Mécanismes de l alloréactivité, des rejets de greffe et de la réaction du greffon contre l hôte.
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- Élise Auger
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1 Mécanismes de l alloréactivité, des rejets de greffe et de la réaction du greffon contre l hôte. Marcelo de Carvalho Bittencourt, Christophe Baron, Gilles Blancho, Myriam Labalette, Hélène Moins Teisserenc Ghislaine Sterkers, Pierre Tiberghien I-Introduction 2 II-Alloantigènes. 2 II-1.Antigènes majeurs d histocompatibilité 2 II-2.Antigènes mineurs d histocompatibilité 3 II-3.Antigènes des groupes sanguins 3 III-Mécanismes d alloréactivité 3 III-1.Alloréactivité indirecte 3 III-2.Alloréactivité directe 4 IV-Les réactions de rejet en transplantation d organes. 4 IV-1.Rejet hyper-aigu 4 IV-2.Rejet aigu 5 IV-3.Rejet chronique. 7 V-La réaction du greffon contre l hôte (GvH) dans la transplantation de cellules souches hématopoïétiques allogéniques 7 1
2 I-Introduction Les progrès accomplis dans le domaine des traitements immunosuppresseurs ont permis de développer la transplantation dans la prise en charge des patients atteints d insuffisance chronique de différents organes et tissus. L immunosuppression qui accompagne ces greffes est nécessaire puisque, au-delà des difficultés techniques chirurgicales, dès les premières tentatives de transplantation, il est apparu que les greffons devenaient non-fonctionnels dans un délai relativement court du fait de conflits immunitaires. Ces conflits sont liés à des différences antigéniques entre les tissus et cellules du donneur et du receveur. Lorsque le donneur appartient à la même espèce que le receveur, on parle d alloréactivité, dont l origine principale est l extrême polymorphisme des gènes codant pour les antigènes du complexe majeur d histocompatibilité (CMH). Dans les cas très rares où le donneur et le receveur sont identiques génétiquement (jumeaux monozygotes) il s agit d une transplantation syngénique et aucune réaction immunitaire n apparaît. On parle enfin de xenoréactivité lorsque le donneur et le receveur n appartiennent pas à la même espèce. Lorsque le receveur est immunodéprimé, comme dans la transplantation de cellules souches hématopoïétiques, les cellules immunocompétentes contenues dans le greffon sont capables de reconnaître les alloantigènes de l hôte et de les rejeter : il s agit de la maladie du greffon contre l hôte ou GVHD (Graft Versus Host Disease). Cette condition particulière est abordée dans la seconde partie de ce chapitre. L alloréactivité reste un obstacle majeur aux transplantations d'organes et de tissus puisque les rejets immunologiques aboutissent à la perte du greffon de façon pratiquement inéluctable et relativement rapide sans traitement immunosuppresseur. En effet, chaque individu possède un taux important de lymphocytes T naïfs capables de reconnaître les alloantigènes. La fréquence des lymphocytes T naïfs spécifiques d un antigène donné est normalement très faible (de l ordre de 1 pour , cf. livre L2). Cette fréquence est beaucoup plus élevée en ce qui concerne les lymphocytes alloréactifs (de l ordre de 1 à 10 pour 100), ce qui conduit au développement de réponses immunes de forte intensité lorsque les antigènes d histocompatibilité de deux individus sont mis en présence. II-Alloantigènes. II-1.Antigènes majeurs d histocompatibilité Plus de 90% des alloantigènes reconnus sont les produits des différences alléliques entre les molécules du CMH des individus au sein d une même espèce. Les différences génétiques existant entre les nombreux allèles des molécules d histocompatibilité sont concentrées au niveau des parties codant la niche à peptide, régions les plus polymorphiques de ces molécules (cf. livre L2). 2
3 II-2.Antigènes mineurs d histocompatibilité Les antigènes mineurs d histocompatibilité correspondent à des fragments peptidiques issus de la dégradation de protéines intracellulaires pour lesquelles il existe un polymorphisme génétique, mais n appartenant pas au CMH. La présentation d un antigène mineur est cependant restreinte par le CMH et fait intervenir l'alloréactivité indirecte. Les gènes codant les protéines présentant un polymorphisme allélique se situent sur divers chromosomes ce qui explique leur transmission autosomique ou gonosomique. Ainsi, l antigène H-Y n est exprimé que par les hommes puisque le gène qui le code est localisé sur le chromosome Y. Il existe aussi un polymorphisme des cytokines et de leurs récepteurs, ainsi que des antigènes du système KIR (Killer Immunoglobulin Receptors) présents sur les cellules NK. Le polymorphisme extensif du génome humain inclut par ailleurs des délétions de gènes. Le système immunitaire d un individu porteur d une délétion homozygote d un gène n a pas acquis de tolérance vis-à-vis du produit de ce gène. En cas de greffe allogénique il peut reconnaître ce produit comme un alloantigène. Les antigènes mineurs d histocompatibilité ont été découverts en raison de phénomènes de GVH survenus au décours de greffes entre donneur et receveur présentant le même CMH (greffe HLA-identique). Les antigènes mineurs d'histocompatibilité ne jouent toutefois pas de rôle déterminant dans la transplantation d'organes. II-3.Antigènes des groupes sanguins Les antigènes des groupes sanguins, ABO, sont importants aussi pour la transplantation car ils sont présents à la surface de plusieurs types cellulaires, dont les cellules endothéliales. Dans une situation d'incompatibilité ABO donneur-receveur, ils peuvent être la cible des anticorps naturels, responsables de rejets hyper-aigus. III-Mécanismes d alloréactivité L'alloréactivité peut être classée en deux types en fonction du mode de reconnaissance des alloantigènes. III-1.Alloréactivité indirecte Dans le cas de l alloréactivité indirecte, les protéines allogéniques du donneur sont internalisées et apprêtées par les cellules présentatrices d antigènes du receveur. Les lymphocytes T CD4 ou CD8 du receveur dont les TCR reconnaissent ces peptides du donneur présentés respectivement dans les molécules du CMH de classe II ou de classe I du receveur sont des lymphocytes T dits alloréactifs. Cette reconnaissance indirecte suit donc le processus physiologique d amorçage de l activation lymphocytaire T (cf. livre L2). La fréquence de lymphocytes alloréactifs potentiellement activés via l alloréactivité indirecte se rapproche de celle mesurée pour un antigène étranger donné. 3
4 III-2.Alloréactivité directe A l opposé, l alloréactivité directe indique la capacité des lymphocytes T alloréactifs à reconnaître les molécules du CMH du donneur directement sur les cellules présentatrices d antigène contenues dans le greffon. Ces molécules du CMH peuvent contenir des peptides issus du donneur ou du receveur. L alloréactivité directe peut paraître surprenante. Elle tire son origine des particularités de l ontogénie des lymphocytes T qui subissent plusieurs étapes de sélection dans le thymus afin de ne conserver que des cellules ayant un TCR fonctionnel mais non-autoréactives (cf. livre L2). La sélection négative thymique ne prend pas en compte les molécules du CMH allogéniques qui sont absentes du stroma thymique d un individu. Après une greffe, des complexes CMH allogénique/peptides, qui ressemblent du point du vue tridimensionnel à un complexe CMH du soi/peptide étranger, peuvent être reconnus par les lymphocytes T du receveur qui n'ont pas été éliminés au cours de l ontogénie. Cette reconnaissance donne le premier signal d'activation lymphocytaire. Un troisième mode de reconnaissance allogénique a été décrit, l'alloréactivité semi-directe, liée à la propriété des cellules dendritiques de capturer des molécules de surface d'une autre cellule. Les cellules dendritiques du receveur «capteraient» donc des complexes CMH de classe I/peptide du donneur, tout en présentant de façon concomitante des peptides issus du donneur sur leurs propres molécules CMH de classe II. IV-Les réactions de rejet en transplantation d organes. IV-1.Rejet hyper-aigu Dans les rejets hyper-aigus, des anticorps préformés reconnaissent massivement des cibles cellulaires présentes dans les petits vaisseaux du greffon. Ceci aboutit à l activation du complément, à des lésions thrombo-hémorragiques ou ischémiques et à la mort tissulaire. Les rejets hyper-aigus surviennent très rapidement, dans les minutes ou les heures qui suivent la revascularisation du greffon. Des anticorps préformés (consécutifs à des grossesses, des transfusions non déleucocytées, ou une allogreffe antérieure), dirigés contre les molécules CMH de classe I du donneur, peuvent être la cause de rejets hyper-aigus. Comme ces rejets sont extrêmement difficiles à contrôler, il est très important de s'assurer avant la transplantation que le receveur n'est pas immunisé vis-à-vis des molécules CMH du donneur. La réalisation d'un crossmatch lymphocytaire permet l'identification d anticorps anti- HLA préformés éventuels. Dans ce test on incube des cellules mononucléées du donneur avec le sérum du receveur en présence de complément et d un marqueur de viabilité cellulaire. En cas de présence d'anticorps anti-hla, la fixation du complément aboutit à la lyse des cellules du donneur (crossmatch positif). A l'inverse, si les cellules sont viables, il n y a pas d anticorps cytotoxiques anti-donneur chez le receveur (crossmatch négatif). 4
5 IV-2.Rejet aigu Les rejets aigus surviennent dans les trois premiers mois suivant la transplantation. Quatre phases peuvent être identifiées dans la physiopathologie du rejet aigu, reconnaissance, activation, infiltration et destruction du greffon. Pendant la phase d'alloreconnaissance ou d allosensibilisation, l'alloréactivité directe conduit à l activation des lymphocytes T alloréactifs par les cellules dendritiques du donneur. Comme tous les organes, le greffon contient des cellules dendritiques immatures qui agissent comme cellules sentinelles du système immunitaire. Ces cellules sont sensibles à l environnement inflammatoire éventuellement présent chez le donneur, par exemple si celui-ci a subi une réanimation médicale prolongée. De plus, la transplantation est elle-même génératrice de signaux de danger capables d'induire une maturation des cellules dendritiques contenues dans le greffon. La procédure chirurgicale (lésions tissulaires) ainsi que la période d'ischémie froide, pendant la conservation extra-corporelle du greffon, induisent effectivement un microenvironnement pro-inflammatoire. Sur les cellules dendritiques chargées de peptides allogéniques, l'expression du récepteur de chemokine CCR7 et des molécules d'adhésion augmente. Dans la période précoce posttransplantation, les cellules dendritiques du donneur vont ainsi migrer vers les zones lymphocytaires T des ganglions lymphatiques du receveur drainant le greffon. Elles deviennent matures, augmentent l expression des molécules CMH et des molécules de costimulation, et sont alors capables d activer les lymphocytes T alloréactifs et de débuter ainsi la réponse immune allogénique. Cette reconnaissance directe des alloantigènes est responsable d environ 90% de la réponse allogénique et des rejets aigus survenant dans les premiers jours ou les premières semaines post-transplantation. De façon concomitante, les cellules présentatrices d antigène du receveur sont attirées vers le greffon par l environnement inflammatoire présent dans celui-ci. Ces cellules capturent des débris tissulaires et migrent également vers les ganglions drainant le greffon. De plus, des molécules solubles originaires du donneur sont transportées par voie sanguine vers les ganglions lymphatiques et peuvent être capturées et apprêtées par les cellules dendritiques du receveur. Ces alloantigènes peuvent être reconnus par les lymphocytes T alloréactifs par la voie indirecte, ce qui peut induire un rejet aigu avec une cinétique plus tardive. Cette voie indirecte est responsable de la majorité des rejets aigus survenant à distance de la transplantation, car il n y a qu un petit nombre de cellules dendritiques dans le greffon. 5
6 Les cellules endothéliales du greffon peuvent aussi être reconnues par les lymphocytes T CD8 du receveur par un mécanisme d alloréactivité directe et être, d une part une source potentielle d allostimulation et, d autre part, la cible de ces cellules cytotoxiques. La délivrance des trois signaux d activation lymphocytaire (liaison TCR-complexe CMH/peptide, costimulation et signaux de différenciation fonctionnelle) par les cellules dendritiques allogéniques ou autologues aboutit à l activation et à la prolifération clonale des lymphocytes T alloréactifs CD4 et CD8. Les réponses alloréactives sont polarisées vers un profil de type Th1, avec une signature cytokinique pro-inflammatoire et prédominance de sécrétion d IFN-gamma. Cette seconde phase du rejet aigu est caractérisée par une importante sécrétion de cytokines, une amplification de la réponse alloréactive et l activation d autres cellules effectrices. Les lymphocytes B peuvent alors sécréter des anticorps dirigés contre les alloantigènes, notamment les anticorps anti-cmh. Les cellules NK et les macrophages sont également activés. Il s ensuit une phase d infiltration du greffon par des cellules alloréactives. Cette phase est dépendante de la sécrétion de chemokines et d une augmentation de l expression des molécules d adhésion, qui facilitent la migration des cellules alloréactives à travers l endothélium des vaisseaux du greffon. Ces phénomènes aboutissent à l agression des cellules parenchymateuses du greffon. Les lymphocytes T CD8 cytotoxiques induisent l apoptose des cellules cibles allogéniques en libérant des perforines et granzymes, ou par la voie membranaire (interactions Fas/Fas-ligand). Des cytokines inflammatoires et cytotoxiques (comme le TNF-) ainsi que le recrutement d autres cellules effectrices (lymphocytes B, cellules NK, polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, monocytes/macrophages) contribuent à une inflammation importante des vaisseaux et du parenchyme du greffon. Les lésions vasculaires et thrombotiques associées induisent une ischémie tissulaire et à terme la nécrose tissulaire. Les conséquences cliniques de ce processus sont une altération de l état général, fièvre et signes d insuffisance fonctionnelle du greffon. Le diagnostic est conforté par une biopsie du greffon et une analyse anatomo-pathologique. On parle de rejet vasculaire s il existe une prédominance de lésions vasculaires, avec œdème et dépôt de fractions du complément sur l endothélium. Les anticorps, notamment les anticorps anti-cmh mais également d autres anticorps dirigés contre des antigènes des cellules endothéliales sont impliqués dans ces phénomènes. Le rejet cellulaire est caractérisé par une infiltration inflammatoire interstitielle massive par des lymphocytes, macrophages et polynucléaires neutrophiles. Ces deux types de rejets peuvent coexister. Les rejets aigus peuvent être contrôlés de façon efficace par les traitements immunosuppresseurs (voir ce chapitre). Cependant, ces traitements ne sont pas sélectifs 6
7 vis-à-vis de l alloréactivité et inhibent également les réponses immunitaires bénéfiques. Ainsi, les patients transplantés présentent un risque accru d infections et de néoplasies secondaires. IV-3.Rejet chronique. Le rejet chronique survient plus tardivement, plusieurs mois ou plusieurs années après la transplantation. Il est caractérisé par une dégradation progressive et irréversible de la fonction du greffon. A la biopsie, on retrouve une fibrose interstitielle et périvasculaire ainsi qu une vasculopathie chronique avec un épaississement de l intima. Les mécanismes physiopathologiques du rejet chronique ne sont pas entièrement compris, mais impliquent des facteurs non-immunologiques et immunologiques. Ainsi, et de façon non-exhaustive, des facteurs liés au greffon (lésions induites par le stress oxydatif de l ischémie/reperfusion), à l hôte (âge, hypertension artérielle, infections - notamment par le CMV-, hyperlipidémie) et aux traitements immunosuppresseurs (toxicité directe sur le greffon) ont été démontrés comme étant impliqués potentiellement. Les facteurs immunologiques incluent le nombre de compatibilités CMH entre le donneur et le receveur, la présence préalable d anticorps anti-cmh, les épisodes de rejet aigu et un traitement immunosuppresseur suboptimal. Le rejet chronique ne peut pas être contrôlé par les traitements immunosuppresseurs disponibles et est actuellement la principale cause d échec des transplantations. L induction d une tolérance immunologique (acceptation du greffon sans traitement immunosuppresseur) pourrait potentiellement être la solution au défi clinique du rejet chronique. La mise en évidence de la production tardive d anticorps dirigés contre les antigènes du donneur différant de ceux du receveur a été associée à la présence d une activation du complément conduisant à des dépôts de fraction C4 dans le greffon. Ceci est particulièrement caractéristique des greffes rénales présentant un rejet chronique avec des dépôts de C4 dans les vaisseaux et les glomérules. V-La réaction du greffon contre l hôte (GvH) dans la transplantation de cellules souches hématopoïétiques allogéniques La greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques est utilisée dans le traitement des hémopathies malignes, des déficits immunitaires sévères et de certaines maladies héréditaires touchant l hématopoïèse. Les tumeurs solides, les maladies auto-immunes sévères ou encore la transplantation d organes sont d autres situations cliniques dans lesquelles le potentiel de la transplantation de cellules souches hématopoïétiques est actuellement exploré. 7
8 Trois types de greffons allogéniques peuvent être utilisés : moelle osseuse, cellules souches périphériques (CSP) mobilisées après administration de G-CSF (Granulocyte-Colony Stimulating Factor) ou sang placentaire issu du cordon ombilical. Le choix du donneur, pour les greffes de moelle osseuse ou de CSP, se fait sur des critères d histocompatibilité stricts incluant la recherche d une identité CMH 10/10 (HLA-A*, B*, C*, DRB1*, DQB1*) entre le donneur et le receveur. La greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques consiste, pour partie, à remplacer le système hématopoïétique du malade par le système hématopoïétique d un donneur volontaire sain en perfusant chez le malade des cellules souches qui viseront à reconstituer un système hématopoïétique complet. Afin d une part de détruire un maximum de cellules malignes et d autre part de minimiser les risques de rejet du greffon par les lymphocytes T du receveur (effet HvG, pour Host versus Graft), le patient reçoit au préalable soit un conditionnement standard (chimiothérapie myéloablative complétée par une irradiation corporelle totale), soit un conditionnement atténué. Cette allogreffe est aussi et surtout une véritable immunothérapie adoptive car elle apporte des cellules immunocompétentes notamment des lymphocytes T matures et des cellules NK du donneur. De par leur immunocompétence, celles-ci participent, dès leur perfusion chez le receveur, à la prise de greffe avec potentialisation de l hématopoïèse, à la reconstitution de l immunité anti-infectieuse (effet GvI, pour Graft versus Infection) et au développement de l immunité anti-tumorale (effet GvL, pour Graft versus Leukemia). Cet effet GVL est la plus puissante modalité d immunothérapie des cancers disponible aujourd hui et justifie à lui seul l utilisation de la greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques pour le traitement de certaines hémopathies malignes. Cet effet bénéfique anti-tumoral n est cependant pas sans risque pour le receveur puisque tout ou partie de ces mêmes cellules responsables de l effet anti-tumoral sont également directement impliquées dans la réaction du greffon contre l hôte (effet GvH). La GvH est une complication importante et fréquente, responsable de 15 à 40% de mortalité au cours du premier trimestre suivant la greffe et d une importante morbidité pouvant atteindre 50%. On distingue deux formes cliniques de GvH, la forme aiguë et la forme chronique, ayant chacune une cinétique et une physiopathologie propre. La GvH aiguë survient précocement et se caractérise cliniquement par une perte de poids, des atteintes cutanées, digestives, hépatiques et pulmonaires en plus d une immunosuppression importante. La GvH chronique survient plus tardivement. Sa physiopathologie est moins bien connue mais les principaux organes cibles sont également la peau, les intestins et le foie. 8
9 La GvH aiguë est due majoritairement à l alloreconnaissance par les lymphocytes T matures du donneur des antigènes mineurs d'histocompatibilité exprimés par les cellules des tissus sains du receveur, en raison des précautions prises pour obtenir la meilleure compatibilité pour les antigènes majeurs d histocompatibilité. Comme les antigènes mineurs sont des cibles allogéniques qui peuvent être exprimées par les cellules saines et malignes du receveur, il existe un recouvrement plus ou moins important des effets GvL et GvH. La réaction de GvH aiguë comprend plusieurs étapes. Dans un premier temps, les cellules présentatrices de l antigène contenues dans les tissus du receveur sont activées. En effet, le conditionnement pré-greffe entraîne une tempête cytokinique par le biais de dommages tissulaires (gastro-intestinaux en particulier) générant des signaux de danger. La reconnaissance des alloantigènes sur les cellules présentatrices du receveur induit dans un second temps l activation des lymphocytes T du donneur. Les dommages causés par la réaction de GvH aiguë sont imputables aux lymphocytes T CD8 cytotoxiques, à des cytokines et à des chemokines. Les cytokines inflammatoires, principalement de type Th1, agissent en synergie avec les lymphocytes cytotoxiques pour induire les dommages tissulaires. Le TNF- et l IL-1 sont produits en abondance dans la GvH aiguë. Le TNF- participe probablement à la cachexie caractéristique de la GvH aiguë. Il contribue à la maturation des cellules dendritiques et accroît ainsi l efficacité du processus de présentation d antigènes. Il recrute des lymphocytes T effecteurs, des neutrophiles et des monocytes par le biais de l induction de chemokines. La GvH aiguë est gradée de I à IV en fonction du nombre et de l étendue des organes impliqués (tableau 1). Les formes les plus sévères sont généralement létales, mais l utilisation de traitements immunosuppresseurs permet le plus souvent de juguler la GvH aiguë. Les lymphocytes T issus du donneur jouent également un rôle capital à la phase effectrice de la GvH chronique. Cependant, la production de cytokines de type Th2 prédomine dans la GvH chronique. La plupart des malades souffrant de GvH chronique expriment des autoanticorps dirigés contre des antigènes de surface des cellules du receveur. Les facteurs de risque sont les différences génétiques entre donneur et receveur, une GvH aiguë préalable, en particulier lorsqu elle s accompagne de traitement par corticoïdes, l utilisation de greffons non déplétés en lymphocytes T, un greffon de sexe féminin administré à un receveur de sexe masculin et l âge du receveur. La GvH chronique se présente comme une maladie auto-immune, avec formation d autoanticorps. Les lésions histologiques de la GvH chronique sont différentes de celles de la GvH aiguë. On observe des dépôts de collagène et une importante fibrose du derme, résultant 9
10 dans une symptomatologie proche de celle observée par les malades porteurs de sclérodermie et de syndrome de Sjögren. Les manifestations cliniques associent variablement des ulcérations orales (lichen plan), kérato-conjonctives ou de l œsophage, une sclérodermie, une maladie veino-occlusive ou une hépatite chronique agressive. Un déficit immunitaire est constamment associé avec son cortège de maladies infectieuses opportunistes. 10
11 A retenir Les complications majeures des greffes d organes et de cellules souches hématopoïétiques sont liées à des conflits immunologiques. Ces conflits sont initiés par les différences existant entre les antigènes cellulaires du donneur et du receveur. Il s agit d alloantigènes en clinique humaine. On distingue les antigènes majeurs du complexe majeur d histocompatibilité (CMH), mais aussi les antigènes mineurs d histocompatibilité provenant du polymorphisme génétique de diverses molécules n appartenant pas au CMH. Tous les individus possèdent une population importante de lymphocytes T susceptibles de reconnaître les complexes CMH/peptide d un autre individu ayant échappé à la sélection négative thymique. Les conflits immunologiques liés aux greffes concernent la reconnaissance d antigènes du donneur par des cellules du receveur (rejet) ou d antigènes du receveur par des cellules du donneur (GvH). Les mécanismes des conflits immunologiques impliqués en transplantation sont ceux d une réponse immunitaire classique, avec des phases de reconnaissance, activation, prolifération, production d effecteurs et régulation. En transplantation d organes, le conflit majeur est le rejet de greffe qui implique une alloreconnaissance directe ou indirecte et peut être aigu ou chronique. Il peut conduire à la perte fonctionnelle puis anatomique du greffon. En greffe de cellules souches hématopoïétiques, le conflit majeur est la maladie du greffon contre l hôte (GvH) qui peut être aiguë ou chronique. Il peut conduire à la destruction des tissus du receveur et à sa mort. Les phénomènes délétères associés à l alloréactivité doivent être contrôlés par des traitements immunosuppresseurs. 11
12 Tableau 1 : Grades de sévérité de la GVH aiguë Grade Atteinte Atteinte Atteinte Altération de Cutanée hépatique digestive l état général I + à II + à foie ou tube digestif Discrète III ++ à foie ou tube digestif Marquée IV Toute atteinte ++ avec retentissement sévère sur l état général Sévère 12
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