Les Cahiers du CRIEC 43

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1 Les Cahiers du CRIEC 43 Immigration, diversité ethnoculturelle et citoyenneté Actes du colloque international et interdisciplinaire pour étudiants et nouveaux chercheurs Leila Celis Victor Alexandre Reyes Bruneau Juillet 2017

2 Leila Celis et Victor Alexandre Reyes Bruneau (2017) Immigration, diversité ethnoculturelle et citoyenneté Actes de colloque Dépôt à la Bibliothèque nationale du Québec ISBN Ce document est disponible au : Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (CRIEC) Département de sociologie, UQAM C.P. 8888, Succursale Centre-ville Montréal (Québec) H3C 3P8 Téléphone : (514) poste 3318 Télécopieur : (514) Courriel : criec@uqam.ca Page web : Édition et montage Victor Alexandre Reyes Bruneau Camille Ranger Féminin - masculin Tous les termes qui renvoient à des personnes sont pris au sens générique; ils ont à la fois la valeur d'un masculin et d'un féminin.

3 Immigration, diversité ethnoculturelle et citoyenneté Actes du colloque interdisciplinaire et international pour étudiants et nouveaux chercheurs 2017 Leila Celis Professeure Département de sociologie Université du Québec à Montréal Victor Alexandre Reyes Bruneau Professionnel de recherche et coordonnateur, Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté

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5 Table des matières L ACCOMMODEMENT RAISONNABLE : VECTEUR DE RECONNAISSANCE ET D INCLUSION SOCIALE?... 7 Andréanne Deslauriers, Étudiante à la maitrise en sociologie à l UQAM DU PROCESSUS D INSERTION SOCIALE À L INCLUSION SOCIALE : LE CAS DES TRAVAILLEURS IMMIGRANTS DU BAS-SAINT-LAURENT (BSL) Nadia Lazzari Dodeler, Professeure en Gestion des Personnes en Milieu de Travail, Université du Québec à Rimouski (UQAR) Jean-Pierre Pérouma, Étudiant en maîtrise de Gestion des Personnes en Milieu de Travail, Université du Québec à Rimouski (UQAR) REPRÉSENTATIONS SOCIALES ET ENJEUX DE LA RETRAITE EN CONTEXTE D IMMIGRATION : CAS DES TRAVAILLEURS D ORIGINE MAROCAINE AU QUÉBEC Nadia El Ouachchama, Étudiante au doctorat interdisciplinaire en santé et société, UQAM SUPERVISER ET ENCADRER LES NOUVEAUX ENSEIGNANTS ISSUS DE L'IMMIGRATION (NEII) À L'AIDE D'UN DISPOSITIF D'ACCUEIL FAVORISANT LEUR INSERTION PROFESSIONNELLE France Gravelle, Ph. D. Professeure en gestion de l éducation et nouvelle gouvernance, Département d éducation et pédagogie, Université du Québec à Montréal LA PRAXIS INTERCULTURELLE : UN MODÈLE DE COMMUNICATION INTERCULTURELLE POUR LES ENSEIGNANTS Valérie Navert, Étudiante à la maîtrise en communication (internationale et interculturelle) CONSTRUCTION CITOYENNE ET APPRENTISSAGE DE LA LAÏCITÉ : REGARD SUR LE RÔLE DES ENSEIGNANTS ET SUR LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES Valérie Orange, Étudiante au doctorat en sociologie, UQAM ENQUÊTE SUR LES CHEMINEMENTS D INTÉGRATION AU MARCHÉ DU TRAVAIL DES PERSONNES IMMIGRANTES NOUVELLEMENT ARRIVÉES (ECINA) Yulia Presnukhina, Direction de la recherche et de la statistique du Ministère de l Immigration, de la Diversité et de l Inclusion

6 ETHNICITÉ ET CAPITAL SOCIAL : AVANTAGES ET LIMITES DES RÉSEAUX PERSONNELS COMME VECTEUR D INTÉGRATION SOCIOPROFESSIONNELLE Walter-Olivier Rottmann-Aubé, Étudiant à la maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal TRAJECTOIRES DES RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D ASILE DANS LE MARCHÉ DU TRAVAIL AU QUÉBEC. TRAVAIL PRÉCAIRE ET EXISENCE PRÉCAIRE Manuel Salamanca, Étudiant au doctorat en études intégrées en éducation, Université McGill

7 AVANT-PROPOS Le 28 avril 2017 dans les murs de l Université du Québec à Montréal, plus d une cinquantaine de personnes du public, ainsi que plusieurs chercheures et enseignanteschercheures étaient rassemblées pour un colloque dont le thème était «Immigration, diversité ethnoculturelle et citoyenneté». Provenant de l Université du Québec à Montréal, de l INRS, de l Université de Montréal, de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, de l Université du Québec à Rimouski, de l Université McGill et du ministère de l Immigration, de la Diversité et de l Inclusion, ces étudiantes des cycles supérieurs, ainsi que ces chercheuses et chercheurs en début de carrière sont venus présenter le résultat de leur plus récent travaux dans un cadre académique ouvert et convivial. Cette 8 ième édition de ce colloque a d ailleurs été un franc succès. Le comité scientifique du colloque a évalué plus d une quarantaine de communications provenant d horizons multiples. Au final, 15 propositions ont été sélectionnées afin de susciter des échanges de grande qualité. Ces propositions émanent de conférencières et conférenciers dont les recherches en développement, en cours ou récemment complétées présentaient une pertinence scientifique certaine pour l équipe du CRIEC. Les textes présentés dans ce Cahier du CRIEC 43 offre donc une vitrine de choix pour les travaux de ces chercheures et étudiantes. Je tiens à remercier les conférencières et les conférenciers pour leur participation ainsi que pour la qualité de leurs interventions lors du colloque. Pour des chercheuses et chercheurs en début de carrière, ce colloque est une occasion unique d échanger avec les membres du CRIEC et de mettre à l essai leurs qualités de communicateur scientifique. Je souhaite également remercier l équipe du CRIEC, à commencer par nos présidentes et présidents de panel : Sid Ahmed Soussi, professeur, Département de sociologie, UQAM; Valérie Amireault, professeure, Département de didactique des langues, UQAM; Paul Eid, professeur au Département de sociologie de l Université du Québec à Montréal, ainsi

8 que Camille Ranger, étudiante à la maîtrise du Département de sociologie de l UQAM pour son aide lors du colloque et pour l édition de ce Cahier. Je remercie finalement Victor Alexandre Reyes Bruneau, professionnel de recherche et coordonnateur du CRIEC pour son aide dans la révision et la mise en page des communications, ainsi que pour son soutien à l organisation du colloque. Je vous souhaite une excellente lecture. -- Leila Celis Professeure, Département de Sociologie Co-directrice Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (CRIEC) Université du Québec à Montréal 2

9 L ACCOMMODEMENT RAISONNABLE : VECTEUR DE RECONNAISSANCE ET D INCLUSION SOCIALE? Andréanne Deslauriers, Étudiante à la maitrise en sociologie, UQAM Introduction Depuis quelques décennies 1, plusieurs situations impliquant la religion ont pris une envergure publique et médiatique. Elles ont suscité beaucoup de réactions, et ce, provenant autant des dirigeants politiques que des citoyens. Que nous pensions à la Commission Bouchard-Taylor qui se penchaient sur les accommodements raisonnables pour motifs religieux (2006 à 2008), au projet de loi 60 du Parti Québécois sur la Charte des valeurs québécoises ( ) ou à l autorisation du port du niqab lors des cérémonies de citoyenneté 2 (2015), ces situations sont devenues des sujets de débats sociaux et politiques. L opinion publique s est également emballée : les demandes d accommodements raisonnables pour motifs religieux provenant de croyants de religions minoritaires sont-elles exagérées? Supposent-elles un recul des acquis de la modernité de notre société? Plusieurs questionnements de ce type ont alors été soulevés par un bon nombre de citoyens et ce que l on a pu constater est que les tensions nées de «micro-évènements» (port d un signe religieux, demande d un temps de prière) visent le plus souvent des personnes issues de groupes minoritaires. L accommodement raisonnable qui assure les principes d égalité et de liberté de conscience garantis par les deux chartes, québécoises et canadiennes, (Woehrling, 1998, p. 328) s est pourtant vu être attaqué sur tous ses aspects. Le rapport Bouchard-Taylor 3 (2008) avait d ailleurs fait état des différentes critiques adressées aux accommodements raisonnables et aux réactions et tensions qui étaient présentes, notamment en ce qui concerne le fait que l accommodement est perçu comme étant un privilège, qu il signifie une volonté contraire à l intégration, qu il 1 Cet article prend pour base la recherche que j ai menée dans le cadre de ma maitrise en sociologie. 2 Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Ishaq CAF Ce rapport, formellement intitulé Fonder l avenir. Le temps de la conciliation, résulte de la Commission de consultation sur les pratiques d accommodement reliées aux différences culturelles présidée par Charles Taylor et Gérard Bouchard, qui avait été mandatée par le Gouvernement du Québec en regard de l ampleur des débats concernant le sujet des accommodements raisonnables. 3

10 constitue un recul des acquis démocratiques, etc. Ces perceptions et ces croyances sociales ont également été fortement entendues dans les médias lors des débats entourant cette question (Potvin, 2008). Et le fait que cette tendance sociale connaisse une certaine popularité médiatique a fait en sorte qu une fracture s est créée au sein de la société (Potvin, 2008, p. 263), une polarisation entre le groupe majoritaire qui s est fortement exprimé et les groupes minoritaires, qui subissent principalement les impacts négatifs. À l opposé de ce courant réfractaire aux accommodements, divers auteurs voient dans les accommodements raisonnables un effet positif quant à l intégration et la reconnaissance des groupes minoritaires, notamment des minorités religieuses, dans la société (entre autres, Bosset, 2007; Bouchard-Taylor, 2008; Nussbaum; 2013 et Woehrling, 1998). Mais est-ce que le sentiment d être accepté découle directement de l accommodement raisonnable pour la personne qui obtient l accommodement, surtout dans le contexte de critiques et de tensions que nous avons décrit plus haut? Nous pouvons d emblée supposer que les résistances qu une personne rencontre à l égard des manifestations de son identité religieuse puissent affecter son sentiment d appartenir pleinement à la société (Nussbaum, 2013). Bien que le rapport Bouchard-Taylor ait pu laisser place à des interventions de personnes issues de minorités religieuses, peu ou pas de recherches ont été effectuées auprès de personnes ayant demandé l accommodement raisonnable pour motif religieux. Et c est là précisément que mon intérêt se situe. À la suite de ces demandes, lorsqu elles ont été acceptées, quel est le sentiment d acceptation, de reconnaissance et d intégration de ces personnes? Comment ont-elles vécu le processus de demande d accommodement raisonnable? Ont-elles hésité? Ont-elles craint d être stigmatisées? Depuis plusieurs années, beaucoup d écrits ont été produits à ce sujet. Toutefois, les analyses portant sur les effets de ces débats sur les personnes «visées» sont pratiquement inexistantes. Pourtant, plusieurs citoyens issus de religions minoritaires ont tenté de s exprimer pour témoigner du sentiment de stigmatisation, voire de rejet qu ils ressentaient en étant la cible de ces tensions sociales et politiques. C est donc à ces personnes que cette recherche s est intéressée. 4

11 Mes deux questions principales sont : Comment les demandeurs d accommodements raisonnables pour des motifs religieux perçoivent-ils l importance de l accommodement pour eux-mêmes et leur bien-être au sein des institutions et organismes? Quels sont les effets de cet accommodement consenti sur ces personnes et sur leur entourage dans l institution ou organisme? Perspective théorique Cette recherche s inscrit dans une perspective où les concepts de reconnaissance, de dignité humaine et de capabilité sont au cœur de mon cadre théorique, grandement inspiré des écrits de Martha C. Nussbaum (2012 et 2013). Ces notions interreliées et même indissociables sont également en lien avec le concept d accommodement raisonnable, il convient alors de les définir brièvement. La reconnaissance et la dignité humaine D abord, la reconnaissance implique la relation ou l interaction entre des personnes, où la reconnaissance de l autre est nécessaire à la construction identitaire d un individu (Taylor, 1994, p. 41). Comme le mentionne Charles Taylor (1994, p. 42), «la reconnaissance n est pas simplement une politesse que l on fait aux gens, c est un besoin humain vital». Pour Martha Nussbaum (2013), également, bien que l État joue un rôle important en ce qui concerne la reconnaissance de l autre et le respect de la dignité de chaque individu, les citoyens ont une part de responsabilité. En effet, il devrait appartenir à chaque individu de procéder à un examen de conscience lorsqu une émotion négative ou de peur est présente vis-à-vis une personne différente, par exemple une femme musulmane qui porte le voile. Il importe alors «de cultiver son regard interne» (Nussbaum, 2013, p. 195) afin d éviter de causer du tort aux besoins et aux droits d autrui. Et tout ce processus intellectuel et cognitif qui caractérise l examen de conscience dépend en fait de ce que Nussbaum appelle «l imagination participative», qui autrement dit est l empathie. La capacité sincère de se mettre à la place de l autre ou d arriver à comprendre sa réalité d un point de vue objectif favorise la mise en place d interactions et de relations sociales basées sur le respect et la reconnaissance de l autre (Nussbaum, 2013, p. 201). Il faudrait que chaque personne soit en mesure de comprendre que malgré ce que certaines pratiques religieuses ou signes religieux peuvent évoquer en nous, que ce soit 5

12 négatif ou positif, nous ne devons pas oublier qu il s agit avant tout d êtres humains, exactement comme nous, et qu ils jouissent des mêmes droits que tous les autres, peu importe la différence. «Il suffit de considérer autrui comme une personne poursuivant des buts proprement humains, et de s efforcer de les comprendre un tant soit peu afin de se représenter ce qui constitue une entrave à sa liberté de conscience, et évaluer dans quelle mesure la conduite d autrui va réellement à l encontre des intérêts supérieurs de l État» (Nussbaum, 2013, p. 201). La variable de la dignité humaine joue donc un rôle majeur dans la perspective théorique qu adopte Nussbaum. Comme le principe de dignité est inhérent à chaque être humain, chacun d entre eux doit être traité de façon égale. Nous constatons alors comment les concepts d égalité et de dignité agissent en relation et permettent la reconnaissance de l autre. De plus, «insister sur la dignité dictera des choix politiques qui protègent et soutiennent l autonomie, plutôt que des choix qui infantilisent les gens et les traitent comme des récipiendaires passifs de bénéfices» (Nussbaum, 2012, p. 52). En d autres mots, le respect de la dignité humaine devrait toujours se présenter au premier plan lors des décisions politiques qui concernent les groupes minoritaires, puisqu il importe de se rappeler que malgré leur différence, visible ou invisible, les personnes faisant partie de ces minorités ont les mêmes droits que toutes les autres et elles méritent donc la même dignité qu on accorde à la majorité. En effet, «tous méritent un égal respect de la part de la loi et des institutions, si les individus sont considérés comme des citoyens, les revendications de tous les citoyens sont égales» (Nussbaum, 2012, p. 53). L État a donc un rôle nécessaire à jouer dans la façon de gérer les différences culturelles au sein de la société, puisqu il doit se montrer impartial vis-à-vis des religions, par exemple, et doit toutes les traiter de manière égale. Selon Nussbaum (2012, p. 228), un système ou une institution qui n accorderait pas la même liberté aux minorités religieuses qu au groupe majoritaire en créant une situation inégalitaire contrevient au principe de dignité humaine et se révèle en fait, être un système irrespectueux. Les capabilités Ensuite, pour Nussbaum (2012), les capabilités ne sont «pas simplement des capacités dont une personne est dotée, mais des libertés ou des possibilités créées par une combinaison de capacités personnelles et d un environnement politique, social et 6

13 économique» (p. 39). Autrement dit, les capabilités ne concernent pas uniquement ce qu un individu est capable de faire ou d être mais également le contexte sociopolitique dans lequel il peut ou non exercer ses capacités. De fait, il est de la responsabilité de l État de mettre en place des moyens afin de garantir la liberté de pouvoir développer et d exercer ces capabilités. Les accommodements raisonnables sont ainsi liés à cette notion de capabilités, qui «sont des espaces de liberté et de choix» (Nussbaum, 2012, 45) puisqu ils permettent le respect de la liberté de conscience et permettent également d exprimer cette même liberté sans crainte de discrimination. L accommodement raisonnable Dans le cadre de l interprétation par la Cour suprême du Canada de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne qui protège les droits fondamentaux, le droit à l égalité a donné lieu à un principe qui a fait couler beaucoup d encre : l accommodement raisonnable. Et selon Pierre Bosset (2007), ce concept se défini comme suit : «Une obligation juridique, applicable dans une situation de discrimination, et consistant à aménager une norme ou une pratique de portée universelle dans les limites du raisonnable, en accordant un traitement différentiel à une personne qui, autrement, serait pénalisée par l application d une telle norme» (p. 10). Une personne peut demander un accommodement raisonnable si une disposition d une loi ou d un règlement fait en sorte qu elle soit discriminée indirectement en lien avec sa religion ou ses pratiques religieuses, entre autres motifs, pour lesquels il est prévu par les chartes canadienne et québécoise qu il ne peut y avoir de discrimination. Selon Bouchard et Taylor (2008) les pratiques d accommodement raisonnable : «permettent par exemple aux membres de groupes religieux minoritaires de faire partie de certaines institutions sociales, notamment le marché de l emploi et les systèmes de santé et d éducation, qui jouent un rôle de premier plan dans la vie des personnes» (p. 166). L impact sur l intégration des personnes issues des minorités religieuses est important à considérer puisqu en accordant un accommodement, on permet à la personne de jouir des mêmes possibilités, de pouvoir travailler dans la fonction publique par exemple, et des mêmes services que toutes les autres personnes. En montrant une ouverture quant à l ajustement d une règle, on permet à ces personnes de s intégrer dans la vie sociale, tout en restant elles-mêmes, sans craindre une pression à la conformité. 7

14 D après Kymlicka (2003, p. 73) également, «le fait que des Sikhs souhaitent se joindre à notre corps national de police est un indice assez révélateur de leur désir de participer et de contribuer à la société». L acceptation et la reconnaissance de leurs particularismes religieux, par le biais de l accommodement raisonnable, peut avoir un effet sur leur volonté de s intégrer socialement. En permettant une certaine forme de souplesse et d adaptation dans la loi, on permet à des personnes issues de groupes minoritaires de se faire reconnaître et de pouvoir exercer leurs propres capabilités (Milot, 2016). Le fait d accorder un accommodement à une personne démontre à cette dernière que ses droits ne sont pas que formels, mais doivent être respectés concrètement, au même titre que ceux des personnes faisant partie du groupe majoritaire. L accommodement raisonnable permet à des personnes ou groupes sociaux de préserver leurs traditions, coutumes et cultures, dans une certaine mesure bien sûr, et par le fait même, de reconnaître que ces différences culturelles existent et qu elles méritent le même respect qui est accordé à d autres. Comme le mentionne Woehrling (1998, p. 399), «la reconnaissance de la différence et les adaptations consenties aux minorités faciliteront donc, à moyen et à long terme, leur intégration harmonieuse dans la société». La reconnaissance que permet l accommodement raisonnable peut alors avoir pour effet d encourager les personnes issues des minorités religieuses à participer à la vie collective, en travaillant en dehors de leur communauté ou en recourant aux services publics. Méthodologie Cette recherche se veut compréhensive et qualitative puisqu elle a pour principal objectif la compréhension des impacts vécus par les personnes ayant obtenu un accommodement raisonnable pour des motifs liés à la religion. Par conséquent, j ai fait le choix d opter pour une analyse qualitative également puisqu elle est basée sur des données recueillies lors d entretiens semi-dirigés (Deslauriers, 1991). Ce choix méthodologique est motivé par le fait qu une rencontre avec la personne crée un climat de confiance et d empathie où il peut être plus facile pour elle de se confier par rapport à son expérience (Paillé et Mucchielli, 2008, p. 29). Au total, neuf personnes de la région de Montréal ont accepté de participer à ma recherche, dont deux femmes et sept hommes, et dont l âge varie entre 18 et 60 ans. Les 8

15 personnes sont de milieux et d origines ethnoculturelles différentes, la majorité sont nées à l extérieur du Canada, toutefois ces dernières sont au Québec depuis plus de cinq ans. En ce qui concerne leur appartenance religieuse, huit sont de religion musulmane et une, juive. Pour ce qui est de l accommodement raisonnable, il a été accordé à des moments différents selon chaque personne. Le plus récent date d il y a un peu plus d un an et le plus ancien, près de dix ans. Une telle recherche comporte un biais important à mentionner et qui a été inévitable. Il concerne le fait que l échantillon ne s est pas formé de manière aléatoire. Effectivement, je n ai pas pu choisir les participants et participantes à la recherche au hasard. Et comme le recrutement de ces personnes a été plutôt difficile, c est-à-dire que de trouver ces personnes quand il n existe aucun registre ou base de données à laquelle se référer complique la tâche, je n ai pas eu la chance de choisir qui je voulais. Dès le départ, je n ai pas choisi des endroits au hasard, car j ai dû cibler des entreprises, organismes et institutions, de par les études menées lors de la commission Bouchard- Taylord et les recherches menées au Centre d études ethniques des universités montréalaises (CEETUM). Ainsi, la majorité des répondants ayant accepté de participer à la recherche ont été référés à l interne par une personne de la direction ou des ressources humaines. Résultats En lien avec les deux questions générales de la recherche qui portaient sur l importance de l accommodement pour la personne qui le demande et aussi sur les impacts de cet accommodement sur le demandeur et l entourage de celui-ci, quelques éléments de l analyse des résultats seront abordés. Les impacts sur les demandeurs : la reconnaissance institutionnelle de l identité religieuse Au fil des entrevues, une donnée importante est particulièrement ressortie concernant les demandes d accommodement raisonnable : l identité religieuse de croyant et le fait que cette identité ne s arrête pas sur le seuil d entrée de l entreprise ou de l institution. La croyance, bien qu exprimée de diverses façons par les individus rencontrés, constitue un pilier central de leur identité et ce participant l exprime on ne peut plus clairement : 9

16 «Je peux me séparer de d autres affaires, comme dégrader mon niveau de hiérarchie, c est matériel, ce n est pas grave. Mais la religion, ça fait partie de mon existence, pour moi c est un tout. C est la religion qui fait de moi ce que je suis» (Participant 4a). Cette personne assume ses croyances et sa religion et elle est prête à faire des sacrifices afin de rester fidèle à elle-même, puisque ses croyances font partie de ce qu elle est. Ce participant arrive à distinguer ce qui est matériel et ce qui est fondamental et pour lui, ce qui est matériel a moins d importance puisque ce n est pas au fondement de son existence comme la religion peut l être. Leur religion, leurs croyances, leur pratique (comme la prière) font partie de leur identité et ils ne peuvent pas s en départir comme ils se départissent d un manteau lorsqu ils arrivent sur leur lieu de travail. Les participants ont exprimé comment il est important pour eux de respecter leurs croyances religieuses qui sont ancrées en eux, comme en témoigne la participante 5 : «Au fil des ans, on développe un peu plus nos croyances, pas nos croyances car on les a toujours, mais nos pratiques. À à un moment donné, ma mère est décédée, et je sais que ma mère était très religieuse et c était tellement important pour elle cette pratique là. Donc c est resté ancré en moi, ces croyances m ont poussé à vouloir plus pratiquer ce côté là après son décès, par respect pour elle, tout simplement pour la pensée qu elle avait déjà quand elle était présente» (Participante 5). Nous sommes alors en mesure de comprendre la valeur de l accommodement raisonnable pour ces personnes, étant donné le fait que cela leur tient réellement à cœur de pouvoir réaliser leurs pratiques dans le milieu dans lequel ils se trouvent. Comme les croyances occupent une partie fondamentale de leur identité, l accommodement devient alors nécessaire afin de préserver leur identité dans leur intégralité. Pour le participant 4a, ayant vécu l immigration au Québec et ayant dû faire plusieurs sacrifices, a vu cet accommodement comme un soulagement de pouvoir respecter ses croyances. Il l explique par la négative : «donc arrivé là et qu on me dit : non ta religion tu ne la fais pas, qu est-ce qu il reste alors de la personne? C est comme pour un arbre, tu enlèves les feuilles, il ne va rester qu une feuille, c est trop» (Participant 4a). Cette image représente bien comment, pour lui, le fait qu on accepte qu il puisse effectuer sa prière sur son lieu de travail, lui a permis de «garder ses feuilles» qui représentent ses croyances et ses pratiques religieuses. Cet accommodement permet une acceptation et une reconnaissance de son identité de croyant, comme l exprime cette participante : 10

17 «J avais été comme super heureuse que ça soit accepté parce que c était très ancré. Quand on perd quelqu un, c est tellement plus fort, on est tellement plus sensibilisé à ce genre de chose, donc c était comme un grand désir pour moi de l avoir. Quand ça avait été accordé j étais comme wow, j étais vraiment contente» (Participante 5). Ce sentiment de bonheur qu elle ressent semble être du au fait qu on ait reconnu son identité de croyante, d autant plus que les événements personnels qu elle a pu vivre ont ancré davantage les croyances qu elle avait déjà. Les personnes, par le biais de l accommodement, sentent qu une partie d elles est reconnue par l institution. En allant plus loin dans cette idée, la participante 2 explique que lorsqu elle est accommodée, elle sent que ses croyances sont respectées et acceptées par la direction de l institution, par exemple, alors que c est l inverse quand la direction n accepte pas qu il y ait des accommodements raisonnables. «Et si les personnes traitaient notre identité comme quelque chose d important, qu on devrait être accommodés, qu ils veulent apprendre des choses de notre culture, ça nous rend vraiment heureux et acceptés, like other canadians. Mais si une personne nous dit, ce n est pas important, il faut faire comme tous les autres, ça nous affecte personnellement. On est des «deuxièmes citoyens» pas comme les autres» (Participante 2). Et il est important de comprendre que la reconnaissance ici ne concerne pas la reconnaissance du fait que toute personne doit avoir les mêmes droits, mais concerne précisément la reconnaissance des croyances religieuses, qui constituent l identité de croyant. La reconnaissance institutionnelle semble donc être un élément important, notamment pour cette même participante. Le simple fait, pour certaines personnes, de savoir que la direction ou les personnes en position d autorité acceptent leurs croyances, par le biais de l accommodement raisonnable, a un effet positif. À l inverse, «si c est le directeur ou quelqu un de haut placé nous dit que ce n est pas important, ça nous affecte beaucoup plus» (Participante 2). Par contre, le fait que l État et les institutions permettent cette reconnaissance, par les accommodements raisonnables, n engendre pas automatiquement une reconnaissance de la part de la population en générale (comme l a attesté la crise des accommodements raisonnables en 2006) ou de l entourage de travail. Pourtant la reconnaissance d autrui est essentielle et le participant 1 l explique clairement : «pour beaucoup d entre nous, dont moi-même, on a besoin que l autre nous comprenne dans notre manière de vivre. [ ] 11

18 C est un besoin de reconnaissance dont la finalité permet d être plus harmonieux avec la personne» (Participant 1). Par cette reconnaissance de l identité religieuse, l accommodement a également des impacts positifs sur le sentiment d acceptation des personnes. Comme le mentionne la participante 2 : «quand nous sommes accommodés par les directeurs ou les institutions ça nous fait : ok nous sommes acceptés parce que nous sommes comme ça, nous avons des valeurs comme ça et elles sont acceptées.» (Participante 2). «Là où je suis, je suis content pour le moment, demain peut-être que je vais changer, mais le seul fait de venir avec toute cette volonté c est une preuve d acceptation et c est une preuve de participation. [ ]Parce que si on regarde vraiment la chaine, la compagnie n aurait jamais autorisé l accommodement si la ville ne l aurait pas autorisé, et pour la ville, si Québec ne l aurait pas autorisé» (Participant 4b). Pour cette dernière personne, le fait qu il ait obtenu cet accommodement au sein d une entreprise démontre une acceptation de la part de l État québécois par rapport au fait d avoir des croyances et des pratiques religieuses qui ne sont pas celles de la majorité. Avoir obtenu cet accommodement au sein de son lieu de travail semble alors avoir eu un effet positif sur son sentiment d acceptation et il le mesure par la volonté et la motivation qu il a à venir travailler. La reconnaissance de ses croyances religieuses par la direction de l entreprise, pour lui, émane des directions prises par le gouvernement qui ont un impact sur les décisions que peuvent prendre les entreprises en matière d accommodement raisonnable. Et le fait de sentir cette acceptation a par ailleurs un effet positif sur son sentiment d appartenance, tant à l entreprise qu à la société québécoise. Allant dans le même sens, un autre participant a lui aussi perçu le fait d obtenir un accommodement raisonnable comme un signe d acceptation qui a une influence sur son sentiment d appartenance : «Je cite [l entreprise] par rapport à mes amis, parents et communauté, je [la] cite comme exemple. Il n y a aucune restriction par rapport à ce qu elle fait [en matière d accommodement raisonnable]. Et d après moi, s ils le font, c est qu ils voient que ça n a pas d impact sur le travail, sur la production. [ ] C est un sentiment de fierté que j ai par rapport à la compagnie. Il y a pas mal de pays où l ouverture qu il y a ici au Québec n existe pas là-bas [ ] Je dirais que c est une société qu on peut citer comme modèle dans le monde. [ ] Le fait qu on ait choisi de venir s installer ici c est parce qu on sait qu on est acceptés» (Participant 4e). Les effets positifs sur la reconnaissance et l acceptation font en sorte que le sentiment d appartenance à la société québécoise semble se solidifier davantage. Mais 12

19 encore ici, cette acceptation qui a une influence sur le sentiment d appartenance provient de l État, de la direction ou de personnes en position d autorité, l acceptation des collègues et des autres personne de façon générale, nous le constaterons, n est pas aussi évidente. Autrement dit, cette reconnaissance institutionnelle de l identité religieuse n engage pas forcément la reconnaissance et l acceptation d autrui. Les impacts dans le milieu où l accommodement est accordé La grande majorité des participants, a pu observer ou ressentir des réactions négatives dans leur entourage lorsqu ils ont obtenu l accommodement. Dans certains des cas, les gestes ou les paroles n étaient pas adressés directement à la personne, mais elle pouvait tout de même sentir le malaise et l insatisfaction que cela pouvait créer autour d elle. Par exemple, le participant 4c affirme : «il y en a en réunion, qui se sont plaint au patron. Il y avait des controverses. [ ] il y en a qui n ont pas aimé, il n y avait pas de menace ou quoi que ce soit, mais ils parlaient, jasaient» (Participant 4c). Sans nécessairement que cette personne ait reçu des commentaires désobligeants par rapport à son accommodement, le simple fait de savoir que des gens se plaignent ou en fasse une controverse peut créer un sentiment d inconfort ou de malaise chez la personne qui l a obtenu. Pour ce prochain participant également, les critiques ne se sont pas directement adressées à lui, mais il a tout de même été conscient des réactions que l accommodement pouvait créer dans son entourage : «Il y a un ou deux [employés], ici, qui ont eu vent de ça, et qui sont allés se plaindre [à la direction]. [ ] Probablement qu ils ont voulu demander quelque chose dans leur changement d horaire et qu ils n ont peut-être pas pu le faire, bien ils ont essayé d utiliser le fait que moi on me donnait ça» (Participant 3). Les plaintes peuvent être formulées parce que les collègues ressentent un sentiment d injustice par rapport à l accommodement qu ils perçoivent comme étant un privilège, ou comme un avantage. Le rapport Bouchard-Taylor (2008) avait d ailleurs soulevé cette critique qui revenait régulièrement à l égard des accommodements. De ce fait, certaines personnes tentent d obtenir le même type d arrangement puisqu ils trouvent la situation injuste. Plusieurs des répondants, notamment ce dernier participant et également la participante 5, ont exprimé avoir eu des échos du fait que des collègues avaient tenter d obtenir le même aménagement d horaire qu eux, sous prétexte que la situation n était pas égalitaire. 13

20 ««Pourquoi est-ce qu elle a cet accommodement là? Moi aussi j aimerais avoir le même horaire qu elle.» Les demandes des collègues ce n est pas nécessairement au niveau religion, c est plus pour avoir le même horaire, mais sans raisons valables» (Participante 5). Cette participante a aussi été confrontée à des remarques personnelles de la part de quelques collègues de travail. Elle a donc dû gérer des commentaires qui étaient basés sur une ignorance de certains aspects de la situation concernant le fait qu elle devait partir plus tôt du travail : «C est souvent par les remarques des collègues : «Ah tu es chanceuse tu quittes à 2h», «ah tu es chanceuse tu t en vas», «ah ben on sait bien tu prends tes congés». Parce qu il y a des journées religieuses, des fêtes religieuses où je prends des congés, mais sauf que je les prends sur mes banques de congé, mais on me dit : «ah ben on sait bien toi tu prends le temps de Noël et tu prends tes congés à toi de tes fêtes». Sauf que le temps de Noël c est donné à tout le monde et les fêtes c est pris dans ma banque de congés. Eux-aussi ils ont la banque de congés, mais je ne dis pas «pourquoi tu prends des vacances»» (Participante 5). Elle avait d ailleurs mentionné sentir une pointe de jalousie de la part de quelques collègues lorsqu elle quitte plus tôt le vendredi pour le Shabbat, et les remarques qu elle a reçues en témoignent. On voit aussi qu il y a comme deux poids deux mesures quand les congés sont utilisés pour des fins religieuses ou pour de simples vacances. Certains des répondants ont du vivre des situations où ils étaient directement visés, soit par des paroles ou des actes : «Pourquoi ils ont eu ça, pourquoi l accommodement? Chacun manifestait son opposition. Il y avait des gens qui n étaient pas contents. On parlait de ça même à TVA. Et ça dérangeait en quoi, moi je ne sais pas, jusqu à date je ne sais pas où ça les dérangeait. Je ne fais ça devant personne, donc je ne vois pas pourquoi ça les dérangeait» (Participant 4d). «Mais à un moment ça été perçu, comme dans les invasions barbares : «ah ils viennent, ils vont prendre la place, ils vont nous tasser». Parce que [les échanges] dans la shop disait : «ah nous on a tassé la religion, qu ils fassent ça chez eux, qu ils retournent chez eux». Mais je suis chez moi. J ai tourné la page de l Algérie, car je viens d Algérie, ils disaient : «même là-bas vous ne faites pas la prière», et je disais «mais pourquoi tu me ramènes tout ça, c est ma bulle à moi»» (Participant 4a). Comme le mentionne le dernier participant cité, des personnes, par le fait qu elles ne semblaient pas accepter qu ils puissent aller prier au travail, engageaient un discours créant une altérisation pouvant mener à une forme d exclusion puisqu elles font une distinction entre «nous» (le groupe majoritaire) et «eux» (les minorités religieuses). Et les réactions dans l environnement social, de l entourage des personnes qui obtiennent un 14

21 accommodement ont des effets sur la façon dont elles peuvent se sentir par rapport à leur différence : elles sentent qu une partie de leur identité n est pas acceptée et reconnue. Si les croyances religieuses ne sont pas nécessairement visibles pour les autres, le fait d obtenir un accommodement en lien avec la religion rend celle-ci réelle aux yeux des autres et c est ce qui semble déranger. C est cette mise à l écart, voire même dans une certaine limite cette exclusion, qui peut être créée lorsqu une différence est mise de l avant. Conclusion Depuis la «crise» des accommodements raisonnables, il demeure des représentations collectives fortes et cristallisées depuis des années. Les termes utilisés par les médias et les politiciens se retrouvent dans les discours tant des personnes accommodées que dans ceux de leurs collègues. Les gens semblent imbibés par les discours dominants dans les différents types de médias. Le climat actuel n a pas vraiment changé, même si les débats se sont un peu apaisés. Par exemple, l idée que l accommodement est un privilège et que cela constitue une injustice ou une inégalité par rapport aux autres a été largement relayée, et donc plusieurs des participants rencontrés dans le cadre de ce mémoire ressentent le besoin de se justifier, de clarifier la situation puisqu ils sentent le poids des perceptions de leurs collègues. Cela fait en sorte que toute personne, dans le cas des accommodements raisonnables, bien qu elle ait droit à sa liberté de conscience et de religion, est confrontée à un climat qui n est pas nécessairement propice à l intégration et à la reconnaissance, et ce, en raison des perceptions de l entourage. Toutefois, même si l accent est parfois mis davantage sur les lacunes et les impacts négatifs de l accommodement raisonnable, les données présentées démontrent, à mon avis, qu il a aussi des impacts positifs et considérables pour les répondants. La situation n est pas parfaite, certes, mais il ne faut pas négliger les apports de ce mode de gestion du pluralisme religieux dans la société. Le problème persistant associé à l accommodement demeure essentiellement dans les perceptions collectives et c est pour cette raison que l accommodement raisonnable doit être accompagné d interventions afin de faire comprendre ce en quoi il consiste réellement, et aussi pour faire valoir la nécessité de communiquer entre les personnes. Mettre en évidence les impacts positifs que l accommodement peut avoir sur la personne ne peut qu avoir des effets bénéfiques dans la mesure où les principales informations diffusées sur le sujet des accommodements sont généralement négatives et présentés comme étant problématiques. 15

22 BIBLIOGRAPHIE Bosset, P. (2007). Les fondements juridiques et l évolution de l obligation d accommodement raisonnable, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), Québec. Bosset, P. (2009). «Accommodement raisonnable et égalité des sexes : tensions, contradictions et interdépendance», dans P. Eid, P. Bosset, M. Milot et S. Lebel-Grenier. (dir.), Appartenance religieuse, appartenance citoyenne. Un équilibre en tension, Québec : Presses de l Université Laval, pp Bosset, P. et Eid, P. (2007). «Droit et religion : de l accommodement raisonnable à un dialogue internormatif?», Revue juridique Thémis, vol. 41. Bosset, P et Eid, P. (2008). Document de réflexion : La Charte et la prise en compte de la religion dans l espace public, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), Québec. Bouchard, G. et Taylor, C. (2008). Fonder l avenir. Le temps de la conciliation. Rapport, Commission de consultation sur les pratiques d accommodement reliées aux différences culturelles, Québec. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). (2015). Mémoire sur le projet de loi no 62. Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l État et visant notamment à encadrer les demandes d accommodements religieux dans certains organismes. Québec. Deslauriers, J.-P. (1991). Recherche qualitative. Guide pratique, Montréal : McGraw-Hill. Eid, P. (2007). «Accommoder la différence religieuse dans les limites du raisonnable : regards croisés du droit et des sciences sociales», dans M. Jézéquel (dir.), La justice à l épreuve de la diversité culturelle, Cowansville : Les Éditions Yvon Blais Inc., pp Eid, P. (2007). La ferveur religieuse et les demandes d accommodement religieux : une comparaison intergroupe. Rapport, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Québec. Fraser, N. (2005). Qu est-ce que la justice sociale? Reconnaissance et redistribution, Paris : Éditions La Découverte. Habermas, J. (2003). «De la tolérance religieuse aux droits culturels», Cités, vol. 1, no 13, [En ligne], consulté le 29 mai

23 Halpern, C. (2013). «Axel Honneth et la lutte pour la reconnaissance», dans André, C., Braud, P. et all., La reconnaissance. Des revendications collectives à l estime de soi, Auxerre : Sciences humaines Éditions, p Halpern, C. (2013). «Les dilemmes de la justice sociale», dans André, C., Braud, P. et all., La reconnaissance. Des revendications collectives à l estime de soi, Auxerre : Sciences humaines Éditions, pp Honneth, A. (2000). La lutte pour la reconnaissance, Paris : Éditions Gallimard. Jézéquel, M. (dir.) (2007). Les accommodements raisonnables : quoi, comment, jusqu où? Des outils pour tous, Cowansville : Les Éditions Yvon Blais Inc. Jézéquel, M. (2007). L accommodement à l épreuve des stratégies identitaires, dans M. Jézéquel (dir.), La justice à l épreuve de la diversité culturelle, Cowansville : Les Éditions Yvon Blais Inc., pp Kymlicka, W. (2001). La citoyenneté multiculturelle. Une théorie libérale du droit des minorités, Montréal : Les Éditions du Boréal. Kymlicka, W. (2003). La voie canadienne. Repenser le multiculturalisme, Montréal : Les Éditions du Boréal. Lamy, G. (2015). Laïcité et valeurs québécoises. Les sources d une controverse, Montréal : Les Éditions Québec Amérique. Larouche, J.-M. (2006). «De la religion dans l espace public. Vers une société postséculière», Éthique publique, vol. 8, no 1, [En ligne], consulté le 29 mai Milot, M. (2016). «La laïcité peut-elle contribuer à la justice sociale?», dans Zuber, V., Mélanges. Jean Baubérot, Paris : Bibliothèque de l École des Hautes Études-Sorbonne. Nussbaum, Martha C. (2012). Capabilités. Comment créer les conditions d un monde plus juste?, Paris : Climats. Nussbaum, Martha C. (2013). Les religions face à l intolérance. Vaincre la politique de la peur, Paris : Climats. Paillé, P. et Mucchielli, A. (2008). L analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Paris : Armand Collin. Potvin, M. (2008). Crise des accommodements raisonnables. Une fiction médiatique?, Montréal : Athéna Éditions. 17

24 Savoie-Zajc, L. (2009). L entrevue semi-dirigée. Dans Recherche sociale. De la problématique à la collecte des données, (p ). Gauthier, B. (dir.). Québec : Presses de l Université du Québec. Taylor, C. (1994). Multiculturalisme. Différence et démocratie, Paris : Flammarion. Woehrling, J. (1998). L obligation d accommodement raisonnable et l adaptation de la société à la diversité religieuse. Revue de droit de McGill, vol

25 DU PROCESSUS D INSERTION SOCIALE À L INCLUSION SOCIALE : LE CAS DES TRAVAILLEURS IMMIGRANTS DU BAS- SAINT-LAURENT (BSL) Nadia Lazzari Dodeler, professeure en gestion des personnes en milieu de travail, Université du Québec à Rimouski (UQAR) Jean-Pierre Pérouma, étudiant en maîtrise de gestion des personnes en milieu de travail, Université du Québec à Rimouski (UQAR) Introduction Selon Louise Arbour, représentante spéciale pour les migrations internationales des Nations unies, «La mobilité humaine est inévitable» et selon le Haut-commissaire des Nations unies, «le XXIème siècle est le siècle de la mobilité humaine». Si certaines populations sont forcées de fuir en raison de conflits, d autres bougent à la recherche d une vie meilleure (Nations Unies, 2011), d une société d accueil qui va leur permettre de prendre un nouveau départ, de recommencer une nouvelle vie (Lazzari, 2016). Cette vie meilleure passe, souvent, par l obtention d un emploi (Lazzari, 2016). Ainsi, dans cette recherche nous souhaitons mettre en lumière les perceptions des travailleurs immigrants en ce qui a trait au processus d insertion sociale, d intégration et d inclusion dans l entreprise, dans la région du B.S.L 4. Pour ce faire, dans un premier temps, nous présentons notre recension des écrits qui s effectue en quatre étapes : un bref portrait sociodémographique de la région du B.S.L, le processus d insertion sociale, le glissement sémantique vers le concept d intégration, et nous terminons par le concept d inclusion sociale. Dans un second temps, nous présentons notre méthodologie, dans un troisième temps, nous poursuivons avec une discussion de nos résultats et nous finissons par une conclusion. 4 Correspondance : Nadia Lazzari Dodeler, Université du Québec à Rimouski, 300, allée des Ursulines, C. P. 3300, succ. ARimouski (Québec) Canada G5L 3A1 Téléphone : , Télécopieur : , nadia_lazzaridodeler@uqar.ca. 19

26 1. Recension des écrits 1.1 Bref portrait socioéconomique de la région du Bas-St-Laurent L immigration constitue un levier stratégique pour de nombreux gouvernements qui souhaitent développer leur économie. Ainsi, pour pallier le remplacement de la maind œuvre vieillissante, et certaines pénuries ou raretés de main-d œuvre, le Québec fait, massivement, appel à l immigration économique. Chaque année ce sont environ immigrants internationaux qui sont sélectionnés et arrivent dans la province. Si leur représentation est importante dans les grands centres, en région elle l est beaucoup moins puisque ce sont environ 150 immigrants par année qui s installent au B.S.L (Bélanger, 2015). Certaines régions du Québec sont plus touchées par les pénuries ou raretés de maind œuvre, c est le cas de la région du B.S.L. En effet, le B.S.L compte moins d individus de ans et davantage de personnes de ans que dans l ensemble du Québec (ISQ, 2016, p. 6). Ceci est dû au vieillissement de la main-d œuvre, mais aussi en partie aux mouvements migratoires des jeunes du B.S.L vers les grands centres. Selon les prévisions de l ISQ (2014, p.50), en 2036, la région du B.S.L sera l une des trois régions où le vieillissement de la population sera le plus présent : les aînés représenteraient 36% de la population et seraient deux fois plus nombreux que les jeunes (17%), les ans ne représenteraient que moins de la moitié de la population (47%). Du point de vue économique, le B.S.L est considéré comme une région ressource qui fait une transition vers l économie du savoir (Emploi-Québec, 2016). Cependant, les perspectives de croissance semblent modestes en raison de la rareté de la main-d œuvre qualifiée (ISQ, 2016). C est pourquoi la venue d immigrants pourrait faire partie de la solution au problème de vieillissement et de rareté de la main d oeuvre. 1.2 Le processus d insertion sociale Selon l Index International et Dictionnaire de la Réadaptation et de l Intégration Sociale (IIDRIS) cité sur le site du Conseil National des Politiques de Luttes contre la Pauvreté et l Exclusion Sociale (CNLE, 2014, s.p.), le concept d «insertion sociale» peut se définir comme «[l ] action visant à faire évoluer un individu isolé ou marginal vers une situation caractérisée par des échanges satisfaisants avec son environnement. C est aussi 20

27 le résultat de cette action, qui s'évalue par la nature et la densité des échanges entre un individu et son environnement». L insertion n est pas un état statique, mais un processus qui représente toutes les démarches mises en œuvre par et pour l individu dans le but de s insérer. Ce processus permet à une personne de trouver sa place dans un ensemble nouveau et complexe. Par personne, nous entendons «un individu doté de la conscience de son identité propre et de la complexité qu elle revêt» (Albert et Pérouma, 2015). L insertion sociale peut revêtir plusieurs dimensions : l emploi, le logement, la culture, la santé, etc. (Durkeim cité dans Loriol, 1999). Selon Vatz Laaroussi (2001), par insertion sociale il faut entendre : un statut social, la valorisation de ce statut pour la personne et les moyens de répondre aux besoins de cette personne. La question de l insertion sociale des immigrants est d autant plus fondamentale que «la stratégie gouvernementale consiste à augmenter les effectifs d année en année de façon à promouvoir la croissance économique» (Boudarbat et Cousineau, 2010, p. 156). En effet, l insertion des immigrants est un enjeu de société, en cas «d insertion non réussie» (Boudarbat et Cousineau, 2010, p. 156) les coûts sociaux, financiers et humains sont importants tant pour la société d accueil que pour les immigrants et leurs accompagnants. Ainsi, le processus d insertion questionne l immigrant, ses éventuels accompagnateurs et la société d accueil. L insertion sociale suppose «la reconnaissance de l autre, d une part comme occupant une place légitime dans la société, d autre part comme contributeur à la vie et à l évolution de la société, soit par son activité, soit tout simplement par le fait même d interroger la collectivité du fait de sa seule existence» (Jaeger, 2015, p. 46). L activité d insertion par excellence demeure le travail qui couvre alors le champ de l insertion professionnelle. Elle se veut être «un processus lors duquel une personne, à partir de son arrivée en terre d accueil, s inscrit ou cherche à s inscrire activement sur le marché du travail, par l exercice d un emploi» (Cardu, 2002, p.88). Pour un immigrant, l arrivée dans le pays d accueil, constitue un choc culturel, un changement de repères. Le processus d insertion débute par l absorption du choc culturel, puis les immigrants se forgent une place dans la société. La place au sein de la société s appuie sur l emploi qui permet d «obtenir un revenu, accroître ses connaissances professionnelles, s adapter à de nouvelles façons de faire et de penser, et se faire accepter 21

28 et reconnaître socialement par les collègues et la société d accueil» (Helly, Vatz- Laaroussi et Rachedi, 2001, p.37). 1.3 L intégration Que signifie «intégration»? Étymologiquement intégration vient du latin integratio qui signifie : retrouver l'état d'être entier (d'où intègre : non corrompu). Bien que le sens étymologique d insérer et d intégrer soit différent, souvent dans la littérature, les concepts d intégration et d insertion sont utilisés de manière interchangeable. Ceci peut s expliquer du fait que l objectif de ces deux concepts est le même, à savoir, obtenir la reconnaissance de la société d accueil en tant qu individu occupant une place légitime et contribuer à l évolution de la société et à la vie de tous les jours grâce à son activité (Jaeger, 2015). Au Québec, le projet d intégration se cristallise autour d un contrat «moral» volontaire. Ce contrat «moral» lie trois acteurs : le gouvernement, la société d accueil et les nouveaux arrivants. Ainsi la responsabilité de l intégration relève tant de la société d accueil que de l immigrant. Pour l aider dans son intégration, l immigrant se voit offrir des services d accompagnement à l intégration (Robert, 2005). Cependant, Le Capitaine (2013) souligne que «le concept d intégration serait un droit à être semblable, tolérant l exclusion de ceux qui ne parvenaient pas à accéder par eux-mêmes au monde «normal» malgré tous les moyens de compensation qui leur étaient dévolus et l aide de tous les services appropriés». Parfois, le concept d intégration suggère «une incorporation qui vise à dissoudre la différence et peut ainsi faire émerger l idée d une acceptation contrainte» (Jaeger, 2015, p.17). Selon Gagnon et al., (2014), l insertion au travail est une condition essentielle à l intégration. C est pourquoi le Québec fait en sorte de mieux arrimer la sélection des immigrants et les besoins du marché du travail, ce qui devrait faciliter l intégration. Mais, l évolution rapide des besoins du marché du travail ne permet pas toujours une bonne adéquation entre la sélection des immigrants et les réalités de l emploi. Ainsi, comme le souligne Boulet (2016), il est souhaitable d évaluer l intégration des immigrants, en regardant dans un premier temps, si ces derniers ont accédé à un emploi, cette étape correspond à la première phase du processus d intégration, et dans un second temps, en se 22

29 questionnant sur la stabilité de l emploi obtenu, sur sa rémunération et sur son adéquation avec les compétences des immigrants, ce qui représente selon Boulet (2016) la seconde phase du processus d intégration. 1.4 L inclusion Le dictionnaire Larousse définit le mot «inclusion» comme l «action d inclure quelque chose dans un tout, un ensemble ; état de quelque chose qui est inclus dans autre chose». Étymologiquement, inclusion vient du latin inclusio qui signifie emprisonnement. Par rapport aux termes d insertion et d intégration, le terme d inclusion évoque davantage une finalité qu un processus (Jaeger, 2015). Jaeger (2015 p. 27) montre que «l inclusion met l accent, comme la notion d intégration, sur l affirmation d une appartenance légitime à la société, quelles que soient les différences, là où l insertion désigne un mouvement d appropriation, par des sas et des paliers. En revanche, à la différence de l intégration, l inclusion implique qu une personne peut rester avec ses difficultés tout en étant reconnue comme un élément à part entière du collectif». De plus, le sens du terme inclusion peut changer en fonction du pays dans lequel il est utilisé. Au Canada, le terme inclusion signifie que tous les individus doivent avoir les moyens de participer à la communauté et à la société en tant que membres valorisés et respectés. Cinq pierres angulaires entourent ce terme : la reconnaissance valorisée, les opportunités de développement humain, l implication et l engagement, la proximité, le bien-être matériel (Bouquet, 2015, p.16). Le terme d inclusion se trouve donc lié au processus d insertion sociale et d intégration économique et à la recherche de participation sociale, culturelle et civique des personnes et groupes sociaux Bouquet (2015, p. 16). En outre, Le Capitaine (2013) ajoute que si la définition de l intégration ouvre le droit à être semblable et tolère l exclusion des immigrants qui n ont pas su s intégrer, l inclusion ouvre le droit à la singularité, à la différence, ne tolérant pas d exclusion à la participation sociale sur le prétexte de cette différence. Dans ce dernier cas la singularité, la différence est conservée. De même, selon Fougeyrollas (2011), l approche inclusive c est «bouger les lignes» c est-à-dire faire en sorte que tous les acteurs fassent de la place à la différence et à des manières de fonctionner en société qui enrichissent la vie de tous. 23

30 En construisant une culture relationnelle d intégration dans l organisation, le moi est dans le nous 5 (Chavez & Weisinger, 2008, p.346). Cela signifie que les individus restent ce qu ils sont et que grâce à cette stratégie, ils peuvent interagir en partageant d eux-mêmes et en ayant la possibilité d apprendre les uns des autres. Ce modèle de gestion pour la diversité est un avantage pour l attraction et la rétention de la main d œuvre : les personnes pouvant rester elles-mêmes (moi), mais également être le collectif (nous). C est ainsi que Chavez et Weisinger (2008) encouragent l inclusion, c est-à-dire à la fois l intégration des personnes d origines diverses et un apprentissage réciproque. En créant et en maintenant cette culture inclusive, cela permet de favoriser une réduction du roulement de personnel, l attraction de nouveaux employés et de réaliser des avantages provenant de cette force de travail (Chavez et Weisinger. 2008). 2. Méthodologie Notre objectif de recherche vise à examiner les perceptions de travailleurs immigrants en ce qui a trait à leur processus d insertion sociale, d intégration et d inclusion dans l entreprise, dans la région du B.S.L. Pour ce faire, et afin de faire émerger leur réalité, nous avons opté pour une recherche de nature qualitative qui vise à construire des connaissances nouvelles à partir de situations empiriques (Miles & Huberman, 2013). Notre recherche s inscrit dans un paradigme épistémologique interprétativiste. Cette posture part du principe que la réalité sociale est multiple et qu elle se construit à partir de perceptions individuelles susceptibles de changer avec le temps (Fortin et Gagnon, 2015, p. 28). Nos répondants ont été recrutés à partir de la méthode de l échantillon de convenance et de la méthode de la «boule de neige». Les critères de sélection des participants étaient d habiter le Bas-St-Laurent ; d être ou d avoir été en emploi au minimum un an complet (hors emploi étudiant) et de faire partie de la catégorie de l immigration économique. À l aide d un guide structuré en thèmes liés à notre problématique, nous avons procédé par entrevues individuelles semi-structurées, d une durée de 45 minutes environ. Nous avons enregistré les données, les avons retranscrites intégralement, puis nous les 5 Notre traduction 24

31 avons analysées par le biais de l analyse thématique (Fortin et Gagnon, 2015, p. 28). Les caractéristiques sociodémographiques des répondants rencontrés en entrevue se présentent comme suit : nos répondants faisant partie de la catégorie de l immigration économique, leurs démarches d immigration avaient souvent été faites dans leur pays d origine, avant le départ pour le Québec. Ainsi, une grande majorité avait obtenu le statut de résident permanent lors de leur arrivée au Québec. Nous avons rencontré 26 travailleurs immigrants (15 femmes et 11 hommes), 18 viennent d Europe (huit femmes et dix hommes), trois femmes sont africaines et quatre femmes et un homme sont asiatiques. L âge des immigrants s échelonne entre 25 et 66 ans. Certains se situent dans le groupe des ans (9 femmes et 4 hommes), d autres dans celui des ans (6 femmes et 7 hommes). L ensemble des répondants est qualifié, hormis un répondant, tous possédaient au minimum un diplôme de 1er cycle universitaire à leur arrivée au Québec. Plus de la moitié des répondants (8 femmes et 6 hommes) sont retournés aux études (CEGEP ou université) afin d y acquérir un diplôme québécois, souvent dans le même domaine. 3. Discussion et résultats Dans un premier temps, nous présentons les perceptions des travailleurs immigrants quant à leur insertion sociale, puis nous examinons les perceptions en termes d intégration et pour finir elles sont observées en termes d inclusion sociale. 3.1 L insertion sociale, un parcours de longue haleine et semé d embûches À l arrivée au BSL, de nombreux travailleurs immigrants rencontrent des difficultés à accéder en emploi. Tout d abord, leurs propos font ressortir les frustrations qu ils ressentent en ce qui a trait au message donné par les services de l immigration et la réalité vécue ensuite au Québec. De manière générale, les immigrants rencontrés avaient une bonne connaissance de la langue française, hormis quelques-uns. À peu près tous ont dû faire face à la non-reconnaissance de leurs diplômes et de leurs expériences professionnelles acquises à l étranger. Ces difficultés ont été vécues comme de réels freins à l insertion en emploi tout comme le témoignent de nombreuses autres recherches dans le domaine (Béji et Pellerin, 2010; Chiswick, Barry, Miller et Paul, 2009 ; Chiswick et Miller, 2007) ; Cobb-Clark, 2005 et Boudarbat, 2011). Voyons quelques citations : 25

32 Du discours à la réalité «C était pas le message qu on nous a donné aux réunions de l immigration chez nous, nos amis qui étaient québécois nous disaient «venez venez, on attend des gens comme vous». C est le discours qui était donné, mais entre le discours et la réalité». Femme, 44 ans. La maîtrise de la langue du pays d accueil : «La langue c est pas que ça bloque, c est vraiment barrière». Homme, 41 ans. La reconnaissance des diplômes «Ils m ont dit :faites un diplôme québécois cela va ouvrir la porte, mais quand tu donnes un message qu avec un diplôme tu trouveras un travail et que non parce qu il faut aussi l expérience canadienne, c est comme un faux espoir qu ils ont créé puis c est une frustration». Femme, 56 ans. L expérience de travail «Quand ils avaient ouvert quelques postes, ils prenaient les gens qui avaient l expérience québécoise, donc j étais défavorisée par rapport à ça. J avais l expérience de travail au Congo, mais arrivé ici, on recommence à zéro». Femme, 56 ans. Les stéréotypes «On ne voulait pas d une Française, c était clair et on me l a dit ; on me l a dit une fois que ça se passait bien, parce que les Français sont prétentieux, arrogants, ils m ont dit : mais toi non, c est pas pareil». Femme 45 ans. La précarité des emplois «Mes contrats peuvent durer 1 mois ; généralement c est plutôt de l ordre de 4-6 mois. Je le vis de plus en plus mal d avoir que du cours terme, bien que j essaie de me dépatouiller et de bifurquer vers autre chose malgré tout, ça reste pas facile». Femme 44 ans. «Ça a été des contrats, des contrats, des contrats, j ai jamais arrêté de travailler. Mais euh, bon en statut précaire, j ai ramé sans fin là». Femme, 50 ans. Contrairement à ce que Boulet (2016) définit comme la première phase d intégration, dans notre recherche nous voyons dans cette phase une continuité du processus d insertion sociale. Comme nous l avons vu plus haut, en début d immigration, les entraves à l adéquation attentes-emploi portent sur la non-exhaustivité des informations, la non-reconnaissance des diplômes et de l expérience de travail du pays d origine et les stéréotypes liés à cette main d œuvre. Pendant cette période, les immigrants ont plutôt accès à des emplois précaires (non-stables, de courte durée et peu rémunérés), emplois pour lesquels ils sont souvent surqualifiés. 26

33 Dans cette recherche, l insertion sociale correspond donc à toutes les démarches mises en œuvre par les immigrants pour accéder à un emploi. Parmi les répondants, plusieurs ont mis en oeuvre des stratégies afin de surmonter les obstacles à l insertion en emploi. Demeurer mobiles, faire du bénévolat, appeler les employeurs directement sont des façons de tenter de contourner les difficultés, comme le soulignent les citations ci-dessous : Les stratégies de contournement «Au début. j étais dans l opération survie. Je ciblais la survie je voulais la survie de la famille. On était volontairement avec un logement meublé parce qu on savait pas où on atterrirait, ce qu on voulait c était du travail, aussi bien académique que nonacadémique, ce que l on voulait c était du travail». Femme, 44 ans. «J ai commencé d abord à appeler au centre d actions bénévoles pour faire du bénévolat et me faire connaître. Donc j ai fait du bénévolat, avec le bénévolat je me suis fait connaître. J étais bénévole, et puis on m a appelée pour me demander si je voulais travailler». Femme, 58 ans. «Moi je décrochais mon téléphone «bonjour je suis nouvel arrivant dans la région, j aimerais ça vous rencontrer» et puis en fait les gens disent oui, il m est arrivé une fois d avoir un non. On me répondait «mais, ouais, mais j ai pas d emploi». C est pas l emploi qui m intéresse, c est de comprendre qu est-ce que vous faites, pouvoir venir me présenter, que vous puissiez éventuellement me référer si vous connaissez quelqu un ou que vous puissiez m expliquer». Femme, 36 ans. Ces stratégies font en sorte que pour s intégrer les immigrants développent un haut niveau de résilience (survie de soi et de sa famille) afin de pouvoir se projeter et accéder à un avenir meilleur que représente l intégration, dans la société d accueil (Anaut, 2008 ; Bernard, 2011 ; Van der Ham, Batangan, Ignacio, & Wolffers, 2014). Cependant, l intensité de résilience diffère selon les personnes, et certains immigrants se replient sur eux-mêmes ou sur leur communauté d origine. «C est toujours des importés qui se remettent ensemble». Homme, 32 ans «Quelque part, je pense que les gens sont racistes». Femme, 55 ans «Je me suis fait une clientèle, mais beaucoup une clientèle d étrangers qui viennent parce qu ils se sentent un peu chez eux. Il a une Algérienne, elle m a dit je viens ici parce que «je me sens un peu en famille» marrant hein! C est intéressant de rencontrer ces gens-là parce qu ils ont les mêmes problèmes que nous quelque part, là on est soudé qu on soit Algérienne, Française ou autre chose, je trouve ça extraordinaire». Femme 44 ans. 27

34 Comme le soutiennent différents chercheurs, lorsque les difficultés semblent insurmontables, que les immigrants se sentent exclus du groupe et ne réussissent pas à s intégrer, ils peuvent avoir tendance à se replier dans une «ethnicisation» des relations sociales (Bruna et al, 2016). De plus, ce sentiment d exclusion, de mépris peut favoriser la fermeture à l autre (Fay et Albert, 2005). 3.2 L intégration Munis d un diplôme québécois et d une expérience de travail sur le sol québécois, à présent les immigrants ont plus de chance de voir leur rêve d immigration aboutir, de sorte que leurs attentes sont en adéquation avec leurs besoins, leurs souhaits d emploi. «Moi ça m intéresse pas de rester au bureau toute la journée. Je fais de l automatisation de bâtiments, toute la partie de réfrigération. C est exactement ce que je voulais faire». Homme, 25 ans. Il est possible de parler d intégration lorsque les immigrants sont insérés sur le marché du travail c est-à-dire qu ils ont surmonté les difficultés (obtention d un diplôme québécois, d une expérience de travail québécoise, etc.) et qu ils ont obtenu un emploi en adéquation avec leurs attentes et leurs compétences (Boulet, 2016). En somme, en reprenant l idée de Le Capitaine (2013), il semble que «pour accéder au monde «normal»» les immigrants se doivent de détenir une formation québécoise et une expérience québécoise, ce qui permet l ouverture des portes du marché du travail alors que ceux qui ne réussissent pas à le faire auront plus de difficultés à accéder à de bons emplois. Voyons à présent ce qui caractérise l inclusion sociale. 3.3 L inclusion sociale Ainsi, l insertion représente toutes les actions que mènent les immigrants (processus), qui vont leur permettre, à un moment donné, d accéder au marché du travail. Lorsqu il s agit d un emploi stable et en adéquation avec leurs compétences, on entre dans la seconde phase d intégration telle que décrite par Boulet (2016). Mais, qu en est-il de la reconnaissance des différences, des singularités des immigrants en entreprise? «Mes collègues appréhendaient qu une personne arrive avec une culture différente, ils avaient des a priori qu ils ont exprimés par la suite. Toutefois, assez rapidement, ils se sont ouverts et ont accepté de remettre en question leurs préjugés. Ils ont réussi à faire en sorte que j apprenne les codes de la nouvelle société dans laquelle j étais». Femme, 44 ans. 28

35 «De l autonomie j en ai en masse (rires). Flexibilité de mes horaires j en ai aussi je gère mon temps, je gère mes heures, je gère mes projets aussi. Si je veux travailler un samedi ou un dimanche, c est mon affaire. Si je veux reprendre mon lundi ou mon mardi, c est aussi mon affaire. Tant que le travail est livré dans le temps, ils font confiance. Ce que je trouve vraiment comme un plus». Homme, 28 ans. «J ai besoin d être écouté si on participe pas aux décisions qui nous concernent, c est plate; j ai besoin que l on reconnaissance aussi que je peux participer à faire avancer les choses...euh...j ai besoin d être valorisé, c est important pour moi». Homme, 29 ans. «Ils avaient peur parce que c était l inconnu, ils ne savaient pas ce que c était [ ], mais après ils ont été d une gentillesse tellement vraiment extraordinaire». Femme 44 ans. «Je suis professeure d université, depuis mi-décembre 2008 c était exactement le domaine, le lieu, c est vraiment tout ça que je voulais». Femme, 44 ans. «Ils me font confiance». Femme 30 ans. La première citation montre que l on peut être intégré dans une entreprise mais que sa singularité peut ne pas être reconnue. Cette citation met d abord en évidence la peur de l autre, puis avec le temps, la mise en œuvre du processus d ouverture à l autre qui émane d une volonté tant individuelle (immigrant) que collective (collègues) (Steinbach, 2015). L ouverture à l autre permet de mieux le connaître et ainsi, l inconnu devient connu et cela peut amoindrir les peurs (Bauman, 2013) et favoriser l inclusion. Une entreprise est dite inclusive lorsqu elle entretient une relation de confiance en donnant de l autonomie et de la reconnaissance aux immigrants (Bruna et al., 2016). Permettre d accéder aux discussions et aux décisions donne le sentiment d être intégré (Mor Barak et al, 2016). Lorsque l immigrant est conscient «de son appartenance à», la communauté est réelle (Banathy et Jenlink, 2005). Les citations, ci-dessus, soulignent aussi que tout en étant eux-mêmes avec leur singularité, les immigrants ont pu se réaliser professionnellement (Le Capitaine, 2013) ; ainsi, chaque personne est à la fois unique et semblable (Morin, 2001) et comme le soulignent (Chavez et Weisinger, 2008) le «moi» est dans le «nous». Pour parler d organisation inclusive, il est donc important de voir les immigrants comme des personnes uniques (je), mais aussi comme des personnes faisant partie de la communauté (nous), en l occurrence l organisation. 29

36 Pour résumer, dans notre recherche, l insertion sociale (emploi) représente toutes les actions que mènent les immigrants (processus) et qui vont leur permettre, à un moment donné, d accéder au marché du travail. Lorsqu ils accèdent à un emploi stable, en adéquation avec leurs attentes et leurs compétences, ils ont atteint le stade de l intégration. Les entreprises inclusives fondent leur comportement sur l ouverture à l autre, la confiance, la reconnaissance mutuelle. C est donc le climat de confiance, de reconnaissance mutuelle qui participe à faire de l entreprise un lieu de vie et d échanges dont tous les individus ressortent enrichis. Comme le soutient Jaeger (2015) si l insertion est un processus, l inclusion est bien une finalité. Conclusion L insertion sociale est un long processus pour les immigrants qui doivent revoir leur trajectoire professionnelle en fonction du contexte social, culturel, légal du pays hôte (diplôme, expérience, langue, etc.). Les stratégies de contournement mises en œuvre pour contrer les difficultés leur permettent parfois de se rapprocher de la situation «d intégration» (par ex. : bénévolat). En revanche, lorsqu ils se sentent exclus du groupe et n arrivent pas à s intégrer, ils peuvent avoir tendance à se replier dans une «ethnicisation» des relations sociales (Bruna et al., 2016). Au fil du temps et après avoir fait montre de beaucoup de résilience, certains immigrants surmontent les obstacles et réussissent à s intégrer. Leurs attentes sont, à présent, en adéquation avec l emploi qu ils occupent. Il est possible de parler d approche inclusive en entreprise, lorsque les acteurs qui la composent reconnaissent les immigrants avec leur singularité et y voient une richesse (Fougeyrollas, 2011). 30

37 BIBLIOGRAPHIE Albert, M.A et Pérouma, J.-P. (2015). «Ethical Management : for concerted common construction and durable solution. Study of a real case», 19th IESE International Symposium on Ethics, Business and Society, Barcelone. Anaut, M. (2008). La résilience : surmonter les traumatismes, Paris : Armand Colin. Banathy, B. H., et Jenlink, P. M. (Eds.). (2005). Dialogue as a means of collective communication, New York, NY: Kluwer academic/plenum publishers. Barak, M. E. M. (2016). Managing diversity: Toward a globally inclusive workplace, Thousand Oaks, CA : Sage Publications. Bauman, Z. (2013). Liquid times: Living in an age of uncertainty, John Wiley & Sons. Béji, K., et Pellerin, A. (2010). «Intégration socioprofessionnelle des immigrants récents au Québec : le rôle de l information et des réseaux sociaux», Relations industrielles / Industrial Relations, vol. 65, no 4. Bélanger, M. (2015). «L immigration au Bas-St-Laurent», UQAR INFO, [En ligne] consulté le 28 février Bernard, M.-J, (2011). «Le talent Résilience, Quand une épreuve donne du sens à toute une vie», Revue Internationale de Psychologie, vol. 17, no 41. Boudarbat, B. (2011). Les défis de l intégration des immigrants dans le marché du travail au Québec : enseignements tirés d une comparaison avec l Ontario et la Colombie-Britannique. Rapport de projet, Centre Interuniversitaire de recherche en analyse des Organisations (CIRANO), [En ligne] Boudarbat B. et Cousineau J.-M. (2010). «Un emploi correspondant à ses attentes personnelles? Le cas des nouveaux immigrants au Québec», Migration et Intégration, vol. 11. Boulet, M. (2016). L intégration des immigrants au marché du travail à Montréal : défis, acteurs et rôle de la Métropole, Rapport de projet, CIRANO. Bouquet, B. (2015). «L inclusion : approche socio-sémantique», Vie sociale, vol. 11, no 3. Bruna, M. G., Peretti, J.-M., et Yanat, Z. (2016). «Les nouveaux défis de la diversité : totems à dépasser et paris à relever», RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, vol. 1, no 20. Cardu, H. et Sanschagrin, M. (2002). «Les femmes et la migration : les représentations identitaires et les stratégies devant les obstacles à l insertion socioprofessionnelle à Québec», Migration, vol. 15, no 2. 31

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40 34

41 REPRÉSENTATIONS SOCIALES ET ENJEUX DE LA RETRAITE EN CONTEXTE D IMMIGRATION : CAS DES TRAVAILLEURS D ORIGINE MAROCAINE AU QUÉBEC Nadia El Ouachchama, Étudiante au doctorat interdisciplinaire en santé et société, UQAM Introduction Cet article présente notre projet de recherche qui porte sur la retraite chez les immigrants de la communauté marocaine au Québec. Il s agit, plus précisément, d étudier leurs représentations sociales de la retraite. Nous cherchons à comprendre le sens que les immigrants marocains donnent à cette étape de la vie à travers leurs systèmes d interprétations, ainsi que les pratiques et stratégies déployées afin de faire face aux enjeux de la retraite, dans un contexte d immigration. La première partie de ce texte sera consacrée à la problématique de recherche, ainsi qu aux principaux objectifs qui en découlent. Dans la seconde partie, nous présenterons le concept de la retraite et la théorie des représentations sociales qui nous servira de cadre conceptuel pour l étudier. La troisième section concernera les aspects méthodologiques de notre démarche. Finalement, nous terminerons cette présentation par quelques réflexions sur les contributions sociales et scientifiques espérées dans le cadre de ce projet de recherche. 1. Problématisation de la retraite chez les immigrants 1.1 Mise en contexte L immigration a souvent été considérée comme une solution aux problèmes du vieillissement et au déséquilibre entre la population active et le nombre croissant des retraités (Chojnicki et al. 2005). En effet, les données du recensement québécois de 2006 révèlent qu entre 2006 et 2031, le nombre de personnes de 65 ans ou plus augmentera de près de 98 % au Québec, alors que la population plus jeune diminuera. On estime que la part des personnes de 65 ans et plus augmentera ainsi, par rapport à son niveau actuel, de 14 %, à 25 % en 2031 au Québec. Le départ massif à la retraite des baby-boomers se traduira notamment par des changements marqués dans la structure socio-économique (Bowlby, 2007). Si Gauthier et al. (2004) ont constaté qu en 1961, environ dix 35

42 travailleurs actifs cotisaient pour un retraité, vers 2031, ce ratio se rapprochera de deux travailleurs pour un retraité. Ce déséquilibre entre l effectif de la population d âge actif et celui des retraités entraînera de graves conséquences sur la vie sociale et économique et posera de grands défis à la société québécoise et aux individus (Rheault et Poirier, 2012). Les comportements à la retraite ont connu des changements considérables. Ainsi, de plus en plus de Québécois remettent à plus tard le moment de leur retraite et certains d entre eux retournent même à l emploi après avoir passé un moment à la retraite (Lesemann et D Amours, 2010). Il faut retenir que le système de retraite québécois, contrairement aux régimes de retraite européens, repose largement la responsabilité d épargner des individus. Cela veut dire que les risques de ne pas avoir de revenus adéquats à la retraite dépendent de plusieurs facteurs individuels, tels que le manque de connaissances financières nécessaires pour planifier sa retraite, la perte d emploi, les problèmes de santé, le divorce, le décès du conjoint ou l arrêt du travail du fait d obligations familiales. Tenant compte de ces considérations et de la complexité des modes de retraite, force est de constater que les travailleurs immigrants seront eux aussi concernés par le vieillissement de la société québécoise et les risques qui y sont associés. Si l immigration semble être une solution aux problèmes des départs massifs à la retraite des babyboomers, la retraite peut en elle-même devenir problématique pour certains immigrants, compte tenu des enjeux qui l entourent. 1.2 Enjeux de la retraite en immigration Les recherches menées au Québec ont surtout insisté sur les enjeux économiques de la retraite. Selon Schellenberg (2004), 49,7 % des immigrants arrivés depuis 1980 recevront des revenus de retraite moindres que les personnes qui sont nées au pays. Selon l Enquête sociale générale du Canada effectuée en 2002, 45,3 % des immigrants déclarent que leur préparation financière à la retraite est insuffisante, contrairement à 28,8 % des personnes nées au Canada. De plus, bien qu ils soient couverts par un régime de retraite, les immigrants entrés plus récemment au Canada, en particulier ceux qui sont arrivés à un âge tardif, auront eu moins de temps que les autres immigrants pour cotiser à leur fond de retraite. En outre, la 36

43 situation économique de ces immigrants récents aura tendance à être encore plus défavorable que pour les autres groupes, compte tenu des nombreuses difficultés liées à l intégration socioprofessionnelle qu ils seront susceptibles de rencontrer (Frenette et Morissette, 2003). Leur situation financière, au moment de leur retraite, sera ainsi plus fragile que celle de l ensemble des retraités immigrants. Cette situation pourra avoir des répercussions directes sur la capacité des immigrants récents à préparer leur retraite (Boudarbat et Boulet, 2007), et pourrait amener à creuser des inégalités sociales en matière de retraite (Lesemann et d Amours, 2010). Si l aspect économique de la retraite présente un risque pour la population immigrante, d autres aspects liés aux dispositifs législatifs régissant la sécurité sociale de la vieillesse au Canada peuvent influencer leurs choix concernant la retraite. Par exemple, un immigrant de 65 ans et plus ne peut recevoir une pension maximale qu après avoir résidé 40 ans au Canada. Il existe des accords bilatéraux permettant de bénéficier d une pension du pays d origine, du Canada ou des deux pays, qui permettent le transfert au Canada des cotisations de pensions accumulées avant d immigrer (Régime de pension du Canada). Cependant, ces accords ont été signés avec un nombre limité de pays. (23 pays dont le Maroc). De plus, la manière dont les immigrants vont vivre leur retraite dépendra également de la conception qu ils se font de leur retraite en terre d accueil et des conditions de vie qui la façonnent. Les immigrants concernés par cette étude, ceux de la communauté marocaine, ont vécu une partie de leur vie dans leur pays d origine, leur compréhension de la retraite en tant qu objet social s inscrit nécessairement dans les deux cultures marocaine et québécoise, il nous est ainsi impossible de considérer l une sans l autre. Cette ambivalence peut générer de nouvelles formes de retraite et soulève aussi de nouveaux enjeux. Par exemple, certains de ces immigrants peuvent ne pas recourir à certains produits d épargne gérés par les banques privées (REER, CELI, etc.), car ils souhaitent se conformer au précepte musulman qui interdit de percevoir des intérêts, ce que font ces régimes d épargne (Algabid, 1990). Dans ce contexte, l immigrant marocain pourrait ne 37

44 pas planifier financièrement sa retraite ou encore la préparer en employant des stratégies différentes de celles adoptées par la majorité des québécois. À sa retraite, l immigrant marocain pourrait avoir comme projet de retourner au pays d origine. En effet, les résultats d une étude réalisée, sur les immigrants marocains du Canada, par le Ministère marocain chargé des Marocains résidents à l étranger et des Affaires de la Migration, révèlent que les immigrants marocains de 60 ans et plus, sont ceux qui sont les plus susceptibles de retourner dans leur pays d origine pour leur retraite. La raison la plus couramment évoquée pour justifier ce retour est l écart existant entre les deux cultures. Pour plusieurs immigrants marocains, la retraite peut permettre de réaliser le désir de vieillir et de mourir dans leur pays d origine. Ce retour peut, de plus, être aussi encouragé par des éléments incitatifs, tels que la possibilité de transférer la pension canadienne et québécoise au pays d origine, grâce à une convention particulière signée entre le Maroc et le Canada 6. Des éléments inhibiteurs peuvent toutefois freiner cette intention de retourner au Maroc. En quittant la province québécoise, l immigrant marocain pourrait notamment être confronté à la cessation de la couverture par le régime d assurance maladie du Québec, ce qui pourrait se révéler très contraignant, si, à sa retraite, il décidait de s établir au pays d origine tandis que ses besoins en soins et services de santé augmentent. La retraite peut aussi être caractérisée par davantage de mobilité entre les deux espaces, certains optant, en effet, pour des aller-retours entre pays d origine et société d accueil. D après Schaeffer (2001), les retraités marocains qui choisissent ce mode de retraite ou «l entre-deux», comme le nomme l auteur, sont confrontés aux difficultés liées à la réintégration au pays d origine et au maintien des liens qui les attachent au pays d accueil. Cette mobilité semble néanmoins avoir aussi des aspects bénéfiques, le retraité jouant souvent le rôle d intermédiaire et de gardien des liens sociaux entre les membres de sa famille au Maroc et ceux du pays d accueil. 6 Il s agit de la Convention de sécurité sociale entre le Canada et le Maroc, établie dans le cadre des accords bilatéraux en matière de sécurité sociale et qui est entrée en vigueur en mars Cette convention permet à l immigrant marocain qui a vécu ou travaillé au Maroc et au Canada (ou au survivant d une personne qui a vécu ou travaillé au Maroc et au Canada) d être admissible à une pension ou à d autres prestations du Maroc, du Canada ou des deux pays (Régime des pensions du Canada, 2010). 38

45 Un troisième enjeu souvent mentionné concernant la retraite est lié à la santé et à sa prise en charge. La retraite marque souvent l avancée en âge et l entrée au stade de la vieillesse, une phase de la vie qui s accompagne souvent de problèmes de santé et de perte d autonomie. Dans un pays comme le Québec, la gestion de la vieillesse revient en partie à l État, les personnes âgées étant prises en charge par des maisons de retraite et des centres d hébergement. À l inverse, l institutionnalisation de la vieillesse n existe quasiment pas au Maroc, le pays ne disposant que d un seul centre pour personnes âgées, établi récemment. Cette absence d une vieillesse institutionnalisée est surtout due à la sacralité du devoir familial qui entoure la prise en charge familiale des personnes âgées (Lavoie et al., 2007). Selon une enquête nationale sur les valeurs réalisée en 2004, au Maroc, certains répondants ont été choqués et offensés quand on leur a demandé si les parents âgés devraient être pris en charge par leurs enfants ou par l État. La participation de l État a été clairement rejetée, le principe selon lequel le devoir d assister les parents revient aux enfants faisant consensus. Ce devoir sacré envers les parents est renforcé par la valeur de la bénédiction de ces derniers. En effet, la sociologue marocaine Rahma Bourqia (2006) explique que la bénédiction des parents, érigée en valeur par la religion, par les croyances et par les représentations collectives, fonctionne comme un principe qui maintient la cohésion de la famille à travers le temps. La bénédiction parentale accompagne l individu tout au long de sa vie (Bourqia, 2006). Cet élément de la culture explique aussi la persistance de la cohabitation intergénérationnelle malgré l évolution de la famille marocaine qui tend à adopter de plus en plus le modèle de la famille nucléaire. Cette forme de solidarité familiale assure à la personne âgée une prise en charge au quotidien : aide financière, soins, nourriture, accompagnement, réseau social, etc. Or, il y a lieu de se demander comment des immigrants marocains qui ont intégré ce modèle familial de prise en charge de la personne âgée vont vivre une possible institutionnalisation de leur vieillesse au Québec. Selon l ACCÉSSSS (2000), certaines personnes âgées immigrantes reprochent aux centres d hébergement d être insensibles à leurs besoins culturels (activités, nourriture, etc.). Une étude française a souligné certaines particularités propres aux immigrants maghrébins et musulmans vieillissants en institution, révélant que ces immigrants ont du mal à trouver leur place au sein de ces dernières en raison du décalage culturel et religieux auquel ils sont confrontés 39

46 (Bartkowiak, 2008). Une compréhension décalée de ce qu est une maison de retraite peut instaurer un mode relationnel particulier avec le personnel. En effet, ces résidents tendent à développer des relations affectives et familières avec certains membres du personnel, exigeant, dès lors, que les actes de soins ou autres activités soit accomplis par ces personnes en particulier. De plus, un homme retraité qui a l habitude de socialiser avec ses pairs ne se sent pas forcément à l aise dans un établissement mixte où il y a une forte représentation féminine (Bartkowiak, 2008). À la lumière de cette étude, nous constatons que l institutionnalisation de la vieillesse des immigrants, notamment les immigrants marocains et musulmans, n est pas une mince affaire. Cela peut représenter, d une part, des contraintes pour les institutions d hébergement qui doivent allier respect de l individu et besoins de la collectivité. D autre part, le retraité marocain qui souhaite être placé dans une institution peut être confronté à certaines contraintes en raison de décalages entre la culture de l immigré et celle du pays d accueil, qui, parfois, sont trop importants pour que l option du placement soit envisageable. Dans ce cas, les personnes âgées immigrantes d origine marocaine dépendront en grande partie, dans leur société d accueil, de leurs proches aidants en ce qui concerne leurs soins (Graaffe et Francke, 2003). Cependant, cette solidarité familiale connait aussi des limites. Lavoie et al. (2007) expliquent que certaines familles d immigration récente, incluant des familles maghrébines, sont confrontées à des contraintes qui limitent leur capacité de prendre soin de leurs parents et qui sont liées principalement à la pauvreté du réseau familial. Cela signifie que la famille immigrante marocaine, du fait du contexte d immigration, peut connaitre un appauvrissement, tant au niveau de ses ressources financières que de son étendue, ce qui contribuerait à l effritement des solidarités familiales. Vieillir à la retraite peut ainsi paraître un enjeu pour les immigrants et leurs familles. La retraite peut aussi amener d autres enjeux spécifiques liés à la cessation d activité professionnelle. Qu est ce qui reste à la retraite? Par quoi est compensé le travail? Ici, il y a lieu de parler d activités mais aussi de la place sociale occupée à la retraite. Dans le contexte socio-culturel marocain, et selon le Rapport national sur la situation des personnes âgées au Maroc effectué en 2005, les activités les plus observées 40

47 chez les retraités dans la société marocaine sont les pratiques religieuses, comme le pèlerinage et les cinq prières quotidiennes à la mosquée. Leur emploi du temps est agencé selon ce rituel qui renvoie à une image positive, celle du musulman paisible et sage. (Haut-commissariat au plan, 2005). Un espace comme la mosquée peut devenir un espace de sociabilité mais également un moyen de visibilité et de position sociale. Or, si le vécu de la retraite au Maroc est axé sur les pratiques religieuses, qui sont là-bas une source de respect et de valorisation sociale, comment cette proximité religieuse sera-t-elle vécue au Québec, où les pratiques religieuses prennent souvent peu ou pas du tout de place dans le quotidien et où la religion musulmane est considérée négativement? (Helly, 2004). Nous pouvons avancer que cet écart culturel dont parlent certains retraités marocains fait surement référence à cette situation de rejet et de dévalorisation de ces pratiques, qui ont une grande valeur dans leur pays d origine. Comment le quotidien de ceux qui décident de rester est-il réinventé? Au vu de ce qui précède, les assises de cette problématique nous permettent de constater les enjeux inhérents à la retraite dans un contexte d immigration. L aspect économique relié à la situation de l immigrant est déterminant, toutefois mettre exclusivement l accent sur cet aspect reviendrait à négliger d autres éléments incontournables lorsqu on évoque l immigration, en particulier la dimension socioculturelle dans laquelle elle se situe. Les enjeux liés à cette dimension, qui se laissent entrevoir à travers les écrits, renvoient surtout : au retour au pays d origine, à la vieillesse institutionnalisée au pays d accueil et au type d occupations à la retraite. Ainsi, il est pertinent de se demander comment ce bagage socioculturel marocain relatif à la retraite, basé généralement sur des valeurs telles que la solidarité familiale, la sacralité de la personne âgée et l attachement aux pratiques religieuses, qui donnent un sens à la retraite dans la société marocaine et qui permettent aux personnes âgées de vivre harmonieusement au sein de cette société (Cohen-Emerique, 2000), se traduit en contexte migratoire. Quel est le rapport que l immigrant marocain entretient à l égard de sa retraite? 1.3 Objectifs et questions de recherche Malgré l importance de la dimension socioculturelle de la retraite, il n existe quasiment pas de recherche, selon cette perspective, dont le but est de comprendre le discours qui entoure la retraite et qui est élaboré à partir des représentations des immigrants eux- 41

48 mêmes. Considérant ce manque, nous nous proposons de répondre à la question de recherche suivante : Comment les immigrants de la communauté marocaine se représentent-ils leur retraite et les enjeux qui en découlent? Cette étude veut répondre à deux objectifs : Comprendre et analyser les RS de la retraite en identifiant les différentes prises de position des immigrants marocains à son égard, Analyser les pratiques mises en œuvre pour soutenir l expérience de la retraite en contexte migratoire. 2. Cadre théorique À la retraite, l immigrant voit défiler une partie de sa vie dans un contexte socioculturel différent de son pays d accueil. L expérience migratoire continue à façonner sa vie au cours du temps. Cela laisse supposer que la retraite, comme étape de vie, sera, elle aussi, marquée par cette expérience. Dans cette partie, nous présentons d abord le concept la retraite et ses dimensions institutionnelles et individuelles. Nous discuterons ensuite, de la théorie des représentations sociales, un cadre d analyse qui permet de mieux comprendre le rapport de l immigrant au regard de la retraite. Dans cette perspective, nous adopterons surtout l approche sociodynamique de Doise (1986) qui rend compte à la fois de l aspect social et de la variabilité individuelle des représentations autour de la retraite. 2.1 Retraite : considérations conceptuelles La retraite est à la fois une étape de la vie et une institution sociale. En tant qu'institution, la retraite peut être considérée comme une construction sociale développée dans les sociétés industrielles. En effet, le développement du travail salarié, la scolarisation ainsi que la mise en place de l État providence ont contribué à l instauration d une institutionnalisation des âges structurée en trois étapes : la phase de la préparation au travail encadrée par l école, une période d activité et une phase de retraite (Caradec, 2008). Or, de nos jours, la retraite ne suit plus ce schéma institutionnel linéaire. Les frontières sont devenues moins rigides. On parle dès lors d une retraite anticipée ou partielle, d une sortie plus longue de la vie active ou encore d une retraite entrecoupée ou progressive (Lefebvre et al., 2012). Cela rejoint l idée de Leseman (2007) pour qui «l idée d une trajectoire standardisée de retraite, d une prise de retraite à 65ans après une 42

49 vie de travail stable» n est plus à jour. Il propose plutôt de parler des «retraites», ce qui reflèterait davantage l évolution actuelle de cette période de vie instituée et les différentes réalités qui l entoure. En ce sens, la définition de Deschênes et Stone (2006) semble pertinente puisqu elle décrit la retraite comme «un état atteint lorsqu une personne quitte définitivement le marché du travail et touche un revenu associé à la retraite (RPC, RRQ, pensions privées, etc.). Comme étape de la vie, la retraite commence quand un travailleur quitte la vie active et que son salaire se transforme en droits à la pension (Atchley, 1989). Selon Guillemard et Rein (1993), la retraite est une étape de la vie qui se situe entre le travail et la vieillesse avancée. Dans les travaux sur la retraite (Guillemard, 1993; Gaullier, 1988; Lesemann, 2010), la théorie de la continuité semble pertinente dans l explication de la retraite puisqu elle fait le lien entre le passé et le présent. Elle peut ainsi rendre compte des différents évènements et des transformations vécues par les immigrants durant leur vie professionnelle et parcours migratoire, et surtout l éventuel impact que cela peut avoir sur leur retraite. Ainsi, théoriser la retraite en tant que continuum (Atchley, 1989) correspond parfaitement à la portée de notre étude, qui vise à considérer la singularité en tenant compte des transitions et des changements vécus (Elder, 1995 ; Hareven, 1996). Cette perspective permet une construction de la retraite dans le temps, mais de surtout repérer les évènements significatifs durant le processus de la retraite. Les représentations sociales quant à elles rendent possible la construction théorique de la retraite. 2.2 Théorie des représentations sociales Il apparaît que la théorie des représentations sociales ou la théorie de sens commun (Moscovici, 1961) cadre bien avec l objectif de recherche. En effet, comme l explique Herzlich (1969), la représentation est une forme d expression sociale et culturelle qui permet d accéder à l univers de significations en confrontant des modèles culturels et des comportements. Cela rend possible, d une part, de comprendre le sens que les immigrants de la communauté marocaine attribuent à leur retraite en tant que personnes appartenant au même groupe social et partageant la même culture, mais aussi de saisir comment 43

50 chaque immigrant intègre ce sens dans son propre système d interprétations qui est inséré dans un contexte qui lui est singulier. L approche théorique sociodynamique ou des principes organisateurs de Doise (1985) sera privilégiée car elle rend compte à la fois des variations individuelles et de l aspect social des représentations. En s appuyant sur les travaux de Moscovici, les représentations sociales selon Doise (1986, p.85) sont conçues comme «des principes générateurs de prise de position liés à des insertions spécifiques dans un ensemble de rapports sociaux [qui organisent] les processus symboliques intervenant dans ces rapports». Dans le cadre de cette étude, cela sous-entend que les immigrants marocains partagent certains principes sous forme d enjeux inscrits dans des rapports sociaux spécifiques à la communauté marocaine immigrante du Québec. Ces principes créeraient aussi une divergence sur le sens que chaque immigrant accorde à ceux-ci, et qui dépend essentiellement à son insertion sociale ou son ancrage. Cette notion selon Doise est exprimée «à partir du moment où l individu, inséré dans un contexte social précis, élabore une prise de position spécifique, de multiples processus de fonctionnement interviennent, ainsi le fait qu il existe une pluralité de façons de développer une prise de position devient compréhensible» (Doise, 1990). La prise de position considère que le sujet dispose de la réponse des autres et de leurs actions, et ce sont les autres qui permettent au sujet d avoir une connaissance et un jugement sur le monde (Laurens, 2006). En pratique, il s agit d attribuer un sens à l objet en l enracinant dans un système de pensées existant dans l esprit de l individu et la culture dans laquelle elle s inscrit. (Doise, 1990). Il parait évident que l objectif souhaité dans cette étude est loin de rechercher la formation ou la transformation des RS de la retraite, mais plutôt comment l immigrant marocain, en changeant d insertion sociale, va modifier ou épouser des représentations sociales des RS déjà existantes dans le champ représentationnel de la retraite. 2.3 Les représentations sociales de la retraite entre ici et là-bas Si la retraite représente une question socialement élaborée et partagée par les marocains du Québec, c est parce qu elle est insérée dans un contexte commun, celui de l immigration, qui implique aussi, en partie, l appartenance au même système de valeurs 44

51 culturels, l immigrant a déjà vécu dans son pays d origine et a emmagasiné un système de références constitué de connaissances, d images et de stéréotypes sur ce qu est la retraite. Comme l a souligné Abric (2005, p. 59), une représentation sociale «est fortement marquée par des valeurs correspondant au système socio-idéologique et à l histoire du groupe qui la véhicule pour lequel elle constitue un élément essentiel de sa vision du monde». Les deux contextes socioculturels marocain et québécois inscrivent la retraite dans des réalités certes différentes mais dynamiques. En s appuyant sur quelques travaux scientifiques et récits littéraires portant sur la retraite et le retraité au Maroc, nous pouvons conclure que les grandes mutations que connait la société marocaine sur le plan économique, démographique et social ont un impact considérable sur la visibilité de la retraite en tant que débat politique et médiatique. Au Québec, l immigrant marocain vit ou a vécu une expérience migratoire marquée par des changements au fil des années passées. Des changements qui ont suscité des ajustements et l adaptation à un contexte différent du sien. Il est donc important de se questionner sur ce qui va façonner ce rapport à la retraite et comment les différentes prises de position sont organisées et ancrées dans les expériences sociales et individuelles. Les éléments de notre problématique, en particulier les enjeux de la retraite en contexte d immigration, nous amènent à croire que les représentations des immigrants marocains sont organisées notamment autour du tiraillement qui découle du désir de retour au pays d origine et de celui de rester dans la société d accueil, du type d occupations effectuées et du rôle social occupé à la retraite ainsi que du vieillissement qui pose l enjeu de l institutionnalisation. 3. Méthodologie Selon Doise, pour étudier les représentations sociales, il faudrait rechercher dans les données ce qui répond aux principes organisateurs communs, les prises de positions générées par ces principes communs, et les insertions sociales dans lesquelles sont ancrées les différentes positions des individus. S inscrivant dans un paradigme constructiviste, nous nous intéressons en particulier au processus «microgenèse» de formation des représentations sociales, autrement dit à la manière dont les individus construisent leur compréhension de la situation. (Duveen et Llyod, 1990). Ce travail de 45

52 mise en œuvre de sens et de significations interpelle une activité interprétative dans laquelle la subjectivité de la chercheure est reconnue voire même intégrée dans le processus de la recherche (Laperrière 1997). Notre posture épistémologique rend à présent légitime l utilisation d une démarche qualitative interprétative, ce qui permet d abord d étudier «les spécificités socioculturelles de milieux de vie» (Groulx, 1997), de mettre en lumière les points de vue de personnes ou de groupes (Groulx, 1997). Enfin, elle permet de faire ressortir la singularité des processus d ajustements culturels des immigrants marocains (Kanouté et Lafortune, 2011). La recherche se réalisera entre le Maroc et le Québec en raison de la différence existant dans ces deux contextes quant à la dimension socioculturelle attribuée à la retraite et les retraités. De ce fait, notre échantillon comprendra 30 immigrants marocains, dont 15 résidant au Québec ou ayant l intention d y rester à leur retraite, et 15 ayant résidé au Québec mais qui sont retournés au Maroc. De plus, quatre critères nous guideront dans le choix de sujets devant participer à la recherche, à savoir : l âge du sujet (50 et plus), être marocain (Arabe et/ou Berbère), être de confession musulmane et avoir eu une expérience de travail. Nous souhaitons, en effet, replacer l expérience des immigrants marocains dans le temps (trajectoire), mais aussi dans le contexte socioculturel qui lui est particulier. Le projet migratoire, la catégorie socioprofessionnelle et le sexe sont ainsi des éléments particulièrement intéressants, afin d étudier la formation des représentations sociales de la retraite dans les deux contextes : marocain et québécois. En effet, il nous semble pertinent d interroger l effet du projet migratoire (rester au Québec ou retourner au pays d origine), du sexe (homme ou femme) et du type d emploi (indépendant ou salarié) afin d assurer une diversité de points de vue. L entretien semi-directif semble être la méthode de collecte incontournable pour toute étude sur les représentations sociales (Abric, 1994). Nous ferons usage de cette technique comme principale mode de recueil de données et nous compléterons notre collecte par une analyse documentaire (politiques et procédures,). L utilisation d une triangulation inter-méthode (entretien semi-directif et analyse documentaire), dans le cadre de cette recherche, permettra une analyse plus fine de la question de la retraite en contexte migratoire en essayant de cerner le caractère multidimensionnel de ces représentations et de comprendre la nature et la dynamique des rapports entre les 46

53 immigrants marocains et la société d accueil. Les données recueillies seront traitées selon l analyse de contenu (analyse thématique), un type d analyse fréquemment mis en œuvre dans les études des représentations sociales puisqu il permet d identifier les contenus significatifs de la représentation de la retraite chez les immigrants marocains, les liens que ces contenus entretiennent entre eux, tout en permettant une articulation avec les conditions de production de ceux-ci (Dany et al., 2015). Conclusion et contributions envisagées La question de la retraite en contexte migratoire comporte des enjeux sociaux et individuels importants. Le principal intérêt de notre recherche est de comprendre les dynamiques représentationnelles de la retraite chez les immigrants de la communauté marocaine en vue de dresser un portrait de leur réalité et des défis rencontrés à cette étape de la vie, ce qui permettra d éclairer un aspect encore méconnu de leur vécu au Québec. D un point de vue théorique, cette recherche permettra de valider l importance de la dimension socioculturelle dans le processus de la retraite des immigrants. Il est également important de préciser que, d un point de vue pratique, ces travaux rejoindront les professionnels de la retraite, plus spécifiquement les responsables des formations qui seront mieux outillés grâce à ce modèle qui leurs permettra d identifier les spécificités socioculturelles qui peuvent orienter les pratiques et les comportements des immigrants tout au long du processus de la retraite. 47

54 BIBLIOGRAPHIE Abric, J.-C. (2005). «La recherche du noyau central et de la zone muette des représentations sociales», dans Méthodes d'étude des représentations sociales, Toulouse, France : ERES, pp Abric, J.-C. (1994). Pratiques sociales et représentations. Paris : Presses Universitaires de France. Algabid, H. (1990). Les banques islamiques. Paris: Edition Economica. Atchley, R. (1989). «A Continuity Theory of Normal Aging», The Gerontological Society of America, vol. 29. Bartkowiak, N. (2008). L accueil des immigrés vieillissants en institution : réflexionsactions autour de l accueil en établissement d hébergement pour personnes âgées dépendantes, Rennes : Presses de l École des hautes études en santé. Bolzman, C., Fibbi, R. et Vial, M. (1993). «Les immigrés face à la retraite : rester ou retourner?», Revue suisse d Économie politique et de Statistique, vol. 129, no 3. Boudarbat, B. et Boulet, M. (2007). «Détérioration des salaires des nouveaux immigrants au Québec par rapport à l Ontario et à la Colombie-Britannique», IRPP Choix, vol. 13, no 7, Montréal : Institut de recherche en politiques publiques. Bourqia, R. (2006). Valeurs et changement social. 50 ans de développement humain au Maroc et perspectives pour Rapport du cinquantenaire : 50 ans de Développement Humain. Bowlby, G. (2007). «Définir la retraite», Perspective, vol. 8, no 2. Caradec, V. (2008). Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Paris : Armand Colin. Chojnicki, X., Docquier, F. et Ragot, L. (2005). «L immigration choisie face aux défis économiques du vieillissement démographique», Revue économique, vol. 56. Cohen-Emerique, M. (2000). «L approche interculturelle auprès des migrants», dans G. Legault (dir.), L Intervention Interculturelle. Montréal : Gaëtan Morin Éditeur. Dany, L., Urdapilleta, I., Lo Monaco, G. (2015). «Free associations and social representations: some reflections on rank-frequency and importance frequency methods», Quality and Quantity, vol. 49. Deschênes, N. et Stone, L. O. (2006). «La probabilité d atteindre l état de retraité : une analyse longitudinale des variations entre hommes et femmes», Les nouvelles frontières 48

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57 SUPERVISER ET ENCADRER LES NOUVEAUX ENSEIGNANTS ISSUS DE L'IMMIGRATION (NEII) À L'AIDE D'UN DISPOSITIF D'ACCUEIL FAVORISANT LEUR INSERTION PROFESSIONNELLE France Gravelle, Ph. D. Professeure en gestion de l éducation et nouvelle gouvernance, Département d éducation et pédagogie, Université du Québec à Montréal 1. Contexte Selon quelques auteurs, il semble que les nouveaux enseignants issus de l immigration (NEII) éprouvent des difficultés quant à leur insertion professionnelle dans les milieux scolaires canadiens (Ryan, Pollock et Antonelli, 2009). À titre d exemples, la difficulté de s approprier une nouvelle culture scolaire, le manque de reconnaissance de leur expérience professionnelle dans le milieu de l éducation, le manque d'ouverture et de tolérance envers leur accent, leur tenue vestimentaire, leur religion ou leur couleur de peau semblent être difficile à vivre pour les NEII (Cho, 2010; Mujawamariya, 2002; Phillion, 2003). De plus, les NEII rencontrent également des défis associés aux conceptions personnelles de l enseignement. À titre d exemples, la gestion de classe, la discipline ainsi que l adaptation de l enseignement aux différents styles d apprentissage semblent poser problème pour certains. À vrai dire, souvent, cela peut se traduire par une incompréhension du système scolaire canadien qui s appuie, entre autres, sur le courant constructiviste, ce qui n est pas le cas pour tous les pays du monde (Duchesne, 2008; Myles, Chang et Wang, 2006). Voulant comprendre comment favoriser positivement l insertion professionnelle des NEII au sein de leur organisation, un conseil scolaire franco-ontarien a fait appel à une équipe de chercheurs qui se sont penché sur la question, afin de découvrir les stratégies de supervision et d encadrement qui semblent être efficientes quant à l insertion professionnelle des NEII (Gravelle, Duchesne et Gagnon, 2016). Ces dernières, toutes aussi importantes les unes que les autres, peuvent être transposées, d école en école. C est donc à partir de situations réelles vécues par les NEII au sein de ses établissements scolaires que le conseil scolaire, partenaire de cette recherche, a voulu en savoir davantage en ce qui a trait aux stratégies de supervision et d encadrement à 51

58 préconiser pour favoriser l insertion professionnelle des NEII, afin de pouvoir partager ces dernières à l ensemble de ses leaders scolaires. Cette communication a donc pour objectif de partager le contenu d un dispositif d'accueil favorisant l insertion professionnelle des NEII (Gravelle, Duchesne, Génier et Ghannou, 2016). Les stratégies de supervision et d encadrement utilisées par des membres de la direction d école dudit conseil scolaire seront décrites et illustrées à l aide d exemples, dans le but que ces dernières puissent devenir des pratiques professionnelles à privilégier par d autres leaders scolaires, afin de faciliter l insertion professionnelle des NEII (Gravelle, Gagnon et Duchesne, 2015). 2. Cadre théorique Afin de comprendre ce qui semble favoriser l insertion professionnelle des NEII, la chercheuse, responsable du volet «gestion de l éducation», a retenu comme modèle théorique le Cadre de leadership des trois «C», plus communément connu sous le nom Leadership Competencies, Character and Commitment de Gandz, Crossan, Seijts et Stephenson (2010). Ce cadre se caractérise par trois grandes composantes reposant autant sur les plans de l être que du faire. Selon les auteurs du Cadre de leadership des trois «C», le leadership se situe à la croisée du caractère, des compétences et de l engagement des leaders. Plus spécifiquement, ils pensent qu une seule des trois composantes ne permet pas de les comprendre pleinement. Les auteurs du Cadre de leadership des trois «C» croient également que l efficacité des leaders ne dépend pas seulement de leur compétence dans leur domaine, mais aussi des traits de caractère (personnalité) dont ils font preuve ainsi que de leur implication dans le cadre de leur profession. De plus, la chercheuse a constaté que le Cadre de leadership de l Ontario se traduit par la recension d habiletés personnelles de membres de la direction d école chevronnés (L institut de leadership en éducation, 2012, 2013), comme le veut également le Cadre de leadership des trois «C». Bref, ce choix de modèle théorique, pour le volet «gestion de l éducation» de cette recherche, s est donc avéré judicieux, compte tenu que les deux cadres ont la même philosophie sous-adjacente. 52

59 3. Méthodologie 3.1 Projet de recherche Voulant rejoindre le plus grand nombre de participants, une invitation par courriel a été acheminée à tous les membres de la direction d école. Le seul critère de sélection pour participer à cette recherche qualitative consistait à avoir supervisé des NEII au cours de leur carrière professionnelle, à titre de leader scolaire. La collecte de données a été réalisée grâce à des entrevues semi-dirigées. La durée des entrevues a varié de 45 à 60 minutes et les questions ont porté à la fois sur les difficultés et les obstacles vécus lors de l insertion professionnelle des NEII perçus par les membres de la direction d école ainsi que sur les stratégies de supervision et d encadrement qui semblent être efficientes. Des questions en lien avec les composantes du Cadre de leadership des trois «C» ont également été ajoutées, afin de permettre l identification des caractéristiques au regard de ces dernières. Les entrevues individuelles ont été enregistrées sur bande audionumérique, suite au consentement écrit des participants. La retranscription des entrevues a été effectuée grâce à l utilisation du logiciel NVivo, selon une approche semi-inductive comportant une réduction des données (codes et catégories) et une mise en relation des codes et catégories. 3.2 Participants aux entrevues individuelles Les entrevues semi-dirigées ont été réalisées au cours de l hiver Six membres de la direction d école ont accepté de participer au projet de recherche. Trois occupaient un poste de direction et les trois autres, un poste de direction adjointe. De ce nombre, trois travaillaient au primaire et trois autres occupaient un poste dans une école secondaire. Quatre hommes et deux femmes possédant de 1 à 14 ans d expérience à la direction d un établissement scolaire se sont portés volontaires pour participer à cette recherche. Ils estimaient avoir supervisé entre 3 et 25 NEII dans le cadre du Programme d'insertion professionnelle du nouveau personnel enseignant de l Ontario (PIPNPE) (Gouvernement de l Ontario, 2010), depuis l obtention de leur poste à titre de leader scolaire. Malheureusement, la surcharge de travail des membres de la direction d école (Gravelle, 2012, 2013, 2015) semble avoir influencé le taux de participation. 53

60 3.3 Mise sur pieds d une communauté de pratiques professionnelles (CAP) Faisant suite aux recommandations de la chercheuse responsable du volet «gestion de l éducation» (Duchesne, Gagnon et Gravelle, 2015), une communauté de pratiques professionnelles (CAP), composé de membres de la direction d école, a été mise sur pieds. Sachant que les membres de la direction d école ont un horaire bien rempli (Gravelle, 2012, 2013, 2015), seulement une direction et une direction adjointe ont accepté de faire partie de la CAP qui avait pour objectifs de : 1. Favoriser, chez les membres de la direction d école, une meilleure compréhension des dynamiques interculturelles qui influencent le parcours d insertion professionnelle du NEII. 2. Assurer un accompagnement aux membres de la direction d école qui en ressentent le besoin. 3. Développer un dispositif comprenant des moyens favorisant l insertion professionnelle du NEII. 4. Préciser les rôles et définir les responsabilités des différents intervenants. De janvier à mai 2016, il y a eu des rencontres virtuelles mensuelles, via le logiciel de conférence en ligne «Adobe Connect», permettant ainsi des échanges entre les membres de la CAP qui œuvraient dans deux villes différentes à plus de 93.2 kilomètres de distance. Suite à ce travail de collaboration avec la chercheuse responsable du volet «gestion de l éducation», un dispositif d accueil favorisant l insertion professionnelle des NEII au sein du conseil scolaire ayant subventionné le projet de recherche a été développé. Plus précisément, ce dernier vise à : 1. Favoriser l intégration du NEII dans la profession enseignante au sein du conseil scolaire ayant subventionné la recherche. 2. Mettre en place les conditions gagnantes à la réussite des premières expériences dans la profession des NEII par un dispositif facilitant leur intégration dans un milieu scolaire franco-ontarien. 3. Présenter au NEII une vue d ensemble de son environnement de travail. 4. Faire connaître au NEII les valeurs, les coutumes, les politiques et les ressources de l école. 5. Communiquer explicitement les informations de base permettant au NEII d assurer ses fonctions à l école. 6. Informer le NEII des attentes des membres de la direction d école à son égard. 7. Sensibiliser tous les membres de l équipe école à l importance de l accueil. 8. Prévoir un environnement de travail adéquat avant l entrée en fonction. 54

61 9. Recevoir et présenter le NEII à ses collègues et aux personnes avec lesquelles il devra communiquer, dans le cadre de sa profession d enseignant en milieu francoontarien. 10. S assurer que les informations spécifiques utiles à l exécution de ses responsabilités soient transmises. 4. Stratégies de supervision et d encadrement qui semblent être efficientes Suite à la collecte de données, il a été possible d identifier des stratégies de supervision et d encadrement utilisées par des membres de la direction d école dudit conseil scolaire pour favoriser positivement l insertion professionnelle des NEII. Voici donc en quoi consiste ces pratiques professionnelles qui semblent être efficientes ainsi que des exemples illustrant les stratégies de supervision et d encadrement : Mœurs et les coutumes Un membre de la direction d école peut se renseigner en ce qui a trait aux mœurs et aux coutumes d un NEII avant son entrée en fonction au sein de l école. Il peut également partager l information avec les membres de l équipe école. Le fait de manifester de l ouverture et de l intérêt envers la diversité semble être perçu comme étant un gage de succès. Exemple : Nathalia, nouvelle enseignante au sein de l école Au Cœur-de-la-vie, est d origine marocaine. Lors de sa première journée à l école, les membres du conseil d école avaient préparé un méchoui. Sachant que quelques marocains pratiquent la religion musulmane et que les pratiquants ne mangent pas de porc, en tant que membre de la direction d école, j ai demandé au président du conseil d école de préparer un met supplémentaire, afin de favoriser l inclusion de la NEII. Expérience et compétences Lors de l arrivée à l école d un NEII, il semble s avérer important d échanger avec lui, afin d apprendre à le connaître. Il ne faut pas présupposer que le NEII ne connait rien, car il possède un bagage important de connaissances, de compétences et d expériences qui doivent être prises en compte (Duchesne, 2010). Des rencontres individuelles entre les membres de la direction d école et les NEII sont à planifier, afin que le lien de confiance puisse s établir. De plus, il est possible de proposer aux NEII de prendre la parole, lors d une rencontre équipe école, afin 55

62 qu ils puissent partager leurs expériences professionnelles avec l ensemble de leurs collègues. Exemple : Mya est originaire de la Côte d Ivoire où elle a enseigné près de 15 ans au niveau élémentaire. De nature réservée, lors de son arrivée au sein de l équipe, elle n a pas cru important de partager le fait qu elle avait enseigné plusieurs années dans son pays d origine. Ainsi, seule la directrice était au courant, compte tenu qu elle avait lu son curriculum vitae. Voulant éviter des perceptions erronées chez les enseignants comptant plusieurs années d expérience dans cette école, la directrice a demandé à Mya de partager ses expériences professionnelles avec ses collègues, lors de sa première rencontre d équipe. Renseignements Dès l entrée en fonction d un NEII, tous les renseignements (documents) concernant les pratiques et les procédures de l école devraient lui être remis. À titre de pratique qui semble être efficiente, les membres de la direction d école peuvent rencontrer les NEII et leur remettre une partie des documents, tout en leur expliquant la culture et l organisation de l école. Exemple : Toyo est un nouvel enseignant originaire du Japon. Il vient d immigrer voilà seulement six mois. Malgré le fait qu il a enseigné trois années dans son pays d origine, ce dernier ne connait pas les politiques et les règlements ministériels ontariens ainsi que ceux du conseil scolaire. Grâce au directeur, le NEII est maintenant en mesure de savoir sur quels sites web il va pouvoir trouver l information. Présentation officielle à l équipe école Lors de la première rencontre de l équipe école suivant l entrée en fonction d un nouvel enseignant, un des premiers points à mettre à l ordre du jour devrait être la présentation de ce dernier. Ce simple geste démontre, plus particulièrement aux NEII, qu ils sont les bienvenus au sein de l équipe école. Exemple : Tam, originaire de la Bulgarie, était très heureux lorsqu il a lu sur le tableau d affichage «Rencontre à 15 h 30 sujet : Nous souhaitons la bienvenue à 56

63 monsieur Tam Layre (nouvel enseignant au sein de notre équipe). Ce mot avait été écrit par la directrice adjointe, lors de la première journée de classe. Comités et communautés de pratiques professionnelles (CAP) Souvent, par peur de déranger, les NEII hésitent à se joindre à des comités et/ou à des communautés de pratiques professionnelles (CAP). Il semble s avérer important que les membres de la direction d école leur expliquent le fonctionnement des différents comités et en quoi consiste les CAP, afin de les inciter à collaborer avec leurs collègues. Exemple : Joseph, originaire de la Suisse, a été agréablement surpris, lors de sa première rencontre avec le directeur adjoint. En fait, il était heureux de constater les nombreux comités qui existaient au sein de l école où il allait enseigner, à titre de suppléant à long terme. Aimant beaucoup le sport, il a été ravi de se joindre au comité responsable du Défi Pierre Lavoie. En tant que membres de la direction d école, il semble bien de favoriser, au sein de l équipe école, des activités ludiques et sociales qui faciliteront l intégration du NEII. En fait, fournir au NEII des occasions de partager sa culture d origine avec les élèves et le personnel de l école, semble permettre au NEII de se sentir valorisé et accepté. Exemple : Popy, originaire de la Grèce, était très heureuse de pouvoir partager avec ses nouveaux collègues une recette grecque. En fait, lors du dîner partage du mois de septembre, les membres de l équipe école ont apprécié déguster du tzatziki. Tous se sont empressés de demander la recette à la NEII. De nos jours, l emploi du temps des membres de la direction d école est fort chargé et de longues heures de travail sont exigées par semaine, afin de réaliser l ensemble des dossiers (Gravelle, 2012, 2013, 2015). Malgré cette réalité, il semble essentiel de réserver du temps pour accueillir et suivre les progrès des NEII. En fait, cela semble faire en sorte que les NEII se sentent soutenus et accompagnés, dans le cadre de leur insertion professionnelle. Exemple : Maheï, originaire de l Indonésie, était heureux de rencontrer, dès sa première journée au sein de sa nouvelle école, la direction adjointe qui allait 57

64 l accompagner. En fait, cela lui a permis de poser des questions importantes en lien avec son nouveau rôle professionnel. De plus, il a été agréablement surpris de savoir que cette dernière allait le rencontrer individuellement, une fois par mois. Programme d'insertion professionnelle du nouveau personnel enseignant de l Ontario (PIPNPE) Le Programme d'insertion professionnelle du nouveau personnel enseignant (PIPNPE) est un programme prescrit par le Gouvernement de l Ontario (2010). Il a pour objectif d aider le nouvel enseignant quant à son insertion professionnelle. Ce programme comporte une orientation, du mentorat ainsi que des formations. Les membres de la direction d école ont la responsabilité : 1. Informer le NEII relativement au fonctionnement du PIPNPE. De plus, il est à noter que les renseignements relatifs au programme sont disponibles gratuitement en ligne. Exemple : Mirta, originaire de la Russie, était très heureuse d apprendre qu il existait un programme d insertion professionnelle en Ontario bien encadré. En fait, lorsque son directeur lui a transmis l information, cela l a beaucoup rassurée quant à ses nouvelles fonctions en sol canadien. 2. Favoriser un jumelage avec un mentor canadien de souche ou avec un mentor issu de l immigration, selon les besoins du NEII. Exemple : Victoria, originaire de l Italie est très discrète. Elle a demandé à sa directrice d être jumelée avec une enseignante de souche canadienne, afin de pouvoir rapidement découvrir la culture et les valeurs composant cette dernière. Relation hiérarchique 1. Informer le NEII en ce qui a trait aux relations de travail entre membres de la direction d école et enseignants en sol canadien. Plus précisément, la relation hiérarchique peut être différente de celle du pays d origine du NEII; conséquemment, il semble s avérer judicieux, pour les membres de la direction d école, de donner de la rétroaction constructive à la suite d'observations en salle de classe, tout en usant de tact lorsqu il faut informer un NEII d une problématique liée à ses pratiques, à son comportement ou à son attitude. 58

65 Exemple : Amor, originaire, de la Malaisie, est très indisposé lorsque sa directrice adjointe demande à le rencontrer. En fait, dans son pays d origine, le statut de direction d école est très bien respecté et, habituellement, quand un membre de la direction demande à voir un enseignant, c est pour le réprimander. Ainsi, compte tenu qu il vient à peine d aménager au Canada, il pensait que la relation hiérarchique entre enseignant et direction était la même que dans son pays d origine, jusqu à ce que son supérieur le rassure à ce sujet. Culture scolaire canadienne et franco-ontarienne En tant que membre de la direction d école, il ne faut pas prendre pour acquis que les NEII connaissent la culture scolaire canadienne et franco-ontarienne, même si ces derniers ont obtenu leur diplôme en Ontario. Les membres de la direction d école ont la responsabilité de : 1. Expliquer/rappeler qui est responsable de la gestion de classe dans les écoles canadiennes. Exemple : Sophia, originaire de la France, avait de la difficulté à comprendre que ce n était pas sa direction adjointe qui était responsable de sa gestion de classe. Après plusieurs assignations d élèves au bureau de la directrice adjointe, cette dernière a été obligée de lui expliquer que les enseignants étaient les premiers responsables de leur gestion de classe. 5. Conclusion En terminant, il est intéressant de constater l impact que peuvent avoir les membres de la direction d école quant à l insertion professionnelle des NEII. Plus précisément, grâce à des stratégies de supervision et d encadrement qui semblent être efficientes au sein des écoles dudit conseil scolaire ayant subventionné ce projet de recherche, plusieurs futurs NEII auront la chance de vivre une insertion professionnelle positive, grâce au dispositif d accueil développé et mis en place par les surintendants. À vrai dire, cet outil de gestion n aurait pas vu le jour, sans la collaboration de membres de la direction d école du conseil scolaire ayant subventionné la recherche et de la chercheuse responsable du volet «gestion de l éducation», ce qui se résume comme étant le fruit d une belle collaboration entre chercheur et praticiens. 59

66 BIBLIOGRAPHIE Cho, C. (2010). «Qualifying as teacher: Immigrant teacher candidates counterstories», Canadian Journal of Educational Administration and Policy, vol Citoyenneté et Immigration Canada. (2013). Canada Entrées totales de titulaires de permis de travail dans le cadre d un programme de mobilité internationale selon la province ou le territoire et la région urbaine, Ottawa, Ontario, [En ligne], consulté le 16 janvier 2015 Duchesne, C. (2008). «Difficultés d insertion professionnelle en enseignement : le rôle des conceptions d étudiants étrangers inscrits dans un programme de formation des maîtres», Formation et pratiques d enseignement en questions, vol. 8. Duchesne, C. (2010). «À propos de l accompagnement avant et pendant les stages d étudiants immigrants inscrits à un programme de formation à l enseignement», Revue des sciences de l éducation, vol. 36, no 1. Duchesne, C., Gagnon, N. et Gravelle, F. (2015). Dispositif d encadrement et d accompagnement des nouveaux enseignants issus de l immigration au Conseil des écoles publiques de l Est de l Ontario. Rapport de projet volet recherche, Conseil des écoles publiques de l Est de l Ontario (CÉPÉO). Gandz, J., Crossan, M., Seijts, G. et Stephenson, C. (2010). Leadership on Trial: A Manifesto for Leadership Development, London, ON: Richard Ivey School of Business. Ministère de l éducation de l Ontario. (2010). Évaluation de rendement du personnel enseignant Guide des exigences et des modalités, Toronto, Ontario, [En ligne], consulté le 21 août Gravelle, F. (2012). «Quels sont les principaux changements qui ont modifié la profession de direction/direction adjointe d établissement scolaire depuis l avènement de la Réforme de l administration publique au Québec?», Éducation et francophonie, vol. 40, no 1, [En ligne], consulté le 20 septembre Gravelle, F. (2013). «Formation en situation de travail des directions d établissement scolaire du Québec une réalité à considérer!», Actes du Congrès de l Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), Montpellier, France, [En ligne], consulté le 20 septembre

67 Gravelle, F. (2015). «Être dirigeant scolaire à l heure d une gouvernance axée sur les résultats au Québec situation qui peut épuiser», La recherche en éducation, vol. 13, [En ligne], consulté le 20 septembre Gravelle, F., Duchesne, C. et Gagnon, N. (2016). «Stratégies d encadrement efficientes pour l insertion professionnelle des nouveaux enseignants issus de l immigration», dans K. Karsenti (dir.), Mieux former les enseignants dans la francophonie : Principaux enjeux actuels et futurs, Montréal : Agence universitaire de la Francophonie (AUF), [En ligne], consulté le 28 septembre Gravelle, F., Duchesne, C., Génier, É. et Ghannou, N. (2016). Dispositif d accueil favorisant l insertion professionnelle des nouveaux enseignants issus de l immigration (NEII). Guide ayant pour objectif d aider les équipes écoles à améliorer la démarche d insertion professionnelle des nouveaux enseignants issus de l immigration (NEII), Conseil des écoles publiques de l Est de l Ontario (CÉPÉO). Gravelle, F., Gagnon, N. et Duchesne, C. (2015). Supervision et accompagnement des nouveaux enseignants issus de l immigration : constats des directions, directions adjointes et d enseignants-mentors, Société canadienne pour l étude de l éducation (SCÉÉ), Ottawa, Canada. L institut de leadership en éducation. (2012). Cadre de leadership de l'ontario une discussion relative aux fondements de la recherche, [En ligne], _recherche_vfinale_26_octobre.pdf, consulté le 20 septembre L institut de leadership en éducation. (2013). Le Cadre de leadership de l Ontario. Guide à l intention des leaders scolaires et des leaders du système pour la mise en application du Cadre de leadership de l Ontario, Ottawa, Ontario, [En ligne], consulté le 5 octobre Myles, J., Chang, L. et Wang, H. (2006). «Teaching in elementary school: perceptions of foreign-trained teacher candidates on their teaching practicum», Teaching and Teacher Education, vol. 22. Mujawamariya, D. (2002). «Les minorités visibles sur le chemin de la profession enseignante : un parcours semé d embûches», dans D. Mujawamariya (dir.), L intégration des minorités visibles et ethnoculturelles dans la profession enseignante, Outremont, QC : Éditions Logiques, pp Phillion, J. (2003). «Obstacles to accessing the teaching profession for immigrant women», Multicultural Education, vol. 11, no 1. Ryan, J., Pollock, K. et Antonelli, F. (2009). «Teacher diversity in Canada: Leaky pipelines, bottlenecks, and glass ceilings», Canadian Journal of Education, vol. 32, no 3. 61

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69 LA PRAXIS INTERCULTURELLE : UN MODÈLE DE COMMUNICATION INTERCULTURELLE POUR LES ENSEIGNANTS Valérie Navert, Étudiante à la maîtrise en communication (internationale et interculturelle), UQAM Introduction La mondialisation est un vecteur de l hétérogénéité culturelle au Québec. La présence d immigrants provenant de plusieurs pays du monde témoigne d une diversité culturelle significative dans les institutions québécoises. Les statistiques du ministère de l Éducation, du Loisir et du Sport (2014) révèlent que près d un quart des élèves inscrits dans les établissements scolaires québécois est issus de l immigration 7. L éducation est un secteur grandement transformé par la population immigrante. À cet égard, les commissions scolaires québécoises accordent de plus en plus d importance à la prise en compte de la diversité culturelle dans les écoles. Des ressources sont mobilisées par le ministère de l Éducation et de l Enseignement supérieur (MÉES) pour l accueil et l intégration ainsi que pour l éducation interculturelle dans les écoles. Seulement, on remarque un fossé dans la formation académique des enseignants en ce qui a trait à la dimension interculturelle de leur profession. En effet, la formation des futurs enseignants mise davantage sur l acquisition de savoirs théoriques qui ne permettent pas nécessairement de faire face aux situations interculturelles complexes présentes dans les classes (Garel et Duquesne-Belfais, 2011). La diversité culturelle représente un défi de taille pour les enseignants puisque leur tâche se complexifie. Les barrières linguistiques, la diversité des croyances religieuses, l arrivée d élèves avec différents niveaux d éducation et les difficultés associées à la relation avec les parents des élèves sont des exemples d incidence de la diversité culturelle sur la profession d enseignant. 7 «Les élèves issus de l immigration incluent les personnes de première génération (nées à l extérieur du Canada) et celles de deuxième génération (dont au moins un parent est né à l extérieur du Canada)». (MEES, 2016, p. 1) 63

70 Dans le cadre de notre recherche de maîtrise 8, nous nous sommes intéressés à l expérience d enseignement en contexte interculturel et plus précisément à la place qu occupe la diversité culturelle dans la pratique des participants. Nous avons donc exploré la praxis interculturelle de sept enseignants du secondaire à Montréal. Le concept de praxis interculturelle, élaboré principalement par Sorrells (2013), nous sert d orientation théorique pour mieux comprendre la pratique professionnelle des enseignants. Bien que notre recherche porte aussi sur le rôle des expériences de vie des enseignants sur le développement de leur praxis interculturelle, notre présentation au colloque du Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (CRIEC) traitait principalement du cadre théorique utilisé pour analyser la pratique professionnelle des enseignants rencontrés. Nous avons tenté avec le vécu des enseignants de répondre brièvement aux questions suivantes : Quelles composantes de la praxis interculturelle de Sorrells (2013) les enseignants mobilisent-ils? Comment ses composantes s inscriventelles dans le travail des enseignants? On retrouve donc dans cet article, un aperçu de notre projet de recherche, une explicitation du modèle de la praxis interculturelle de Sorrells (2013) et des exemples issus des propos des enseignants illustrant chacune des composantes de ce modèle. Notre projet de recherche en quelques mots Nous avons réalisé des récits de pratique professionnelle auprès d enseignants du secondaire. Cette méthodologie s inscrit dans une approche compréhensive et narrative. Elle vise à rendre compte de la complexité inhérente à la pratique professionnelle des individus qui l exercent (Desgagné, 2005). L objectif des récits de pratique professionnelle est d identifier des moments marquants et récurrents dans leur quotidien (Hurtubise et Rose, 2013). C est donc donner la parole aux enseignants pour comprendre le sens qu ils donnent à leur pratique et accéder à leur monde intérieur. Dans le cas de notre recherche, c est la dimension interculturelle de leur quotidien que nous avons investigué. Dès lors, l école dans laquelle s est réalisé le terrain de recherche est composée à 67% d élèves issus de l immigration. Environ 75 langues différentes sont 8 Cet acte de colloque concerne un mémoire de maîtrise en cours de rédaction qui demeure à être évalué par un jury, et ce, dans le respect des règlements universitaires. Le dépôt final est attendu pour l automne Le lecteur est invité à s y référer pour approfondir sur L incidence du parcours de vie des enseignants sur le développement de leur pratique dans une école secondaire de Montréal. 64

71 parlées dans l école. Sans compter qu on note plusieurs religions pratiquées et une pluralité d origines culturelles dans le corps enseignant. Cet établissement scolaire est donc marqué par une diversité significative, et ce, en plus d être situé dans un quartier défavorisé à Montréal 9. Les profils des sept enseignants rencontrés étaient très variés. Il y avait trois hommes et quatre femmes. Les matières qu ils enseignaient étaient différentes : les mathématiques, les sciences, l anglais, le français, l éducation physique ainsi que l accueil. Les enseignants avaient entre 5 et 28 années d expérience. Sans compter qu on retrouve dans l échantillon une diversité culturelle. Effectivement, certains participants de la recherche sont eux-mêmes issus de l immigration. De cette façon, les récits de ces sept enseignants nous renseignent sur leur manière de tenir compte de l interculturel dans leur travail. Unanimement, les enseignants avec qui nous nous sommes entretenus considèrent la diversité culturelle comme une richesse. Parallèlement, il est important de mentionner que même si l interculturel peut représenter un défi pour les enseignants, les différences qu on pourrait associer aux origines culturelles ne sont qu une particularité parmi d autres, toutes aussi importantes à considérer telles que le genre, les difficultés d apprentissage, le statut social, etc. Dès lors, on retrouve à travers les différentes narrations des personnes rencontrées toutes les dimensions du modèle de la praxis interculturelle de Sorrells (2013). Praxis interculturelle de Sorrells (2013) La praxis est définie par Aristote comme une intelligence de l action ou encore comme le but de l action (Aristote dans Maubant et Martineau, 2011). Pour Freire (1974), il s agit d actions réfléchies qui engendrent des changements sociaux. Cet auteur dirait même que la praxis est nécessaire pour déconstruire la relation entre les oppresseurs et les opprimés. Il y aurait donc des fondements éthiques et une responsabilité envers l Autre sous-jacents à l action. Il est ainsi facile de comprendre qu une praxis interculturelle implique des réflexions et des actions critiques s effectuant en contexte interculturel. Le modèle de la praxis interculturelle que nous avons choisi a été élaboré par Sorrells (2013), professeure à l Université d État de Californie à Nothridge. Son modèle de communication 9 Les informations sur le terrain de recherche ont été recueillies lors des entrevues avec les participants et sur le site internet de l école. Pour des raisons de confidentialité, nous n en dévoilons pas le lien URL. 65

72 interculturelle est intéressant puisqu il adopte une posture critique. En effet, il tient compte tant des niveaux micro que macro. Il ne s agit donc pas uniquement de s attarder aux enjeux individuels dans une interaction, mais aussi d accorder de l importance aux structures sociétales et mondiales dominantes. Ce modèle offre un cadre visant à créer un monde plus juste et équitable à travers la communication. Dès lors, la praxis interculturelle de Sorrells (2013) représente un idéal à atteindre et fournit des pistes pour améliorer les relations interculturelles. Il pourrait s appliquer à toute pratique professionnelle s exerçant en milieu interculturelle. Nous avons décidé d apposer ce modèle au domaine de l éducation puisqu elle est un des piliers d une société saine. Dans un environnement social où la discrimination et le racisme sont encore présents, les enseignants sont des acteurs importants puisqu ils forment les jeunes de demain. Sans compter que ces derniers s engagent déjà dans une démarche déontologique en exerçant cette profession. Concrètement, l éthique professionnelle est la douzième compétence de l enseignement au Québec (ministère de l Éducation, 2001). Les contributions de Jeffrey (1999) au document de référence sur la formation de l enseignant du ministère de l Éducation (2001) sont éloquentes à ce sujet. Cet auteur énonce que la compétence éthique correspond à une capacité d adopter une position morale et de reconnaître tous les individus, et ce, quelles que soient leurs différences. Certes, il y a un rapport étroit entre la culture et l éthique puisqu «elle nécessite des savoirs sur l humain, les sociétés et les cultures pour mieux appréhender les problèmes de la morale qui peuvent émerger dans la classe» (Jeffrey, 1999 dans Martinet et al, 2001, p. 132). Autrement dit, il y a une éthique inhérente à cette profession. Cette préoccupation éthique est sous-jacente à chacune des composantes de la praxis interculturelle de Sorrells (2013). Composantes de la praxis interculturelle (Sorrells, 2013) Le modèle de Sorrells (2013) comprend six composantes soit : le questionnement, le cadrage, le positionnement, le dialogue, la réflexion et l action. Il est important de comprendre que chacune des composantes est interreliée, c est-à-dire qu elles s alimentent l une de l autre et se complètent. De même, il n y a pas de hiérarchisation des composantes. Elles sont toutes vues comme des conditions d accès à la praxis interculturelle. Ainsi, voici une description de chacune des composantes, et ce, en les 66

73 illustrant d exemples vécus par les enseignants rencontrés. De toute évidence, ces exemplifications ne sont pas exhaustives et exclusives. Elles assurent un lien entre la théorie et la pratique. Questionnement Le questionnement est associé à un désir de connaître l Autre, d aller à sa rencontre en posant des questions. On peut associer cette composante à la Quête de l Autre d Audet (2008). De plus, inspirée de Gadamer (1989) et de Heidegger (1962), Sorrells avance que c est une manière interrogative d être au monde. Cela permet de mieux comprendre l Autre et ses origines culturelles. Pour Sorrells (2013), il est important de suspendre nos propres jugements pour laisser place à de nouvelles interprétations des situations interculturelles. Le questionnement demande donc un investissement dans la relation interculturelle. En effet, aller vers l Autre signifie souvent sortir de sa zone de confort et prendre des risques dans la relation. Le questionnement s est traduit dans les récits à plusieurs reprises et de différentes formes. D abord, la curiosité est une qualité relevée par la majorité des enseignants. Elle est, selon eux, nécessaire à l échange interculturel et demande du temps. Aussi, les enseignants cherchaient à mieux comprendre les élèves lors des rencontres avec leurs parents. Questionner leurs collègues était également une manière de recueillir des informations aidant à mieux comprendre les élèves. Le questionnement facilite la relation avec les élèves puisqu il permet aux enseignants de mieux les appréhender, d interpréter plus adéquatement certaines situations ou encore de se prémunir contre certains a priori négatifs. Cadrage La deuxième dimension de Sorrells (2013) est le cadrage. Celle-ci correspond aux filtres avec lesquels nous interprétons le monde. Il s agit donc de prendre conscience de ses propres systèmes de référence, mais aussi de ceux d autrui. De plus, cette conscientisation doit aussi se faire à l égard des contextes micro et macro dans lesquels s inscrivent une interaction. Nous devons donc être conscience du cadre avec lequel nous évaluons une situation interculturelle. On peut ainsi dire que cadrer signifie se donner la chance de changer de perspective pour interpréter une même situation de communication. L importance de cette condition d accès à la praxis interculturelle se perçoit à travers un exemple vécu par un enseignant avec un jeune musulman qui ne voulait pas jouer au 67

74 basketball avec les filles. La manière d appréhender les relations entre les hommes et les femmes étaient différentes pour l enseignant et pour le jeune. Par cet incident, l enseignant a pris conscience des manières opposées de comprendre une même situation. Positionnement Cette composante signifie considérer la position géographique, culturelle, sociale et politique qui caractérise la relation interculturelle. Il peut aussi être question de la classe sociale, du genre ou toute autre catégorie hiérarchisée. Le positionnement amène au modèle une dimension considérablement critique puisqu il met de l avant non seulement la nécessité de constater les enjeux de pouvoir, mais de les renverser. Ce qui signifie prendre acte des personnes marginalisées et déjouer les systèmes injustes. Il relève donc de la responsabilité des personnes plus privilégiées de rééquilibrer les rapports de pouvoir. Le positionnement sous-entend aussi que les représentations du monde sont socialement et historiquement construites. La revalorisation de savoirs méconnus pourrait donc permettre un repositionnement. Un exemple de positionnement mentionné dans les récits des enseignants «d origine québécoise 10» est qu ils sont confrontés à certains enjeux de pouvoir, et ce, malgré eux. Ce que les enseignants nous ont partagé est qu ils se font souvent traiter de racistes par les élèves. Par le fait qu ils sont «blancs», ils doivent démontrer davantage que les enseignants issus de l immigration qu ils ne sont pas racistes. Malgré leur autorité d enseignant, il semble y avoir une autorité historique liée à un passé colonial qui sous-tend encore les relations. Les enseignants ne sont pas neutres et se doivent de désamorcer ces tensions. À cet égard, la direction de l école n est pas exempte de défis se rattachant au pouvoir. Libérons-nous un local de prière pour les élèves musulmans qui le revendique? Cette question donne une idée d un débat présent dans l école qui souligne l importance du positionnement dans la pratique des enseignants. Dialogue Pour Sorrells (2013), le dialogue n est pas que la simple transmission d un message. C est un échange d idée, de pensée et d expérience permettant une meilleure compréhension de l Autre. Le dialogue permet donc de construire des connaissances avec 10 Bien qu il soit ardu de définir ce qu est un «québécois» et ce que sont «les origines québécoises», nous employons ces termes puisque ce sont les termes prononcés par la plupart des enseignants. 68

75 autrui et non sur autrui et il est nécessaire pour se mettre dans la peau de l Autre. C est aussi l engagement dans une relation intersubjective dans laquelle les interlocuteurs sont interdépendants. De ce fait, il y a une dimension transformative au dialogue. Cette dernière dimension se voit clairement dans les propos des participants lorsqu ils parlent de sujets difficiles à aborder tels que l homophobie ou encore les croyances religieuses. Tant ces tabous peuvent être des obstacles au dialogue, tant le dialogue permet de réduire les embûches dans relation. Aussi, une attitude empathique a été relevée par les participants comme nécessaire pour être un bon enseignant, car elle contribue à la création d un lien de confiance. Réflexion La cinquième condition d accès à la praxis interculturelle de Sorrells (2013) est la réflexion. Cela signifie réfléchir sur ses propres actions et en tirer des apprentissages. En effet, adopter une posture d introspection, d observation et d analyser peut grandement nourrir l action. Il doit donc y avoir un processus d aller-retour entre la réflexion et la pratique pour que les actions professionnelles se voient toujours améliorées. Voici comment la réflexion peut s inscrire dans la pratique des enseignants rencontrés. Un jour, une des enseignantes a pris conscience qu elle n accordait pas autant d importance à ses élèves «d origine québécoise» puisqu elle tenait pour acquis qu ils avaient moins besoin d aide que les jeunes issus de l immigration. Suite à cette réflexion, l enseignante en question s est ravisée et tente de se soucier également de tous les jeunes. La réflexion est, pour les enseignants, une manière de prendre conscience de leurs préjugés. Selon eux, les jeunes, peu importe d où ils viennent, vivent des difficultés qui ne faut pas prendre à la légère. Action L action est la dernière composante permettant d atteindre la praxis interculturelle. Selon l auteure, les actions doivent être socialement responsables et répondre à des fondements éthiques. Il s agit donc de poser des gestes qui participent à une société plus juste. Cette condition à la praxis interculturelle met de l avant l importance de reconnaître ce qui guide nos propres actions. Qui plus est, Sorrells (2013) considère que l inaction est aussi une forme d action parce qu elle implique un choix de ne rien faire. Ce choix serait associé à une action. Certes, il est possible d affirmer que les cinq autres 69

76 dimensions de Sorrells (2013) sont inhérentes à l action. Autrement dit, le questionnement, le cadrage, le positionnement, le dialogue ainsi que la réflexion mènent à agir de façon socialement responsable. Le dernier exemple que nous partageons en ce qui concerne la pratique des enseignants interviewés est l importance de créer des points communs avec les jeunes. En effet, les enseignants ajustent le matériel pédagogique pour interpeller davantage les élèves. Par exemple, l enseignante de français adapte les livres à lire, l enseignante de science parle de personnages connus ayant diverses nationalités et d autres discutent simplement de thèmes que les élèves aiment. Leurs actions visent donc l inclusion des jeunes. Conclusion En guise de conclusion, on trouve dans cet acte de colloque une brève description de notre terrain de recherche, une explication du modèle de la praxis interculturelle selon Sorrells (2013) ainsi qu une exemplification des différentes composantes dans la pratique des enseignants. Que ce soit par la découverte de l Autre, la prise de conscience des différentes manières de comprendre le monde, les enjeux de pouvoir, les échanges d idées et d expériences par le dialogue, la pratique réflexive ou encore l agir socialement responsable, nous considérons que les conditions d accès à la praxis interculturelle mises de l avant par Sorrells (2013) sont pertinentes pour la pratique enseignante. Sans contredit, elles renseignent sur ce qui peut entraver la relation entre deux personnes porteuses de cultures différentes et offrent des pistes permettant de gérer la diversité culturelle dans les écoles à travers la communication. Comme l enseignement est un acte de communication et que la relation élève-enseignant est primordiale pour l intégration et la réussite de jeunes (Potvin, 2010; Pianta, 1999), adopter un angle communicationnel à l enseignement en contexte interculturel pourrait, selon nous, permettre d améliorer cette pratique. En outre, les propos des enseignants, récoltés à l aide d une approche compréhensive et analysés avec un cadre théorique critique permet de relever les difficultés et les bons coups des enseignants. Manifestement, les éléments tirés du vécu des enseignants peuvent servir de pistes de réflexion et d action pouvant contribuer au perfectionnement de l enseignement à des élèves issus de l immigration. 70

77 BIBLIOGRAPHIE Audet, G. (2008). «La relation enseignant-parents d un enfant d une autre culture sous l angle du rapport à l altérité», Revue des sciences de l'éducation, vol. 34, no 2. Desgagné, S. (2005). Récits exemplaires de pratique enseignante: analyse typologique (Vol. 17), Québec : Presses de l Université du Québec. Garel, J. P., et Duquesne-Belfais, F. (2011). «Apprendre à traiter la diversité des élèves à partir d'une analyse de situations professionnelles», La nouvelle revue de l'adaptation et de la scolarisation, vol. 55, no 3. Guérin, M. C. (2015). Éclaircissement de l association entre la relation enseignant-élève, le partenariat mère-enfant, et l adaptation scolaire auprès d une clientèle à risque. Mémoire de maîtrise, Université de Montréal, [En ligne], consulté le 2 octobre Hurtubise, R., et Rose, M. C. (2013). Récits de pratiques et consensus d expert. Equipes cliniques du projet Chez soi à Montréal, Rapport de recherche, Montréal, Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté (CREMIS). Martinet, M. A., Raymond, D. et Gauthier, C. (2004). La formation à l'enseignement: les orientations: les compétences professionnelles, Ministère de l'éducation, Québec, [En ligne], _titularisation/formation_enseignement_orientations_en.pdf, consulté le 29 mai Maubant, P. et Martineau, S. (2011). Fondements des pratiques professionnelles des enseignants, Ottawa : Presses de l Université d Ottawa. Ministère de l Éducation, du Loisir et du Sport. (2014). Accueil et intégration des élèves issus de l immigration au Québec. [Document PDF]. Québec : Gouvernement du Québec, [En ligne], unautes_culturelles/accueilintegration_1_portraiteleves.pdf, consulté le 9 février Paulo, F. (1974). Pédagogie des opprimés. Paris : Maspéro. Potvin, M. et al. (2010). L expérience scolaire et sociale des jeunes d origine immigrante dans trois écoles de milieux pluriethniques et défavorisés de Montréal. Montréal : CSSS de Bordeaux Cartierville Saint Laurent, [En ligne], upload/editeur/5-rf_volet_ii_experiences.pdf, consulté le 9 février Sorrells, K. (2013). Intercultural communication: Globalization and social justice. Thousand Oaks : Sage publications. Steinbach, M. (2012). «Élargir les perspectives interculturelles des futurs enseignants», McGill Journal of Education/Revue des sciences de l'éducation de McGill, vol. 47, no 2. 71

78 72

79 CONSTRUCTION CITOYENNE ET APPRENTISSAGE DE LA LAÏCITÉ : REGARD SUR LE RÔLE DES ENSEIGNANTS ET SUR LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES Valérie Orange, Étudiante au doctorat en sociologie, UQAM Introduction Cette communication a pour objectif d éclairer comment les notions de laïcité et citoyenneté sont actuellement associées en France et plus spécifiquement au sein de l École. Pour ce faire, elle met en perspective le projet scolaire d éducation à la citoyenneté avec les moyens matériels et humains mis à disposition. Ce sera l occasion d étudier la place de l enseignement de la laïcité dans ce projet et de s attarder sur quelques paradoxes qui le traversent. Les éléments présentés sont issus de la littérature ainsi que d entrevues menées, pendant mon terrain de doctorat, auprès de quarante enseignants du primaire et du secondaire à Marseille, qui visaient à mieux comprendre leur rôle dans la transmission de la laïcité et à cerner l écart entre les prescriptions institutionnelles en la matière et leurs pratiques réelles. Dans ce cadre, je mobilise notamment la sociologie du curriculum et les notions de curriculum prescrit (ce qui est officiellement inscrit au programme), curriculum réel (ce qui est enseigné) et curriculum caché ou latent (ce qui se transmet malgré soi) (Forquin, 2008). Dans un premier temps je présenterai rapidement un survol historique de l enseignement de la citoyenneté, dans un second temps les dispositifs à l œuvre actuellement, puis pour finir, les pratiques des enseignants dans le cadre des attentes institutionnelles. 1. Contexte En 1882, Jules Ferry entreprend de créer une nouvelle école publique dont le projet égalitariste vise la formation d un citoyen éclairé, à la fois instruit et non soumis à l influence religieuse de l institution (Baubérot, 2012, p.57; Léon, 1967, p.90-92). C'est l occasion de supprimer l instruction morale et religieuse et de la remplacer par un cours d instruction morale et civique. Ce cours va perdurer au XXe siècle et ne disparaitra qu au lendemain des mouvements sociaux de mai L instruction civique réapparait en 1985, lorsque la gauche au pouvoir réintroduit la rhétorique républicaine et décide d en enseigner à nouveau les caractéristiques: le drapeau, la Marseillaise, ses symboles 73

80 visuels, sa devise, ses grandes institutions Cet enseignement normatif est programmé dès l école primaire et se poursuit au secondaire où il est pris en charge par les professeurs d histoire-géographie. Peu à peu, cet enseignement va s enrichir de quelques connaissances de base sur la laïcité. À partir de la fin des années 2000, il intègre à nouveau une dimension morale et semble particulièrement viser les jeunes des quartiers dits «sensibles», suspectés d un déficit de citoyenneté, du fait de leur implication dans des incivilités et des violences urbaines fortement médiatisées. On focalise désormais sur la laïcité, supposée répondre au développement du fondamentalisme dans ces quartiers (Ogien, 2014). Dès 2013, les différents cours relatifs à ces sujets, programmés du primaire à la fin du secondaire, se nomment désormais «Enseignement moral et civique (EMC)». Au lendemain des attentats de janvier 2015, l EMC devient le fer de lance d une réforme basée sur la mobilisation, à et pour l École, des valeurs de la République et de la laïcité 11. Parallèlement à l évolution du contenu enseigné dans ce cours, l autre volet de cette réforme consiste à rappeler toujours plus fermement aux enseignants leur obligation professionnelle de transmettre laïcité et valeurs de la république, quelle que soit leur discipline et avant même leur discipline Les dispositifs Dans le cadre de cette réforme, les professeurs d histoire-géo conservent l enseignement des connaissances théoriques et normatives, tandis qu on attend des professeurs des autres disciplines qu ils proposent des activités qui permettent la mise en œuvre de cette laïcité et de ces valeurs, permettant ainsi d aborder les questions liées au sensible (mettre en mots les émotions et pouvoir en discuter), au jugement (réfléchir à la cohérence de sa pensée, à la portée de sa parole et à la responsabilité de ses actes) et à l engagement (intégrer des projets, des activités permettant de déployer concrètement ces valeurs au sein de la classe ou de l école). La pratique du débat en classe ou dans l établissement est largement plébiscitée mesures pour la grande mobilisation de l école pour les valeurs de la République : consulté le 12 mai Référentiel des compétences consulté le 12 mai Programme de l EMC consulté le 12 mai

81 L EMI, l éducation aux médias et à l information, constitue un autre dispositif qui permet aux élèves d utiliser les médias et Internet en citoyen éclairé, préoccupation accrue par la forte présence en ligne des théories du complot, très surveillées actuellement dans le cadre de la lutte contre la radicalisation 14. Enfin, au sein des établissements, on rencontre aussi les dispositifs des conseils à la vie collégiale ou lycéenne, qui regroupent des délégués de chaque classe dont la mission consiste à délibérer et voter sur des actions portant sur la vie de l établissement, conduisant ainsi à développer la pratique citoyenne. Des conseils d enfants existent au primaire, mais ne sont pas obligatoires et, de fait, sont assez rares, différant ainsi ce type de pratique à l adolescence plutôt que d en donner le goût très jeune. 3. Les enseignants À présent, observons la place des enseignants dans ces dispositifs. Ceux que j ai rencontrés travaillent dans les établissements relevant de l éducation prioritaire, dispositif de discrimination positive censé donner plus à ceux qui ont moins. Il touche les quartiers populaires, le plus souvent pauvres et multiculturels, et régulièrement qualifiés de «sensibles» ou de «difficiles». Le métier de ces enseignants dans ce type d établissements n est pas facile, mais ils le font généralement avec cœur et dévouement. Pour autant, il existe quelques zones grises, que je vais détailler à présent. Mon premier constat est que la réforme portant sur l EMC passe mal : les enseignants souhaitent que seuls les professeurs d histoire-géo s en chargent, soit parce que le traditionnel cloisonnement des disciplines les pousse à ne pas se sentir concernés par cet enseignement, soit par ce qu ils jugent n être pas suffisamment formés. En effet, deuxième constat, la formation initiale n abordant la laïcité que depuis 2013, la plus grande partie des enseignants disposent de peu d éléments experts sur le sujet, avec pour conséquences de développer des compréhensions très variables en la matière. Par suite, une majorité d entre eux en transmettent régulièrement une interprétation de sens commun, reflétant les débats publics médiatiques et s éloignant parfois des attentes juridiques et institutionnelles. Par exemple, plusieurs d entre eux sont persuadés que la laïcité relègue le religieux à la maison ou bien qu elle joue le rôle d un bouclier qui doit 14 Prévention de la radicalisation : consulté le 12 mai

82 protéger des effets non désirés d une pratique religieuse avec laquelle on entrerait en contact. Cette dimension protectrice les conduit d ailleurs à considérer que la neutralité de l École consiste à protéger les élèves musulmans (souvent 90% des élèves de la classe) de l éducation religieuse de leur propre famille, notamment en développant leur esprit critique, garantie de leur émancipation familiale. Ces réflexions apparaissent troublantes, d une part, parce que la loi garantit une large autonomie des parents en matière d éducation et, d autre part, parce que plusieurs répondants ont évoqué leur propre parcours religieux adolescent (communion, confirmation ) sans pour autant soulever, dans ce cas-là, l influence néfaste de leur famille. Par ailleurs, et ce sera mon deuxième constat, il est à noter que les enseignants mobilisent régulièrement un prisme religieux lorsqu ils analysent les comportements et les propos de leurs élèves musulmans, au risque de les essentialiser. Ce prisme n est pas ou peu utilisé dans des situations impliquant des élèves d autres confessions, pour lesquels les enseignants recourent à d autres facteurs explicatifs, tels que la dimension adolescente, le contexte socio-économique, la dimension culturelle Il apparaît donc que la laïcité, dans leurs propos, est fortement associée à la question de l islam. Troisième constat : la laïcité est également largement associée, pour ne pas dire confondue, avec la question du «vivre-ensemble», ce qui conduit à l utiliser, en classe, comme un outil pédagogique au service de la lutte contre les discriminations. Soulignons que si la lutte contre les discriminations au sens large fait bien partie des prescriptions institutionnelles, la laïcité apparait souvent comme le moyen de lutter spécifiquement contre celles dont les élèves se rendent régulièrement coupables, telles que le sexisme, l antisémitisme, et l homophobie. Pour autant, elle semble moins mobilisée pour discuter des discriminations raciales et religieuses dont ils sont victimes quotidiennement à l extérieur de l établissement. Sa forte mobilisation après les attentats a d ailleurs contribué à confirmer leurs soupçons que la laïcité visait spécifiquement les musulmans, participant ainsi à l idée d une scission au sein même de la société française, idée qu ils expriment dans les discussions en classe. Si les enseignants regrettent ouvertement cette vision dichotomique de type eux/nous, force est de constater qu eux-mêmes adoptent à leur tour régulièrement, de manière involontaire et inconsciente, cette même vision 76

83 binaire, qui, dans leur cas, se révèle un peu paternaliste voire condescendante, dès lors qu ils évoquent l éducation ou la famille de leurs élèves. Ce dernier point conduit au 4 e et 5 e constat : l application stricte de la laïcité, dont la visée initiale était pourtant égalitaire (Milot, 2008), se suit de deux effets : 1) elle conduit certains enseignants à se montrer discriminants vis-à-vis des élèves musulmans et 2) elle contribue à leur faire transgresser le devoir de neutralité attendu, en les poussant à faire plus appel aux valeurs personnelles qu aux prescriptions institutionnelles. Ces discriminations sont diverses, religieuses, sociales, raciales, genrées, ce qui, d ailleurs, soulève l intérêt de mobiliser une approche ou un regard intersectionnels pour les traiter. La discrimination religieuse peut prendre une autre forme que celle d interdire de porter un signe religieux ostensible, tel que le prescrit la loi de 2004 : l application stricte, et parfois mal comprise, de la laïcité contribue à limiter la liberté d expression des élèves, qui pourtant est autorisée par les textes officiels tant qu elle n est pas prosélyte. En voici quelques exemples : interdiction d accentuer le «H» du prophète MoHamed, qui constituerait un signe de déférence, interdiction de dire «Wallah» pour jurer, car Allah doit rester dans les cœurs et hors de la classe, ou bien, dernier exemple, à la question «Pourquoi aimeriez-vous aller étudier en Angleterre?», une élève s est vue interdire, au nom de la laïcité, de répondre qu elle préfèrerait y aller, parce qu elle pourrait y rester voilée. Certains enseignants se voient comme le rempart à la radicalisation religieuse de leurs élèves et s autorisent à contester leur choix religieux, parfois avec agressivité et mépris. Par ailleurs, les mères d élèves voilées ont été discriminées par l interdiction qui leur a été faite d accompagner les sorties scolaires de leurs enfants, entrainant l annulation de certaines sorties par faute d encadrement suffisant. Cette décision débouche sur quatre types de discrimination. Cela constitue d abord une discrimination religieuse, dans la mesure où seul l islam est touché. Cela conduit à une discrimination sociale, puisque la mesure touche principalement les quartiers pauvres et empêche l école de remplir sa mission égalitariste. En outre, du fait de la présence très majoritaire dans ces quartiers de population racialisée, les mesures qui les affectent spécifiquement, principalement sur les questions vestimentaires ou alimentaires, finissent par revêtir également un caractère raciste. Enfin, on observe une discrimination d ordre genré dans la mesure où les prescriptions en matière de laïcité affectent principalement la tenue des 77

84 filles et des femmes. L argumentation retenue, fondée sur un féminisme de type hégémonique, laisse peu de place à la parole de ces dernières. Cela nous conduit au dernier constat relatif au lien existant entre la possibilité de s exprimer à l École et la construction de la citoyenneté. Cette parole est traditionnellement peu prise en compte en France, faisant douter de la possibilité effective de mettre en place des situations de débats, telles que le prescrit la nouvelle réforme. Cette frilosité s explique à la fois par la crainte de perdre du temps d enseignement et par la crainte de perdre son autorité ou la maîtrise de la classe. La parole de l élève est également peu prise en compte dans les établissements, que ce soit dans la classe, ou dans les instances prévues à cet effet, telles que les conseils à la vie collégiale et lycéenne, qui semblent être assez peu actifs et avoir peu d impact sur la vie des élèves. Les participants à la recherche les plus âgés regrettent le temps où la gestion des foyers socioculturels, présents dans les établissements, relevait avant tout des élèves et non des enseignants, comme c'est le cas actuellement, leur offrant alors un réel moyen de s impliquer de manière citoyenne dans une activité bénéficiant à tous. Conclusion Face à ces constats se pose la question de la pertinence de mobiliser la laïcité dans la construction citoyenne à l école, 1) parce que l école a longtemps su former des citoyens sans faire appel à elle, 2) parce que fondamentalement la laïcité et la citoyenneté sont deux choses différentes et 3) parce que son instrumentalisation actuelle l a rendue suspecte aux yeux des élèves musulmans, conduisant à sa décrédibilisation. Pour développer la conscience citoyenne de ses élèves, l École française gagnerait à développer la place de la parole des élèves et les possibilités d engagement qui leur sont offertes, dans les classes comme dans le reste des établissements. Le système actuel apparait paradoxal dans la mesure où, officiellement, il annonce vouloir former des esprits critiques, mais l observation sur le terrain permet de constater que la discussion sur certains sujets est difficilement abordable car refusée ou délégitimée par certains enseignants, notamment tout ce qui touche au religieux, de sorte que les élèves disposent d un cadre d expression normatif et contraignant voire sanctionné 15, leur apprenant 15 Le signalement à la police du refus de faire la minute de silence après les attentats de janvier 2015 en est l expression la plus extrême. 78

85 implicitement le silence voire le secret, ce qui paraît aller dans le sens opposé à ce qui est recherché. En 2015, comme les trois terroristes impliqués dans les attentats des 7 et 9 janvier avaient fréquenté l École de la République, cette dernière a été accusée de ne plus être capable de former des citoyens, de ne plus être capable de transmettre la laïcité et les valeurs de la République. L affirmation d un échec généralisé du système scolaire en la matière, à partir du seul cas de ces trois individus, souligne bien le caractère exagéré de cette accusation largement médiatisée. En revanche, l accent n a pas été mis sur le fait que l École ne peut pas être la seule responsable de la construction citoyenne des enfants. Ce serait minimiser le rôle de la famille et des médias, le modèle donné par le comportement des personnes publiques (politiques, sportifs, acteurs.) ou de celles qui le sont moins, sans parler des impacts des politiques en matière d aménagement urbain, de transport public laissant très nettement apparaître une territorialisation des groupes sociaux. Cette asymétrie de traitement est susceptible de développer le sentiment d être des citoyens de second ordre et de nuire ainsi au projet d une citoyenneté partagée, qui ne peut se déployer sans congruence entre les discours et les moyens. 79

86 BIBLIOGRAPHIE Baubérot, J. (2012). La laïcité falsifiée. Paris: la Découverte. Forquin, J.-C. (2008). Sociologie du curriculum. Rennes: Presses universitaires de Rennes. Léon, A. (1967). Histoire de l enseignement en France... Paris: Presses universitaires de France. Ogien, R. (2014). La guerre aux pauvres commence à l école. Paris: Le Livre de Poche. 80

87 ENQUÊTE SUR LES CHEMINEMENTS D INTÉGRATION AU MARCHÉ DU TRAVAIL DES PERSONNES IMMIGRANTES NOUVELLEMENT ARRIVÉES (ECINA) Yulia Presnukhina, Direction de la recherche et de la statistique du Ministère de l Immigration, de la Diversité et de l Inclusion Contexte de l étude Le ministère de l Immigration, de la Diversité et de l Inclusion (MIDI) a pour mission de promouvoir l immigration, la diversité et l inclusion, de sélectionner les personnes immigrantes et de favoriser la pleine participation des personnes issues de l immigration au développement du Québec. L insertion professionnelle est une composante importante de l intégration des personnes immigrantes à la société québécoise. Le MIDI et le ministère du Travail, de l Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS) sont particulièrement concernés par cet enjeu. C est dans ce contexte que les deux ministères ont réalisé, de façon conjointe, l Enquête sur les cheminements d intégration au marché du travail des personnes immigrantes nouvellement arrivées (ECINA). Il s agit d une enquête longitudinale rétrospective qui visait les objectifs suivants : 1) décrire les différentes étapes du cheminement vers l emploi des personnes immigrantes nouvellement arrivées, peu importe leur catégorie d immigration, et mesurer les délais entre ces étapes; 2) déterminer la proportion des nouveaux arrivants qui se prévalent de différents types de services et, si possible, leurs caractéristiques; 3) identifier les points de rupture dans l utilisation de ces services; 4) identifier des besoins des personnes immigrantes nouvellement arrivées; 5) identifier des facteurs pouvant expliquer l allongement ou la diminution des délais d intégration socioprofessionnelle. Le présent rapport résume les premiers résultats de l ECINA Le rapport présentant l ensemble des premiers résultats est disponible à l adresse suivante : 81

88 Méthodologie La population visée par l ECINA est composée des personnes immigrantes admises au Québec, entre avril 2012 et juillet 2013 inclusivement, en tant que requérants principaux, conjoints ou personnes à charge dans la sous-catégorie des travailleurs qualifiés, dans la catégorie du regroupement familial ainsi que dans la catégorie des réfugiés. La population cible représente personnes selon les données administratives du MIDI. À partir de ces données, un échantillon aléatoire simple stratifié (selon la catégorie d immigration) de personnes a été tiré. La collecte de données a eu lieu entre le 30 mars et le 14 juillet 2015 au moyen d une enquête téléphonique et en ligne. Dans le cadre d un appel d offres public, la firme Advanis Jolicoeur a été choisie pour effectuer la collecte et une analyse préliminaire des données. Au total, personnes ont pris part à l ECINA. Le taux de participation global s élève donc à 25,3 %. Près de neuf personnes sur dix (88 %) ont répondu au questionnaire en ligne. Toutefois, cette proportion est plus faible parmi les personnes réfugiées (54 %) alors que 46 % d entre elles ont répondu par téléphone. Une fois les données collectées, une pondération a été appliquée de façon à ce que la composition des répondants reflète celle de la population ciblée selon le sexe, le groupe d âge, la catégorie d immigration et le continent de naissance. Les résultats présentés dans ce rapport réfèrent ainsi aux personnes répondantes qui sont représentatives de la population cible de l ECINA. Profil des personnes répondantes Le profil des personnes répondantes selon le sexe, le groupe d âge, la catégorie d immigration et le continent de naissance est présenté dans le graphique 1. Il est à noter qu étant donné la pondération des données, ce profil correspond exactement aux caractéristiques des personnes constituant la population cible de l enquête. Les travailleurs qualifiés représentent 66,6 % de l ensemble des personnes répondantes; les autres personnes ayant été admises dans le cadre du regroupement familial (25,9 %) ou en tant que réfugiés (7,5 %). La forte majorité des personnes sont âgées de moins de 45 ans. Les femmes représentent 50,4 % de l ensemble des personnes 82

89 répondantes. Quant à la provenance, 37 % des personnes sont nées en Afrique, 23,8 % en Amérique, 19,9 % en Asie et 19,3 % en Europe. Graphique 1 Profil des personnes répondantes, Québec, 2015 Continent de naissance 37,0 % Afrique 23,8 % Amérique 19,9 % Asie 19,3 % Europe Sexe 50,4 % Femmes 49,6 % Hommes Catégorie d'immigration 66,6 % Travailleurs qualifiés 25,9 % Regroupement familial 7,5 % Personnes réfugiées Groupe d'âge 35,8 % Moins de 30 ans 52,9 % De 30 à 44 ans 11,3 % 45 ans et plus Dans l ensemble des personnes répondantes, 64,8 % détiennent un diplôme universitaire reçu avant l obtention de leur résidence permanente (graphique 2). Puisque les travailleurs qualifiés font l objet d une sélection, ceux-ci sont plus scolarisés que les autres personnes immigrantes alors que 76 % d entre eux détiennent un diplôme universitaire. Soulignons toutefois qu une proportion non négligeable des personnes admises dans le cadre du regroupement familial (47,4 %) et des personnes réfugiées (24,2 %) possède également un diplôme universitaire. L écart entre les personnes admises en tant que travailleurs qualifiés et les personnes des autres catégories est également important en ce qui trait à la maîtrise du français. La connaissance du français étant aussi un des critères de sélection des personnes immigrantes, les travailleurs qualifiés étaient proportionnellement plus nombreux à avoir une bonne ou très bonne connaissance de cette langue (78,9 % comparativement à 52,5 % parmi les personnes du regroupement familial et 46,9 % parmi les personnes réfugiées). Les différences entre les trois groupes sont par ailleurs moins prononcées en ce qui a trait à la connaissance de l anglais (voir le graphique 2). 83

90 Graphique 2 Proportion des personnes répondantes ayant reçu un diplôme universitaire avant l obtention de leur résidence permanente, proportion de celles connaissant le français et proportion de celles connaissant l anglais au moment de l enquête selon la catégorie d immigration, Québec, % 80 % 60 % 40 % 20 % Ensemble Travailleurs qualifiés Regroupement familial Personnes réfugiées 76,0 % 78,9 % 69,7 % 64,8 % 52,5 % 48,9 % 47,4 % 46,9 % 46,2 % 41,9 % 36,7 % 24,2 % 0 % Les séjours au Québec durant l année précédant l obtention de la résidence permanente sont fréquents. En effet, près d un tiers des personnes répondantes (32,8 %) ont séjourné au Québec en tant que travailleurs temporaires (14 %), en tant que touristes (9,1 %), en tant qu étudiants (6,3 %), en tant que demandeurs d asile (4,3 %) ou sous un autre statut (1 %) 17. Diplôme universitaire La grande majorité des personnes répondantes (81,1 %) connaissaient des personnes au Québec avant d obtenir leur résidence permanente. Aussi, 78,1 % des personnes ont fait le choix de leur région de résidence avant d arriver au Québec. Près de sept personnes sur dix (69,2 %) ont d ailleurs choisi la région administrative de Montréal. Il y a eu peu de mobilité régionale parmi les personnes répondantes au cours des deux à trois années écoulées depuis l obtention de leur résidence permanente : seulement 11,5 % d entre elles ont déménagé dans une région différente de celle où elles s étaient initialement installées. Bonne ou très bonne connaissance du français Bonne ou très bonne connaissance de l'anglais Principaux résultats Les résultats sont présentés de la manière suivante : les démarches entreprises par les personnes répondantes avant et après l obtention de la résidence permanente sont décrites 17 Notons qu une personne pouvait avoir séjourné au Québec sous plus d un statut au cours de la période visée. La somme des pourcentages par statut (34,7 %) est donc plus grande que le pourcentage des personnes ayant séjourné au Québec (32,8 %). 84

91 dans la première partie. Les deuxième et troisième parties portent respectivement sur l insertion en emploi des personnes immigrantes nouvellement arrivées et les services qu elles ont utilisés. Une conclusion expose ensuite les principaux constats à tirer de ces premiers résultats. Démarches effectuées Les personnes nouvellement arrivées entreprennent diverses démarches en vue de leur intégration à la société québécoise, notamment pour la reconnaissance de leur formation et pour connaître et intégrer le marché du travail au Québec. Plusieurs entreprennent ces démarches sans attendre l obtention de la résidence permanente, alors que d autres le font seulement une fois leur statut permanent confirmé. Selon le graphique 3, sur l ensemble des personnes répondantes, 29,1 % ont effectué au moins une démarche liée à la reconnaissance de leur formation durant l année précédant l obtention de leur résidence permanente, dont la demande d une évaluation comparative de leurs études auprès du MIDI (20,2 %) et la demande de la reconnaissance de leur diplôme par un ordre professionnel ou un organisme de réglementation (7,8 %). Après l obtention de la résidence permanente, c est un peu plus de la moitié des personnes (58,4 %) qui entreprennent au moins une des démarches. La demande de l évaluation comparative des études auprès du MIDI constitue la démarche la plus répandue (42,6 %). Ainsi, alors qu environ une personne sur trois fait des démarches de reconnaissance de formation avant l obtention de la résidence permanente, plus de la moitié le fait une fois le statut permanent confirmé. Pour ce qui a trait à d autres démarches, le graphique 4 montre que dans l année précédant l obtention de la résidence permanente, trois quarts des personnes (74,3 %) ont effectué des démarches en vue de connaître le marché d emploi au Québec. Après l obtention de la résidence permanente, c est également la plupart des personnes (80,9 %) qui ont effectué des démarches pour trouver un emploi au Québec. La recherche d un emploi sur des sites Internet et dans les journaux s avère la démarche la plus fréquemment réalisée autant avant qu après l obtention de la résidence permanente (80,2 % et 72,7 % respectivement). Les autres démarches effectuées avant et après 85

92 Après la résidence permanente Avant la résidence permanente l obtention de la résidence permanente pour trouver un emploi sont respectivement les suivantes : la sollicitation directe des employeurs (34,1 % et 59,8 %), le développement du réseau de contacts professionnels (28,4 % et 36,2 %) et le recours aux réseaux sociaux électroniques tels que LinkedIn, Twitter ou Facebook. Les personnes répondantes sont ainsi nombreuses à réaliser des démarches en vue de l insertion au marché du travail au Québec. En effet, la majorité d entre elles en font autant durant l année précédant l obtention de leur résidence permanente qu après ce moment. Toutefois, ces démarches sont moins fréquentes chez les personnes qui ont un niveau très faible de français ou d anglais; une faible maîtrise de ces langues rendant difficile ce type de démarches. Graphique 3 Proportion des personnes répondantes ayant effectué des démarches de reconnaissance de leur formation avant et après l obtention de leur résidence permanente, Québec, 2015 Évaluation comparative des études auprès du MIDI 20,2 % Reconnaissance de diplôme par un ordre professionnel ou un organisme de réglementation 7,8 % 29,1 % Autre 1,8 % Évaluation comparative des études auprès du MIDI 42,6 % Formation d'appoint auprès d'un ordre professionnel ou d'un organisme de réglementation Reconnaissance de diplôme par un ordre professionnel ou un organisme de réglementation 12,6 % 21,1 % 58,4 % Autre 1,8 % 86

93 Graphique 4 Démarches effectuées par les personnes répondantes pour trouver un emploi avant et après l obtention de leur résidence permanente, Québec, 2015 Chercher sur Internet, dans les journaux, etc. Solliciter des employeurs Développer le réseau de contacts Recourir aux réseaux sociaux électroniques Recourir aux services de placement d'un établissement d'enseignement Participer à des activités d'emploi-québec Recourir aux services d'une agence de placement privée 34,1 % 28,4 % 36,2 % 24,3 % 30,4 % 18,7 % 8,5 % 18,3 % 27,7 % 25,7 % 59,8 % 80,2 % 72,7 % Avant l'obtention de la résidence permanente Après l'obtention de la résidence permanente Insertion en emploi Principal projet Lors de l enquête, les personnes étaient d abord questionnées sur leur intention de travailler au Québec au moment de leur demande de résidence permanente. Si elles disaient ne pas avoir l intention de travailler, on leur demandait quelle était la motivation de leur demande d immigration. Ensuite, plus tard dans l enquête, elles devaient indiquer leur principal projet depuis l obtention de la résidence permanente. La forte majorité des personnes répondantes (88,9 %) ont ainsi déclaré avoir eu l intention de travailler au Québec au moment de leur demande de résidence permanente. Toutefois, pour une partie d entre elles, il s agit d un projet à long terme, puisque le travail ne constitue pas leur principal projet depuis l obtention de la résidence permanente (voir le tableau 1). Parmi d autres projets mentionnés, les suivants étaient les plus répandus : apprendre le français (12,0 %), compléter ses études (11,3 %), entamer une nouvelle formation (5,7 %) et prendre soin d un membre de sa famille (5,7 %). Notons que parmi les travailleurs qualifiés, un peu plus de 30 % n avaient pas le travail comme principal projet. Par ailleurs, il est intéressant de mentionner que le travail 87

94 constitue le principal projet de 42,3 % des personnes du regroupement familial et de 39,5 % des personnes réfugiées. Il est à noter que compléter ses études n a été le principal projet depuis l obtention de la résidence permanente que d une faible proportion de l ensemble des personnes (11,3 %). Il s agit toutefois d un projet principal plus fréquent parmi les personnes réfugiées (22,7 %). Mentionnons également que prendre soin de ses enfants ou des membres de sa famille ne constitue le projet principal que d une minorité (13 %) des personnes admises dans le cadre du regroupement familial. Ajoutons par ailleurs que deux personnes sur cinq (40,9 %) ont entrepris une formation ou ont suivi des cours depuis l obtention de leur résidence permanente dans le but d obtenir un diplôme du Québec. Cette proportion est plus élevée parmi les personnes nées en Afrique (52,1 %) et les travailleurs qualifiés (45,8 %). Des difficultés à se trouver un emploi et le fait que la formation soit obligatoire pour pouvoir travailler au Québec dans son domaine sont parmi les raisons évoquées pour le retour aux études, mais elles ne constituent pas les motivations les plus fréquentes. En effet, le désir d acquérir une formation ou un diplôme québécois (46,8 %) et le désir de se perfectionner dans son domaine (42 %) sont les raisons les plus fréquemment mentionnées. Pour la majorité des personnes qui ont entrepris des études à la suite de l obtention de la résidence permanente, la formation suivie était de niveau postsecondaire : 39,5 % ont entrepris une formation menant à un diplôme universitaire et 26,9 % à un diplôme collégial. Un peu plus du cinquième (22,9 %) ont fait des études menant à un diplôme professionnel (DEP ou AEP). 88

95 Tableau 1 Principaux projets des personnes répondantes depuis l obtention de leur résidence permanente selon la catégorie d immigration, Québec, 2015 Principal projet Ensemble Travailleurs qualifiés Regroupement familial Personnes réfugiées Travailler 60,1 % 69,2 % 42,3 % 39,5 % Apprendre le français 12,0 % 8,9 % 18,7 % 16,4 % Compléter ses études 11,3 % 10,3 % 10,8 % 22,7 % Entamer une nouvelle 5,7 % 5,1 % 6,3 % 8,6 % formation Prendre soin de ses enfants ou d un membre de sa famille 5,7 % 2,8 % 13,0 % 6,1 % Autre 5,2 % 3,7 % 8,9 % 6,7 % Aucun projet précis 2,1 % 1,3 % 4,2 % 1,8 % Recherche et obtention d un emploi Comme le montre le graphique 5, la forte majorité des personnes répondantes (80,9 %) ont déjà cherché un emploi au Québec depuis l obtention de leur résidence permanente et 69,1 % en ont déjà occupé un. Des trois catégories d immigration, ce sont les travailleurs qualifiés qui sont proportionnellement les plus nombreux à avoir cherché et occupé un emploi. Soulignons toutefois que l écart entre les trois groupes est plutôt faible, considérant le fait que contrairement aux travailleurs qualifiés, la majorité des personnes du regroupement familial et des personnes réfugiées n avaient pas le travail comme principal projet depuis l obtention du statut permanent. Par ailleurs, 19,1 % des personnes n ont pas cherché d emploi, notamment parce qu elles étaient en francisation, qu elles avaient déjà un emploi au Québec ou qu elles étaient aux études ou en formation d appoint. Les personnes qui ont occupé un emploi au Québec ont mis, en moyenne, 218 jours avant d obtenir leur premier emploi. Notons que 43,6 % des personnes ont obtenu un premier emploi au cours des trois mois suivant l obtention de la résidence permanente, 34,3 % ont eu besoin de trois à douze mois pour y parvenir, alors que 21,9 % ont eu besoin de plus de douze mois. Alors que, dans l ensemble, la différence entre la recherche d emploi et son obtention est de 11,8 points de pourcentage, elle est de 13,6 points pour les travailleurs 89

96 qualifiés, de 9,2 points pour les personnes réfugiées et de 8,1 points pour le regroupement familial 18. Graphique 5 Proportion des personnes répondantes qui ont cherché un emploi au Québec et proportion de celles qui en ont décroché un depuis l obtention de leur résidence permanente selon la catégorie d immigration, Québec, % 80 % 60 % 40 % 20 % Recherche d'un emploi 86,5 % 80,9 % 69,1 % 72,9 % Obtention d'un emploi 68,9 % 72,0 % 60,8 % 62,8 % 0 % Ensemble Travailleurs qualifiés Regroupement familial Réfugiés Quant à l équation entre la formation et l expérience de la personne et l emploi, parmi les personnes qui ont obtenu un emploi (69,1 %), pour environ la moitié, le premier emploi était, d une part, fortement (30,3 %) ou moyennement lié (15,4 %) à leur domaine de formation ou, d autre part, fortement (28,9 %) ou moyennement lié (19,4 %) à leur expérience de travail antérieure. Les proportions de très forts liens sont particulièrement plus élevées pour, entre autres, les travailleurs qualifiés, les personnes nées en Europe et celles ayant un très bon niveau de français. Par ailleurs, pour la majorité des personnes, le premier emploi ne requérait que peu de formation : seulement 21,0 % avaient un premier emploi qui requérait une formation universitaire. Parmi l ensemble des personnes ayant déjà occupé un emploi au Québec, 40,3 % occupaient toujours leur premier emploi au moment de l enquête. La durée moyenne du premier emploi est de quatorze mois 19. Parmi les personnes qui n occupaient plus leur 18 Il est à noter que les données relatives à la recherche d emploi sont à considérer avec prudence, puisqu elles comportent une proportion importante de réponses manquantes. 19 La durée d occupation du premier emploi inclut les emplois qui se sont terminés et ceux qui étaient toujours occupés au moment de l enquête. 90

97 premier emploi (59,7 %), 54,3 % étaient, au moment de l enquête, dans un autre emploi, 20,5 % étaient aux études et 15,9 % à la recherche d un emploi. Difficultés rencontrées lors de l intégration au marché du travail Les personnes qui ont, après l obtention de leur résidence permanente, cherché ou obtenu un emploi étaient nombreuses à déclarer avoir rencontré des difficultés dans leur intégration au marché du travail (55 %). Les personnes originaires d Asie (62,8 %) et les femmes (57 %) ont été plus susceptibles que les autres à se trouver dans cette situation. Les difficultés les plus fréquemment rencontrées sont le manque d expérience de travail ou de références de travail au Québec (66,4 %), la non-reconnaissance de l expérience obtenue hors du Québec (46,9 %) et la non-reconnaissance des diplômes obtenus hors du Québec (35,1 %). Une connaissance insuffisante du français ou de l anglais et le manque d emplois disponibles dans le domaine de formation ou de travail touchent par ailleurs environ un quart des personnes. Si les travailleurs qualifiés étaient plus susceptibles de mentionner avoir rencontré l un des trois premiers types de difficultés, les personnes originaires d Afrique étaient proportionnellement plus nombreuses que les autres à rencontrer des problèmes en raison de la non-reconnaissance des diplômes obtenus à l étranger (39,5 %) et de l expérience acquise hors du Québec (51,8 %). Notons également qu une proportion élevée des personnes nées en Asie éprouvent des difficultés en lien avec leur connaissance insuffisante du français (62 %). 91

98 Graphique 6 Principales difficultés rencontrées par les personnes répondantes ayant cherché ou obtenu un emploi au Québec, Québec, 2015 Manque d'expérience ou de références au Québec 66,4 % Non-reconnaissance de l'expérience 46,9 % Non-reconnaissance de diplômes Connaissance insuffisante du français Connaissance insuffisante de l'anglais Manque d'emplois disponibles dans le domaine recherché 35,1 % 27,9 % 22,1 % 21,4 % Par ailleurs, faire du bénévolat semble être une des stratégies adoptées pour pallier certaines des difficultés rencontrées, puisque c est environ le tiers des personnes qui ont fait du bénévolat depuis l obtention de la résidence permanente. Un peu moins de la moitié d entre elles (48,2 %) l ont fait notamment pour obtenir une expérience de travail, un emploi ou des références québécoises. De plus, environ une personne sur trois a mentionné avoir fait du bénévolat pour, entre autres, augmenter ses compétences professionnelles (32,0 %) ou pratiquer le français (30,1 %). Services utilisés Plusieurs services sont offerts aux personnes immigrantes admises au Québec. Certains sont accessibles de l étranger (par exemple, cours de français en ligne, Service d intégration en ligne [SIEL] du MIDI), alors que d autres le sont seulement une fois la personne arrivée au Québec. Le MIDI offre notamment deux services d intégration qui sont offerts en personne au Québec, soit la séance de trois heures Premières démarches d installation (PDI) et la session répartie sur une semaine Objectif Intégration (OI). Les questions posées aux personnes ayant participé à l enquête touchaient ces deux derniers services, ainsi que les cours de français et d anglais que la personne a pu suivre avant ou après l obtention de sa résidence permanente. Comme le montre le graphique 7, 37,8 % des personnes répondantes ont participé à un ou l autre des services d intégration ou aux deux (PDI et OI). La moitié des personnes qui ont participé à la séance PDI l ont fait au cours des 14 jours suivant l obtention de 92

99 leur résidence permanente. Il s agit du délai médian, le délai moyen étant de 45 jours. Quant à la session OI, le délai médian a été de 27 jours (le délai moyen est de 87 jours). De très faibles proportions de participants mentionnent avoir rencontré des problèmes pour être en mesure de participer à ces services (3,5 % pour la séance PDI et 3,4 % pour la session OI). Il s agit notamment de problèmes liés au transport. Quant aux cours de langue, notons qu après l obtention de la résidence permanente, 39,1 % des personnes ont suivi un cours de français (comparativement à 35,9 % avant la résidence permanente) et 20,1 % ont suivi un cours d anglais. Les résultats montrent qu au total, un peu moins de la moitié (46,8 %) des personnes a suivi un cours de français offert par le MIDI ou un autre prestataire de services, que ce soit avant, après ou à la fois avant et après l obtention de leur résidence permanente. Ajoutons que 69,7 % des personnes ont commencé leur cours de français au cours des six premiers mois suivant l obtention de la résidence permanente. Près des deux tiers (64,6 %) des personnes qui ont suivi un cours de français après l obtention de leur résidence permanente avaient complété ce dernier au moment de l enquête et 13,6 % étaient toujours en francisation. Quant aux autres personnes (21,8 %), elles affirment avoir abandonné leur cours de français. Les causes d abandon les plus fréquentes sont l obtention d un emploi, l incompatibilité des horaires et les responsabilités familiales. Parmi les personnes qui ont suivi un cours de français après l obtention de la résidence permanente, une faible proportion (11,7 %) a souligné avoir rencontré des problèmes pour entamer le cours. Le problème le plus fréquemment mentionné est le manque de places disponibles plus tôt. Enfin, les personnes répondantes ont été appelées à indiquer le principal conseil qu elles donneraient à une personne immigrante pour faciliter son intégration en emploi, que ce soit avant ou après l obtention de la résidence permanente. La réponse la plus commune était «apprendre le français». 93

100 Graphique 7 Proportion des personnes répondantes ayant participé à la séance PDI, à la session OI ou à un cours de français ou d anglais avant et après l obtention de leur résidence permanente, Québec, 2015 Premières démarches d'installation Objectif Intégration 25,6 % 29,9 % 37,8 % Cours de français Cours d'anglais Conclusion L enquête effectuée conjointement par le MIDI et le MTESS constitue une riche source d information au sujet notamment de l intégration au marché du travail des personnes immigrantes nouvellement admises au Québec. Le présent document présente les résultats préliminaires de celle-ci, tandis que des analyses plus approfondies sont en cours dans les deux ministères concernés. Les premiers résultats permettent de faire plusieurs constats. Il est intéressant de noter que les personnes admises en tant que travailleurs qualifiés, tout comme les personnes admises dans le cadre du regroupement familial et les personnes réfugiées, sont majoritaires à avoir l intention de travailler au Québec au moment de leur demande de résidence permanente et à avoir déjà occupé un emploi au moment de l enquête. Les personnes répondantes étaient toutefois nombreuses à rapporter avoir rencontré des difficultés lors de l intégration au marché du travail. Les principales difficultés concernent le manque d expérience ou de références au Québec, la non-reconnaissance de l expérience et des diplômes acquis en dehors du Québec, ainsi que la connaissance insuffisante du français ou de l anglais. 20,1 % 17,8 % 39,1 % 35,9 % Après l'obtention de la résidence permanente Avant l'obtention de la résidence permanente 46,8 % 29,3 % Le premier emploi au Québec était en lien avec le domaine de formation et l expérience pour un peu moins de la moitié des personnes ayant déjà occupé un emploi au Québec. De plus, seulement une personne sur cinq a obtenu un premier emploi qui 94

101 demandait une formation de niveau universitaire, alors que la proportion des personnes ayant un diplôme universitaire s élève à près de 65 %. Par ailleurs, les résultats de l enquête témoignent de la préparation que les personnes effectuent en amont en vue de leur installation au Québec. En effet, parmi les personnes qui avaient l intention de travailler au Québec, près des trois quarts avaient fait des démarches pour mieux connaître le marché du travail et 29 % ont entrepris des démarches de reconnaissance de leur formation dans l année précédant l obtention de leur résidence permanente. Aussi, un peu plus d un tiers des personnes ont suivi des cours de français. Par ailleurs, environ un tiers des personnes ont également séjourné au Québec durant l année précédant leur admission, et ce, en tant que travailleurs temporaires, étudiants, touristes, demandeurs d asile ou sous un autre statut. En résumé, les cheminements vers l insertion en emploi des personnes immigrantes nouvellement arrivées sont variés. La majorité des personnes, de toutes les catégories d immigration, ont l intention de travailler au Québec et la plupart d entre elles arrivent à obtenir un emploi. Cependant, elles rencontrent des difficultés lors de ce processus et ne parviennent pas toujours à avoir un emploi à la hauteur de leurs compétences. 95

102 96

103 ETHNICITÉ ET CAPITAL SOCIAL : AVANTAGES ET LIMITES DES RÉSEAUX PERSONNELS COMME VECTEUR D INTÉGRATION SOCIOPROFESSIONNELLE Walter-Olivier Rottmann-Aubé, Étudiant à la maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal Introduction La présente communication a pour but de partager les premiers résultats et les analyses préliminaires d une recherche menée dans le cadre d une maîtrise en sociologie à l UQAM. Je tiens tout d abord à remercier les douze personnes qui m ont accordé leur temps et leur confiance pour la réalisation des entretiens. Sans elles, cette communication et la recherche dont elle est issue n auraient pas été possibles. Dans le domaine de l intégration socioprofessionnelle des personnes migrantes, plusieurs recherches se sont intéressées et s intéressent encore aux barrières touchant au capital humain et aux stratégies utilisées pour les surmonter : l expérience de travail et la formation dans le pays d origine qui sont non reconnues ou jugées insuffisantes, la qualité du français ou de l anglais. Par contre, au Québec, peu de recherches se sont penchées sur l aspect du capital social et des réseaux sociaux dans le parcours professionnel des personnes migrantes. Par capital social, j entends la capacité des acteurs à obtenir des bénéfices grâce à leur appartenance à des réseaux sociaux (Bourdieu, 1980; Portes, 1998). Et, ici, réseaux sociaux, ou réseaux personnels, est entendu comme un ensemble d unités sociales (individus, groupes, organisations) et de relations entretenues directement ou indirectement entre et par ces unités sociales (Mercklé, 2004). Mais pourquoi s intéresser au capital social et aux réseaux sociaux? Tout d abord, une recherche réalisée aux États-Unis auprès de 246 personnes blanches indiquait que 68% d entre elles recevaient de l aide de leurs réseaux lors de la recherche d emploi. Moins d un pourcent des personnes sondées n a jamais eu recours à ses réseaux afin d obtenir un emploi (DiTomaso, 2013). De plus, si l on se fie aux données de l «Enquête longitudinale auprès des immigrants au Canada» (ELIC), 45 % des personnes migrantes sondées affirment avoir contacté des amis ou de la famille afin de se trouver un emploi 97

104 dans les six premiers mois suivants leur arrivée (Statistique Canada, 2003). La proportion des personnes migrantes utilisant leurs réseaux après les six premiers passés au Canada ne sont malheureusement pas disponible. Ajoutons que les personnes migrantes faisant partie de la catégorie de minorités visibles connaissent également des taux d emploi inférieurs de 10 à 15% des personnes migrants blanches et qu elles sont plus souvent en situation de déqualification professionnelle (Cousineau et Boudarbat, 2009; Boudarbat et Cousineau, 2010; Block et Galabuzi, 2011; Pendakur et Pendakur, 2011 et 2015). Cela laisse donc supposer l existence d inégalités en matière d accès aux réseaux, non seulement sur une base natif-immigré, mais également sur une base ethnoraciale. J en suis donc arrivé à me poser la question de recherche suivante : À titre comparatif, comment les réseaux personnels des immigrant-es racisé-es et des immigrant-es nonracisé-es établi-es à Montréal affectent-ils leur parcours d intégration socioprofessionnelle? Méthodologie Pour répondre à la question de recherche, une méthodologie mixte qui s inscrit dans une approche qualitative de l analyse des réseaux sociaux a été utilisée. Il s agissait tout d abord de réaliser une entrevue semi dirigée pour faire un récit autant que possible chronologique de l arrivée à Montréal, du développement des réseaux et de l insertion en emploi afin de faire ressortir l évolution des réseaux et leur apport dans la recherche d emploi. La seconde partie de l entretien avec les répondants et les répondantes consistant à leur faire produire un sociogramme égocentré à partir de matériel préparé pour l occasion. Ces sociogrammes égocentrés servent de moyen de visualisation des réseaux des personnes au moment de leur rencontre. C est en quelque sorte une photographie (ou un égoportrait) de leurs réseaux à un moment précis, qui est en quelque sorte le résultat de leur récit. Pour participer, les personnes devaient détenir un diplôme universitaire, parler français, habiter à Montréal et être arrivée au Québec depuis 3 à 10 ans. Ces critères étaient nécessaires afin de faire ressortir l importance des réseaux en atténuant le rôle des facteurs de la qualification et de la langue dans l accès à l emploi. De plus, les personnes devaient avoir passé un certain moment au Québec et à Montréal pour avoir eu le temps de développer leurs réseaux et avoir entamé une ou plusieurs démarches de recherche 98

105 d emploi. En tout, douze personnes ont été rencontrées : six hommes et six femmes; six personnes s identifiant à la catégorie de minorité visible et six autres ne s y identifiant pas. Une diversité des profils au niveau de l origine nationale et du domaine d étude était favorisée pour avoir une pluralité de points de vue et une complémentarité des expériences. Pour l instant, uniquement huit entrevues sur les douze transcrites ont été codées de manière thématique sur le logiciel QDA Miner. Un premier regroupement thématique temporaire a été produit pour la présente conférence et il sera révisé avec le codage des quatre verbatim restants. Tous les sociogrammes créés par les personnes rencontrées ont été transposés sur ordinateur à l aide du logiciel VennMaker. Pour l analyse, nous avons à faire à deux matériaux distincts, un récit évolutif et une image statique, qu il s agit de croiser. Ce qui peut être problématique dans le croisement du récit et des éléments de leur réseau c est que le positionnement des individus dans les cercles sociaux évolue dans le temps. L image obtenue ne correspond ainsi plus nécessairement à ce que devaient ressembler les réseaux au moment où une aide a été offerte. Le contenu du récit ainsi que les notes laissées par les répondantes et les répondantes sur leur sociogramme personnel peut tout de même nous permettre de comprendre le contexte qui a rendu possible la relation ainsi que l aide obtenue pour l emploi (s il y a lieu). Résultats Présentation sommaire de quatre parcours et réseaux Pour la partie des résultats, les réseaux et les parcours de quatre personnes seront présentés à partir des schémas produits et des récits transcrits. Cela nous amènera aux analyses préliminaires et à la discussion qui servira de conclusion à cette communication. Tout d abord, pour être en mesure de comprendre les sociogrammes quelques clés de lecture sont nécessaires. 99

106 Le centre représente le ou la répondante (Ego). Les autres cercles représentent les connaissances de la personne (Alter). Une légende à gauche du schéma indique de quel type de connaissance il s agit. Leur grosseur indique la force de la relation avec l Ego; un gros cercle indique un lien fort et un petit cercle signifie un lien faible. L emplacement des Alter dans les cercles concentriques indique la proximité relationnelle avec l Ego. Les lignes entre les Alter indiquent le type de lien que les Alter entretiendraient entre eux, selon la perspective d Ego. Une ligne verte indique un lien fort et un trait noir signifie un lien faible. Enfin, autour des Alter, il y a parfois de la couleur, ce qui indique que ces Alter ont offert une aide à Ego, aide qui a porté fruit. Le code de couleur est dans la légende à gauche (rose : information sur un emploi; jaune : référence pour un emploi; vert : a été embauché directement par la personne). Le premier réseau est celui d Ariane 20, une Française de 43 ans arrivée il y a 7 ans. En arrivant, elle ne connaissait que son mari ainsi que certains de ses amis et des membres de sa famille avec qui elle n était pas très proche (secteur centre gauche du 20 Les noms des répondantes et des répondants ont été modifiés afin de préserver leur anonymat. 100

107 sociogramme). Durant sa première année à Montréal, elle en a profité pour régler son statut de résidente permanente et s occuper des enfants. À l école des enfants, elle a rencontré d autres parents français et elle a appris l existence d une association qui vient en aide aux nouveaux arrivants. Elle s y est impliquée et elle y a rencontré d autres gens (secteur centre bas). Elle est ensuite retournée à l université suivre des cours d appoint pour que sa formation soit pleinement reconnue au Québec. Elle y a rencontré une professeure avec qui elle avait des affinités professionnelles. Celle-ci (en haut à gauche, numéro 81) a d ailleurs eu un impact déterminant sur le parcours d Ariane; elle lui a offert des conseils professionnels, l a référée et lui a même offert un emploi quelques années plus tard. Avec les conseils de sa professeure ainsi que ceux de ses amies de l association, Ariane a décidé de commencer sa carrière de manière autonome plutôt que de travailler pour quelqu un d autre au bas de l échelle. Selon Ariane, cela a été rendu possible grâce au support financier de son mari. «J avais choisi d élever mes enfants, aller les chercher à l école, les accompagner aux activités, tout ça ça prend un temps fou, et de travailler à côté. Alors j ai de la chance parce que j ai un mari qui gagne un bon salaire et on pouvait faire ça, mais si je n avais pas pu le faire, bin je n aurais pas eu le choix» (Ariane, France, 43 ans, emploi qualifié). Elle a donc pu continuer à s impliquer dans une seconde association pour continuer à développer sa notoriété (relations dans la partie droite et supérieure du schéma). Plusieurs des relations qu elle y a établies, majoritairement des Françaises, lui réfèrent d ailleurs des clients (il est possible de voir cette aide avec les multiples cercles entourés de jaune). Il est à noter que plusieurs personnes qui lui ont offert une aide au niveau professionnel constituent des relations fortes. *** Le second sociogramme (à la page suivante) est celui de Sofia, une Algérienne de 27 ans arrivée il y a quatre ans. Elle est venue à Montréal pour faire son doctorat en génie et ne connaissait que la sœur d une de ses amies. Son directeur n avait pas de subvention pour la financer, elle a donc appliqué sur des emplois d auxiliaire d enseignement. Elle a ainsi pu rencontrer les personnes qui s occupent des contrats ainsi que d autres étudiantes et étudiants employés par l université. Elle s est également impliquée dans son 101

108 association étudiante de programme et dans une association étudiante à caractère religieuse où elle a pu rencontrer différentes personnes (secteurs droit et supérieur du schéma et relations 80, 79 et 77 dans la partie gauche). Lors d une conférence à laquelle Sofia a assisté, elle s est démarquée à travers ses interventions. «Dans une conférence j ai posé une question à une étudiante. Et cette étudiante elle travaille avec une compagnie. Donc le head de la compagnie m a vue. Donc un jour, [ ], j ai contacté cette compagnie pour dire "Est-ce que vous avez un stage?"» (Sofia, Algérie, 27 ans, emploi qualifié) Finalement, c est un projet en entier qu ils lui ont donné avec un salaire. Elle a par la suite poursuivi son implication dans différents projets de recherche en se faisant recommander ou en se faisant offrir des opportunités par les professeurs pour qui elle travaillait. L ensemble du bas du schéma est composé de ces profs et collègues de travail, on voit d ailleurs que le jaune et le vert ont été utilisés à plusieurs reprises pour indiquer l importance des référencements et des embauches directes dans un réseau universitaire. 102

109 En parallèle, elle a commencé à travailler dans un établissement d enseignement religieux la fin de semaine (secteur supérieur gauche du sociogramme). Elle avait déposé son curriculum vitae dans une école religieuse; CV qui est resté sans réponse. Puis, un jour, elle a rencontré une personne qui était de passage au laboratoire où elle travaillait. Cette personne fréquentait l école en question. «Elle me dit "Ah tu sais il y a une personne qui va partir pour un congé de maternité". Et je dis "ah [ ] j ai déjà déposé mon CV". Elle me dit "vient je suis déjà enseignante là-bas"» (Sofia, Algérie, 27 ans, emploi qualifié). Elle a ainsi pu être directement référée à l école grâce à une rencontre à l université. *** Rachid, Marocain, 43 ans et arrivé il y a 8 ans, avait déjà des amis en arrivant. Ces amis, rencontrés lors de son baccalauréat au Maroc, lui avaient trouvé un appartement dans le même quartier qu eux. Ses relations se sont développées autour de leurs amis et de son voisinage, réseau principalement maghrébins (parties centrales supérieure et inférieure du schéma). Malheureusement, ses études n ont pas été reconnues dans leur entièreté, il a donc essayé de refaire ses études. À l université, lors de sa seule session, il n a pas vraiment eu le temps de développer de relation significative. Comme je vous l ai expliqué, ma femme était enceinte. Ça demande beaucoup de Donc j ai trouvé des difficultés, donc quand j étais à l université j avais la tête ailleurs. [ ] Donc j ai pris un temps de réflexion et je me suis dit que j ai une famille à charge. Si je vais rentrer aux études, [ ], trois ans d étude minimum, tu vas sortir avec ou de crédit. Je ne suis pas venu ici pour m endetter. En plus j ai une famille à charge (Rachid, Maroc, 43 ans, déqualifié). 103

110 Il a ainsi quitté l université pour chercher du travail. Ses amis n ont pas pu l aider pour trouver un emploi en lien avec sa formation. Il a donc brièvement occupé deux emplois en restauration avant d aller travailler dans une boulangerie où il a été référé par une connaissance. Il dit : D ailleurs ce sont eux [mes amis marocains] qui m ont procuré cet emploi. Un ami à moi qui a su à travers son ami que quelqu un avec besoin d un caissier de confiance et tout ça. Donc j ai rencontré le propriétaire et dès que je l ai rencontré j ai commencé à travailler (Rachid, Maroc, 43 ans, déqualifié). À la boulangerie, il a fait plusieurs rencontres qui sont devenues des amis proches. Une de ces personnes, qui est d origine québécoise a d ailleurs pu le référer pour un emploi. Il s agissait de faire du ménage dans un hôtel et les conditions de travail ne valaient pas le salaire légèrement supérieur qu il faisait. Il n y a donc travaillé qu une journée. Depuis, il est encore à la boulangerie. *** 104

111 Le dernier sociogramme est celui d Alexandre, Français de 29 ans arrivé à Montréal il y a 4 ans. Ce dernier ne connaissait que deux amis de son frère (dans la partie supérieure droite) à son arrivée à Montréal. Un d eux lui a sous-loué sa chambre lors de son premier mois à Montréal. Il a ainsi pu rencontrer ses colocataires québécois, mais ils n ont pas tissé de liens qui ont duré plus longtemps que leur brève colocation. Trois semaines après son arrivée, il décroche un emploi dans une boulangerie grâce à une connaissance (elle n est pas dans le schéma puisqu elle ne fait plus partie de ses cercles sociaux). Ça c était une amie de l ami à mon frère. C était une Québécoise que j ai rencontré ici. [ ] Elle m avait dit "va à [cet endroit], ils recrutent souvent, ils cherchent du monde". [ ] Donc j ai appelé directement, j ai envoyé le CV et ça s est fait en un jour. Franchement, ça s est fait rapidement (Alexandre, France, 29 ans, déqualifié). Au cours des mois qui ont suivi, il a rapidement gravi les échelons de l entreprise et il devenu gérant après un an et demi de travail, mais cet emploi ne correspond toujours pas à ses qualifications. C est à son travail qu il a développé la majeure partie de son 105

112 réseau qui est principalement composé de Français et de Canadiens (secteur gauche du schéma). Il a également tissé des liens avec certains de ses voisins et une amie de sa femme. Depuis plusieurs mois, il tente cependant de se trouver un emploi à travers des médias sociaux comme LinkedIn ou des sites d emploi, mais c est sans succès. Les gens de son réseau n ayant pas étudié dans son domaine, il ne peut pas vraiment compter sur leur aide. La recherche est d autant plus difficile qu il travaille beaucoup. «Quand tu travailles et que tu cherches du travail à côté, c est pas évident. Parce que chercher un travail, c est un travail en lui-même» (Alexandre, France 29 ans, déqualifié). Analyses préliminaires et conclusion Que peut-on retirer de la présentation de ces différents parcours? Tout d abord, il est possible de voir que le fait d avoir un réseau principalement coethnique et de l utiliser n influence pas nécessairement négativement la qualité des emplois obtenus. Ariane a pu utiliser son réseau majoritairement français afin de se faire référer plusieurs clients et clientes ce qui l a aidé dans sa trajectoire professionnelle. Sofia a pu pour sa part compter sur le référencement et les emplois offerts par des professeurs également nés en Afrique du Nord. En ce qui concerne Rachid et Alexandre, leurs connaissances coethniques n ont pas pu les aider à trouver un emploi à la hauteur de leurs qualifications. Cela permet de constater que, dans les cas présentés, les contextes de rencontre semblent plus importants dans leur apport potentiel au niveau professionnel que l ethnicité des contacts. À ce titre, l université semble avoir été un tremplin professionnel pour Ariane et Sofia alors que le réseau développé dans un emploi déqualifiant n a pas permis à Rachid et Alexandre d être mis en contact avec un meilleur emploi. Le fait d accorder une attention aux contextes de rencontre permet d entrevoir qu un des facteurs qui semble également avoir une influence sur l intégration socioprofessionnelle des quatre personnes, c est le statut socioprofessionnel des gens qui font partie des réseaux. Dans le cas d Ariane, celle-ci connaissait plusieurs autres professionnels qui, sans travailler nécessairement dans le même domaine, pouvaient lui référer des gens en mesure de s offrir ses services. Sofia, elle, a pu rencontrer des personnes bien positionnées pour lui offrir des contrats et se faire référer à d autres 106

113 professeurs. Pour les deux autres personnes, leurs collègues n étaient pas dans une situation favorable pour les aider, ils occupaient également un emploi déqualifiant et ne sont pas nécessairement formés dans le même domaine qu eux. Enfin, ces rencontres et l accès à certains contextes de rencontre semblent euxmêmes rendus possibles grâce à un statut socioéconomique ou socioprofessionnel particulier. Les deux premières personnes présentées avaient les conditions matérielles ou un statut suffisant pour développer leurs réseaux de la sorte. Ariane a un mari qui gagne suffisamment d argent pour qu elle puisse aller à l université et s investir dans des associations et développer son réseau professionnel malgré le fait qu elle s occupe des enfants. Sofia a un statut d étudiante au doctorat et peut consacrer la plupart de son temps à l université pour étudier ou travailler, ce qui lui permet de faire des rencontres dans un contexte favorisant les rapprochements professionnels. Pour Rachid, ce dernier n avait pas le temps ni l argent à investir dans ses études pour soit les terminer ou prendre le temps de rencontrer des gens puisqu il allait avoir un deuxième enfant et qu il était le seul à ce moment-là à pouvoir travailler et apporter un revenu à la famille. Il est cependant impossible de savoir si les conditions matérielles d existence d Alexandre ont eu une influence significative sur le développement de ses réseaux puisqu il n en a pas fait mention; cependant, il précise que le fait de travailler ne facilite pas sa recherche d emploi puisqu il a peu de temps à y consacrer. En somme, avoir un capital économique élevé, ou un réseau ayant un capital économique élevé, permettrait de développer un capital social élevé. Il faut ici rappeler que le capital social concerne l ensemble des ressources qu une personne est en mesure d utiliser grâce à ses réseaux sociaux. Ainsi, comme le mentionne Pierre Bourdieu, «le volume du capital social que possède un agent particulier dépend donc de l étendue du réseau des liaisons qu il peut effectivement mobiliser et du volume du capital (économique, culturel ou symbolique) possédé en propre par chacun de ceux auxquels il est lié» (Bourdieu, 1980, p. 2-3). De ce fait, les personnes plus marginalisées socialement ou économiquement, même si elles agrandissent leurs réseaux, ne développent pas pour autant leur capital social puisque cela ne génère pas nécessairement davantage de ressources permettant d obtenir un emploi de qualité. Au contraire, «les inégalités relationnelles n échappent pas aux inégalités sociales, mais de surcroît les dynamiques 107

114 des réseaux vont encore dans le sens d un creusement de ces inégalités» (Bidart et al., 2011, p. 296). Ainsi, dans une logique de compétitivité inhérente au marché de l emploi, la valorisation de stratégies liées au développement des réseaux et du capital social renforcerait la position des personnes qui se retrouvent déjà dans une situation avantageuse et contribuerait ainsi à la reproduction sociale des inégalités. Rappelons qu en ce moment, l ensemble des données n ont pas été traitées; il s agit de résultats préliminaires qui seront bonifiés avec l inclusion des autres verbatim et sociogrammes dans l analyse. Plusieurs des répondants et des répondantes rencontrées semblaient indiquer que le développement de leurs réseaux est difficile pour plusieurs raisons. Outre les questions financières et les responsabilités familiales qui ont été mentionnées plus tôt, il y a l absence d intérêts communs, une distance culturelle, de la difficulté avec la langue, ainsi que certaines expériences négatives au niveau relationnel notamment sous forme de racisme qui freineraient le tissage de liens. L importance de ces facteurs, qui n ont pas été abordé dans la présente communication, devra toutefois être mise en relation avec l origine ethnique des répondants pour voir si ce qui semble générer des inégalités relationnelles se fait sur la base de l appartenance ethnique. Un approfondissement de cette analyse nous permettrait de mieux comprendre un phénomène de discrimination systémique au niveau de l accès à l emploi, accès qui semble fortement conditionné par l appartenance à certains réseaux. 108

115 BIBLIOGRAPHIE Bidart, C., Degenne, A. et Grossetti, M. (2011). La vie en réseau. Dynamique des relations sociales, Paris : Presses universitaires de France. Block, S. et Galabuzi, G.-E. (2011). Canada s Colour Coded Labour Market : The gap for racialized workers, Ottawa : Canadian Centre for Policy Alternatives et Wellesley Institute. Boudarbat, B. et Cousineau, J.-M. (2010). «Un emploi correspondant à ses attentes personnelles? Le cas des nouveaux immigrants au Québec», Revue de l'intégration et de la migration internationale, vol. 2, no 11. Bourdieu, P. (1980). «Le capital social : notes provisoires», Actes de la recherche en sciences sociales, no 31. Cousineau, J.-M. et Boudarbat, B. (2009). «La situation économique des immigrants au Québec», Relations industrielles, vol. 2, no 64. DiTomaso, N. (2013). The American Non-Dilemma : Racial Inequality Without Racism, New York : Russel Sage Foundation. Mercklé, P. (2004). Sociologie des réseaux sociaux, Paris : La Découverte. Pendakur, K. et Pendakur, R. (2015). The Colour of Money Redux : Immigrant/Ethnic Earnings Disparity in Canada , [En ligne], < %20figs.pdf>, consulté le 11 janvier Pendakur, K. et Pendakur, R. (2011). «Colours by Numbers : Minority Earnings in Canada », Journal of International Migration and Integration, vol. 3, no 12. Portes, A. (1998). «Social Capital : Its Origins and Applications in Modern Sociology», Annual Review of Sociology, no 24. Statistique Canada. (2003). Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada. S établir dans un nouveau pays : un portrait des premières expérience, no XPF au catalogue de Statistique Canada, Ottawa. 109

116 110

117 TRAJECTOIRES DES RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D ASILE DANS LE MARCHÉ DU TRAVAIL AU QUÉBEC. TRAVAIL PRÉCAIRE ET EXISENCE PRÉCAIRE 21 Manuel Salamanca, Étudiant au doctorat en études intégrées en éducation, Université McGill Introduction Cette communication se base sur mon expérience comme chercheur militant au Centre des travailleurs immigrants et dans l Association des travailleurs et travailleuses d agence du placement (ATTAP). J utilise aussi l analyse de plus de 90 entrevues approfondies de 16 travailleurs immigrants avec des statuts de réfugié accepté, de réfugié rejeté et de demandeur d asile; ces entrevues ont été effectuées sur une période de trois ans. Les 16 travailleurs sont passés par plusieurs secteurs du travail précaire (alimentation, nettoyage, entrepôts, santé, recyclage et agriculture). Ces entrevues ont été effectuées dans le cadre du projet de recherche longitudinal «Les agences de placement et de recrutement : des partenaires silencieux dans l emploi des personnes migrantes» de la professeure Jill Hanley de l École de travail social de l Université McGill et dans le cadre de ma propre thèse sur l émergence du mouvement contre des agences de placement et contre la précarité à Montréal. Les questions qui ont guidé mon analyse des entrevues des travailleurs sont les suivantes: quelles sont les trajectoires des demandeurs d asile, des réfugiés rejetés et des réfugiés acceptés dans le milieu de travail? Quelles sont leurs vulnérabilités et leurs parcours dans le marché du travail? Comment la précarité au travail se propage à leur vie privée pour définir un type d existence précaire? Mon postulat de départ est que les travailleurs qui sont des réfugiés et des demandeurs d asile vivent un ensemble de vulnérabilités dans leur trajectoire dans le marché du travail à Montréal. Je propose que ces vulnérabilités sont utilisées par leurs employeurs, surtout par des agences de placement, pour développer des pratiques non régulées par la loi du travail québécoise. Des agences de recrutement et de placement (ARP) et l absence d un cadre légal, de contrôle et de régulation Dans le contexte du marché du travail de Montréal, les agences de placement et de recrutement ont développé des pratiques qui mettent à l épreuve l observance du code du 21 Je veux remercier SHERPA (Centre de recherche du CSSS de la Montagne) pour la bourse qui m a été donnée en , laquelle m a permis de continuer ma recherche et d en diffuser les résultats. 111

118 travail au Québec, notamment en ce qui a trait aux droits de la personne des demandeurs d asile, des réfugiés acceptés, des réfugiés rejetés et des sans-papiers. De plus, grâce aux expériences et aux témoignages quotidiens des travailleurs d agence collectés par l ATTAP, il a été décelé que la précarité du travail qui est caractéristique des ARP est reliée au statut migratoire précaire et aux vulnérabilités sociales qui les accompagnent. Cette problématique émerge de manière parallèle à la croissance de l industrie de location de personnel, avec le manque de contrôle et avec l absence d un cadre légal spécifique pour leur régulation (Bernier, 2012, 2014b). Au Québec, il existe possiblement des milliers d agences de placement. Leur dissémination a été très intensive, surtout après l année 2000 (Choudry et Henaway, 2012 ; Commission des normes du travail, 2013). Les données de Statistiques Canada montrent que les revenus d exploitation de ces agences ont été de 12,5 milliards de dollars en 2013 au Canada. Au Québec, ce montant a été de 1,5 milliards de dollars (Canada. Statistiques Canada, 2015). À Montréal et au Québec, il y a une grande quantité d agences qui opèrent sans une attestation fiscale ou un nom légal. Cela arrive surtout dans les milieux plus précaires du travail où il y a une gamme d agences «fantômes» qui opèrent sans une base permanente (Choudry et Henaway, 2012). La principale particularité des ARP, c est la nature triangulaire du travail qu ils offrent. Vosko (2010) définit cet arrangement comment une relation de travail qui inclut : «[ ] un arrangement d emploi entre une agence et un travailleur qui définit des termes et des conditions d emploi et un accord commercial pour la vente de services d emploi entre l agence et une entreprise cliente. L essence de cet accord c est que l agence place des travailleurs dans l entreprise cliente. Dans un sens légal, le travail intérimaire est un exemple de «relation du travail triangulaire»» (p. 633). Cette relation triangulaire et ses effets sur la production de précarité sont illustrés dans la figure 1. Il s agit d une relation où la précarité du travail et le manque de régulations et de contrôle des agences s articulent avec les vulnérabilités des travailleurs. L accentuation de l influence des ARP sur le marché du travail est liée directement avec la précarité et les mauvaises conditions de travail qui accompagnent le travail flexible (Mandarino et Van Arsdale, 2009; Gonos et Martino, 2011; Bernier, 2012). La gestion de la main d œuvre par les agences permet à leurs clients l évasion des obligations légales envers les travailleurs et les travailleuses (Smith et Neuwirth, 2008; 112

119 Mandarino et Van Arsdale, 2009; Belkacem et Kornig, 2011; Calugay et al.,, 2011; Choudry et Henaway, 2012; Van Arsdale, 2013). Au Québec, il n existe pas de loi spécifique depuis 1982 sur les ARP. Donc, l absence d un cadre légal a permis l existence de situations de travail avec des relations triangulaires (client-agencetravailleur) sans restriction ni limitation. Figure 1. Relation triangulaire et ses impacts sur les conditions du travail Statuts précaires et vulnérabilités Actuellement, plusieurs secteurs productifs au Québec utilisent des ARP. Les secteurs qui emploient des travailleurs avec des statuts précaires et des refugiés incluent l industrie de l alimentation, les entrepôts, l agriculture, le recyclage, l industrie du nettoyage, certaines industries de services comme «Publisac» (Salamanca, 2015). Des chercheurs au Canada (Ng et al.,, 2013) et au Québec (Choudry, et al.,, 2009) ont déjà remarqué que les immigrants avec des statuts précaires doivent accepter l incertitude et la précarité comme condition générale dans leurs milieux de travail. Dans cette communication, les personnes avec un statut précaire englobent toutes celles qui ne sont pas des citoyens ou des résidents permanents. Goldring, Berinstein et Bernhard (2009) aident à définir la catégorie «statut précaire» comme un concept décrivant plusieurs statuts migratoires socialement moindres que la résidence permanente. Donc, cela comprend l'absence de résidence permanente; l absence de permis de travail; la 113

120 dépendance envers un tiers pour les droits au travail ou à la résidence; l accès restreint aux services publics et à la protection offerts aux résidents permanents (par exemple, les soins de santé, l'éducation, les droits du travail); et la «déportabilité» (possibilité d être déporté). Cette définition comprend des groupes de personnes qui restent dans le pays «légalement», ou avec un statut, tel que les demandeurs d'asile, les réfugiés acceptés et les réfugiés refusés quand ils ont encore un statut et non une date de départ ou une date d'expulsion. De l'autre côté, le groupe qui est considéré sans statut légal ou sans autorisation de résidence dans le pays comprend des personnes ayant un visa et des permis expirés, tels que les réfugiés rejetés demeurant dans le pays après leur date limite de départ (ils font partie des sans-papiers ou sont des candidats pour une demande pour considérations d ordre humanitaires). Elles peuvent être soumises à une mesure d'expulsion et peuvent être déportées par l'asfc (Agence des services frontaliers du Canada). Les vulnérabilités produites par les politiques migratoires parmi les groupes décrits ci-haut sont diverses; il s agit d un ensemble de situations objectives et subjectives propres aux trajectoires personnelles des immigrants. Cette diversité de situations est l origine de la préoccupation concernant le rôle et les pratiques que des ARP développent pour gérer ces vulnérabilités. On peut ajouter la compréhension donné par Marlou Schrover qui considère la vulnérabilité comme «la mesure selon laquelle les groupes et les individus au sein de la société sont en risque» (2006 : p.6). Elle indique aussi que La vulnérabilité est liée à l'inégalité sociale en matière de citoyenneté. Le manque de sentiment d'appartenance, la rupture des liens entre l'état, la citoyenneté et l'identité rendent les personnes vulnérables. La vulnérabilité s'exprime par la restriction des droits économiques, politiques ou sociaux. Les groupes ou les individus peuvent être vulnérables de multiples façons. Appliqué aux migrants, cela signifie que tous les migrants seront plus vulnérables sur le marché du travail que les non-migrants parce qu'ils manquent de compétences ou que leurs compétences ne sont pas reconnues, car leurs réseaux sont plus petits ou parce qu'ils peuvent être plus facilement licenciés puisqu'ils ont moins de puissance socio-économique. La vulnérabilité sera amplifiée pour les migrants sans citoyenneté, les migrants sans-papiers ou les migrants qui font un travail illégal et les migrants ayant des moyens financiers limités (p.6-7). Les interviewés et leurs vulnérabilités Dans le Tableau 1, il est possible de voir les différents statuts migratoires des personnes interviewées. Celles-ci incluent deux personnes avec citoyenneté qui sont arrivés avec leur famille en tant que réfugiés, respectivement dans les années 70 et 80 du Chili et du 114

121 El Salvador (une femme et un homme) et qui travaillent respectivement dans le secteur de la santé et dans l industrie agroalimentaire. Il y a aussi deux hommes réfugiés acceptés de Haïti et du Cameroun qui travaillaient dans le secteur des entrepôts. Ensuite, il y a deux demandeurs d asile, un qui vient d Érythrée et qui travaille dans l industrie agroalimentaire, et un qui attend la résidence permanente, qui est originaire du Congo et qui travaille dans le secteur des entrepôts. Tous dans ce groupe de six travailleurs ont des permis de travail ou n ont pas besoin de permis pour travailler. Dans le cas des autres travailleurs, tous sont des demandeurs d asile rejetés. Tous viennent du Mexique, avec l exception d une femme d origine péruvienne. Au moment de la première entrevue, aucun des travailleurs de ce groupe n avait de permis de travail. Après, au cours des années et des différentes demandes à Immigration Canada, deux travailleurs d origine mexicaine ont été capables d avoir un permis du travail; pour l une d entre eux, ce permis est temporaire, pour l autre son permis a été octroyé parce que sa demande de considération d ordre d humanitaire a été acceptée. Trois personnes de ce groupe travaillent dans l industrie agroalimentaire et sept faisaient du travail journalier. Il est important de relever que les travailleurs mexicains font partie de la vague des sanspapiers qui sont restés dans le pays après les mesures du gouvernement de Stephen Harper pour rendre plus difficile l acceptation des réfugiés mexicains. Une travailleuse de ce groupe a été déportée après sa première entrevue. De plus, les réfugiés rejetés sont ceux qui expérimentent les conditions les plus précaires de travail et leur condition de «permatemps» (travailleurs occupant des emplois temporaires pour de très longues périodes) est extrême. L absence de permis de travail ou le besoin de le demander dans différentes périodes de leur vie au Québec les rend extrêmement vulnérables à des abus des employeurs et des entreprises clientes. 115

122 Tableau 1. Statuts et données importantes des personnes au moment de la première entrevue Individu Domaine de travail Statut Âge Origine Permis de travail Individu 1 Entrepôt Réfugié accepté 56 Haïti Oui Homme Individu 2 Entrepôt Réfugié accepté 43 Cameroun Oui Homme Statut implicite Rép. Dém. du Individu 3 Entrepôt (attend la résidence 48 Oui Homme Congo permanente) Individu 4 Individu 5 Individu 6 Individu 7 Individu 8 Individu 9 Individu 10 Individu 11 Individu 12 Individu 13 Individu 14 Individu 15 Individu 16 Industrie agroalimentaire Industrie agroalimentaire Industrie agroalimentaire Industrie agroalimentaire Industrie agroalimentaire Industrie agroalimentaire Travail journalier Travail journalier Travail journalier Travail journalier Travail journalier Travail journalier Travail journalier Citoyen (est venu avec sa famille en tant que réfugié) Citoyen (est venu avec sa famille en tant que réfugié) Sexe 30 Chili Oui Femme 38 El Salvador Oui Homme Demandeur d asile 30 Érythrée Oui Homme Demandeur d asile rejeté Demandeur d asile rejeté Demandeur d asile rejeté Demandeur d asile rejeté Demandeur d asile rejeté Demandeur d asile rejeté Demandeur d asile rejeté Candidat humanitaire (réfugié rejeté) Demandeur d asile rejeté (déporté) Candidat humanitaire (réfugié rejeté) 49 Mexique Non Femme 51 Mexique Non Homme 38 Pérou Non Femme 43 Mexique Non Homme 56 Mexique Non Homme 28 Mexique Non Femme 38 Mexique Non Homme 16 Mexique Non Femme 55 Mexique Non Femme 51 Mexique Non Femme Source. Entretiens du projet de recherche longitudinal «Agences de travail et de recrutement: partenaires silencieux du travail migrant» sous la direction de la professeure Jill Hanley. Des difficultés pour éviter les violations de la loi du travail Les entrevues nous ont permis de vérifier que les violations des droits du travail sont très variées parmi ces travailleurs. Avant la première entrevue, un questionnaire a été rempli avec chaque personne. Dans le questionnaire, il y avait une question sur les perceptions 116

123 des travailleurs concernant les violations qu ils avaient vécues. De manière surprenante, presque un tiers ont dit qu ils n ont «jamais» vécu de violations au travail, et plus de la moitié ont répondu qu ils n ont «jamais» ou «presque jamais» vécu de telles violations. Néanmoins, les entrevues ont permis aux travailleurs d identifier plusieurs violations des droits du travail. De plus, j ai pu identifier des violations supplémentaires après avoir analysé les entrevues. À la fin, j ai trouvé que tous avaient vécu plusieurs types de violations des normes du travail. Donc, la complexité des situations du travail qui ont été générées par leurs statuts migratoires et les inadéquations structurelles de la loi vis-à-vis des relations de travail triangulaires ne permettent pas aux travailleurs de savoir quand une violation a lieu. Souvent, ces situations se produisent parce que les travailleurs n ont pas connaissance de leurs droits, et aussi à cause de leur position désavantagée comme observateur (ils sont stressés, très fatigués, exténués, ou aliénés du travail qu ils font). Cette réflexion m a conduit à considérer qu un questionnaire est insuffisant pour refléter la complexité et la gravité des situations vécues par ces travailleurs, surtout quand ils travaillent pour une ARP. La plupart des violations des normes du travail que j ai trouvées sont reliées au paiement. Il y a une grande variété de situations où le paiement se transforme en une méthode pour voler les salaires des travailleurs (Tableau 2). Bien qu il soit possible de penser que le paiement est une entente claire entre le travailleur et l employeur, une relation triangulaire ouvre des possibilités pour contourner et violer la loi avec les travailleurs à statuts précaires. Le traitement abusif arrive en deuxième place pour le nombre de violations ayant lieu. Ces situations sont difficiles à gérer pour les travailleurs. Elles se produisent majoritairement avec l'entreprise cliente sur le lieu de travail, et non avec le personnel ou les propriétaires d ARP. La vulnérabilité des travailleurs à l'égard de ces situations est liée au fait que la loi impose la responsabilité d un milieu de travail sain à l'employeur (dans ce cas l agence), cependant, les agences temporaires ne sont pas responsables des opérations sur les lieux de travail, de sorte qu'elles peuvent échapper à ces situations. Les travailleurs sont dans une position défavorable pour se plaindre de l'entreprise cliente. 117

124 Le troisième problème concerne les informations sur le travail. Il existe deux situations courantes avec des agences qui ne sont pas enregistrées légalement («agences fantômes»). L'absence d information ou le fait que l information sur le salaire et les retenues soit incomplète et le manque de transparence sur les conditions contractuelles sont des situations normales pour les travailleurs journaliers et les sans-papiers. Ces cas sont répandus chez les travailleurs de l'industrie alimentaire, du nettoyage, des fermes, du recyclage et de l'industrie des services. Les violations faisant référence à la désorganisation avec préjudice pour les travailleurs (Underhill et Quinlan, 2011) comprennent des situations où les processus organisationnels de l'entreprise cliente nuisent aux droits des employés et aux conditions de travail. Dans ces situations, les violations proviennent principalement du client, mais comme l ARP est au milieu de la relation de travail, les travailleurs sont privés de la possibilité de détecter la violation ou il n'est pas clair qui est responsable de la violation. Enfin, les violations que j'ai observées dans le cas des pertes d emploi étaient des licenciements injustifiés et l absence de préavis pour la fin de l emploi. Dans ces cas, il n'y a aucun moyen pour le travailleur d'éviter cette violation parce que la loi ne régule pas le processus de licenciement d'un lieu de travail lorsqu'ils sont liés aux ARP. En cas de violation de la loi sur la santé et la sécurité au travail, les difficultés résident une fois de plus dans les critères de clarification des responsabilités entre l agence et le client, étant donné que, dans le cadre du code du travail, l'employeur légal est l agence. Ainsi, en fin de compte, l identité de l entité qui s'occupe des conditions de santé et de sécurité des travailleurs, ainsi que de la rémunération et du paiement des cotisations pour les salariés, reste incertain. Le problème de l'identification de l'employeur réel pose un énorme défi à la Commission des relations du travail du Québec, car cela peut exiger des processus judiciaires importants et complexes qui exigent du temps et de l'énergie (Tonnancour, 2014). Tant qu'il n est pas clair qui est le véritable employeur, quelles attributions définissent un employeur et ses responsabilités, et quel est le rôle des différents types d'agences, il est difficile pour les travailleurs d'identifier qui a la responsabilité de leur sécurité et de leurs conditions et comment ils devraient procéder pour exiger l'exécution 118

125 de ces règlements. J'ai identifié certaines situations spécifiques; par exemple, qui devrait être responsable de la formation et de l'information sur les normes de santé et de sécurité. Dans ces cas, de nombreuses fois, les agences peuvent facilement échapper à cette responsabilité en déclarant aux travailleurs qu'ils ne connaissent pas le milieu de travail de l'employeur client et qu'ils ne sont pas autorisés à exercer un tel rôle. J'entendais fréquemment parler de cette situation par le biais des membres de l ATTAP qui travaillent pour Dollarama. 119

126 Tableau 2. Violations des droits du travail vécues par les travailleurs interviewés NORMES DU TRAVAIL RÉMUNÉRATION Paiement incomplet. Pas de paiement pour toute la durée du contrat. Pas de paiement des heures supplémentaires. Pas de paiement du tarif de temps de travail supplémentaire. Pas de paiement pour les pauses. Pas de paiement pour les vacances. Pas de paiement compensatoire pour les vacances. Pas de vacances supplémentaires pour le travail effectué les jours fériés. Pas de paiement pour le transport vers les lieux de travail. Aucune rémunération pour le temps utilisé pour aller recueillir le paiement du salaire. Intervalles de paiement de plus de 16 jours et plus d'un mois dans le cas du premier paiement. Payé moins que le salaire minimum. Retenues non autorisées. TRAITEMENT ABUSIF Rythme de travail intensif et abusif. Paiements effectués le week-end ou pendant les périodes de repos. Paiement inadéquat pour les heures supplémentaires et/ou imposition de la compensation pour le paiement des heures supplémentaires. Pratiques discriminatoires: par exemple pas de paiement égal pour les mêmes tâches. Aucune pause-café ou pause-café trop courte. Aucune pause dîner ou pause dîner trop courte. Harcèlement psychologique au travail. Harcèlement physique. Traitement discriminatoire fondé sur le biais racial. Contrats préjudiciables et restrictifs. Non-respect des 32 heures de repos consécutives dans une semaine de travail. INFORMATION SUR LE TRAVAIL Manque d information ou information incomplète pour calculer le salaire et les autres informations demandées à l'employeur. Manque de transparence sur les conditions contractuelles. DÉSORGANISATION AVEC PRÉJUDICE POUR LES TRAVAILLEURS Aucune information fournie aux travailleurs sur leurs droits. Retards ou paiement incomplet à cause de la désorganisation ou de conflits entre le client et l agence. SANTÉ ET SÉCURITÉ La conformité des normes de santé et de sécurité, en général, sur le lieu de travail. Transport dangereux vers les lieux de travail. Aucun remboursement pour le matériel de travail. Pas de matériel de santé et de sécurité. Équipement de santé et de sécurité inadéquat pour le travail. Procédures dangereuses. Manque d'identification des risques liés au travail. Absence de comités de travail sur la santé et la sécurité. Manque de formation sur la santé et la sécurité au travail. Manque d'informations sur les droits à la santé et à la sécurité. Manque de conformité des procédures en situation d'accident ou de risque, ou lorsque des réparations et des compensations sont nécessaires. Aucun respect du droit de refus de travailler dans des conditions dangereuses. Situations qui affectent le bienêtre psychologique des travailleurs. PERTE D EMPLOI Congédiement injustifié. Aucun préavis de cessation d'emploi ou de licenciement et aucun relevé d emploi. Source. Entretiens du projet de recherché longitudinale «Agences de travail et de recrutement: partenaires silencieux du travail migrant» sous la direction de la professeure Jill Hanley. 120

127 Cependant, j'ai également trouvé des situations où l ARP est clairement et visiblement responsable de certains aspects de la santé et de la sécurité des travailleurs. Par exemple, il est évident que l'agence ne rembourse pas certains travailleurs pour le matériel de travail acheté pour eux-mêmes. Cela se produit également lorsque le transport vers le lieu de travail fourni par une agence est dangereux, par exemple avec de mauvaises conditions de conduite et l absence de ceintures de sécurité dans les véhicules. Dans ce dernier cas, les ARP peuvent directement éviter cette responsabilité étant donné qu aucun règlement ne mentionne quoi que ce soit sur le transport des travailleurs par les ARP. Gérer les vulnérabilités et autres stratégies pour créer des profits avec le travail immigrant J'ai constaté que les agences font partie d'un «système de gestion» des vulnérabilités des immigrants; ce système accompagne implicitement les violations du travail précitées. Dans le Tableau 3, il est possible de voir comment les vulnérabilités de ces travailleurs sont présentes selon leur statut migratoire. Ensemble, toutes ces situations et conditions combinées représentent une mosaïque de vulnérabilités qui créent un ensemble de trajectoires que les immigrants suivent et qui diffèrent des trajectoires des nonimmigrants. À l'exception du racisme institutionnel et systémique, il est très peu probable qu'un canadien d'origine connaisse ces vulnérabilités. En outre, il existe également des trajectoires différentes basées sur le processus d'immigration que les travailleurs suivent et sur la façon dont cela fluctue en intensité, qu'ils soient sans-papiers, touristes, demandeurs d'asile, demandeurs d'asile rejetés, demandeurs humanitaires et selon leur accès ou non au travail légal. Ces types de statut juridique différents entraînent des projections au niveau social et impliquent une tendance à maintenir les travailleurs dans des situations précaires pendant de longues périodes lorsqu'ils travaillent pour des ARP. Un travailleur a défini cette dynamique de travail avec les agences où il était pris au piège dans la précarité comme la «course d un rat», une sorte d'analogie avec les rats domestiqués qui courent dans une roue et ne bougent pas de leur place. C est une manière intéressante de définir les «permatemps», mais qui démontre l urgence de porter attention à cette problématique. 121

128 Grâce aux entrevues, il a été possible de constater que certaines de ces vulnérabilités ont été détectées, identifiées et utilisées par le personnel des agences, ce qui montre que les ARP ont acquis un savoir-faire sur les trajectoires des immigrants. La crainte constante de ne pas être appelé à nouveau pour un emploi ou d'être licencié peut être utilisée par les agences et les employeurs pour imposer des conditions de travail difficiles, un mauvais traitement et du chantage. Les personnes interrogées peuvent identifier ces conditions également en relation avec leur statut d'immigrant, leur situation financière médiocre et leur manque de compétences linguistiques. À bien des égards, le personnel ou les propriétaires d'agences peuvent reconnaître ces vulnérabilités à travers différents signaux qui pourraient indiquer leur existence. Aussi, remplir un formulaire de demande d emploi pourrait être le meilleur moyen de mieux comprendre les caractéristiques des travailleurs. Par exemple, avec une absence de compétences en anglais, c'est un signe que le travailleur est arrivé d'un pays francophone comme Haïti ou un pays du Maghreb, ce qui donne une idée de sa trajectoire. Il est intéressant de noter comment certaines entreprises comme Dollarama utilisent le travail des immigrants, principalement composés de demandeurs d'asile et de réfugiés. Les longues files de travailleurs sortant de ses entrepôts et passant par la station de métro La Savane montrent la composition ethnique de ces travailleurs, principalement noirs, des régions du Maghreb, de l'afrique subsaharienne et d'haïti. Le Centre des travailleurs immigrants a documenté que cette entreprise n'utilise que cinq à six agences qui lui fournissent une main-d'œuvre bon marché pour ses entrepôts (Centre des travailleurs et travailleuses immigrants, 2016). Il est difficile de croire que ces agences spécifiques ont une connaissance organisée du profil d'immigration de ces travailleurs. Cependant, il est plausible de penser que les informations qu'ils recueillent à partir d'un formulaire rempli par ces mêmes travailleurs, par exemple au moment de leur application à un emploi, pourraient informer les organisations de leur pays d'origine, de leur expérience de travail, de leur statut d'immigrant, et de leurs attentes par rapport à l emploi. En outre, il est possible que des années de connaissance et d'échange d'informations avec ces travailleurs leur fournissent plus de connaissances sur leurs trajectoires pour avoir une idée et un profil standard de celles-ci. 122

129 Dans le cas de l équipement de sécurité au travail, comme les travailleurs ont peur de ne pas être convoqués au travail, ils acceptent d'acheter et d'apporter les bottes de travail et autres équipements de travail sans demander à l'agence d être remboursés. De plus, les agences savent que la peur et l'insécurité de nombreux travailleurs sans statut et de statut précaire limitent la possibilité de lutter pour ce droit, et c'est pourquoi elles demandent les bottes avant de se rendre sur les lieux du travail. 123

130 Vulnérabilités Tableau 3. Vulnerabilités selon les statuts des demandeurs d asile et des refugiés interviewés Manque de reconnaissance des diplômes et de l'éducation antérieure. Manque de reconnaissance des compétences et de l'expérience de travail antérieure. Manque de temps et de ressources et obstacles à l'accès à l'amélioration de la langue. Manque de temps et de ressources et obstacles à l'accès à l'enseignement des langues. Manque de temps et de ressources et obstacles à l'accès à l'éducation formelle. Impossibilité et obstacles à la planification financière. Incertitude à l'égard de leur avenir à moyen et à long terme dans le pays. Manque de documentation légale pour obtenir des emplois. Sanspapiers Candidat humanitaire Statuts migratoires précaires Candidat au parrainage Demandeur d asile refusé Demandeur d asile Réfugié accepté X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X Peur d'être dénoncé ou déporté. X X X X Frais administratifs et manque de connaissances sur les procédures d'immigration et sur les voies vers la citoyenneté. Besoin de soutien et de connaissances pour les procédures d'immigration et les voies vers la citoyenneté. Manque de connaissances sur les droits du travail. X X X X X X X X X X X X X X X X X X Manque de protection de la santé. X X X X X Manifestations de racisme institutionnel et systémique et de la racisation dans les lieux de travail. La dépendance économique et juridique du parrainage ou de l employeur X X X X X X Besoin de rester au Canada pour attendre une réponse à leur demande d'immigration. X X Source. Entretiens du projet de recherché longitudinale «Agences de travail et de recrutement: partenaires silencieux du travail migrant» sous la direction de la professeure Jill Hanley. X 124

131 Parmi les autres craintes, les travailleurs craignent de ne pas être payés. Il est possible que de nombreuses agences sachent que les travailleurs ayant un statut précaire peuvent être plus dociles que les résidents permanents et les citoyens. En ce sens, ils peuvent utiliser cette situation à leur avantage dans la gestion des paiements en fonction de leurs intérêts, par exemple, lorsqu'ils retardent les paiements pour payer d autres travailleurs. Aussi, une agence peut savoir relativement facilement quand une personne a des problèmes avec son statut. Plusieurs fois, le personnel ou les propriétaires de l'agence peuvent accéder à ces informations simplement en se rapprochant des travailleurs. Il est fréquent que les travailleurs sans-papiers ne souhaitent pas que les gens connaissent leur situation, et ils le comprennent comme un inconvénient, mais selon plusieurs des entretiens, il est possible de constater que lorsqu'un travailleur a des problèmes avec ses papiers, il existe des signes spécifiques identifiant le travailleur. Parfois, ces indicateurs sont l'isolement, le manque de compétences linguistiques, la peur de montrer un accent quand on parle, l'apparence physique et la façon dont le travailleur est habillé. Souvent, les agences pourraient s'en rendre compte immédiatement lorsque les travailleurs ne veulent pas être payés par dépôt bancaire direct et préfèrent l'argent comptant. C'est peutêtre le premier signe que les agences peuvent utiliser pour constater qu'un travailleur est sans-papiers. L autre signe se manifeste lorsque le travailleur accepte être payé en deçà du salaire minimum. Les agences savent quand un travailleur aura des besoins financiers particuliers et aura besoin de travail de façon urgente; les agences peuvent alors gérer les moments où appeler, ces moments coïncidant avec les circonstances où le travailleur est le plus vulnérable afin qu il accepte des conditions de travail dégradées, afin que les agences puissent mieux accommoder le travail selon leurs intérêts lucratifs. C'est l'un des principaux arguments que je soutiens pour défendre la position que les agences ne sont pas comme une autre entreprise. Par conséquent, elles ne devraient pas être considérées légalement de la même manière que toute autre entreprise. Elles profitent des conditions sociales défavorables des personnes, évaluent ces conditions sociales et les gèrent en leur faveur, non en faveur du travailleur. 125

132 Par conséquent, les agences, même si elles ne recueillent pas directement des informations sur les travailleurs, ont les capacités et les ressources nécessaires pour s'informer sur certaines caractéristiques des travailleurs, incluant leurs vulnérabilités. En ce sens, il devient clair pourquoi les demandeurs d'asile reçoivent généralement le salaire minimum ou un paiement près du salaire minimum. La preuve en est la façon dont les agences utilisent des informations non liées aux compétences professionnelles des travailleurs, non pas pour leur donner du travail qui correspond à leurs compétences et pour leur offrir un salaire plus décent; au contraire, l'information leur permet d'obtenir de meilleurs profits à partir du travail de ces personnes vulnérables. Une autre façon dont les agences utilisent les vulnérabilités des travailleurs est de profiter du fait que les travailleurs subissent un effet négatif du racisme et de la racialisation des politiques migratoires. Cette condition concerne également le racisme institutionnel qui existe dans la société canadienne et québécoise. J ai trouvé des histoires qui montrent que certaines entreprises clientes et certaines agences préfèrent les travailleurs mexicains en raison de leur volonté de travailler plus et sans se plaindre. Cette situation est liée aux effets de la création de la liste des «pays sûrs» sous le gouvernement de Stephen Harper, de l'inclusion du Mexique sur cette liste et du rejet systématique des demandes d asile faites par les Mexicains depuis Cette mesure a créé une vague de travailleurs mexicains non protégés et vulnérables, qui étaient prêts à travailler dans de très mauvaises conditions afin de survivre et d'essayer d'autres voies vers la résidence. D'une autre façon, j'ai constaté que les agences peuvent gérer les vulnérabilités des travailleurs immigrants en utilisant leurs numéros d'assurance sociale pour éviter de payer des impôts. Cela signifie que de nombreux propriétaires ont l assurance de savoir que certains travailleurs ne pourront pas se plaindre ni dénoncer leurs pratiques illégales pour éviter les impôts. Cela signifie que les craintes des travailleurs d'être sans-papiers et d'être expulsés opèrent comme un bouclier pour les pratiques illégales des agences. Le savoir-faire des propriétaires et du personnel d'agences pour gérer les vulnérabilités des travailleurs immigrés inclut leur capacité à éviter de payer le taux d'heures supplémentaires aux travailleurs permanents plus disposés et capables de se 126

133 plaindre. Parfois, pour les entreprises clientes, cela offre la possibilité d'éviter les problèmes et les conflits avec les syndicats établis au sein des entreprises. En fin de compte, les agences offrent cette gestion du travail dans le cadre des services qu'ils fournissent. De la même façon, le fait que le personnel et les propriétaires de plusieurs agences sont des personnes de la même nationalité que beaucoup de ces travailleurs immigrés permettent aux agences d'approcher et d'établir un rapport avec les travailleurs, de façonner les relations professionnelles en fonction des besoins des entreprises clientes. Dans ce cas, il est également important pour les agences d'utiliser le savoir-faire qu'elles ont sur les trajectoires des immigrants et les procédures de migration. Ensuite, il est compréhensible que cette tendance soit le fait que de nombreuses agences commencent également à offrir des services de conseil en matière de migration (Figure 2), montrant la proximité entre le domaine de la gestion du travail temporaire et le domaine des conseils et des trajectoires en matière d'immigration. Figure 2. ARP travaillant aussi en tant que consultant en immigration De la précarité du travail à «l existence précaire» Selon les histoires des interviewés, les ARP créent de l incertitude dans la vie de ces travailleurs, et elles répandent la précarité au travail dans d autres dimensions de leurs vies. J ai groupé ces effets collatéraux et les ai nommés «existence précaire», un type d invasion de la précarité au travail dans la vie privée des immigrants. Ce sont des situations où la précarité envahit d autres dimensions de leur vie privée qui constituent des moments où la reproduction de leur force de travail aurait normalement lieu. Cette précarité existentielle démontre la désorganisation, l incertitude économique, l incertitude migratoire, l impossibilité de la planification financière, l isolement, la malnutrition et les pauvres conditions de santé mentale et émotionnelle. Une situation similaire a été décrite par Ng et d autres auteurs concernant les femmes immigrantes avec 127

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