interdire le discours ". Legerement délila nouvelle critique 18 rant notre animal préhistorique non? L'édition française nous annonce-t-on solennellement, exclura par principe «tout regroupement thematique s. Mais ce que le lecteur ne saura pas, c'est quelle sera faite ä partir du travail de préparation poursuivi depuis dix ans ä l'institut Gramsci par Valentino Gerratana. Enfin cette introduction s'acheve sur une histoire de l'historiographie consacrée au P. C. I. en Italie. Des travaux, recherches et débats conduits par les communistes, R. Paris ne cite pour le commenter ä sa maniere qu'un numero spécial de revue datant des années cinquante. L'investigation s'arréte nette en Les travaux des historiens communistes, ceux de Spriano par exemple, les discussions auxquels ils ont donne heu, connais pas! La publication par Togliatti des documents sur la formation du «nouveau groupe dirigeant connais pas! La publication par le m'eme de sa correspondance de 1926 avec Gramsci sur les débats internes du P. C. U. S., connais pas! Celle par le P. C. I. des rapports d'athos Lisa et de Giovanni Lay sur les désaccords de Gramsci avec la ligne du parti en connais pas davantage! Et je ne donne que quelques exemples. L'iguanodon s'était fixé en 1937 dans la premiere partie. Ce n'est pas qu'il ne puisse suivre le cours du temps, mais l'univers devint alors désertique. Et tout se passe comme s'il rencontrait bientót une barriere infranchissable : Après? Mais c'est qu'apres, il y a le XX Congres et ses effets particulierement liberateurs dans le champ de l'historiographie. L'air est devenu irrespirable. L'iguanodon dit le dictionnaire est un animal fossile du cretacé. 28. Cf. par exemple G. Amendola, «Rileggendo Gramsci a, in Prassi rivoluzionaria e storicismo. Critica marxista. Quaderni, Cf. Amendola, article cité, p Introduction, p Cf. Les instruction de Gramsci à sa belle-sceur dans la teure du 22 juillet Lettres de la prison. Gallimard, P. 47. Bibliographie des Editions sociales Gramsci dans le texte Rassemble, dans un classement thematique, plus de six cents pages de textes, de l'ordine Nuovo aux derniers Ecrits de prison. Un volume, 752 papes, 60 F.

21 Économie, politique et philosophie en Grèce archalique Yvon Garlan Thales de Milet Dans la collection «Ouvertures» est parue l'an dernier, aux Editions sociales, la traduction des Premiers philosophes de Phelléniste anglais George Thomson. Cet ouvrage, dont la rédaction date de 1955, constitue, avec Aeschylus and Athens (1941) et The Prehistoric Aegean (1948), une sorte de trilogie historique retracant, dans une perspective qui se veut marxiste, la naissance de la civilisation dans le monde grec. G. Thomson a accompli sur ce terrain un travail utile de pionnier en dénoncant les conceptions idéalistes de tous ceux qui, sous une forme ou sous une autre, tendent à faire du «miracle grec» le signe annonciateur de la mission universelle réservée à la bourgeoisie occidentale ce qui lui permit d'aboutir sur certains points à des conclusions originales que l'on peut considerer comme des acquis de la science historique. Pour cette raison, il était b on de présenter un échantillon de son ceuvre aux lecteurs de langue francaise. ais ii serait dangereux, une M vingtaine d'années après sa rédaction, de canoniser ce livre, de le présenter comme le nec plus ultra du marxisme en histoire ancienne. Car la these principale qui y est (brillamment) soutenue peut étre aujourd'hui, à mon avis, tenue pour périmée ; directement liée, sur le plan theorique, au dogmatisme économiste de l'époque stalinienne (qui se manifeste, des l'introduction, par l'adhésion de l'auteur au fameux schéma unilinéaire de la succession des < cinq stades,), elle me parait ruinée, dans ses fondements mémes, par nos progres dans la connaissance des faits aussi bien que par le developpement actuel de la réflexion marxiste sur les sociétés précapitalistes. De la pensée mythique à la pensée rationnelle Vers le milieu du viii siecle avant notre ere, la Grece sort des < äges obscurs ofi l'avaient plongée, ä la fin du second millenaire, la destruction des royaumes mycéniens et les invasions doriennes. Elle en sort avec la réapparition de l'écriture 19 d'une écriture alphabétique inspiree d'exemples phéniciens et différente du linéaire syllabique d'époque mycéflenne déchiffré en 1954 par M. Ventris. Au méme moment, les Grecs se lancerent dans un vaste mouvement de colonisation, qui dura jusqu'à la fin du siecle et entraina la fondation, sur les rivages de la Méditerranée et de la mer Noire, de nombreux établissements indépendants de leurs métropoles : ce qui ne manqua pas d'accroitre sensiblement, dans cette région du monde, la circulation des hommes et des idées, ainsi que les échanges commerciaux. Du point de vue social et politique, on assista si-

22 multanement au dechn de l'aristocratie et à la mise en place progressive, dans chaque cité, de nouveaux organes de gouvernement (magistrats et assemblées), dont le contröle fut assuré par un corps sans cesse élargi de citoyens. Les plus anciennes ceuvres de la littérature grecque, qui datent de la fin du vm e et du début du vii siècle (li/jade et l'odyssee d'homère ; la Théogonie et Les Travaux et les bars d'hésiode), bien qu'appartenant au genre épique, recélent déjà, en un certain sens, toute une < philosophie : en ce qu'elles témoignent dune réfiexion approfondie sur l'homme et sur sa place dans l'univers. L'ordre divin et l'ordre naturel, étroitement confondus, y relévent d'un méme type d'explication, de caractère religieux et reposant sur des mythes génétiques qui font intervenir des forces cosmiques conçues de façon plus ou moins anthropomorphique. A litre d'exemple, citons le début de la Théogonie d'hésiode (vers ) : c Avant tout fut Abime (< Chaos >) ; puis Terre aux larges flanes, assise süre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour (< Erös > ), le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de taut dien comme de tout homme, dompte le coeur et le sage vouloir. D'Abime naquirent Erébe et la noire Null. Et de Nuit, à son tour, sortirent Ether et Lumière du jour. Terre, elle, d'abord enfanta un 'Are égal à elle-méme, capable de la couvrir tout entière, Ciel étoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise süre à jamais. Elle mit aussi au monde les Hautes Montagnes, plaisant séjour des deesses, les Nymphes, habitants des monts vallonnés. Elle enfanta aussi la mer inféconde aux furieux gonflements, Flot sans l'aide du tendre Amour. Mais ensuite, des embrassements de Cid, elle enfanta Océan aux tourbillons profonds, Coios, Crios, Hypérion, Japet Théia, Rhéia, Thémis et Mnémosyne Phoibé, couronnée d'or, et l'aimable Téthys. Le plus jeune après eux, vint au monde Cronos, le dieu aux pensers fourbes, le plus redoutable de tous ses enfants ; et Cronos prit en haine son pere florissant a, etc. 11 est indéniable, comme l'a bien montré le philosophe anglais Cornford, qu'un tel système cosmogonique s'inspire largement des mythes de création qui étaient très répandus dans les religions orientales : tels ceux de l'enouma Elish mésopotamien et de la Genèse biblique. C'est au début du vi' siècle qu'apparurent en Grece, et tont d'abord en Ionie sur la bordure occidentale la nouvelle critique 20 de l'asie mineure, des < philosophes qui entreprirent de résoudre les mémes problèmes de façon nouvelle, en tentant de rendre compte de l'organisation du monde par le développement interne de principes originels de nature à la fois matérielle et spirituelle ' : l'eau chez Thalés, l'illimité (a Apeiron a) chez Anaximandre, l'air chez Anaximène, le Nombre chez Pythagore, le Feu chtz Héraclite, l'un chez Parménide. Leurs écrits, dont nous ne connaissons plus que de minces fragments, étaient généralement en prose. Les principes qui y étaient mis en ceuvre n'appartenaient plus au Panthéon traditionnel : méme quand ils semblent le démarquer, ils sen distinguent par leur caractère abstrait (ainsi l'eau par rapport à l'océan) et par la rationalité du mouvement qui impulsait leur autodéveloppement. En contrepoint de la Théogonie d'hésiode, citons un Passage de l'historien Diodore de Sicile (I, 7), qui est visiblement inspiré des philosophes ioniens (peut-étre d'anaximandre luiméme) : Dass la composition originelle de l'univers, le ciel et la terre n'avaient qu'une forme, leurs natures se trouvant confondues. Plus tard, avec la séparation de ces deux corps, le monde eut toute la composition qu'on lui volt aujourd'hui l'air acquit la propriété du mouvement perpétuel, et sa partie flamboyante se rassembla dass les régions supérieures, puisqu'il se mouvait naturellement vers le haut à cause de sa légèreté. Il en résulta que le soleil et tous les autres astres furent entrainés dans le tourbillon général. En méme temps, la partie fangeuse et boueuse, avec la condensation des parties humides, s'établit au fond en raison de son poids. Puis, remuées et malaxées de façon continue, les parties humides formérent la mer, tandis que les parties solides se transformaient en une terre boueuse et Wut à fait molle. Celle-ei commença, cause du feu solaire, ä se solidifier puis fermenta en surface sous l'effet de la chaleur, et les parties humides gonflèrent en plusieurs endroits pour former des tumeurs couvertes de fines membranes : c'est ce que Ion peut voir, escore de nos jours, dans les marais et marécages, quand, sur la surface gelée, passe soudain de l'air brúlant. Les parties humides étant ainsi imprégnées de vie par la chaleur, les étres vivants se nourrissaient, la nuit, du brouillard qui les recouvrait et se consolidaient, le jour, sous l'effet de la chaleur. Finalement, quand les embryons eurent atteint leur complet développement et que leurs membranes eurent brúlé et éclaté, il en naquit toute sorte d'animaux >, etc. Les caractéristiques essentielles de la raison moderne sont ici présentes, hormis le recours à l'expérimentation. De la valeur d'usage à la valeur d'echange? Cette mutation de la pensée grecque inaugurée au début du vi" siede par les philosophes ioniens est, pour George Thomson, le reflet direct d'une transformation de la conscience sociale qui résulta elle-méme du développement des relations commerciales et, plus précisément, de l'essor au cours du vir siècle d'une économie monétaire oü la valeur d'échange des produits commençait à supplanter leur valeur d'usage. La pensée mythique que Ion trouve chez Homére et Hésiode serait, pour l'essentiel, un héritage du communisme primitif : héritage beaucoup moins altéré en Grèce qu'en Egypte ou en Mésopotamie par le phénomène monarchique né des premières divisions de la société en classes. Ainsi pourrait-on rendre compte de ses caractéristiques principales. < La société primitive avait pour base la production de valeurs d'usage. Les moyens de production étaient propriété commune, la production comme la consommation étaient collectives. La division du travail était rudimentaire, les rapports sociaux simples et directs, fondés sur la parenté. Conformément à ces conditions, la conscience primitive était sans exception subjective, concrète, pratique. N'ayant qu'une conscience très imparfaite de l'objectivité du monde extérieur, l'homme ignorait également les limites objectives à sa capacité de le transformer... Aussi, dass la mesure oü il se montrait capable de penser le monde extérieur comme quelque chose de différent de lui-méme, il le pensait comme ordre social. La nature et la société ne faisaient qu'un. En conséquence, tout comme ses rapports sociaux étaient l'crbjet d'un contróle collectif de la communauté, de träne le monde naturel, tel qu'il se l'imaginait, pouvait étre dominé et contrölé par l'action collective. Pulsque la communauté humaine se composait d'hommes liés par le sang réunis en groupes totémiques ayant entre eux le lien d'une commune origine, il en allait de meine pour la communauté de la nature. Ces conceptions rudimentaires de la nature s'exprimèrent dune part dass la magie qui servait de technique illusoire de la production suppléant 1. G. E. R. Lloyd, Les débuts de la wienre grecque (1974).

23 aux carences de la technique réelle, et d'autre part dans les mythes, qui ne furent rien d'autre à l'origine que l'accompagnement oral de l'acte magique, mais se transformèrent peu ä peu en une théorie rudimentaire de la réalité» (pp ). De l'avènement de la pensée rationnelle, ne suffit cependant pas de rendre compte de façon négative, par la destruction des anciens rapports sociaux : il faut aussi en donner une explication positive, «socialement conditionnée», sous peine d'en faire une manifestation «naturelle» de l'esprit humain (pp ). L'explication est à rechercher dans l'apparition en Grece au cours du vir siècle, en face de l'ancienne aristocratie foncière, d'une nouvelle classe dirigeante composée de marchands, dont l'outillage intellectuel se modela sur l'outil monétaire qui concrétisait la réduction de la valeur des produits à leur valeur d'échange. D'on le pouvoir d'abstraction de la pensée rationnelle ; d'on aussi sa capacité à objectiver les rapports sociaux, à distinguer par conséquent l'homme de la nature et à «voir le monde comme un processus naturel determine par ses bis propres, indépendantes de la volonté du sujet» (p. 367). Entre la théorie et la pratique dont elle s'inspirait, auraient méme parfois existé des liens très étroits : dans les villes marchandes telles que Milet en Asie mineure et Elée en Italie du sud, qui furent également les principaux centres de la réflexion philosophique, et en la personne des philosophes qui s'engagèrent, comme Thalés et Solon, «dans les opérations commerciales» (pp. 243 et 269) ou, comme les Pythagoriciens, participerent activement à la lutte politique pour le progres de la production marchande» (p. 269) et «représenterent les hommes d'argent» (p. 290). L'essentiel de l'argumentation veloppée par George Thomson dans ses Premiers philosophes repose donc sur son analyse du röle joué par la production marchande et l'économie monétaire dans l'évolution historique des cités grecques à l'époque archaique. C'est la validité de cette analyse qu'il importe, par conséquent, d'examiner en premier heu. Le commerce grec à l'époque archaique II n'est guère contestable que les activités commerciales se sont considérablement développées dans le monde grec à l'époque archaique, parallèlement à l'essor du mouvement de colonisation : c'est ce dont témoignent la large diffusion des produits céramiques à partir du vitt` siècle et la diversification, nettement perceptible à partir du,vii` siède, des objets d'échange (métaux, blé, huile, vin, poissons salés, etc.). Mais la nature de notre documentation (essentiellement archéologique) nous interdit à jamais de chiffrer ce développernent et öte par conséquent de son intérét, comme le reconnait G. Thomson (p. 201), au débat sans issue qui opposa, jusqu'au début du xx siècle, les historiens u modernistes» et «primitivistes sur l'importance quantitative du commerce antique. Dans sa fameuse étude sur Etat et commerce en Grèce ancienne parue en 1928, J. Hasebroek, sous l'influence de Max Weber, refusa ce dilemme, et G. Thomson admet également qu'en cela il eut pour l'essentiel raison». Raison de souligner le caractère marginal des transactions commerciales dans la vie économique de la Grèce archaique en particulier le fait que «les marchandises échangées étaient surtout des marchandises de grande valeur» et non pos des articles de consommation courante >, et que le commerce était concentré dans un certain nombre de ports et de villes particulièrement favorisés par leur situation géographique», tels que Corinthe, Egine et Athènes en Grece proprement dite, Milet en Asie mineure, Naucratis en Egypte et, à l'ouest, Carthage et Marseille (p. 202). Mais l'erreur de 1. Hasebroek dont l'objet essentiel était de montrer que l'économie grecque ne pouvait se comprendre que par l'étude qualitative de son adaptation au cadre politique des cités aurait été d'affirmer que le commerce archaique était, comme celui du iv siècle, «entre les mains d'hommes qui n'étaient pas citoyens» ce qui l'aurait amene à «sous-estimer les conséquences politiques et sociales de l'expansion commerciale qui se produisit dans la période précédant les guerres médiques > (p. 203). Et G. Thomson d'entreprendre de démontrer que «la classe des marchands s'empara de l'etat dans de nombreuses cités et y instaura les constitutions démocratiques» (p. 205) ; que la révolution démocratique, souvent précédée d'un épisode tyrannique, signifie «le passage du pouvoir d'etat des mains de l'aristocratie terrienne à celles de la nouvelle classe des marchands» (p. 222) et quelle était «destinée à faciliter la croissance de l'économie marchande» (p. 218) ; que, gráce à 2. En allemand ; traduction anglaise en

24 elle, «l'individu se trouva «libéré de mute relation à l'exception de celles que crée le lien mystérieux des échanges (p. 220). En voulant rect i fier un aspect, effectivement assez contestable, de l'ceuvre de J. Hasebroek, G. Thomson en manque Pessentiel et retombe ainsi dans l'orniere «moderniste. II m'est impossible, dans les limites de cet article, de critiquer chacun des (rares) témoignages avancés par G. Thomson pour étayer sa théorie disons simplement qu'il ne s'est guere beaucoup soucié d'établir l'authenticité de deux d'entre eux qui sont d'époque tardive et, par là méme, suspects d'anachronisme, et qu'il en interprete d'autres de façon tendancieuse, en faisant de toute forme de richesse le fruit dune activité commerciale. Un seul exemple : celui d'alcmeon (grand-père de Clisthene, le fondateur de la démocratie athénienne ä la fin du vi siecle) qui avait, au dire de G. Thomson (p. 230), «noué des liens commerciaux avec Sardes», alors qu'hérodote se contente de dire que Crésus, pour le remercier de l'avoir aidé consulter l'oracle de Delphes, le fit venir à Sardes, et, lorsqu'il fut arrive, lui fit cadeau d'autant d'or qu'il pourrait en emporter d'un coup sur sa personne» (VI, 125) conformement à la pratique du don et du contre-don étudiée par M.1. Finley dans Le Monde d'ulysse. En fait, méme s'il est exact qu'à l'époque archaique des citoyens ont pu, de façon plus ou moins occasionnelle, se livrer à des opérations commerciales, il est non moins evident qu'ils ne jouerent jamais, en NM que commetcants, un róle décisif, ni meme tant soit peu perceptible, dans le gouvernement des cités. Dans la mesure oü nous pouvons discerner les causes sociales des conffits politiques qui se déroulerent à cette époque, elles se rapportent toujours, en priorité, aux rapports des citoyens avec la terre. Car celle-ci constituait encore la base economique de l'ordre social et politique, comme le prouve, entre autres, le fait que la reforme censitaire réalisée par Solon, au debut du vr siecle, tenait uniquement compte de la production agricole des citoyens (ceux-ci se divisant en pentacosiomédimnes, cavaliers, zeugites et thetes selon qu'ils produisaient plus de 500, plus de 300, plus ou moins de 200 mesures de céréales, de vin ou d'huile). C'est dans ce cadre sociopolitique qu'il convient, en particulier, de poser le problème de l'alienabilité de la terre : en se souvenant de l'équivalence de principe entre la qualite de citoyen et celle de propriétaire foncier, et non pas seulernent, comme le fait G. Thomson, en fonction des progres de l'économie marchande. Ne serait-ce que paree que la terre, source principale de richesses, échappait pour l'essentiel, Mehle dans des cités commerçantes comme Athenes, à l'emprise des bis du marché, on ne saurait donc conclure que la production marchande parvint, dans la Grece archaique, «à son complet déploiement > (p. 208). Ni Marx ni Engels ne l'ont jamais prétendu, contrairement à ce que leur fait dire G. Thomson (pp ) en sollicitant dans ce sens quelques phrases isolées de leur contexte qui, en tout état de cause ne sauraient tenir heu de démonstration historique. Des textes fameux et dépourvus de toute ambiguité vont en effet à l'encontre d'un tel point de vue : en premier heia, l'ensemble du chapitre des Grundrisse consacre ata Formes qui précident la production capitaliste, qui fait du rapport à la terre la base de la cité antique 3, et aussi de nombreux passages du Capital qui font de la société capitaliste le premier type de société oü la forme rnarchandise est devenue la forme générale des produits du travail et oü, par conséquent, le rapport des hommes entre eux comme producteurs et échangistes de marchandises est le rapport social dominant» (Ed. sociales, I, p. 73). Jusque-là, comme le précise un autre texte appliqué sans raison par G. Thomson aux seuls Phéniciens (pp ), < la circulation de l'argent et des marchandises peut relier des spheres de production de structures les plus diverses que leur organisation interne oriente encore essentiellement vers la production de la valeur d'usage. Cette autonomie du proces de la circulation dans lequel les sphères de production sont reliées par un tiers a une double signification : d'une part, la circulation ne s'est pas encore emparée de la production ; c'est celle-ci qui en est la donnée préalable ; d'autre part, le proces de production ne s'est pas encore integre' à la circulation comme simple phase» (Ed. sociales, VI, p. 337). Et méme dans L'origine de la famille d'engels, qui verse parfois dans un certain modernismz >, l'essor du commerce, qui marque le passage du stade de la barbarie au stade de la civilisation, ne fait qu'entamer un processus qui atteindra plus tard son plein déploiement u : «La civilisation est le stade de développement de la société oü la division du travail, l'échange qui en résulte entre les individus et la production marchande qui englobe ces deux faits, parviennent (et non pas sont parvenus > Y. G.) à leur plein déploiement et bouleversent tute la la nouvelle critique 22 société antérieure ; c'est «peu à peu > que la production marchande devient la forme dominante» (Ed. sociales, 1972, p. 184)'. La naissance de la monnaie Reste le problème particulier de la monnaie, qui est au cceur de l'argumentation de G. Thomson, puisqu'il voit dans son invention au cours du vit" le signe evident de la réduction de la valeur des produits à leur valeur d'échange et, dans le développement consécutif de l'économie monetaire, le modele économique qui aurait inspiré aux philosophes ioniens leurs nouvelles représentations du monde. Contre une telle appréciation des faits, s'inscrivent en faux les travaux récents portant sur la date d'apparition de l'instrument monétaire, sur ses fonctions originelles et sur les circonstances de son invenhon. Les premieres monnaies d'électrum (alliage d'or et d'argent), frappées dans la Partie occtdentale de l'asie mineure (dans le royaume lydien ou dans les villes grecques du littoral ionien), sont en effet plus récenles que ne le supposaient les historiens auxquels se fiait G. Thomson : elles datent, non pas du début ni meme du milieu du vu siecle, mais bien des environs de 625, comme la prouvé, entre autres, l'étude du dépüt de fondation du sanctuaire d'artémis à Euhese. La frappe monétaire (de l'argent) aurait ensuite gagné la Grece proprement dite avant la fin du viri" siede : en premier heu, sans doutz, l'ile d'egine, puis d'autres cités commerçantes telles qu'athenes, dont le monnayage n'aurait peutétrz débute que vers 575 (c'est-à-dire, quoi qu'en dise Aristote, après les réformes opérées par Solon en 594/3?). II en résulte, pour des raisons chronologiques, que les philosophes ioniens du début du vl siecle étaient moins accoutumés au phénomene monétaire que ne le supposait G. Thomson d'autant que leurs villes d'origine ne paraissent guere s'étre illustrées, à cette époque, par 3. La portée des Grundisse, publies pour la première fois en 1953, n'a pas été percue par G. Thomson (bien qu'il en fasse quelques citations dans ses Preneiers philosophes). Trad. fr. des Formen dans l'ouvrage Sur les sociétés précapitalistes (textes choisis de Marx, Engels, Lénine), avec une préface de M. Godelier, paru aux Editions sociales en Autres citations de Marx dass un article de 1-P. Vernant sur La bette des classes reproduit dans Mythe et société en Grice ancienne (1974 ; p. 17, n. 9).

25 l'abondance de leurs emissions. Ce que les numismates nous apprennent de la circulation des monnaies au cours du vi' siècle prouve, en outre, qu'elles exercèrent des fonctions trop limitées et trop particulières pour pouvoir aussitöt engendrer une veritable < économie mofletaire». On a en effet constaté qu'elles n'avaient en général connu qu'une faible diffusion spatiale en dehors de leur heu d'émission : ce qui laisse entendre qu'elles n'eurent pas pour fonction originelle de faciliter le grand commerce (comme le suggere egalement le retard mis par de grands peuples commerçants, tels que les Pheniciens, les Carthaginois et les Etrusques, à inaugurer leurs propres frappes monétaires). Mais elles ne paraissent pas davantage avoir été spécialement conçues poue faciliter les transactions locales puisqu'on ne frappa longtemps que des pieces de valeur élevée, inadaptées au commerce de detail (au vi siècle, la plus petite monnaie d'electrum aurait valu le tiers d'un mouton!). Ce qui amene à conclure, pour cette époque, à l'absence d'une économie monétaire au sens strict du terme et méme, de façon quelque peu paradoxale, que les premières monnaies ne répondaient pas à des objectifs de caractère proprement commercial. Dans le méme sens incline l'étude des motifs monétaires. Alors, en effet, que leur grande diversité dans les premières séries ioniennes et attiques (< Wappenmünzen frappées, dans ce dernier cas, entre 575 et 520 environ) avait longtemps fait penser qu'ils reproduisaient les blasons des grandes familles marchandes, il parait aujourd'hui plus vraisemblable, pour diverses raisons, que ces séries eurent, taut comme les autres, une origine étatique. II semble donc que les premières monnaies grecques furent faites pour servir, moins les marchands, que l'etat lui-méme : à un moment oü l'essor des relations commerciales, se conjuguant avec le perfectionnement des institutions politiques, tendait à accroitre la complexité du róle financier joué par les cités en tant que telles. Dans ces conditions, ce serait pour faciliter la perception des taxes et le paiement des salaires à leurs employés, à leurs entrepreneurs, et souvent aussi à leurs mercenaires, que les cités auraient entrepris de frapper la monnaie, afin de regulariser leurs opérations financières et de les soumettre aux mémes principes d'équité que ceux qu'elles instauraient en matière politique. L'invention de la monnaie entrerait ainsi dans un vaste mouvement de normalisation des rapports sociaux ce qui expliquerait que le terme grec servant à designer la monnaie, nomisma, est de la méme famille que le mot nomos qui désignera la loi. II va de soi que cet instrument de justice sociale fut immédiatement utilisé par les marchands et progressivement adapté aux nécessités commerciales (en particulier par la frappe de monnaies divisionnaires). Mais ce qui a été dit des circonstances de son apparition et des caractéristiques originelles de son utilisation ne nous interdit pas moins de considerer la monnaie, dans le contexte de la Grèce archaique, comme le produit chimiquement pur, ou la pierre de buche d'une economie dominée par la valeur d'échange. Et ce qui est vrai de la monnaie primitive vaut également, en Grece, pour toutes les formes prémonétaires de l'appréciation des biens (bceufs, chaudrons, bijoux, etc.) : on a pu demontrer que celles-ci, bin de posséder une valeur strictement économique, étaient toujours naturellement chargées dune efficacité politique ou (et) religieuse, dans la mesure oü elles ressortissaient à la pratique sociale du don et du contredon qui avait servi à affirmer la puissance royale et régissait les rapports des hommes et des dieux 5. On a là une preuve supplémentaire de l'impossibilité, quand on a affaire à une société précapitaliste, d'analyser les faits économiques, et tout particulièrement la notion de valeur, en faisant abstraction de la totalité des rapports sociaux, et surtout, dans le cas de la Grèce archaïque, des institutions politiques qui fournissaient le cadre essentiel de fonctionnement de la vie économique. Celleci, en effet, ne se constitue en sphère autonome, régulatrice de l'ensemble des activités sociales, qu'à partir du moment oü le développement des rapports de production capitaliste font que c l'individu se pose en travailleur >, dont l'existence se trouve directement déterminée par des bis de caractère proprement économique. Une interprétation dogmatique du marxisme, selon laquelle, dans n'importe quel type de société, la superstructure n'est qu'un pur et simple reflet (au sens mécanique du terme) d'une infrastructure réduite eilemime aux forces productives, voire à l'état de la tcchnologie, a donc empeché G. Thomson d'apporter au problème réel qu'il avait soulevé une solution acceptable, qui rendit au mieux compte, sans coup de force, du peu que nous connaissons de la Grece archaique. 5. L. Gernet, La notion mythique de la valeur en Grece», Anthropologie de la Grece antique (1968), p o Monnaies des VI' et V' siècles avant 1. C. 23

26 La solution proposée par J.-P. Vernant, en 1962, dans Les origines de la pensée grecque et illustrée par nombre de ses articles me parait, elle, beaucoup plus conforme ami données de notre documentation et plus fidele ä la facon dont Marx a pu aborder l'analyse des sociétés précapitalistes. La médiation du politique Comparee à la pensée mythique, la philosophie nouvelle se caractériserait par I) La constitution d'un domaine de pensée extérieur et etranger à la religion (méme si cette lakisation se traduit quelquefois par une simple transposition, sur le plan du profane, des puissances divines). 2) L'idee d'un ordre cosmique reposant non plus, comme les théogonies traditionnelles, sur la puissance d'un dieu souverain, mais sur une loi immanente l'univers, une regle de répartition egalitaire (nomos) opposée au principe de domination (kratos). 3) L'imposition d'un schéma géométrique en geographie et en astrologie aussi bien qu'en cosmologie ; la projection du monde physique dans le cadre d'un espace mathematique, fait dc relations réciproques, symétriques et reversibles. Sécularisation, rationalisation et géométrisation de la pensée : ce seraient précisément là, selon Vernant, les traits essentiels de la nouvelle pratique politique qui s'affirme progressivement dans la Grece des cités. Celles-ci ne sont en effet plus centrées sur le palais royal d'oü émanaient les dits > (themistai) chargés d'autorite religieuse ; leur espace social s'organise autour de la place publique (agora), oü Ion débat désormais au grand jour des intérets de la communauté. La parole y a changé de sens : d'instrument de commandement et de révelation, elle s'est transformée en moyen de recherche et de discussion, d'argumentation contradictoire. Aux anciens rapports hiérarchiques de domination et de soumission s'est substitué un nouveau lien social fonde sur la symetrie, la reversibilité et la réciprocité entre citoyens definis comme semblables > (homidi) ou < egaux > comme equidistants par rapport au centre ideal de la communaute. C'est cette image du cosmos social que les philosophes ioniens auraient projetee sur l'univers physique. Leur modele leur aurait été fourni par les formes institutionnelles et les structures mentales propres à la cité, alors que les théogonies anciennes étaient intégrées à des mythes dc souveraineté enracinés dans des rituels royaux. On peut certes discuter la validité de l'un ou l'autre des points de concordance relevés par 1.-P. Vernant entre les principaux aspects de la pensee rationnelle et ceux de la pratique politique grecque à l'époque archaique : en se demandant, par exemple, si leur aspect < géométrique a, bin d'etre un héritage de l'aristocratie homérique réactivé par la cité naissante à des fins égalitaires, ne serait pas pluteit une construction théorique assez tardive émanant de milieux opposes au developpement démocratique de la vie communautaire. Mais un fait fondarnental me parait en tout cas établi : c'est qu'en Grece archaïque, entre l' a économie et les representations philosophiques il nous faut poser la médiation du politique. On pourrait dire en schématisant beaucoup >, écrit Vernant, que le point de depart de la crise est d'ordre economique, quelle revét à l'origine la forme dune effervescence religieuse en meine temps que sociale, mais que, dans les conditions propres la cité, elle conduit en definitive la naissance d'une refiexion morale et politique, de caractere laique, qui envisage de faeon purement positive les problemes de l'ordre et du desordre dans le monde humain * (r éd., 1969, p. 67). Cette chaine de causalité liant la pensée rationnelle l'économie par la médiation du politique est ici simplement indiquée son étude détaillée n'entrant pas dans les intentions de l'auteur lacune délicate ä combler dans l'état de notre documentation, et qui présente l'inconvenient de laisser la porte ouverte à des interprétations idéalistes faisant du politique, ou de la pensée mythique et philosophique, des etres de raison autorégulés et finalement indépendants du contexte socio-économique. Ce qui est vrai de la naissance de la philosophie l'est aussi, selon d'autres historiens 7, de la naissance de l'histoire. Celle-ei apparait ä la fin du vi siede, avec Hicstee de Mild, quand la Mémoire, jadis pouvoir de voyance de nature magico-religieuse s'appliquant à l'avenir et au présent aussi bien qu'au passé, change de sens : en meine temps que la Write ä laquelle elle était intimement se trouve relativisée par les débats de la place publique et que la Parole passe au service de l'opinion (doxa), elle cesse d'étre elle-meme un don la nouvelle critique 24 pour devenir une technique, une faculté psychologique que chacun exerce plus ou moins bien sur la base de sa propre expérience. Cornme la raison a, la mémoire historisante est done filie de la cité, produit de l'activité politique. L'économie reste en tout cela determinante : mais en dernier ressort, comme n'ont cessé de l'affirmer les fondateurs du marxisme, et sans rien öter à la spécificité des differentes instances de la vie sociale. Dans rantiquité, elle fonctionne essentiellement ä travers la politique, qui y est de ce fait le niveau essentiel oü s'enracinent les ideologies. C'est là un Nil historique, que rien n'autorisc à obliterer : la vraie täche des marxistes, qui n'est certes pas facile à réaliser dans l'obscurite qui enveloppe la naissance de la cité grecque, est au contraire de montrer qu'il ne s'agit pas d'une donnée inherente à l'esprit grec, voire ä l'esprit humain, mais que ce sont, comme le disait Marx dans une note du Capital (Ed. soc., t. I, p. 92, n I), les conditions économiques d'alors qui expliquent pourquoi >, dans l'antiquité, la politique jouait le reite principal s. L'histoire ancienne, comme l'anthropologie économique, peuvent ainsi contribuer ä l'approfondissernent théorique du marxisme que necessite la complexité croissante des luttes actuelles. 6. Rassembles dans Mythe et pensée chez les Grecs (1965); Mythe et tragédie en Gréce ancienne (1972) avec la collaboration de P. Vidal-Naquet Mythe et société en Gréce ancienne (1974). 7. M. I. Finley, Myth, Memory and History a, History und Theory, 4 (1965), p ; M. Detienne, Les maitres de Vérité dans la Grice archaïque (1967). Bibliographie des Editions sociales G. Thomson Les premiers philosophes, 40 F. Marx, Engels, Lénine Sur les sociélés preeapitalistes, 26 F.

27 NC INTERNATIONALE Au sommaire U.S.A. Victor Peno, économiste, membre du parti communiste américain, fait le point de l'évolution récente de la crise du capitalisme monopoliste d'etat dans son pays. II nous donne l'analyse de son parti sur la crise du mode de vie, des structures economiques, des superstructures idéologiques de l'impérialisme le plus puissant. (P. 40.) 1 per-twurw--- rsozialistischer Staat der Arbeiter und Bauern R.D.A. : Notes sur. un amerare culturer Que hm sur l'u.r.s.s. On assiste ces derniers temps à la production dune abondante ture sur les problèmes du socialisme. Cet intérét manifeste la part de plus en plus grande prise par le socialisme dans le monde, la place qu'il occupe dans le débat d'idees en France en liaison avec les perspectives d'un changement de régime dans notre pays. Francis Cohen analyse seize des ouvrages parus récemment sur le socialisme en U. R. S. S. (P. 47.) Claude Prévost (p. 26 )

28 LA R.D.A. A 25 ANS Claude Prévost NOTES SUR UN «ITINÉRAIRE CULTUREL >> Dix ours en R. D. A., en julo-juillet 1974, c'est trop peu pour voir tout ce qu'on voudrait voir ; c'est quand méme assez pour lancer quelques coups de sonde. Surtout quand on n'est pas aus prises avec les difficultés d'une découverte mais quand on retrouve un pays déjà connu. Encore que le regard naif posé sur la R. D. A. par le troisierne membre de notre groupe permettait des controntations passionnantes. Ces coups de sonde, nous voulions les lancer sur les points sensibles, la 'culture, et en particulier la littérature, ses personnahtes, ses moyens d'expression, ses institutions. Nous avions tu (La Nouvelle Critique en a publié de larges extraits. ereleoes par Roland Leroy) le rapport prononcé le 6 ui//et 1972 devant le Comité central du S. E. D. par Kurt Hager, responsable aus questions idéologiques et culturelles. Deus ans plus tard, comment les idées et les proposteons novatrices qu'il contenait étaientelles entrees dans la pratique? C'était la le lond de notre curiosité. Mais (en matérialistes!) nous savons que les phénomenes culturels sent lies au développement politique, social, économique du pays considéré. Aussi avions-nous demandé a aller voir un peu du cöté de rintrastructure... 'intellectuel communiste qui voyage en pays socialiste se heurte ä L des handicaps réels. Qui tiennent d'abord ä son souci (louable) de ne pas admirer béatement le moindre haut-fourneau : c'est le «bon handicap». Mais il y a les autres, qui tiennent ä sa connaissance, concréte et/ou livresque, du socialisme et de ses problernes. L'effet produit peut étre un engourdissement de sa faculté de surprise. Ce qui ressortit «spécifiquement» au socialisme!ui semble aller de sei. Blase donc, il sera, l'intellectuel communiste, comme cet «homme moderne que mettait en garde Apollinaire :... Crains qu'un jour un train ne rémeuve plus... Essayons de faire reviere, avant qu'elles ne s'évanouissent. quelques images dont il faul nn s'émouvoir». Le sourire décontracté de notre höte de l'institut de politique internationale, lorsque retentissent, dans le quartier tout proche des ministéres, les flonflons d'un hymne national : «Tiens, on a accrédité un ambassadeur!» L'incrédulité des jeunes ouvriers de Leuna qui me posent des questions sur o la jeunesse franeaise». Je parle de chernage. Quoi? Comment? Chörnage? J'explique le mot. Oui bien sür, ils savent ce qu'il signifie, ils ont lu l'histoire de la République de Weimar. Mais ea existe encere vraiment! lis le «savent mais je deis leur produire l'effet d'un voyageur d'un au/re monde. Leipzig, habitants. Vers dix heures du soir : nous rentrons ä pied du cinema. II ny a pas foule dans les rues (c'est le championnat du monde de football et la Television retransmet un match de la R. D. A.) mais quand mérne pas mal de promeneurs, ages la plupart du temps. Dans un parc, il y a de vieilles dames qui «prennent le frais» sur des bancs, leur sac ä main sur les genoux. Seules, ä dix heures du soir, dans une ville de habitants. De quoi faire réver les vieilles dames de Chicago, de New York, d'amsterdam, de Francfo rt... Un accident de la circula/ion, oü l'une de nous est impliquee, dans son taxi. Télescopage sans gravite de quelques voitures. Teles froissées. Pas d'énervement ni d'imprecations. Du calme, une certaine lenteur. Des policiers appliqués, «techniciens». Finalement test le monde est ä l'assurance d'etat. Pas de compagnies rivales qui vont negocier interminablement, par leurs services de contentieux. Pas de biesses, alors la question des «torts»... Une autre grande ville, Dresde. Un la nouvelle critique 26 samedi soir, à la fin des spectacles des foules compactes rentrent chez elles. En un quert d'heure, la grande place d'oe partent les rapides tramways s'est vidée. Transports en commun... Une vaste librairie ä Berlin : presque aussi remplie de clients qu'une «grande surface» chez nous ä six heures du soir. On ne trouve pas souvent le livre qu'on cherche. Epuisé, épuisé. Et pourlant, les imprimeries tournent inlassablement. Mais les prix ne rebutent pas. Les agrégatifs franeais le savent : un livre d'anna Seghers est ä leur Programme et l'édition de R. D. A. (à qualité au moins egale) leur coete trois bis moles cher que l'édition Ouest. Et ii n'y a pas que la modicité des prix qui vide les etalages des libraires! Oui, décidément, il taut garder précieusement sa capacité d'etonnement. Pour donner sans cesse originahte et vie concrete ä cette lapalissade : socialisme et capitalisme, c'est deux! Que la R. D. A. est meintenant reconnue, qu'il y regne pour les plus larges masses la sécurite e! pas seulement ce/le de l'emploi, que la révolution culturelle y est une réalité, que la dictature du profit y a disparu, certes nous le savions. Nous l'avons revécue. Mais sans vivre une idylle. Le socialisme n'abolit pas magiquement les problemes, les contradictions. les conflits. Nous savons gre ä tous nos interlocuteurs de l'avoir souligne, calmement, sans forfanterie ni inquiétude. Cette tranquillité et cette franchise révelent ä n'en pas douter certains progrés importants de l'esprit scientifique dans l'administration des hommes et des choses, une conscience plus profonde de la complexité des questions, une volonté croissante de les regier par les voies de la discussion démocratique. Les expressions ä la mode en témoignent : celle que nous avons entendue jusqu'à satiété n'est-elle pas Meinungsstreit (débat, conflit d'opinions)? Premiers contacts et vue d'ensemble Dans le mini-bus qui nous améne de Schönefeld (aéroport campagnard, presque artisanal) au centre de Berlin, l'un de nos accompagnateurs nous parle du grand événement de la veille : ä Hambourg les footballeurs de R. D. A. ont battu la R. F. A. Journée historique! II nous décrit la liesse populaire : tout le monde était dans la rue, on se congratulait. des 111 Profitons-en pour les remercier tous ici de leur accueil constarnment chaleureux, remerciements qui vont aussi ä nos amis de Panorama DDR qui oft organise notre sejour, ä Karl, notre sympathique chautleur et ä notre accornpagnatrice Irene, romaniste, specialiste de l'ceuvre d'aragon, dant luido nous a ete précfeuse et dant la conversation nous a beaucoup appris.

29 retraites aux flambeaux s'improvisaient. Pourtant, nous le constaterons, la presse, notamment Neues Deutschland, organe central du S. E. D., est moins echevelée et prodigue les avertissements, les jours suivants Attention, nous n'avons pas encore atteint le «top-niveau» mondial!» Réaction assez caractéristique de la prudence scientifique que Ion setforce d'observer dans tous les domaines. (D'autres mots ä la mode retal, sachlich, guére traduisibles ce sont des adjectifs renvoyant au réalisme», nn l'objectivité».) Berlin. Banlieue verte. Parcs. Legers embouteillages. Immense effort de construction. II reste ici et lä des immeubles tres noirs et sur certains escore des traces d'éclats. La R.D.A. vient de loin. Première conversation avec le camarade Kobert, directeur adjoint de la section du C. C. chargee des relations avec la presse etrangère, homme jeune, affable et souriant. La discussion est intéressante et ouverte. Ir :t! Malgre la difference radicale des situations, les preoccupations qu'il exprime quant ä la bataille ideologique ne sont pas étrangeres aus nötres. II le dit sous forme de boutade la R. D. A. est pourvue de cing chalnes de télévision, dont trois de... l'ouest. En effet, de Berlin-Ouest, les emetteurs occidentaux couvrent peu prés tout le territoire de la R. D. A. D'oil la necessité pour nos camarades de mener une lutte d'idees beaucoup plus complexe, qui doit tenir compte en permanence de la présence active de l'adversaire. Nous connaissons, nous, cette situation et nous disons à notre interlocuteur que c'est aussi un stimulant. II ne nous dément pas. En R. D. A., on est confronté quotidiennement et pratiquement ä ce problème theorique qu'on débat dass les ecoles du parti : coexistence pacifique et lutte idéologique. II apparait bien, aux exemples qu'u nous donne, que, pourvu qu'on n'oublie pas la seconde, la premiére fait progresser nos idees l'espoir de l'ouest, c'était de profiter des contacts crees pour gagner la lutte idéologique. II semble que la bataille solt mal engagée, pour les occidentaux. Les habitants de R. D. A. comparent, se voient maintenant avec les yeux d'autrui et ne se trouvent pas si mal lotis. Ceux de l'ouest voient la réalité de la R. D. A. et ils la confrontent ä leurs prejugés Suit l'énonce d'une serie de problemes divers : j'en ai retenu deus, qui procédent de contradictions specifiques : il y a dass la population un actif pour deux inactifs (enfants et vieillards) ; d'autre part le nombre des divorces préoccupe chacun l'egalite de la femme est souvent vecue comme revanche», rançon d'une seculaire prépondérance masculine. Ternoignage aussi, ä notre avis, que les choses commencent ä changer. MECED VORSCHLAG ei~are 0.~ Fi, de. Aufba Berlia.! r Visite à Leuna e A ^1-4 Neues Deutschland a de novembre 1951 appelant d la reconstruction de Berlin Le combinat chimique Walter Ulbricht» est l'une des plus grandes entreprises de la République : havailleurs, dont femmes. Ce qui nous intéresse, c'est de voir comment fonctionne la démocratie ä l'entreprise, le röle du syndicat, le röle du parti. Gräce ä l'attaché de presse, le camarade Pelz, qui s'occupe de nous une bonne partie de la journée, et gräce ä une longue conversation avec les camarades Köhler, collaborateur de la direction syndicale, et Steinberg (dont je préciserai plus loin le röle) nous avons pu avoir un bon apercu de ces problemes. C'est, pour nos interlocuteurs, la täche du syndicat de «réaliser la démocratie socialiste» ä l'entreprise. Pour cela, sa structure est calqué 27 sur celle de l'entreprise. Le comité central d'entreprise, la plus haute instance, a un secrétariat de six permanents. Les structures suivantes son( la direction de groupe (il y en a 17), de section (au nombre de 155) et les groupes de base, au nombre de Chaque groupe de base a quatre responsables : l'homme de confiance», le charge des affaires sociales», le nn delegué ä la sécurité» et le n delegué ä la culture». En tout, ouvriers, soit plus du tiers de l'ettectit, ont une fonohon élective. Le rále precis du syndicat par rapport au plan? Selon la loi fondamentale, le Code du travail de Fi. D. A., les chefs» de l'entreprise, du directeur general aux contremaitres, sont tenus tous les mois ä un rapport d'activité. Le projet de plan pour l'entreprise est attribue sous forme de brochure ä tous les grospes (jadis ä chaque travailleur mais, pour économiser le papier, on a tiré le dernier ä exemplaires) et ä peu prés tous les travailleurs en discutent et font leurs propositions, tant de propositions qu'un de nos interlocuteurs parle méme de Contra-plan. Pour 1974, il en est venu 12000, émanant surtout des femmes et des jeunes et concernant non seulement la production mais les conditions de travail. Y a-t-il des contradictions entre l'augmentation de la production et les investissements destines ä améliorer les conditions de travail? Le plan comprend ces propositions, deja. Mais elles sont discutées. La decision est prise conjointement par la direction et le syndicat. Sil y a des conllits? Cette question a le don de faire partir les camarades d'un rire jovial : Oui, bien sin'. Mais dass l'ensemble les travailleurs ont un haut niveau de responsabilite. Par exemple, Leuna exporte dans quarante pays. On peut imaginer que le ministère recommande l'exportation de tel produit en U. R. S. S. II est peu probable que les travailleurs disent : Non! exportons-le ä Honolulu. Mais qu'ils discutent sur les quantités, cela oui! Le parti? II s'agit du S. E. D., seul parti organisé sur la base de l'usine. Les autres le sont sur la base territoriale, quartiers, localites. Mais, par

30 exemple, le directeur ganara, peut-il étre membre d'un autre parti que le S. E. D.? Etonnement des camarades. Et réponse immédiate : «Aber bitte schön!». ce qui ne peut se traduire mot ä mot mais est ä peu ores equivalent ä : oui, bien sür, mais pourquoi pas etc. I Directeur ou pas, le parti S. E. D. compte membres, dont femmes (la proportion etant celle des ouvriers et des ouvrieres dass bufe jusine). II contröle certaines réalisations vitales, mais contrele ne signifie pas soupcon ou sanction, mais recherche des causes, des insuffisances, aide ä la solution des problemes. Le syndicat défend ret des travailleurs, le parti cree la darte politique dans les tetes, le directeur nommé par l'etat veille la réalisation du plan. Les camarades soulignent qu'il s'agit dune tache de direction collective, qui n'exclut pas les contradictions. Notre interet avait éte éveille par la fonction du camarade Steinberg, contremaitre, qu'on nous avait presenté comme «Schölle (mot ä mot : «juré»). Dass un article tres documente, Les tribunaux sociaux et les commissions des con flits dass les entreprises (Allemagne d'au ourd'hui, N ), Gilbert Badia a presenté l'activite de ces uges-assesseurs, au nombre de dans toute les R. D. A. II y en a 255 ä Leuna, avec 133 «tribunaux sociaux» qui comprennent membres. Ces tribu - flaue ont ä connaitre des délits passibles done peine inferieure ou egale ä 500 marks d'amende, délits dont les tribunaux d'etat ont ele dessaisis au profit de l'entreprise. Mais des magistrats du siege viennent ä l'entreprise bous les mois, pour tenir des séminaires de formation juridique permanente. Comme les autres uges-assesseurs, le camarade de Steinberg a Me élu. II a la confiance des travailleurs. II considere sa tache comme essentielfement préventive. Une partie importante de son travail consiste aussi A donner des consultations juridiques ; beaucoup d'ouvriers viennent lui demander des conseils, non seulement sur des questions relevant de la vie ä l'entreprise mais ausst sur des problemes juridiques «civils». II est visible que cet homme modeste et réfléchi, qui souligne ses bons rapports avec les juges o professionnels o et que rien ne distingue d'un autre ouvrier, n'accepterait pas de jouer un rete repressif. Les a >unes novateurs» Profitant d'un rendez-vous manqué, nous sommes elles ä l'improviste ä un etage de la Maison de la Culture de Leuna. oü une vingtaine de jeunes filles et jeunes gens preparaient une exposition du mouvement «M. M M.», sorte de grand concours national cjinnovation technique, avec un systéme rappelant les tournois sportifs, eliminatoires, quarts de finale, etc. C'étaient des jeunes de l'usine, travaillant par groupes ä la mise en place d'ingénieuses maquettes orésentant des projets, parfois tres complexes, pour ameliorer la productivité el les conditions de travail. Que dire de cette tres longue conversation ä bätons rompus, oü nous allions un peu au hasard et en ordre dispersé, de groupe en groupe, pour ne pas trop géner leurs preparatifs? Ou'ils nous ont accueillis avec une bonne humeur detendue et énormement de gentillesse, quita se sont orales de bonne gräce A bufes nos demandes cjexplications, qu'ils nous ont répondu sans detours ni hésitations, comme ä l'évidence ils en ont l'habitude, qu'ils ne nous ont pas cache leurs difficultés, leurs ambitions, leurs esperances, (beauo coup suivent des cours pour o se qualifier» autre expression-clé dass ce pays), qu'ils nous ont ä leur tour posé beaucoup de questions? Bien sür, nous avons conscience qu'il s'agit lä d'une avant-garde : mais par la varieté des personnalites, par leur liberté d'allure et le style de leurs rapports, incontestablement les membres de cette avant-garde donnent confiance en l'avenir. Un film lt s'intitulad Encore trop maigre pour l'amour o. Nous n'avons pu la nouvelle critique 28 juger des reactions de la selle car elle etait presque vide (football, football...). Le film n'est pas un chefd'ceuvre. Mais cette comedie en demiteintes d'une adolescente qui o se cherche o est totalement dénuée de vulgarité, elle ne s'accorde aucune des complaisances graveleuses que pourrait suggerer son litre, elle se permet quelques pointes humoristiques (et acérees) contre certaines institutions et idees recues, elle aborde quelques problémes réels et, ee a I eitt-ä,y27. e, " 7Z- bel diti»; Un cornice agricole suivi par un public attentif (c'était après tout aussi son but!) elle n'est jamais ennuyeuse. Paysans te. Nous voulions voir une Coopérative de production agricole (L. P. G.) nous avons visité pendant une bonne demi-journée celle de Ragewitz, ores de Grimma, dans la région de Leipzig. A Grimma, nous voyons d'abord Alfred Jätz, président adjoint du Conseil de district et responsable de l'agriculture. C'est un homme j esse, d'aspect energique, qui, sur nos inslances, nous parle un peu de lui il est issu d'une famille d'ouvriers agricoles, ii l'a lui-meme été pendant six ans, puis il est alié dass une Acole d'agriculture, puis il a fait des études supérieures, et il a été nommé ä ce poste o sur proposition du

31 S. E. D. et avec l'accord des paysans II nous parle plus longuement, avec précision, de son secteur de travail, de la reforme agraire et de la constitution des coopératives : celle que nous allons voir n'est pas un modele». Tant mieux, c'est ce que nous souhaitions! A la L. '. G. de Ragewitz, sur la droite d'une vasta cour encadrée par un bätiment en ruines, mais aussi par des hangars et des ateliers, nous sommes reçus dans un bätiment neuf par le président entouré de cinq autres paysans. Avec Alfred Jätz, qui represente l'autorité», les relations sont plus que detendues (tutoiement, familiarité, gaité, revendications sous forme de plaisanteries : Ah, Alfred, faudra pas nous oublier...»). Le président, Reinhard Hempel, est un homme jeune, avec un collier de barbe. Les autres, y compris les deux femmes, ressemblent davantage ä l'image classique du paysan», avec tout de méme je ne sais quoi d'un peu différent. Nous siégeons tres longuement autour d'une table peu ä peu garnie de victuailles. Chi/tres et precisions statistiques. Retenons que la L. P.G. groupe sept villages et que depuis janvier 74 elle s'associe pour certains travaux avec trois autres L.P.G., ce qui fall collaborer vingt-trois villages, sur ha. Remarque de Hempel : Si quelqu'un avait prédit ça il y a 15 ans, on aurait dit II déraille l» Voulant pousser plus loln notre voyage intérieur» dans ce/te L.P.G., nous demandons ä chacun des présents de parler un peu de lui-méme, voire de sa famille. M. FEIST Anclen paysan individuel (22 ha). Entré ä la L. P. G. en 59. II s'est qualifié». Responsable de la pro -duc/ion céréaliére. II a une fille étudiente, un fils lycéen. Ils ne s'intéressent plus ä la terre de leurs parents. Et sa propre terre, lui? Oui, il y a pensé, au debut. Mais ä présent, elle s'est fondue dans la propriété commune. Ça ne le re/lent plus. II se veut de plus en plus un ouvrier. II s'intéresse ä la production et ä ses résultats, II ne s'interesse plus ä la terre». M. RIEDL II vient de Silesie oü ses parents possédaient 18 ha qu'ils ont perdu en 45. Ici, sa märe a obtenu en 45 6 ha. Lui, ä son retour de captivite, II a travaillé avec sa mere. Ensuite, en 59, ils sont entres ä la L. P. G. Puis il s'est qualifié». Contremaitre d'abord. Maintenant ingénieur agronome. MME SCHNEIDER En 45, elle a profite de la reforme agraire. Elle est entrée ä la L. P. G. en 60 avec son man, dans un autre village. En 67 sa petite L. P. G. s'est associee ä celle de Ragewitz. Elle travaille avec son mani a l'etable : ils ont la responsabilite de trente vaches. MME HAUSCHMANN En 45, réfugiée de Silesie. Sa märe travaille comme ouvriére agricole chez un paysan qui entre ä la L.P.G. Sa mere va travailler en usine. Elle est d'abord vendeuse puis elle se marie et lorsqu'elle a son second enfant elle va vivre ä la campagne. Elle conduit une moissonneuse-batteuse. Elle note avec une certaine fierté qu'ii y a ä Ragewitz quatorze femmes conductrices. M. GEISSLER Ancien cheminot (d'origine paysanne). En 48, il revient ä la campagne exploiter la terre de ses parents. II entre ä la L. P. G. comme trayeur puis en 64, il est contremaitre d'elevage, puis chef d'élevage. II etudie et en 1969, il est ingénieur agronome. II est membre du parti paysan. M. HEMPEL Président. Origines paysannes. Ses parents avaient 40 ha. En 45, sa märe se retrouve seuie. II travaille deux ans avec elle, son frére et des ouvriers agricoles. En 58, il est un des fondateurs de la L. P. G., élu tres eune président, puis la L. P. G. s'associe ä d'au/res et il se retrouve tractoriste. En 62, etudes supérieures agronomiques. En 74, il est élu president ä Ragewitz. II ne pense pas l'étre tres longtemps car ii voudrait poursuivre ses eludes. Sa femme est institutrice ä Schöppau, ä six km d'ici. Des prob/emes? II y en a beaucoup. L'habitat est encore trop dispersé, ne correspond pas aus nouveaux rapports sociaux. La L. P. G. possede deux cars et fall du ramassage. Les étables son/-elles aussi trop dispersées. La L. P. G. construit, mais nous faut des maçons, trente de plus Al/ red pense ä nous!»). La garde des enlants? Satisfaisante deux jardins d'enfants sur Ragewitz. Le célibat masculin, fideo des campa gnes francaises? Non, pes de problémes. II y en aurait eu si nous étions restes ä l'ancien type de L. P. G., oü le travail était beaucoup moins collectif. Le niveau de vie monte tres vite : 70 0/0 d'entre nous ont leur voiture personnelle. II y a quinze jours de vacances payées. II est possible de prendre des vacances non payées. Nous avons abandonne la no/ion de salaire minimum car les revenus de tous les paysans est bien supérieur au salaire rninimum. La vie po/itique? Le S. E. D. a une cellule de 46 membres (20 V des coopérateurs), le D. B. D. (Parti paysan) 12, le N. D. P. D. 10. Notre probléme, c'est la F. D. J. (Organisation de jeunesse). Les adolescents et jeunes gens sont dans des internats (oü ils apprennent les métiers ruraux et d'autres) et quand lis reviennent (presque tous), la F. D. J. ne les interesse plus. Ceux qui veulent avoir une activité politique adhérent aus par/is adultes». L'un de nos interlocuteurs est membre du D. B. D., il est president du Front national, il nous parait avoir une grosse autorité dans la coope- 29 rative. Nous lui demandons si son parti recrute de nouveaux adherents, des jeunes : Oui!» (Cela nous sera confirmé ä Dresde, par deux dirigeants régionaux du parti paysan, avec lesquels nous passons une Iongue et agréable soirée : ces deux hommes robustes et joyeux nous apparaissent vraiment comme des citoyens ä part entiere», tres attachés ä l'alliance des paysans et des ouvriers, et partageant l'essentiel des analyses politiques des communistes, ce qui signale évidemrnent une situation tres différente de celle que nous connaissons dans notre pays.) Ce qui ressort de notre visite ä Ragewitz, c'est un sentiment general de sécurité, lä aussi. Ce qui n'exclut pas un retard culturel que nous confirme la visite de la bibliotheque de village (ancore qu'on y trouve du Maupassant) et dont les dirigeants ont conscience. Leipzig : rencontre avec l'unlon des EcrIvains C'est le 7 Congrés des Ecrivains, siégeant ä Berlin en novembre 73, qui a élu la direction actuelle de l'union. Celle-ci calque sa structure sur les divisions administratives. Nous avons donc, ä Leipzig, renconträ Hans Pfeiffer, secrétaire de l'union pour le nn Bezirk» (district) de Leipzig, accompagné de Trude Richter, qui a joue un röte important dans la littérature prolétarienne allemande avant 1933 et ensuite pendant l'émigration, et du poéte Helmut Bartuschek. D'un entre/len tres long et riche, je tirerai quelques données essentielles. Sur le t'ole de l'union des Ecrivains? L'une de ses täches est de promouvoir la vie intellectuelle. A Leipzig, elle organise tous les mois des discussions sur les ceuvres récenles, auxquelles prennent part de jeunes auteurs, des universitaires, des journalistes ; un groupe de l'union est méme spécialement chargé de suivre» les ceuvres nouvelles L'Union considere comme de son desoir de populariser les ceuvres elle a passé un accord avec un jour- 2

32 nal local, la Leipziger Volkszeitung, qui présente räguliärement les ceuvres, donne aus écrivains la possibillté de s'exprimer, publie leurs bonnes feuilles». L'Union organise des lectures politiques, elle a des liens etroits avec les centres culturels et les entreprises. Enfin, elle se veut responsable de la nie materielle et des conditions de travail des ecrivains. Sur la base d'un systéme Alabore en 1973 elle leur fournit aide et consells pour les questions qui peuvent surgir ä propos de leur santä, de lnur logement, des retraites, etc. Paul-an avoir une idée plus précise du statut de recrivain? Nos Interlocuteurs, et notamment Hans Pleiller, prennent soin de distinguer Iheorie et pratique. L'écrivain jouit d'un grand prestige. Par exemple Pleiffer, auteur connu de pióces radiophoniques et de romans policiers (ä propos desquels nous aurons avec lui une conversation passionnante) recoit des visites nombreuses de lecleurs qui luí demandent des conseils sur leurs problemes personnels. Maintenant, de plus en plus, on consldére l'écrivain comme un homme tres specialisé, aussi irremplacable qu'un savant. On attend donc, aussi sur le plan politique, beaucoup de luí. Beaucoup d'écrivains ont des fonctions politiques et sociales importantes. De plus, l'etat considére que la litterature est partie integrante de la nie socialista et souhaite que les dirigeants politiques comprennent rechvité culturelle comrne une partie de leur activitä. II est vrai qué präsent la parole des écrivains compte beaucoup. Mais, dans la pratique quotidienne, les choses ne vont pas toutes seules. II y a des difficultés et des contradictions, des ordres d'urgence qui font pausar au premier rang les questions économiques. Comment vit donc un écrivain? Les situations sant tres diverses, mais en majorité ils vivent quand meme de leurs livres. Par exemple, un prosateur touche pour un livre du produit de la vente du livre en magasin. Lä-dessus il paie 1/5 d'impäts. Ce qui est important pour lui, cast évidemment le nombre des rééditions, encore limitées hälas par les capacités de l'industrie graphique. Autres ressources : la radio, la télévision pour une piéce televisee dune heure, l'auteur buche marks. A Leipzig, l 'Union compte cinquante membres dont cinq femmes. La moyenne d'äge est élevée, 50 ans. II en est partout ainsi. Cela liest ä ce que la toute jeune génération ne s'est pas encore vraiment affirmée II y a peu de moins de 30 ans ä l'union. Est-il donc ditticile de devenir écrivain? Oui et non. On le devient par diverses voies. Par l'institut J.-R. Becher (que nous devons visiter le lendemain), par les cercles d' écrivains-ouvriers», les foyers de la Jeunesse etc. qui mettent les ieunes en contadt avec des écrivains confirmes. Ames un ou deux livres, le jeune äcrivain est admis ä l 'Union. Salon quels principes, à que/les conditions? II ny a pas de principes, ni de conditions. C'est l'union ou «Bezirk» qui décide seule, souverainement, lors d'une assemblée générale de ses membres, ob deux «parrains» présentent le candidat. Les avantages, pour le jeune räch - vais admis. c'est qu'il n'est pas seul, il bénéficie d'avantages fiscaux, de bourses, sa retraite est assurée. II peut bénéficier d'un soutien juridique, car l'union fonctionne en fall aussi comme un syndicat, eventuellement contra l'éditeur. Mais il est juste de dire que ce sont également les ma/sons d'äditions qui tont na/- Ire les jeunes écrivains : elles cherchent lautes constamment des auteurs nouveaux. Les rapports écrivains-société se sont que/que peu moditiés. Aares la guerre c'est le theme antifasciste qui a dominé puis, dans les annees 50, le parti a demandé aus écrivains de s'occuper davantage des problemes de la construction socialiste. C'est ce qu'on a appelé «le chemin de Tagdes t H)e.,\ 30' Kinder buches Affiche sur la journée du livre d'enfant Bitterfeld du nom de la localité ob s'était tenue la Conférence organisée ä ce sujet. Beaucoup d'écrivains ont donc travaillä ä la produclion. C'ätait nécessaire mais cette solution avait ses limites. Le point de vue de l'écrivain qui travaillait dans une brigade était certes critique, car beaucoup de choses n'allaient pas (bureaucratisme, gaspil- Page...), mais les ceuvres avaient quand meme un horizon étroit. A partir de 65 on a pensé qu'il fallait que l'écrivain ait une vue d'ensemble. Et puis est venue l'année 68 et les evenements de Tchécoslovaquie ont exercé en R. D. A. une influence decisive. La société a compris que l'écrivain ne peut aider la société que sil y est vraiment integre. On a fait un gros effort en ce sens. On a cherché ä donner aus artistes les plus grandes responsabilites en ce qui concerne leur activité ; de plus Avouons-le : une école ob Ion forme des äcrivains, nous savions bien que cela existe en U. R. S S., nous savions aussi qu'en R. D. A. des écrivains de renom sont sortis de cel Institut, mais nous etions quand meine un peu méfiants. Une talle «fabrique» d'écrivains ne risquet-elle pas de «produire» des modales de sehe»? Je le dis lost de suite, nos préventions sont tombäes, après la conversation passionnante (et parfois émouvante) que nous avons ese avec un collaborateur de l'institut, Gerhard Rothbauer, et son directeur, le professeur Max Walter Schulz. (Parenthese ici pour dire la joie que nous avons eue de rencontrer, assistant ä cet entretien, deux camarades vietnamiens, le poéte Nguyen Xuän Sanh, qui dirige l'ecole de formation des jeunes écrivains du Vietnam, et l'un de ses collaboraleurs, le romancier Do Quang Tien.) Max Walter Schulz est un homme de 53 ans, qui est loin de para/ira son ge malgre les épreuves qu'il a subies et qu'il raconte dans un tres estimable roman autobiographique, Wir sind nicht Staub im Wind, (Nous re sommes pas poussiere au vent), paru en Depuis, il n'a rien publie, sinon des extraits d'un roman qui me font attendre avec impahence la parution de l'ceuvre entiere, annoncée pour maintenant : Triptychon mit sieben Brücken (Trityque avec Sept ponts) qui traite des incidences de la situation de Prague 68 en R. D. A. Le camarada Schulz definit avec beaucoup de modeste et de réalisme le principe qui regle le travail de l'institut : «On ne peut pas dévela nouvelle critique 30 le parti et l'etat ont cherché ä les associer beaucoup plus ä la oestion, non seulement de leurs propres affaires, mais de la chose publique. A Leipzig, ils sant en contadt avec les problämes sociaux, ils rencontrent en permanence des enseignants, medecins, architectes, personnalites de l 'industrie ; ils lisent souvent leurs ceuvres aus représentants du parti et de l'etat, en discutent avec eux. Nos interlocuteurs pensent qué l'échelon national, dans les rapports avec les écrivains, le style de travail du parti a changé. Ils nous rappellent, non sans un leger soupcon de patriotisme local, que le nouveau ministre de la Culture, Jochen Hofmann, vient de Leipzig, ob il etait secrétaire de la direction du partí pour le «Bezirke». lis nous font d'ailleurs de lui un éloge qui ne tombe pas dass le dithyrambe mais dont la sincerité est évidente. En revanche, ils se plaignent avec amertume de l'enseignement de la litterature tel qu'il est donnä ä l'école, au lycée : ils ne seront pas les seuls. Tous les écrivains que nous avons rencontres exprimeront les mémes doléances. L'institut de Ilttérature Johannes R. Becher

33 lopper un äcrivain qui n'en n'est pas un. Notre but c'est de cultiver (un peu) les talents. Comment entrer ä l'institut N'importe quel citoyen peut poser sa candidature sil accompagne sa demande de livres ou de manuscrits, lesquels sont longuement examinés par deux personnes qui, si elles ne tombent pas d'accord, doivent en consulter une troisieme, prise necessairement en dehors de l'institut. On souhaite que les candidats aient une certaine expérience de la vle, on les choisit plutót dans les nietiers extra-littéraires. II ny a pas ä 'Institut d'étudiants en Lettres (ils ont une autre voie d'accés ä la carriäre d'écrivain) mais par exemple un instituteur, un officier de carriäre, un ouvrier serruliier. Les études nn dans notre maison durent trois ans, 80 ä 90 0/0 de l'enseignement est donnä sous forme de séminaires. Pour l'instant il y a 18 etudiants pour 68 candidats. Leur ge moyen est de 30 ans. Ils ont une bourse qui peut aller jusqu'ä 700 marks (actuellement plus de la moitié d'entre eux touchent la bourse maximale). Ils ont la possibilitä, des maintenant, de gagner de l'argent en publiant. L'Institut a d'autres activités. II a 60 autres äleves répartis en deux classes qui reçoivent pendant trois ans un cours par correspondance. Leur recrutement n'obéit pas ä des critäres de qualitä aussi séveres que celui des nn pensionnaires II s'agit lä de former des journalistes culturels, des reporters etc. Ces leves ne reçoivent pas de bourses mais ils bänäficient de vingt-six jours de conges supplémentaires et leurs entreprises leur paient leurs frais pour leurs voyages ä Lepzig. II y a enfin, outre des colloques organisäs par l'institut, un cours special pour äcrivains confirmés (une quinzaine actuellement) qui reçoivent 500 marks par mois pendant neuf mois ; chaque mois les participants se réunissent pendant une semaine ä l'institut pour une information sur les acquis les plus récents de la linguistique, de la philosophie, des sciences etc, et aussi, ajoute Gerhard Rothbauer, pour resserrer leurs liens d'amitié. Nous posons une question sur l'histoire de l'institut. II a été fondé en A cette époque, on a constaté chez nous un retard par rapport ä l'allemagne de l'ouest. Les écrivains étaient däjä relativement egés, antifascistes revenus d'émigration, tres peu de jeunes. II fallait faire quelque chose pour les jeunes, qui etaient obsedäs par l'experience douloureuse du fascisme et de la guerre et qui avaient eu peu de contacts avec la littörature mondiale. La premiäre devine de l'institut a éte Ouvrons les fenätres I Depuis, nous voulons que les jeunes écrivent, dit le professeur Schulz. Mais le probléme actuel, c'est que notre littérature se concentre beaucoup sur les problämes psychologiques individuels, n'integre pas assez les grands problemes internetionaux. Or il nous faut sortir absolument de notre o splendid isolation Quelle est la proportion d'écrivains passee par l'institut? Environ la moitiä des membres de l'union. Le développement littéraire de la R. D. A. n'est guäre pensable sans lui. Pouvons-nous avoir une vue plus précise sur la formation dispensée? Par serninaires, essentiellement comme on l'a dit. Au début on f aiseit travailler ensemble écrivains et critiques. Nous pensons maintenant que ceux-ci doivent recevoir une formation specifique. Nous ne voyons pas encore clairement comment, mais nous le ferons. A ce point la discussion devient passionnante. Max-Walter Schulz nous dit que pour lui le nn critique litteraire est un partenaire de rächvain et qui märite d'étre mis avec lui sur un pied d'egalité ä condition qu'll partage avec l'écrivain le risque de la littérature. Car la littérature doit etre en avance sur /es phénomenes de la vie. Or nos critiques sont trop souvent des prophétes tournés vers le passé. Je vais donner un exemple. Je veux écrire un livre, dont voici le debut : o J'ai cru. Je voulais savoir. Aujourd'hui je sals. Mais trop et trop peu. Que deis-/e faire?» Je vais voir un critique ami. II va me dire : Tu ne peus pas commencer comme ça. C'est un reniement, tu n'as pas le droit I Eh bien, moi, je pense qu'on doit parfois se renier. II y a une dialectique de la continuitä et de la discontinuité. Nous abordons les problémes de la critique et de la théorie littéraire. Max-Walter Schulz pense qu'on a trop longtemps considére la littérature exclusivement comme un moyen de lutte et qu'on a eu tendance ä faire disparaitre l'aspect spécifique de l'art. II cite une formule célébre du dramaturge communiste Friedrich Wolf Kunst ist Waffe n (L'art est une arme). Eh bien, on a déplacä l'accent principal, on la mis sur ARME. Tout cela, au fond, releve d'une tradition allemande, datant sans doute du XVIIP siäcle, la litterature c'est quelque chose de trés sérieux, qui vehicule des idées etc, si bien qu'on finit par aboutir ä un veritable idéelisme philosophique. Nous autres Allemands nous n'avons pas bien compris la conception de l'art qui était celle de Marx. Nous avons, c'est une de nos traditions, un rapport perturbé avec le plaisir humain : ou bien nous tombons dans l'apologie, ou bien nous sommes de sombres critiques. L'art comme jeu, comme plaisir, nous ne savons pas encore trés bien ce que c'est. Mais Brecht? Oui, mais vous savez qu'au début les rapports de Brecht et de notre classe ouvriäre n'étaient pas harmonieux. Après 1945, il y avait de vieux camarades tres.., sceptiques sur Brecht. Actuellement nous progressons dans la mesure oü nous reconnaissons le caractäre spécilique de la littérature, c'est-ä-dire son rede d'anticipation, et oü nous pensons que les moyens de 31 la représentation reellste sont variés, incluent le grotesque, la parabole, le fantastique... Les incidences sur cofre enseignement? Nous luttons contre la conception dogmatique du réalisme socialiste. II y a ä cet egard des progrés, beaucoup de percées authentiques. Nous pensons du reste qu'on ne peut pas former de jeunes ecrivains par de simples déclarations d'intention mais par un veritable engagement. II faut qu'ils prennent des risques. II y a des erreurs productives, ce n'est pas faire du révisionnisme que de le penser. Dans nos säminaires l'étudiant parle. La pensée et la langue se forment ainsi. Nous essayons de créer les conditions du o dialogue socratique Peut-Atre que si un fonctionnaire de l'education nationale venait chez nous II penserait :.n La ligne du parti est consciemment quittée I Bref, nous essayons de tenir des séminaires créateurs oe on discute sur des productions. Les enseignants sont d'ailleurs des ecrivains. L'orientation des etudiants? La plupart vont vers la prose, mais il y a aussi des dramaturges et des poetes. La tonalitä dominante c'est souvent la tristesse et la resignation. Notre effort pourrait s'exprimer ainsi nous essayons d'obtenir la negation de la négation. Ils viennent avec un certain talent naif, sur lequel nous pratiquons la négation. Au terme de ce processus, on devrait retrouver les qualités initiales mais ä un niveau supärieur. Alors seulement, on a un auteur. Mais ce n'est pas chez nous que le processus s'achäve I S'il s'acheve jamais, car il faut se nier constamment. Mais il taut du caractäre. Nous leur disons : si tu neu pas capable de brüler ta couronne de lauriers, tu n'auras pas la sui - van te. Enfin chaque étudiant a un nn mentor qui le nn suit l'aide ä developper ses virtualités selon la melhode indiquäe tout ä l'heure. Gerhard Rothbauer va nous chercher le rapport sur un étudiant qu'on hesitait ä admettre en seconde année et qu'on a finalement admis. L'argument qui nous a para decisif était celui-ci : cal homme jeune, de par ses origines sociales, peut enrichir la connaissance de milieux que

34 la plupart de nos écrivains, d'origine populaire, ne touchent pas. En somme, on na pas voulu étouffer dass Cceuf un possible Thomas Mann, un äventuel Proust. II y avalt dans cette appreciation prudente et ouverte un grand souci de laisser sa chance ä un jeune qui n'était pas encore un écrivain, loin sen fallad, et aussi une extreme sollicitude humaine, bien dans le ton de l'humanismo socialiste auquel notre camarade Max-Walter Schulz s'est rötere pour conclure, avec beaucoup de chaleureuse passion. Une maison d'éditions Le chola étalt difficlle. Car il y a, dans ce petit pays, soixante-dixhult maisons d'edition, dont vingtdeux publient de la littersture. En 1972 on a publie en R. D. A litres avec 119 millions d'exemplaires : pour la littérature proprement dite (non comprises la linguistique, la thäorie et la critique littäraires) 916 titres, dont 344 traductions, avec 19 millions d'exemplaires : seuls les manuels scolaires ont un plus gros tirage que la littärature (27 millions). Nous avions demande ä voir une maison de province, publiant la littersture actuelle de R. D. A. ; le Mitteldeutscher Verlag, de Halle n Maison d'éditions pour la littérature socialiste allemande contemporaine repondait ä ces critäres. Mais naturellement, d'autres maisons publient de la littérature de R. D. A., Aufbau, Hütten et Löning ä Berlin, Hinstorff A Rostock etc. A Halle, nous avons éte reous par le Dr Eberhard Günther, le (jeune) directeur du M. d. V. et par la responsable du lectorat, ainsi que par deux lecteurs. Brei apercu historique. La maison a Arte fondée par le parti. Au debut son image n'etait pas tres définie puis en 1950, on s'est orienté vers l'édition des jeunes auteurs de R.D.A., avec le but de favoriser la liaison des écrivains avec la vie. La maison a organise des rencontres entre les écrivains et la population, puis la celebre Conférence de Bitterfeld dont 1 a öté question dejä, etape importante : aujourd'hui, dans la sociäté socialiste märe, le développement doit continuer sous d'autres formes. Le style de la maison? II est donnä par les succés. Un des plus gros tirages (on en est ä la trentecinquieme édition, un million et demi d'exemplaires) est Nu parmi les loups, de Bruno Apitz, bien connu en France (paru aus E. F. R.), Spur der Steine (La Trace des pierres), Erik Neutsch (dix-huitieme édition) Le Ciel partage, de Christa Wolf (dix-septiäme édition) (paru aussi en France aux E. F. R.), le roman de Max-Walter Schulz dejä cite : en gros des romans posant «des problemes politiques et humains». Effectivement. la maison publie surtout de la prose, et avant tout des romans (rnais aussi, depuis quelques années, des nouvelles, des reportages) ; quelques poétes (Georg Maurer, Volker Braun, Heinz Czechowski, Karl Mickel) ; peu d'ceuvres dramatiques (sauf celles des auteurs-maison) ; depuis peu une petite serie d'essais sur la litterature. En 1974, le plan d'edition comportait quatre-vingt-quinze ti/res, en 1975, cent ; 50 A, sont des premiäres éditions. Le style de la maison est träs däfini. On a discute beaucoup ä ce sujet, mais finalement, nous dit le camarade Günther, nous nous y tenons, pour des raisons idäologiques et financiäres. Coup d'creil sur le catalogue. On y trouve les trois generations d'écrivains de la R. D. A. : les Merans, Apitz, Otto Gotsche, Fritz Selbmann, Eduard Claudius ; ceux d'äge moyen, Schulz, Neutsch, Günther de Bruyn, Joachim Nowotny, Christa Wolf ; les plus jeunes, comme Jochen Laabs, Manfred Jendryschik. Notons que Christa Wolf a quitte le M. d. V. et publie maintenant ä Aufbau. Cela n'est sürement pas sans rapport avec le sort longtemps reserve ä son roman Nachdenken über Christa T. (traduit au Seuil sous le titre Christa T.) publie au M. d. V. puls rapidement retiré de la vente. Nos interlocuteurs nous semblent regretter cet äpisode relativement ancien (et malheureux) de la vie littereire de R. D. A. En tout cas, l'couvre figure de nouveau ä leur catalogue et en est ä sa troisierne ädition. Comment un manuscrit est-il publie1 Sur la base d'un rapport reclige par un lecteur et par une deuxiäme personne (voire une troisiäme, une quatrieme) extérieure ä la maison. Puis le collectif en discute. La decision est prise démocratiquement et c'est aprés cette discussion que le directeur prend la responsabilité personnelle de la decision. De nombreux problemes se posent1 Evidemment, mais leur solution est maintenant facilitäe par le recul genera t, chez nous, des vues schernatiques. En littärature aussi I La réalité nous a contraints ä voir que les contradictions étaient dass la réalite elle-méme. II ne faut pas s'etonner de les trouver dass les ceuvres. De plus, souvent, l'écrivain est un pionnier, il est le premier ä Acrire sur un probläme. Les phenoménes de notre société sont träs complexes. II laut chercher des chemins. On ne peut pas dire brutalement : voilä la solution juste. Nous donnons nos solutions. Du reste, sur les questions politiques, il n'y a pas chez nos auteurs de divergences fondamentales. Des reponses litteraires diffärenciées, oui, et ces differenciations sont tres fäcondes. Mais vous devez vous heurter aux problemes de la tradition et de l'innovation 7 Suit alors une discussion animée entre nos partenaires euxmames. Oui, nous publions, mais... Pendant longtemps nous avons pensé que tout lecteur doit comprendre. C'était une erreur. Notre public est la neuvene critique 32 differencié. Et puis la réflexion sur les formes du réalisme s'est elle aussi différenciée. La dilliculte principale est d'ordre matériel. Notre production, dans les trois derniäres annees, a augmenté de 50 O/ demande est enorme. En janvier 74, les ventes ont eté egales ä celles de la période précédant Noel. La littérature contemporeine est de plus en plus demandäe. Tout s'épuise rapidement. Notre industrie graphique a du mal ä suivre le rythme. C'est un probleme national. En matiäre de litterature la demande precede largement l'offre. Des problémes, par conséquent, et terriblement concrets. Mais nous quittons nos hótes avec l'impression qu'il s'agit, ici encore, de difficultés dues ä... la revolution culturelle. Au musée de Dresde Dresde, un samedi matin du debut de l'éte, est une capitale touristique. Farce que le socialisme est (un peu) la semaine des deux dimanches denoncee par un farouche adversaire des conquates ouvrieres? Parce que les frontiäres voisines sont ouvertes 7 II s'y deverse en tous cas un flot de promeneurs, Polonais, Tchéques et... Allemands. Nous flänons dans le quartier historique, dont la reconstitution sera bientöt achevee, et qui fait de cette ville une merveille et nous allons au Zwinger, également envahi par la foule, qui vient se promener et admirer les peintres d'autrefois. Ecoles flamande et hollandaise, Rubens. Van Dyck, Teniers, Van Ostade, Rembrandt, Vermeer italiens, Giorgione, Le Titien, Le Tintoret, Canaletto, Veronese, Tiepolo, Le Corrége ; et puis Poussin, Quentin de la Tour, Le Lorrain ; et puis Cranach, Dürer, Holbein. Tant de richesses vous terrassent, il faudrait y revenir des jours et des jours. La foule est de tous ges, les jeuves y ont une large part ; quant aux origines sociales, elles sont difficiles A distinguer. C'est sans doute icl que j ai es le sentiment le plus vif que s'etait engage de maniäre irréversibe le processus qui méne ä la societe sans classes. Un concert d'orgue A Meissen, capitale de la porceleine, nous visitons la cathedrale (luthärienne). On nous fait payer un prix d'entrée, modique. Notre Atonnement se dissipe quand nous découvrons que va commencer un concert d'orgue, oti nous restons : des musisiens baroques, des modernes et les grands noms, Cäsar Franck, Brahms, Bach. Public relativement restreint. Des personnes d'äge mor. J'observe chez certaines ce que j'appellerai un «recueillement ostentatoire». II est bien possible qu'on vienne id i chercher le «suppläment d'äme chichement dispense par une» matérialiste»? Ce n'est qu'une hypothese. La plupart, les jeunes en

35 particulier qui forment une bonne moitiä de l'auditoire, semblent bien Atre lä pour la musique. Avant le concert, le pasteur apparait. Nous avons droit ä une bräve hottteile pastorale, d'ailleurs conforme ä un usage tres ancien. Télévision populaire Nous souhaltions voir une dmission populaire, sans «espärer toutefois descendre au niveau de Guy Lux! Nous assistons donc, le samedi ä 20 heures, au Palais de la culture de Dresde, ä une ämission en direct, Die goldene Note (La Note d'or). C'est une ärnission qui, visiblement, est destinee ä jouer un rede important elle est programmäe ä une heure d'écoute exceptionnelle, dispone de gros moyens, est retransmise par les pays socialistes voisins. ((Duaigues jours plus tard, on nous dira au Comité central du parti que La Note d'or beneficie du soutien officiel, car elle satisfait les besoins de certamen couches de la population, pas les plus jeunes d'ailleurs on ne veut pas que ces couches se sentent mäprisäes, tenues ä l'écart de l'essor culturel. Elles ont elles aussi leurs droits, qu'il faut defendre et faire reconnaitre.) La salle est comble et effectivement pas tres jeune. Trés sage, tres endimanchée : si Ion appliquait brutalement nos criteres familiers,. on la dirait «petite-bourgeoise Mais it faut nous mefier des schämas passe-partout. Le programme est extremement varié, international. Une char.9use yougoslave, un chanteur irlandais (tres «occidental une basse russe (tres russe) qui chante un air d'eugene Oneguine et un chant populeire sur Stenka Razine ; il y a un ballet ; des scenes d'operettes, tirées des Contes d'hollmann, d'offenbach l'orchestre joue du Strauss (Johann) et du Puccini (c'est le grand orchestre de Radio-Leipzig), mais nous entendons aussl le premier mouvement du Concerto pour orgue IV" 4 de Haendel. Sauf exception, tout est, dans son genre, de träs grande En fait, ce Programme tres ificlecfique a eh:, élaborä par (ou avec la participation) des personnes späcialement choisies pour Atre honoräes ce soir-lä. Se succédent en effet au milieu de la salle, ä une rangdie d'honneur, sur laquelle une caméra est constamment braquee, des couples d'äge mor, vers lesquels, avant cheque morceau (qu'ils ont donc choisi), se dirige une blonde anlmatrice. Dans un allemand parfait, presque trop parfait, et tout charme deploye, elle fait l'éloge de ces citoyens particulierement méritants directour d'orphelinat, technicien des chemins de fer, donneur de sang, pecliätre etc. : Ils sont assis lä, vls1-4. Festival des politischen Liedes festival (fivrier 1974) du chant politigue blement confus d'etre l'objet de tant d'honneurs, terriblement ämus, tandis que l'assistance applaudit avec une sympathie et une gentillesse ä laauelle on ne peut rester insensible. A la fin du spectacle, le chceur de Radio-Leipzig interprete trols chants populaires celebres depuis presque deux siedes, Wenn alle Brünnlein fliessen, Im schönsten Wiesengrunde et la premiére strophe de Ade zur guten Nacht. L'assistance reprend en chceur : du reste, pour rafraichir sa mémoire, on a imprimé les textes au dos du programme. On le devine : si je vivais en R.D.A. je ne serais pas un fanatique de cette érnission. Mais j'ai été sensible ä son absence totale de vulgaritä et ä l'atmosphere de fraternité confiante qui sen degage. Quelle repose sur un état de go0t relevant de la tradition et de la convention n'est, pour moi, pas douteux : quant ä conclure quelle diffuse de part en part une Ideologie petite- bourgeoise, II y a un pas que je me refuse ä franchir. Berlin : National Galerie Une exposition Intltulée Hallsnla et nouvelle oblectivite En fait cette periode couvre aussl en partie celle de l'expressionnisme. AInsi que le mouvement Dada. Bref, bufe une avant-garde Ilquidee par le fascisme sous le vocable d' i! art degenärä Une avant-garde que le mouvement ouvrier, pour de tout autres raisons, a mis longtemps ä accepter. Les vollä tous ä präsent dann une exposition officlelle, Georg Grosz, John Heartfield, Otto Dix, Käthe Kollwitz, et l'admirable «Vleille femme assise d'ernst Barlach. Deux grands chercheurs Präs l'acadernle des Sciences de R. D. A. Il y a un Institut central d'histoire litteraire, dirige par le professeur Werner Mittenzwei, un des meilleurs specialistes mondiaux de Brecht et du thäätre contemporain. Manfred Naumann est son adjoint, II est romaniste et connalsseur averti de la litterature francaise. Nous souhaitions les rencontrer parce qu'lls représentent un type de chercheurs d'avant-garde, un peu en marge de l'universite, et parce que nous connaissons et apprécions beaucoup leurs travaux. Les lecteurs les plus anciens de La N. C. ont pu lire l'ätude de Mittenzwei, Brecht et Kafka, ceux de La Pensee son essai sur Brecht et la tradition litteraire (N!, 167). Retracer un entretien aussi long, dätendu et «informel (ui nous n'avons pas pris de notes, est evidemment Impossible. Nos lecteurs prendront bientet connaissance de leurs travaux les plus rdcents : un extrait du livre de Mittenzwei Brecht Verhältnis zur Tradition (Le rapport de Brecht ä la tradition) et des bonnes feuilles d'un livre publiä aux edilions Aufbau sous la direction de Manfred Naumann et qui sera publie dans la collection «Ouvertures des Editions sociales : Gesellschaft, Literatur, Lesen (Sociétä, litterature, lecture). Je signale aussi que les 33 _

36 allutilemeermelle-er e ***** _ - e e lest Bibliotheque d'entreprise sur le neu de travail éditions Rütten et Löning viennent de publier le premier volume dune traduction d'a la recherche du femps perdu, avec une träs Importante preface de Manfred Neumann. La conversation roule sur les nombreux sujets d'interät commun. Nous constatons que nos interlocuteurs sont träs informes de ce qui se passe en France dans leur domaine et «autour» de celui-ci : nous apprenons en particulier avec joie Fintereit que suscite en R. D. A. le livre de Luden Säve (» Un tres grand livre», dit Neumann), l'impatience ovec laquelle les romanistes alten - dent de pouvoir lire TheätreSoman d'aragon. (Blanche ou l'oubli vient de parartre en traduction allemande.) Le debat sur l'heritage classique dans la revue Sinn und Form (debat dans lequel Mittenzwei s'est räsolument engage), Brecht, Lukäcs, les progrés sensibles de la vie culturelle en R. D. A., les faiblesses de tel ou tel secteur, vues avec lucidite, outant de sujets sur lesquels nous avons perle des heures, avec des camaradas avec lesquels nous constabes, sur la base d'experiences tres differentes. finalement une convergence de vues träs remarquable. Un hebdomadalre culturel la nouvelle critique 34 C'est le Sonntag, oü nous reçoit le réclacteur en chal Bernd von Kügelgen, assiste d'une de ses collaboratrices, Regina General. Le «Sonntag» est édite par le «Kulturbund», sorte d'organisation politico-culturelle de masse fondee en 1946 avec des objectifs de rassemblement antifasciste et dämocratique et dont le rele s'est ensuite diffärenciä dans la construction du socialisme. Actuellement le Kulturbund couvre tous les domaines culturels par l'intermädiaire de clubs, lieux oü des intellectuels et des gens intéressés par la culture viennent discuter : de livres, de thäätre, de films etc. Les reunions sont trés ouvertes, chacun peut venir discuter. Au Kulturbund sont rattachäes des associations d'» Amis de la nature -, de numismates, de philatälistes, d'esperantistes etc. En 1973, il y avait groupes locaux, 140 clubs. 12 groupes universitaires et, en particulier des cercles d'» Amis de la littärature» groupant membres, des cercles d» Amis des arts plastiques» (en expansion croissante), d'» Amis de la musique», d'» Amis du thdätre», 400 groupes de culture regionale. En tout präs de membres. Le probläme est le vieillissement des membres de ces groupes. Les enciens intellectuels de formation bourgeoise qui les ont longtemps animés prennent peu ä peu leur retraite. On travaille en Saison avec l'education nationale ahn d'y arnener des jeunes. Le VIII, Congras du S. E. D. a donné une impulsion nouvelle. Nous retrouvons (ci ce qui sera (ce qui a deje etä) un leitmotiv de nos entretiens. Le VIII, Congrés, qui s'est tenu en 1971, semble vraiment avoir marqué une étape decisive, la confirmation étant marquäe par le VI, Plenum du Comité central, en juillet 72, oü Kurt Hager presenta le rapport clejä mentionné. Pour Bernd von Kügelgen, le Congres a introduit dans le pays un processus de réapprentissage ; il nous taut apprendre ä discuter, nous apprenons, nous faisons des progräs mais nous ne sommes qu'au début. Nous fuyons ancore trop souvent la discussion ou bien nous discutons trop durement. Mais nous avançons. Par exemple en peinture : il y a eu une exposition d'un peintre ä tendances surreelistes, Zickelbein. Cette exposition aurait Met impossible avant le VIW Congrés. Le róle du Sonntag»? II est édité par le Kulturbund mais ce n'est pas un Journal pour les membres de l'association, ii s'adresse ä tous. Malheureusement, nous ne tirons qué exemplaires et sur douze pagas (problemes matériels!). Nos lecteurs? Pas encore d'analyse sociologique precise mais nous avons envoye un questionnaire qui nous permet d'affirmer qu'un tiers de 2

37 nos lecteurs sont enseignants et étudiants, un tiers responsables de la sie culturelle (fonctionnaires des ins- (erices culturelles, directeurs de mu-,sées etc.) et un tiers artistes, écrivains, personnalités Interessees par la culture (cadres d'entreprise, ouvriers). Age moyen : 40 ans, mais y a quand meinte beaucoup de jeunes, surtout des étudiants en fin d'études et des jeunes cadres. Nous pouvons dire que notre public a des exigences intellectuelles assez Mev eres. Problemes de redeofton : il y a un ródacteur en chef, deux adjoints et onze rädacteurs permanents dont räge moyen est 28 ans (sin lammes). Ils sortent de l'enseignement superrieur et c'est nous qui les formons, avec l'aide de l'ecole de journalisme de Leipzig qui leur donne des cours par correspondance. Regina General, par exemple, a fall ä l'université Humboldt de Berlin des ettudes de germanistique, d'histoire et de pédagogie, puls elle est entree au Sonntag et y a travaillä en suivant les cours de Leipzig, puis elle a fait des ertudes d'histoire de l'art en plus de son mätier. II y a beaucoup de collaborateurs occasionnels, artistes et écrivains. Pas assez. D'abord il n'y a, dans le pays que deux cents écrivains qui écrivent réellement. Et ils sont träs sollicitäs deux cheines de Téle, cinq programmes de radio nationale, douze de radio regionale, cent sept theätres, le cinema, la vingteine de maison d'éditions littéralres... Mais le VIIF Congräs a eu ausst pour resultat que la collaboration et ramitié entre écrivains et presse se sont develoepräes. Les créateurs sentent qu'on a besoin d'eux. Les besoins culturels se développent? Enormément! La soif de lecture croit sans cesse. Depuis 1970 la littérature contemporaine traitant des problämes de R. 0. A. est trés demandée : il y a lä un certain besoin de rattrapage. Les gens veulent discuter avec les écrivains Erwin Strittmatter, par exemple, recoit 250 invitations par an pour discuter de ses livres, trés souvent avec des ouvriers et des paysans. Naturellement, serait exagérd de penser que c'est partout pareil : il y a encore beaucoup de petites entreprises, ä statut privé jusque récemment, oü il ny avait pas un communiste, pas un seul syndique. Alors... prätendre que chaque ouvrier lit, c'est une grosse crreur, mais tout de meme, les progres sont considerables. Mais un developpement culturel inégal : Bernd von Kugelgen nous apporte une statistique qui a été ägelement publiete dans un récent ouvrage collectif dont on nous repariere plusieurs bis et que Ion m'a offen : Zur Theorie des sozialistischen Realismus, Berlin Cette statistique porte sur deux annees de comparaison, 1963 et Pendant cette période il y a donc es croissance dann de nombreux domaines : tirage total des livres (+ 37,9 9o) ; tirage total des revues (+ 14,3 %) abonnés aus bibliotherques (+ 36,2 /o); entrees dans les musäes (-h 59,3 90); possesseurs de recepteurs radio (+ 9,3 r/o) de retcepteurs télé (+ 110,3 Vo). Mais la fréquentation des thäätres a beisse de 7,2 Ve (il reste quand merne plus de 12 millions d'entrées dans un pays de 17 millions d'habitants), celle des concerts de 21,7 A, celle des cinemas de 49,2 /0 (on est passe de 157 millions ä 81 minions d'entrées annuelles). Cette situation inquiéte les responsables et ils font des efforts pour la redresser. Une après-midi à la u N. D. L.» La N. D. L. (Neue deutsche Literatur) est la revue mensuelle editee par l'union des Ecrivains. Nous sommes recus par le rädacteur en chef adjoint, Erhard Scherner, par Eberhard Scheibner, eharge des relations internationales ä l'union, par les poä- : La une de la revue o N. D. L. tes Henryk Keisch et Paul Wiens. Discussion trés vivante, encore une bis, facilitée par le fait que Keisch et Wiens s'expriment en francais avec une aisance remarquable (Keisch a Ate un combattant de la Räsislance antifasciste en France), discussion oü se rävälent entre tel ou tel des nuances d'appreciation sur la base d'un accord profond pour l'essentiel. Nous posons une question sur le récent Congrés des Ecrivains (la N.D.L. a publiä d'importants extraits des rapports et des débats dann son numero de février 74). L'atrnosphere a eté bonne, dit Erhard Scherner, parce que la discussion a etté vive et jamais ennuyeuse. La meilleure invention du congrés c'est d'avoir créé quatre groupes de travail oü le choc des opinions a pu se därouler bien mieux que dans les séances pléniäres : 1) Litterature et realité ; 2) Littérature et conscience historique ; 3) Lit- 35 terature et lecteurs ; 4) Littérature et critique. Ce congres a etó un congrés des jeunes. Une nouvelle génération ny est exprimée. (Et effec- Iivement, le numéro de N. D. L. leur fall Öcho.) Mais quelqu'un remarque que cette jeunesse n'est que relative. On nous l'avait dit ä Leipzig : l'äge moyen des membres de l'union est trop éleve t C'est un souci real. La situation materielle des (Jodvains a chango. Paul Wiens pense que l'atmosphére du congres doit beaucoup ä ce changement. Pour la premiére bis, dit-il, on a landó les bases économiques de notre situation. Jusqu'ä präsent, c'était quand mörtle une» &öle de situation». Le ministre des finances (mérne quand par ailleurs on nous reconnaissait du» talent», voire de» l'utilite») nous considärait comme des artisans, des petits entrepreneurs, bref comme des capitalistes individuels, sinon parfois mörtle comme une couche parasitaire. Cela commence ä se regier d'une facon nouvelle. Naguere nous avions l'impression de queman der. II faul bien comprendre qu'un roman tire ä (alors que pour satisfaire la demande 1 faudrait tirer ä 75000). A présent, si la reedition attend deux ans, l'ecrivain recoit une bourse de l'union (qui a vu ses possibilites financiäres considärablement accrues). II peut continuer ä Iravailler, il a la sécurite, c'est pour lui un droit. Nous avons le sentiment nouveau d'appartenir au peuple travailleur. La question n'est pas seulement materielle, remarque Henryk Keisch. Le V111, Congräs du parti a creé pour les ecrivains une situation nouvelle. On n'a pas abandonné les principes mais on a une pratique plus intelligente, plus raisonnable, plus adaptee aus realites. Certains livres qui avaient des difficultäs paraissent rnaintenant. Ca ne s'arrange pas du jour au lendemain, mais la direction du parti montre beaucoup d'intelligence politique. II y a des questions de cadres, de personnes. On ne feit pas de chambardement, des personnes changent, d'autres non, c'est un vaste processus, qui implique une labte, mais les choses avancent. On satt que sil y a des difheultes. elles ne tiennent pas au

38 socialisme, elles sont de nature sublectiva. La conversation aborde beaucoup d'autres sujets : la poésie, pour laquelle l'intéret a un peu diminué (mais la F. D. J. edite tous les mois cahiers de poemas ä 90 pf ennigs) et qui semble éviter les themes politiques ; l'essor considerable, au contraire, de la chanson politique, des groupes de «I ol k-song ä base politique ; les sentiments internationalistes de la jeunesse ; les romans qui ont le plus marqué ces derniers temps et ceux qui vont paraitre et qu'on attend avec impatience. Je citerai, pour ceux de nos lecteurs qui lisent l'allemand, (af in peutetre que des vocations de traducteurs se levent) quelques-uns de ces litres. Erwin Strittmetter DER WUNDERTÄTER II (Le faiseur de miracles). Kurt David DIE ÜBERLEBENDE (La survivante). Bernhard Seeger VATER BATTI SINGT WIEDER (Le Ore Batti recommence ä chantar). Günter de Bruyn PREIS-VERLEINHUNG (La remise du prix). Jurek Becker IRREFÜHRUNG DER BEHÖRDEN (Egarons les autorites). Erik Neutsch AUF DER SUCHE NACH GATT (A la recherche de Gatt) et DER FRIEDE IM OSTEN (La paje ä l'est). Anna Seghers SONDERBASE BEGEGNUNGEN (Etranges rencontres), trois nouvelles. Christa Wolf UNTER DEN LINDEN, trois nouvelles. Irmtraud Morgner LEBEN UND ABENTEUER DER TROBADORA BEATRIZ, NACH ZEU- GNISSEN IHRER SPIELFRAU LAU- RA (La Béatrice de ()ante se réveille et participe ä Mai 68 en France, elle f alt connaissance de Laura, travailleuse de R. D. A.). Franz Fühmann 22- TAGE ODER DIE HALFTE DES LEBENS (22 jours ou la moitie de la sie). Au Comité central Je m'exprimerai avec modération sur cet imposant immeuble en disant que selon toste vraisemblance son architecture na pas été concue par Oscar Niemeyer... Mais nous y sommes excellemment recus par le camarade Henschel, collaborateur du C. C. pour les questions culturelles et un vieil ami de notre parti, combattant antifasciste emigré en France et ancien rédacteur en chef de Einheit, la revue théorique du C. C., le camarade Schaut, vient nous retrouver et participer ä l'entretien. On nous interroge sur nos impressions, que nous livrons un peu en vrac. Nous posons, sur l'émission de télévision populaire vue ä Dresde, des questions gol recoivent la reponse déjä mentionnée. Et la feunesse? La jeunesse prend une large part aus manifestations culturelles. Et la télévision pense ä elle! II y a un émetteur de radio pour les jeunes. Mais le mouvement le plus important c'est celui du Folksong politique. C'est un grand mouvement populai re, qui s'est epanoui au Festival de la Jeunesse dann l'été 73 mais qui avait pris naissance quatre ou cinq ans avant dann des groupes de la F. D. J. Nous encourageons ä tous les niveaux et par de multiples moyens (édition, disques, organisation de concours etc.) ce mouvement qui est, pour nous, tres... encourageant. Vos sportifs sont reputes. Le sport a-t-il le méme public que les manilestations culturelles encore que pour nous le sport fasse partie de la culture? Pour nous aussi! Dann le sport deux tendances confluent, sport de competition et activite sportive au dalt Des ouvri?res de 'industrie chimique sens large. Dans le premier nous voulons introduire davantage d'elements plus spécifiquement culturels -. Dans les clubs (par exemple de football) nous créons des commissions culturelles. Nous voulons que nos champions soient des personnalités dont l'horizon intellectuel ne soit pas borne. Pu isqu'ils vont beaucoup ä l'etranger qu'ils soient comme des ambassadeurs de notre culture, au sens le plus large. Et sur ce point nous avons des résultats déjä tres satisfaisants. Pour l'activité sportive de masse, elle prend place dann la vie culturelle. Le VIII, Congres nous a fait élargir cette notion. Une serie d'activités y prennent place. Nos diff icultés viennent que lä encore les besoi ns grandissent plus vite que la possibilité de les satisfai re. (Nos camarades nous confirment ici le tableas que nous avons déjä tracé.) Les arts plastiques? C'est peut- etre dann ce domaine que nos progres sont les plus évidents. Parca que les besoins se développent beaucou p. Pourquoi? Les causes sont multiples : la construction de logements neufs, les gens veulent un beau cad re de vie, on a facilité les rencontres plasticiens-ouvriers, il y a des expositions, les bibliothéques ont institue des präts de reproductions de tablease (avec un g ros succés). C'est bien sür un developpement contrad ictoi re. Nous avons fonde des instituts pour le cad re de vie : it y a une école ores de Halle, pour la figuration esthétique -, di rigee par le peintre Wili Sitte, président de l'union des Arts plastiques. L'école des Beaux-Arts de Weissensee a une section d'esthétique du bätiment. Une section du Conseil des ministres est responsable de l'estilétique industrielle. Vous avez des traditions ä cet egard : le Bauhaus? Oui, mais le lascisme avait extirpé cette tradition et en 1945 nous n'étions pas capables de renouer avec elle. Les artistes venus du Bauhaus ont eu au debut du mal ä s'adapter ä notre nouvelle société. Mais l'élargissement de la conception du réalisme social iste permet d'intég rer l'héritage du Bauhaus. Justement, fi en est-on, des discussions sur le réalisme socialista? Pour nous c'est un principe léniniste inalienable, mais sur cette base il test aller sans cesse vers la découverte de nouvelles expressions artistiques. Nous avons rompu avec l'époque oü le réalisme socialisme etait lié ä certamen formes. De ce point de vue, le débat Brecht-Lukacs nous a appris beaucoup. A notre section de la Culture du Comité central nous essayons, ä partir des ceuvres nouvelles et des discussions quellen suscitent, de degager de nouvelles täches, de nouveaux problemes. Nous y réussissons plus ou moins bien! Les rapports avec les artistes, les écrivains? lis sont bien meilleurs. lis la nouvelle critique 36

39 sentent qu'on a besoin d'eux. Märne quand les discussions sont vives, il y a le respect du talent et du travail créateur. Après le lx Plenum du Comité central par exemple, on a vivement discuté le film Paul et Paula, de Plenzdorf mais le film est passé en public. Si nous ne sommes pas d'accord avec ce que fait un erliste, il ny aura pas de condamnation. L'atmosphäre a changé. Du reste la comprehension de la population pour le processus artistique et pour la nécessité d'expériences en ce domaine a grandi. II y a d'ailleurs chez nous des ceuvres qui ne participent pas du courant realiste-socialiste, qui relevent dune humanisme laique, ou ehretien. Nous partons du principe que ceux qui veulent créer des ceuvres qui servent notre société, merne de façon indirecte, ont droit ä une influence. (Notre camarade nous confirme l'intärät que le Comité central attache aux mesures financiéres et ä l'aide materielle aux artistes sur lesquelles nous avons été dejä informes.) Comment la classe ouvriére participe-t-elle au da yeloppement culturel? II y a eu depuis Bitterfeld, le mouvement des travailleurs qui écrivent (schreibende Arbeiter). lis ont obtenu de bons resultats quand ils parlaient de leur travail. Mais qu'automatiquement ils soient devenus des écrivains, ce serait une illusion de le croire. Pourtant, de cercles analogues sortent des acteurs In majorité des jeunes acteurs professionnels en proviennent. Quant aus travailleurs qui prensent la plume disons qu'ils ouvrent parfois aus écrivains confirmés de nouveaux domaines de la vio. II y a aussi dans les entreprises des cercles de peintres, de céramistes. Mais dans tout cela, ce qui compte beaucoup, c'est l'action de la direction de l'usine. De tules façons, l'élément primordial, c'est que l'instruction de la classe ouvriere a beaucoup progressä. Bien sie', nous parlons moins qu'avant de «révolution scientifique et technique ; il y avait inflation de ce terme, nous préférons parier de progres. De maniere générale nous ävitons le plus possible de pousser les choses ä l'absolu, nous voulons étre modestes et reellstes. Mais il est vrai que les progrés sont sensibles et qu'en merne temps (les choses sont liées) la démocratisation de notre société s'approfondit. II y a de plus en plus de gens qualifiés, cultivés, et de gens qui participent ä la sie publique, y compris sous des formes non institutionnalisées. Oui, culture et démocratie vont de pair. Le professeur Girnus et «Sinn und form» Les germanistes ne sont pas les seuls ä savoir que cette revue littereire qui parait six bis par an jouit d'une réputation internationale méritee. Elle le doit en partie ä son directeur Wilhelm Girnus, un sexagenaire vif et remuant, independent de caractere et d'esprit, heureux de perler français avec nous (il a fait des études en Sorbonne), tres soucieux de s'informer sur la vio litteraire française comme sur celle des autres pays. II nous reçoit en compagnie d'une jeune collaboratrice et de son adjoint Armin Zeissler, malheureusement tres vite pris par un autre rendez-vous. Sinn und Form, nous le savons pour la lire assidument, et Wilhelm Girnus nous le confirme avec beaucoup de pétulance et avec une sorte de bonhomie allégre, a toujours joue un rele de pionnier. Actuellement, elle poursuit une grande discussion sur l'héritage culturel, qui prolongo un debat, souvent trés violent, sur le roman et la piäce de Plenzdorf, Les soullrances du jeune W.; auparavent, il y avait eu un débat sur la poäsie, qui s'était ouvert des la fin de 71, c'est-ä-dire longtemps avant le SINN UND FORM,I,ntommv s-ms1A nnn 11%,,treklie.w.re.. v.» 1.111` '. MI. N dien MR. An,. in In....nonn 111,11313IIN %In nun GIINTFII Po.. *In relleoeune 0,1* n 1101AIIIIIINKS..3/ *.333., *Erenina 1.S m n. e 11.1,11ZNNANZIGSTES 1A1111/ 1971 ierrns 11,1 1 < Une de e Sinn und Form VK Plenum et le rapport de Hager. La N. C. dubliere des éléments plus detaillés sur la discussion actuelle (cf. aussi l'ouvrage de M. et J. Tailleur et B. di Crescenzo, La R. D. A. un pays hautement développé, Editions sociales, pp ). Ce qui caractärise ces debats, c'est (le moins qu'on puisse dire) l'extre'me vivacité des affrontements. Cela réjouit la pugnacité de notre ami Girnus. II nous raconte les critiques subies par la revue lorsqu'elle publia des pieces de thäätre comme Moritz Tassow, de Peter Hacks, en 1966 («on etait d'accord avec la ligne politique de la piéce, antimaoiste, mais c'était plein... d'effronteries sexuelles et on etait träs prude...!!), ou comme Der Bau (La Construction) ou le Philoctéte, de Heiner Müller. Ou encore, Die Kipper, du poéte Volker Braun, piece qui sera jouäe plus tard (et que nous verrons). A partir du VIIK Congres et 37 du VK Plenum, la perdée est faite. On a compris que le socialisme etait chez nous irreversible et que, sur cette base, la discussion ne peut etre que fructueuse et rencontre des echos favorables. Par exemple, dit Wilhelm Girnus, chez nos amis soviétiques : leur revue Littérature étrangare, qui tire exemplaires, a publiä la piäce de Plenzdorf. Et les critiques ont ete positives. Nous allons dublier Proust et notre revue a donné räcemment un article sur cet auteur du sovietique Boris Soutchkov. II y a aussi une percée théorique nous sortons d'une interpretation mécaniste de la theorie léniniste du reflet, nous avançons vers l'assimilation du concept marxiste de l'auronomie relative des phénoménes esthet i ques. Et en meme temps, la poussee gauchiste, maoiste, qui se manifeste O l'ouest et qui n'est pas sans influence sur certains de nos jeunes nous améne ä defendre l'héritage artistique de l'europe. D'oti notre discussion actuelle. (On sent Wilhelm Girnus profondément engage dans cette discussion et défenseur passionné de l'heritage classique.) Notre interlocuteur souhaite vivement aue les /iens,se resserrent entre les intellectuels communistes de son pays et ceux du natre. Nous aussi! Au théátre It s'agit précisément de Die Kipper (Les herscheurs), la piäce du poäte Volker Braun, nä en 1935, le plus grand poéte de sa generation. Le texte est trés beau, peut-ätre un peu envahissant. Une histoire ouvriäre qui ne tombe pas dans le populisme. Conflits trés violents, tres aiguisäs. Pas de happy end Ce qui nous trappe (nous sommes aux premiers rangs, c'est le debut des vacances, la salle n'est pas pleine), cost rhomogéneité de la troupe, et le métier extraordinaire des acteurs. Ils ont l'air d'ouvriers, dass ies moindres gestes, l'attitude, l'allure physique et non de petitsbourgeois déguisés. Nous nous rappelons ce qu'on nous a dit la veille beaucoup ont été vraiment ouvriers. Et une conversation, ä l'entracte, 2

40 nous apprend que la rentabilite commerciale n'est pas une préoccupation angoissante des metteurs en scene : on répete souvent la merne piece une annee entiäre. Polltlque Internationale Le professeur Dörnberg nous recoit ä l'institut de politique et d'économie internationale, ne en 1971, de la fusion de deux instituts, économie et histoire contemporaine. Le nouvel Institut s'occupe essentiellement des pays capitalistes develop- OéS, avant tout des U. S. A., de l'europe de l'ouest (la R. F. A. tout particuliérement, on sen doute) et un peu du Japon. II publie tous les mois un Bulletin d'information et quatre fois par an des Cahiers de recherche d'environ deux cents pagos. Sur la stratégie mondiale de l'impérialisme, l'état des relations U.S.A./ Europe, nous constatons une convergence des analyses du camarade eva,26rtizema,1101/imin,u ( o<011514;11-07 MYAll2 10.MI so.w n 11, 0 COMMOI MIP int:oliom "C. SUMO teC 90l. =el% MOL ,, YArl ell0a111,,oanciacconiai DeNeereeb. onat der antiimperialistischen Solida Affiches soutenant les lunes anti-impérialistes. Dörnberg avec les nötres. Nous luí posons des questions sur la R. D. A. e( la R. F. A. Lä encore, mäme realisme dans les analyses la R. D. A. est un petit Etat, nous ne pouvons pas faire une grande politique mondiale». Nous avons intérät ä ne pas orienter nos retations économiques sur la seule R. F. A. mais sur d'autres pays europeens. Reussirons-nous? Je l'espere. En R. F. A., il ne nous semble pas que, dans le domaine de la politique exterieure, Schmidt va operer un changement fondamental par rapport ä Brandt. II est plus pragmatique, moins messianique que Brandt mais le fond reste identique. Les liens avec les U. S. A. seront peutetre encore resserrés mais il n'y aura pas de tournant L'anticommunisme de la R. F. A. est sans doute devenu plus subtil mais il a aussi moins d'effet. Ou'on le veuille ou non, l'idee que la R. D. A. est un Etat souverain progresse en Allemagne de l'ouest. Nous achangeons pour finir nos vues sur la situation en Franca, que nos camarades suivent avec une träs grande attention. A Leipzig, nous avons diné avec deux représentants régionaux de l'union démocrate - chrétienne, qui s'appelle C. D. U., comme ä l'ouest (mais c'est le seul point commun!). Ce sont des personnalités politiques actives, l'un, tres jeune, est le redacteur en chef du quotidien regional C.D.U. Conversation tres confiante ; ces chrétiens ont vraiment opté pour le socialisme : ils nous disent que le dernier congrés de leer parti a Jorge le concept de citoyen socialista de tor chratienne» et la reconnaissance sur le plan théorique d'un phénomene depuis longtemps constate empiriquement leer parait un fait décisif. Ils nous disent que la conscience socialiste des masses chrétiennes progresse mais que les difficultés n'ont pas maglbn 1.relmtlen VOIMan Gunee-...pues Papo. quement dispare en particulier leurs difficultés ä eux, militants chretiens el socialistes, avec certains milieux de la hiérarchie des églises. lis se montrent curieux de ra situation politique francaise, tres intéresses (et parfois surpris) par les divers aspects, que nous leer exposons, de la politique de large alliance pratiquee par notre parti. Chrétiens A Berlin, nous rencontrons deux représentants d'une maison d'editions chrétiennes (Union-Verlag), le directeur, Hubert Faensen, et l'un de ses collaborateurs. II y a d'autres maisons d'édition qui relevent de l'autorité des Eglises, l'evangelische Verlagsanstalt (protestante) ä Berlin, le n St. Benno-Verlag» (catholique) ä Leipzig, ou qui la nouvelle critique 38 sont plus spécialisées dann les ouvrages théologiques (ou, depuis 61, d'histoire d'art religieux) comme Köhler et Anelang, de Leipzig egalement. L'Union-Verlag a quatre secteurs principaux d'activite : 1) Politique 2) Art chrétien ; 3) Philosophie et religion ; 4) Littérature. Dans un catalogue tres riche, j 'al relevé par exemple un recueil de Pascal, des sermons de maitre Eckart, les ceuvres d'albert Schweitzer en cinq volumes ; des ouvrages sur Le chretien et la revolution, Reconciliation et prise de parti, des monographies sur Dom Helder Camara, sur le protestantismo ä Cuba, le chrétien et la science moderne, Lette de classes et coexistence, Martin Luther King, Karl Barth, le pere Pire, Georges Bernanos etc. Le secteur littérature est abondamment fourni, avec les ceuvres de Johannes Bobrowski, un des plus grands ecrivains de R. D. A. prematurement dispare il y a quelques années, socialiste et chreatieri, sur lequel un non-chrätien, Gerhard Wolf, a publié, ä l'union-verlag precisement, une monographie excellente ; avec des mueres d'auteurs chrétiens vivant en R. D. A., Anneliese Probst, Hanna-Heide Kraze, ou dans les pays socialistes (Hongrie, Pologne) ou dans d'autres pays. C'est l'union-verlag qui a publié, sur Heinrich Böll, un des meilleurs essais que j'ai pu lire, de Günter Wirth («Etude en forme d'essai sur les motifs sociaux et religieux dans rceuvre de prono de Böll.). Bret, une production de guarde, mal connue chez nous et qui meriferait l'atre bien davantage. Une soirée chez Christa Wolf Christa Wolf est connue en France par deux romans, Le Cíe! partage (E. F. R.) et Christa T. (Seuil). Nous avons dit les reserves suscitées en R. D. A., par ce dernier livre. II nous faut ajouter que, pour notre compte, nous ne partagions pas ces rese rves et que nous avions du mal ä les comprendre. Dann le N 57 de La Nouvelle Critique, en julo 1972, nous avons dit, ä propon de la parution en France de Christa T., les raisons que nous avions de considérer Christa Wolf comme une grande romanciére sociatiste. La soirée que nous avons passee avec elle dass sa maison de Kleinmachnow, pas tres loin de Potsdam, nous renforce dans cette conviction. C'est une camarade qui rictus accueille, qui nous parle des succés de la gaucho et des communistes en France, qui nous dit sa déception et son chagrin, tard dans la soiree du 19 mai, lorsqu'elle apprit que la gauche n'avait pas tout ä fait franchi les 50 u,0c'est une romanciére socialiste, consciente de ses responsabilités qui nous entretient longuement de ses préoccupations mettre ä nu les racines du passé pour contribuer ä former plus soll-

41 dement la conscience socialista, depasser les réflexes de l'autocensure, si nuisibles a l'écrivain, en particulier A une époque oü les conditions sont créées pour le développement des talents, critiquer inlassablement les tabous qui freinent la marche en avant, les illusions, les fausses voies, découvrir et inventer de nouvelles formes de récit pour exprimer une réalité nouvelle... A cette date venait de paraitre dans la revue Weimarer Beiträge un entretien (qui était souvent un amical affrontement) de Christa Wolf avec Hans Kaufmann. J'en citerai quelques extraits qui se rapportent a plusieurs themes de notre conversation» Personne ne peut échapper aus effets ou se séparer des influences exercés usque dans sa maturité par son entance et sa jeunasse méme (et précisément 1) si cette en/unce a été soumise ä des influences et a produit chez l'individu en question des comportements qu'il préférerait oublier et nier, et d'abord se nier ä soi-mäme. C'est un grand su et : suivre le processus de maturation de ma generation et aussi chercher les raisons qui ont pu le bloquer ä certains moments. Pour ceux qui ont grandi sous le tascisme, on ne peut fixer de date A partir de laquelle on pourrait dite qu'ils oft» delinitivement surmonté» ce passé.» N'avons-nous pas, eendant longtemps, consacre nos etforts ä déléguer ce passe aux» autres y, pour nous réclamer de la seule tradition de l'antitascisme et de la résistance? (...) Et pourtant il est de plus en plus frequent que des jeunes nous disent que» malgré tout» ils ne peuvent comprendre comment nous, leurs parents, avons pu vivre ä cette époque...»» Le mécanisme de l'autocensure, qui succéde ä celui de la censure, est encore plus dangereux II intériorise des exigences qui peuvent empächer la naissance de la littérature et embrouillent plus d'un auteur dans une bagarre sterile et sans issue avec des exigences qui s'excluent mutuellament : par exemple qu'il doit écrire en reellste et en mérne temps renoncer aux conflits ; qu'il doit écrire de fapon véridique mais ne pas croire ce qu'il voit, parce que ce ne serait pas typique». Un auteur qui ne reste pas bös vigilant sur ce phénoméne et qui ne se contróle pas (ui-méme sans pillé ä cel égard, cédera, reculera, se mettra ä gommer» : il le tera aussi bien (ou aussi mal) dans le roman d'actualité que la parabole ou l'utopie le genre ne (alt rief à rat/alte.» Est-ce que mes recherches actuelles dans le domaine de la prosa représentent une place transitoire et signalent certaines difficultés d'objectivation, de mon aptitude A connaitre le réel, je ne le sals pes ancore. En tout cas, il est peu vraisemblable que cela m'améne ultérieurement ä rebrousser chemin» vers... disons des modes d'écriture conventionnels ( e n'aime guäre usar de termes pe oratits), qui me sont devenus totalement etrangers.» II taut maintenant que je me domine car nous abordons un des sujeta qui me tont deborder la bile, du fait méme que le protet exträmement ambitieux qui a été le nétre au depart la libération de la femme») menace de se bloquer ä cause de la bonne conscience que nous éprouvons ä avoir atteint durement un stade préliminaire qu'il faudrait maintenant depasser par de nouvelles mises en question radicales... : estce le but de l'emancipation (...) que les temmes deviennent comme les hommes», puissent par conséquent faire la méme chose, recoivent les mémes droits et aient aussi de plus en plus la possibilité de constater que les hommes ont également un besoin urgent d'étre émancipés?» L'enseignement et la littérature, les problernes de technique, romanesque, l'influence de Lukacs pendant longtemps il a été mon Dieu 1»), le rede de l'inconscient, autant de questions abordées dans cette discussion avec un écrivain en pleine possession de ses moyens comme on dit, mais qui en cherche inlassablement de nouveaux, qui concoit la réflexion critique comme un devoir imprescriptible du citoyen socialiste et qui, vers la fin de la soirée, prononce une phrase qui éclaire et met en perspectiva tous les propos tenus jusqu'ici : Je ne pourrais pas vivre dans une autre société car je sais quidi on a besoin de moi.» Se sentir utile, au sens le plus eleve, c'est un sentiment qui peut fonder solidement le travail d'un écrivain. J'ai repensé, depuis, a certaines formules de notre Comité central d'argenteuil a un titre d'article de Roland Leroy sur Le nöle irremp/a9able de l'art... Dans ce trop bref périple, nous n'avons pas découvert la Cité ideale, l'utopie de Thomas More, voire l'abbaye de Theleme... Nous avons trouvé mieux, en tout cas un état de choses bien plus interessant : une société qui affronte lucidement ses retards, ses difficultés, ses probleimes, une société qui vit au rythme du changement, qui invente constamment des solutions nouvelles, la sociéte du socialisme développe. Nous avons constaté (faut-il le dire : avec un certain plaisir intellectuel) que les recherches et les luttes n'en était pas absentes. Aussi bien, les hommes et les femmes que nous avons rencontrés étaient des chercheurs et des lutteurs. lis nous ont paru confiants et decides. Pourquoi le serions-nous moins qu'eux? La Nouvelle Critique a notamment publié sur la R. D. A. Les problèrnes allemands (Pierre Villon, n" 116, 1960) Notes sur le roman en R. D. A. (Claude Prévost, n" 159, 1964) Brecht et Kafka (W. Mittenzwei, n 163, 1965) La jeune poésie en R. D. A. (Jean-Paul Barbe, n 169, 1965) La R. D. A. (Dossier, n 38, 1970) La politique culturelle en R. D. A. (Kurt Hager, n 59, 1974) Entretiens en R. D. A. (Michelle et Jean Tailleur, n" 64, 1973) La R. D. A. et Pintégration économique (Bernard di Crescenzo, n 74, 1974) L'Amphithéátre (N. C. a lu, n 32, 1970) Christa T. (N. C. a lu, n" 57, 1972) (Ces numéros sont disponibles l'administration de La N. C., 168, tue du Temple, Paris. Tél. : ) Bibliographie des Éditions Sociales Michelle et Jean Tailleur, Bernard di Crescenzo La R. D. A. un pays hautement développé, 12 F Paulette Pellenq, Georges Bouvard L'enseignement en R. D. A., 12 F. Gilbert Badia Histoire de l'allemagne coolemporaine, 2 vol., 40 F. 39

42 U. S. A. Victor Peno LA CRISE DU CAPITALISME MONOPOLISTE D'ÉTAT Notre camarade Victor Pedo, économiste, membre du parti communiste américain, fall le point pour La Nouvelle Critique, de l'évolution récente de la crise du capitalisme monopoliste d'etat dans son pays. II nous donne ici l'analyse du parti communiste américain, sur la crise du mode de vie, des structures économiques, des superstructures idéologiques, qui forme la chair» des contradictions spacifiques de l'impérialisme le plus puissant. Celta analyse permettra de miaus appréhender la situation politique, intérieure et extérieure, que vivent les Etats-Unis au jourd'hui. ORSQUE nous parlons du capitalisme monopoliste d'etat aus Etats- L Unis. nous faisons essentiellement allusion ä l'interpénétration économique des monopoles privés et de l'etat au profit des monopoles. Toutefois, cette interpänétration réagit, ä son tour, sur le feie politique et militaire de l'etat ; il est donc nécessaire d'examiner le systérne dans son ensemble. II y a vingt ans, j'écrivais : «Aucune grande entreprise ne peut désormais considerer les relations avec le gouvernement comme une question secondaire. Contrats d'armements et de construction, utilisation d'installations industrielles appartenant ä l'etat, constitutions de stocks et subventions, la nouvelle critique 40 réglementation de t ules sortes, impóts, investissements ä l'étranger avec l'appui de l'etat, sont devenus des ofgerations de grande envergure, mettant en jeu des milliards et des dizaines de milliards de dollars, empiétant sur les affaires des compagnies privées de mille et une maniäres.» Les accords entre gouvernement et secteur privé sont devenus le moyen le plus rapide d'arriver ä la derniäre étape de la centralisation du pouvoir économique. La tusien des fonds d'etat et du capital privé devient plus décisive que les fusions d'entreprises qui d'ailleurs se poursuivent l». Depuis lors, le domaine du capitalisme monopoliste d'etat s'est considérablement Atendu. Si Ion considäre que la majeure partie du budget fédéral des Etats-Unis (305 milliards de dollars) est dépensée sur l'injonction de monopoles géants en collaboration avec eux et dans le but exprés d'accroitre leurs profits, si Ion songe que le fonctionnement de l'activité bancaire est fixä par le Systéme Fédéral de Räserve, ce comité exécutif spécial quasi-gouvernemental de l'oligarchie financiäre, on voit bien qu'il est devenu ä la fois légitime et nécessaire d'analyser non plus l'influence gouvernementale sur l'évolution de l'économie privée, mais l'évolution du capitalisme monopoliste d'etat en tant que totalité. Ceci ne signifie pas que nous considerions toutes les activités économiques du gouvernement comme des aspects du capitalisme monopoliste d'etat. Certaines de ces activités sont avant tout des concessions arrachäes par la lutte des travailleurs qui, inévitablement, sont déformäes ä des degrés divers et intégrées dans la structure d'ensemble du capitalisme monopolista d'etat. L'assurance chérnage, par exemple, est une conquéte des travailleurs américains impliquant des opérations financiéres importantes qu'on ne peut véritablement considérer comme un aspect du capitalisme monopoliste d'etat. Une teile distinction est importante car le peuple, ou plus exactement les couches les plus conscientes du peuple, ménent une lutte permanente pour faire du gouvernement l'instrument des masses et non plus celui des monopoles, pour obtenir de ce gouvernement des concessions : envers et contre les monopoles. Ces luttes sont essentielles pour manar ä bien la lutte historique contre les monopoles, pour que les forces populaires prennent le pouvoir et détruisent le systöme du capitalisme monopoliste d'etat, pour qu'elles transforment les aspects däcisifs des liens entre l'etat et l'industrie alors sous le contróle du peuple en éléments de transition vers une économie socialiste. L'objet de notre étude, ce sont!es contradictions spécifiques du capitalisme monopoliste d'etat aus Etats- Unis en tant qu'élément essentiel des contradictions spécifiques de l'impérialisme américain, dans le cadre de l'aggravation générale de la crise du capitalisme pris dans son ensemble. La conclusion de cette analyse, c'est qu'il y a aujourd'hui une crise spécifique du capitalisme monopoliste d'etat aus Etats-Unis, ce qui nous améne ä définir une étape qualitativement nouvelle et plus grave de la crise génärale du capitalisme. Casi une crise du mode de vie américain qui modifie et aggrave qualitativement les conditions d'existence des travailleurs américains. C'est une crise de la structure économique d'après-guerre du capitalisme monopolista d'etat aus Etats-Unis, dont le principe était que la régulation gouvernementale de l'économie devait assurer une stabilité relative et une croissance économique satisfaisante sans provoquer d'inflation ni de chdmage excessif. C'est une crise de la situation économique globale de l'imparialisme américain qui se fondait sur la suprématie des Etats- Unis dans le monde capitalista et sur leur toute puissance économique. C'est une crise du statut politicomoral du capitalisme monopoliste d'etat aus Etats-Unis discrädité par ce que l'interminable scandale de Watergate a révélé de laideur, de corruption et de pratiques antidémocratiques, par un racisme implacable, par l'oppression des Noirs, des Chicanos des Indiens. C'est une crise de l'influence idéologique du capitalisme aus Etats-Unis, qui ne peut offrir d'autre perspectiva au peuple américain que des sacrifices destinés ä accroitre les profits des riches. C'est une crise de la situation politico-militaire globale des Etats-Unis, basée sur des alliances qui, s'écroulent aujourd'hui, sur une prétendue superpuissance ä laquelle personne ne croit plus et qui est l'objet de multiples attaques nourries de la haine que les Etats-Unis a fait naitre parmi les peuples du monde. Celta crise-ci ne menace pas dans l'immediat l'existence du capitalisme aus Etats-Unis. Mais elle menace véritablement le réle dirigeant des Etats-Unis dans le capitalisme mondial. Elle menace la place dominante que, depuis un siécle, les Etats-Unis occupent dans le monde en tant que 1. Ver p de l'édition trançaise de L'emplre de le heute flnence (Editions sociales1

43 premiére puissance industrielle. Elle réduit considerablement les limites géographiques du contree militaire, politique et économique du capitalisme monopoliste d',etat americain. Une partie de la crise globale du capitalisme monopoliste d'etat américain est d'ordre économique et financier et, ä ce litre, elle menace d'étre la plus grave depuis quarante ans car elle réduira ä neant des atouts importants du capitalisme monopoliste d'etat et conduira inevitablement ä une nouvelle etape de la lutte sociale aus Etats-Unis. Cette crise économique et financiére, ou cet ensemble de crises est plus grave qu'une crise de surproducduction traditionnelle, car elle comporte une crise de surproduction qui s'accélére. Les contradictions essentielles du capitalisme monopollste d'etat des Etats-Unis Faisons tout d'abord la liste des plus importantes contradictions qui, aujourd'hui, menacent le capitalisme monopoliste d'etat aus Etats-Unis. 1./ La plus décisive est que le capitalisme monopoliste d'etat est incapable de surmonter aucune des contradictions fondamentales du capitalisme. La force merne des monopoles, le processus de centralisation du pouvoir et de la propriete, que le cepitalisme monopoliste d'etat a accéléré accentuent toutes ces contradictions, et rendent plus difficile toute solution partielle et temporaire de telle ou telle contradiction particuliére. 2. / Par la création, couronnee de succés, d'un vaste réseau de reglementations gouvernementales de l'économie, de subventions d'etat, d'impdts visant ä faire bénéficier les riches de l'argent des pauvres (mesures ayant toutes pour objectif d'accroitre l'exploitation des travailleurs et le taux de plus-value), le capitalisme monopoliste d'etat des Etats- Unis a si bien déformé la structure des revenus qu'il a serieusement aggravé cette contradiction que Marx avait décrit ä savoir la tendance pour le pouvoir de consommation des masses ä prendre de plus en plus de retard sur le développement de la production, d'oä des crises de surproduction de plus en plus graves. 3./ Ayant introduit dans l'économie du pays (surtout dans les industries de base et ä un rythme sans précédent) des travailleurs Noirs, Chicanos, Porto-Ricains et Indiens dans le but d'obtenir des superprofits et d'utiliser la discrimination raciale afin de substituer ä l'antagonisme de classe un antagonisme de couleur (Noirs contre Blancs) au sein de la classe ouvriere, le capitalisme monopolista d'etat aux Etats-Unis a ajouté ä ses ennemis quarante millions d'opprimes. Ces derniers comptent parmi les militants les plus actifs de la classe ouvriére ; plusieurs d'entre eux jouent un räle dirigeant dans la lutte visant ä développer la conscience de classe de tous les travailleurs, abra que les conditions morissent duna victoire du principe de l'unité des Blancs et des Noirs sur la politique visant ä «diviser pour regner ". S'efforcant de combler ses pertes globales aux depens des travailleurs américains, le capitalisme s'applique ä reprendre des concessions autrefois faites ä une partie de la classe ouvriere et qui ont creé la base materielle dune influence psychologique accrue de la bourgeoisie. De ce fait, il sape sa propre capacité de devier les luttes duna part importante de la classe ouvriére américaine par le biais duna propagando chauvine et raciste, ou par celui de l'hystérie anticommuniste La concentration extremement rapide de l'économie, l'adoption de mesures complémentaires ä caractére monopoliste d'etat ont creé de telles conditions que les conträles des machinations des monopoles en matiere de prix s'en trouvent sérieusement affaiblis, que les principales methodes de réglementation économique monopoliste d'etat favorisent l'inflation et que l'augmentation des prix est devenue la voie royale conduisant ä des profits maxima. Le résultat est une inflation accélérée catastrophique dans le monde capitalista, ä laquelle ni le capitalisme monopoliste d'etat U.S.A., ni celui du reste du monde ne peuvent porter reméde ils ne le peuvent pas sans réduire dangereusement les profits des monopoles. 6./ Après avoir mine et detruit pour l'essentiel ce produit de base moné- Faire qu'est l'or afin d'imposer une valeur arbitraire du doller, comme mesure globale, valeur et moyen 41 d'échange, le capitalisme monopoliste d'etat americain a mondé de dollars le monde capitalisme tout entier, dépréciant de ce fait sa valeur, affaiblissant par lä merne la puissance financiere des banquiers américains et contribuant dans une grande mesure ä internationaliser l'inflation galopante du monde capitalista. 7J L'impérialisme americein est le plus global de tous les imperialismes qu'aient connu l'histoire. II a aujourd'hui des liens economiques, politiques et militaires etroits avec le monde capitaliste tout entier et surtout avec les formes de domination capitaliste, plus réactionnaires et plus dependantes, depuis les dictatures fantoches et les regimes d'apartheid jusqu'aux juntes de gorilles et aux pouvoirs néo-colonialistes. II n'empéche que le changement dans le rapport de forces mondial en faveur du socialisme, de la démocratie et de l'independance nationale cause des perlas de plus en plus 1111nn Conseil d'administration dune entreprise de Chicago severes ä l'impérialisme américain, pertes qui vont bien au-delä de la perle d'une domination politique et militaire dans une région donnée. Cast la base économique de toute la puissance impérialiste des Etats- Unis qui se trouve aujourd'hui menacée ; c'est-ä-dire le conträle du pétrole, des metaux, des finances et de la technologie de pointe. 8./ La longue et multiple guerre économique que le capitalisme monopoliste d'etat américain a menée contre l'u. R. S.S. et les autres pays socialistes s'est soldée par un échec complet alors que les victoires socialisme sur le capitalisme dans la compétition économique s'accélerent et que dans un domaine ames l'autre, les pays socialistes remportent des succés historiques. La tentative, notamment, de limiter les relations économiques avec le monde socialiste se heurte de plus en plus au besoin qu'ont les capitalistes de

44 ces relations commerciales et contraint les monopoles, quoi qu'ils en aient, ä utiliser tules les ressources du capitalisme monopolista d'etat pour facilitar ce commerce. 9. /Le développement de la révolution scientifique et technique, ses applications au domaine militaire (les armes nucläaires) ainsi que l'équillbre nouveau des forces militaires dans le monde ont fait apparaitre une contradichos manifeste entre le t'ele ultime de la force armee dans la tactique et la stratägie internationales de l'impärialisme americaln et Febsurdité grandissante de son utillsation du point de vue de sa propre survie. D'autres contradictions importantes existent, que nous aborderons plus loin mais celles-ci sont les contradictions essentielles. Contradictions économlques aspects Intérleurs Les monopoles utillsent la regulation étatique et les entreprises sopartenant ä l'etat pour accroitre le taux d'exploitation des travailleurs, pour moderer le cycle des affaires et pour activer le taux de la croissance economique. Mais ces objectifs sont contradictoires eux aussi. Finalement, les dispositifs du capitalisme monopoliste d'etat sont utilises pour augmenter le taux de profit et surtout le taux de profit immédiat, ä court terme, des monopoles les plus puissants, aux depens des capitalistes plus faibles, des couches moyennes de la population et avant tout par le bials dune exploitation accrue des travailleurs. Ce dernier elément est en fait l'element prioritaire quel que soit l'impact négatif de telle ou teile mesure sur les autres objectifs. L'effort essentiel vise ä maintenir de bau salaires. La strategie consiste ä conserver un niveau de chémage raisonnable et une concurrence suffisante sur le marche du travail pour affaiblir la force collective des travailleurs. Tel est vraiment l'objectif des économistes bourgeois quand jis s'accordent sur la nécessite de refroidir l'économie afin de - contenir l'inflation. La methode devient de moins en moins efficace pour éviter les luttes des travailleurs et les mettre en échec. Mais elle ralentit inevitablement la croissance economigue et precipite parfois les. recessions Elle a, en outre un effet catastrophique sur une nadie importante de la population. Elle cree une armón de reserve de cherneurs permanents dost le nombre ne cesse d'augmenter. Ceux-ci dost on ne considere pas qu'ils font partie de la main-d'ceuvre disponible ont fini par former une enorme masse de frente millions d'adultes, de jeunes et dentants, ä moitiä indigents, visant des secours du gouvernement et de bons de nourriture ä cöte duna catégorie - lumpen qui grandit aussi et dass laquelle se recrutest les armées du crime qui ont envahi la vie des U. S. A. Freiner les salaires, tel est l'effort de plus en plus systematique du capitalisme monopoliste d'etat. Depuis plus de vingt ans, on a eu recours ä toste une serie de procedes, de directivas, blocage des salaires, plaf ond des salaires, entrecoupés de periodes sans aucune réglementation, pendant lesquelles les travailleurs se debarrassaient temporairement des entraves gouvernementales. Des dirigeants syndicaux comme G. Meany et I. W. Abel facilitent cette attaque contre les salaires reels par une politique ehontee de collaboration de classes qu'aucun autre grand pays ne connait aujourd'hui. Une telle méthode a eu pour résultat d'accroitre rapidement le taux d'exploitation des travailleurs. Le rapport des salaires ä la valeur ajoutée par le travail est passé, dans Sc2ne de nur à New York l'industrie de 40,3 90 en 1953 ä 29,7 0/0 en 1972, solt, en gros, une augmentation du taux de la plusvalue de 148 ä 236 augmentation la plus rapide qu'on ait jamais vue. L'Etat a, en outre, l'habitude de percevoir une partie importante du salaire des travailleurs et d'en redistribuer la majeure partie accroissant ainsi la plus-value. Historiquement l'impeit sur le revenu a me une concession arrachee par le peuple c'ätait un moyen de reprendre aus capitalistes une perfila des dépenses quentrainait le 1 onctionnement de l'appareil d Etat. Mais cet impet pese maintenant surtout sur les travailleurs. Au cours de la derniere année liscale, 112 milliards de dollars d'impeits redéraux sur le revenu ont éte retenus sur les salaires des ouvriers et des employes alors que les impets payés par les autres citoyens et par les societés s'elevaient en tout ä la nouvelle critique 42 7,2:71e, 73 milliards de do llars. Sur l'ensemble des revenus fédéraux, 85 milliards de dollars au moins ont ótó verses ä des entreprises privees sous forme de contrats et des dizaines de milliards de plus ont fait l'objet de subventions directes. Enfin, l'accroissement du taux de la plus-value est de plus en plus lié ä l'augmentation systématique des prix des produits de consommation, au pouvoir direct et ä l'efficacite du contróle monopoliste des prix, ä l'utilisation des réglementations gouvernementales ayant pour objectif la hausse des prix des mlonopoles. Tout en pretendant combattre l'inflation les principaux dirigeants du capitalisme monopoliste d'etat favorisent delibärement l'inflation du coet de la sie, moyen le plus efficace d'accroitre la part des monopoles dans le revenu national et de récluire celta des travailleurs. Le succés des monopoles est confirme, ä cal égard, par la reduction.aep ' - 44;'// N Y C TRANSIT STSTE 52U S U 'HUY BRONX PROORLYN OUCEM de la consommation dans le produit national et par l'augmentation inversa des investissements. Ainsi s'aggrave la contradichos entre la tendance de la production ä augmenter sans d'autres limites que des limites physiques, et l'impossibilité pour la consommation des travailleurs de däpasser certaines limites, ce qui accroit la fréquence des crises cycliques et ralentit le taus global de la croissance économique. Le taus d'exploitation des travailleurs s'est accru ä un tel rythme au cours des derniers mola de la piesidence de Nixon qu'il en est resulte une baisse sans précédent des salaires réels. Dass la premiäre moitiä de 1974, les travailleurs de la production ont vu leurs salaires réels baisser de 5 //, alors que la balase avait Me plus lente en En märne temps que la baisse de leurs revenus réels, les travailleurs subissent le poids d'un cheimage qui I l J

45 s'aggrave et de pénuries périodiques de carburant, de viande, d'électricité et de Dieu salt quoi d'autres pénuries dues ä la tactique des monopoles qui consiste ä réduire les approvisionnements aun de justifier une augmentation des prix, créant ainsi un nouvel équilibre de l'offre et de la demande, sur la base de fournitures moindres ä un prix plus élevé. De cette attaque systématique contre le niveau de vie des travailleurs américains, les victimes les plus immédiates sont les Noirs et les autres minorités. Entre 1970 et 1973, le revenu d'une famille noire moyenne a baissé de 61,3 0/0 contre 57,7 0/0 pour une famille blanche. La régle, sekan laquelle les Noirs sant les premiers licenciés est appliquée ä outrance et 30 ä 40 0/0 de la jeunesse noire sant sans emploi. La ségrégation s'intensifie : un nceud coulant de banlieues blanches (effectivement interdites aus Noirs) rejette les travailleurs noirs vers le centre des grandes villes oü tous les services publics se dégradent. Le capitalisme monopoliste d'etat organise cette ségrögation des Noirs par le biais de programmes de logements gouvernementaux, de connivence avec les banques et les compagnies immobiliéres, en violation de la soldisant loi aquitable sur les logements datant de Grace ä l'action combinée de fonctionnaires locaux racistes, du pouvoir exécutif et des organismes législatifs et judiciaires du gouvernement fédéral, le pays taut entier en revient au systéme d'éducation ségrégé et inegal qui existait dans le sud des Etats- Unis avant les luttes des années soixante, pour les droits civiques. L'objectif du grand capital, c'est de diviser Noirs et Blancs, de präsenter le travailleur blanc comme un. n privilégié et de le détourner ainsi de ses ennemis réels. Toutefois, les profits énormes quita obtiennent ne rendent pas les capitalistes euphoriques pour autant : la crainte existe parmi eux que de tels résultats ne durent pas éternellement. Les capitalistes redoutent surtout que la classe ouvriére ne mette ces profits en question et ne regagne une partie du terrain perdu. Les capitalistes, leurs représentants au gouvernement et leurs agents les plus serviles dans les syndicats recherchent la tactique la plus efficace pour prévenir ou faire échouer la vague de luttes qui, ils sen rendent compte, sant Imminentes. La question qu'ils se posent n'est pas de savoir s'il faut de nouveau imposer des plafonds aux salaires (ceux-ci ont été temporairement suspendus ä la fin d'avril 1974), mais pluteit quelles étapes, par quels genres de manceuvres ils pourront maintenir de bas salaires. A part les faits nouveaux sur le plan de l'affrontement capital-travail, d'autres traits du capitalisme monopoliste d'etat vont dans le sens dune baisse du taux du profit, surtout du taux du profit du capital des entreprises. Tout ceci s'accomplit sur une 43 Le (purtier noir de Brooklyn Nation des prix de vente. En consäquence, l'augmentation du volume total des profits va de pair avec une COmpressiOn du taus de profit du capital global. En outre, l'inflation du coüt du capital (matiéres premiéres, outillage et equipement compris) a contribuó ä la crise financiére du capitalisme aus Etats-Unis et dans le monde. Le processus inflationniste entrame une course ä l'accumulation, avant que le coüt ne soit encare plus éleve. Du fait que les compagnies américaines perdent le contróle du carburant et d'autres matériaux de base, il y a une campagne effrénée pour développer une independance nouvelle dans le domaine de l'énergie, dans celui d'autresmatériaux de base ainsi que dass c4lui des moyens de transport. Le besoin de capital financier qui en résulte devance l'accumulation de nouvelle plus-value quel que soit le rythme d'augmentation de cette derlongue période et va mörtle de pair ä l'heure actuelle avec l'augmentation tres rapide des profits réalisés en dollars. On assiste aujourd'hui ä une augmentation extraordinairement rapide de la composition organique du capital et de la quantité de capital fixe désormais nécessaire pour chaque dollar de production. L'imparialisme américain a largement épuisé les sources les plus économiques de carburant et de matiéres premiéres qui étaient ä sa disposition. La nationalisation des sources d'énergie outremer accélére encare ce pocessus. Les approvisionnements accrus en sources d'énergie nécessitent davantage d'investissements que ce soit pour les schistes bitumineux, le carburant trouvé au large ou les installations d'énergie nucläaire, etc. Des investissements de plus en plus importants sant nécessaires pour contreiler l'environnement et ils n'ajoutent rien ä la production. Les investissements dans la recherche et le (Jeveloppement ont pris une importance significative, qui s'ajoute aus autres dépenses du capital. Ce coüt accru du capital a tendance ä dépasser le taux pourtant grandissant d'exploitation des travailleurs, ce qui a pour résultat une baisse de l'ensemble du taux du profit. Pendant un certain temps, cette tendance sous-jacente a été cachée par le processus d'inflation rápide des prix, l'augmentation des prix venant du fait que les marchandises produites l'étaient surtout dass de vieilles installations achetees ä bas prix. A l'heure actuelle, au contraire, les profits sont réinvestis dans de nouvelles installations et des équipements nouveaux qui sont parfois infiniment plus cooteux que les anciens, si bien que finalement l'inflation du coüt du capital la emporté sur l'inniére. Pour la premiére fois, en 1967, les dettes nettes du pays ont augmenté de cent milliards de dollars. Six ans plus tard seulement, en 1973, l'augmentation était de 256 milliards de dollars. Des sommes de plus en plus grandes sant dépensées pour la superstructure parasitaire du capitalisme monopoliste d'etat la publicité, l'appareil spéculatif, la bureaucratie municipale et gouvernementale, les milliards que nécessitent une corruption qui va en se développant et qui est au cceur du mécanisme du capitalismé monopoliste d'etat. Une quantité de plus en plus grande de fonds disponibles est envoyée ä l'étranger pour y étre investie : surtaut depuis que la confiance dans le dollar s'est amenuisée. La plus-value restante est ventilée entre divers bénéficiaires dans des proportions radicalement différentes de l'attribution des besoins paar renouveler le capital. Elle est concen-

46 [reo dann les mains de banques géantes et de certains monopoles industriels qui comptent parmi les plus puissants, par exemple la Standard Oil qui, faisait remarquer Len ine, était en fait devenue une banque II y a déjä soixante-quinze ans, ou I. B. M., le Standard Oil de l'informatique. D'autre part, des groupes complets d'entrepr'ises (en particullei ceux qui sont liés aux seralces publics ä infrastructures ä capital intensif et aux entreprises de transports) sont de plus en plus ä court de capital, non seulement pour leur propre developpement, mais pour le réglement des traites c-ourantes a vu la déconfiture de la plus grande société de chemins de fer, la Penn Central et 1974 a failli voir celle de la plus grande société d'énergie electrique, la Consolidated Edison. Une part de plus en plus grande de la plus-value sert ä payar des intörets aus détenteurs monopolistes de capital financiar. En l'inté- _.. A Denr,.., Gilorati. la minorar u Chicano red monétaire payé a atteint 165 milliards de dollars, dépassant de loin la totalité du profit, des dividences et de la rente des possédants. Le taus d'intérét, qui refléte et accélére cette redistribution du capital, a atteint un niveau inédit dans l'hlstoire contemporaine des Etats-Unis. Méme les grandes banques, pourtant riches de rentrées d'intéréts considerables, font de la corde raide car elles payent aus millionnaires, aux entreprises du genre I. B. M., etc, des taux tres eleves d'intérét pour obtenir des fonds qu'elles préteront ä leur tour. L'assise reelle du capital bancaire s'est réduite dans des proportions inquietantes. Le Systäme de reserve federal tournit des fonds d'urgence pour assurer la survie de cette structure alimentant ainsi en combustible monétaire les feux de l'inflation, ou pour étre plus précis, permettant l'augmentation réelle et constante des prix. Simultanément, le gouvernement s'efforce de sauver de la banquerod1e les principales sociétés en les cautionnant, la politique de l'argent rare» présentée comme un remede ä l'inflation est, en fait, une politique de taux d'interet eleves qui contribue ä entretenir l'inflation et ne met nullement un terma e la création excessive d'argent. La crise de surproduction se développe Sous l'action combinée de l'étranglement des ~ches de capitaux et du déclin des derniers marches de consommateurs, l'économie des Etats-Unis va vers une crise d'imporlance qui menace de prendre la forme dune grave crise de surproduction, plus prolongée et peut-etre plus profonde qu'aucune autre depuis la seconde guerre mondiale. Au cours de la premiére moitlé de l'année 1974, la chute du niveau réel de la consommation des masses etait équilibrée par une augmentation des investissements. Toutefois, des projets d'investissements sont actuellement annulés ou retardes de tous cétés. Albert N. Wojnilower, économiste en chef de la principale entreprise de Boston, declare par exemple : II faudra que nous payions les pots cassés. Le tout c'est de savoir si nous devrons le faire en une bis ou... en plusieurs.» Selon le nouveau président du Conseil des conseillers économiques, Alan Greenspan, Nous nous trouvons dans une situation véritablement tragique» U, ä l'en croire, il ny a d'autre solution que d'aggraver les conditions de vie des travailleurs. Le futurologue Herman Kahn parle de l'éventualité d'une grave depression le chemage dépasserait 10 pendant la nouvelle critique 44 dix-huit mois. Les capitalistes et leurs idéologues n'ont plus confiance dass l'etat pour diriger l'économie. Les régulateurs ne savent comment faire face aus contradictions qui s'aggravent. Le Journal de Wall Street l'indique succinctement dans un titre : Le gouvernail est-il casse? Les etforts de Washington pour maitriser l'inflation ne paraissent pas efficaces, mais personne ne propone de solutions.» (16 juillet 1974.) En tau, les mesures memes du gouvernement servent ä alimenter l'inflation car le capitalisme monopoliste d'etat intervient pour aider des groupes particuliers de mono poles ä augmenter leurs prix. Par exemple, les dirigeants officiels pressent les commissions gouvernementales de contrble de pratiquer une augmentation plus rapide des prix du gaz et de l'électricité. Et alors qu'il y a un important déficit budgétaire, ils pressent les Chambres d'accorder davantage de cadeaux fiscaux aus grandes entreprises afin d'encourager les investissements». Et voici que le nouveau président, Gérald Ford, a commence ä mettre ä execution sa promesse d'équilibrer le budget en proposant une taxe supplémentaire de dix cents par gallon (= 4 I 1/2l d'essence, mesure directement inflationniste. Contradictions internationales politico-économiques L'exportation des capitaux, trait specifique de l'imperialisme souligne par Lénine, est devenue bien plus importante au cours des recentes décennies. L'exportation de capitaux par les monopoles des Etats-Unis, qui pendant longtemps après la seconde guerre mondiale ont eu presque entiérement le champ libre s'accélére. Voilä que se ruent pour participar ä la course expansionniste l'allemagne de l'ouest, le Japon, les Pays-Bas, le Canada et les capitalistes d'autres pays. Entre 1968 et 1973 les sociétés américaines oft doublé le rythme de l'exportation des capitaux. A l'heure actuelle, elles prévoient l'augmentation la plus rapide qui ait jamais eu lieu : 32 0/. en 1974, ciú le supplément d'investissements directs ä l'étranger atteindra 21,6 milliards de dollars selon les estimations. Le produit de yentes realisées ä l'étranger par les établissements appartenant ä des societés américaines atteindra vraisemblablement 255 milliards de dollars cette année, quatre bis et demie le chiffre des exportations de ces mérnes entreprises (sebos les statistiques de la sociéte Mc Graw Hill). Pourtant, simultanement avec cette croissance en surface, certaines positions chefs occupées par des entreprises américaines sont en ce moment minées et liquidées. Après avoir utilisé l'immense puissance militaire et financiére de l'etat

47 pour assurer la securité aus capi - laus amäricains dans le «tiers monde», ernes avoir gaspille dans ce but un «capital moral» immense dans des guerres immondes, des coups d'etat et des interventions, l'imperialisme américain s'aperçoit que méme les fantoches räactionnaires qui restent sont en train de redistribuer de façon radicale le butin ä leur avantage, restreignant et dans certains cas mettant fin aus profits des entreprises americaines. Les avoirs des entreprises amäricaines en petrole et en métaux, 'representant environ la moitié des bénefices de tules les entreprises, sant en ce moment nationalises par les pays oü ils se trouvent. C'est ce qui arrive ä l'essentiel du pétrole, ä une part importante du cuivre et qui a des chances d'arriver ä la bauxite et au mineral de fer. Le mouvement en faveur de la nationalisation est devenu si puissant que non seulement les gouvernements révolutionnaires mais également les régimes réactionnaires encare inféodes politiquement et militairement ä l'impérialisme sont amenäs ä aller dans ce sens. Les superprofits des sociétés petroheres et métallurgiques transnationales dependent maintenant du contróle qu'ils parviennent ä maintenir sur la distribution et la transformation des matiäres premieres nationalisées. La lutte menäe sur ce terrain s'amplifie dans un certain nombre de pays d'europe, oü la classe ouvriäre et les groupes capitalistes rivaux s'efforcent d'eliminer les compagnies pätrolieres américaines qui manipulent les prix ä leur avantage et de conclure des accords d'importation directe avec les pays producteurs. Les superprofits de l'impärialisme amäricain sont egalement sapes ä la base par la vague croissante des victoires des mouvements de liberation Jans le monde. Si Ion fait le bilan de ces douze derniers mois, on s'aperçoit que, sil y a la reconquäte du Chili par les fascistes (épaulés par les Etats-Unis) il y a aussi le renversement de räglmes fascistes ou absolutistes qui étaient soutenus par les Etats-Unis, au Portugal, en Gréce, en Thailande et en Ethiopie, la libäration effective ou imminente de la Guinée Bissau, du Mozambique et de l'angola d'un regime colonial également soutenu par les Americains. Quant au régime sauvage de Park appuyé par des dizaines de milliers de baionnettes americaines qui protégent les profits des societes americaines faits aus depens de femmes coräennes qui travaillent soixante-dix-sept heures par semaine pour une salaire de vingttrois dollars par mois, il vacille sous les coups d'un mouvement de résislance grandissant. Alors que l'impärialisme americain avait édifiä sa puissance en obligeant les autres pays ä perer une dévaluation, ce qui avait permis aux Ch6meurs à New York 45 entreprises américaines de racheter leurs biens ä bas prix, ä l'heure actuelle le capitalisme monopoliste d'etat américain a dé, par deux fois, dévaluer le dollar, facilitant ainsi l'achat de biens américains par les Allemands de l'ouest, les Japonais et d'autres capitalistes, et creant de veritables rivaux du dollar americain sur les marchäs financiers du monde entier. Pendant des dizaines d'années, le developpement cyclique inégal du capitalisme mondial a soutenu ce systéme : dans une certaine mesure, les pays qui étaient en crise, pouvaient «exporter leurs recessions» dans les pays en plein essor économique, les pays des «miracles économiques du capitalisme d'aprèsguerre. Les Etats-Unis et la Grande- Bretagne, par exemple, ont profité de la demande grandissante du Japon et de l'allemagne occidentale pour redonner vie ä leur économie languissante et ont utilise les importations ä bas prix en provenance de ces pays pour atténuer les effets de l'inflation interieure. Mais ä l'heure actuelle, l'inflation et les crises cycliques du capitalisme mondial sont «en phase» et se renforcent reciproquement. Dans la ma- eure partie des pays capitalistes, le niveau de production a decliné. L'ensemble du monde capitaliste est secoué par une inflation permanente. A mesure que se developpe ce processus, la lutte des classes s'intensifie dans la plupart des principaux pays capitalistes, tant au niveau economique qu'au niveau politique. A mesure que les difficultes économiques s'intensifient, croissent en méme temps les rivalitäs économiques entre les monopoles, creant des tensions dans les alliances militaires et poll - ligues de l'imperialisme. Les bases de l'o. T. A. N., ultime bastion des positions que detiennent en Europe occidentale, les soeidees gäantes américaines deviennent moins süres. Alars qu'il avait esperé bloquer le développement industriel soviätique par l'embargo sur le pétrole et sur la technologie de l'industrie petrohöre, le capitalisme monopoliste d'etat américain voll se dresser devant lui une Industrie pétroliäre sovietique qui est la premiere dans le monde pour ce qui est de la production et les monopoles aus Etats-Unis sant fort désireux de coopärer au developpement du gaz naturel sibéden pour combler l'insuffisance de leurs propres approvisionnements. Alors qu'il avait espérä diminuer le pouvoir d'achat soviätique en maintenant artificiellement bas le prix de l'or, le capitalisme monopoliste d'etat américain voit devant lui une Union soviätique qui a un pouvoir d'achat accru sur les marchés du monde capitaliste wes que le prix de l'or ait quintuplä, l'u. R. S. S. venant au second rang dans la production mondiale. Alors qu'il avait espéré affaiblir le socialisme en imposant ä l'u. R. S.S. et aus autres pays socialistes une monstrueuse course aux armements, le capitalisme monopoliste d'etat américain se retrouve économiquement plus affaibli par cette course aux armements que les économies planifiées socialistes et certains secteurs de la bourgeoisie americarne demandent méme une attitude plus positive ä l'égard des initiatives répetees du gouvernement sovietique pour réduire de part et d'autre les dépenses militaires. Après avoir sans cense proclame que l'économie sovietique était «molle qu'il y avait lä-bas des «crises économiques que l'agriculture soviätique ätait «un échec», le capitalisme monopoliste d'etat americein s'aperçoit que l'industrie et l'agriculture soviétiques se développent plus rapidement qu'il y a dix ans, comblant ä pas de géants l'écart qui les séparait encare dune production americaine restée, elle, stagnante, finalement depassant la pro - duchan globale des Etats-Unis, pro-

48 dult-clef apres produit-clef, au meine moment oü les responsables de la politique du pays ont adopte pour longtemps le slogan «croissance reduite slogan pessimiste qui exprime l'incapacité de venir ä bout des fiévres de l'inflation et de la lutte des classes. Alors qu'il avait remué ciel et terre pour diviser les pays socialistes et ramener tel ou tel égaré» dans le systeme economique impérialiste, le capitalisme monopoliste d'etat americain et d'europe occidentale s'apereoit que l'unité des pays socialistes grandit de facon sensible, que leer coopération économique se renforce et devient plus efficace et se fall de nouveaux associés de pays qui étaient jadis entiérement des satellites de l'économie capitaliste dans le méme temps, les rivalités économiques au sein des pays capitalistes deviennent plus aigues et les blocs économiques formés en leur sein se disloquent. Alors qu'il avait interdit le commerce asee les pays socialistes et qu'il avait essayé d'internationaliser cel embargo par le canal d'organismes de 10. T. A. N., le capitalisme monopoliste d'etat américain a vu cel embargo de plus en plus battu en breche par les membres de l'o. T. A. N. jusqu'ä ce que les groupements americeins s'apercoivent qu'ils se trouvaient hors du groupe de commerce international le plus rapidement en croissance au monde ; ils sont forces de mettre fin bien tardivement ä cet embargo et aus mesures discriminatoires spéciales visant le commerce avec les pays socialistes. Alors qu'ils avaient exagéré et deforme les raisons des insuffisances subsistant dann le niveau de ele des pays socialistes, désormais les capitalistes ne peuvent plus si aisément empecher les travailleurs de leurs pays de voir que dass les pays socialistes il n'y a ni inflation ni chemage et que les travailleurs y bénéficient constamment de revenus réels, croissants, de garanties sociales et personnelles, d'un nouveau type de démocratie dans laquelle des millions de travailleurs et non point quelques poignées de millionnaires ont sois prepondérante. Crise sociale, morale, culturelle et scientitique Les déclins et les crises de la base economique du capitalisme monopoliste d'etat entrainent inévitablement le déclin des superstructures. Ayant préché le culte de l'amoralité, de l'égocentrisme de l'enrichissement, de la consommation sans vergogne, de la «bouffe» et du «sexe, des biens matériels et des services, la classe dirigeante a elleméme fomenté l'éclatement ou la corruption de bufes les institutions sur lesquelles reposait la stabilité de la société bourgeoise, y compris la famille, l'eglise et l'école ; elle les a remplacées par la maison de jeu, le bordel et le culte de la rogne. Ayant par le canal des mass media mis le crime en vogue, l'ayant pratiqué et glorifie en bloc par la C. I. A. (asee la place eminente quelle occupe dass la société américaine) et par les «Bérets verts «, l'ayant incarné quotidiennement aux plus hauts échelons gouvernementaux et dans les salons des dirigeants des grosses sociétés, le capitalisme monopoliste d'etat américain a «enseigne la voie du crime ä des masses de citadins dépourvus de tout. Les austeres prédicateurs de «la loi et l'ordre» assistent dans les rues ä la destruction totale de la loi, ä l'augmentation des homicides, des vols et des viols, dass des proportions incroyables, ä la corruption de tute la police, et ä sa complicité dans le crime. Ayant fall avancer le nlveau de la production et la revolution technique et scientiffque au point que les actions humaines influencent sensiblement l'environnement, l'humanitä a atteint un stade oü de vastes mesures correctives et préventives sent nécessaires si Ion veut conserver une biosphere valable pour une existence humaine seine tandis que se poursuivent progrés et expansion économiques essentiels. Mais ce tralt nouveau de la sie socio-économique na pas été integre dans l'équation profits et penes. Pour proteger l'environnement, II n'y a pas d'acheteur. Le capitalisme monopoliste d'etat américain entreprend un début de protection de l'environnement, mais cela entre en contradiction asee la volonté de profits des groupes dominants ; et en fin de compte, l'etat aide ces graupus ä esquiver les mesures prises pour reduire la pollution tandis que l'environnement est de plus en plus menace et où les dommages concrets augmentent. Dans ce domaine et dass la pratique, les Navantages du socialisme se manifestent clairement dass les projets d'ensemble qui ont pour but de préserver le lac Baikal, de purifier les eaux de la Volga et l'air de Moscou. En mettant en danger la survie de l'humanité par la course aus armements nucléaires, le capitalisme monopoliste d'etat americain a suscite l'apparition du mouvement mondial de la paix. S'étant engraissé par l'oppression raciste et la surexploitation de dizaines de millions d'américains et de centaines de millions d'étres ä l'étranger, le capitalisme monopoliste d'etat américain a stimulé l'éveil et le développement de baut le mouvement de libération nationale. Ayant provoqué un vaste mécontement en réduisant le niveau de vie des gens et en augmentant l'insécurité de la classe ouvriäre, le capitalisme monopoliste d'etat nord-américain a crée des conditions plus favorables ä la propagation de courants démocratiques actifs de gauche au sein du mouvement ouvrier, ä celle de mouvements de libération la nouvelle critique 46 parmi les peuples opprimés et ä celle de mouvements antimonopolistes parmi les consommateurs. Ce sont ces mouvements qui aujourd'hui stimulent d'autres solutions que celles du capitalisme monopoliste d'etat pour résoudre la crise ä laquelle il se heute et ä laquelle se heurte quotidiennement le peuple américain. Ce sant ces mouvements qui proposent des programmes économiques, constructifs, en vue d'utiliser les ressources du pays et le travail de son peuple pour en arnéliorer le bien-étre, venir ä bout du racisme et de la pauvreté, mettre fin ä la militarisation de l'économie et, gräce aux fonds et ä l'énergie humaine ainsi libérés, fournir rapidement ä tous, les services sociaux dont ils ont tant besoin. Ayant lui-méme mis en évidence la verleide et la subordination totale au grand capital des deus «grands» partis, le capitalisme monopolisme d'etat américain a brisé massivement l'attachement ideologique ä ces parlis et cree une base subjective plus favorable ä la mise sur pied, dans la lutte, d'un nouveau parli du peuple, antimonopoliste, qui comprendra la classe ouvriére, les mouvements de libération des peuples opprimes, les mouvements de la paix et de défense de l'environnement et tous les honnétes gens appartenant ä des cauchos sociales trés larges. C'est une étape nécessaire de la lutte pour permettre au peuple de sortir sainement et pour le mieux de la crise du capitalisme monopoliste d'etat américain. Le parti communiste américain, qui a survécu ä une longue 'Dehode de repression et qui est encere faible, joue toutefois un réle de pivot dass la montée des luttes et dans la campagne qui vise ä unifier toutes ces couches de travailleurs, dont les intéréts objectifs coincident ä propos des problemes essentiels auxquels l'humanité doit faire face. Bibliographie des Editions sociales V. Pedo L'Empire de la haute finance 40 F. Jacques Arnault Les ouvriers americains 9 F. Main Guérin Qu'est-ce que le C.1. A.? 7 F.

49 Un coup d Iceil sur ce qul se publle en France suffit ä se convaincre sil en est besoin de l'importance des problemes du socialisme, et de l'u. R. S. S. en premier heu. II n'est quere de semaine oit plusieurs ouvrages ne viennent prendre place dass le débat permanent des idées sur les réalités du socialisme et, par conséquent, en fin de compte, sur les perspectives qu'un changement de régime ouvrirait ä notre peuple. Les classes dominantes étant ce qu'elles sont, leurs idees imprégnant la pensäe «ordinaire dite sens commun», le mode de financement de l'édition et de la distribution étant ce qu'il est, II serait pueril de s'étonner que la grande masse de ces ouvrages soit destinée ä alimenter l'antisoviétisme si vitalement necessaire au maintien et ä la perennité de l'ordre capitaliste. Escore faut-il prendre bien conscience que cel effet est renforcé par l'intervention des moyens de communications de masse. Une savante et multiforme orchestration, qui va du jeu universitaire des citations réciproques et de la critique amplificatrice des pages compétentes des organes de presse, aux grands dclats de publicité et aus émissions insistantes de la télé, vise ä créer l'obsession, ä faire admettre la deformation systématique comme évidence, ä étouffer jusque dans la reflexion méme l'impact des publications véridiques qui, parfois, voient le jour quand méme. Nous autres, qui écrivons dans La N. C. et autres moyens d'expression de la pensée communiste ou les lisons, sommes en principe bien persuadés de tout ceci. En tirons-nous toujours les conclusions necessaires pour notre pratique de lecture et de propagande? Avons-nous tiré nousmérnes tules les conséquences de l'avertissement du Comité central de mars 1974 selon lequel la lutte contre l'antisovietisme est l'affaire de tous? C'est en pensant ä cette bataille nécessaire que La N. C. a entrepris un travail approfondi de connaissance et d'illustration de la littérature soviétique (voir p. 51 de ce numero). Ce travail est destine ä rendre ä cette littérature son veritable visage et ä en faciliter l'accés ; on verra QUE LIRE SUR ['U.R.S.S. Francis Cohen quelle n'est aucunement la pauvre Opposition qu'on dit entre un sec conformisme triomphant et un riche humanisme clandestin, mais un foisonnement extrémement divers, revelateur d'un monde de sentiments et d'experiences qui, sil sen laisse prlver, manque ä la formation de l'homme d'aujourd'hui. Quant ä la présente note, elle sera consacree ä quelques ouvrages d'analyse ou de présentation des réalités économiques, sociales, idéologiques et politiques de l'unlon sovietique, parus récemment, disponibles sur le marche de la librairie et sur celui des Idees. Commençons par celui d'un homme qui s'est spécialisé dans l'étude, de l'extérieur, du marxisme soviétique, Henri Chambre. Sa derniere production, L'évolution du marxisme soviétique. Théorie économique et droh, est un gros livre, destiné aux specialistes. II etudie son objet du XX Congrés ä nos jours, avec référence aux périodes anterieures. II examine minutieusement les discussions qui ont eu lieu en théorie economique et en économie politique sur les lois du socialisme, le probléme de la valeur et des prix, sur la planification et (étonnamment peu) sur les réformes économiques. L'auteur passe ensuite aus discussions sur le droit et de ce fait, sur la morale : notions de droit et de légalité, relentes des codes de droit civil, familial, du travail, pénal. Sur ce point, le lecteur se reportera utilement au chapitre 2 du petit livre de Monique et Roland Weyl, Revolution et perspectives du dr Apres les laborieuses descriptions d'henri Chambre, interessantes sans deute, mais oü le fil se perd, les syntheses et les hypothéses de nos camarades sont tres productives pour la réflexion. Pour Henri Chambre, il y a en U. R.S.S., dans les domaines considérés, un effort de rationalisation, opposé au volontarisme et ä l'arbitraire des périodes précédentes. Mais, pour lui, le defaut rédhibitoire est la «conformité au but» de la pensee économique et juridique ; au nom d'une sorbe de pragmatisme, pour lequel l'economie et le droit capitalistes seraient spontanes, naturels, ii condamne le subjectivisme 47 soviétique, qul ferait, lui, violence ä l'économie, au droit et ä leur nature immanente. Tout ceci gäché d'ailleurs (ou éclairé?) par la fin du volume, oü l'étude de textes scientlfiques ou officiels fait place au deversement de ragots (les Juifs, les internements, etc.) puises ä des soucres non contreilees. Jusque-lä, cependant, les sources soviätiques avaient täte longuement utilisées, bien que, pour les commentaires et syntheses, la bibliographie devienne purement «occidentale». En fin de compte, utilisé avec esprit critique et avec les recoupements necessaires, cet ouvrage peut servir d'element ä un dossier de recherche Le livre de Charles Bettelheim, Les tulles de classes en U. R. S. S. Premiare période, est une déception. Le litre, provocateur, est alléchant. L'auteur s'est signale naguére par de sérieuses études sur la planification sccialiste. Le dessein annonce : reexaminer l'histoire de l'u. R. S. S., est sympathique. On est donc au regret de desoir dire qu'il n'y a rien dans ce premier tome d'un ouvrage ambitieux. Alen qui n'ait trainé dans des centaines de travaux qui, au cours des ans, ont «anéantl» théoriquement l 'Union soviätique. Un avant-propos méthodologique annonce les intentions de l'auteur. On y trouve une autocritique par laquelle Bettelheim s'accuse d'économisme. II y aurait eu chez lui une conception selon laquelle le developpement des forces productives entrainait automatiquement le progrés social et politique du socialisme, alors qu'il y faut la transformation des rapports sociaux. On saluerait cette adhésion au marxisme, si l'auteur ne prenait aussitót le contre-pied de la deviation qu'il se reproche et n'abandonnait un mécanisme supposä des forces productives pour un mecanisme des rapports de production. La dialectique fondamentale des interactions forces productives - rapports de production et base - superstructure est totalement manquée par l'octroi du primat au deuxiérne terme. II est alors posé en principe que 1. Le Seull, 1974, 476 pages, 48 F. 2. Editions sociales, 1974, 224 pages, 16 F. 3. Le Seuil/MaspOro, 1974, 328 pages, 45 F.

50 l'u. R. S. S. est une societé capitaliste d'un type particulier, oü la classe dominante est une «bourgeoisie d'etat La question de la proprieté des moyens de production est évacuee et tout l'abondant matériel, souvent d'ailleurs interessant en sol, qu'utilise l'auteur est organise en fonction de cette thése de départ. Ouoi d'étonnant ä ce que cette thäse se trouve «confirmée» ä l'arrivée. Plus attristante encore est la veritable puérilité avec laquelle les formules du matériel de propagande chinois sont données ä chaque instant pour les solutions, et plus encore, pour l'aboutissement de l'evolution sociale et de la théorie qui en rend compte et l'impulse. II est malheureusement evident que la réalitä, y compris celle, contradictoire et passionnante, du passage de la Chine au socialisme, se rit de ces jeux d'esprit. II reste une abondance d'intéressantes citations de Lénine. Mais, pour les interpréter mieux vaut lire Lénine dans le texte... Le livre de deux jeunes économis-!es énarques, Erik Egnell et Michel Peissik, U. R. S. S., l'entreprise face l'etat 4 est consacre ä un des aspects centraux des rapports de production socialistes dass son évolution actuelle avec les réformes économiques en cours depuis II faudra pardonner ä cet ouvrage beaucoup de legéreté, d'inexactitudes, de propension ä regier d'un trait de plume des questions hautement complexes, de clins d'ceil aun idées et aun formulations recues pour ne retenir qu'une vue assez penetrante de l'entreprise socialiste. On notera de bonnes remarques sur les vues de Lénine (le pouvoir ouvrier, ce n'est pas du socialisme), sur la planification comme objet et terrain de recherches continues, sur le rdle actuel du «profit» (ou bénéfice) dans l'entreprise soviétique, sur le probleme des prix, sur la phase nouvelle du passage aux unions industrielles regroupant les entreprises horizontalernent ou verticalement, sur la «remontée» du principe de l'autonomie financiére de l'entreprise aun ministeres de gestion des branches économiques, sur le reile de la recherche scientifique et technique, etc. On trouvera une conception pour le moins originale selon laquelle le parti et l'économie seraient des «organisations paralleles», voire concurrentes. Elle découle d'une vue de l'économie considéree en soi et pour soi, pouvant et devant etre gérée techniquement (d'oü le róle attribue au «management - soviétique), la politique, et en fin de compte, les hommes étant tout autre chose (d'oü l'incompréhension de la nature de la «participation socialiste, ä l'entreprise et ailleurs). Les auteurs n'ont, sans doute, pas vu que cette conception, appliquée ä la France capitaliste d'aujourd'hui, conduirait ä rechercher des solutions techniques ä la crise et nourrirait le reformisme. Or, leur position, en fait, n'est pas celle-lä. lis repoussent f ermement dann leur conclusion toute theorie de la convergence entre capitalisme et socialisme, celui-ci se distinguant, écrivent-ils «par sa conception du travail, de l'homme au travail». Et ils considerent visiblement leur livre comme une réponse affirmative implicite ä la question qu'ils posent in fine : II s'agit de savoir si la propriéte d'etat des biens de production deviendra vraiment, pour l'esprit humain, une exigence aussi forte que le tut, autrefois, le suffrage universel et si, un jour, cette forme d'organisation économique s'étant généralisée, l'époque oü des individus et groupes prives pouvaient disponer librement du capital productif apparaitra comme aussi révolue que l'est aujourd'hui celle oü les seigneurs fäodaux entretenaient des places fortes et pouvaient battre monnaie.» Plus ardue, tres universitaire (c'est une these de troisieme cycle), la monographie de Jeanne Delamotte, Shchekino, entre prise soviétique pilote prend le parti de traiter des mämes problämes d'une facon systämatique. Partant de la reforme de l'entreprise, d'un expose des problemes de demographie et de l'emploi, elle présente les conditions, la réalisation, les résultats, puis l'extension ä d'autres entreprises, d'une des experiences socio-economiques les plus importantes de l'édification du socialisme. II s'agit de la mise en ceuvre au combinat chimique de Chtchäkino (ne nous disputons pas sur la translittération), par accord entre la direction, le ministäre intéressé, les services du plan, le personnel et ses organisations, d'un ensemble de mesures d'organisation du travail, de formation professionnelle, de cumul de profession, qui permettent d'augmenter la productivité du travail, de récluire les effectifs et d'augmenter les salaires. Cette expérience a pour objet de résoudre des problemes urgents de la société soviétique : garantir ä la fois le plein emploi et la réduction du personnel employe par unité de production, l'elévation du niveau de vie, le progrès scientifique et technique et l'augmentation des biens disponibles donc de la production. Jeanne Delamotte donne sur elle une information parfois deformée par son insertion forcée dass un appareil conceptuel inadequat, mais riche et bien choisie. Elle y joint des documents soviétiques sociologiques et journalistiques souvent intéressants. Ces memes problèmes sont traites avec une grande compétence dann trois petits livres denses que viennent de publier en franpais les Editions de Moscou. La planification scientifique en U. R. S. S., analyse le plan sous ses divers aspects : ses finalités, fondees sur la notion marxienne de besoins sociaux, ses techniques et leur évolution en fonclion de l'etat de l'economie et de celui des moyens scientifiques dont on dispone, les objets la nouvelle critique 48 sur lesquels il porte investissements, main-d'ceuvre, mise en ceuvre des ressources ses moyens d'execution et le contreile de celle-ci. Tres spécialisé dass certamen de ses Parties, cet ouvrage est c10 ä un collectif de späcialistes dirigé par Anatoli Efimov, le directeur de 'Institut de 'recherche économique du Plan d'etat. II permet de suivre l'évolution des méthodes de planification dass leurs détails essentiels jusqu'au XXIV Congräs du P. C. U. S. (1971) et donne quelques aperçus prospectifs. Moins spécialisé, Reforme économique en U. R. S. S. 7, dont les chapitres successifs sont ecrits par les théoriciens les plus eminents de la me économique soviétique, couvre en realite un champ plus vaste que son titre ne le laisserait penser. Plus exactement, ce livre place la reforme economique dann tout son contexte et permet d'en comprendre les raisons et d'en suivre les modalités et les résultats. Chemin faisant, le point actuel est fall sur les principes de la gestion econornique, sur les instruments («les leviers» disent les Soviétiques) de cette gestion, prlx, autonomie financióre, administration, sur la prévision scientifique, sur les rapports entre la planification sectorielle et la planification territoriale, la centralisation, la région et l'entreprise, sur l'emploi des méthodes mathématiques et cybernétiques pour la prévision et la gestion, et enfin sur les diverses étapes et évolutions de la reforme economique. Le lecteur de ces deux derniers livres rencontrera peut-étre une difficutte due ä l'appareil conceptuel utilisé par les auteurs, qui correspond ä leur pratique et ä la nature mergle des problemes economiques qu'ils traitent au moins autant qué leur formation marxiste - léniniste. Mais l'effort qu'on aura fait pour entrer dann ce systäme sera recompense par une comprehension des problèmes en profondeur, de leur lien logique, de leur développement propre, c'est-ä-dire par ce qui manque precisement aux ouvrages precedemment analyses. Dans un troisième livre sovietique, Organisation et gestion 8, l'auteur, Germain Gvichiani, familier des rapports Est-Ouest et dirigeant de la recherche scientifique et technique sovietique, a trouve une forme claire et trés tournie, d'oü resulte un remarquable manuel, qui ouvre des horizons insoupconnés sur l'etat actuel (et sur les perspectives de däveloppement rapide) d'une science de la gestion socia liste. Ceci dit, la meilleure initiation ä tout l'ensemble des problemes dont nous venons de parier reste, bien qué s'agisse d'un manuel pour étudiants, Les économies socialistes, 4. Le Seuil, 1974, 304 puges, 33 F. 5. Les Editions ouvrieres, 1973, 240 p., 32 F. Editions du Progres, Moscou, 1973, 248 p., 12 F. 7. Editions du Progres, Moscou, 1974, 328 p., 12 F. 8. Editions du Progres, Moscou, 16 F.

51 soviétlque et europäennes, de Mane Lavigne. Ce livre beneficie ä fa bis de la profonde compréhension des questions que l'auteur pulse aus sources théoriques et pratiques de reconomie socialiste et de son aptitude ä les traduire en termes directement accessibles ä qui baigne, qu'il le veuille ou non, dans les formes de pensée adequates ä la réalité du monde capitaliste. Parmi les manuels d'histoire récemment parus, notons celui de René Girault et Marc Ferro, De la Russie a l'u. R. S. S. (L'histoire de la Russis. de 1850 ä nos jours) m. Peut-ätre faut-il le considérer comme un progres par rapport ä des ouvrages totalement tendancieux et faisant fi de toute réalité historique comme il en pullule. Les auteurs ont fait un visible effort d'information et d'analyse, leur bibliographie (oir manque pourtant, entre autres Aragon et son irremplacable Histoire de l'u.r.s.s.11) et leer filmographie (heureuse innovation) en témoignent. Mais ils ne peuvent s'empächer de juger au nom de critéres qu'as croient, sans doute, objectifs, mais qui les précipitent dans les poncifs les plus rebattus. L'histoire de l'u. R. S. S., c'est celle de l'absolutisme bolchevik ; les purs, les bons sont les marginaux : Makhno, les marins de Cronstadt (eh oui l). Rien ou presque sur le développement, la transformation économique du pays, moins encore sur lessor des nations, rien sur la révolution culturelle. De bons passages, pourtant, sur la planification, sur la tenue du peuple dann la guerre. Finalement, tout de méme, un doute, une incertitude ä juger, qui conduit ä de curieux phénomenes. Une contradiction d'abord, dans l'explication de fond : l'histoire sovietique résulterait d'une sorte d'arbitraire politique, mais, en meme temps, on ne pouvait faire autrement, sauf, peut-ätre, ä renoncer au développement. Ensuite, un lapsus (révélateur?) qui fait donner aus auteurs, comme profession de foi, une phrase du type «pile je gagne, face tu perds» : «Les auteurs n'ont caché ni le noir après octobre, ni le rose avant. lis ont egalement peint le rose après octobre et le noir qu'il recouvrait.» Le manuel de Michel Laran, Russie-U. R. S. S cede beaucoup moins au convenu et donne de son sujet une cu y plus complete, bien que parfois le développement décrit semble manquer de cohérence. Les passages sur l'ancienne Russie, la revolution, la N. E. P. sont de bons exposes de la question. Malheureusement, cela dévie après et toute l'histoire ultérieure de l'u. R. S. S. sera vue sous l'angle de «la lutte pour le pouvoir». Que le faible visible de l'auteur pour Trotski 'entrame ä qualques fabulations politiques pourrait encare passer ; mais ä mesure que ron avance dans la lecture, on souhaite avec plus de force que le mäme soin dans le detall soit mis ä l'étude et ä la description de la construction dune U. R. S. S. nouvelle qu'ä celles des repressions. Un bon chapitre sur l'ascension politigue et militaire de l'u. R. S. S. contient un passage sur aoút 1939 dont robjectivité, si rare en la matiére, doit ätre soulignée. II y a, exception heureuse, un chapitre sur la révolution culturelle. Si sommaire soit-il, ii temoigne, lui aussi, dune volonté de considerer l'histoire de l'u. Fi. S. S., non comme une deviation arbitraire et funeste de l'histoire teile que nos pays la vivent dann son intangible pureté mais comme un objet spécifique d'étude. Complémentaire de ce livre, chez le meme éditeur, L'Economie de l'u. R. S. S. de Pierre Carriére donne une bonne et utile description, claire et bien classée, des ressources naturelles, du potentiel de production, de la démographie, de l'industrie, de l'agriculture et des transports soviétiques. On y recourra volontiers en se tenant simplement en garde contre une tendance ä ceder parfois ä un certain esprit de supériorité. Encore faut-il noter, dann ce cas, que l'esprit de critique qui perca souvent ici emprunte souvent ä l'esprit de critique permanente des Soviétiques sur leur propre réalité. L'economie est prise dann ce trovan en un sens restreint : il ny a pratiquement rien sur la consommation, le niveau de nie, le commerce, la planification, le rdle du budget et des banques d'etat, etc. Mais les renseignements donnes sont abondants et clairs. Les données historiques sur révolution sont bien dominées et rendues, ce qui n'est pas un medie ordinaire. La bibliographie est tres rationnelle ; elle fait d'ailleurs apparaitre le nombre de traductions en anglais d'ouvrages soviétiques d'étude, de recherche, de théorie et de discussion et la pauvreté de ce dont dispose le lecteur de langue francaise dans ce domaine. Allons-nous vers un moment le rapport des forces politiques aidant, les étudiants (et autres personnes desirant s'informer) disposeront aussi d'un choix d'ouvrages scientifiquement objectifs sur l'u. R. S. S.? Des efforts convergents le donnent ä penser. Etape dann cette direction, l'histoire de /'U.R.S.S. i4 de Jean Ehem - stein va 'etre terminée par la publication prochaine de son quatriéme volume. Le soutien que les lecteurs politiquement intéressés ä une histoire authentique apporteront ä ce type d'ouvrages est une condition de leur multiplication et de leur amelioration. Dann ce sens, nous signalerons en conclusion l'excellent ouvrage de Marie Lavigne sur Le Comecon (le programme du Comecon et l'intégration socialista) I, qui déborde larg a - ment l'u. R. S. S. elle-mérne, mais qui inclut l'u. R. S. S. et est indispensable ä qui veut la penser et la situer dann la communauté socialiste. Dann son style particulier, dont la causticité s'allie ä la rigueur scientifique, avec sa profonde connaissance 49 du sujet et sa grande clarté d'exposition, Marie Lavigne est en polemigue constante contre les idees dominantes ; elle argumente sans aucune concession, ni aus uns, ni d'ailleurs aun autres. Mais elle ne se borne pas ä faire justice des idees recues, elle se livre ä un exposé bine documentaire ä la fois théorique et informatif, de l'histoire, de l'etat et des perspectives des relations entrte les pays du Comecon, ä la lumiere du Programme détaille adopté par aus en Le livre décrit les données et principes communs aux divers pays socialistes et (euro inégalités et datérences. II montre le róle de l'u. R. S. S., préponderant certes, mais non dominateur : Le Programme n'est nullement le reflet pur et simple des conceptions soviótiques de rintégration socialiste.» La regle est régalité totale des droits, mema sil doit en résulter une réduction de refficacité. La coopération démocratique, les debuts prudents de Fintégration sont tres souples, sans aucune supranationalité et ne sont nullement comparables au Marche commun et aus rapports Europe-U. S. A. En particulier, le gagnant n'est pas toujours du m'eme cdté ; actuellement, il est merme loin, dit Marie Lavigne, d'étre celui qu'on pense. Ces données ne sont pas de simples affirmations, mais s'appuient sur l'analyse du fonctionnement du Comecon, de ses organes, de ses principes, de la facon dont il résout dans la théorie et la pratique les problemes de la main-d'ceuvre et de ses migrations, de la coordination des plans (sans super-plan) de la spécialisation, des échanges (d'abord gratuits, pujo payants) de la documentation scientifique et technique, de la difficile fixation des prix, de l'usage du rouble transférable, des premiers essais d'entreprises et instituts multinationaux, des investissements les uns chez les autres, etc. Les analyses de Marie Lavigne sont remarquablement recoupées par les études reproduites dann le derniar numero de Recherches internaétudes choisies parmi les travaux des intéressés eux-mernes. Les unes et les sufres sont d'importantes contributions ä l'examen d'une question primordiale : comment la puissance, la croissance et l'autoritó grandissantes du monde socialiste vont de pair avec une différenciation de plus en plus grande et une originalite de méthodes et de développement, celles-ci étant ä mettre au compte ä la fois des progrés nationaux et de la coopération internationale que permet le socialisme. 9. A. Colin, Collection U, 1970, 512 p., 59 F. 10. F. Nathan, 1974, 224 p., 28 F. 11. Presses de la Cite. 1982, t. I, 512 p. t. 2, 382 p. 12. Masson, 1974, 50 F. 13. Masson. 1974, 236 p., 58 F. 14. Ed tions sociales, t. I, , 1972, 224 p., 9 F ; t. II , 1973, 320 p., 9 F ; t. III, , 1974, 240 p., 12 F. 15. Ed. Cujas, 1973, 392 p., 40 F. 18. L'integration économique socialista, R. I. N. 80, Edition de Le Nouvelle Critique, 3, trimestre 1974, 20 E

52 Recherches Intern. 'onales lo lumière du marxisme Parmi les anciens cahiers nous vous recommandons 72 Prei', 'eres 2. meid lies de was E ses N. 57/58 France : 15 F Etrang. : 18 F II zo6"urkidanizs 41, 411, CID 82= 4>.2 o E VOIES DE LA ILE -:,REVOLUT ;DEUXIENIE 9 LA PROPRIEff tligme_ e ION BOU SERVAGE 1EN CHINE FMOISE SOCIALISTE EN EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE N 61 (1969) N" N" 63/64 (1970) N" 67 (1971) France : 9 F France : 9 F France : 18 F France : 9 F Etrang. : 10,50 F Etrang. : 10,50 F Etrang. : 20 F Etrang. : 10,50 F Recherches Internationales LE FASCISME HITLERIEN MUS AC n * France 15 F Etranger 18 F Recherches Interngtionales 6 to lvree,,mar.nr, Recherches Interngnales 6 lo Recherches Interngonales 6 lo lumere d,rnanosr, Recherches Internationales EPOPEE ET ROMAN ENSEIGNER NO HAMM IMME EI noviiiinnene111 N o 76 France : 5 F Etrang. : 6 F N" 71/72 France : 15 F Etrang. : 18 F N' 77/78 France : 15 F Etrang. : 18 F N 79 France : 15 F Etrang. : 18 F Passez vos eommandes : en adressant le bulletin figurant dans ce numéro aux Editions de La Nouvelle Critique 168, rue du Temple, Paris. C. C. P. Paris

53 Débat sur la littérature soviétique La N.C. a réuni autour d'un micro un certain nombre de spécialistes de la littérature soviétique, communistes et non-communistes. II s'agissait, au moment oü se déchainait une vaste campagne contre l'u. R. S. S. et le socialisme, à propos de Soljénitsyne et de la littérature soviétique en général, d'entreprendre un effort de réflexion collective : au-delà des polémiques superficielles ou des prétextes à opérations pofitiques essayer de comprendre la situation réelle de la littérature en U. R. S. S. dans sa complexité dialectique, ses oppositions, son mouvement. Ne pas la prendre comme un bloc figé, mais une réalité multiforme au sein de laquelle se poursuit nécessairement une lutte idéologique et esthétique. Sans vouloir le moins du monde esquisser une histoire de la littérature soviétique, les participants ont été amenés, dans une première phase de la discussion, à rechercher les racines de certains aspects essentiels de Pactualité dans un passé qui n'a pas été sans contrastes : épisodes de la «révolution culturelle» des années qui suivirent Octobre ; courants «prolétariens» et «bourgeois» ; lutte entre les groupes littéraires effets de la N. E. P.; ralliement des patriotes nationalistes et infusion de leur idéologie ; position ferme ou souple du parti bolchevik (résolution de 1925) ; róle éminent de Gorki après son retour en U. R. S. S.; développement des pratiques administratives et du dogmatisme et cristallisation de ce que l'on appellera l'idéologie «stalinienne» ; complexité sociologique et idéologique cependant de la période des années trente avec sa répression de masse mais aussi avec ses «enthousiastes», sa production stéréotypée, mais aussi ses ceuvres de premier plan ; retour à la vision réelle des hommes dans les années de guerre ; retour renforcée au dogmatisme répressif peu après la guerre ; rede du XX Congrès du P. C. U. S. dans la reconstitution du champ culturel ; avancées et pesanteurs dans Penseignement, la recherche, la création littéraires ; statut minoritaire du nouveau ; luttes idéologiques et esthétiques trouvant leur reffet dans la littérature et la critique actuelles. 51

54 CLAUDE FRIOUX : Lorsque la revolution s'est produite en Russie, dans l'état oü se trouvait ce pays état dont Lénine a abondamment commenté le caractere contradictoire, non ideal pour l'entreprise revolutionnaire se posait le probleme de la révolution culturelle, c'est-a-dire celui d'une accélération, dune contraction des étapes permettant le developpement normal d'un certain devenir historique. C'est finalement une des choses qui a été assez remarquablement assumée par le socialisme sovietique. II y avait un probleme explicite, celui d'un certain décalage, qui était tres clairement posé, par Lenine, en terme de question, d'inquiétude sur les chances du pari socialiste dann un oertain contexte historique. Cela explique nombre des phénomenes de ces premieres années qui ont eu à assumer simultanément la révolution bourgeoise et la révolution socialiste. On est frappe par une grande netteté, une grande fermeté des positions de Lénine sur les problemes de la culture mais, en méme temps une extreme prudence, et un refus de légiferer, en particulier un refus de définir une espece de culture ideale du socialisme. Lénine a souvent été tres sollicité pour donner son avis ou son jugement, son verdict, en quelque sorte, sur ce que devait étre la culture socialiste. Et il a toujours reagi dans une perspective inspirée de cette difficulté historique, en termes de progression, et en mettant au premier plan, toujours, ce qui lui paraissait etre dialectiquement les phase,s les plus urgentes. Lt:0N ROBEL : L'urgence définie par Lenine était celle dune révolution culturelle qui n'était pas une révolution socialiste de la culture. La premiere täche de la révolution culturelle était de faire ce que la révolution bourgeoise n'avait pas été capable de réaliser, c'est-ä-dire d'alphabetiser, de mettre ä la portée des masses un ensemble d'acquisitions culturelles, de diffuser l'héritage. Mais, bien entendu, tout cela s'est développé dans une situation d'une fantastique complexité oit s'effectuaient simultanément les täches urgentes d'alphabétisation, de transmission de l'héritage et des recherches de forme proprement socialiste qui ne pouvaient pas encore trouver de public. C'est un aspect du probleme du gauchisme littéraire, par exemple. CLAUDE FRIOUX : Et du problème de l'attitude du parti qui justement, tenait compte, ä ce momentlä, des deux phénomènes. Le Proletkult LEON ROBEL : Et cela evoque un autre ensemble théorique ; celui de la direction de la révolution culturelle. C'est le probleme du Proletkult 1, avec t uses ses conceptions, celles notamrnent de Bogdanov, qui consistaient ä préconiser une repartition des responsabilités qui reviendrait à ceci : le politique, c'est le domaine du parli ; l'économique, c'est le domaine des syndicats ; le culturel, c'est le domaine d'une organisation autonome prolétarienne qui est le Proletkult. Une grande bataille idéologique s'est engagée ä ce sujet dans la réalité mouvante de la Russie de l'immédiate apres-révolution et, bienteit, de la guerre civile. Le Proletkult n'est pas seulement une théorie de ce partage des responsabilités, mais aussi une enorme machine ä introduire des eléments de culture dans les masses, une enorme machine ä recruter des gens qui ont une formation culturelle pour les mettre en contact avec ces masses et aussi ä trouver dans ces masses des gens qui vont étre mis ä méme de travailler dans le domaine de la culture. CLAUDE FRIOUX : Le deuxieme probleme était celui de l'indépendance ou de l'intégration du Proletk ult dans l'organisme officiel de la culture. Soit, ä l'époque, le Commissariat du pcuple ä l'instruction publique qui avait des Organismen spécialisés dans les differentes branches de l'activité culturelle et artistique notamment. LeoN ROBEL : Ces ensemble multiforme du Proletkult a projeté ä la fois des idées, des formules, des attitudes, et aussi des manières d'écrire si l'on se limite au domaine de la litterature qui sont assez diverses et quelquefois fortement contradictoires. C'est lä qu'ont pris naissance l'écriture symbolisante des poètes prolétariens des premieres années, certaines des recherches formelles les plus audacieuses, du L. E. F. 2 pour les arts plastiques, celles des constructivistes, pour le théätre, celle de Meyerhold et d'eisenstein, etc. 3. CLAUDE FRIOUX : Au niveau des genres, il etait extrémement ambitieux, il y avait des a studios du Proletkult e dans toutes les branches, dans la musique, le thatre, dann la gestuelle de groupe, les activités litteraires, etc., avec méme des ramifications dans differentes minorités nationales. 11 y a eu, par exemple, un Proletkult juif de langue yiddish. la nouvelle critique 52 BLANCHE GRINBAUM : Le Proletkult était, dans les premieres années du pouvoir soviétique, la seule Organisation culturelle qui posséclait une structure solide et ramifiée dans tout le pays, et ceci paree quelle existait dejä avant la révolution. CLAUDE FRIOUX : C'est tres im- 1. Organisation culturelle dont on peut situer la naissanc,e entre février et octobre Elle trouve ses origines esthétiques et idéologiques aux environs de 1905, dans le développement d'activités littéraires au sein de la classe ouvrière (poésie ouvrière de la presse bolchévique) et aussi dans l'activité du groupe des Otzovistes > (qui deviendra le groupe En avant e) dorrt Lénine critiqua vivement les positions dans Matérialisme et empiriocriticisme. Les principaux cadres du futur Proletk ult sons issus de l'école destinée aux ouvriers révolutionnaires : l'école de Capri, puis de Bologne, dirigée par Bogdanov, Lounatcharski et Gorki. Ne en 1817, le Proletkult disparait officiellement en 1932 (comme toutes les autres organisations littéraires existantes, ä la suite de la Resolution sur la refonte des organisations littéraires et artistiques > du 25 avril 1932); mais son rayonnement réel na duré que jusqu'aux environs de Ces organisme, d'une grande vitalité et dont le nombre d'adhérents et de cercles, est considérable, revendique l'indépendance face aux organismes du pouvoir et du parti. Lénine s'élèvera contre ces prétentions, et le Comité central dans sa lettre du décembre 1920 sur le Proletkult, fera une nette mise au point sur les relations entre le Proletkult, Commissariat du peuple ä l'instruction et le parti. Les principaux idéologues du Proletkult furent Bogdanov, Lebedev-Polianski, et Lounatcharski qui, alors commissaire du peuple ä l'éducation, soutiendra activement le mouvement et son organe théorique Littérature prolétarienne. 2. L.E.F. (Levy Front), sigle sous lequel on désigne le a Front gauche de l'art >. Avait pour organes, de 1923 ä 1925, la revue L. E. F., dirigée par MaTakovIcsi, et de 1927 ä 1928, la revue Le nouveau L. E. F. qui développe les théories de la déprofessionnalisation de l'art et celle de la littérature factuelle ; et dont Maiakovski quiste la direction en aalt Meyerhold ( ), célèbre metteur en scène soviétique dont la carrière débute avant la Revolution. Dés 1918, il répond ä l'appel de Lounatcharski et s'occupe de la réorganisation du système theätral. En 1921, adhère au P. C. (b). Le nom de Meyerhold est lié ä la création d'un théätre révolutionnaire et ä u l'art de gauche > (c'est lui qui monta les nieees de Maiakovski). Son theätre fut fermé en 1938 et il fut lui-mème arraté en II mourut deporté en Sibérie, en On célébre cette année, en U. R. S. S., le cent.eme anniversaire de sa naissance.

55 re 1../XERPET DIT111010C C C P. aun marrar may ruma *ro mou. su amarran 'rana arma zar c,au Los comptait beaucoup de inilitants. II y avait des cercles du Proletkult ä l'usine, dans l'armée... La littérature de cette époque les evoque souvent. Des soldats rouges, entre deux combats, écoutent un petit groupe plus ou moins assimilé ou dépendant du Proletkult, qui joue Les Brigands de Schiller au bord du chemin. Groupes et groupuscules MI BUN,x Hur;evtleg t rpoorma ' ZeleiTer-"- j LEON ROBEL : II y eut aussi un extraordinaire foisonnement de groupes et groupuscules, quelques-uns parfaitement éphémeres. II ne faut pas oublier que pendant un certain nombre d'années (jusqu'aux environs de 1921) vont subsister aussi des organisations, des cénacles, des lieux de rencontre qui peuvent étre parfaitement bourgeois, de tendance presque contre-révolutionnaire, en tout cas tres réticents ä l'égard de la révolution. CLAUDE FRIOUX : Ou alors idealiste et mystique comme le cercle de philosophie libre animé par Riel}, 7, qui a vécu assez longtemps en exerçant une activité échevelée, un peu théosophique. Mais tous ces gens se sont rendu compte, vers la fin des années vingt, que bous ensemble, ils ne représentaient pas grand-chose et que les seules organisations ayant une base de masse étaient celles issues du Proletkult. al Photo du haut : décret signé de Lénine et Bontch-Blauievitch en décembre 1919, sur la liquidation de l'analphabétisme Photo du bes sur le calicot on lit : le P" mai 1922 nous étions analphabites, le P' mai 1923 nous savons lire et écrire portant, si Ion se rappelle comment ont réagi ä la révolution d'octobre, les cadres professeurs de l'enseignement public : par un boycott radical. Quand Kroupskaia 4 est allée prendre possession de son ministère, d'abord c'est tout juste si le portier ne Fa pas mise ä la porte et ensuite, il y a eu une greve genérale des enseignants, influencés en gros par les partis avec qui, ä ce moment-lä, se consommait une certaine rupture, partis petit bourgeois ou de tendance S. R. Les premiers pas des institutions culturelles issues de la révolution d'octobre ont été extremement solitaires. Les efforts pour prendre contact avec le monde de la culture ont été longs, difficultueux : Lounartcharsky a été bien content lorsque quatre personnes (dont Meyerhold et Block 6) ont bien voulu venir dans son bureau. Pas mal d'autres boudaient ou couvraient la capitale de libelles antibolcheviks. CLAUDE FRIOUX : Pour cette étape d'acquisition d'une certaine instruction minimale, l'appareil en place était totalement hostile, quasiment inexistant. Ces gens étaient souvent sur la ligue de Gorki, et partageaient certaines des appréhensions exprimées dans ses Pensé es inactuelles (cf. p. 54). Il y avait un état de malentendu, une sorte de désertion de ceux qui auraient pu etre le relais normal pour ces täches fondamentales. Sil est vrai que le Proletkult les a assumées avec un oertain amateurisme, Kroupskaila, femme de Lénine, a ere Commissaire du peuple ä l'education. 5. Lounatcharski ( ), membre du parti social démocrate de Russie des sa création, journaliste, critique littéraire, écrivain. Dirige avec Gorki dans l'émigration l'école de Capri et de Bologne et écrit dans la presse bolchevique de l'émigration. Commissaire du peuple ä l'instruction publique jusqu'en 1929, il participe, ä ce litre, ä bous les débats sur les problèmes culturels. Il a la confiance de Lénine pour toutes ces questions, malgré des divergences d'opinion sur certains points. 6. Blok ( ), un des poetes symbolistes les plus célebres. Auteur du poème Les Douze. Participe, après la Révolution, aux activités du Alarkompros. (Commissariat du peuple ä l'instruction.) 7. Biély ( ), poète et prosateur. Un des chefs de file du mouvement symboliste russe du debut du siècle. Reste en Russie après la Revolution et collabore activement aux activités d'éducation et de diffusion de la culture du nouveau pouvoir (cours et conférences dans les studios du Proletkult). 8. R. A. P. P., littéralement Association russe des ecrivains prolétariens. Organisation qui pendant toutes ces années s'oppose aux theories du L. E. F. Supprimée par une résolution du C. C. d'avril 1931.

56 g a guerre, incontestablement, a joue un röle 1.4 enorme dans le développement de notre révolution. Elle a désorganise materiellement l'absolutisme ; elle a disloqué l'armée ; elle a donné de l'audace ä la masse des habitants. Mais heureusement, elle na pas cree la révolution, et c'est un bonheur paree que la révolution née de la guerre est une révolution impuissante. Elle est le produit de circonstances extraordinaires, elle repose sur une force extérieure, et en definitive s'avere incapable de conserver les positions conquises. > Ces lignes sagen et m'eme prophetiques ont été écrites en 1905 par Trotski ; je les ai tirees de son livre Naire Revolution, Mi elles figurent ä la page 5. Depuis, beaucoup de temps s'est écoule, et maintenant Trotski pense sans doute autrement. En tout cas, u ne se resoudra pas ä dire que a la révolution nee de la guerre est une révolution impuissante Et pourtant ces mots n'ont rien perdu de leur sens et de leur vérité : les évenements qui se deroulent les confirment pleinement. La guerre de a donné le pouvoir au prolétariat, je dis bien a a donné >, car personne ne dura que c'est le prolétariat lui-méme qui par sa propre force a pris dans ses mains le pouvoir. Celuici est tombe dans ses mains paree que le soutien du Tsar, le soldat, épuise par une guerre de trois ans, a refusé de defendre les intéréts de Romanov qu'il avait si chaleureusement defendus en 1905 en écrasant le prolétariat revolutionnaire. II ne faut pas oublier que la revolution a ere commencee par les soldats de la garnison de Pétrograd, et que lorsque ces soldats, depouillant leurs uniformes, se seront disperses dann leurs villages, le proletariat restera dans une isolement peu favorable pour lui. II serait naif et ridicule d'exiger que ce soldat, redevenu paysan, accepte comme une religion l'idealisme du prolétaire et qu'il introduise dass sa sie paysanne le socialisme prolétarien. Le paysan durant la guerre et le soldat pendant la Et cela explique l'attitude de Maiakovski, quittant le L. E. F. pour adhérer ä la R. A. P. P. en Moyens de diffusion LEON ROBEL : 11 y a aussi des lieux oh se rencontrent un certain nombre d'ecrivains. II y a pour les poetes les entreprises de lecture publique qui ont pris une grande extension, les cafés littéraires en particulier. Et puis, malgre les difficultés d'approvisionnernent en papier, il y a pas mal de publications qui n'ont pas toutes une grande diffusion, mais qui sont tres diversifiées, qui ne sont pas tules implantées dann les capitales ; des choses importantes se publient un peu partout, à Tifus, à Saratov, en Sibérie, en Extréme- Orient, etc. Pensées inactuelles Maxime Gorki ALEXIS BERELOVITCH : Les revues comme Les feux de Siberie, Terres vierges rouges 9 apparaissent plus tard, quand la guerre civile est terminée. Avant, il y a peu de possibilité de publier. A Leningrad, par exemple, les Freres Sérapion 1 qui se retrouvent en 1921, se demandent oh publier. II existe une espece de petite feuille qui sort de la maison des littérateurs qui publie les ceuvres primées et ils s'y précipitent pour se faire publier. La majorité des éditions, à ce moment-là, ne sont pas soviétiques, ni m'eme proches du pouvoir. Ce sont souvent des entreprises privées, ou plus tard des cooperatives d'écrivains. la nouvelle critique 54 révolution ont fait leurs profits, et ils savent fort bien tous les deux que ce qui en Russie assure le mieux la liberté de l'homme, c'est l'argent. Essayez done de ruiner en lui cette conviction ou seulement de l'ébranler. II faut se souvenir qu'en 1905 le prolétariat était plus fort, sous le double rapport de la quantité et de la qualité, que maintenant, et qu'alors l'industrie n'était pas ruinée ä fond. La revolution née de la guerre s'avere impuissante si, au heu de consacrer toute son energie ä la creation sociale, le prolétariat obeissant aveuglément ä ses chefs se met ä détruire de fond en comble toutes les organisations techniques a bourgeoises >, au lieu Je s'emparer du mecanisme et d'en contröler le travail. La révolution périra d'épuisement si le prolétariat, soumis ä l'intransigeance fanatique des commissaires du peuple, se met ä élargir de plus en plus le fossé entre lui et la démocratie. L'idéologie du prolétariat n'est pas l'ideologie d'un égoisme de classe ; ses meilleurs maitres, Marx, Kautsky et d'autres, confient ä sa noble puissance le desoir de libérer tous les hommes de la servitude économique et sociale. La vie du monde dirigée par l'idealisme social c'est le grand réve de la fraternité universelle est-ce que le prolétariat croit qu'il realisera ce réve en exercant la violence contre ses ennemis idéologiques? La lutte sociale n'est pas ce pugilat sanglaub que ses chefs apeures enseignent ä l'ouvrier russe. La révolution est une ceuvre magnifique et noble, une ceuvre indispensable ä notre renaissance ; ce ne 3ont pas ces bouleversements insenses qui détruisent les richesses du pays. La révolution sera impuissante et périra si nous n'y apportons pas (out ce que nous avons de meilleur dans notre ceur, et si nous n'extirpons pas de nous cette cruaute, cette rage qui enivre les masses et corrompt les ouvriers revolutionnaires russes. Novaia lizn, 26 1anvier CLAUDE FRIOUX : C'était l'époque oh il ny avait pas de papier, l'époque des cafés, ou u époque orale > de la littérature soviétique. La vie littéraire, intense, y prenait des formes originales, déterminées par cette pénurie ; c'étaient les cafés, especes de refuges oh les gens essayaient de vivoter plus ou moins bien, sur les dernieres attributions que Ion pouvait leur faire. II y a ici 9. Les feux de Sibérie (Sibirskije Ogni) Tres importante revue litteraire créée en Mars 1922 ä Novossibirsk. Elle existe escore de nos jours. Terres vierges muges (Krasnaia Nov) Une des premieres grandes revues soviétiques ä gros tirage, dirigée par Voronski et Gorki. Elle accueille les publications des u compagnons de route u. 10. Freres Serapion ( ), groupe d'écrivains de Leningrad, patronne par Gorki, creé en Il comprenait des écrivains qui deviendront des grands noms de la litterature soviétique (Vsévolod Ivanov, Zochtchenko, Kaverine, Fédine, Tikhonov, Nikitine, etc. et aussi notre ami Vladimir Pozner). Malgré sa sympathie pour la revolution, ce groupe revendique fortement son indépendance littéraire (c'est pourquoi ii se yerra attaque comme ennemi de la révolution).

57 un profil original, pittoresque, tres fécond parce qu'il a établi un type de rapports personnels entre le public et les créateurs. Chaque soir, un public ä peu pres constant, un public de masse venait lä s'informer des positions des différents groupes. Chaque soir, c'était un groupe different, quelquefois, plusieurs groupes venaient ensemble et se prenaient violemment ä parti. Maiakovski adorait ca. Ces soirées avaient un cöté spectacle avec interruptions, petits billets, questions-provocations et ceta a marqué la culture soviétique. D'abord cela a donné des habitudes de contact vivant avec le public, des attitudes de soucis de ce contact avec le public, et puis cela a promu une sorte de créateur qui n'avait pas peur du contact. Dans ce contexte, tout le monde était ä la male enseigne, parce qu'il fallait avoir ses leaders qui venaient ä ces tribunes. A cette époque, le peu de papier qui était utilisé, l'était de façon privilégiée en direction du Proletkult. LEON RODEL Ou pour l'édition des classiques. CLAUDE FRIOUX : Ensuite, ä partir de 1921, il y a eu toute une politique délibérée d'édition et non plus seulement de tolérance envers les firmes plus ou moins coopératives ". Il y a eu aussi l'initiative extremement interessante de grandes revues de qualité, mises entre des mains particulierement competentes et responsables, comme celles de Voronsky ", qui avaient comme táche de s'ouvrir tres largement ä tous les courants vivants, importants, d'étre exemptes da priori. LEON ROBEL : Cette première revue confiée ä Voronsky a été créée sur l'initiative de Lénine. CLAUDE FR1OUX : Cela allait tout ä fait dans le sens des grandes lignes de la politique culturelle du parti : faire un effort, dans une époque difficile, pour ouvrir des possibilités materielles de s'exprimer, pour qu'une intelligentsia de type traditionnel puisse le faire. Dans cette optique, la revue Terres vierges rouges a été prolongée par la création de Presse et révolution. II y a toute une intelligentsia académique, ä laquelle toutes ces choses ont inspiré confiance et cela a 6[6 un des élements de son rapprochement. 11 y a eu manifestement une politique qui préludait ä ce qui va étre confirmé en 1925 : une politique d'ouverture en direction des représentants les plus remarquables de l'intelligentsia liée aux valeurs littéraires traditionnelles, ä ceux qui < savaient» écrire. La lutte entre les groupes LEON ROBEL : L'idée dune certaine forme de dictatttre du proletariat dans le domaine de la culture, qui &an ancrée dans les doctrines et dans la pratique du Proletkult, va se retrouver chez «les prolétariens u qui vont tendre ä donner une forme d'organisation et un style copiant on pourrait meme dire caricaturant celui de l'organisation du parti lui-méme, et qui vont tendre ä revendiquer de la part de ce dernier, le droit ä l'hégémonie dans tout le secteur de la littérature. CLAUDE FRIOUX En effet des éléments issus, personnellement et matériellement des organisations prolétariennes, ä partir de cette periode un peu charniere de , vont jouer un röle considerable dans la naissanoe de la conception autoritaire du fonctionnement de la culture, qui va se développer ultérieurement. La grande majorité des écrivains et groupes prolétariens prönaient au contraire une conception presque corporatiste du métier litteraire. lis revendiquaient l'indépendance de la culture prolétarienne par rapport au politique et meme au parti. Une fraction seulement s'est polarisée sur lautre idéologie et est passee de la notion d'écrivain prolétarien ä celle d'écrivain communiste. C'est ä ce moment, d'ailleurs, que se créent une association des écrivains communistes, un groupe des critiques communistes. 55 LEON RODEL :Ii faut mentionner le röle, tres important ä ce momentlä, du Komsomol (organisation de la jeunesse communiste). CLAUDE FR1OUX : En effet les élements qui vont servir de locomotive ä ce transfert vont étre les eléments les plus jeunes qui passent ä une vision conquérante de la révolution : prise du pouvoir par une classe, donc le phénomene de classe doit devenir un phénomene dominant et dominant de faeon éventuellement contraignante. C'est une interpretation de la notion d'avant-garde prolétarienne, autoritaire, simplifiée, simpliste. Mais il y a une autre tendance du Proletkult qui, au contraire, va devenir ä un moment, chez certains de ses représentants, un des eléments de résistance ä une politique autoritaire Leon Tolstoi et Maxime Gorki et centralisée. II faut ajouter que se développe la mode du ne ideologie 11. Allusion aux maisons d'edition qui, des le début de la révolution, s'étaient organisées sur des bases coopératives, se faisant parfois imprimer ä l'étranger (Blok ä Berlin, par exemple). Elles se développent particulierement pendant la N. E. P. et font paraitre les ceuvres marquantes de la littérature de l'époque, en particulier celle des c Compagnons de route s. 12. Voronski ( ), critique littéraire qui dirige la revue Terres vierges rouges de 1925 ä Membre du parti depuis 1904, il participe de 1925 ä 1928 ä Opposition de gauche s (trotskiste). Exclu du parti, ii est reintegré en 1930 et travaille ä la direction des editions d'etat. Arrété en 1937, il est réhabilité après le XX' Congres du P. C. U. S. et réintegre au parti ä titre posthume.

58 La cavalerie rouge (1920) de l'orthodoxie contraignante d la culture. II faut d'abord constater que dans le contexte des années vingt, cette idée-lä, non seulement ne vient pas du parti, mais est profondément combattue par le parti. A cette période, c'est quelque chose que le parti refuse d'avaliser, malgré les demandes qui lui en sont faites par des tendances extrémement differentes. 11 y a oette fraction qui commence élaborer Pidéologie d'une catégorie d'écrivains et de créateurs communistes (qui s'expriment dans des revues comme La Jeune Garde, La Sentinelle) qui se recommandent de cette qualité de communiste pour imposer leurs goúts, leurs conceptions, leur écriture. LEON ROBEL : Et qui, tres vite, vont dire : s Nous sommes les seuls vrais authentiques communistes de la littérature (parce que des communistes, il y en a dans bien d'autres groupements et dans bien d'autres revues). CLAUDE FRIOUX : Et qui &veloppent une conception de la creanon et de l'écriture, qu'ils voudraient voir devenir celle de toute la société communiste. Mais il ne faut pas sousestimer les tendances autoritaires presentes dans de nombreux groupes beaucoup moins importants, oü il y a aussi des communistes, qui revendiquent, eux aussi, avec la meme violence, la toute puissance répressive sur la littérature, au nom de la logique, de la cohérence de leur idée littéraire. C'est le L. E. F., l'art de gauche. Ses membres se prétendent, à cause de leur théorie de l'art, les bolcheviks de l'art et demandent qu'on leur donne les moyens d'exercer ce bolchevisme de l'art, y compris en réglant des comptes avec d'autres groupes, dans un style un peu agressif. LEON ROBEL : Maintenant, quand on regarde les publications de l'époque et notamment celles des Proletariens, celles du L. E. F., etc., et que Ion est frappé par le style sanglant de la polémique, faut se medre compte que ces façons de dire de l'époque n'ont pas le poids de sang qui viendra par la suite. Mais du cöté de certains des leaders de ce qui allait devenir la R. A. P. P., par le poids de l'organisation et la conception du droit à imposer ses vues, il y a eu des tendances de plus en plus marquées à réclamer une la nouvelle critique 56 prise en considération par les autorités ayant le pouvoir administratif de leurs denonciations, approbations, etc. La N. E. P. et la littérature D'autre part, il ne faut pas oublier que quand commence la N. E. P. ' 3, on voit réapparaitre une quantité de maisons d'édition carrément bourgeoises, qui vont inonder le marché de romans policiers à deux sous, et cela exerce sur le public petit bourgeois un attrait immédiat. On a de nouveau l'objet de consommation courante dans le domaine littéraire et cela provoque une pres- 13. N. E. P., t nouvelle politique économigue, qui succède au t communisme de guerre, justifiée par l'état économique catastrophiquo de la Russie ravagée par la guerre de 1914 et la guerre civile. Cette politique économique de t transition > (Lénine) a vu renaitre dass certains secteurs un renouveau du capitalisme, mais qui, disait Lénine est contrólé, calculé, et le pouvoir reste aux mains de la classe ouvrière et de l'etat ouvrier. Elle debute en 1921 et s'achève en 1928 avec le lancement du premier plan quinquenal.

59 sion tellement importante qu'un certain nombre de gens qui se situeraient du cené de la révolution se mettent ä faire des imitations de policiers, quelquefois mente sous des pseudonymes d'allure anglo-saxonne. CLAUDE FRIOUX : Ces groupes qui divergeaient sur les manieres d'étre révolutionnaires ou d'aller dans le sens de la révolution n'étaient pas seuls dans l'arene littéraire. Il y avait une masse de littérature qui, dans la foulée de la N. E. P., reapparaissait sur des bases idéologiques extremement traditionnelles. Le cöté nerveux des différents groupes qui avaient choisi le militantisme aux cates de la révolution, ces tentatives aussi de s'imposer par des recours au pouvoir administratif, n'étaient pas uniquement une sorte de paranoia viscerale. Cela s'explique par le contexte idéologique dune littérature tres traditionnelle qui, dans des tas de publications semiprivées, brocarde sans cesse les écrivains de gauche, qu'ils soient du L. E. F. ou prolétariens. II ny avait pas du tout une situa- [ion acquise et ce, jusqu'à la fin des années vingt. Par ailleurs, ce qui fächait finalement le plus ces groupes qui défendaient la révolution c'était qu'il y avait aussi des efforts, legitimes, falls par le pouvoir sovietique pour rallier l'intelligentsia traditionnelle. Ces efforts, on sait combien ils ont été justifiés et fructueux. Mais ils sont passés par un certain nombre de concessions provisoires, en particulier, par une place assez importante faite ä des publications d'inspiration assez academique et qui jouaient un relle social de recupération progressive de cette intelligentsia qui était tres bin des bases d'un art engagé, militant ; et ces choses-!à se rencontraient dans des revues semi-officielles qu'on leur ouvrait pour les rassurer. Alors, il faut bien comprendre ces artistes de combat qui prenaient cela tres mal et qui demandaient au pouvoir de choisir. Le cheval blanc d'alexis Tolstoi LAON ROBEL : C'est la fameuse invective des L. E. F. sur Alexis Tolstoi, revenant sur le cheval blanc de ses ceuvres completes ", ii faut bien dire qu'on a vu la queue du cheval blanc pendant longtemps. CLAUDE FRIOUX : 11 est vrai que cette récupération qui est un fait politique, a eu des séquelles, indiscutablement. Elle a impregné l'idéologie officielle de la littérature qui s'est dégagée un peu plus tard. Je voulais dire une derniere chose tu as parlé tout ä l'heure des maisons d'édition. II ne faut pas imaginer un vide pendant les années vingt. Tout le monde n'est pas comme ea, communiste d'emblée, tout le monde n'est pas écrivain militant d'emblée. Ce n'est pas du tout acquis dans la mentalité publique. 11 y a toute une littérature respectable qui trouve ea < pas sérieux» et qui le laisse entendre, qui a les moyens de le laisser entendre. Quand Lounatcharsky, dans un rapport célebre ä la direction de l'édition Terre et fabrique explique qu'il ne faut pas éditer n'importe quoi, et qu'il dit par exemple < On ne va pas l'éditer chez nous, paree qu'il y a trente-six maisons d'édition qui vont vous l'editen Nous, on est obligé dans ce contexte, d'avoir une politique d'édition, c'est-à-dire de ne pas éditer n'importe quoi, de prendre en consideration la résonance idéologique d'un livre pour l'assumer en tant qu'éditeur d'etat u, il faut bien voir que ce n'était pas sur n'importe quel fond. C'était une politique qui avait une légitimité profonde paree qu'au niveau des possibilités d'expression, il y avait effectivement d'autres voies. Si Ion ne tient pas compte de cela, on peut dire : Lounatcharsky est le premier qui alt dit qu'il fallait envoyer des ceuvres ä la poubelle ; ce qui n'est pas vrai du tout quand on voit l'ensemble de son argumentation. Beaucoup de choses, d'attitudes de l'époque, s'expliquent par un contexte tres complexe et par un souci, souvent tres remarquable, de le prendre en compte, en particulier de la part des organes du parti. ALEXIS BERELOVITCH : Dans ces premières années (aux environs de 1924) l'émigration sovietique, celle de Berlin par exemple, publie soit ä Petrograd, soit ä Berlin avec une assez grande circulation d'hommes entre les deux. Maiakovski circule pas mal. Chklovski ' 5, avec quelques mésaventures, circule lui aussi. Beaucoup publient ä ce moment. Ensuite, on a parfois l'impression que parmi les non-communistes y avait dune part ceux qui écrivaient une littérature classique et que Ion essayait de gagner, et d'autre part ceux qui étaient engages dans des groupes comme le L. E. F. et qui n'étaient pas forcément proches du parti au depart (Chklovski, par exemple, qui ä l'origine était assez éloigné de la révolution, a collaboré ä L'Art de la Commune i6, puis a fait pleinement partie du L. E. F.). 57 CLAUDE FRIOUX : Mais on ne pouvait pas collaborer ä L'Art de la Commune sans éprouver un certain sentiment pour la révolution. Ce qui montre que tres ten la querelle est une querelle sur la conception de l'écriture. ALEXIS BERELOVITCH : S'il y a une politique du parti, il y a aussi différents points de vue dans le parti, oertains pensent qu'une littérature proletarienne ne peut pas se creer artificiellement, mais que c'est une perspective ä plus long terme vers laquelle on doit tendre ; d'autres pensent que la notion mente de littérature prolétarienne est absurde dans la mesure oü, lorsque ce qui forme ä l'heure actuelle le prolétariat écrira, la notion méme de classe aura disparu. CLAUDE FRIOUX : Il y en a Mime qui pensent les deux choses ä la fois. ALEXIS BERELOVITCH : Et parfois, les discussions politiques se re.- percutent dans ces discussions littéraires. La politique du parti en littérature CLAUDE FRIOUX : Ce qu'a dit Berelovitch sur la politique du parti est vrai, mais ce que j'entendais par la politique du parti et sa prudence, c'est la rareté des textes, paree que le parti se rendait compte que lorsqu'il prenait position sur quelque chose en littérature c'était pris au sérieux. C'est pour cela que les textes précisant ä tel moment une certaine ligne ont été établis et diffusés avec une extreme prudence 14. Alexis Tolstoi, auteur de la célebre trilogie, Le Chemin des tourrnenis. Ce roman, consideré comme une des épopées de la révolution, a été écrit, en partie, dans l'émigration. Maiakovski reproche à A. Tolstoi de rentrer en Russie sur «le cheval blanc de ses truvres completes u. (Publiees ä son retour de Berlin alors que certains ecrivains ne parvenaient pas à se faire publier.) 15. Chklovski : Théoricien, scénariste, écrivain qui fut dans les années 20 membre du L. E. F. et animateur de l'école formaliste. 16. Art de la Commune (décembre avril 1919) Revue mensuelle du Commissariat du peuple à l'instruction publique, ses principaux animateurs etaient Brik, Maiakovski, Altman et Pounine. Cette revue était en fait l'organe des futuristes. On peut y trou- er les themes principaux du futur L. E. F. >.

60 Sur la politique du Parti dans le domaine de la littérature Résolution du P.C.(b)R. du 18 juin L'élévation du confort matériel des masses pendant la derniere période en liaison avec le changement des esprits consécutif ä la Revolution, avec l'intensification de l'activité militante dans les masses, avec l'élargissement gigantesque de l'horizon, etc., entrame une enorme augmentation des demandes et des besoins culturels. Nous sommes ainsi entrés dans le champ de la révolution culturelle, qui constitue la condition de l'évolution continue vers la société communiste. 2. Cette élevation culturelle des masses comporte en particulier la croissance d'une litterature nouvelle, prolétarienne et paysanne en premier heu, depuis les formes embryonnaires, mais en meme temps d'une ampleur inconnue jusqu'ä ce jour par les domaines qu'elles embrassent (rabkor, selkor, journaux muraux, etc.), jusqu'ä la production litteraire consciente de son ideologie. 3. D'autre part, la complexité du processus économique, le développement simultane de formes économiques contradictoires et meme directement hostiles, provoque par rette évolution, le processus d'apparition et de consolidation d'une nouvelle bourgeoisie, l'attraction inevitable, encore qu'au début inconsciente, exercée par elle sur une partie de l'ancienne et de la nouvelle intelligentsia ; l'apparition du fond des profondeurs sociales d'agents idéologiques sans cesse nouveaux de rette bourgeoisie : tous ces faits se manifestent ä la surface litteraire de la vie sociale. 4. Ainsi, de méme que la lutte des classes en general n'est pas terminee chez nous, de la meme façon elle n'est pas terminée sur le front littéraire. Dans une société de nasses il n'y a pas et il ne peut y avoir d'art neutre, quoique la notion de classe dans les beaux ans en général et dans la littérature en particulier s'exprime sous des formes infiniment plus diverses que, par exemple, en politique. 5. Néanmoins, ii serait totalement erroné de perdre de vue le fait principal de notre vie sociale la conquete du pouvoir par la classe ouvriere, l'existence de la dictature du prolétariat dans ce pays. Si, avant la prise du pouvoir, le Parti du proletariat attisait la lutte des classes et luttait pour mettre ä bas toute une société, maintenant, dans la periode de la dictature du prolétariat, le Parti est confronté avec ce probleme : comment vivre en bonne intelligence avec la paysannerie, tout en la transformant lentement ; comment admettre une certaine coopération avec la bourgeoisie, tont en la supplantant lentement ; comment mettre au service de la revolution l'intelligentsia technique ou autre en la détachant idéologiquement de la bourgeoisie. La lutte des classes ne s'arrete pas mais elle change de forme. Avant la prise du pouvoir le prolétariat aspire ä la destruction d'une société donnée, dans la periode de sa dictature, il met au premier plan 4 un travail d'organisation paisible». 6. Le prolétariat doit, tout en conservant, en renforçant et élargissant sa direction, adopter une position correspondante sur toute une série de nouveaux secteurs du front idéologique. Le processus de pénétration du matérialisme dialectique dans des domaines nouveaux (biologie, psychologie, seiences naturelles en général) a déjä commence. La conquéte des positions dans le domaine de la litterature doit tót ou tard devenir un fait. 7. Le prolétariat est en tram de résoudre nombre de problemes mais celui-ci est infiniment plus compliqué. Sous le régime capitaliste, le prolétariat pouvait déjä se préparer ä la Revolution, ä sa victoire, former des cadres, produire son idéologie de combat politique. Mais il ne pouvait étudier les sciences naturelles, ni les questions de technique. Opprime dans le domaine culturel, le proletariat ne pouvait creer sa propre litterature, sa propre forme artistique, son style. Vil possede d'ores et déjä d'infaillibles criteres pour analyser le contenu politico-social d'une reuvre littéraire, le proletariat n'a pas encoré de reponse ä tules les questions concernant la forme. 8. Ces considérations doivent determiner, dans le domaine de la littérature, la politique du Parti dirigeant du prolétariat. Cela intéresse en premier heu les questions suivantes : rapports entre les écrivains prolétariens, les écrivains paysans et ceux qu'on appelle les s compagnons de route» et autres ; politique du Parti envers les écrivains proletariens eux-memes ; questions de la critique questions du style et de la forme des ceuvres littéraires et methodes pour mettre au point de nouvelles formes d'art ; enfin questions d'organisation. 9. Les rapports entre les differents groupements d'écrivains, en fonction de leur contenu de classe ou de la fraction sociale qu'ils repésentent, sont definis par la politique générale du Parti. Toutefois, it ne faut pas perdre de vue que la direction dans le domaine de la litterature appartient ä la classe ouvriere dans son ensemble avec toutes ses ressources materielles et idéologiques. 11 n'y a pas encoré d'hégémonie dees écrivains prolétariens, et le Parti doit aider ces écrivains ä gagner par leur travail le droit ä cette hégémonie. Les ecrivains paysans doivent rencontrer un accueil amical et jouir de notre soutien inconditionnel. Le probleme consiste ä conduire leurs cadres naissants sur les voies de l'idéologie poletarienne, sans toutefois éliminer de leur ceuvre les formes litteraires qui conditionnent leur influence sur la paysannerie. 10. En ce qui concerne les a compagnons de route» il faut cot,:idérer : 1 0 leur differcnciation 2 l'importance de beaucoup d'entre eux en tant que spécialistes u qualifiés de la technique littéraire 3 la présence d'hésitations dans cette couche d'écrivains. II ne peut y avoir ici d'autres directives générales que des rapports tactiques et prudents avec eux : entendons qu'il faut se componer avec eux de façon ä leur assurer t ules les conditions propres ä un passage aussi rapide que possible aux la nouvelle critique 58

61 cötés de l'idéologie communiste, tout en écartant les éléments anti-prolétariens et anti-révolutionnaires (aujourd'hui tout ä fait insignifiants) et en luttant contre l'idéologie naissante de la nouvelle bourgeoisie dans une partie des c compagnons de route Le Partí doit folerer les formes idéologiques transitoires et aider patiemment ces formes inevitablement nombreuses ä s'user dans le processus d'une collaboration de Plus en plus etroite et amicale avec les forces culturelles du communisme. 11. En ce qui concerne les écrivains prolétariens, le Parti doit adopter la position suivante : en aidant par tous les moyens ä leur croissance, en les soutenant continuellement ainsi que leurs organisations, le Partí doit prevenir par tous les moyens toute manifestation d'arrogance communiste e, justement parce qu'il voit en cus les futurs dirigeants idéologiques de la littérature soviétique, doit lutter par tous les moyens contre une attitude legere et dedaigneuse envers la tradition littéraire de male qu'envers les speeislistes de la langue littersire. 11 condamne également la position de ceux qui sousestiment l'importance de la lutte pour l'hégémonie des écrivains prolétariens dans le domaine des idées. Contre les e capitulards e et contre u l'arrogance communiste e, tel doit etre le mot d'ordre du Parti. Le Parti doit aussi lutter contre l'essai de creer une littersture prolétarienne de e serre e: embrasser largement les événements dans toute leur complexité ne pas s'enfermer dans le cadre d'une seule usine, etre la littersture non d'un atelier, mais d'une grande classe combattante entrainant avec elle des millions de paysans, telles doivent 'Are les täches d'une littérature prolétarienne. 12. Ces principes définissent en général et dans l'ensemble les täches de la critique, qui constitue un des principaux instruments d'éducation entre les mains du Parti. Sans abandonner un instant les positions du communisme, sans s'écarter d'un iota de l'idéologie proletarienne, en dégageant la signification de classe des differentes productions litteraires, la critique communiste doit lutter impitoyablement contre les manifestations contre-révolutionnaires, démasquer le libéralisme, etc., et, en meme temps, faire preuve du plus grand tact, de précautions, de patience envers toutes les couches littéraires qui peuvent rejoindre le proletariat et le rejoindront. La critique communiste doit chasser de ses habitudes le ton de commandement en littérature. Elle ne pourra avoir une action éducative profonde que le jour oü elle s'appuiera sur sa supériorité idéologique. Elle doit résolument écarter tonte e arrogance communiste e, prétentieuse, ä moitié illettrée, suffisante. Elle doit se donner pour mot d'ordre : apprendre. Et repousser tont gribouillage, tute divagation. 13. Tout en discernant sans erreur possible le contenu social et de classe des tendances littéraires, le Parti, dans son ensemble, ne peut s'engager ä soutenir une tendance donnée dans le domaine de la forme. II dirige la littérature dans son ensemble ii ne peut étre question qu'il soutienne un tant soit peu une quelconque fraction, en classant ces fractions suivant leur point de vue sur la forme et le style. Pas plus qu'il n'a ä décider, par les resolutions, de la forme que prendra la famille bien qu'il dirige dans son ensemble, et doive diriger l'élaboration du nouveau mode de vie. Tout laisse supposer que le style correspondant ä notre époque se creera, par d'autres méthodes. Nous en sommes encore bin. Dans la phase actuelle du développement culturel du pays, tules tentatives de gerier le Parti dans ce domaine doivent étre repoussées. 14. Le Parti doit donc se prononcer pour une libre émulation entre les différents groupes et tendances. Toute autre solution ne serait qu'une pseudosolution administrative et bureaucratique du problerne. II serait, de meme, inadmissible qu'un décret ou une décision du Parti accorde un monopole legal dans l'édition ä un groupe ou ä une organisation littéraire quelconque. En soutenant matériellement et moralement la littérature prolétarienne et paysanne, en aidant les e compagnons de route e, etc., le Partí ne peut donner le monopole ä aucun groupe, füt-ce au plus prolétarien par son idéologie ; cela signifierait la ruine de la litterature prolétarienne avant toute autre. 15. Le Parti doit s'appliquer ä empecher que des éléments incontrólés ou incompétents se melent des questions littéraires ; il doit donner un soin particulier au choix des personnes ou des institutions qui ont l'administration des choses du livre et de la presse, afin d'assurer effectivement ä notre littérature une direction juste, efficace et prudente. 16. Le Partí doit montrer ä tous les travailleurs de la littersture la nécessité d'une juste délimitation des fonctions du critique et de l'écrivain. II est indispensable que ces derniers portent tout kur effort sur le travail de production littersire, au plein sens du terme, en utilisant la matiere gigantesque que leur offre l'actualité. II est indispensable de donner une attention accrue au développement des litterstures nationales des nombreuses Républiques et territoires de notre Union. Le Parti doit souligner la nécessité de créer une littérature qui s'adresse effectivement ä la masse du public ouvrier et paysan ii faut rompre plus audacieusement et plus decidément avec les préjugés seigneuriaux en littersture et, en utilisant tules les conquetes techniques des vieux mattres, élaborer une forme correspondante, intelligible ä des millions de lecteurs. C'est seulement quand elles auront rempli cette grande täche, que la litterature sovietique et sa future avant-garde prolétarienne pourront accomplir leur mission culturelle et historique. Octubre >, 1925, n' 7, pp Texte complet. d'abord, rarement, et ensuite toujours précedés de discussions intenses oj évidemment se sont exprimes de nombreux points de vue, à litre plus ou moins privé. 11 y a evidemment le point de vue de Trotski qui fait beaucoup de bruit quand parait son livre Littérature et Révolution avec sa critique des prolétariens, y a la ligne de Boukharine... Mais tout ça, c'est justement la grande discussion très approfondie, tres diversifiée qui précède la resolution du parti de est un bilan, profondement démocratique à l'interieur du parti, d'une très grande époque de discussion, tres ouverte. LEON ROBEL : Et cette ligne du parti ne consiste pas seulement refuser de donner une exclusivité, une estampille d'orthodoxie à tel ou tel groupe, elle consiste aussi à marquer fortement la spécificité de l'activité dans le domaine litteraire. Je crois que c'est un élément tres important. Ce que je voulais dire quand je parlais de la queue du cheval blanc, c'est qu'il y a un probleme politique très important, et fortement ressenti comme tel lorsque revient Alexis Tolstoi ; paree qu'il revient non seulement sur le e cheval blanc de ses ceuvres completes e, mais ii revient 59 avec ce que l'on appelle le e changement de jalons e. Après l'échec de 1905 un certain nombre d'intellectuels ont rompo avec le mouvement révolutionnaire et se sont regroupés autour du recueil Les Jalons. Vers 1921 certains d'entre eux se rallient à la Russie reelle, ce sont des nationalistes qui ont été dans le camp de la contre-révolution ou qui ont quitté la Russie au moment de la révolution. C'est politiquement un probleme très compliqué, mais le retour de cette tendance, qui a d'ailleurs des repondants dans la Russie soviétique, est ressenti comme un évenement de

62 De gauche à droite Boris Pasternak, S. M. Eisenstein, Lili Brik (en chapeau) et Vladimir Maiakorski Vsiévolod Meyerhold aoulgakov Gorki et des pionniers la nouvelle critique 60

63 lutte politique dans le domaine de la litterature par de nombreux écrivains qui sont du cöté de la revolution. Cette tendance idéologico-littéraire, mais politique aussi, va avoir des prolongements importants dans la constitution de l'idéologie de l'époque stalinienne II serait bon, maintenant, de voir comment ea s'est passe dans la finérature au moment où va se constituer, se cristalliser ce qu'on designe par commodité comme «idéologie stalinienne Le róle de Gorki CLAUDE FRIOUX : Comme élément charniere, il y aurait peut-etre Gorki, parce que d'abord, ii n'est pas là pendant les années vingt, ce qui luí est beaucoup reproché ; les raisons de son absence sont à rattacher à celles qui ont motivé le differend au moment m'eme de la révolution d'octobre, qui lui ont fait écrire cet article violent contre Lénine (les Pensées inactuelles) : leur fondement releve de certaines apprehensions que Gorki, qui connaissait bien les masses russes, a exprimées à ce moment-là. Elles se sont révélées fausses à une certaine écheance, mais elles indiquaient tout de meme un certain type de problèmes que devait rencontrer la culture sovietique. Etant donne le manque de maturae' historique de la société russe, oü l'élément dynamique selon Gorki etait representé par un prolétariat et une intelligentsia progressistes, extremement pelliculaires, à la surface d'une masse encore tres possédée par les structures mentales et politiques de la société patriarcale et une arriération culturelle considerable, Gorki pensait que s'engager dans ces conditions dans la voie dune révolution aussi radicale que celle qu'amorçait Lénine était un suicide. Cela allait aboutir à Paneantissement rapide de ces couches tres minces d'avantgarde prolétarienne et intellectuelle par ces masses qu'il décrivait comme barbares. 11 soulevait le problème de l'incidence politique et culturelle que pouvait avoir le rapport des forces sociologiques de la Russie de Sur le fond, si Gorki a change rapidement d'avis vis-a-vis de Lénine, c'est parce qu'il s'est rendu compte que ce qu'il attendait pour tout de suite n'était pas arrivé ; il reste qu'il avait mis le doigt sur quelque chose qui, un jour ou l'autre, devait se faire sentir. Ce qui fait le plus rever dans ce texte de Gorki, c'est que cela a des airs de Ensuite, il y a les conditions du retour de Gorki, la façon dont, dans une certaine mesure, il a été un de ceux qui ont contribué à constituer le moule du culte de la personnalité, peut-etre à son insu. Mais, manifestement, c'est autour de Gorki que s'est constitué tres vite un schéma extrémement personnalisé de valeurs intellectuelles exprime de maniere tres oppressante. En 1929, avant m'eme la fermeture administrative du Proletkult le premier exemple de décision autoritaire venue d'en haut vis-à-vis de journalistes avec fermeture de revue a pour argument il ne faut pas toucher à Gorki paree que Gorki c'est nous. Et Gorki na pas bronche. LEON ROBEL : Je voudrais rappeler un épisode analogue qui montre Gorki intervenant à propos d'invectives de la revue Feux de Sibérie (Sibirskije Ogni) qui dénonçait assez violemment en lui le représentant d'une litterature dont on ne veut plus. Gorki dit à ce sujet à peu près ceci «Voilà le style de propos qu'il est inadmissible de tenir à l'heure actuelle dans le domaine de la litterature. Pratiques administratives et dogmatisme CLAUDE FRIOUX : On a posé la question : «Comment se sont instaurées dans le domaine de la vie culturelle des pratiques qui devaient aboutir à des catastrophes? Comment les gens ont-ils pu laisser passer de pareilles choses? e Or, quand on voit le debut des annees trente, on constate qu'un certain nombre de mesures ou de phénomenes, comme celui de Gorki ou de la creation de l'union des écrivains sont consideres comme un progres, une sorte de décompression, une garantie de pluralisme, une garantie de libéralisme de l'institution révolutionnaire par rapport au climat tendu, surexcité, au verbalisme des années vingt. Gorki, qui est le grand maitre d'ceuvre de la mise sur pied de l'union des ecrivains, est perçu (pas par tout le monde), mais enfin par l'immense majorité tres diversifiée, quant à leur appartenance, des hommes de culture, comme un moment d'ouverture, de detente, de sécurisation et comme une maniere de dire qu'on peut faire une culture plus tranquille, sans toujours etre asticote, insulté, braille un peu à droite et à gauche. La constitution de l'union s'ouvre dans un concert de louanges (voir Action Poétique, n 59, septembre ). Il y a une sorte de soulagement. Cette ambiguite fondamentale explique beaucoup de choses. ALEXIS BERELOVITCH : Il convient de rappeler que Gorki apparaissait comme le grand humaniste, ayant pris des positions humanistes avec un grand H, notamment au debut de la revolution. En plus, il est le lien vivant entre le passe de la Russie, la grande culture russe et le present. D'autant plus que c'est le moment oü la R. A. P. P. met en avant les mots d'ordre de retour à Leon Tolstoi. II faut noter aussi que le retour de Gorki correspond au debut de la reconstruction, à la reapparition du terme de patrie. Tous ces éléments conduisent un peu à : «Oublions ces années vingt querelleuses, et tous ensemble, participons à l'effort commun e, d'oü les comptes rendus de travaux, les récits de voyages, etc. La cristallisation de l'idéologie «stalinienne» LEON ROBEL : C'est là que se place une bataille passionnante sur le theme : faut-il un Tolstoi rouge? Si nous parlons des éléments qui vont intervenir dans la cristallisation de ce que Ion appelle paree que Ion ne sait pas dire autrement e l'ideologie stalinienne e, dans le secteur de la littérature, il y a des choses qui viennent en droite ligne de la R. A. P. P. et parmi elles, des choses inattendues comme l'idee du monumentalisme (la littérature digne du socialisme doit étre monumentale). Mais il y a des éléments quj ont une origine quelquefois tout à fait différente, par exemple la célebre formule des ingénieurs des ämes qui vient d'un article de Tretiakov '7, publié dans le Nouveau L. E. F., formule tres critiquable d'un point de vue marxiste. BLANCHE GRINBAUM : En France, on a une représentation un peu mythique d'un art de gauche «bien e 17. Tretiakov S. ( ) Poete, journaliste, scénariste, reporter, traducteur, dramaturge. ti fut un des théoriciens et animateurs du L. E. F. Son nom est lié tres étroitement à la littérature Factuelle et c'est lui qui le premier parla de B. Brecht en U. R. S. S. Arrété en septembre 1937 ii mourut en septembre 1939 et fut réhabilité le 26 février Voir in Action Poétique n 54. Septembre S. Trétiakov : e Pour un réalisme factuel. e

64 Résolution sur la refonte des organisations littéraires (23 avril 1932) Le Comité central constate que, au cours des deroteres années, les succés considérables de la construclion socialiste ont permis la croissance en quantité et en qualité de la littérature et de l'art. II y a quelques années, lontque se manifestait dans la litttrature l'influence importante d'éléments etrangers, qui tevaient trouvé en particulier un regain d'activité dans les premiéres iennées de la IV, E. P., tandis que les catires de la littérature prolétarienne étaient encore faibles, le Parli aida par tous les moyens ä la fondation et à la consolidation d'organisations littéraires particuliéres dans le domaine de la littérature el de Part, en vue de renforcer la Position des écrivains et travailleurs de Part prolétariens. Auiourd'hui que les cadres de la lifiérature et de Part prolétariens ont eu le temps de pousser et que de nouveau( ecrivains el artistes sont issus des usines, des manufactures et des kolkhoses, le catire des organisations littéraires et artistiques prolitariennes exislantes (V. O. A, P., R. A. P. P., etc.) s'avére trop étroit el freine l'essor de la création artistique. ('elle circonstancc risque de transformer ces orglenisations, de moyens de mobiliser au nutximum les écrivains et artistes prolétariens autour des hiches de la construction socialiste, en moyens de cultiver l'esprit de chapelle, dc s'écarter des läches politiques de l'actualite et de rompre avec des groupes importants d'arlistes et d'écrivains sympathisant ä la construction socialiste, D'oü la necessité de refondre les organisations litteraires el artistiques et d'élargir leurs bases de Irastud. Dans ces conditions, le Comité central du Parli comnumiste (holchévik) de Russie décide I) 13c liquider Passocialion des écrivains proletterjens (V. O. A. I'. P., R. A. I'. P.). 2) D'unir tous les écrivains qui soutiennent la plate-forme du pouvoir soviétique et s'efforcent de parliciper ä la construction socialiste, en une union unique des écrivains soviétiques, comprenant une fraction communiste. 3) lk proceder ä une réforme analogue dans le domaine des untres arts. 4) 13e conlier au bureau d'organisation le soin d'élaborer les mesures pratiques pour l'exécution de celte décision. LVdillcarlen du Part! a, 1932, n 9, p. 62. Statuts de l'union des écrivains soviétiques le 17 aalt 1934 debuta le premier congres de EUnion des ecrivains dont la Sanlee Wall. gunde fut ouverte par un discours de NI. Gorki. (Voir Action poétique, n" 59 de septembre 1974.) En 1971 l'union des ecrivains comptait ecrivains (dont prosateurs). Encore toutes les personnes ecrivant et publiant ne sont-elles pas forcement membres de ELnion des écrivains, puisque l'appartenance ù Ellnion est Hie entre nutre au stalut de professionnel. De nombreits ingenieurs, geologues, enseignants, etc., ecrivent is il temps perdu ei puldient sans faire partie de EUnion. Le nambre de sen membres donne donc une idée valable mais non complete de la créa(ion littemire en V. R. S. S. les grandes victoires de la classe ouvriére dann Nil heue pour le socialisme ont assuré des possibilités extraordinaires au développement de la littérature, de Patt, de la science et au dtveloppement de la culieue cn gentral. L'adhesion des écrivains sann parli au Pouvoir sovietique et l'immense poussee de la littérature proltiai ienne pose avec insistance le probléme de Punilication des tot ces des écrivains, membres du Parli el sans par ti, en une organisation unique d'écrivains. La décision historique du ('. C. du P. C. ti. (h) du 23 nord 1912 a designe la creation d'une union unique des ecrivains sovieleguts comme forme d'organisation (le cette association. En méme temps, teile decision a indiqué les voies idéologiques et artistiques de developoemen( de la litteratme soviétique. a condition decisive du developprment de la littérieten r, de sa maitrise artistique, de son potentiel ideologinne el politique et de son ellicacilé pratique, est la liaison enteile et (kette du mouvement litteneire IIVCC!es problemes actuels de la politique du Parli et du Potivoir soviétique, la peu ticipation active des tcrivains ä socialiste, une etutle altenlive et approfondic, par les écrivains, de la réalité. Durant les années dc la dictature du prolétztriat, la lifiérature soviétique et la critique litteraire soviétique, avançant avec la classe ouvriére, guidées par la nouvelie critique 62

65 le Parli communiste, oft elabore leurs nouveaux principes de creation. Ces nouveaux principcs oft resulte, d'une part, de l'assimilation critique de l'heritage litteraire du passe, d'autre part, de l'ande de l'experience victorieuse de l'édification du socialisme et de l'epanouissement de la culture socialiste. Ils oft trouve leur expression principal dans les principes du realismo socialiste. Le realisme socialiste, methode de base de la laterature sovietique et de la critique littéraire, exige de Pecrivain sincere une presentation historiquement concrete de la realite dans son developpement levolutionnaire. Ainsi, la veracite et l'aspect historiquement concret de la representation artistique ele la realite doivent s'allier ä la tache d'un changement ideologique et de l'education des travailleurs dans l'esprit du socialisme. Le realisme socialiste assure ii l'art createur une possibilite extraordinaire de manifester toute initiative artistique et un choix de Mimes, styles et genres varies. La victoire du socialisme, la crois-sance j'upetueuse des (orees productrices, jarnais encore vues dans l'histoire de l'humanite. le processus grandissant de liquielation des classes. la suppression de tules possibilités d'exploitation ele rhornme par rhomme et la suppression des contrastes entre la ville et la campagne, linalement les succes ein progres de la science et de la culture, creent des possibilites pour un accroissement qualitatif et quantitatif des (orces creatrices et pour reclosion ele tenis gemes d'art et de litterature. Premier Congre,s de 'Union des fcrivains sorieliques, d'un dile el des vilains prolétariens a de ['mitre. On s'apereoit qu'en (alt, tout le monde a mis les pieds duns le plat asee une sincerité totale. L'al-1 de gauche a ele dans les kolkhoses, au nom de la littérature faesans psychologie, en com. mencant par des reportages, piles un jour on a mis de la psychologie, et puls on a eu des romans kolkhosiens et tout le monde y a ete de son histoire, l'arl de gauche cornme les Proletariens, tout le monde en chreur a cree la suite. CLAUDE FRIOUX : Quoiqu'à ce moment-lä, ils n'onl pes ele (lans les kolkhoses comino y ont ele Babaievsky " et quelques mitres. LtON R : Ce que je voulais marquer, c'est qu'il s'est produit, ä partir de 1934, un net phenomene ele cristallisalion dogmatique qui a eilt pm ses formules, ses altitudes ä (les lieux assez divers el trahue opposes, qui leur a confere une justilieation tont ä fui differente lorsque cela a constitue un element de doctrine preseriptive. CLAUDE FRIOUX : II est certain que eette theorie tolslorenne avec la notion de modele unique dans la litterature, a des origines diverses elle est tintinee par cette tradition un peu academique de recente recuperation, mais elle est aussi dans la ((mutile mamen,: chi dernier moment de la R. A. P. I'. On voit tres bien comment ces ideologies tentlent vers un pere des peuples dans la litterature : (iorki a1 e unique : I.eon Tolstoi. sollt des modéles qui se creent dans la mentulite ele repelente, ä tous les niveaux, par rapport à des personnes, des elassiques, des types d'teuvres tlans la not ion de laterature monumentale, la tragedie en vers, le poeme epique... Ils ont tous untan( les uns que les atares, contribue ä vouloir imposer le modele du coman psychologique, du romanfresque ä premier röle psychologique qui datent de )28, avec, par exemple, la theorie de Phomme vivant, ALEXIS BERELOVITCH : Qui datent mi-me d'avant, avec le premier roman de Fadeiev La Delaite en 192(m. CLAUDE FRIOUX : On s'apereoit que les phenomenes qui vont se cristalliser sous des formes tres peine- 1 ont souvent des origines tressees do tules corles de phenomenes protonds avec une base sociologique coherente el des convergentes qui creusent lit place ä ce qui se stratifiera en ideologie contraignante par la suite. ALEXIS BERELOVITCH : II faut essayer de dater les choses.le concept de realisme socialiste» est avance en II y a beaucoup d'hesitations sur le choix des termes. II y a eu d'abord art socialiste a, pules realisme sovietique a. L'histoire de Pappaniton du tenue est tres importante (voir Action Poétique, n" 44 de 1970, consaere au realisme socia- 11 y a un atore probleme, celui de la delinition du concept ; paree qu'on trouve diez les critiques, les choses les plus differentes. Ce qui est important, pour nous, e'est, dans le concept de realisme social iste cene dualite qui est un des l'emulements ele rideologie «stalinienne en art, selon laquelle l'art est nat ional par la forme el socialiste par le contenti. La grande forme nationale russe elan( le realisme, on y joint le eontenu socialiste, el on oblient le realisme socialiste 1. LEON ROBEL : Ce que j'entendais marq110r, cost comment, claus ce conteste, a pu intervenir ä la fois claus la theorie de la litteratute et clans la pratique litteraire, un cc:atún 63 nombre d'elements que nous designons comme ideologie stalinienne e. Par mi ces elements, il y a done une certaine cristallisation dogmatique de choses yermes d'horizons divers, des conceptions generales de la litterature qui vont s'aligner sur d'atares coneeptions du domaine socio-politique, il y a un cerlain style administratit qui va intervenir all bota de quelques années et tantastiquement aggraver ce qui etait ambitionne par des groupes comme celui de la litterature proletarienne. ALEXIS BERELOVITCH : Quand In die au bota de quelques alinees, c'est ä partir de quand? 1.11:0N ROBEL C'est une histoire (mi reste ä faire, mais cela devient massif ä partir de C1 AUDE FR1OUX : ('elle date que tu donnes est tres mteressante paree qu'elle montw que de qui va se passer dans le domaine des createurs est etroitemenl tributaire de cc qui se passe claus le pays. LEON ROBEL : II faut voir que ces altitudes et ces procedes ora gagne veta el petit daterents domaines de intellectuelle. Par cumple, un des Militantes touches le plus tól est eclui de la linguistique ; on sea que les idees de Marr es, vulgarisées, c'est le cas ele le dire, par quelquesuns de mies eleves, ont 616 imposees tres yac, avec les moyens administratifs les plus brutaux, dans co domaine oü il y avait un travail extraordinaire en U. R. S. S. 18. lluhuiïevski: Eerivain sovietique ni en On associe geneimilement NO11 I10111 Ii ci theorie de 1 11bNCIICr ele emitid e en littérature. II recto en 1949 le prix Staline pour son Le Chevaller à l'halle dar.

66 Les annees 30 ALEXIS BERELOVITCH : II est important de noter que sil y a des dates qui marquent, les phénomènes se chevauchent. Certaines pratiques apparaissent, tres lit, par contre d'autres durent très tard. Ainsi, dans les années trente, certains écrits tres audacieux sur le plan formel paraissent, des maisons d'édition comme «Akademia continuent leurs activités jusqu'ä la fin des années trente. Tynianov publie"... CLAUDE FRIOUX : En 1929, il se passe une chose étonnante. Dans toutes les professions, chez les avocats, les juristes, etc., il y a des réunions du méme type, centrées sur le théme de la consolidation, qui singent le schéma politique : il faut que chacun se trouve une Opposition de droite, une Opposition de gauche et une ligne genérale. Or, que dans le pays il y ait eu, effectivement, une opposition de droite, une Opposition de gauche, et que la recherche d'une ligne générale ait été très importante, c'est exact, mais lä, le lacanisme avec lequel chacun se cherche ses oppositions, et le fait qu'au milieu surgisse d'habitude une obscure médiocrité ou alors un type de tempérament autoritaire, permettait deux insertions : ou bien le fonctionnaire de service ou bien l'individu brillant, mais qui rentrait dans le systéme autori tai re. Ce qu'a dit Bodin est tres important. Aragon a très bien parlé de ces années trente, de cette espèce de passionnent pour la culture. Et les engates, ä partir de 1928, 1929, 1930, reflètent, d'une part, une accélération de la passion des gens pour la culture, mais d'autre part, des idées de plus en plus étroites et feryentes en m'eme temps, et très solidaires de ce qui se profile comme idéologie officielle, pour des raisons d'accessibilité, parce que ce modele correspondait peut-étre ä une fonction pédagogique plus simple et immédiate. Le fait qu'on ait donné au public de masse un poids énorme, cree une espèce de courant qui pousse cette idéologie en train de se constituer et lui fait une sorte de légitimation de masse. Il y a lä toutes ces données de contexte d'une période d'activation, d'exaltation, avec une ambiguité cependant qui tient ä tout ce qu'il y a de tragique dans le progres des mesures répressives et administratives, d'une espece d'engloutissement très lourd pour le parti et l'intelligentsia, mais qui est orchestré par un style tres sincèrement enthousiaste, fervent, de bonne foi. Les enthousiastes LEON ROBEL : C'est la période des «enthousiastes CLAUDE FRIOUX : Et pour les enthousiastes a, ce qui peut y avoir de trouble dans les procès de Moscou passe au second plan. Jis voient des choses énormes qu'ils sont en train de faire, qui changent ä vue d'ceil. Il y a une métamorphose profonde et le sentiment de la promo- La reforme agraire en Ouzbekistan (1926) MARC BODIN : On parle de dates, c'est vrai qu'il y a eu des sauts qualitatifs, des dates qui marquent dans une histoire qui s'est faite progressivement. Mais au sujet des années trente, il ne faut pas oublier que le parti a évolué du point de vue sociologique, il y a eu des campagnes de reprise des cartes et la population des lecteurs a beaucoup évolué par rapport aux années vingt. Et je crois que cela a beaucoup pesé sur les destinées de la littérature. Cela na pas été seulement le fait des créateurs, mais celui de la pression du public, qui a été tres influencé par la Smenavekh (Changement de jalons), par ces éléments nationalistes, la reprise du réalisme. En un mot, la pesanteur sociologique est très différente de ce quelle était en Il y a presque une nouvelle génération qui arrive. décrochage sociologique, de ce mouvement de passion. Ces générations nouvelles qui commencent ä binéficier de la révolution ä plein, qui sont promues dans la vie, une vie dure, mais exaltante, c'est le début de l'orientation vers l'orient la mise en valeur de ce monde nouveau, vierge. II y a lä un second souffie de la révolution avec ces éléments jeunes. LEON ROBEL : Il y a aussi le relächement des contraintes économiques. CLAUDE FRIOUX : Manifestement, les gens, toujours par le relais d'un certain nombre d'organisations qui leur ont donné l'habitude de s'exprimer sur la littérature, sur l'art, se la nouvelle critique Marr ( ), archéologue, spécialiste, à l'origine, des langues du Caucase et des langues semitiques. Marr avait échafaudé une théorie connue sous le nom de «japhétologie ou «nouvelle théorie du langage a. Petit à petit, le «marrisme eut le monopote dass la linguistique soviétique, et ceux qui n'étaient pas d'accord, étaient éliminés de la recherche parfois méme physiquement, comme le grand savant Polivanov. Après la guerre, de violentes discussions s'engagèrent autour du «marrisme a. En 1950, un clébat, ouvert dans les colonnes de la Pravda, se termina par une intervention personnelle de Staline qui ridiculisait le marrisme ; des mesures administratives prises immédiatement après bouleverserent la situation dass les institutions sovietiques et permirent aux linguistes de mener à nouveau leurs recherches. 20. Tynianov ( ), theoricien de l'école formaliste et grand romancier. (La Mort du Vazir-Moukhtar, Pouchkine-roman...).

67 tion. C'est l'époque Tchkalov 21. II y a toute une mythologie tres belle, tres profondément vecue qui assourdit la dramaturgie idéologique, et ces gens-lä assument une page de l'histoire qui pouvait parfaitement coexister avec l'acceptation d'un certain primitivisme dans certains domaines. LAON ROBEL : Dans les années trente, les masses font tres profondément partie de l'histoire et elles interviennent extraordinairement dans le travail des écrivains. C'est une époque oh les gens ressentent la pratique méme de l'écriture comme une reponse au dynamisme social du pays. Il n'y a qu'a lire Ehrenbourg 22, par exemple, qui se met ä élaborer, pour palier du Kouznetsk (un nouveau centre minier en Sibérie) un style totalement nouveau. Dialectique tronquee Dans cette cristallisation progressive d'une idéologie dogmatique qui va mcfire ä mal dans une certaine mesure la littérature et, ô cambien, la critique littéraire, qui va tendre assez rapidement ä assumer le dile de tribunal de la littérature, il y a l'aspect théorique, de mise ä mal de la dialectique. Tout doit entrer dans le scherna : la droite, la gauche, ni la droite, ni la gauche, il faut toujours une droite et une gauche pour que toute espece de philosophie mene oil que ce soit et éliminant la droite et la gauche trouver la ligne médiane qui est la bonne, en littérature comme en tout. D'autre part, je crois qu'il y ä aussi mise ä mal de la dialectique dans le domaine litteraire ä l'époque oh Ion emet la théorie de a l'absence de conflit puis la production de l'absence de conflit. Cela revient, en simplifiant beaucoup, ä ceci : oh substitue ä tute autre espece de dialectique, celle de l'ancien et du nouveau il y a lä un vieil héritage, c'est dans Bielinski 3 d'une certaine façon. Mais la dialectique de l'ancien et du nouveau donne ceci : ce qui compte c'est une des formules de Staline ce n'est pas l'ancien, aussi puissant soit-il, mais le nouveau, mime s'il est tres faible. Et on glisse tres vite : si c'est le nouveau qui compte, il ny a que le nouveau qui compte donc on peut ne pas tenir compte de l'ancien. Et Ion en arrive ä une theorisation qui va amener ä absence de conflit >, qui va faire que méme si ça va tres mal dann les campagnes, ce qui est le nouveau, c'est l'avenir de la prosperité kolkhosienne, donc on va décrire la prospérité kolkhosienne, etc. Voilä comment, en simplifiant d'une façon excessive, évidemment, on peut marquer que la détérioration de la pensée théorique dans le domaine le plus abstrait va pouvoir amener de lourdes consequences dans le domaine de la production littéraire. ALEXIS BERELOVITCH : Je ne crois pas que tu schématises. Et il y a une formule splendide de Fadeev répondant ä un correspondant étranger qui lui demandait ce qu'est le réalisme socialiste : C'est décrire ä la fois le present et le futur. Babaievski dates un village dedicaçant Le Chevalier ä l'étoile d'or LtON ROBEL : Dans le domaine du roman historique, quand on décrit n'importe quelle periode de l'histoire, il faut voir comment cela devait nécessairement aboutir à l'épanouissement socialiste et méme privilegier tout ce qui est le petit nouveau triomphant du massif ancien. Mais ä cette dialectique faussee de l'ancien et du nouveau, il faut 21. Tchkalov ( ), aviateur qui les 18, 19 et 20 juillet 1937, accomplit un vol sans escale Moscou-Portland (U. S. A.) ä bord d'un avion de construction soviétique. Cet exploit et d'autres ä la mème époque, soulevèrent une immense vague d'enthousiasme dans tout le pays. 22. Ehrenbourg : Ecrivain et journaliste. Il est l'auteur entre autres de La Chute de Paris, roman qui met en scène Paris, le Front Populaire, la guerre d'espagne ; et surtout Le Dégel (1955), roman qui suscita beaucoup de 65 ajouter une composante : le nouveau, c'est souvent l'ancien, car il y a une autre idee, ä savoir que le nouveau, ou ce qu'il faut privilegier de façon radicale, c'est aussi ce qui est immediatement accessible ä bous. C'est une autre idee aussi schématisante, selon laquelle l'art valable devait nécessairement étre avalisé par l'adhésion immédiate et totale de la majorité. Ce qui supposait exclusion de tout ce qui n'arrivait pas ä cette adhesion totale, comme mutile, non justifié. Dans le domaine de la littérature, cela a abouti ä un concept tres grave d'élimination, a priori, de tout dément d'avant-garde, de recherche, d'expérimentation qui par vocation ne peut pas étre tout de suite compris et auquel on refusait le droit d'exister du fait de ce trait de nature. Et cela a &e une des choses les plus graves, au nom de laquelle on a réduit au silence tout ce qui avait une validité profonde, prospective, mais ne rencontrait pas immédiatement adhesion ou méme comprehension dans la masse. polémiques au moment du xx. Congres du P. C. U. S. Le litre luim'eme fera fortune. 23. Biélinski ( ), critique littéraire, contemporain de Pouchkine, Gogol, Dostoievski, etc. qui a tenu un rôle considérable dans la vie littéraire et politique de la Russie du XDC siècle. Ses critiques, de tendance socialisante, avaient une autorité incontestable. La critique et l'historiographie soviétique le considèrent comme le théoricien du «grand courant réaliste russe et lui accordent un rede fondamental.

68 ALEXIS BERELOVITCH : Et souvent, en méme temps, la masse a bon dos, paree que apparait ä ce moment-là la confusion des differents niveaux. Le parli étant le parti dirigeant et représentant historiquement les interets de la classe ouvriere, puis ä partir de 1936 du peuple tout entier, ses goúts, ou ceux qu'il proclame, sont forcément les goüts des masses. On descend de la direction jusqu'au peuple. De la 'neme maniere, s'introduit la confusion entre Etat (d'abord russe, puls soviétique) et socialisme avec les grands romans sur Pierre le Grand, le róle d'ivan le Terrible, les «rassembleurs de la terre russe et peu à peu le glissement vers la confusion socialisme-etat soviétique, : si quelqu'un a quelque réticence que ce soit sur le socialisme, il est forcément antisoviétique, voulait dire qu'il allait rendre comprehensible l'art aux masses. C'est sur de telles equivoques qu'on a construit des systèmes. résultats et des débouchés différents, c'est la période de la guerre et de l'après-guerre. Elle est assez passionnante paree que dans une structure tout ä fait conforme à celle élaborée pendant les années trente, qui se reläche un tout petit peu mais par distraction plus qu'autre chose, sous la pression des événements et encore de maniere tres, tres mince et qui reprend tres vite avec une virulence accrue dans ses aberrations après - guerre, il se passe des choses. La réalité provoque, peut-étre plus au niveau des realisations que de la théorie, un apport riche. Après ce cilte, un peu anabolise de la littérature des années trente, sous la pression du conformisme et à cause de toutes ces saignées, la littérature de guerre est une grande époque de la littérature soviétique, une époque tres diverse, mais qui retrouve un souffle, aussi bien dans le domaine des themes que de la vision du monde, de l'écriture aussi. Les premiers tracteurs dans un kolkhoze du Cascase du Nord (1930) done il est en dehors du pays, done ä rejeter completement. On aboutit ä un système dos qui ne peut pas ou tres mal admettre en son sein d'elements héterogènes. Enfin, je voudrais ajouter une precision au sujet de la notion de compréhensible. 11 y a, en ce moment, en U.R.S.S., une discussion au sujet de l'expression : ii faut que ce soit compréhensible. Cette expression vient de Lefine. II aurait dit dans un entretien avec Clara Zetkin : art appartient au peuple... ii doit etre compréhensible et aimé des masses «. Ce n'est done qu'un témoignage sur des paroles de Lénine et non un écrit de Lenine. De plus, d'après un critique, la traduction russe était approximative et peut-étre, en allemand, cela LEON ROBEL : L'idee émise par Berelovitch de peuple-alibi, rejoint un autre problème assez fondamental ; celui de la demarche à l'égard de masses qui n'ont pas une idéologie socialiste. 11 s'agit d'amener ces masses ä une idéologie socialiste. Mais un glissement se produit lorsque, à partir de l'idee qu'il faut etre compris et que pour etre compris, ii faut parler un langage proche de l'idéologie de ceux à qui l'on s'adresse, on se met ä reproduire cette idéologie sans la combattre. Et ça, c'est aussi quelque chose qui est caracteristique de cette période et qui va avoir des conséquences assez néfastes ä certains moments dans la théorie de la littérature et dass la production littéraire. Le temps de guerre CLAUDE FRIOUX : On a vu, avec justesse je crois, que l'histoire de la litterature sovietique n'est pas un secteur à part de la vie soviétique, mais qu'au contraire, elle est étroitement liée à des phenomènes d'évolution sociologique et à cette détérioration de la vie idéologique sur tous les plans. De m'eme on a souligné qu'aucune période de cette histoire n'est univoque. II reste une période, qui au niveau de l'idéologie explicite releve de ce que nous venons de dire, mais ä laquelle la réalité a apporté des secousses, et par lä meme des CLAUDE FRIOUX : 11 y en a qui feront partie des années soixante. II n'en reste pas moins que pendant la guerre, m'eme si au niveau de la theorie, on a continué à répéter un oertain nombre de choses, il y a une certaine vision préfabriquée, sclérosée de l'existence qui a volé en éclats paree que la guerre, c'était brusquement des tas de gens mis dass des situations limites, qui ne pouvaient plus se satisfaire de schémas prefabriques, avec leur diré Epinal. La littérature de cette période est une littérature qui a retrouve, reanimé le sens de la réalité brute, brutale m'eme, de l'existence, des faits non préorientés, d'une problématique morale non automatiquement dénouée par les solutions faciles de type colla nouvelle critique 66 LEON ROBEL : M'eme pour les années trente, ii ne faudrait pas donner une vision apocalyptique de ce qui se passe dans la littérature. Merne à la pire période, il y a des ceuvres extrémement importantes qui s'écrivent. Toutes ne sont pas publiées, c'est vrai, mais elles sont écrites. C'est par exemple le cycle de Voronej de Mandelstam, Tchévengour et plusieurs récits et nouvelles de Platonov, Le Maitre et Marguerite de Boulgakov, mais aussi Klim Sam - guise de Gorki, Le Veau d'or d'ilf et Petrov, les romans de Kavérine, Pouchkine roman de Tynianov ainsi que plusieurs de SeS nouvelles, quelques-unes des meilleures nouvelles de Babel et sa pièce Maria, nombre de poèmes de Pasternak, ou encore dans le domaine de la théorie les travaux de Bakhtine et l'activité de la revue Literatourny Kritik...

69 lectif a. Le theme de la guerre, c'est un peu le theme de l'homme renvoyé ä lui-meme. Ainsi, le theme de l'encerclement. Les meilleures ceuvres de guerre, ce sont des gens encerclés, tout seuls. (Voir les ceuvres de Bek, La Chaussée de Volokolamsk ; Simonov, bars et Nuits de Stalingrad, Les Vivants et les Morts ; Cholokhov, lis ont combattu pour la patrie ; Nekrassov, Les Tranchées de Stalingrad ; Kataev, Les catacombes d'odessa ; et bien súr le journalisme de guerre d'ehrenbourg.) ALEXIS BERELOVITCH : C'est dans l'immédiate après-guerre que ces grandes ceuvres apparaissent. Après, elles redisparaissent pour réapparaltre enfin dans les années soixante. CLAUDE FRIOUX : Bien súr, mais pendant la guerre, il y a le journalisme, cette façon de renouer avec le príncipe de la a factographie dont cela a été le grand äge. Il y a un héritage des années vingt que l'on fait fructifier sous la pression des événements. On retrouve une littérature oil le fait immédiat, vrai, documentaire, occupe la premiere place. LnoN ROBEL : Ce n'est plus tellement le moment des monuments néoclassiques, c'est évident ; et d'autre part, il y a le contact brúlant, quotidien, avec le consommateur immédiat de la littérature, qui est le soldat au front. CLAUDE FRIOUX : Avant d'aller plus bin, je pense qu'il y a le probleme du Requiem 3, c'est-à-dire qu'il faut se rendre compte de ce qu'ont edité, pas uniquement ä la littérature, mais ä la vie sovietique, en particulier au parti, ces années tragiques. II faut concevoir cette saignée humaine catastrophique au niveau des cadres de la révolution, de l'etat soviétique, qui pesera longtemps et aussi ce par quoi le public, par un effet-retard > va étre doublement victime, d'abord de cet anéantissement des hommes et aussi des ceuvres. (Ainsi, Meyerhold, Babel, Mandelstam, Tretiakov, Markich, Voronski. Au cours des perquisitions et des arrestations les manuscrits étaient clétruits ou saisis. De cette maniere des ceuvres écrites non publiées ont évidemment disparu à jamais.) Toutes les générations qui vont venir après la guerre vont étre élevées dans l'ignorance de phénomenes fondamentaux de la culture soviétique des premières années. Ehrenbourg dira tres bien Ce livre fait retrouver le nom de Babel 26 ä des générations de jeunes sovietiques qui ont ignoré totalement son existence n. Ce phénomene a crié un public tronqué. C'est pour cela qu'il faut apprécier tres profondement le moindre élément de reconstitution du panorama réel de la culture soviétique de puis ses origines, reconstitution à laquelle on assiste depuis le XX» Congres. Cela reconstitue aussi le public, capable d'appréhender les choses dans leur plénitude, alors que pendant toute cette période dont on va parler maintenant, c'est un public préconditionné, dont la vision du monde a été dénaturee de façon un peu gene LtON ROBEL : Dans la période de 1946 ä 1954, le type désastreux d'intervention dans la littérature auquel on a accolé le nom de e jdanovisme (voir Action Poétique, n 43 de 1970, consacré à Jdanov), la mutilation du champ culturel, la suppression d'ceuvres tres importantes, la perle de la perspective de l'évolution de la littérature soviétique se sont accompagnées de l'instauration d'un ton incroyable de la critique littéraire et de l'histoire de la littérature. Cela a pesé tres lourd et la réparation des dégäts a été une des täches, d'ailleurs menee ä bien dans une tres large mesure, par le Congres des écrivains de 1954 (voir La Nouvelle Critique, n 53 (mars) de 1954 a Les problemes actuels de la culture soviétique a), puis le XX. Congres. II y avait dans le milieu des écrivains des potentialités considerables L'après-guerre Ilya Ehrenbourg au front avec un membre de l'escadrille Normandie- Niemen rale, et par cette détérioration de l'idéologie, et par ce tronquage de l'information sur un certain nombre de choses extérieures ä l'union soviéfique, mais aussi sur des aspects tres importants de l'histoire sovietique, da la culture soviétique. 24. e Factographie e Théorie développée par les théoriciens du L. E. F., en particulier Tretiakov et Tchoujak, pour lutter contre le psychologisme en vigueur dans la littérature bourgeoise. Elle defendait le principe d'une «littérature factuelle 25. Requiem, c'est aussi le titre d'un célebre poème de la poétesse Anna Akhmatova ( ) t'era entre 1935 et 1957, qui na jamais été publie en U. R. S. S. Cette ceuvre reflète ratmosphère de la «grande épuration de 67 Constantin Simonov et le cinéaste Roman Carmen en 1943 de reprise critique et de travail pour penser ce qui s'était produit et essayer de dégager une voie. ALEXIS BERELOVITCH : Ceutt qui vont se mettre à parler à. ce moment-lä sont ceux qui se sont tus Babel : un des plus grands écrivains soviétiques. Né en 1894 à Odessa. II tut arrété en 1939 et mourut en Rehabilité en II est rauteur de la célebre Cavalerie rouge dédié a. l'armée rouge et à son chef L. Trotski, et des Contes d'odessa qui mettent en scène la communauté juive d'odessa au début du siècle. 27. Citation tirée de la préface d'ehrenbourg à la réédition des ceuvres de Babel en 1957.

70 -rterer. I. - j : e A. % 1 1 '141 ide j./.....t ; >, e e I e, ide MI"; ,. i r 4,...:.10,,,, 4..e._,-; '/ t. l ', ril". e)!( '4t4 enjor.zir i\r, \h %.r..4\..t" C 11 Le premier CongHs des instituteurs (1925) avant comme Paoustovski et Ehrenbourg. Non pas qu'ils n'aient rien écrit, mais ils n'ont pas eté awc avantpostes dans la période precedente. LION ROBEL : Il est tres frappant de voir que l'institution littéraire a eté, malgré tout, capable d'un.effort assez prodigieux qui a pu préfigurer, dans une certaine mesure, les tendances qui se dégagerent du XX. Congres. CLAUDE FRIOUX : 11 faut en voir les causes. Dans ces institutions finéraires, il y a des personnalites qui ont été les garants de bien des choses méme si elles ne l'ont pas exprime théoriquement ou polemiquement. On sait maintenant comment s'est constitué ce qui va servir de masse de manoeuvre à ce moment : la < quatrieme génération "». Ce congres lui-méme n'est ni bureaucratique ni antibureaucratique. II draine la réalité de ce qui s'écrit en U. R. S. S. à ce moment-là. Et dans le cadre de cette réalité apparaissent de nouvelles attitudes, de nouvelles écritures. Des écrivains comme Kazakov ont écrit, ont été formes dans le silence d'années difficiles par ces grandes figures. LtON ROBEL : 11 ne s'agissatt pas seulement de figures célebres. En interrogeant les écrivains de cette génération, la quatrième, on s'aperçoit qu'ils ont été profondément formes, souvent dans de petits cercles qui se réunissaient autour de teile ou telle personnalité, à travers tout le pays d'ailleurs, pas seulement à Moscou ou Leningrad, mais en province et dans les républiques. CLAUDE FRIOUX : Des gens comme Paoustovski, Pasternak, ou comme Etkind ", à titre académique ou à litre de grands ancétres ont véritablement suppléé ce qu'avaient de &lile les elements drainés par l'institution et joué le róle de mainteneurs du sens de certaines valeurs, de certaines exigences au niveau de la créativité. Une figure shakespearo-dostolevskienne du bilinguisme moral LEON ROBEL : Maintenir et continuer a quelquefois pris des allures extraordinaires, shakespeariennes. Que penser, par exemple d'une figure comme Tarassenkov, critique qui après avoir écrit des articles non denues de finesse sur Pasternak oü ti exaltait son ceuvre, allait, au moment de la dénonciation des < cosmopolites», écrire des acides délirants oü ti s'accuse d'avoir osé parler en termes élogieux du cosmopolite Pasternak. Mais en m'eme temps, Tarassenko a une mission dans la vie, c'est de rassembler tout ce qui a été publie en fait de poésie de langue russe au xx e siècle, pour tout garder dans sa bibliotheque afin quelle passe à l'avenir, et il est capable de faire n'importe quoi, d'écrire les pires horreurs sur ses plus proches amis pour pouvoir conserver complete sa collection de la poesie russe du "oc. siècle. 28. Quatrième génération : Terme utihe' pour qualifier la génération d'écrivains que Ion situe généralement dans le mouvement qui a suivi le < dégel (milieu des années 50 et années Etkind : Spécialiste éminent de poétique, de littérature francaise contemporaine et de théorie de la traduction. II est actuellement professeur l'université de Paris X. e la nouvelle critique 68

71 CLAUDE FRIOUX : Ce que dit Robel pose un problème tres important, qui a presque une dimension sociologique, c'est la détérioration morale du milieu des intellectuels, des écrivains, dans les années de conformisme a. Cela a pris des formes shakespeariennes et dostoievskiennes. On a appelé cela le a bilinguisme moral a. C'est le drame des périodes où ii suffit de dénoncer son voisin pour avoir son appartement. C'est la tentation perpetuelle qui a joué terriblement en milieu intellectuel, et détérioré les choses de façon encore ressentie actuellement. Et cela a secreté quelquefois, de vrais filous dépourvus de tout scrupule, qui ont compris qu'il suffisait de ronronner des formules pour avoir des places. Mais en plus, il y a ces consciences torturées, qui ont été plus ou moins consentantes, mélées aux pires affaires, et qui après, par un réflexe purement dostoievskien, sentant leur propre indignité, en ont rajoute. LEON ROBEL : Ce qui est tout à fait extraordinaire, c'est qu'écrivant un article de dénonciation, hallucinant, sur tel ou tel de ses propres amis, un homme comme Tarassenkov le faisait venir et lui disait a Je voudrais que tu lises ce que je viens d'écrire. Est-ce que tu es d'accord avec moi? et comme lautre disait : a Tu es un salaud, je ne veux plus te voir a, it éclatait en sanglots en disant : Comment, toi, mon meilleur ami! CLAUDE FRIOUX : Ce phénomène est un des éléments résultant de tout un contexte sociologique du milieu culturel sovietique qui a été épouvantable et qui fait partie d'un héritage que ion ne liquide pas du jour au lendemain. ALEXIS BERELOVITCH : Je ne suis pas d'accord avec Frioux sur le fait que cela ait joué terriblement a dans le milieu intellectuel a. Je ne sais pas si cela a joué plus terriblement dans ce milieu que dans d'autres. CLAUDE FRIOUX : Il y a des raisons objectives à cela. Dans le milieu intellectuel, cette tentation a été particulièrement importante parce que la différence entre la condition de l'écrivain arrivé qui était un demidieu et celle du réprouvé, atroce 69 Fadéev d la tribune de l'union des écrivains en 1947 quand 1 commençait à avoir des ennuis, était énorme. LEON ROBEL : Le standing moral a et les intellectuels surpayés ont été une marque de l'époque d'une part, et d'autre part, écrire n'est pas la méme chose que de fabriquer des pièces de moteur. On peut fabriquer de la fausse critique et de la fausse littérature en étant très incompétent. 11 est beaucoup plus difficile de fabriquer des bielles en étant totalement incompétent. Cet aspect-là des choses a eu aussi son importance. ALEXIS BERELOVITCH : Pour revenir à la question des mainteneurs, je trouve que Frioux, répondant à la question, a fait ce que Ion fait toujours lorsqu'on parle de la littérature soviétique, il est tombé dans des catégories morales paree que le problème moral se pose, que le contentieux n'est pas réglé. Et je crois qu'il faut insister sur la notion de a bilinguisme a: cela a été le règne du mensonge. Done, ce que ton maintenait, c'était la sincérité. Et après le XXc Congrès, le thème a été Retrouvons la verité, la sincérité, redisons ce que nous pensons.

72 Le relle du XX Congrés, reconstruction du champ culturel LEON ROBEL : Nous en venons maintenant au travail du XX. Congres. II y a, bien entendu, la réhabilitation d'un certain nombre de grands écrivains qui avaient été frappes par la répression. II y a la remise dans le circuit d'ceuvres écartées, la reconstruction du champ littéraire et pas seulement de la littérature des années vingt, mais aussi de la critique littéraire, de la littérature extérieure à l'u. R. S. S., russe et non russe, en un mot, tout un travail de reconstruction. CLAUDE FRIOUX : Et ce travail de reconstruction du champ littéraire LEON ROBEL : Je pense que lorsque nous voyons le travail, dans ce domaine, parallèlement aux efforts qui ont été faits pour remettre en route les institutions de façon plus démocratique avec tules sortes de difficultés, ii faut considerer aussi la relance d'un certain allant de la littérature en contact avec un vaste mouvement d'opinion. C'est une des choses les plus frappantes quand on parle de cette quatrième génération et pas seulement delle, mais aussi des gens des générations antérieures qui se sont remis à écrire avec une certaine allégresse, avec un retour de la recherche dans le domaine de l'écriture, de la thématique, etc. Je crois que I' encore cela ne se comprend pas autrement qu'avec l'ensemble des faits, la véritable marée populaire que l'on peut constater à l'époque. Nous bous qui étions sur développement de la littérature à ce moment-là. Le fait, par exemple, que les poètes vont apparaitre à nouveau comme des sortes de tribuns, qui expriment les pensées et les sentiments populaires, devant les masses. C'est l'aspect dominant de cette période, mais il faut voir aussi la contrepartie. Répercussions sur la recherche et l'enseignement littéraires- Avancées et pesanteurs La N. C. Avant que ron entame la contrepartie, est-ce que tu pourrais preciser si cela a eu des répercussions au niveau des bibliothèques, de l'enseignement. Y a-t-il eu des changements repérables? LEON ROBEL : Bien sfir, encore que cela n'ait pas avancé aussi rapidement, mais enfin, pour prendre le plus gros exemple : Dostoievski a retrouvé une place, pas en tout petits caracteres, une vraie place dans les manuels de littérature. Et puls, il y a eu tout un mouvement qui n'a peut-are pas porté bous ses fruits, sur le theme : éducation esthétique de la jeunesse. On a fait des efforts, qui n'ont peut are pas toujours abouti, cenes, pour que dans les manuels d'histoire de la littérature, ny ait pas seulement : tel classique, exprimait le point de vue de teile classe..., mais pour qu'il y ait un minimum d'analyse des fonctionnements de la littérature. Le theätre de la Satire ti Moscos présentant Les Bajes de Maiakovski La N. C. Y a-t-il eu une refonte genérale des programmes, des méthodes? se poursuit de façon ininterrompue. LEON ROBEL : Avec, sur des points particuliers, des freinages. CLAUDE FRIOUX : Mais il a une dimension continue et c'est, à mon avis, un des éléments confortants de tout ce qui s'est passé depuis ce moment. Ce travail a pu subir tel ou tel zigzag mais il est poursuivi tenacement par des specialistes, des intellectuels, académiques ou non, qui, à mon avis, ont parfaitement conscience de ce qu'ils font, de l'importance exceptionnelle de rette restitution minutieuse, scientifique. C'est un acquis, un gage de l'avenir dans la mesure ori cela contribue à constituer un public informé. ayant les éléments de reflexion. place dans ces années-là avons assisté à d'immenses meetings sur des problèmes d'esthétique par exemple. Je me souviens, en 1956, au Festival de la jeunesse, l'exposition de peinture, y compris abstraite, et autour de rette exposition l'immense foule oil se déroulaient des discussions qui duraient des heures et des heures et U ion entendait de tout. Par exemple des gens formes dans l'atmosphère de la période precedente disant II faudrait brüler tout ça! > et une réaction extraordinaire de jeunes et pas seulement de jeunes disant Vous &tes des fascistes... a Il y a un mouvement enorme qui est le résultat du XX. Congrès et sans lequel on ne peut comprendre le la nouvelle critique 70 CLAUDE FRIOUX : Non. Il faut bien voir les problèmes du système soviétique, qui ne me semblent pas toujours résolus, c'est-à-dire le clivage et le cloisonnement tres net qu'il y a entre la recherche, l'enseignement supérieur et l'enseignement secondaire et primaire. Ce sont vraiment des mondes assez clos, imperméables les uns aux autres, et qui semblent concerner différemment les masses. L'enseignement secondaire portant sur les grandes masses le supérieur un peu fournissant surtout l'encadrement de ces grandes masses dans le secondaire ; on le considérait comme devant are tenu un peu à Pecan de problèmes trop compliques. La recherche, elle, du fait mérne quelle était relativement maintenue à l'écart de l'enseignernent

73 Sur l'enseignement de la littérature en U.R.S.S. La littérature classique russe (le >tu siècle essentiellement) est très largement représentée dans les programmes de toutes les classes. Jusqu'en 8 (14-15 ans), on étudie les auteurs ä partir de textes choisis, en insistant sur leurs déterminations historiques et sociologiques (comment, par exemple, Gontcharov représente la moyenne bourgeoisie de son temps). II semble en revanche que Pon suive moins strictement que chez nous la rigueur de la division traditionnelle par siècles correspondant aux classes. C'est une tradition, on étudie beaucoup par cceur les poèmes classiques de Pouchkine, Lermontov, Nekrassov, etc., mais également les extraits en prose (Tourguéniev, par exemple). L'exercice écrit est coneu très différemment : on demande ä l'éleve une composition sur un auteur, une ceuvre ou un personnage en vue de contróler ses connaissances (ti Décrivez Eugene Oneguine u, le heros du roman en vers de Pouchkine). Mais la différence essentielle tient sans doute ä la perspective générale de l'enseignement littéraire en U. R. S. S. ; les préoccupations morales de la littérature russe classique de Pouchkine ä Gorki, son engagement politique et social prédisposaient, semble-t-il, l'enseignement littéraire ä jouer un ritte éducatif de premier plan dans la formation idéologique et a civique 1. des jeunes. D'ailleurs, des la classe de ft (16-17 ans), l'histoire de la littérature se substitue ä l'étude littéra'_re proprement dite. Rien d'étonnant si Je contenu des programmes a toujours enregistré les grandes secousses de la vie littéraire : pendant tute une période, Dostoievski et Essénine n'ont pas figuré dans les manuels ; Akhmatova, Brioussov et les autres représentants de e la décennie honteuse (selon l'expression méme de Gorki) en seront euxaussi exclus (Blok sera connu par une version expurgée de son poème Les Douze). Depuis la publication du Maiire et Marguerite, Boulgakov, par exemple, a pris place dans les programmes. Dune facon générale, la littérature moderne (soviétique) a un róle assez effacé dans l'enseignement (Gorki et Maiakovski jouent les premiers rötes). Dans les écoles spéciales oft Fon apprend une langue étrangère des le primaire, la littérature etrangere est présente. N'est-ce pas alourdir des programmes déjä considérables pour des enfants de cet äge, demandent les professeurs? Le débat sur la pédagogie de Penseignement littéraire dans son ensemble est d'ailleurs très animé. supérieur jouissait d'une tolérance tres exceptionnelle. C'est une remarque que Ion peut faire encore à propos du fonctionnement du sysfeine dans l'état actuel des choses, bien qu'il évolue. Mais pendant ces années-là, cela restalt encore très fort. Dans les instituts spécialisés, très vite on a pu lire n'importe quoi, mais on n'en parlait pas trop aux étudiants. Et l'enseignement secondaire a continué à fonctionner de façon traditionnelle, pour des raisons qu'il faudrait analyser ; il y a indiscutablement de trés grandes pesanteurs sociologiques, il y a un cadre de gens formés dans la période précédente. Au niveau des manuels du secondaire, on continue à avoir une vision tres peu historique, trés hagiographique, c'est-à-dire une série de «portraits de famille» que Ion commente, une conception de l'oeuvre trés figurative, moralisante. Les manuels ont légérement change, mais dans la matière de l'enseignement, la spécificité de la catégorie littéraire est encore envisagée très faiblement. Ceci dit, il n'empéche que, malgré ces cloisonnements, tout ce qui se fait à un étage finit par imprégner le reste. LEON ROBEL : II faut noter aussi le nouvel épanouissement dans le domaine de la recherche en théorie de la littérature. CLAUDE FRIOUX : Et.cela va très bin. II faut voir la surprise de gens qui ont été récemment en U. R. S. S. face à la contradiction qu'il y a entre la valeur de pointe de la recherche sémiologique en U. R. S. S., qui est un des lieux les plus avancés dans le monde et ce que Ion apprend aux petits Soviétiques, à I 'é col e, sur Pouchkine. Lotman 3 est un bon exemple de la volonté très remarquable d'un homme de faire en sorte qu'un travail théorique trés poussé, dont il a conscience de l'importance, soit dirigé au moins vers le supérieur. D'oft une édition à peine schématisée, avec des exemples de traitement de texte en direction du public universitaire, pour sortir du monde un peu dos qu'est la recherche soviétique. C'est déjà un manuel pour le supérieur. 30. Lotman : Un des principaux animateurs de l'école sémiologique de rartu. Bibliothèques en U. R. S. S. L'U.R.S.S. compte bibliothèques, doni bibliothèques techniques, scolaires, scientifiques et de diverses spé- Sur les bibliothèques publiques, soni urbaines avec chacune en moyenne livres et revues et soni rurales (6 800 livres et revues en moyenne). Elles relèvent soit du ministère de la Culture (84 millions de lecteurs inscrits), sott des syndicats (24 millions de lecteurs), soit des kolkhozes, soit d'autres administrations sons réservées aux enfants (en plus des sections spécialisées). Le nombre d'ouvrages empruntés en moyenne dans Vannée par cha que lecteur inscrit va de 18 (villages) à 24 (bibl. pour enfants). (Chi/ /res de 1972.) 71

74 A lexandre Beck Alexandre Tvardovski A droite Cholokhor Paoustovski la nouvelle critique 72

75 LEON ROBEL : Tiré à vingt-sept mille exemplaires. CLAUDE FRIOUX : C'est un exemple extrimement intéressant qui montre qu'il y a perméabilité et quelle est à attendre, mais qu'elle rencontre encore des difficultés. LEON ROBEL : II faut marquer aussi que dans les instituts de province, quelquefois de toutes petites villes de province à travers tout le pays, il y a actuellement un travail de recherche, quelquefois tout à fait remarquable. Notamment sur les questions de poétique. 11 y a une armée extravagante pour nous de gens qui se sont mis au travail de recherche en théorie de la littérature, sur la littérature sovietique, sur le style de la prose des années vingt, etc. Il y a des equipes formées, et il faut quand méme se dire qu'elles n'ont pas surgi comme cela, ce ne sont pas des champignons. C'est vrai qu'il y a une masse d'enseignants de la littérature dans le secondaire qui sont nettement plus préoccupés par l'orthographe que par les aptitudes esthétiques, mais il y a aussi des gens qui ont une tout autre qualité. Et c'est une chose classique d'entendre dire par tel ou tel jeune t'ehvain : < J'al été éveillé au goilt litteraire à l'école secondaire. Et puis il y a actuellement dans les instituts pédagogiques et dans les universités et 'neme petites, des foyers qui aspirent des jeunes étudiants, les propulsent dans la recherche et cela commence à donner des résultats si nombreux que nous ne parvenons plus à les dépouiller. Problèmes des tirages, politique de l'edition CLAUDE FRIOUX : A ce sujet, y a un document intéressant, qui est plus qu'une revue académique ou très, tres spécialisée, c'est la revue Questions de littérature, qui a un assez gros tirage ( exemplaires) et oft depuis de longues années, paraissent quelquefois sous forme de débats contradictoires tres interessants des textes, des analyses, des critiques d'un niveau assez poussé et qui sont très modernes. LEON ROBEL : C'est actuellement une des toutes meilleures revues en U. R. S. S. et elle est d'ailleurs un organe de l'union des écrivains. MARC BODIN : Je voudrais dite anecdotiquement qu'il y a trois ans, Kharkov, jai essayé d'acheter le dernier numero de la revue qui ne contenait pas d'article plus sensationnel que d'habitude et je n'ai pas pu me le procurer. Cela pose le problème du tirage, de l'édition. Ainsi, lorsque Ion republie Babel, c'est tres positif, mais à quel tirage le publie-t-on? A combien oe tirage est-il accessible? D'une façon genérale, les tirages, m'eme considerables, n'arrivent pas à satisfaire les besoins. Tout ce qui est intéressant, tres souvent est difficile à trouver. Il y a donc tout un problème de la politique de l'édition. Ainsi, il y a trois ans, il a été procede à une répartition du papier pour la presse périodique hebdo, mensuene, etc. Cette répartition a fait que des magazines de grande diffusion et de mediocre qualité comme Ogoniok et La Kolkhosienne ont vu leur tirage augmenter énormément, et que des revues comme Novy Mir 31 et Questions de littérature n'ont pas pu augmenter leur tirage alors que la demande existait. Ce problème de l'édition, d'aspect purement matériel, certes, est important, meme sil est compensé par une décentralisation de ces publications, comme au temps du Proferku/r. CLAUDE FRIOUX : Les bibliotheques, elles aussi, jouent un t'ole compensatoire des faiblesses de l'édition. Elles ont toujours joue un röle. A l'époque a difficile, elles étaient hiérarchisées, et il y avait des catégories de lecteurs. Certaines n'avaient acees qu'à certains types de livres. On prenait ses risques en demandant des auteurs pas à mettre entre toutes les mains o. Cela continue un peu, mais dans une bien moindre mesure. Cela nous conduit, après avoir dit tout ce qui a bouge, à envisager tout ce par quoi cela na pas été facile. D'abord, il y a eu des freins, des mauvaises volontés, des sabotages. 11 y a eu des gens, des groupes, qui n'étaient pas contents de ce qui se passait et qui dans toute la mesure de leur pouvoir empéchaient le mouvement. Ces vestiges-là ont été tres importants et cela a été une lutte serrée. Indiscutablement au niveau de l'édition cela a été un combat. 31. Novy Mir, revue dirigée par le poete Tvardovski, qui a joué un róle tres important dans les années soixante, en publiant de nombreux auteurs de la o quatrieme génération C'est cette revue qui a assuré la première publication d'une journée d'ivan Denissovitch 1962, n' 11, et de La Maison de Matriona 1963, no I, de Soljenitsyne. Le tirage moyen d'une ceuvre littéraire en U. R. S. S. na évidemment rien de commun avec ce que nous connaissons en France. Mais Imite comparaison ne peut (re faite que compte tenu des populations respectives rapport 1 a 5. Le Décaméron de Boccace a té edité depuis 1917 au total d'exemplaires. Le Don Paisible de Cholokhov a té entre 1928 et 1965 reedité 226 bis en 22 langues, atteignant un total de exemplaires. Mais plus interessants sont ces quelques chi/tres moins spectaculaires qui portent sur une seule édition Pouchk ine, (Euvres en 6 vol., 1969, exemplaires. Dostoievski, Crime et chatiment, 1966, exemplaires. Gogol, CEuvres en 4 vol., 1968, exemplaires. Tolstoi, Anna Karenine, 1966, exemplaires. Ajaev, Loin de Moscou (Prix Staline 1948), exemplaires. Grin, Les voiles canales 1958, exemplaires. Maiakosvki, CEavres en 8 vol., 1967, exemplaires. Leonov, CEuvres completes, 1971, exemplaires. Kataev, CEuvres completes, 1971, exemplaires. Paoustovski, euvres completes, 1970, exemplaires. Simonov, CEuvres completes, 1970, exemplaires. Aitmatov (écrivain kirghize) Nouvelles, 1970, exemplaires. Aouezov (écrivain kazakh), Le Chemin d'abai, 1971, exempl aires. Kazakov, Deux en décembre, 1966, exemplaires. Aksionov, o Domina ge que vous n'ayiez pas té 16 e, 1969, exemplaires. Zakroutkine, La création du monde, 1967, exemplaires. Evtouchenko, Les neiges blanches, 1969, exemplaires. Des revues comme Novy Mir tirent c) exemplaires. Moscou tirent exemplaires. Zviezda (Leningrad) tiren' exemplaires. Octobre tirent à exemplaires. Literatourndia Gazeta (hebdomadaire de l'union des écrivains de l'u. R. S. S.) annonce dans son dernier numero de décembre 1974 quelle aura en abonnés soit de plus qu'en

76 L'U. R. S.S. est le premier producteur du monde de pare O papier et papier et ce depuis longtemps. Sa production de papier pour 1972 a té de :orines (en augmentation de 5 % par rapport ). Mais ce chiffre considérable ne doit pas /aire oublier que IV. R. S. S. est aussi le premier éditeur du monde, et que l'augmentation de production de papier ne parvient pas O rattraper celle des besoins en papier dont ceux de l'édition. Ce problame n'est dailleurs un secret pour personne et apparait réguliarement dans les colonnes de la presse soviétique. Pour améliorer la situation, sinos la régler, l'u.r.s.s. a mis en chantier ces derniares années plusieurs usines géantes de production de palé a papier et papier. Ainsi avec tachavement du bar. ragegéant de Bratsk a té mise en chantier une tras importante usine de ce type O Bratsk. Actuellement les Soviétiques sont en train de construire O aust-llim sur l'angara une usine géante de fabricador( de papier qui sera alimentée en énergie par la plus puissante central( électrique du monde en construction également O Oust-Ilim. Mais ils savent déja que, lorsqu'elle fonctionnera O plein rendement, cette usine ne permettra pas de satisfaire les besoins en papier qui auront augmenti entretemps. Le problame qui se pose aux Soviétiques est, en schématisant, le suivant :ii leur faut augmenter considérablement et rapidement la production de pcite O papier. Pour ce faire, ii faut aller la mi est le bois et ténergie, c'est-a-dire en Sibérie, avec les problarnes de climat, dinfrastructure, de main-d'ceuvre qu'y pose la construction. Les Soviétiques savent tras bien ce que la mise en valeur de la Sibérie est O mime de leur apportes dans tous les domaines, grace O la principal( richesse quelle recale : ténergie inépuisable de res fleuves. C'est elle qui a fait de cene mise en valeur tobjectif n I du développement en U. R. S. S. Des tas de gens, pour des las de raisons appréhension, crainte, ou bien red déplaisir ne voulaient pas que certains auteurs soient publiés massivement. lis acceptaient soulement des publications au compte-gouttes pareo que le vent souffiait dans ce sens-là, mais avec une mauvaise humeur manifeste. II y a eu de vieux «bougons qui disaient a Ca c'est un bouquin douteux ; puisque maintenant ii faut etre liberal, je veux bien vous en donner deux mille exemplaires. Ce sera pour les bibliotheques et puis on n'en parlera plus. Et puis quand les étrangers viendront, on leur dira : Ah! mais il y a eu une édition jis ne regarderont pas le tirage. Parmi ceux-là, il faut noter les gens à qui reellement telle ou teile ceuvre ne plaisait pas. Ainsi Tvardovski, qui a éte' capable de faire oe Victor Nekrassov qu'il a fait pour Soljenitsyne et tant d'autres, quand ii s'est agi de republier Zabolotski " a rechigné paree que cela ne lui plaisait pas ;ii avait, lui, une autre conception de la poésie, celle de Vassili Tiorkine". II ne comprenait pas ces trucs bizarres un peu surrealistes et disait tres gentiment à peu pres ceci a Mais pourquoi voulez-vous mettre ça dans ce bouquin Mettezle en note si vous voulez! LEON ROBEL : II y a beaucoup dire là-dessus paree que Zabolotski lui-meme à la fin de sa vie était assez reticent pour certaines de ses couvres de jeunesse. Et j'ai entendu de mes propres oreilles Vsévolod Ivanov dire à peu près a Oui, on a été jeunes, on pensait la nouvelle critique 74 que la forme était quelque chose de tres important et après, on a compris que ce n'était pas sérieux! CLAUDE FR1OUX : Tu as tout fait raison, c'est pour cela que j'insistais sur les motivations tres diverses de ces tripotages d'édition. Certaines sont dues à des vestiges de &marches sélectionnistes autoritaires manifestes. Mais d'autres sont le fait de gens de bonne foi qui avaient un certain goilt et enfin, c'est un troisième fléau, celui des createurs euxmimes, ne reecrivant pas toujours leurs oeuvres à coups de trique, et, comme ça, paree que leur goüt avait change et ce qui est terrible pour l'acheteur souhaitant qu'en librairie n'apparaisse que la dernière version. Cette politique de l'édition fait partie de cette lutte. Ce qu'il faut dice, c'est que, malgré tout, le trou s'élargit, cela progresse. Malheureusement, il y a d'autres vestiges plus graves. D'abord, il y a des choses qui ne sont pas encore sorties. Bek Platonov... Et puis, en 1958, il y a le proces Siniavski, qui est un épisode à yaleur un peu typologique. C'est deja du passé, mais cela a montré quelle dimension prenaient ces vestiges. Cela 32. Zabolotski N. ( ). Poete soviétique dont le debut de l'activite littéraire se situe en II est aussi traducteur, en particulier de poetes georgiens. 33. Vassili Tiorkine, grand poeme épique de Tvardovski racontant l'histoire d'un soldat soviétique pendant la guerre.

77 a été grave et le partí communiste français a cu raison de reagir au niveau des príncipes en disant que c'étaient des choses qui lui paraissaient inacceptables sur le plan de ces principes mémes, paree qu'on a cnvoyé quelqu'un au bagne à cause de ses livres. Or c'était nouveau. Auparavant, on avait toujours trouvé autre chose. On n'avait jamais pris quelqu'un en lui disant comme ä Sin iavski «On na rien à vous reprocher en particulier sur le plan politique, les cadeaux de vos amis qu'on a trouvé chez vous, c'est tout à fait normal. On vous assigne en justice paree que vous avez echt des nouvelles fantastiques. > Et le dialogue entre le procureur et l'écrivain porte entierement sur le gerne, l'écriture, la conception de ce qu'est un héros littéraire par rapport à la vic. Vous avez écrit une nouvelle fantastique, c'est une insulte ä la mémoire des morts de la guerre. Voilà le type de logique qu'on tut a opposé, et il a fallu qu'il se défende 1 en faisant un cours sur ce qu'est un personnage littéraire, sur la distance entre un personnage littéraire et un personnage de la vie, sur la spécificité de la littérature, C'est le type du phénomene transition. II y a quelque chose qui appartient au passé : la trappe style 1 années trente ou quarante un jour, Vassili Axionov les types ä chapeaux arrivent, prennent un Babel ou un autre, et il disparait. Ce n'est plus 9a, cela ne peut plus etrc ça. II ny a plus le cóté trucagc qu'il y avait dans une affaire comme celle de Babel dans le dossier duquel on a trouvé en tout et pour tout une sorte de filature de quelqu'un qui a dit qu'au Congres des intellectuels pour la culture, on l'avait vu parler avec Gide et Malraux, ces e affreux antisoviétiques qui à l'époque étaient organisateurs du Congres et en odeur de sainteté. On avait fait jouer l'histoire ä l'envers et fait crime à Babel de n'avoir pas prévu que Malraux et Gide allaient devenir des e affreux e. Avec Siniavski, par contre, on discute, avec le bagne ä l'appui, mais on discute. Ce proces est une sorte de bilan terrible de l'époque, paree qu'il y a une enorme ingenuité de la part des accusateurs. Le cóté littéraire va apparaitre car ä ciité de l'accusateur public se tiennent des hommes de lettres, au nom du réalisme contre le tantastique. Le texte du proces est disponible et on y volt le eilte' different. Ce n'est pas le style d'une autre epoque, c'est tout à fait autre chose. En méme temps, c'est plus terrible car c'est d'idéologie en cause. vraiment une question de la littérature qui est ALEXIS BERELOVITCH : Ce que dit Frioux pose le probleme du terme mme' de vestige. Peut-on parier exactement de vestige? II tut un temps en U. R. S. S. oft, pour expliquer tout ce qui n'allait pas, on parlait de vestiges du passé. Pcut-on vraiment parier de rupture entre ces époques 7 CLAUDE FRIOUX : Ce que je veux dire, c'est qu'il y a un rapport de prépondérance de tel ou tel phénomene. Cela ne veut pas dire qu'il y ait discontinuité ou rupture, mais que dans une situation, un oertain phénomene appartient ä un type qui a ou na pas une dimension grandissante, qui a ou na pas derriere lui le dynamismc du contexte. ALEXIS BERELOV1TCH : II me semble que, si on bisse se dcvelopper autre chose tollte une branche reste profondément imprégnée de l'esprit d'avant et ce, à tous les niveaux. 75 II suflit de rare la derniere résolutkm du Comité central de 1972 Ion retrouve certains concepts. Pour les ceuvres elles-mt:mes, il y a une litterature mise au premier plan, c'est souvent celle qui a conservé une marque du passe. Tout le monde a dit, quand Bondarev est passé du Calme ä La Neige en Fest, il a fait un pas en avant, atteint la maturité dans son art, etc. Done, les schémas restent extrémement forts, et la part de la production littéraire qui continue ä fonctionner sur ces schémas est importante. Le «nouveau» reste minoritaire CLAUDE ERIOUX : II est exact que l'élément matériellement prepondérant de l'édition, du fonctionnement littéraire ou culturel continue ä manier les mémes concepts, ä privilégier les mémes choses, ä quelqucfois inspirer les mémes démarches politiques administratives cc qui explique cert ai os épisodes récents franchement inadmissibles. le e nouveau e est minoritaire. Ce

78 qui n'est pas non plus absolument anormal. Si Ion voulait faire la 'neme elude de nos sociétés, on s'apercevrait que cela ne fonctionne pas tout ä fait comme dans les revues pour intellectuels. On a fait ça dans le domaine du théätre, ä Vincennes. Toutes choscs égales d'ailleurs, faut voir ce qu'est la vie theätrale de masse ä Paris pendant plusieurs saisons. Boing, Boing 1 est tres bien place! On peut le regretter dans un régime socialiste et penser que cela devrait etre autrement, mais il y a lä un élément presque s normal s. A cöté de cela, tu dis : on tolere des choses, avec des hauts et des bas, comme ce malheureux Mandelstam qui ne fait plus de mal ä personne, mais n'est toujours pas edite (N. D. L. R. edité depuis le debat ä ( exemplaires). El y a un cöté fragile, menace, au niveau de l'édition, de la créativité, mais je crois que ce qui est important, c'est qu'autour de ces éléments se constituent des concrétions qui assurent les chances d'un elargissement, m'eme si cela ne se traduit pas de façon immédiate. Mais ä part cela, il y a, au niveau global, une remise en place des choses dans la tete d'un public qui, de plus, va s'élargissant et ce, pas seulement dans le domaine russe par exemple, tres récemment Lamiere d'ere, de Faulkner, largement publié dans Novy Mir. Cela cree des bases irreversibles. Ensuite meme si actuellement on assiste ä un ralentissement qui correspond aussi ä l'après-explosion de défoulement tout ce qui est passé dans la conscience du public soviétique ä la faveur de cette generation a créé des attitudes et des besoins nouveaux. La situation actuelle LEON ROBEL : Nous avons dit, au sujet des périodes antérieures, la maniere explicite dont le littéraire est lié au politique en U. R. S. S. Je voudrais faire une premiere remarque, ä propos de la position du parli communiste français. Nous avons dit qu'empecher les écrits d'atteindre le public, de façon spectaculaire ou non, n'est pas, ä notre avis, une bonne méthode, paree que cela produit toutes sortes d'effets négatifs ä la fois dans la production litteraire, dann la circulation des idees et dans la sante idéologique et politique du pays. Une deuxieme remarque porte sur la politique du P. C. U. S. dans le domaine de la littérature. Il me sembit: que le terme de consolidation, que nous avons déjä cité, n'a plus la meme signification aujourd'hui qu'en 1934 (Résolution du Comité central du P. C. U. S. sur la critique littémire, en janvier 1972). II est surprenant qu'un parti communiste, ayant des tas de problemes par ailleurs, sorte une resolution sur la critique littéraire. Je crois que, fondamentalement, c'est un document purement politique, directement en relation avec la décision de combaftre les tendances nationalistes les plus déclarées, tendances constituées en quelque chose qui s'apparenterait ä un parti nationaliste. Cela fait partie des réalités politiques, sociales et idéologiques de l'u. R. S.S. La consolidation, dans une situation comme celle-lä, est une tentative d'équilibrer, paree qu'il y a un jeu subtil, difficile entre ces différentes tendances, dont certamen traversent aussi le parti. II y a evidemment la vieille garde ä tendance stalinienne qui occupe encore des postes importants, il y a les gens qui se considerent sous le signe du XXc Congres et bien d'autres, y compris des courants dont la pensée n'est pas eloignée de celle d'un Soljenitsyne. II y a une diversite ideologique qui ne trouve pas de moyens d'expression toujours adaptes et qui a tendance ä deboucher, selon les vieilles traditions russes, dann la critique littéraire. C'est la raison pour laquelle la résolution a porte sur le domaine de la critique littéraire. II me semble done que l'évolution m'eme de la politique genérale du P. C. U. S. a une grande incidence sur l'évolution de ces phénomenes dans la litterature. La politique de consolidation peut avoir des aspects négatifs par le maintien en place d'un certain nombre de gens qui font de la mauvaise littérature et de la tres mauvaise politique dans la littérature, mais cela peut aussi avoir l'aspect positif de la préservation des potentialités de développement d'autres courants. CLAUDE FRIOUX : Cet éclectisme prudent rend des chances ä une compétition des M'antes, dann un sens comme dans un autre. On a l'air de demander quelquefois au P. C. U. S. de faire le despote éclairé. Après lui avoir reproché de faire le despote pas éclairé, on voudrait qu'il fasse le despote éclairé. II y en a un qui a essayé de le faire gentiment et ceci, dans certains domaines, c'est Khrouchtchev mais cela n'a pas toujours marché. Ce qu'il y a de plus positif dans la politique actuelle du P. C. U. S., c'est de chercher une amélioration globale de la démocratie sous tules la nouvelle critique 76 ses tournes, et dan,' eartams dornaines dont celui de la littérature, la volonté de non-interventionnisme autoritaire peut etre considérée comme conforme au sens de l'évolution genérale de la société sovietique. Etant donne l'héritage des réalités dans le domaine culturel soviétique, un comportement non autoritaire expose ä laisser la réalité s'affronter dans ses forces réelles. LEON ROBEL : La seule chose que Ion puisse regretter, c'est qu'on ne donne pas les moyens ä ces forces reelles de s'exprimer dans la darte. CLAUDE FRIOUX : Encore une fois, dans la politique du P. C. U. S., il y a aussi le reflet des différents courants qui pesent. Ce sont les meilleurs eléments qui ont cette conception de la démocratie, il y en a d'autres qui seraient pour continuer la vieille ligne et ils pesent, en litterature comme en économie. ALEXIS BERELOVITCH : Je ne demandais pas au P. C. U. S. d'etre un despote éclairé. Mais il me semble que le parti n'est pas neutre dans l'histoire. II y a eu une serie d'interventions dans le scul domine de la litterature qui ont, par exemple, changé quatre comités de rédaction de revue en cinq ans, dans differents camps, bien sin., mais ces changements procedent d'une certaine politique. Certains intellectuels sovietiques ressentent le parti non pas comme un arbitre qui laisse jouer les tendances, mais comme prenant fait et cause pour un certain nombre de tendances et en conséquence une serie de tendances cherche sa voie, en dehors du parti et, pour une serie de raisons historiques, quelquefois en dehors du marxisme. CLAUDE FRIOUX : Ces tendances existent aussi dans le parti, ii n'est pas en dehors de ces confrontations d'idees. Depuis ce débat, un certain nombre d'événements et de laus littéraires son! intervenus. Départ d'u. R. S. S. (volontaire ou non) de plusieurs écrivains, publication en U. R. S. S. et au dehors d'eeuvres significatives. Ces éléments nouveaux doivent étre pris en compte dans la seconcle phase du débat qui portera sur l'état actuel de la littérature soviétique, travers son fonctionnement concret, ses wuvres, ses formes spécifiques.

79 nc actuelles Mouvement d'idées Le journalisme de Marc Paillet par Aimé Guedj 78 La N. C. a lu Bachelard, le jour et la nuit de Dominique Lecourt par Janine Guespin - Michel 80 Le Livre de Manuel de Julio Cortazar par Carlos Serrano g I Porporino de Dominique Fernandez par Claude Perrus 82 Hegel, essai de renouvellement critique de Théodor Litt par Olivier Schwartz 83 Recherces Internationales : le féodalisme à Byzance par Charles Parain _ 84 Pratique n" 3/4 par Yannick Mancel 86 La N. C. a vu Ballets ù l'opéra de Paris par Jean - Louis Martinoty 87 L'Eveil du l'intemps, la Hanse Macabre de Wedekind par Helene Roussel _ pleut toujours oü c'est mouille de Jean-Daniel Simon par Emile Breton 90 La N. C. signale 91 Les Echecs 93

80 Mouvements cridées Marc Paillet Le Journahsme Rédacteur en chef ä l'agence France- Presse, Marx Paillet publie un l irre interessant sur le journalisme. La liste des travaux sur ce sujet est déjä Iongue. Marc Paillet ne peut les ignorer et ce n'est pas diminuer son mérite que de constater au passage tont ce qu'il leur doit. On aurait aimé par conséquent qu'il manifeste ä leur egard mojos de désinvolture. 11 est vrai qu'il s'agit d'un a essai > et que personne n'avait tenté avant lui cette synthèse ambitieuse et... rapide sur les «fonctions et langages du quatrième pouvoir us L'exposé suit l'information dans sa genese et son developpement, depuis son émergence ä la source (chap. I et u), sa mise en forme problématique (chap. 111 et iv), jusqu'à sa diffusion et ses avatars selon le double système des media (chap. y et v1). Une place particulière est réservée ä l'audio-visuel (chap. vil). Et l'ouvrage s'acheve comme il a commence par une réflexion sur les rapports entre a Information et Société > (chap. vin), l'information jouant, sebo Marc Paillet, un róle determinant au cceur du pouvoir. Si le mode d'exposition est u génétique», le mode d'explication est structural s. La recherche porte en effet sur a les fonctions que remplissent les diverses formes de l'activité journalistique, les structures qu'elles suscitent et le raste systime que les combinaisons infinies de telles structures engendrent dans la realité u (p. 7). II y aurait beaucoup ä dire sur ce structuralisme, son radicalisme apparent, son conformisme réel. mais nous y reviendrons. Notons, pour le moment, qu'il n'est pas seulement méthodologique : II se présente comme une arme a scientifique u contre le marxisme. Marc Paillet invoque péleméle les recherches nouvelles en économie, sociologie, psychologie, et meine les a acquis fondamentaux de la biogénétique > pour révoquer en doute, propos du journalisme, a la denendance fondamentale dans laquelle le marxisme plaçait (on relèvera au passage l'ideologique saveur de cet imparfait) les "superstructures" par rapport donnes. Le sens 1 assigne le heu et l'enjeu du drame qui se joue et que cet essai sur le journalisme ne fait qu'illustrers Son heu : l'empire du signe, donc des superstructures qui désormais déterminent l'infrastructure (voir plus haut). Son enjeu : u La fonction (au sens 3) manipule, ä l'échelon le plus élevé, des abstractions, des signes. C'est meine cette irruption du signe qui inscrit en creux la possibilité de son pouvoir > (p. 161). Cette fonction (au sens 3) est par essence conservatrice : u Portée par le flot révolutionnaire, la fonction, ä peine installée au pouvoir, est infiniment plus conservatrice et repressive que la propriéte» (p. 27). Mais elle se heurte ä la fonction (au sens 2) qui, elle, est par essence révolutionnaire. 11 n'est pas pensable que celle-ei l'emporte sur celle-lä, ou reciproquement : le drame est permanent. Bien que date historiquement, il a d'ailleurs quelque chose d'intemporel. Les fonctions, en s'affrontant, font fonctionner le systeme c'est leur dernier sens. Si nous traduisons ce langage en termes politiques, cela donne : Toute classe au pouvoir devient repressive la classe s bureaucratique» (alias ouvrière) plus escore que la classe a technocratique u (alias bourgeoise). Toute institution est fondamentalement conservatrice, par nature, par u éthique > et par... a incompréhension u (p. 29). C'est vrai des institutions en place, plus vrai escore des a contre-institutions > de l'opposition. C'est pourquoi «la critique de l'opposition ne peut constituer en aucun cas une garantie de liberté de la presse pour demain > (p. 158). Un changement de régime ne changerait donc rien au problème ; on pourrait méme craindre qu'il ne l'aggrave. On ne saurait done souhaiter ni le triomphe d'une classe sur une autre, ni leur collaboration, mais la pérennisation de la lutte de classe : une sorte d'équilibre dans la tension. Au terme de cette réflexion a socio-politique > on decouvre que l'idéal de Marc Paillet c'est le maintien de ce qui est : le spectacle Arne société en crise on tous les conflits s'aiguisent sans parvenir ä résolution. C'est ainsi qu'il concilie le radicalisme de sa critique avec la timidité de ses positions. Autre paradoxe : Tout en exaltant la foncton critique (fonction au sens 2), l'auteur encourage une attitude obscurantiste. A la limite toute verité est repressives Marc Paillet oppose ä un journalisme a qui se veut mise en ordre u son reve «d'une autre forme de compte rendu eloigné le plus possible de tollt sens, de tout ordre, de toute pregnance culturelle, de tute intentionnalité...» (p. 216). II y a d'une part le hasard, d'autre part la necessité ; d'une part le u bruit» du monde, d'autre part le sens ; d'une part le fait inepuisable, d'autre part son emasculation par la fonction (au sens 3): d'une part l'attitude objective qui respecte le fatt dans son émergence, c'est-à-dire dans son desordre, d'autre part l'attitude engagée qui a transforme immédiatement l'émergence en élément integre», qui la met en cage, qui rétala nouvelle critique 78 aux infrastructures u (p. 8). Le point de depart et le point d'aboutissement de l'ouvrage est la these suivante : La a maitrise politique», de Werne que la a maitrise économique u passent par la u maitrise de signes >. D'on l'importance rnajeure et première du discours, de l'idéologie, donc des media dass le monde d'aujourd'hui a Simple illustration d'une modification essentielle entre infrastructure et superstructure (au sens marxiste du terme), laquelle modification privilegie la superstructure, donc le signe > (pp ). C'est prendre les choses de IMn et de haut : mais l'ambition de Marc Paillet est vaste... II est possible sans doute (nous nous y emploierons) de faire le départ entre cette ambition qui le depasse et le sujet réel de son livre. Entre une remise en cause peu serieuse du materialisme historique dune part, et, d'autre part, une analyse parfois pertinente du raste système des media. Après tout. nul ne demande ä l'auteur d'etre marxiste pour parler intelligemment de ce que d'expérience ii connait : son melier de journaliste. Pourtant, cette volonté d'en decoudre avec le marxisme affecte l'économie d'ensemble de l'ouvrage, affaiblit sa portee, entraine bien des confusions. Pour lui, autant que pour nous, nous le regrettons. Quoi qu'il en soit, ce ne serait pas rendre justice ä l'auteur que de negliger le sens de sa demarche. La vision du monde qu'il substitue au marxisme donne ä sa diese sur le journalisme son éclairage ; et un concept donne la clé de cette vision : celui de a fonction >. Ce concept reçoit dass le livre plusieurs acceptions. 11 a tout d'abord un sens linguistique : Les fonctions dont it s'agit sont celles du langage. II a ensuite un sens malaisément définissable : de quel domaine releve la a fonction critique» opposée ä la a fonction idéologique e, comme la science au mensonge? II n'est pas fucile de préciser son statut, escore mojos son point d'insertions 11 semble quelle ait quelque chose ä voir (si elle ne se confond pas) avec l'explosion scientifique et technique qui se situe «ä la base u (?) et qui transforme en profondeur les rapports de production (p. 23). Enfin et surtout la fonction prend son troisième sens en s'opposant ä la propriété : elle a gouverne de façon médiatisée» (p. 26) ; elle a a remplacé la propriété comme base du pouvoir > (p. 161). Cette these n'est pas nouvelle. Elle survit ä tous les dementis que la vie ne cesse de lui opposer : pour en rester au domaine qui nous intéresse, celui de la presse, l'expérience récente d'europe I est ä mediter ; qui détenait reellement le pouvoir? La u propriété u représentée par M. Denis Baudouin, ou la u fonction représentée par M. Maurice Siegel? Résumons. La a fonction u est tout ä la fois 1) Une métaphore linguistique 2) Une force qui va, tirant d'elleniefile son dynamisme et sa loi 3) La base et l'instrument du pouvoir. Ces trois sens sont parfaitement coor

81 blit l'ordre ; d'une part enfin les media critiques par exemple Le Point, d'autre part les media idéologiques par exemple L'Humanité. Et Marc Paillet conclut : Emergence brute et organisation informationnelle, voilä done deux termes logiques, mais non réels, qui bornent aux deux pöles le champ du journalisme (pour no parler que de cela). C'est la tension dynamique de ces deux exigences contradictoires qui remonte sans cesse le ressort de l'information et, par voie de conséquence, agite comme nous l'avons entr'aperçu toute la société» (p. 216). En fin de compte, c'est ä rempiriocriticisme. nouvelle version, que Marc Paillet emprunte ses armes contre le marxisme. Vieille chanson y aurait sans doute beaucoup ä dire sur ce theme ; sur la remise en cause de la rationalité, de la science, du réel par 'Ideologie dominante dans la crise actuelle. Mais meme si l'auteur nous y entraine, ce n'est pas id notre propos. Nous quitterons par conséquent ces hauteurs philosophiques pour revenir ä nos journalistiques moutons. Marc Paillet emprunte ä lakobson sa classification des fonctions du langage fonctions référentielle, expressive, conative, phatique, etc. Ces fonctions ne jouent pas le meme reile dans l'ouvrage. La fonction référentielle a fonction du rapport le plus "pur" possible de la nouvelle ä révénement > (p. 107) pose un problème fundamental (qu'estce qu'un fait?) qui concerne au meme degre tous les media. La fonction phatique «vérification du fonctionnement du "code" infomationnel» (p. 114 intéresse plus particulièrement l'audio-visuel. La fonction cona - live, qui se manifeste dans le choix des cibles a (p. 123), entraine une «structuration des media selon les destinataires visés e (p. 121). C'est ce que l'auteur appelle le a système 1». Lequel comprend, solidement articulés entre eux selon la complémentarité de leurs destinations sociales, les media d'establishment et les media populaires. Vaste ensemble que recoupe le a système 2 1, structuré ä partir de la fonction expressive (expression implicite ou explicite d'un point de vue, d'une opinion) en media idéologiques et en media critiques. A y regarder de plus près, on s'aperçoit que le systeme propose par rauteur repose d'abord sur la prise en compte du destinateur (qui exprime quoi?) et du destinataire (qui lit quoi?) du message journalistique. A quoi s'ajoute secondairement : le procédé global de communication (écrit, parlé, télévise), la périodicité de la communication (mensuelle, hebdomadaire, quotidienne, horaire, voire instantanée), a l'occupation de l'espace» (en termes plus simples : presse parisienne ou regionale), etc. Tous ces facteurs affectent le contenu meme du message et se combinent pour produire l'immense diversité des media. La synthèse parait séduisante. Rien ne semble échapper au regard. Pourtant il faul se méfier d'un structuralisme de façade. En tant que mélhode, il n'a pas de valeur heuristique ; les concepts linguistiques sont d'un emploi analogique. La presentation est nouvelle, l'explication l'est moins. L'apparente rigueur est obtenue au prix de bien des réductions. La pertinence de certaines analyses n'exclut pas lb peu pres. La cohérence de l'ensemble a des limites. Prenons l'exemple de la fonction référentielle. Elle pose le problème capital de l'objectivité de rinformation 1, qui constitue, en quelque sorte, le fil directeur de l'essai. Place devant la masse inépuisable des événements, eux-memes inépuisables, qui se produisent ä tout instant partout dans le monde, le journaliste est obligé de choisir et de hiérarchiser ses choix. Marc Paillet souligne avec raison l'importance de a la grille culturelle qui sert d'instrument sélectif» (p. 14). II montre que rette grille a pousse ä retenir sur le fond les faits qui sont favorables ä l'ordre établi a, (p. 29) et ä négliger systématiquement le a tissu des événements humbles, mais innombrables, hésitants mais prégnants, qui ont autant sinon plus de valeur pour une civilisation que les hauts faits prétendument décisifs (p. 13). Pourtant, lorsqu'il évoque le système des media en pays socialistes, système dont l'originalité précisément est d'accorder ä ces événements humbles l'importance qu'ils méritent, c'est pour trailer par le mépris cette orientation. Première contradiction... a Un seul aspect de la réalité n'est pas la réalité» (p. 57). Par exemple, on ne peut rendre compte de raventure spatiale en sen tenant au sensationnel. a Qu'est-ce qui compte? demande Marc Paillet Le pied du premier astronaute sur la Inne ou tout ce qui la rendu possible (p. 105). L'information est done une «création critique» du journaliste, sinon il flottera comme un bouchon ä la surface des faits. a Chaque grand événement informatif est une expérience scientifiqque a (p. 82). C'est pourquoi le nouveau journaliste ne peut plus se fier ä son flair. II lui faut une solide formation de base, des connaisances theoriques générales et spécialisées, un savoir historique du problème trabe, etc., afin d'etre capable de saisir toutes les dimensions d'un fait et den dégager l'élément significatif (cf. p. 78). On ne peal que souscrire à une (elle ambition. Pourtant, chaque fois qu'il nous propuse un exemple, Marc Paillet privilégie une conception bornée, étroite de l'information. C'est la prime donnée ä la «Kremlinologie», la «Pekinologie», le procès d'intention. La critique s'exerce le plus souvent des cuisines ou des coulisses ; ses a décryptages a sont d'autant plus subtils qu'ils sont plus superficiels. II est bon de ne pas 'eire dupe mais certaines demystifications sont profondément mystificatrices par le sens dans lequel elles orientent l'attention du lecteur. Victime de la grille culturelle qu'il dénonce, Marc Paillet manque trop souvent l'essentiel. Secunde contradiction... Marc Paillet souligne ä juste litre le rále des a arbitres» de l'information (directeur, rédacteurs en chef, etc.). Ce sont eux qui «décident de laisser ou non passer tel ou tel élément choisi 79 dans le flux événementiel» et qui a déterminent fréquemment le choix luimeme > (p. 34). Ces arbitres sont membres (ou dépendent) des classes dominantes : On devine en quel sens leur choix s'exerce. Mais alors que devient le e journaliste nouveau a dont rauteur exalte l'activité critique? Marc Paillet parle a d'affrontement a (avec les institutions > d'ailleurs plutót qu'avec les patrons), le plus souvent feutré et courtois > ob a la subtilité est toujours gagnante a (p. 61). II estime qu'au moins en co qui concerne les agences de presse, la concurrence» garantit une certaine objectivité. L'argument parait faible : nos journaux reçoivent leurs informations des quatre grandes agences a occidentales a (A. F. P., Reuter, A. P., U. P. I.). Si ces agences ne parlent pas exactement le meine langage, si leur point de vue quelquefois se diversifie, leur a concurrence >, limitée ä des sujets mineurs ou ä la recherche de la rapidité dans l'obtention et la diffusion de rinformation, masque, en la renforcant, leur essentielle identité. Sans aucun machiavelisme, d'ailleurs, leurs grilles culturelles, leur idéologie, leurs a valeurs sont les memes. Marc Paillet reste sur e point dans l'ä peu près, voire dans l'illusion. Attitude d'aulant plus surprenante que, rédacteur en chef ä l'a. F. P., il ne peut ignorer la crise que traverse actuellement son agence. La gestion de l'a. F. P. dépend pour une part essentielle des abonnements souscrits par les organismes d'etat. L'emprise du pouvoir se fait aujourd'hui plus brutale dans le cadre d'une reprise en main générale des media. Et ron comprend de quel prix est pour le pouvoir, une plus grande a docilité a de l'agence, quand on sait que nombre de journaux de province n'utilisent que l'a. F. P. Or, les précédents d'europe 1 et de po. R. T. F. montrent que le danger est réel. On s'étonne que l'auteur n'y fasse pas au moins allusion. En fait, it ne s'intéresse pas aux conditions reelles d'exercice de la profession. II n'est pas sensible ä la crise qui l'affecte, au cheimage, aux concentrations. D'ob la superficialité surprenante de certaines a explications a. Par exemple il constate la disparition quasi totale de la presse d'opinion «Ce n'est pas un hasard si le point de vue de telle ou teile partie de l'opinion politique est généralement exprimée par des publications non directement engagees a (p. 153). La faule en incomberait au militant de base qui exige ä la fois le respect de révénement et la défense de la position idéologique qui rend nécessaires tules surtes de manipulations! Autre exemple : La position de monopole qu'occupent certains quotidiens régionaux, et leur apparente dépolitisation n'est pas le résullat prévisible du processus de concentration capitaliste dans la presse, processus 1. Nous avons pour notre part abordé ce problème (cf. a Le Monde n, critique idéologique et politique d'un journal, Editions Sociales et La Nouvelle Critique, numéro 53, mai 1972 : Critique de quelques instants».)

82 accéléré par la politique du pouvoir. Non, ce serait pour l'essentiel le fruit d'une restructuration des media en fonction du róle grandissant de la radio et de la télévision dans la diffusion des nouvelles. Sans doute cela se traduit par un surcroit de conservatisme ; mais «par le seul effet de la logique technique a (p. 121). II est vrai que Marc Paillet a libére les superstructures et le pouvoir de leur dépendance ä l'égard des infrastructures et de la propriete. Tout se passe donc comme si il y avait d'une part un journalisme ideal pratique par un journaliste modele et d'autre part des institutions par definition conservatrices, y compris celles des media. Troisieme contradiction... Marc Paillet montre comrnent le système des media constitue une vaste entreprise d'uniformisation idéologique qui, aux Etats-Unis, touche ä la perfection. Tous est mis en ceuvre pour intérioriser les contraintes et produire une libre adhésion. Ce qui n'exclut pas d'ailleurs l'intransigeance, ä l'occasion. C'est ainsi que l'americain a a été f a- gonné, on pourrait meme dire conditionné, de maniere souple ä des reactions de rejet par rapport ä ce qui n'est pas l'american way of life» (p. 194). Les autres pays a occidentaux a n'en sont pas lä, mais jis y tendent. Marc Paillet analyse la division du travail ä l'interieur du a système 1 a. Les media d'establishment se caractérisent par une objective duplicité : II leur faut ä la fois fournir un maximum d'information avec le mínimum de deformation possible et écarter les classes populaires de.cette information essentielle. a Les dirigeants ont besoin de savoir, eux, ce qui se passe vraiment, ou ce qu'ils croient tel ; habillant ou faisant habiller le fait de vetements qui le masquent souvent, ils ne veulent pas etre dupes de leur propre systeme > (p. 129). Les media populaires se chargent de l'habillage, ou plutót du travestissement. Tout concourt donc imposer le point de vue de l'ideologie dominante. Nous ne pourons que souscrire a une tele analyse, dont Marc Paillet demande qu'on excuse le cynisme. Nous avons nous-memes constaté qu'on trouve tout dans la presse, y compris l'aveu de ses propres mensonges (et nous citions, dans un artide a De la diele comme réponse idéologique a quelques-uns de ces aveux). Mais alors comment peut-on mettre tous ses espoirs dans des media critiques, quand ii apparait clairement qu'ils jodieret un r0le regulateur d l'intérieur dun système conservateur par essence? Quatrieme contradiction... II y aurait peu ä attendre de la presse d'opposition. Aux Etats-Unis, c'est l'evidence : ou bien elle diffuse la méme idéologie dominante, ou bien elle est ä ce point isolée quelle sent d'alibi. 11 peut existen dans un tel ensemble des media de tules surtes, y compris un organe du partí communiste, des publications gauchistes, voire des emissions contestatrices. Mais cela se déroule sur un front d'acceptation globale ä la disposition de quoi est placé un savoir-faire etendu et stabil (p. 194). Aux Etats-Unis soit, mais ailleurs, mais en France on existe une Opposition de classe, qui a ses organes de presse et une longue expérience 7 II est significatif que Marc Paillet ignore la presse syndicale et notamment La Vie ouvrière qui est pourtant un journal de masse. Plus significatif encore qu'il regle son compte en quelques phrases ä la presse communiste. Au-delä c'est toute presse de parti qui lui parait menacée d'idéologie, donc aliénante. Nous avons vu comment explique sa progressive disparition. Enfin et surtout l'opposition s'institutionnalise :a Autant et mime par/ois plus que les institutions dominantes, ä proportion qu'il lui faul se défendre de toutes parts a (p. 32). L'opposition est donc placée devant ce dilemme : ou bien une institutionalisation qui la rend conservatrice (a son discours s'ossifie a) ou bien une marginalisation qui la rend inefficiente. Le journaliste rebondirait a d'un conformisme ä un anticonformisme tres conformiste ä sa maniere a (p. 32) ou il vitupererait dans le vide, comme le philosophe sur son tonneau. Problématique desespérante comme le reconnait Marc Paillet II sen faut pourtant quelle soit innocente. A. G. (Editions Denoél, 1974, 30 F.) La N. C. a tu Dominique Lecourt Bach elard Le 'pur et la nuit Le jotas et la nuit, c'est, d'après Bachelard, les mondes contradictoires de son ceuvre épistemologique et de son ceuvre poétique. Mais Lecourt, par une lecture altenlive et originale de cet auteur, va déceler, au sein meme de l'ceuvre epistémologique, une seconde contradiction, qui double et explique la premiere ; le jour et la nuit c'est aussi, selon Lecourt, la demarche matérialiste de Bachelard et son a illusion épistemologique Avec la clarté du vocabulaire et la rigueur de l'expose qu'on lui connait déja, Lecourt va suivre au cours du temps le dit et le non-dit de la double ceuvre de Bachelard, la confrontant aux theories et aux connaissances la nouvelle critique 80 de son temps, nous entrainant pas ä pas dans une lecture qui se donne d'entrée de jeu comme faite ä la lumière du materialisme dialectique. Et total d'abord, une constatationquestion : pourquoi Bachelard propose-t-il constamment, projet lamas realisé mais jamais non plus renié, la fondation d'une z Philosophie adequate aux sciences de son temps 7 Pour repondre ä cette question, Lecourt analyse l'édifice théorique elaboré par Bachelard, recherche les constantes comme les variations et les hésitations de la pensée de son auteur. Au fil des pages nous apparait un Bachelard qui denonce avec vigueur l'inadéquation des philosophies aus sciences de son epoque, sans rejeter les prémisses de ces philosophies, leur projet Memo d' a adéquation aux seiences a. Un Bachelard qui, dans un travail polémique contre ses collegues philosophes, construit une conception entièrement nouvelle du proees de la connaissance, conception que Lecourt a pu résumer ainsi : Les sciences produisent des connaissances objectives qui s'enchainent en un processus dialectique sans fin de ririte croissante» (p..80). These qui rangerait aussitöt Bachelard dans le camp materialiste, si celui-ci ignorant qu'il y eät deux camps en philosophie, ne limitait lui-meme sa découverte aux sciences du XX siècle, postulant, sans s'y attarder, l'adequation antérieure des philosophies aux sciences. D'oü son projet de cette philosophie a polyphilosophique adequate aux scienc-es de son temps, projet irréalisable, nous montre Lecourt, parce qu'incompatible avec une conception materialiste des sciences. Ce serait donc en quelque sorte pour résoudre cette contradiction qu'il ne peut bien évidemment pas percevoir lui-méme que Bachelard s' a echapperait e dans la face nocturne, idéaliste, de son ceuvre. Mais cette contradiction aura permis ä Lecourt d'analyser et de généraliser, ce qu'il appelle a l'illusion épistémologique a. a En posant la thèse de l'objectivite des connaissances, Bachelard se donne les moyens de poser un probleme jusque lä insoupconne : celui des formes historiques concrites oid se rinlise le processus sans fin en quoi consiste la production des concepts scientifiques. Le terrain qu'il ouvre est ainsi celui d'une théorie de l'histoire de la pratique scientifique, de ses conditions (historiques et materielles) et de ses formes a p. 98). Mais Bachelard ne saura pas reconnaitre ce terrain nouveau. Rencontrant ces problèmes scientifiques, il va les penser en termes philosophiques. Voilä l'illusion, dont Lecourt analyse longuement les differentes composantes ; c'est l'essai de reintroduire un sujet, en l'espèce, les mathematiques ; c'est le recours ä une a psychanalyse de la connaissance a pour rendre compte de la notion d'obstacle épistémologique, ramenée ä une lutte de l'esprit scientifique contre la nature. La psychanalyse, id, connoterait une sorte de therapeutique contre cette action de la nature.

83 Le jour et la nuit, ce sont done, en fin de compte, les e deux conceptions inconciliables de la philosophie a, le materialisme et l'idéalisme, entre lesquelles Bachelard est partagé sans le savoir. De cette contradiction flan a l'illusion épistémologique a. Ainsi, «l'ceuare de Bachelard, dans la contradiction criante qui la travaille, fait apparaitre le mécanisme interne qui régit tout discours épistémologique : le recouvrement par des theses philosophiques des problèmes scientifiques que pose l'histoire du proces de connaissance a (p. 168). Autrement dit, it ne peut y avoir d'épistémologie matérialiste, ce terme est une a monstruosité théorique (p. 170). A la fin de ce parcours passionnant ä travers l'ceuvre de Bachelard, on se retrouve donc au point de départ que Lecourt décrivait dans Pour une critique de l'épistémologie Maspero ed. 1972, pp. 17 et 18. II situait son travail dans l'horizon des täches assignées par Althusser aux philosophes, notamment celle d'élaborer une théorie matérialiste de l'histoire des sciences, qu'il caractérisait déjä comme «région relativement autonome de la science de l'histoire a, c'est-à-dire du matérialisme historique. Comme Lecourt le suggère, la a mode a qui la conduit ä proposer le terme d' a épistémologisme a comme dernier avatar de la philosophie idéaliste, a des raisons objectives chez les scientifiques. a Les problèmes poses par le proces de la pratique scientifique dans ses rapports avec les autres formes de la pratique sociale sont présents, urgents m'eme, ä la conscience theorique des a scientifiques u d'aujourd'hui (p. 169). Admettons que cette description suffise ä rendre compte de l'ensemble des problèmes qui incitent certains scientifiques ä se préter ä épistémologisme a. II est done nécessaire de réponclre ä leur besoin, et face ä «épistémologisme a, de leur proposer des moyens théoriques pour ex- Gaston Bach elard plorer ces a cantons du matérialisme historique a que sont les histoires de leurs sciences. A qui revient-il d'élaborer ces moyens théoriques? Lecourt reste muet ä ce sujet. Veut-il récluire le róle des philosophes marxistes ä celui de censeurs a posteriori des erreurs idéalistes a épistémologiques a des travaux d'histoire des sciences réalisés par les seuls scientifiques ou par des historiens? Si au contraire il envisage une intervention active des philosophes dans cette recherche, le rejet violent du terme épistémologie matérialiste ne serait plus, semble-t-il, qu'une querelle de mots. Le Livre de Manuel de J. Corta zar ou les malheurs des petits bourgeois J. G. M. Le Livre de Manuel (Prix Médicisétranger), c'est tout ä la fois le livre que composent la mere et ses amis, jour ä jour, avec des coupures de journaux relatant les faits supposés marquants de notre époque, pour l'édification future de l'enfant Manuel, et la chronique de personnages nostalgiques d'une impossible enfance. Manuel est partout dans le livre sans étre vraiment nulle part, il est une référence : enfant il est celui pour qui se prepare le monde de demain ; mais est aussi la part idéalement enfantine de bous les adultes qui gravitent autour de lui et que tous recherchent, pardelä les interdits d'une société répressive. Construire le monde de demain, c'est déjä aujourd'hui 'are capables de retrouver en nous le Manuel qui sommeille. 81 Du coup, le roman s'orgaruse sur deux plans, ä travers deux intrigues distinctes qui tendent ä se meter. D'un cöté il y a la préparation de cet avenir : le roman est abra l'histoire d'une conspiration : des a révolutionnaires a organisent et réussissent l'enlèvement ä Paris d'un haut responsable de la répression en Amérique latine qu'ils échangent contre la libération de prisonniers politiques. De l'autre caté il y a le récit des aventures dans bous les sens du terme de quelques personnages qui cherchent ä s'affranchir des contraintes que leur impose la socia& ä la recherche done de la joie ou plus encore du jeu. Le roman est alors le heu oä se rencontrent ces deux intrigues et leurs heros : les a révolutionnaires a et les autres vont se rencontrer, se retrouver, plus difficilement se confondre. Et c'est de la difficulté et pourtant de la nécessité de cette rencontre qu'est fall le roman qui se construit de teile sorte que les deux plans se renvoient l'un ä l'autre. C'est que pour Cortazar la révolution doit conjuguer la liberation collective ä laquelle travaillent les a révolutionnaires a et la libération individuelle que recherchent les autres personnages. La première est peut-ètre la condition matérielle de la seconde. Mais sans celle-ei la révolution retombera vite dans les m'emes erreurs, elle se constituera en a système r ä son tour oil resurgiront tous les vices contre lesquela auront combattu les révolutionnaires. La contestador! le mot est dans le roman est done décisive, et l'humour et le sexe sont des armes complémentaires aux mitraillettes dans cette révolution que propose Cortazar. C'est ä peu près le sens de cette sorte de parabole de la masturbation que formule Lonstein, un des protagonistes, qui en fall le symbole de la transgression du tabou impose, le signe de l'affranchissement, l'affirmation d'une nécessaire liberté individuelle essentielle. Cene libération, le roman la recherche ä sa facon ä travers la destruction des formes narratives traditionnelles au profit d'un discours delaté, polyphonique, oü se succèdent les voix de différents narrateurs, oit les lieux et les différentes intrigues se superposent. Plus profondement, le Livre est aussi le résultat d'une volonté de dénonciation du langage comme véhicule de l'idéologie dominante. Des lors s'enferme dans un dilemne : dire dans une langue mais sortir de tout ce que cette langue dit. Cortazar construit alors un savant subir franglospagnol ou se juxtaposent les néologismes les plus raffinés et les vulgarités les plus recherchées qui conduisent ä nommer un chat un chal et un cul un cul sous pretexte que derrière serait un discours idéologiquement marqué (comme si l'autre ne l'était pas!) et parfois aussi ä la limite de l'intelligibilité. Tout ceci témoigne en fall d'une qu'ele d'un dire idéalement purifié des scories de Pidéologie domiante, rendu ä une sorte d'innocence première que les borborygmes de Manuel, dans leur non sens, representent d'une certaine faeon. Cette inquiétude face aux pièges du langage est caractéristique du roman

84 dans son ensemble qui apparait comme le récit des aventures d'hommes cernes cernés par la police vers la fin du livre plus profondément, cernés par les chausses-trapes insidieuses qu'ouvre sous chacun de leurs pas la société. C'est alors ä une problématique de la Liberté que conduit le Livre de Manuel : liberté menacée des conspirateurs bien liberté encore dans l'au-delä de la révolution (que deviendra ma liberté individuelle après le triomphe de la révolution s'interroge Andres, l'un des principaux narrateurs, en lorgnant vers Soltjenitsine), mais surtout liberté quotidienne des hommes. La révolution n'est plus l'ultime recours duce classe qui na rien ä perdre, mais renjeu des interrogations spéculatives de conscienzes Ḋu coup cette revolution prend ellememe d'étranges couleurs : elle se resume en effet ä une action qui se veut exemplaire et se résorbe en un terrorisme bon enfant et vertueux : ces a révolutionnaires a bien gentils ont choisi une victirne bien mechante et se con duisent en parfaits boy-scouts généreux, ils ne toucheront pas ä un seul de ses cheveux et par un curieux renversement seront meme amenes ä lui sauver la vie. Rien que de tres moral lä dedans. Mais c'est qu'en fait ils ne sons rien d'autre que l'autre face des m'emes petitsbourgeois anxieux et moralistes qui s'interrogent tout le long du Livre, et ils ne depassent guère le niveau du jeu de piste. Tout ceci donne au roman un aspect finalement bien sommaire et schemalique : la libération de l'amérique latine se fera-t-elle vraiment en jouant aux gendarmes et aux voleurs entre la place SaiM-Michel, la porte Champerret et les bois de Verrière? II est bien dit quelque part que ces jeux impliquent des millions d'hommes, on ne peut que rester un peu songeur devant cette facon de reintroduire les masses dans l'histoire... Et pourtant ces masses sont duce certaine faeon impliquées par le -roman. Au titre de cause absente. Le Lime de Manuel me semble en effet traduire la situation contradictoire de cette petite bourgeoisie (les personnagés se qualifient eux-memes ainsi et on ne peut que les en approuver) latino-américaine de Paris face aux luttes qui se déroulent Id-bas. D'un ceité leur ampleur l'oblige désormais ä se poser la question de sa participation ä ces luttes 5, mais d'autre part elle pereoit et défend sa propre marginalisation (sociale et geographique) ä leur egard. Le roman se veus alors une resolution fictive de cette contradiction (par rintégration des valeurs de cette petite bourgeoisie ä la revolution) et du meine coup il se constitue comme un alibi est de fait ä la fois le constat malheureux et la justification de cette marginalisation. L'échec littéraire du Livre de Manuel, qui ne parvient nullement ä réaliser cette synthese qu'il recherche, montre aans doute que cette dualité est intenable. Reste alors ä esperer que Cortazar puisse aller plus bin, depasser ce munde finalement superficiel, pour rencontrer enfin la réalité de sa propre histoire. C. S. Dominique Femandez Porporino Porporino, c'est d'abord la rencontre d'une ville, l'amour pour Naples. L'ignorance du lecteur francais pour tout ce qui concerne l'italie (du XVIIP ou du JOC siede) peut produire ici, ä travers le double dépaysement, geographique et historique, qui est proposé, une fascination, l'attrait d'un exotisme, le plaisir d'échapper aux stereotypes du roman de consommation contemporain >. Vient s'y ajouter un troisieme élément, les castrats, curiosité historique qui devient le point focal ä partir duquel s'ordonne la découverte des milieux de l'opéra napolitain, des classes dirigeantes du royaume, de toute une société travaillée par de complexes courants rationalistes voire maconniques Naples au 18 sikle importes de France, auxquels resistent deux forces d'inertie : celle de la nmnarchie, qui s'épuise en fetes rayonnantes et grossieres et celle d'une population miserable figée dans des rites et superstitions séculaires que les révolutionnaires de 1799 n'arriveront pas ä ébranler. Ainsi Porporino, campagnard transplante ä Naples, fils de paysans jeté dans un milieu Aranger (via l'ecole de musique et ropera, celui de ses protecteurs aristocratiques), gareon transforme en soprano, constitue, dans sa singularité en meme temps que dans sa médiocrité, un point de vue original. Son trajes social et sexuel permet de a traverser a de bas en haut la sociéte napolitaine et aussi, horizontalement, les lieux et les temps. Fernandez reemploie ici, en fonction ironique, la fiction du manuscrit retrouve et plutin qu'à Manzoni on peut penser ä Horace Walpole dans Le Château d'otrante manuscrit la nouvelle critique 82 retrouvé d'ailleurs dans une cave et non dans un grenier : par quoi nous sommes conviés ä une exploration des proiondeurs. Des textes se mélangent et se répondent : memoires de casanova, souvenirs stendhaliens ; dans un va-et-vient general, des rencontres possibles ont heu (Mozart et Casanova), et rabbé Galliani circule dans les sa- Ions. Tont un jeu de références explicites ou implicites invite au plaisir d'un plaisir suranne, celui du roman historique (les Mysteres de Naples), avec le risque qu'implique de nos jours une teile entreprise : evoquer Cécil Saint-Laurent plus souvent qu'eugene Suc. Et c'est ce qui arrive parfois, car les regles du jeu sont truquées. En effet, la trame initiale est, des l'origine, idéologisée, comme si, au filtre stendhalien (a Je conclus de ce qu'il me dit que le paysan napolitain est un sauvage, heureux comme on l'était ä Otaïti avant rarrivée des missionnaires méthodistes a, cf, Rome, Napies et Florence) venant s'ajouter une information scientifique precise (voir les tavaux d'e. De Martino), l'ethnologie et l'histoire étaient convoquées au service d'un autre propos qui, de l'obsession de l'identite, propre ä Porporino, conduit au mythe de l'androgyne. Naples au XVIII" siecle se confond désormais avec Castrapolis, c'est le lieu oü s'exprime, avant que la bourgeoisie assigne pour longtemps leur place distincte aux deux sexes, un a besoin fundamental de l'humanité». Un tel discours (et son glissement) pourrait poser, meme de travers c'est-ädire par le relais métaphysique de l'espèce humaine, des questions interessantes. Mais il est foncle avec une significative réduction de l'androgyne platonicien ä l'homme Femme sur un schéma masculin/féminin, actif/passif, qu'il send ä récluire bien plus qu'à interroger ( a aimer chez les fernmes ce qui appartient ä l'homme et réciproquement»). Le roman devient done la representation fort peu subversive d'un phantasme : le regard du témoin, Porporino, se fixe sur Feliciano, image d'un troisième sexe, objet a impossible d'amour mais surtout héros d'un amour impossible dont le récit véhicule des clichés qu'on ne saurait tous porter au compte du Mémorialiste. L'anti-Sarrasine, le S/Z sans barre, que Pon espérait, n'oppose au mythe de la virilité ( et ä l'angoisse de la castration) qu'une réverie orphique encadree lettre morse par des justifications socio-historiques ou ethnologiques. Une fois de plus l'italie, tous comme l'histoire, est l'occasion d'un transfert ; il est dommage que Pimaginaire, s'y épuisant, redevienne ici a littérature u. C. P. (Editions Grasset, 38 F.) 1. Et le Lime de Manuel marque un tournant dans l'ceuvre de Cortazar, puisque c'est la première fois que l'histoire y affleure directement. Mais rette histoire qui s'impose de la sorte est mcore totalement considérée du point de vue de cette petite bourgeoisie.

85 v;'' Theodor Litt II Hegel, essai de renouvellement critique Une longue étude du philosophe allemand Theodor Litt sur Hegel, datant de 1953, a été récemment traduite et publiée en France sous son titre originel, Hegel, essai de renouvellement critique. De prime abord, un tel titre a de quoi surprendre, car une simple lecture du livre permet sans peine de repérer les présupposés idéalistes qui soustendent cette presentation globale de la pensée de Hegel. Tout se passant dans rélément de la pensée pure, le système est expose pour lui-méme, sans que soit jamais tentée la moindre élucidation des bases historiques materielles de l'hégélianisme. La dialectique est réduite ä «l'autoréflexion de l'esprit» et son objectivité dans les processus de la nature, n'est acceptée que du bout des lèvres : «on refuse les prétentions ambitieuses ä interpréter le monde qui se trouvent étroitement liées ä ces acquis» (p. 277). De faeon significative, toute biologie évolutionniste est refusée, pour le «suicide de l'esprit humain quelle represente» (p. 280). Et pourtant, en depit de ses limites Hegel, dessin de P. Ilensel idéologiques, l'auteur nous parait avoir entièrement réussi dans sa tentative de présenter globalement, en un peu moins de quatre cents pages, une pensée dont la difficulté d'accès n'échappe ä personne, et cela d'une faeon qui na rien de commun avec la vulgarisation de bas étage ni asee le.commentaire incompréhensible de la pensée du mai- Ire, mais qui repose sur un veritable cffort de traduction conceptuelle du texte de Hegel en un langage clair, précis, rigoureux. L'ouvrage s'ouvre par une longue explication du «double caractère» de toute progression hegelienne, qui montre comment les qualités spécifiques dune phase determinée d'un développement ne s'engendrent pas unilatéralement ä partir des cunditions de la phase antérieure, mais que leur etre dépend aussi de tout ce qui va suivre, c'est-à-dire de tous les processus dont elles sont porteuses, car chaque moment est travaillé par la totalité du mouvement qui lui est immanent. S'appuyant sur la téléologie interne de la progression hégélienne, Litt a choisi d'en tirer la conséquence pour son expose lui-meme, en présentant les moments du système dans l'ordre inverse de celui de l'encyclopédie, ce qui revient ä commencer par la a Philosophie de l'esprit», pour passer ensuite ä la «Philosophie de la Nature e et terminer par la «Logique». De mame ä l'intérieur de chaque partie : ainsi, l'exposé de la «Philosophie 83 de l'esprit» commence par respritabsolu, pour redescendre» vers l'esprit objectif, l'esprit subjectif, la conscience, etc. On progresse ainsi ä l'oppose de la Phinoménologie. Disons tout de suite que cette méthode n'est pas sans présenter de gros inconvénients. Tout d'abord, en jouant ä fond la carte de la téléologie, elle finit par escamoler la rigoureuse nécessité immanei gte des enchainements par lesquels on passe d'une forme inférieure ä une forme supérieure du développement aussi Litt est-il oblige den rester ä une caractérisation globale du mouvement des phases de la réalité, sans entrer, sauf exception, dans le détail des passages et des enchainements duce forme ä une autre. Mais de toute facon, dans le cadre d'un expose d'ensemble, une telle étude était ä levidence impossible. Le second défaut d'une teile procédure est d'ordre idéologique : placer rensemble de la progression hegelienne sous la rétrospection de la philosophie de l'esprit, c'est accréditer une interpretation anthropologique de la dialectique dont on sait quelle n'est pas innocente. Cela étant, et les explications de Litt demeurant toujours précises et rigoureuses, l'avantage pédagogique de ente méthode est incontestable : puisque chaque moment du développement contient, mieux : est dé ja en soi la totalité sous une forme qui na pas encore atteint la clarté explicite du pour soi, commencer par exponer la finalité totale du processus (l'en-soi et pour soi) pour saisir ensuite dans quelles limites et sous quellen formes chaque moment la fait miirir, un tel proeekle permet d'éclairer, de faeon souvent lumineuse, le sens de chaque étage du chemin parcouru. L'un des aspects les plus remarquables de l'ouvrage est relucidation du statut de l'universel dann la conception hégélienne. Celle-ei s'oppose, cornme on sait, ä la conception de l'entendement classique, pour lequel runiversel n'est que le produit pensé de la reflexion abstrayante ä partir des individus particuliers. Si ron veut résumer rapidement la conception hégélienne, on peut repérer deux traits spécifiques. D'une part, l'universel n'est pas une chose pensée, mais ii s'identifie au processus éel qui dissout les limitations de l'existence particulière, et au sein duquel celle-ei est ä la fois niée comme élement autonome et conservée comme moment spécifique. Des lors, et d'autre part, l'universel ne s'oppose plus de facon figée ä l'élément de l'existence singulière, mais il se particularise par son propre mouvement immanent et produit ainsi sa réalité ä l'aide de ses Geules forces. Non seulement, Litt developpe longuement cette conception, mais ih montre de faeon convaincante quelle se reflechit dans de multiples domaines de la réalité, tels qu'ils sont vus et analysés par Hegel. Qu'il s'agisse en effet de la formation historique de rhomme (passage de la conscience particulière ä l'esprit universell, du rapport entre fini et infini dann la religion, entre individu et Etat dans la politique, entre concept et concret dans la Logique, on a lä un veritable fil directeur pour comprendre bien des analyses hégéliennes.

86 NI icux encore. L'analyse lucide et honnéte de la pensée de Hegel par l'auteur le conduit à degager en son sein des contradictions de grand intérèt, pour les marxistes. Ainsi. s'agissant du processus par lequel l'idee absolue, parvenue dans la Logique ä son plus haut degre de vérite et de concretude, sinvestit alors dans la nature et le monde reel, Litt voit la un passage tout à fait illogique et contraire ä tout ce qui a eté dit de l'autosuffisance absolue du Vrai. Quel besoin l'idee absolue avait-elle de s'investir dans la Nature? Or, precisément, lä oil Litt ne percoit qu'une «echappatoire u et un deus ex machina, Lénine repère l'un des points forts de la logique de Hegel. L'investissement de l'idee dans la Nature signifie, en effet, d'un point de vue idialiste, la reconnaissance de runiversaliti objectire de la dialectique. C'est ä ce moment précis que la dialectique resilie definitivement le caractère simplement subjectif et pensé quelle conservait escore chez Kant. La difficulté apercue et explicitee par Litt reflète en réalité la coexistence contradictoire et complexe, au sein de l'hégélianisme, entre élements idealistes et elements materialistes dont seule peut alors rendre compte une critique marxiste de la philosophie de Hegel (p ). Autre exemple : a L'esprit du monde u est ce meneur de jeu qui a charge de diriger la réalisation du rationnel dans l'histoire universelle, en usant des u Etats u, des peuples et des individus, comme de ses «instruments inconscients u (Philosophie du Droit, p. 344). Cette categorie, idéaliste et téléologique, fait culminer la philosophie hégelienne du droit en une theorie de l'histoire universelle qui échappe complètement à la conscience et ä l'intervention des peuples et dont la nécessite priexiste à leur mouvement concret puisqu'ils ne sont que les moyens de sa réalisation. Tout en reconnaissant l'échec de la solution téléologique de Hegel sur ce point, Litt indique tres justement quelle tentait de répohdre ä un problime thiorique profond et important : comment concilier l'idee d'une marche nécessaire de l'histoire avec la reconnaissance de la particularite et de la contingence du mouvement concret des peuples et de leurs rapports, sil est vrai, selon le paragraphe 545 de l'encyclopidie, que «l'etat a enfin rel aspect d'étre l'effectivité immédiate d'un peuple sin gulier et naturellement determiné u. Ce probleme, qui est celui du rapport entre histoire universelle et conditions nationales concretes, entre necessité historique et intervention des individus, Hegel pouvait le poser mais non le résoudre, sauf ä fuir en avant dans la teléologie. Le marxisme la repris sur la base foncièrement differente de la conception materialiste de l'histoire, et ne la résolu qu'a ce prix. Toutes ces questions, bien sür. Theodor Litt ne les pose pas en marxiste mais, nous semble-t-il, il doit permettre aux marxistes de se les poser. O. S. (Editions Goruhier, cohen ion a Midialions» grand formal.) Recherches internationales Le féodalisme Byzance Problèmes du mode de production de l'empire byzantin Sans aucun doute, l'histoire byzantine a, jusqu'ici, bien insuffisamment retenu l'attention des historiens specialistes de l'histoire du Moyen Age. Certes, leur justification apparente est que le féodalisme de l'europe occidentale a pesé d'un bien plus grand poids dans l'histoire que Byzance. La cause dune pareille attitude serait plus facilement admise si la täche essentielle de l'histoire consistait uniquement ä décrire le cours des événements ; mais l'histoire ne devient vraiment une science que si. cela fait, elle s'efforce d'en donner une explication. Or, combien apparait instructif la variation d'une évolution dans un ensemble geographique reposant jusqu'a la fin de l'antiquité sur une mime base historique : une des voies les plus efficaces de l'histoire scientifique, c'est la méthode comparative, pratiquée, cela va de soi, dans des conditicms qui lui assurent la rigueur nécessaire. Le cahier de Rercherches internationales qu'hélène Antoniadis-Bibicou, qui en a été l'artisan hautement qualifie a rendu plus accessible par une presentation aussi éclairante que substantielle, vient donc aider de la maniere la plus efficace, à redresser une situation fort prejudiciable. Elle a eu, pour ce faire, ä regrouper une serie d'articles, pour la plupart d'origine soviétique, l'importance de plusieurs s'accroissant du fait la nouvelle critique 84 que ce sont des extraits du rapport collectif presenté par les historiens sovietiques au XIV Congrès international des Eludes byzantines (Ochrida, 1961). Mais, en m'eme temps, il importe de souligner, pour bien delimiter la portee de certaines au moins de ces contributions, qu'elles ne prétendent nullement offrir des resultats définitivement acquis. Ce sont des apports particulièrement instructifs ä des discussions en cours et la presentation liminaire prend soin de noter que des recherches plus approfondies, des analyses plus poussées restent ä faire dans de nombreux secteurs, avant qu'il soit possible d'apporter des reponses ä plusieurs problèmes poses par l'étude du mode de production féodal ä Byzance «Nous ne disposons pas, par exempie, de travaux sur l'aspect technologique des moyens de production ; les techniques agricoles, les techniques de production artisanale, l'équipement matériel du travail byzantin n'ont pas fait l'objet de recherches systématiques. Mode de production féodal à Byzance? Certains peut-étre continueront ä objecter qu'il s'agit lä d'une extension abusive de l'emploi de la notion de féodalité, qu'ils separent, assez arbitrairement, d'une maniere absolue, de la notion de regime seigneurial. Disons rapidement qu'avec entre autres, Jacques Le Goff (La Civilisation de l'occident midiival, p. 594), la distinction est faite ici entre un sens strict et un sens large du terme féodalite. Au sens large, trots éléments permettent de rapprocher le cas byzantin du féodalisme de type classique A) existence de liens de dépendance d'homme ä homme, noués surtout dans le rapport d'exploitation entre le grand propriétaire foncier et le producteur direct B) existence, d'autre part, d'un certain rapport entre le service des armes et la concession de terres ä exploiter C) enfin morcellement, pour une pinoche determinie, et dans des conditions 1

87 historiques précises, du pouvoir central amené ä se dicharger sur ses vassaux dune partie de ses prerogatives d'etat et de ses täches administratives. II s'agit bien d'un rapprochement et non dune identification. Dans son article : «La fin du régime esclavagiste et le début du féodalisme à Byzance», pp. 19 et 20, E. E. Lipchits rappelle les caractéristiques de l'originalité de Byzance ä ses debuts, caractéristiques qui eurent des prolongements durables Byzance ne fut pas conquise par les «barbares a, bien qu'une part considerable de son territoire fút un heu de peuplement de tribus slaves et autres, se trouvant au stade supérieur de la barbarie. La machine d'etat, par suite, ne fut pas brisée. Autres conséquences : au cours du Bas Empire romain, les villes des provinces orientales, centre du nouvel empire byzantin, furent bin d'étre aussi radicalement éprouvées qu'en Occident. Ainsi se constate le maintien beaucoup plus marqué de survivances de la civilisation esclavagiste antique Byzance, l'esclavage est resté institutionnel jusqu'aux xlv et xv siècles, sous forme essentiellement, mais non exclusivement, domestique (ce qui n'entraine pas qu'il doive etre considére comme un rapport économique dominant). Lipchits conclut que si ä Byzance le passage de la formation esclavagiste ä la formation féodale fut moins net qu'en Occident, la cause en est, outre le caractère particulier de la pénétration des barbares, l'implication complexe du cours concret des événements historiques et surtout une moindre portée des mouvements révolutionnaires. Un autre anfiele est consacré ä la genese du féodalisme par Z. V. Oudaltsova : de nombreux médiévistes sovietiques fondent l'étude de la formation des sociétés féodales anciennes sur la notion de «synthese», ä la suite des analyses célèbres d'engels dans l'origine de la famille sur la synthese romano-germanique. L'objection a été faite que cette synthèse laisse de cöté la participation des autres peuples barbares, en particulier des Slaves, ä la formation de la société feodale en Europe et c'est B. Porchnev qui, le premier, proposa, en 1964, le terme de «synthese feodale» qui permet d'éviter un point de vue «ethnique axé strictement sur l'europe occidentale. On est porté, apparait-il, ä ne pas s'attarder sur les discussions de ce genre, comme conservant un caractère trop formel. En fait, avec la place qui lui a Ad reservée (E. E. Lipchits : a La ville et le village ä Byzance du vr sieele )usqu'à la première moitié ttc siècle» ; M. I. Siouzioumov : a La ville et le village ä Byzance aux ix', siècles a ; A. P. Kajdane : a La ville et le village ä Byzance aux xfir-xir siedes a ; E. Francés : «La féodalité et les villes byzantines aux xnr-xlv siècles a), le noyau substantiel du recueil consiste dann la mise en place d'une periodisation du féodalisme ä Byzance une première période (tv'-vr siècles) oh se dégagent déiä les éléments constitutifs du feodalisme, période a protoféodale ; une seconde période oh, du vit" au début du x' siècle, les elements féodaux s'estompent, tandis que la commune rurale libre et la petite propriété deviennent les traits dominants dune longue période transitoire vers le féodalisme ; enfin, du x au xv" siècle, une période proprement féodale, avec la constitution d'une certaine sorte de structure féodale. Une esquiase d'une pareille périodisation est certes déjà donnée par G. Ostrogorsky, en 1941, dans le volume I de The Cambridge economic History of Europe : il suffit de comparen cette esquisse de 1941 aux analyses du present recueil, plus forternent structurees et beaucoup plus poussées (comparer aussi les bibliographies) pour mesurer l'importance des progres réalisés et des perspectives ouvertes sur un nouvel élargissement des recherches. Tout au long de la deuxième période, caracterisée par un freinage étonnamment prolonge et par lä meme grandement instructif de la féodalisation et de la troisième période qui vit l'arrivée au pouvoir de l'aristocratie militaire, l'accent est utilement mis dann les contributions successives, comme leur litre l'indique, sur les rapports complexes, significatifs de l'originalité de Byzance, entre la ville et la campagne. Entre autres, les analyses du passage d'une période ä lautre retiennent particulièrement l'attention. Aux siècles, on assiste ä un grand essor de la circulation dann les grandes villes, qui étaient les centres commerciaux decisifs, mais aussi dans les centres provinciaux et jusque dans les villages. Dans les villes, l'artisanat s'affermit avec la demande interieure d'articles de luxe en augmentation de la part de la noblesse féodale en voie de formation, la politique gouvernementale favorisant en meme temps le développement de la circulation des marchandises. Les consequences sen font sentir sur l'ancienne solidité de la paysannerie libre qui tend ä se diversifier. Un conflit mitrit dans la communauté villageoise, entrainant vers la ville la partie pauvre de la population qui vend alors ses terres et les vend plus eher. II en résulte le développement de la grande propriété des «féodaux u d'asie mineure oh l'élevage prend de l'extension d'oh l'augmentation des ventes de viande et de 'Detail dans les villes, ainsi que dune production agricole en développement par suite de défrichements et déjà de l'accroissement des impens levés sur les paysans. Cependant, tiraillés entre les intéréts divergents, les empereurs contribuent d'une part aux progres de la grande propriété foncière par des largesses qui rétribuent ou récompensent les a puissants ; d'autre part, ils ne peuvent abandonner, sans inconvenients graves, la petite exploitation libre. Une loi est reprise qui interdit de vendre des terres aux etrangers. Des compromis sont imagines, comme celui par lequel Léon VI ( ) ordonne la liberté complète de vente de terres, stipulant en meine temps la division egale des biens parmi les fils, concédant toutefois aux parents le droit ä une procédure de reprise dans un délai de six mois. Les membres des communautes, se fondant sur ce droit, empechaient le passage entre les mains de 85 personnes étrangères, non seulement de terres, mais aussi d'ateliers. Tel est le tableau raccourci présenté par M. I. Siouzioumov : l'intérét en est tel qu'on devient aussitöt curieux des exposés plus largement développés cites en note, mais malheureusement rédiges dans des langues slaves. Les trois articles qui, en fin de re-.cueil, analysent les éléments caractéristiques de la structure particulière du féodalisme byzantin sont heureusement fouilles ä souhait. Avec G. Tsankova-Petkova (a La rente féodale dans les regions bulgares sous domination byzantine ) nous apprenons qu'en 1040, en pays bulgare, la rente en nature fut convertie en rente en argent, mais avec doublement du poids de l'impöt. En fait, sous le regne de Michel IV, les impeas ne s'accrurent pas seulement dans les regions bulgares, mais dans tout l'empire, entrainant le soulèvement des habitants de la région de Nicopolis. J. Ferluga (a La ligesse dans l'empire byzantin») constate que la ligesse, ou hommage lige, était passee de l'occident dans l'empire byzantin, probablement des avant 1108, puis qu'avec le temps, elle devint simplement une forme de liaison féodale, de meine qu'en Occident, des la fin du mir siècle, elle perdit de plus en plus le caractère de super-hommage. Cependant, l'institution la plus représentative du féodalisme byzantin fut la pronoia, étudiée minutieusement par G. Ostrogorsky (a Pour l'histoire de la féodalité byzantine»). Le mot grec pronoia du Gens genéral de soin, souci, est passé au sens de prévoyance (prévoir et pourvoir). Au sens technique il exprime le fait que le pouvoir imperial donnait des personnes déterminées des terres et d'autres biens ; les biens concédés ä ce titre impliquaient, en échange, depuis l'époque des Comnènes ( ) le service militaire ; attribués, au début (xr siede) ä litre viager, ces biens devinrent héréditaires vers le milieu du xur siècle, par l'effet de la puissance accrue des bénéficiaires, done, par suite de la consolidation de ce que nous devons appeler le féodalisme byzantin. Pouvons-nous, toutefois, avec D. Angelov (a Le féodalisme dans les Balkans du zur au xv` siècle a) caractériser ce féodalisme comme un système féodal très évolué, comme un fecidalisme accompli? Ailleurs (p. 158), on nous explique L'accroissement constant du joug féodal, l'augmentation des redevances et des charges, des taxes et des impöts, montrent bien comment a pu jouer la loi fondamentale du féodalisme, qui implique une croissance maximale de la rente féodale. Loi fondamentale, certes, sous l'aspect mode d'exploitation de l'homme. Mais c'est lä l'aspect parasitaire qui n'est qu'un aspect du féodalisme lequel est aussi un mode de production, un mode de production dans la série des époques progressives de la formation sociale économique. Or, avec la consolidation du féodalisme byzantin commenee la décadence irrémédiable de Byzance, terminée par une longue agonie.

88 Le giand problème qu'on est oblige de poser en fin de compte n'est-il pas celui-ci : le feodalisme byzantin a-t-il eu, ä un moment donné, plus ou moins provisoirement une veritable capacité d'organisation progressive de la production et de la société, a-t-il été jamais anime d'un dynamisme social propre en dehors de sa fonction militaire ou ne se présente-t-il que comme un féodalisme inacheve, étroitement orienté vers les aspects negatifs du système 7 C. P. (Recherches internationales d la lumi2re du marxisme, n 79, 1974, 15 F.) niiim11111n Pratiques n 3/4 Theorie 1 Pratique 1 Pédagogie Rappelons en quelques mots les objectifs de la revue tels qu'ils sont definis par ses rédacteurs dans l'éditorial du premier numéro : intervenir dans l'espace vide qui separe trop souvent la recherche théorique en sciences humaines de la pratique pédagogique dans les disciplines littéraires, intervention fonclée sur une analyse marxiste de l'école comme Heu de contradictions, participant en tant que telle au proces de transformation de la société. II est donc nécessaire et possible d'agir dès maintenant sur cette pratique pour en amorcer la transformation. Ces objectifs, eia fortement materialisés par le sommaire du premier numéro, se trouvent largement confirmés et approfondis dans le n" 3-4 (septembre 1974). On y lit en effet un éditorial tout ä fait surprenant puisqu'il s'agit, accompagne d'une rapide présentation, d'un des rapports de la cominission Pierre Emmanuel» chargée en 1970 par Olivier Guichard d'étudier une réforme de l'enseignement du français dans le second degré. On comprend l'importance d'une teile publication si l'on se souvient de la demission, debut 74, d'une douzaine d'enseignants indignés de ce que le ministre Fontanet, dans son projet de réforme, n'ait tenu aucun compte de leurs quatre années de travail au sein de la commission. Les conclusions du rapport que Pratiques nous donne ä lire (celui du groupe V : a Approche et etude des textes») sont en effet peu favorables ä l'enseignement du français tel qu'il est conçu depuis sa naissance par les representants de la bourgeoisie : le constat d'échec est impitoyable ; et quelles que soient leurs limites, les réformes et les solutions proposees par les rapporteurs quant au choix des textes et aux méthodes de travail mettent directement en cause les finalités de l'enseignement traditionnel» et ébranlent considerablement ses fondements. Aucune dissonance, par conséquent, entre ce document et l'article de Jean- François Halte sur le pourquoi du cloisonnement entre l'enseignement de la grammaire et l'étude des textes. Critiquant dans un premier temps le caractère normatif (règle/liste d'exceptions) des grammaires scolaires, Halte' part ä la recherche des présupposés idéologicophilosophiques communs ä la concepnon traditionnelle de la langue et ä celle du 4 texte». II s'avere très vite que le fondement du problème reside dans la dualité idealiste de la langue et de la pensée, de la forme et du fond, de l'expression et du contenu..., c'est-à-dire dans une conception instrumentaliste de la langue qui fait du discours expression d'une pensée qui lui preexiste, conception qui ne résiste guère ä la vigilance scientifique de la linguistique. Halte cite Saussure peut-ètre aurait-il pu développer son argumentation en utilisant les apports respectifs d'emile Benveniste pour les linguistes et de Jacques Lacan 2 pour la psychanalyse, tous deux u confirmant» ou u verifiant de façon tout involontaire la geniale intuition de Marx Les Chouans e de Balzac concernant la non-autonomie de la langue par rapport ä la pensee 3. De toute façon, Panalyse est solide, dense, minutieuse et s'achève sur des propositions concretes d'articulation pédagogique entre la grammaire et l'étude des textes, propositions rendues desormais possibles gräce au developpement des recherches linguistiques. Un exemple vient d'ailleurs confirmer cette perspective celui de la distinction (ici très opérante) qu'établit Benveniste entre e recit» et discours». Exemple qui doit toutefois s'accompagner d'une mise en garde contre les dangers d'une extension trop abusive du modele linguistique ä d'autres domaines, notamment ä l'analyse du recit. Le lecteur trouvera d'ailleurs un écho evident ä l'article de Jean-François Halte' dans le travail du collectif de Pratiques sur Candide de Voltaire a analyse textuelle, pour une application pedagogique». Cet essai de sémiotique narrative a en effet le mérite de la nouvelle critique 86 prendre le texte ligne ä tigne et, partaut, d'éviter les raccourcis methodologiques couramment pratiques par la critique littéraire traditionnelle. Une teile demarche constitue deja, ä soi seule, (et c'est considérable!) une sorte de refutation ä l'état pratique des discours psychologistes et intuitionnistes actuellement dominants tant ä l'université que dans les manuels d'histoire litteraire du second degre 4. Cependant, ce type d'analyse a ses limites, que les rédacteurs de Prat iques eux-mémes ont fort bien perçues dans leur Arertissement. Nous ne leur demanderons certes pas de a céder ä la mode en ajoutant Marx et Freud ä leur appareillage methodologique». II est sans doute nécessaire de s'interroger sur les perspectives de e depassement» du positivisme structuraliste qu'ouvrirait, entre autres, une reflexion approfondie sur les statuts respectifs de l'histoire et du sujet dans le texte littéraire. Ces questions de l'histoire et du sujet occupent une place importante dans le sommaire du n" 3-4 de Pratiques. L'article écrit sous la responsabilité de Pierre Barbéris (et qui est en fait le resultat d'un travail collectif de son seminaire ä l'e. N. S. de SaMt- Cloud) constitue en effet la nouvelle etape d'une recherche amorcée au second colloque de Cluny sur le problème des a lisibilités successives» du texte littéraire. Aux lectures prealables d'un texte, necessairement contaminees par l'idéologie dominante, doit s'opposer acte militant de la contrelecture», acule veritable demarche pedagogique libératrice». C'est ce qu'ont tenté de faire les étudiants de Pierre Barberis ä partir d'un texte precis : Les Chouans de Balzac. Enfin, le rapport Texte/Histoire/Sujet, ou plutfit l'articulation Litterature/ Marxisme/Psychanalyse, constitue le theme essentiel de la première partie de l'entretien du collectif de Pratiques avec Jean Thibaudeau (la deuxième partie, moins theorique, étant plus particulièrement consacrée ä l'évocation de son experience d'enseignant il a été instituteur, et ä la description de sa pratique d'écrivain). Au total, un sommaire dont la cohérence n'échappera probablement pas ä tous ceux qui u pratiquent», de près ou de bin, en tant qu'enseignants ou enseignes, ce qu'il est convenu d'appeler les a disciplines littéraires» ; et une revue Qui de t ules façons ne manquera pas d'intéresser tous ceux qui réflechissent sur les problèmes theoriques et politiques de l'école, sur les racines de sa crise et sur les moyens qu'il faudrait employer pour l'en sortir, sans delaisser les questions de mithode et de contenu. Y. M. (e Pratiques n 3-4; septena bre 1974; 16 F écrire à A. Petitjean, 2 bis, rue des Bénédictins, Metz.) 1. e Categories de pensée et catégories de langue» (analyse de la coincidence parfaite entre les categories de pensée d'aristote et les categories de la langue

89 grecque ), in Problèmes de Linguistique Générale. 2. u Fonction et champ de la parole en psychanalyse e, in Ecrits (cf. aussi Elisabeth Roudinesco : a L'action d'une métaphore», La Pensée n 12 ; repris in Un discours au rée1). 3. L'Idéologie allemande (Editions sociales, p. 489). 4. Sur ce point, cf. Pratiques n" 1-2 Pour une theorie de ridéologie d'un mannet scolaire, le u Lagarde et Michard a: le cas Diderot u. 5. a Elements pour une lecture marxisle du fait littéraire u (repris in Lectures du réel, paru aux Editions sociales). La N. C. a vu Ballets à l'opéra de Paris. Jeux de mythes... 3 ballets Apollon Musagéte, musique de Stravinsky (1928), choregraphie de Balanchine ; avec Denard et Pontois. Prélude à l'après-midi d'un faune, musique de Debussy (1894), choregraphie de Robbins ; avec Noureev et Thesmar. Tristan, musique de Henze (1974), choregraphie de Glenn Tetley asee avec Noureev et Carlson. 1 danseur. NoureevLeDanseur. En un seul mot. Déjà un mythe, comme Nijinsky, precisement le createur de l'après-midi, d'un faune. Le mythe a les jambes un peu lourdes, les petits copains de la Cour, Denard ou Guizerix, sautent mieux ; mais voyez le mythe danser au sol l'après-midi d'un danseur qui aurait la passion abstraite d'un faune pour une danseuse-étoile, dans une salle de répétition... Le Faune danse Noureev dansant devant un miroir, les yeux droit devant dans le public-miroir. Et soudain je/te, tu/me regardes. Et le Faune regarde Thesmar qui regarde Noureev. Proposition reversible ; une chorégraphie des regards du mythe dans l'enroulement animalier des membres, chorégraphie du narcissisme oblige du danseur dans un décor pour publicvoyeur ; projet clos sur un u moi/lui, le Faune danse, Noureev danse pour lui/moi e. La bouche ouverte de la fascination tient aussi dans cette froide distance, de se trouver lä ensemble sujet et objet, et de ne pas se rencontrer... 1 création. Avec Tristan, on reste entre soi après Apollon et le Faune, variations sur l'amour et la Plastique. Le poeme symphonique de Henze est un radeau entre deux eaux lyriques du neo et du post. Tissu orchestral dense, fortement charpenté dans l'exsangue, pour piano et grand orchestre, clairement architecturé. Improvisations-previsibles, citations de la couleur orchestrale de Wagner (celui qui a compose Tristan et Isolde de Wagner) et de Brahms (paree que adversaire de Wagner, il représente la I urnière adversaire de Tristan, c'est clair). Pas d'ironie, c'est du travail très bien fait, et Henze fait ce qu'il peut pour étre de son temps : ici Richard Strauss uiuten que Berio. Décor passe-partout abstrait, genre lourd de symboles, parquet miroir, triangle en cid l de jeu, alcöve-secret aus tubulures acier. Dansé par Rudolf Noureev et Carolyn Carlson, en distance par rapport ä la musique, quelques reperes par rapport ä la legende, pour justifier le soigneusement noyes dans la masse de la danse, écartelée, déchirée, sans pas de deux bien shr, affrontements violents, jeux de corps. Tristan Et Isolde, tout tient dans la corrélation, entre Noureev Et Carlson, couple équilibré dans le jeu des contraires, tous deux très rapides ; Lui impétueux, Elle mystérieuse, tous deux absents, dansant un mythe constitué et abstrait. Un admirable colloque sentimental de deux solitaires glacés. J.-L. M. Wedekind à Paris Une decouverte ans après Coup sur coup, deux pièces de Frank Wedekind viennent d'etre montées dans la region parisienne : L'Eveil du Printemps au Théätre Récamier et La Danse Macabre ä Gennevilliers, puis au Théätre Obligue 2. Hormis un cercle étroit de spécialistes, bien peu d'amateurs de théátre, en France, connaissaient cet écrivain chez qui pourtant le mouvement expressionniste, le jeune Brecht, et bien des auteurs dramatiques, des chansonniers et des cabarettistes de la République de Weimar ont, ä des litres divers, puise beaucoup. Meme l'opéra d'alban Berg Lulu, dont le livret est tiré de deux pièces de Wedekind, n'avait pas suffi ä révéler celuici au public francais, non plus que les diverses adaptations de ces deux pièces pour la scène (dont la dernière en date, fort interessante, avait été montée par Michel Hermon au Théätre Mécanique, devant un public hélas des plus réduits). 87 Pourtant, la création par Max Reinhardt de L'Eveil du 'Printemps cette piece jusqu'alors réputée iniouable! en 1906 ä Berlin avait constitue un événement theätral. Depuis plus de quinze ans, Wedekind était en bulle ä la méconnaissance de la critique, ä rincompréhension du public, aux chicanes de la censure et méme aux tracasseries policières (en 1901, deux poèmes sur Guillaume II lui avaient valu plusieurs mois de prison pour outrage ä rempereur) ; du (nur au lendemain, le voilä célebre. L'Eveil du Printemps connut alors un immense succes : 200 représentations en deux ans. Or en France, il a fallu attendre près de soixante-dix ans pour qu'un jeune metteur en scene ait raudace de la monter. En fait, il a fallu la découverte, tute récente, des grands mouvements culturels allemands du clébut du siecle de l'expressionnisme au Bauhaus pour que Wedekind finisse lui aussi par émerger de robscurité oh l'avaient maintenu dans notre pays les circuits dominants de diffusion de la culture, la sousestimation systématique du röle de la traduction dans le développement culturel, ou meme une censure directement ideologique. Les deux jeunes metteurs en sehe Brigitte Jacques et Bruno Bayen ont travaillé tous deux sur des textes difficiles, dans les conditions précaires imposees par des budgets de pénurie. Brigitte Jacques a porté ä la scene le texte extremement riche de L'Eveil du Printemps, avec le souci legitime d'en donner une lecture cohérente, mais cette lecture pest sembler parfois laborieuse, ou meme réductrice. Dans une conception totalement differente du röle du metteur en scène, Bruno Bayen a fait d'un texte mineur, assez verbeux ä la lecture, un spectacle. Et révénement theätral, c'est La Danse Macabre, alors que dans Preuvre de Wedekind, L'Eveil du Printemps occupe une place incomparablement plus importante. La mise en scène de L'Eveil du Printemps a le rnerite de déjouer le piège dune actualisation hätive et superficielle qui aurait consisté ä en faire un sermon anti-autoritaire en faveur de rémancipation sexuelle. Elle choisit de ramener le nceud de problemes de l'adolescence ä un seul celui de réveil de la sexualité, et tous les interdits qui rendent si difficile le passage ä l'äge adulte, ä l'interdit. Ceci la conduit ä rendre interchangeables les röles des 1. Traduction de Francois Regnault décors et costumes de Legavre-Stoppani, éclairages de Denis Clairval, avec Jany Gastaldi, Jean-Baptiste Malartre, Philippe Clévenot, Jean-Loup Wolf, Brigitte lacques, Colette Fellous et Charles Brandon. 2. Décors de Michel Milkan ; costumes de Pierre Cadot ; régie de Miloud Khetib ; éclairages de Jean-Louis Aichhorn ; avec Gerald Robard, Elsa Peirce, Yves Raynaud, Josee Lefèvre, Alain Le Henry, Josiane Stoleru, Jean- Pierre Engelbach, Ariel du Grandrut et Didier Lesour. N. B. Le Theätre Oblique est l'ancien Cyrano-Théätre, 76, rue de La Roquette.

90 < La Danse Macabre u, mise en scène de Bruno Bayen parents et des enfants, ce qui peut fausser la portee du texte, et surtout ä refouler l'histoire au seul plan du décor et du costume. Or, bin de cantonner l'audace de sa critique ä l'interdit sexuel, Wedekind a su appréhender dans toute sa finesse la relation entre cet interdit et la situation historique concrete de ce milieu de la bourgeoisie cultivée vers 1900, avec ses données sociales, culturelles et idéologiques precises. C'est par l'extraordinaire imbrication de ces differents niveaux que sa pièce a encere au- ourd'hui valeur de découverte, et qu'en son temps elle a pu taut ä la bis faire scandale et connaitre le succès. Si elle a conservé une teile actualité, c'est precisément quelle dénonce avec un humour conquérant lautes les barrieres auxquelles se heurtent les adolescents, et qu'à la multitude de questions qui se posent ä eux de faeon si aigue, elle ne donne aucune reponse simplifiante. Les réponses, comme le suggère la dernière scène, c'est la vie qui les fournira, la vie incarnée par un personnage masqué. La vie porte-t-elle le masque de l'inconnaissable, ou celui de ce qui n'est pas encare connu? Wedekind hesite, dans reite scène comique, entre les deux hypotheses, mais le vitalisme auquel it adhère ne tombe pas entièrement dans l'ornière de l'irrationalisme de répoque. Sa critique lucide du mode de vie, de la mentalité, de l'idéologie et des représentations de cette bourgeoisie allemande qu'il execre de toute la vigueur de son talent, l'empeche de se prendre tout ä fait au piège de cette la nouvelle critique pseudo-solution de rechange au moralisme étouffant. Dans la complexité de ses interrogations, le texte de L'Eveil du Printemps et il fallait un certain cran pour s'attaquer ä un pareil texte déborde parfois la mise en scène, malgré des moments de réussite et m'eme des trouvailles. Sur le texte tres court (une vingtame de pages) de La Danse Macabre, pièce en un acte, Bruno Bayen a effectue un travail subtil ä plusieurs niveaux, bien mis en valeur par la qualité constante de la traduction qu'il a faite lui-mérne en collaboration avec Bernard Lortholary. lt opere une remise en perspective dramaturgique du texte, le recomposant en cinq tableaux, reintroduit l'auteur dans sa propre pièce (qui devient ainsi, comme l'indique le choix du sous-titre, a un reve de Frank Wedekind a), donne ä voir au public, ä distance critique, les rapports de Wedekind avec son texte ; enfin, il propose sur la problématique de la pièce un point de vue personnel clairement defini. A rette fin, a remodelé le texte initial, lui faisant subir des modifications profondes qui en développent fort habilement les virtualités. Ainsi, le prologue qu'il a ajoute, montage de textes de Sade, de Bataille, de Paul Bourget et de lui-méme fait corps avec la pièce au point que certains critiques s'y sant trompés et l'ont cru de Wedekind. Ce prologue remplit une triple fonction. Au plan dramaturgique, it noue l'action en faisant exploser d'entrée de jeu ce que le texte de Wedekind 88 recelait de provocation : le jour de ses noces, au moment de la photo de mariage, Elfriede, la jeune filie de banne famille s'évanouit, et Casti Piani, son futur, sen va avec la bonne. C'est rette ex-fiancee qui reparait ä la première scene en militante de la Ligue contre la traite des blanches, et qui, partie ä la recherche de son ex-bonne, la retrouve chez Casti Piani, devenu maquereau-philosophe. Le texte de Wedekind faisait se rencontrer des inconnus : Elfriede et Casti Piani. Bruno Bayen raconte dans le prologue leur préhistoire inconsciente. En m'eme temps, Bruno Bayen suit les prolongements de ce mariage bourgeois raté jusqu'à nous, et nous le montre comme u mythologie archéologique de notre sensibilité 3 u, passant en rlvue, comme dans un album de photos un peu fanées, les rites d'initiation et les représentations liés au mariage dans les milieux bourgeois du debut du sièele : toilette de la fiancée, cadeaux, et... la photo de mariage elle-meme. En montant cette pièce de Wedekind, il nous invite ä le suivre au-delä du texte dans son entreprise de < description et (d')histoire de l'imaginaire sensible bourgeois 4 a. Ce prologue qui fait partie integrante de l'action remplit donc aussi une autre fonction, taute differente : il met ä jour les significations les plus souterraines de la piece, non plus seulement prises dans la dynamigue dramatique, mais réorganisées et stratifiées selon l'ordre de la réflexion historique et sociologique. II presente notamment une veritable typologie des comportements, des discours, des rapports humains, des gestes, du costume de la bourgeoisie cultivée de l'empire wilhelminien, teile quelle se dégage de l'attitude de cette rauche sociale face ä l'une des institutions quelle sacralise le plus : le mariage. lamais cette démarche ne lambe dans l'abstraction au contraire, jeu des acteurs, décors et éclairages sont mis en ceuvre avec une égale maitrise de leurs significations et un sens tres sür de leur fonction esthefique. II fallait pour y parvenir une quipe d'acteurs capable d'allier une aussi parfaite précision gestuelle et rythmique ä un sens tres pousse du travail collectif. Ce spectacle est d'une beaute plastique qu'on n'oubliera pas de sitót. Enfin, et c'est lä la troisième fonction de ce prologue, c'est Casti Piani, c'est-à-dire Wedekind lui-méme, qui y feuillette l'alburn de photos, qui les revit, les recompose ä son gré, passant de la distante la plus ironique ä une nostalgie inavouée : un Wedekind qui na pas fini de régler ses comptes avec cette sensibilité devorante dont il décrit pourtant les ravages sans menagements. Bruno Bayen nous rappelle ainsi que Wedekind et sa jeune femme, l'actrice Tilly Newes, ont joué cette pièce, le soir de leurs noces, lui dans le t'ole du souteneur, elle dans celui de la 3. Notes de Bruno Bayen sur la mise en scène de La Danse Macabre. 4. Interview de Bruno Bayen par I.-P. Leonardini, L'Humanité du

91 Livre Club Diderot AR AWN roeuvrepoétique Le Livre Club Diderot presente, pour la premiére bis rassemblé KEuvre Poétique complet d'aragon. Cette collection comprend a la bis les poemes et poésies qu'on trouve en librairie. des ouvrages depuis longtemps épuises, des testes épars dann des publications diverses, journaux revues.etc, de tres nombreux inédits, des essais marquant les gocits et preferences du poete dans la poésie d'aujourd'hui comme dann celle du passe, les passions qui furent et sant les siennes, des commentaires destines a rendre compréhensible une époque que des gene rations n'ont pas connue et le!ole gua pu y jouer la poésie. des livres inclassables aussi bien en prose qu'en vers comme le Paysan de Paris, Les Aventures de Telémaque. et Le Fou d'elsa. Gest dire qu'un tel ensemble constitue, pour la connaissance de la poesie de notre temps (et pas seulement du Surréalisme, du Mouvement Dada ou de la Résistance) un témoignage sans précédent. Nous mettons ainsi ä la disposition d'un grand nombre de lecteurs la talante d'un travail poétique qui s'étend de la premiére guerre mondiale ä nos jours, et, dann ce domaine, la totalite d'une vie. Poete d'elsa, chantre de l'amour. Aragon a el aussi le poéte d'hourra l'oural, de la patrie dechirée humille, le poete de l'elégie ä Pablo Neruda et, d'un grand recueil ä paraitre, Les Adieux, qui peut étre consideré comme l'achävement dune ceuvre s'étendant ä l'heure qu'il est sur plus d'un demi-siécle. Cheque volume est accompagne de notes établies par Jean Ristat, et, gräce a lui, des informations de première main qui constitueront une approche de l'ceuvre, comme on na guäre coutume d'en trouver a un ensemble de testes aussi divers el parfois aussi surprenant. gj ilvinteerd,,éerilzp.segeégnait c la Jumera de Picasso. Ce don d'image, la merveilleuse image surrealiste qui Abad et refait narre monde, cette précieuse faculte de se mettre recoute des mots et de les laisser (Quer entre nun jusqu'au calembour, c'est dass les annees qu'il les découvre elles exerce. A cet égard, les deux premiers tomes de rceuvre poétique roulent dans leurs vagues courtes, des diamants ä foison... A défaut de Memoires - et encore on pourrait dire que ces leales et leur cornrnentaire en tiennent lies - l'ceuvre poétique qui commence, en nous restituant la voix du plus grand peut-etre de nos écrivains vivant aujourd'hui, nous donne l'histoire de notre aventure. Jacqueline Piatier (Le Monde) Evénement capital que cette publication, non seulement parce quelle reunit tous les teures poetiques d'aragon - rl faut bien li re tous - poémes ou proses qui de quelque façon ont rapport avec la poésie ou son histoire, et quelle est irreprochable, impeccable quant ä sa presentation, mais aussi parce que sans elle révolution de ce qu'il est convenu d'appeler poésie depuis 1917 serait inintelligible. Lionel Ray (France Nouvelle) PRESENTATION 12 forts volumes en toile gris perle, retrate conque par le maitre granear Michel VINCENT, Les illustrations comprennent notarnment des reproductions en noir et couleur de Georges Breque, Max Ernst, Juan Gris, Fernand Leger,,qain Le Yaouanc, Andre Masson, Joan Miro, Pablo Picasso, Yves Tanguy ainsi que des photographies de Robert Doisneau, Man Ray et Jean Louis Rabea, Comme Aragon invente l'illustration au fur et a mesure, cette liste n'est pas exhaustive. BON DE DOCUMENTATION GRATUITE a retourner au LIVRE CLUB DIDEROT 146 rae du Faubourg Poissonniere - PARIS 10 Je desee erre documente sans engagernent de ma pan sur l'ceuvre Poellque d'aragon Norn Prenom Profession Adresse complete NC}

92 prostituce Lisiska. II nous montre comment pris dans les hiatus de sa propre logique, Wedekind poursuit son «ve» jusqu'au bout, jusqu'au suicide de Casti Piani sur le bidet de l'avant-scène, anéanti par l'échec de la prostitution libre dont il espérait faire un antidote au mariage bourgeois et qui s'avere finalement n'en etre que l'autre face. Pour Bruno Bayen, l'échec de Casti Piani renvoie directement ä celui de Wedekind ; en le montrant, il rend visibles les limites de la pièce et appelle au dépassement de sa problématique. A des niveaux de réussite différents, ces deux spectacles témoignent de la vitalité et de la richesse dune toute nouvelle generation de metteurs en scene. Tentant de faire une sorte d'épure, Brigitte Jacques a choisi par tous les moyens une ligne-force du texte au détriment des autres ; c'est un choix auquel on peut, bien sür, préférer celui de Bruno Rayen qui parlant d'un texte bien moins achevé, a su le faire vivre dans toutes ses dimensions. On sent constamment, ä travers cette mise en spectacle de La Danse Macabre, ä quel point il est attiré par l'écriture dramatique elle-meme : sa conception de la mise en scène est déjà celle d'un auteur dramatique 5. On attend avec impatience ses prochaines pièces, et son prochain spectacle Wedekind, l'adaptation du Philtre d'amour. R. n'est pas descendu u dans ce village pour y donner des lecons aux paysans, mais u y est alié pour apprendre auprès d'eux. Ce que dit, très explicitement le film dans sa conduite meine conduite d'approche. On passe en effet dune description tres extérieure du village, des reunions électorales, des manifestations paysannes ä une participation directe ä ce qui fait sa sie plus profonde : les discussions au café oü la caméra devient acteur, la soirée finale chez l'un des paysans, oü tout un plan est mis au point pour rouler le «petit notable u du village. Et du meme mouvement, dass la coulée du film, on va de la a présentation u Alten statique des personnages : les notables A ce point, et pour dice combien cette demarche est cohérente, ti est sans doute interessant de noter que dans cette a conduite d'approche le film a inclus le tournage et la diff usion dune emission de télévision. II s'agit dune emission du genre a regardez comme ils vivent u: une equipe interviewe une paysanne sur sa vie, enregistre ses gestes quotidiens, des champs à la cuisine. La diffusion de cette emission image d'abord renvoyée dass la cuisine meme &I elle fut tournée, puis au café oü tous les hommes sont rassemblés dévoilant un conflit finalement politique marifemme, nouera, devant tout le village, un des conflits du film. C'est dire dune patt l'importance de la télévision dans 1 5. II a déjä écrit plusieurs pieces, et pu mettre en scène l'une d'entre elles Madame Hardie en Jean-Daniel Simon II pleut foujours oü c'esi 11 pleut toujours oü c'est mouilk de Jean-Daniel Simon est le film d'une double avancée. Avancée contradictoire de la prise de conscience politique dans une localité rurale ä l'occasion dune campagne électorale (les «legislatives de 1973 dans un village de l'agenais). Avancée et c'est par lä que 11 pieza toujours... est tout autre chose que la mise ä plat, la mise au jour de a problèmes u politiques du film lui-meme vers la connaissance du milieu rural envisage une connaissance qui, prenant en compte les conditions specifiques par lesquelles passe cette prise de conscience, inflechit la demarche méme de Jean- Daniel Simon et de son equipe. Ce qu'il faut tout de suite noter ici pour aller vite, et ce sur quoi il faut revenir, c'est que au contraire de ce qui trop souvent se passe dans des films a sur a la classe ouvriere ou «sur > les paysans le réalisateur Photo du film : a 11 pleut toujours oft c'est» du parti gouvernemental, le militant communiste su lä encore, de l'extérieur, puisque d'abord décrit par un de ses adversaires les paysans a cabochards a, les détenteurs des moyens de pression économique qui se retrouvent bien évidemment, du cöté des notables, ä la mise en évidence progressive de ce qui est l'essentiel ä percevoir : non pas les a personnages u en tant que tels, mais les liess sociaux qui les unissent ou les opposent les uns aux autres. Ainsi des rapports de solidarité entre les petits paysans solidarité au centre de laquelle va se trouver le militant communiste et des clivages de classe qui vont finalement rompre les liess de «clientèle u établis des notables ä certains paysans. la nouvelle critique ".3.N14 2n n,p4 la vie rurale. Mais, beaucoup plus significativement sans doute, le film se donne par lä une lecon :ib ne suffit pas de a regarder vivre u les gens, ti faut aussi apprendre d'eux et apprendre avec eux. C'est donc bien tout au long, dans son propos explicite (ce qu'il dit de la politique au village, ce qu'il dit de la télévision) tout autant que dans sa construction meme (l'intégration progressive de la «caméra u dans une communauté) sur la meme ligue qu'avance le film. Ainsi Jean-Daniel Simon ne a parle 1,441 pas de l'extérieur de la solidarité paysanne, la met en film dans une approche chaleureuse. E. B. 1

93 la nc signale En 1946 Antonin Artaud le continent (notamment de rencontre Jacques Frevel quiictor V Jarra). Choix et trafait un journal de ces entre- duction de Regine Mellac Editions du Cerf, 20 F). vues : En compagnie d'antonin Artaud (Flammarion, 28 F) Cinq romans de Roger Vailland groupes en un volume de la collection «Filigrane du Libre-Club Diderot : Dr.die de Jett ; Un jeune homme seid ; Beau Masque ; F: La Fite. Edition due ä René Ballet (I 100 pages, 55 F). Louis Oury, l'auteur des «Pro/os u (récit publié en 1973 chez Denoel) tente une experience sans doute limitée mais passionnante : L'Exprimass. Donner ä ceux qui sont exclus de la culture» le moyen de s'exprimer. II leus propose une brochure avec bulletin-réponse (8,90 francs) qui permet ä chaque lecteur de participer ä la rédaction d'un lisie, sur le theme «La cigale et la fourmi», par le truchement d'un ordinateur. (Louis Oury, B. P. 58, Saint-Nazaire.) Un colloque sur Michel Butor a eu lieu en 1973 a Cerisy. Les actes en sont publies en 10/18 (15 F). Jules Verne : un Cahier de L'Heme lui est consacré (69 F). Zola, socialiste? Germinal, en Classiques du Peuple c'etait sa place, par André Vial (Editions sociales, 9 F.) Un roman chilien, préfacé par Pablo Neruda et traduit par Andre Camp : Le Rio Ma pocho, d'alfredo Gomez Mordl (Gallimard, 42 F). Un des meilleurs romans sovietiques de la période récente : Sotnikov, de l'écrivain biélorusse Vassil Bykov. Traduction de Bernadette du Crest (Albis Michel, 27 F). Dans la nouvelle collection bilingue des E. F. R. «Domaine poétique» deux recueils de tout premier ordre : Mepris et merveilles, de Rafael Alberti, traduit et adapté par Victor Mora et Charles Dobzynski (33 F) et Gestes, de Yannis Ritsos, traduit du grec par Chrysa Prokopaki et Antoine Vitez (29 F). De Pablo Neruda, la traduction d'un très beau recueil de poèmes parus en 1954, Les Odes élémentaires, texte français de Jean-François Reitle (Gallimard, Du monde entier u, 45 F). Nazim Hiktnet : un numéro spécial d'europe est consacré au poète communiste turc, une des grandes voix» de notre siècle (20 F). «Le mot peuple»ouemes d'alain Bosquet, dans la petite collection reliée des E. F. R. (15 F). de I. B. Marcellesi et B. Gardin, lt g irodueden ä la sociolinguistique (Larousse, 30 F). La correspondance Marx/ Engels : le tome IV (juillet 53-juin 57) vient de paraitre (Editions sociales, broc)ié 40 F, relié 47 F). «Les ruses de l'intelligence» un essai sur l'intelligence de la ruse, categorie méconnue de la pensée grecque, par Marcel Détienne et J.-P. Vernant (Pianimarion, 58 F). Un ouvrage d'ethnologie de Laura Levi Makarius, Le Sacre et la violation des interdits (Payot 85,60 F). «Lacan», un numéro de L'Arc rédigé uniquement par des femmes. Notre collaboratrice Catherine Clement pre sente ce travail et note que Fentreprise «a rencontre tour à tour enthousiasme et résislance, a suscité des commentaires derisoires, des échos ofi toujours l'idéologie, en tous sens, soufflait des fragments de discours autour de Lacan...» Cela dit, c'est un travail remarquable sans doute d'ailleurs d cause de tout cela... (12 F). «Etudes sur PCEdipe», Introduction ä une théorie du sujet, par Moustapha Safouan. Un recueil ordonné d'articles d'un intéret extreme, ou FCEdipe est débarrassé de tout Un fatras idéologique. Une these constitue le fil directeur de cet ouvrage «LIEdipe, c'est la castration u, soit ce dont on ne peut faire l'économie dans la constitution du sujet. A lire avec attention. (Ed. du Seuil, collection «Le Champ freudien >, 29 F.) «L'Ombilic et la Voix», deux enfants en analyse par Denis Vasse, psychanalyste de l'ecole Freudienne de Paris. Comment les dessins apparemment incoherents de deux enfants se constituent en écriture, et se donnent ainsi ä lire au cours d'une analyse qui restitue aux enfants leur parole. (Ed. du Senil, collection «Le Champ freudien a, 52 F.) des d iscussions entre les differentes approches de l'enfance, par Irene Lézine (Wune, 30 F), et une belle étude manifeste pour l'enfance de Françoise Lazard-Levaillant Le petit enfant ce méconnu (Editions sociales, 25 F). «Le folklore obscene des enfants». Ce qu'on chante dans les cours de récréation une étonnante enquete (sous l'égide d'inspecteurs primaires, mais oui...) traitée par Claude Ga ignebet (Maisonneuve et Larose, 60 F) qui, par ailleurs, vient de publier un essai sur Le Carnaval (Payot, 40 F). «Doué ou non doué?» Une anthologie des textes publies sur le sujet depuis le fameux article de Lucien seve : «Les dons n'existent pas.» Sous l'égide du Groupe français d'education Nouvelle (Editions sociales, 20 F). Une belle anthologie poétique pour les jeunes, par le pionnier de la rencontre entre l'école et la poesie vivante, Jacques Charpentreau : Poemes pour les jeunes du temps présent (Editions Ouvriéres, 31 F). Le point sur le théátre pour enfants, à l'abondance prometteuse et ambigue, par Claude-Pierre Chavanon (La Cité L'Age d'homme, 27 F). cc Psychanalyse et politique», compte rendu s selectif» d'un colloque tenu ä Milan, fin 1973, à l'initiative d'a. Verdiglione. Avec notamment les interventions de S. Leclavie, Ph. Sollers, F. Guattari, J. Kristeva, Goux, J. Oury, M. et O. Mannoni. Avec comme domirf ante une conception idealiste de la politique. (Ed. du Senil, 30 F.) L'historien Henri Guillemin montre dass Nationalistes et nationaux ( ) la trahison des classes dirigeantes qui ont jete pardessus bord l'intéret national. (Gallimard, Id/es 8,90 F.) cc Histoire des Cro- Chants libres d'amérique Les problemes de la so- L'enfant avant 6 ans. Des quants». lis ont existé et latine édition bilingue ras- cio-linguistique sont traités «propos sur le jeune enfant u se sont soulevés par dizaines semblant des chants de tout dans un ouvrage important à partir des confrontations et de milliers dans le Sud-Ouest 91

94 du xvir siede. Une grande un essai «de l'intérieur s sur these de Yves-Marie Berce la littérature arabe contem- (Droz, 135 F). poraine : Langages arabes du présent (Gallimard, 60 F). Dom Deschamps. II faul,., connaitre ce moine commu- " ramsei dans le texte. roste. metaphysieim pantheis_ La réédition, enrichie dans te, ennemi des Lumieres et une traduction remarquable et contestataire absolu. Un nou_ avec un appareil critique veau recueil sur lui, toujours dune extreme densité,. des produit sous la direction de grands textes de Gramsci,. na- Jaegoes D Hond t., Dom Des- guère publiés aux Editions champs et sa métaphysique sociales (60 F). (Presses Universitaires, 30 F). «Nationaliser? Qui? Le 4" tome de l'histoire Pourquoi? Comment? '» de FU. R. S. S. de Jean Une lumineuse et indispensable mise au point de Marc Eueinstein. De la reconstruc- Dupuis (alias Claude Toulon) tion aux bases du socialisme (Editions sociales, 7 F). développe, en passant par l'exacerbation du culte de la personnalité et le XX' Congrés (Editions sociales, 12 F). Un passionnant repor- tage (et une réflexion sur la société capitaliste) de notre camarade Madeleine Un précieux témoignage Riffaud : Les linges de la sur la politique française nuit. (Julliard, 27,10 F.) en L'Assemblée Constituante rae de nron banc, par Rene Cerf-Ferriere, pa- «Vive la télévision, mestriote et démocrate, qui juge mein. Un pamphlet d'une les manceuvres de la droite et violence tonique de du grand capital contre le Jacques Frémontier (Editions du Rogrand espoir populaire de la Liberation (Editeurs Français cher 10 F). ' Réunis, 38 F). Les écrits sur Partde Zola, de ue tb :.s u xsoulms Impression- La uouvelle loi sur la jeunesse en R. D. A., les débats Le bon conrbat. (Hermann, Cnistes, urerpbii autour de la piece d'ulrich 42 F.) Plenzdorf Die neuen Leiden des jungen W. une étude sur la «nouvelle musique >, et, de nombreux articles sur la "' an Eifel en livre de vie culturelle et politique en poc he : L a cration é d u monde R. D. A., c'est ce qui est ä (Le roman d'adam et Eve). découvrir dans le bulletin Connaissance de la République démocratique alternan- Leçon d'histoire, le film de de, publié ä Vincennes (Uni- Jean-Marie Straub d'après versité de Paris VIII). Ren- Les Affaires de Monsieur fuseignements auprès du groupe les C. de Brecht, que nous de travail R. D. A. (Gilbert avions présenté en juillet Badia), Université Paris VIII, 1973 ä Avignon (voir inter- Service de la Recherche, view de Jean-Marie Straub Bät. H, route de la Tourelle, dans La Nouvelle Critique, Paris Cédex 12. n" 68, octobre 1973) est enfin disponible en France, en version sous-titrée. Les clubs ou Jean Lacouture a reuni por0gcaunre isartions umuzveinvr t Ese 501e deux publicistes egyptiens rue Edouard-yaillant, connus sous le nom de plume Bagnolet. de Mahmoud Hussein et un publiciste israelien, Saul Friedländer : Arabes et 1srailiens, un premier dialogue. Les grands films, plans (Senil, 30 F.) après plans, dans une collection originale, la Bibliotheque des Classiques du Ciavec, par Deux nouveaux livres exemple, de néma' entre d ix tires pairus, La Jacques Berque. Un ma- Règle du Jeu, Pierrot le Fou. nuel : Maghreb, histoire et Dróle de Drame (Balland, sociétés (Duculot, 35 F) et 49 F). S MAIMCISTES LA POLn-louE Francois Chatelet Jean-Marie Vincent De 1843 à nos jours, près de 200 textes qui montrent comment les Marxistes ont interprètè et affronté le problème politique. Un volume, 736 pages. PRESSES puf UNIVERSITAI RES DE FRANCE la nouvelle critique 92

95 Echecs Problème n 18 M. Boulovatzky «Zvezda» a 1) ç cl e f gh Les Blancs jouent et font mat en deux coups. Etude N 15 F. Fritz «Ceske Slovo» 1933 Blancs : Re 5, Fe 4, 1' : b 6. Noirs : Re 8, Ta 1, Fe 6. Le3 Blancs jouent et gagnent. Beljavski et Tahl, nouveaux champions de l'u. R. S. S. Le 42, championnat, disputé à Leningrad, a ere marqué par la montee des ieunes loups qui ont erogué dans le chemin des épreuves qualificatives les anciens grands de l'échiquier soviéfique. Engagés ailleurs, les quatre as Karpov, Kortchnoi, Spasski et Petrossian n'ont pu participer aux joutes hautement sportives de cette tres grande compétition et c'est finalement le jeune Beljavski (22 ans, champion du monde juniors) et le terrible Tahl (exchampion du monde) qui remporterent ex xquo les premières places. Classement 1-2 Beljavski et Tahl, 9 1/2 pts. 3-4' Vaganian et Polugaevski, Aliburt, Dvoretski et Romanichin, 8 1/2 ; 8 Balachov, 8 ; 9^ Kuzmin, 7 1/2 ; Tzeskovski et Vasjukov, 7; 12 Savon, 6 1/2 ; 13-15* Grigorian, Gouliko et Taimanov, 6; 16' Kupreichik, 3 1/2. Le 34. chanrpionnat féminin de l'u. R. S. S. disputé à Tbilissi, a vu la brillante et surprenante victoire de Elena Fatalibekova qui remporte le titre avec deux points d'avance sur la joueuse confirmée Shu11. A noter l'excellent classement de la toute jeune georgienne Tchibourdanidze (15 ans) qui figure dans groupe 5-7 des premières placees, sur 19 participants. Classement 1. Fatalibekova, 14 pto. 2' Chull, 12; 3* Kozlovskaia, 11 1/2; 4^ Ranniki, II; 5-7' Grunfeld, Mulenko et Tchibourdanidze, 10 1/2 ; 8-10' Bilunova, Kobandze et Kostina, 9 1/2 etc. La 6. Olympiade férninine s'est deroulee à Medellin (Colombie). 26 equipes 8 de trois joueuses prirent part et la finale vit la victoire ex wquo U. R. S. S. 7 et Roumanie. Pour le titre un match 6 de barrage entre ces deux pays vainqueurs se termina sur le score 3-1 en 5 faveur de l'u. R. S. S. qui remporte 4 ainsi le titre de championne du monde. 30. F )< e6 T X e6; 31. Td7 et les 3 Résultats : 1-2^ U. R. S. S. et Roumanie, 13 1/2 pts ; 3-4' Bulgarie et Hongrie, 13 5' Hollande, 9 1/2 ; 6 Tchécoslovaquie, 9 ; 7 Yougoslavie, 7 1/2; 8-9" Angleterre et R. F. A. ; 10 Canada, 3 ; 11-12' Espagne et Israel ; 13 Brésil ; 14 U. S. A. ; 15' Suede ; 16 Autriche, etc. Finale B pour les places. Voici la composition des deux equipes de tete U. R. S. S. : Gaprindachvili, Alexandria et Levitina. Roumanie : Polihroniade, Baumstark et Teodorescu. Partie N 16 Jouée au 42' championnat de l'u. R. S. S. Leningrad, décembre 1974 Blancs : Bel javski Noirs : Aliburt I. el2-d4, Cg8-I6; 2. c 2-c4, c7-c5 ; 3. Cg1-13, c5 x d4 (Partie Anglaise par interversion de coups. En effet on aurait pu débuter aussi bien avec I. c4, c5 ; 2. Cf3, Cf6 ; 3. d4, c X d4; et on retrouve la meme position que dans la partie). 4. C13 x d4, e7-e6 ; 5. Cbl-c3, F/8-b4; 6. g3-g3, C/6-e4 (attaque le cavalier c3). 7. Ddl-d3, Dd8-a5 ; 8. Cd4-c2 (Si 8. D X e4, F x c3 +, 9. b x c3, D x c3 10. Rdl, D x al ; gain de matériel des Noirs) Ce4 X c3; 9. Cc2 x b4 (après, 9. b x c3, F X c3 4-, 10. Fd2, F x d2 4-, 11. D X d2, D X d2 12. R X d2, les Blancs ont une position inférieure avec un pion de moins), 9... Cc3 X a2; 10. Tal x a2, Da5 X b4 II. Fcl-d2, Db4-66 (par suite du sacrifice de pion le développement rapide des pi/ces donnent aux Blancs un avantage strategique bien visible. Probablement la retraite II... De 7 ; était meilleure). 12. Ffl-g2, Cb8-c6 (une partie bizarre dans laquelle entre les 12-36' coups, le cavalier jouera 10 fois). 13. Dd3-a3 (le contrdle de diagonale a3-f8 retarde le roque adverse) Cc6-d4 ; !, d7-d6 (est envisager C x e2 4-, mais 15. Rh 1, Cd4 ; 16. Fe 3, e5 ; 17. Dc 3, et les Blancs ont quand m'eme quelques possibilités tactiques interessantes). 15. e2-e3, Cd4-63 ; 16. Fd2-c3 93 (l'avantage de développement vaut bien un pion) ; 17. TII-dl, Cb3-c5 ; , Cc5-d7 ; 19. Ta2-d2, Db6-c Da3-al (prendre immediatement le pion d6 serait une erreur, T X d6?, Cb6 ; 21. Dal, C X c4 1, 22. F X g7, C X d6; 23. F X f8, R X f8) /7-16; 21. Td2 x d6, Cd7-66 ; 22. c4-c5, Cb6-d5 ; 23. Fc3-el, Cd5- e Dal-a4, a7-a5 ; 25. Da4-a3, Ce7-15 ; d6-d3 (sur l'aile Dame le Fou c8 est immobilie a.5-a4 ; 27. b4-b5, e6-e5 ; 28. Fel-b4, T18-e Fg2-d5 Rg8-h8 (si Fe 6; Blancs gagnent) , Dc7-d7 ; 31. c5-c6!, b7 x c Fd5-c4, Dd7-b7 ; 33. Td3-d8, Fc8-d7 (coup (orcé). 34. Td1 )< d7, Db7 x b6; 35. Td8 X a8, Te8 X a8; 36. Fc4-d3, C/5-h6 (le cavalier après avoir parcouru un chemin long, c6-d4-b3-c5-d7-b6-d5- e7-f5-h6 se trouve au bord de l'échiquier oü il ne peut plus &re utile pour parer les dangers). 37. Fb4-18 les Noirs abandonnent. Car Td8 ; 38. De7, T X d7; 39. E x g 7 -I-, Rg 8 ; 40. Df 8 mat. Solution du problime n 16 J. Curnpe Blancs : Rb 7, Oh I, Te 6, Fe 5, Fg 6. Noirs : Rh 6, Ch 4, P : I 5, g 5. Mat en deux coups. En examinant cette composition nous remarquons que si les Noirs jouent en premier 1... f4 ; les Blancs ne peuvent pas répondre par le mat. La cié est 1. Dal! Menace 2. Fg 7 mat. Ainsi sur un coup neutre comme 1... f4 ; les Blancs n'ont qu'exécuter la menace, 2. Fg7 mat. Sur 1... C x g6; un amusant allerretour d'une pi/ce (la Dame) Switchback permet, 2. Dh 1 mat. Si I... g4; 2. Ff4 mat. Solution du problème n 17 A. Jaroslavtzev Blancs : R16, Db4, Tgl, Cg4, Fa8, P e4, d4, d6, e2, h2. Notes R14, Fe8, P : b6, e3, e6, h5. Mat en deux coups. Composition moderne, avec deus essais thematiques dans lesquels fonctionne une batterie Dame-Pion 1. c5?, menace 2. d5 mat. Sur 1... b x c5 ; 2. d X c5 mat. Sur 1... e5 ; 2. d x e5 mat. Mais 1... Fb5!, pare la menace. 1. d5?, menace 2. c5 mat. Sur 1... e X d5 ; 2. c X d5 mat. Sur 1... Fb5 ; 2. c X b5 mat. Mais 1... e5!, et 2. pas de mat. La cié est jolie : I. Dd2! Menace 2. D X e3 mat. Si 1... e X d2 ; 2. e3 mat. Si 1... h X g4 ; l'autóblocage sur g4, et le clouage sur la diagonale permet, 2. Tf2 mat. F. Molnar

96 Recherches el Internationales ä la h,rin,, e Lmcirxism Bien qu'il soit évident que, dans l'étude du développement historique des pays, ii ne laut jamais sacrilier le général au particulier, nombreux sont encare les historiens de Byzance d l'exception naturellement des marxisles qui n'ont pas adopté, avec quelque conséquence, cette favor; de considérer l'analyse des données concrétes et l'interprétation d'ensemble dans le domaine qui est le leur. La controverse sur le probléme du mode de production Byzance et sur l'existence ou la non-existence de la féodalité dans cene aire en est un exetnple classique. Nombre d'importants et intéressants travaux consacrés d ces problémes tz'étant pas connus en France, le présent Ca/zier de Recherches Internationales pourra, sans aucun doute, contribuer d un élargissement et d un approfondissement de la discussion. (Exrait de la préface.) Le numero, 15 F (étranger, 18 F). Pour toutes commandes voir l'encart page 136. N.C. Service-livres Nouveautés L'Echec scolaire : «doné ou non doné»? Groupe jrançais d'éducation nouvelle 28 spécialistes, enseignants, chercheurs, ont collabore à cet essai, sur un des problemes-clés de la pédagogie. Editions sociales, 20 F. Bachelard, le Jour et la Nuit Dominique Lecourt Voir notre note de lecture dans les a Actuelles». Editions Grasset, 25 F. Le Séminaire Jacques Lacan Apres le livre Xl (Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse) voici venir, blocs erratiques aux deux bouts de la chaine du grand ceuvre annonce, le livre I (Les Ecrits techniques de Freud) et le livre XX (Encore) du a séminaire» de Jacques Lacan, texte établi par Jacques-Alain Miller. Editions du Senil. Livre I : 45 ; Livre XX : 26 F. Laicité et réforme démocratique de l'enseignement Georges Cogniot Histoirc de l'écolc laïque, mais heaucoup plus que cela : une histoire prospective» en quelque sorte, puisque c'est de l'école de demain dont parle iei Georges Cogniot, dans la réédition de ce livre de 1963, largement revu et mis à jour. Editions sociales, 30 F. Sur l'u.r.s.s. Les Soviétiques. Classes et société en U. R. S. S. Francis Cohen Un ouvrage de base, une étude fouillée, pour comprendre l'u. R. S. S. d'aujourd'hui dans sa diversité. Editions sociales, 30 F. Histoire de l'u. R. S. S. (tome IV) Jean Elleinstein Le tome IV (l'u. R. S. S. contemporaine) et dernier d'une histoire de l'u. R. S. S. dont on a beaucoup parlé. Editions sociales, tome IV : 12 E ; tome 1 : 12 F ; tome 11 et III : 9 E chacun. Rappelons que les livres mentionnés dan» notre chronique : «Que lire sur l'u. R. S. S.» peuvent étre commandés ä La «N. C. Servicelivres». Rappel L'Empire de la haute finance. Genése du capitalisme monopoliste d'etat aux Etats-Unis Victor Peno Un livre-synthese de V. Perlo, de qui nous publions un inédit dans ce numero. Editions sociales, 40 F. Cinq romans de Roger Vailland Dans la presentation soignee du Livre-Club Diderot, einq romans majeurs de Roger Vailland : Drble de jeu, Un Jeune Homme seul ; Beau Masque ; francs,' La Féle ; presenté par René Ballet. Livre-Club Diderot : pages, 55 F. 1 1

97 VE V: _LE service livres Attention, il vous suffit d'inscrire une croix dans la case correspondant aux livres et aux (fisgues que vous désirez recevoir, d'indiquer le nombre de volumes que vous eommanderez, et la somme que cette commande represente. Precisonssue cene liste n'est mis limitativo : vous pouvez, en inscrivant lcurs titres, les noms de Pauteur, et, si possible, de l'éditeur, commander d'autres volumes que vous n'auriez pes trouves. V0119 devez adresser le boa de commande tigurant sur l'encart ci-contre Services-livres - L. C. D., 146, rue du Fnubourg-Poissonniere, Paris (X'). Vous, pouvez - joindre cheque bancaire ou postal A votre bulletin de com mande. (C. C. P. - La Nouvelle Critique, La Source.) Pour tatue commande supéricure A 50 F, les frais de port sant A notre charge. Pour une commande inferieure A 50 1,, nous vous serions reconnaissants d'ajouter à votre versement 3 E pour le port. Graupe frangais d'éducation nouvelle L'Echec scolaire EJ 20 F Darninique Lecouri Rachelard, le Jour et la Nuit 0 25 F Juegues Lace Lire F Litre XX 0 26 F Georges Cogniat [anché et reforme dimocratlque de l'enseignement 0 30 F Francis Cohen Les Sovietiques 0 30 F Jran Elleinstein Histoire de l'u. R. S. S. Tome F Tome 11 O 9F Tome M o 9F Tome 1V E] 12 F Victor Perla L'Einpire de la haute finance 0 40 F Roger Vailiand Cinq romans Retournez ce bulletin à L. C. D., 146, ruc du Fauhourg-Poissonniere, Paris-10' o 55 E pour faire connaitre Envoyez-lui des adresses de personnes susceptibles de s'abonner. Nous loor adresserons un specimen gratuit. Nont Adresse mli N out Adresse Nom Adresse CEELE Nom Adresse EEIM N om Adresse Nom Adresse I IIL Non), Adresse ELEEE Nom Adresse Prenom Prenom Prénom Prenoto Prenom Prénom Prenom Prdnom Nom I 1 1 J. 1 1 II Prenom L.,_ Nom Prénom Profession L ' I Adresse Adresse I 1 1 I 1 I I I Vine 1 LI L1 Nom Prénom Je joins à ce hon de commande. Adresse E Cheque bancaire Clit'que postal de la Manell,, Critiqu (( ( P La Solare) Retournez cette liste d La N. C. 168, roe du Temple, París, Merid.

98 LA YEE E bon de com mande recapitulotif Abonnez-vous ou offrez un abonnement Nom - Prénoml Adress II E EJ 0 I 1 1 II 1 Je commande Nombre d'ex. EJ EJ EJ EJ EJ EJ EJ o o EJ EJ EJ EJ o o EJ o EJ Tarea Plaquetas. Lengage, 'elencos el hlatotre Enlates et la Fotelosophle mantel* Une *elenco du 11110r51re est-elle pos - (bin La dimocratle Bochen', en U. R. S. Criae de la Socia«, egltser el timen populalre Romano, potingue N Specleux el. C. Latirature el Ideleigel (15 F Pour lee ebonnes N. C.7 Llinelstleue 11 Uttirature OS 7 ;Mur len t'ucrania N C.) U/penare«1 tan"). do le Conmene de Parle Arthur Adrtnov 19 F pour lee ebonnie N C.) Dense. Lee Volea de le criellon Post? Un Urbenleme Collection N. C. Collection R. I Premiares Saetees de classe N. 61 Ou socieesrne en Chme 113 Votes de la revolueon boureeolse P41 63/84 Le deuxteme servag N- 47 Le propnett soctaltste 411(70 Le Fascismo letterlen N Eneorgner te 71 EPOPtie el roman N L'howne et Venvironnement Fiedelieme a Byrence 1 I 1 I J I J Frie d'un Prix ex. total F F SF F 5F F 20 F 20F 15 F 12 F 10 F 50 F 7F 7F 7F 7F 17 F 7F 1F 7F 7F 7 F 15 F 9 F OF 18 F OF 15 F 16 F SF 15 F 15 F Total Pour les commendee datination de l'élranat, aloutex aus prlx indique/ P. S. : Ce bon de commende n'al pas %falible poto Service Unes. Expédition franco, par retour. Retournez ce bon de commande d'un montant de : it La N. C., 168, rue du Temple, Paris. 10 'V. N C. Cheque hancuire O Jo oms à ce hon de commande { Cheque polla! (C. (. P Pia, ) Nom Prénom Adresse I Quanti ou profession Comment avez-vous connu la N. C.? Retournez ce bul etin avec votre cheque ä La N. C., 168, nie du Temple, Paris ((. C P Paris) Toril Abennemente FRANCE Marche Conenun et /Unce, du Nord Autres Pa?, Recherches Internationales al la lumière edu marxisme Tarif d'abonnement I I I I 1 I 1 1 Pour les &munes de la N. C. 40 F Frunce 45 F Etranger Pour les non-abonnes de la N. C. 50 F France 55 F Etranger Nom Adresse 1 an 2 ene 6 Mi, Normal 125 F 230 F Elvdtents 60 F 115 F Normal. 170 F 320 F Etudlents 80 F 150 F Normal 190 F 350 F Etudlent* 90 F 170 F F I 1 I 1 1 I 1 1 Nos!m'un irie (Ni touhalteralant sebonner peuvent sed le S. N. E. O. 3. bd 21rout- Voucer. Algar [811 abonnement Retournez ce bulletin aux Editions de La N. C.,168, rue du Temple, Paris CX accompugne d' un cheque hancaire ou dun cheque postal C. C. 1'. La Nouvelle Critique, París

99 l'affiche NC Inoeson des,cuno. al de lo eulturo THEATRE DE COLOMBES <Z) Clz Editions de Moscou en langue francaise Nouveautés Samedi I" février Musique de l'inde Mardi 4 février Mikis Théodorakis SaMedi 22 février Paco lbanez Cuarteto Cedron Samedi I" mars «Pabo e par le Thatre Carriera Théátre de L'Est Parisien 17, rue Malte Brust. Paris. 6 représentations exceptionnelles du RETOUR DU GRAULLY Par le Thétitre Populaire de Lorraine Texte : Jacques Kraemer Mise en scène et dramaturgie J. Kraemer, René Loyon, Charles Tordjman Scénographie et costumes Daniel Rozier Chansons de Max Rongier AVEC/ Pierre Awaride. Michel Daoudi. Patrick Larzille. René Loyon. Chamal Mute!. Guy Perro!. Dominique Verde. Regie Pierre-Yves Lohier et Jean-Claude Journée. Les mars ò 20 h 30 ei les 8 et 9 man' it 14 /2 30 THEATRE 71 centre d'animation culturelle directeur-ammateur guy kayat place du 11 novembre malakoff La Compagnie Charbonnier- Kayat crée HAMLET de W. Shakespeare Adaptation : Yves Bonnefoy Mise en scène : Guy Kayat Du 21 février au 29 mars inchis â 20 h 15 précises. Reforme economique en U. R. S. S. rédigé par un collectif de savants en science économique. Format poche, relié, 324 pages. 12 F. La planification scientifique en U. R. S. S. rédigé par un collectif d'auteurs sous la direction de Anatoli Efimov, clocteur essciences économiques. Format poche, relié, 240 pages, 12 F. L'économie politique du capitalisme Format poche, relié, 510 pages, 12 F. Précis d'économic politique par Léontiev. Format poche, broché, 312 pages, 7,50 F. Le conseil general de la première Internationale Proces-verbaux Tome I ( ), 13,20 F. Tome 11( ), 14,50 F. Tome III ( ), 15 F. Le Congrès de La Haye de la première Internationale (Proces-verbaux) 10, 45 F. Souvenirs et réflexions par Constantin Simonov. Relié, 400 pages, 12 F. En vente toutes librairies Diffuseur Odéon Diffusion 146, faubourg Poissonniere PARIS 10'

100 "-1geree-reiZeetsgi:".. -1" ao,"; Ih? e 5 lecteurs gagneront un séjour Tourisme et Travail au concours d'abonnements de La N. C. MAIS A TOUS TOURISME ET TRAVAIL VOUS PROPOSE DE PARTIR 6 JO URS EN CROISIÈRE De Marseille à Casablanca le 8 mi le 15 mars Départ de Marseille sur le paquebot «MASSALIA» (dernier-né des paquebots de la Compagnie Paquet). Escales à Palma de Majorque Malaga Tanger Casablanca Offrez-vous ce qui était inabordable il y a encore quelques années et que TOURISME ET TRAVAIL, gráce a la coordination des moyens des comités d'entreprise, vous propose aujourd'hui pour F en cabine confort» 4 lits F en cabine «confort» 2 lits F en cabine «Luxe 2 lits, salle de bains (pour une prestation identique à celle proposée normalement par la Compagnie, la seule différence, c'est le prix). Vous goúterez aux plaisirs de la vie à bord (piscine climatisée sur le pont, bains de soleil, discothèque, orches- Ire, télécinéma. etc.) et le dépaysement des escales. BON VOYAGE! Paur tous renseignements adreccez-vous à Tourisme et Travail, 15, rue de Milan, Paris, té! J

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