Grèce - EVANGELIA KOUTOUPA-RENGAKOS Professeur associé à l université de Thessalonique



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Transcription:

Grèce / 1 LE JUGE ET L'URBANISME DANS LES PAYS DE L'EUROPE DE L'OUEST Grèce - EVANGELIA KOUTOUPA-RENGAKOS Professeur associé à l université de Thessalonique I. INTRODUCTION L urbanisme, le droit, et le juge : diversités nationales 1-1. L existence d un ensemble normatif spécifique La réglementation qui a pour objet l aménagement et le développement urbains se trouve, en grande partie, dans le décret présidentiel du 14/27.7.99, qui s appelle «Kodikas vassikis poleodomikis nomothesias» ( Code de la réglementation de base d urbanisme, ci-après le Code de l urbanisme), texte non très nettement distinct d autres ensembles normatifs, comme par exemple le droit de la construction ; on considère en fait que le droit de l urbanisme est composé du droit de la construction et du droit de l urbanisme dit actif, ce dernier comprenant les règles des interventions de l Etat sur le sol (W. Skouris, Droit de l aménagement du territoire et de l urbanisme, 1991, p. 31). Le droit de l environnement constitue par contre un ensemble plus ou moins homogène et spécifique. 1-2. Sources écrites du droit de l urbanisme Les sources matérielles du droit de l urbanisme sont tout d abord d ordre constitutionnel, puis législatif et infralégislatif, les principes généraux du droit constituant une catégorie à part. La multiplicité des textes d urbanisme a créé la nécessité d une mise en ordre; Ces diverses sources ont donné lieu à une codification pas très complète, il est vrai, le décret présidentiel du 14/27.7.99 (voir ci-dessus). Il s agit plutôt d un rassemblement de textes disparates dont le contenu n a pas été modifié, d une juxtaposition de dispositions anciennes et nouvelles sans mise en jour des premières. 1-2-1. Sources constitutionnelles Selon l article 24.2, «l aménagement du territoire du pays, la formation, le développement, l urbanisme et l extension des villes et des zones à urbaniser en général, sont placés sous la réglementation et le contrôle de l Etat, afin de servir au caractère fonctionnel et au développement des agglomérations et d assurer les meilleures conditions de vie possibles». L article 24.3 prévoit la participation des administrés au financement des équipements urbains, notamment pour assurer la disponibilité des sols nécessaires à l ouverture des rues et la création des places et d autres espaces d usage ou d intérêt public, par apport de terrains ou par participation financière, imposée sans droit à une indemnité de la part de l organisme impliqué. L article 24.4 prévoit la participation des propriétaires d un espace qualifié comme résidentiel à sa mise en valeur et son aménagement général par un échange de terrains de valeur égale. L article 24.6 prévoit des mesures restrictives du droit de propriété imposées pour la protection des monuments et des sites traditionnels. L article 18.7 prévoit la copropriété obligatoire des propriétés adjacentes dans les régions urbaines, lorsque la construction autonome ne correspond pas aux conditions de construction en vigueur. 1-2-2. Sources législatives La loi constitue une source importante du droit de l urbanisme. Parmi les grandes lois d urbanisme, on peut citer la loi 360/1976 sur l aménagement du territoire et l environnement, la loi 880/1979 portant sur le transfert du coefficient de construction, la loi 947/1979 sur les régions résidentielles, la loi 1337/1983 sur le développement de l habitat, la loi 1577/1985 portant sur le Règlement Général de Construction, et enfin les lois 2508/1997 et 2742/1999 concernant l aménagement du territoire sur la base du principe de développement durable.

Grèce / 2 1-2-3. Sources infralégislatives La source réglementaire reste la source majoritaire du droit de l urbanisme ; exemple, le décret présidentiel du 14/27.7.99, qui constitue le Code de l urbanisme, mais aussi les divers schémas, programmes d aménagement du territoire et plans d urbanisme, dont le caractère réglementaire est admis par la doctrine et, en partie, par la jurisprudence (P. Dagtoglou, Droit administratif général, 1984, n. 167 s., W. Skouris, op. cit., p. 83). Il faut aussi signaler la prolifération, en matière d urbanisme, comme par ailleurs en matière de l environnement, de normes de valeur formelle inférieure dans l échelle des normes étatiques, comme par exemple les circulaires ou les notes techniques. 1-3. L existence d un seul droit de l urbanisme Il existe un seul droit de l urbanisme, la Grèce constituant un pays foncièrement centralisé. 1-4. Champ du droit de l urbanisme et frontière avec les branches du droit voisines Les grandes questions qui relèvent du droit de l urbanisme au sens formel du terme sont les suivantes: - planification urbaine La loi 360/1976 a instauré une planification à deux phases, l une de caractère directif et général, l autre de détail et plus précis (CE 1865/1994) Les principaux instruments de planification urbaine sont a) les schémas et les programmes d aménagement du territoire et b) les plans régulateurs et les plans d urbanisme. a)les schémas d aménagement du territoire, ensemble de rapports et de documents graphiques, fixent les orientations fondamentales de l aménagement du territoire national ( schéma d aménagement du territoire national ), régional ( schéma d aménagement du territoire régional ) ou se référant à un secteur de production déterminé ( schéma d aménagement du territoire spécifique ) (art. 1 du Code). Parmi les schémas spécifiques, il faut citer les schémas régulateurs des deux grandes villes grecques, Athènes et Thessalonique. Les programmes d aménagement du territoire procèdent à la concrétisation des schémas. b)les plans régulateurs s harmonisent avec les schémas d aménagement du territoire et précisent ses règles d occupation des sols pour une agglomération déterminée; les plans d urbanisme sont des documents qui précisent les plans régulateurs dans le cadre d un quartier résidentiel déterminé. - permis de construire, l autorisation donnée par une autorité administrative d édifier une ou plusieurs constructions nouvelles ou de modifier une ou plusieurs constructions existantes ;assure le respect des règles d urbanisme, des règles relatives à l occupation et à l utilisation des sols. - aussi autorisations diverses (concernant l installation de loisirs, les espaces boises, autorisation de coupes et d abattages d arbres, de défrichement, d implantation de grandes surfaces, l implantation des clôtures etc., l implantation de services et entreprises dans les deux grandes agglomérations d Athènes et de Thessalonique) - expropriation : la mise en œuvre d un plan d urbanisme donne aux autorités publiques la faculté de déclencher la procédure de l expropriation, pour cause d utilité publique, des sols nécessaires pour la création de rues, d espaces et d équipements à usage public (art. 30-41 du décret législatif du 17-7-1923). - le zonage : la loi 1337/1983 a créé les zones d urbanisme actif, de remembrement urbain et d incitations spéciales. - protection de l environnement. 1-5. Les grandes lignes de la structure du système juridictionnel Le système juridictionnel grec se définit par la dualité des juridictions : il existe deux ordres juridictionnels relevant au sommet l un de la Cour de Cassation, l autre du Conseil d Etat. Selon

Grèce / 3 l article 94 de la Constitution, les litiges administratifs relèvent du Conseil d Etat et des tribunaux administratifs ordinaires (tribunaux de première instance et cours administratives d appel), tandis que les litiges privés relèvent des tribunaux judiciaires. Il en résulte un problème de répartition de compétences assez aigu, vu que la notion du litige administratif n est pas définie, et pour cause, dans le texte constitutionnel, mais qu elle est l œuvre de la doctrine et de la jurisprudence. Ainsi, le principe de dualité des juridictions conduit-il les juridictions de chaque ordre à appliquer les règles de droit relevant de l autre ordre. Tout comme dans le système juridictionnel français, le Conseil d Etat possède une place prééminente parmi les tribunaux de l ordre administratif; il est non seulement juge de cassation des décisions rendues en dernier ressort par les juridictions administratives ordinaires, mais aussi juge du recours pour excès de pouvoir et de quelques recours de pleine juridiction, dont le recours des agents publics est le plus connu ; il statue enfin en appel sur les jugements des tribunaux administratifs ordinaires. Le principe juger l administration est encore administrer, qui conduit à une justice complaisante pour l administration, s applique partiellement au cas du système juridictionnel grec ; d ou le Conseil d Etat assume le rôle du conseiller de l administration et de son juge. 1-6. Les juridictions qui interviennent en matière d urbanisme Le contrôle juridictionnel des opérations d urbanisme est exercé tout d abord par les juridictions administratives, compétentes pour statuer sur les litiges administratifs, mais aussi par - les juridictions répressives, qui appartiennent à l ordre des juridictions judiciaires, compétentes pour imposer les sanctions du droit pénal aux personnes qui enfreignent les règles d urbanisme, comme par exemple un architecte qui a signé un permis de construire illégal (Cour de Cassation 759/2001) ou les personnes qui ont édifié une construction sans un permis de construire (Cour de Cassation 2088/2001), - les juridictions civiles compétentes pour statuer sur les litiges entre les personnes privées. Les charges d urbanisme sont considérées comme des vices matériels d un contrat de vente (Cour de Cassation 420/2001) ; toute transaction portant sur une construction édifiée de manière illégale est considérée comme caduque (Cour d appel d Athènes 2902/2001) Le contrôle des actes d urbanisme s exerce dans le cadre i) du recours pour excès de pouvoir, contre les actes de refus ou de retrait d un permis, ou contre les actes qualifiant un bâtiment arbitraire, c est-à-dire un bâtiment dont la construction n est pas conforme aux dispositions concernant son implantation, la destination ou l aspect extérieur, comme par exemple un bâtiment édifié dans une forêt (Tr. de première instance d Athènes 8365/1996, DiDik 1997, p. 419), ou dont l usage n est pas conforme à son afféctation (CE 4727/96, Cour administr. d appel de Thessalonique 68/97), ou contre les actes qualifiant un bâtiment classé (CE 5609/1996, DiDik 1997, p. 666). La carence de l autorité administrative d édicter un acte de démolition d un bâtiment édifié illégalement a été annulée (CE 686/1994), ii) du recours de pleine juridiction contre les mesures de démolition de bâtiments arbitraires (Tr. de première instance de Larissa 1058/1995, DiDik 1997, p. 266), iii) d un recours spécial en annulation, dirigé contre les amendes imposées en vertu des règles d urbanisme et perçues selon la procédure de perception des ressources publiques, appelé anakopi caractérisé par le Conseil d Etat comme un recours parallèle (CE 582, 2304/1993, 2150/1995, 1805/2001) et, iv) du recours en indemnité, dirigé contre une personne publique pour réparer un préjudice subi en raison d une violation des règles d urbanisme, par exemple d une interruption illégale des travaux de construction (CE 1920/1993, Cour adm. d appel d Athènes 2363/2001).

Grèce / 4 1-7. Importance du contentieux de l urbanisme Le contentieux de l urbanisme représente une part non négligeable dans le travail des juridictions administratives surtout ; au cours des dix dernières années il n y pas a eu une modification quelconque. Le recours au juge est assez fréquent. 1-8. Spécificité des règles appliquées Les questions d urbanisme n entraînent pas l application de règles ou de procédures différentes de celles appliquées dans le contentieux des autres matières. 2. LE JUGE ET L APPLICATION DU DROIT DE L URBANISME 2-1. Qui peut saisir les différents juges? La condition d un intérêt personnel et direct est uniforme dans toutes les juridictions. La saisine du juge administratif est le fait des administrés, par ex. du demandeur d une autorisation qui veut attaquer une décision de refus, du titulaire d une autorisation qui se dirige contre un acte de retrait du permis, ou des tiers lésés, comme le propriétaire d un terrain voisin, qui peut attaquer un permis de construire pour diminution de vue même si lui-même a commis des irrégularités par rapport à la réglementation d urbanisme (CE 221/1996, 3385/2001). Conformément aux principes qui régissent les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir, l intérêt pour agir est très étendu ; l intérêt pour agir est ainsi reconnu aux associations de défense de l environnement, aux habitants d une ville qui veulent attaquer un acte qualifiant un bâtiment œuvre d art et donc bâtiment classé (CE 6478/1995). La qualité pour agir est aussi reconnue aux ayants droit sur la base d un contrat de vente pour attaquer une mesure de démolition d un bâtiment menaçant ruine. (CE 1340/1996, DiDik 1998, p. 366). La saisine des juges pénal et civil est le fait des personnes privées, le procureur de la république ayant le droit de former un recours pénal contre une personne privée. On peut invoquer l illégalité d un plan à l encontre d une décision qui fait application de ce plan, si le plan appartient à cette catégorie des plans auxquels la jurisprudence reconnaît une nature réglementaire, c est-à-dire les plans qui imposent des restrictions au droit de construire. 2-2. L existence de recours préalables Recours administratif et recours juridictionnel constituent deux voies de droit séparées ; le requérant peut donc choisir librement entre les deux, dans la mesure où le recours administratif est un recours de droit commun ou ne donne lieu qu à un contrôle de légalité de la part de l autorité administrative. Seule l existence d un recours administratif donnant lieu à un contrôle de fait et de droit, dit recours quasi juridictionnel, constitue une condition nécessaire pour l exercice du recours juridictionnel approprié. L obligation d exercer un recours administratif préalablement au recours juridictionnel dépend donc de l intention du législateur, telle qu elle se manifeste dans l aménagement du recours administratif. Le recours quasi juridictionnel le plus connu en matière d urbanisme est le recours contre l ordre de démolition de bâtiments (CE 1299/1994, 1915/1995). 2-3. Arguments de fond ou de procédure Les arguments de procédure sont plus aptes dans le cadre du recours pour excès de pouvoir ; le contrôle des formes et des procédures, contrôle des pouvoirs de l administration pendant les phases qui précèdent l émission de l acte normateur proprement dit, constitue en effet un contrôle compensatoire du contrôle minimum de fond exercé sur les actes relevant d une compétence discrétionnaire, les formes et les procédures constituant, pour ainsi dire, des barrières techniques au pouvoir administratif. Parmi les exigences de forme, le juge grec attache beaucoup d importance a l exigence de motivation, et pour cause, puisque la motivation garantit non seulement la connaissance des motifs par l intéressé, mais aussi oblige-t-elle l autorité compétente à contrôler elle-même la cohérence de son raisonnement, produit donc la rationalisation du travail administratif. Les actes qualifiant un

Grèce / 5 bâtiment classé doivent être motivés, parce qu ils apportent des limitations au droit de propriété (CE 5609/1996, DiDik 1997, p. 666). 2-4. Les pouvoirs de contrôle du juge La question de la délimitation des pouvoirs du juge en matière d urbanisme est liée à leur nature. Le contrôle du juge s exerce en effet différemment selon qu il s agit d une matière relevant du pouvoir discrétionnaire ou de la compétence liée de l autorité publique. Le permis de construire est un acte de compétence liée (CE 1401/2001), à moins qu il s agisse des constructions dans un espace protégé, comme un site archéologique (CE 1365/2001). L intégration d un terrain à un plan d urbanisme relevant du pouvoir discrétionnaire de l autorité administrative, la carence de celle-ci ne constitue pas un acte exécutoire faisant grief (CE 31/2002). L autorité administrative dispose d un pouvoir discrétionnaire très étendu pour accepter la demande d un propriétaire de payer une certaine somme au lieu de mettre une partie de sa propriété à la disposition de l Etat (CE 428/2001). L acte de régularisation relève aussi du pouvoir discrétionnaire (CE 852/2000). Le juge vérifie toujours si l acte attaqué a bien été édicté par l autorité compétente et dans le respect des formes et des procédures appropriées ; il exerce toujours un contrôle de l exactitude des faits. Le contrôle de la qualification juridique des faits est plus délicat. Dans une matière marquée par tant de technicité, le juge peut passer insensiblement du contrôle de l exactitude matérielle à celui de l appréciation des faits. En règle générale, il se refuse à exercer ce contrôle, lorsque la qualification juridique le conduit à apprécier une notion indéterminée ou technique. Alors qu il arrive au juge administratif d exercer un contrôle de la qualification juridique, il se refuse toujours à exercer un contrôle de l opportunité de la mesure attaquée; aussi bien, le juge se refuse-t-il de contrôler si l autorité publique a commencé la procédure d expropriation pour faire déménager un centre de santé mentale, alors qu en fait elle aurait l intention d éviter de payer le loyer (CE 673/2002). Le juge censure les mesures excessives ou non proportionnées, en application du principe de proportionnalité ; le contrôle du bilan coût-avantages constitue un cas particulier du contrôle de proportionnalité. le juge apprécie si les atteintes portées par une mesure donnée à un droit fondamental n est pas excessif par rapport à l intérêt que la mesure tend à servir, il met en balance les inconvénients et les avantages qu elles présentent pour les intérêts en cause ; le juge applique cette technique aux mesures accordant des dérogations aux règles d urbanisme Le juge civil n a pas la compétence à vérifier la légalité des actes administratifs, comme il s agit d un litige administratif. 2-5. Les notions indéfinies La réglementation économique offre plusieurs exemples de notions indéterminées ou indéfinies ; plus que dans tout autre domaine, la souplesse est ici de rigueur (E. Koutoupa-Rengakos, Le pouvoir discrétionnaire de l administration interventionniste en droit français, thèse, Paris 1, 1987, p. 182 s.). La souplesse se manifeste tant dans les techniques normatives utilisées, que dans la formulation même des textes normatifs. Tout d abord, dans des secteurs où la conjoncture évolue rapidement, les lois se limitent à énumérer les objectifs à atteindre et souvent n ont d autre valeur qu indicative, celle d un cadre à remplir. Les règles d urbanisme par suite sont elles-mêmes formulées de manière particulièrement vague, laissant aux autorités chargées de leur application un large pouvoir discrétionnaire, ou marge d appréciation matérielle. La présence des notions vagues sert de fondement de l extension des mesures restrictives des droits fondamentaux en cause, l exemple le plus caractéristique restant la procédure d expropriation pour cause d utilité publique, ou de fondement pour l affranchissement au second degré des obligations découlant des droits acquis ; le retrait d une autorisation est ainsi réputée légale en présence des raisons particulières d intérêt public.

Grèce / 6 2-6. Les notions techniques Le juge montre une réticence à l égard des notions telles règles de la science, de l art et de l esthétique, le caractère fonctionnel et la sécurité des constructions, l adaptabilité à l environnement, la tolérance aux séismes (CE 1889/1993), valeur esthétique (CE 2629/1993). Les règles du droit de l urbanisme posent de sérieux problèmes de légitimité du contrôle juridictionnel, dans la mesure ou le renvoi fréquent aux règles de l art et de l esthétique et autres notions qui évoluent avec le temps permet ou impose - au juge d identifier lui-même les données scientifiques les plus sophistiquées ou à se fier complètement aux experts (W. Skouris, op. cit., p. 195); le juge est ainsi amené souvent à n exercer qu un contrôle de plausibilité de la mesure en cause. 2-7. Les méthodes juridictionnelles Il existe diverses méthodes que le juge emploie pour contrôler de près un domaine où l administration est particulièrement encline à abuser de ses pouvoirs ; parmi ces méthodes on peut volontiers citer la technique des notions-standards, par laquelle le juge procède à une tentative d explication globale du litige. Les notions-standards expriment le plus souvent une qualité (normal, exceptionnel, excessif, évident, raisonnable, clair et définitif, usage abusif) et, plus généralement, impliquent un seuil de tolérance ressenti par le juge, à partir duquel une situation donnée est jugée inadmissible pour finir par être sanctionnée (E. Koutoupa-Rengakos, Le pouvoir..., p. 506). Le juge estime par exemple que, vu les limitations au droit de propriété que la faculté du ministre de l aménagement du territoire et de l environnement d ordonner la suspension des travaux de construction après le déclenchement de la procédure d élaboration d un plan d urbanisme est de nature à apporter, il doit y avoir une volonté claire et définitive de la part des instances compétentes pour mettre en œuvre cette procédure (CE 461/1982, 3299/1984, 3298/1988); les plans régulateurs sont institués pour sauvegarder l équilibre écologique (CE 2755/1994-Ass.). L institution du contrôle des standards systématise une tendance plus générale du juge à utiliser cette technique à titre d ultime recours, lorsqu il sent qu une difficulté technique ne saurait nuire à un intérêt qui mérite d être protégé. Par cette pratique, le juge opère, en outre, une objectivation du pouvoir discrétionnaire des interventions économiques, représentation du subjectif et de l aléatoire dans le droit, en recourant notamment à ce qui, dans un moment donné, parait socialement inacceptable (E. Koutoupa-Rengakos, Le pouvoir..., p. 521). 2-8. Différences d interprétation Il existe des différences d interprétation entre les juridictions diverses, mais dans les grandes questions du droit d urbanisme, la jurisprudence du Conseil d Etat joue un rôle unificateur d un point de vue matériel. La doctrine exerce aussi beaucoup d influence, bien que moins directement. 2-9. Caractère suspensif des recours Comme les recours dirigés contre les actes administratifs exécutoires n ont pas d effet suspensif, l intéressé peut accessoirement déposer un recours en référé, lorsqu il souhaite le sursis à exécution d un acte d urbanisme, pour que les atteintes portées à l état des lieux ne soient irréversibles. mesures d urgence à caractère conservatoire. Les conditions d octroi sont - procédurales : la demande est ouverte à toute personne ayant un intérêt pour exercer un recours pour excès de pouvoir. - matérielles : la décision attaquée doit être de nature à porter au demandeur un préjudice irréparable ou difficilement réparable ; cette condition n est pas toutefois requise lorsque le recours principal est manifestement fondé Une fois ces deux conditions remplies, le juge dispose d un pouvoir discrétionnaire pour refuser l octroi du sursis, si la balance entre l intérêt général et l intérêt des tiers contre celui du requérant devient négative ; c est le cas des travaux intégrés dans le plan des Jeux Olympiques (Comité de sursis 215/2002).

Grèce / 7 La décision attaquée doit avoir un contenu positif, c est-à-dire le sursis n est pas accordé pour les décisions de refus, le juge administratif se refusant d adresser des ordres a l administration. Le sursis n est pas accordé lorsque l acte attaqué a été exécuté (Comité de sursis 37/2003); le permis de construire est considéré exécuté, lorsque le gros œuvre a été achevé, même sans tous les aménagements. Devant le juge civil, le requérant utilise la procédure du référé, laquelle offre un éventail plus grand de possibilités de remédier à la situation ; le juge civil ne considère pas qu il adresse par là des injonctions a l administration. 2-10. Délai d intervention des jugements Les décisions du juge interviennent après de longs délais; pour le recours pour excès de pouvoir ce délai monte jusqu à deux ou trois ans. Pour les procès devant les tribunaux administratifs ordinaires, les délais des jugements en dernier ressort le pourvoi en cassation inclus - peuvent monter jusqu à six ou sept ans. Pour les procès devant le juge civil les délais sont encore plus longs, pouvant atteindre les neuf ou dix ans. 2-11. Nature et effets des décisions rendues par le juge en matière d urbanisme La décision rendue sur un recours pour excès de pouvoir fait disparaître l acte attaqué ; sa portée est limitée par le caractère non suspensif du recours. L annulation du refus d accorder un permis de construire ne tient pas lieu d acte d octroi. Quant à l annulation d un acte d octroi, elle n a pas d importance pratique que lorsqu un sursis à exécution a été édicté ; la destruction de la construction, une fois celle-ci réalisée complètement ou en grande partie, est très rare et ne donne lieu qu à une réparation indemnitaire. La décision rendue sur un recours en indemnité ordonne l allocation d une indemnité et constitue un titre exécutoire. Quant au montant des indemnités allouées, seul le préjudice actuel est indemnisé. La décision du juge civil accorde des indemnités et la remise en état des lieux, alors que le juge pénal prononce des amendes et des peines privatives de liberté. 2-12. L exécution des jugements L administration n est pas toujours prête à se conformer aux jugements des tribunaux administratifs la Grèce a été par ailleurs condamnée par la Cour Européenne des droits de l homme pour violation de l article 6.1 du Traité (v. par exemple l arrêt Kallitsis c. Grèce du 14 décembre 2000), surtout lorsque l acte attaqué est annulé, et cela malgré l effet erga omnes de la décision. Le nouveau Code de la procédure administrative contentieuse (Loi 2717/1999) stipule que les décisions rendues sur un recours en indemnité constituent un titre exécutoire et peuvent donner lieu à une exécution forcée (art. 199), comme c est la règle pour les décisions des tribunaux civils. 2-13. Procédés permettant d échapper au contrôle du juge Les pouvoirs publics usent volontiers des procédés permettant d échapper au contrôle du juge ou aux effets des décisions; parmi ces procédés on peut citer la validation législative et l ajout des dispositions réglant officieusement des litiges pendants dans des textes de lois tout à fait étrangers à la question en cause. 3. LE JUGE ET LE DEVELOPPEMENT DU DROIT DE L URBANISME 3-1. Influence de la Cour Européenne des droits de l homme La Cour européenne des droits de l homme s est prononcée plusieurs fois sur le droit de l urbanisme grec, et notamment sur le régime des servitudes d urbanisme. Parmi les arrêts les plus connus, on peut citer : - l arrêt Papamichalopoulos et autres c. Grèce, du 31 octobre 1993, dans lequel la Cour a estimé que la privation d un bien immobilier depuis 1967 sans indemnisation du propriétaire constitue une expropriation de facto, et donc une violation du droit de propriété des requérants,

Grèce / 8 - les arrêts Katikaridis, Tsomtsos et autres c. Grèce, dans lequel la Cour a estimé qu une certaine disposition du droit hellénique, qui exclut l indemnisation complète due lors d une expropriation pour cause d utilité publique, lorsque celle-ci conduit à l augmentation de la valeur des terrains expropriés, constitue une violation de l article 1 du premier protocole de la Convention européenne ; la Cour a tenu compte du fait que la loi incriminée prive les requérants du droit de contester, devant le juge, l affirmation de l autorité publique que leur bien ait acquis de valeur du fait de l expropriation, constitue donc une présomption irréfragable. La Grèce a été condamnée pour la même violation dans l arrêt Savvidou c. Grèce du 1 er août 2000. Récemment la Grèce a été condamnée pour violation de l article 1 du Protocole n.1 dans les arrêts Georgiadis c. Grèce du 28 mars 2000, Papachelas c. Grèce du 4 avril 2000 et Iatridis c. Grèce du 19 octobre 2000, Platakou c. Grèce du 11 janvier 2001 et Pialopoulos c. Grèce du 15 février 2001 (restrictions prolongées à l usage des biens sans indemnisation). 3-2. Influence de la Cour de justice des communautés européennes L influence de la Cour de justice des communautés européennes sur le droit de l urbanisme grec s exerce indirectement, par le biais du droit de l environnement en premier lieu, et du droit des marchés publics, en second lieu. 3-3. L apport du juge constitutionnel Le contrôle de la constitutionnalité des lois n est pas l apanage d une seule juridiction, mais peut être exercé par tous les tribunaux, même par les juges de paix. Les grandes questions de constitutionnalité en matière d urbanisme se trouvent bien entendu résolues au sein du Conseil d Etat, et, lorsqu il y a une divergence de vues entre la Cour de Cassation, le Conseil d Etat et la Cour des Comptes, la Cour Spéciale Suprême. De telles grandes questions de constitutionnalité ont soulevé : - le rapport entre les dispositions constitutionnelles des articles 17 et 24.2, la première énonçant le respect du droit de propriété, la deuxième mettant l aménagement du territoire et l urbanisme sous le contrôle étatique. Ici le Conseil d Etat a donné priorité à l article 24.2, vu son caractère plus spécifique, selon le maxime lex specialis derogat lex generali (CE 695/1986, W. Skouris, Droit de l aménagement du territoire et de l urbanisme, 1991, p. 40-41), - le transfert des compétences en matière d urbanisme aux collectivités locales de deuxième dégré a été jugée non conforme à la disposition constitutionnelle mettant les interventions d urbanisme sous la responsabilité de l Etat (art. 24.2) (CE 951, 1271/2002, 870/2001), - une disposition législative (art. 25 de la loi 1337/1983) permettant, pour des raisons sociales, l édification de bâtiments dans des terrains non constructibles, qui a été jugée non constitutionnelle (CE 106/1991-Ass.), - une disposition législative imposant aux propriétaires de terrains intégrés à un plan d urbanisme de mettre une partie de leur propriété, partie analogue à son étendue, à la disposition de la collectivité publique pour la création d espaces à usage public, disposition qui a été jugée conforme à l article 24.3 de la Constitution (CE 2057/1994-Ass.), - les limitations apportées par diverses dispositions législatives au droit de propriété et au droit de construire dans les différentes zones ont été jugées conformes à la Constitution et notamment à l article 24.1 protégeant l environnement (CE 1169/1994), - par contre, il a été jugé que les expropriations non suivies par l indemnisation complète des intéressés constituent une charge du droit de propriété non conforme à la Constitution (CE 3064/2001), - l augmentation du coefficient de construction ne porte pas atteinte à la Constitution, lorsqu elle est accompagnée d une diminution du coefficient de couverture du terrain et d une augmentation de la partie verte (CE 412/1993-Ass.). 3-4. Principes généraux Le principe général de proportionnalité, d après lequel les limitations imposées par les opérations d urbanisme aux droits fondamentaux, comme le droit de propriété, ne doivent pas être excessives par rapport aux buts poursuivis par l opération en cause, permet de censurer les décisions

Grèce / 9 arbitraires, voire déraisonnables ; ces limitations doivent, en fait, respecter le noyau dur du droit fondamental atteint. Le principe du bilan coût-avantages, principe présentant certains rapports avec le principe de proportionnalité, impose aux autorités administratives de mettre en balance les avantages et les inconvénients que les opérations d urbanisme présentent pour les intérêts en cause. 3-5. Règles d origine jurisprudentielle Règles d origine jurisprudentielle ayant acquis le statut de principe général : Le principe de confiance légitime - dont il a été fait un usage abusif dans le domaine de l urbanisme et un principe jurisprudentiel voisin, le principe de sauvegarde de l acquis urbanistique, selon lequel les mesures prises par les collectivités publiques dans le domaine de l urbanisme, si elles ne peuvent améliorer l état existant, doivent au moins ne pas le faire dégrader (CE 10/1988-Ass.). Simples règles d origine jurisprudentielle: Une règle d origine jurisprudentielle s est formé lorsque le Conseil d Etat s est prononcé sur la nature juridique des plans d urbanisme. Le juge administratif a fait une distinction entre les plans d urbanisme qui énoncent des conditions ou de limitations du droit de la construction et ceux qui décrivent ou délimitent simplement les espaces à urbaniser ; seuls les premiers revêtent, selon la juridiction administrative suprême, une force réglementaire, les seconds constituant des actes administratifs dits généraux ou de portée générale, donc des actes individuels (CE 3507/1977, 488/1991). La doctrine soutient, par contre, que tous les deux types des plans d urbanisme possèdent une nature réglementaire (P. Dagtoglou, Droit administratif général, 1984, n. 167 s., W. Skouris, op. cit., p. 83). Une autre règle d origine jurisprudentielle : le juge administratif a interprété une disposition législative permettant au ministre de l aménagement du territoire et de l environnement d ordonner la suspension des travaux de construction après le déclenchement de la procédure d élaboration d un plan d urbanisme (art. 4 de la loi 1337/83) de la manière suivante : vu les limitations au droit de propriété que cette faculté du ministre est de nature à apporter, il doit y avoir une volonté claire et définitive de la part des instances compétentes pour mettre en œuvre cette procédure (CE 461/1982, 3299/1984, 3298/1988). 3-6. Différences d interprétation entre les différents ordres juridictionnels Il existe des différences d interprétation entre les juridictions diverses, mais dans les grandes questions du droit d urbanisme, la jurisprudence du Conseil d Etat joue un rôle unificateur d un point de vue matériel. La doctrine exerce aussi beaucoup d influence, bien que moins directement. 3-7. Il est vrai que plusieurs fois l interprétation du juge a gêné la réalisation des objectifs de la législation de l urbanisme. Les exemples les plus marquants sont : - la jurisprudence du Conseil d Etat sur les bâtiments arbitraires issue de l arrêt 247/1980, selon laquelle la pratique administrative de la légalisation ex post des bâtiments édifiés en violation du permis de construire ou sans un tel permis porte atteinte au principe même de l Etat de droit qui impose une action prévisible des pouvoirs publics, la protection des biens acquis légalement et l application stricte des lois en vigueur, ainsi qu à la dignité humaine, - toute une jurisprudence du Conseil d Etat sur le transfert du coefficient de construction a obligé le législateur grec à modifier souvent les dispositions applicables. 3-8. Codification des principes jurisprudentiels La jurisprudence du Conseil d Etat sur le transfert du coefficient de construction nous donne un exemple de codification des règles jurisprudentielles, portant notamment sur la nature des zones d accueil. 3-9. La politique jurisprudentielle On remarque en effet tout d abord un effort d assurer un équilibre entre les besoins de l administration et la sauvegarde de la protection juridique de l administré, mais aussi, une priorité

Grèce / 10 donnée aux interventions des personnes publiques au détriment parfois du respect du droit de propriété, même si le droit écrit reste attaché à ce droit fondamental. Il existe, plus généralement, quelques considérations qui reflètent la valeur accordée par le juge aux intérêts en présence, certains axes autour desquels la jurisprudence administrative se construit, et qui vérifient l hypothèse d une politique jurisprudentielle. Il n est pas rare de voir le juge exercer un contrôle poussé sur des actes qu il considère pourtant comme étant le fruit d une compétence discrétionnaire, pour sanctionner une action administrative jugée par trop libre, ou au contraire s abstenir à contrôler des concepts trop techiques qui pourraient relever parfois d une compétence liée.