QUAND LE CROWDFUNDING RENCONTRE LE DROIT DES PAIEMENTS. Pierre STORRER



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Transcription:

QUAND LE CROWDFUNDING RENCONTRE LE DROIT DES PAIEMENTS Pierre STORRER 1. La rencontre. On parlera de la rencontre entre un droit tout neuf : celui du financement participatif (ordonnance n 2014-559 du 30 mai 2014, décret d application n 2014-1053 du 16 septembre 2014, entrée en vigueur le 1 er octobre 2014), avec un autre droit à peine plus ancien : celui des paiements, tel qu une ordonnance du 15 juillet 2009 a transposé dans notre Code monétaire et financier (CMF) la directive sur les services de paiement de 2007 (DSP). On abordera en conséquence seulement le crowdfunding «non equity», lequel relève du droit de l investissement 1 ; donc seulement du crowdfunding par prêts ou par dons 2. Nous nous acheminions vers ceci : ajout d une dérogation au monopole bancaire, inscription dans le CMF d un régime prudentiel allégé d établissement de paiement (EP), création d un statut d intermédiaire en financement participatif (IFP). Sauf que, dans son dernier état, «mine de rien», le droit du financement participatif diffère sensiblement des premières orientations, communes, prises par l Autorité des marchés financiers (AMF) et par l Autorité de contrôle prudentiel (devenue Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)). Comme si les pouvoirs publics avaient imperceptiblement dévié de leur intention d origine. Ou que Ce texte est une version remaniée d une étude de l auteur, «Le droit nouveau du crowdfunding par prêts ou par dons», Rev. Banque, n 774, juill.-août 2014, p. 74. Avocat au barreau de Paris, Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP. 1 À ce sujet, Rapport AMF 2013, p. 24 et s. 2 Il est amusant de remarquer que les conseillers le sont d investissements participatifs au pluriel, cependant que les intermédiaires ne s entremettent que de financement participatif au singulier. À noter encore l opposition entre «intermédiation» en «financement» participatif, d un côté, «conseil» en «investissements» participatifs, de l autre.

100 LE CADRE JURIDIQUE DU CROWDFUNDING l on serait allé un peu (trop) vite en besogne 3, sans ignorer toutefois qu il y avait sans doute nécessité à réglementer sans (trop) tarder le rapport d analyse et d activité 2013 de Tracfin s inquiète ainsi d «un risque d optimisation juridique pour prendre le régime le moins contraignant en matière de lutte contre le blanchiment d argent et le financement du terrorisme». I. AVANT 2. Guide AMF/ACP. Avant, donc, AMF et ACP avaient publié (le 14 mai 2013) un «Guide du financement participatif (crowdfunding) à destination des plates-formes et des porteurs de projet» 4. Le décor était ainsi planté. D un côté se trouvent les sites internet permettant de récolter des dons (ou des contributions pouvant donner lieu à des contreparties diverses), dont l «activité s assimile à celle d un intermédiaire financier qui réalise des encaissements pour le compte de tiers» et s analyse en conséquence comme la fourniture de services de paiement, i.e. acquisition d ordres de paiement (CMF, art. L. 314-1, II, 5 ) et exécution d opérations de virement associées à la gestion d un compte de paiement (CMF, art. L. 314-1, II, 3 ) 5. Aussi bien, selon que la plate-forme fournit elle-même ces services ou agit pour le compte d un prestataire de services de paiement (PSP), elle doit (sauf exemption dite de «réseau limité») soit être agréée en qualité d EP, soit être déclarée en tant qu agent. Relèvent d un autre côté du monopole bancaire les plates-formes de crowdfunding permettant le financement de projets via des prêts à titre onéreux 6. Si bien que lesdites plates-formes, à la condition stricte que les prêts soient accordés (et les fonds recueillis) non par elles-mêmes mais par l établissement de crédit pour le compte duquel elles exercent, peuvent exercer sous qualité d intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP). 3 Comp. CCSF, Avis du 14 avril 2014 relatif au financement participatif (crowdfunding), regrettant que «les délais envisagés de mise en œuvre du projet ne permettent pas une concertation plus approfondie compte tenu de la complexité du sujet et des différents niveaux de normes juridiques qu il met en œuvre». 4 V. encore ACP et AMF, Guide du financement participatif (crowdfunding) à destination du grand public. 5 Comp. Revue ACP, n 13, juin-juill. 2013, Le Crowdfunding, p. 8 : «Dans la mesure où les sites de crowdfunding collectent des fonds pour le compte de tiers, ils relèvent de la réglementation des services de paiement». 6 Cf. Guide AMF/ACP, p. 4 : «( ) les prêts consentis à titre gratuit ne relèvent pas du monopole bancaire et ne nécessitent pas d agrément ou d autorisation spéciale pour être pratiqués».

P. STORRER : QUAND LE CROWDFUNDING RENCONTRE LE DROIT DES PAIEMENTS 101 3. Consultation publique. ACPR et AMF lançaient le 30 septembre 2013 une consultation publique, ouverte jusqu au 15 novembre 2013 : «Un nouveau cadre pour faciliter le développement du financement participatif» 7. Le texte maintenait une dissociation entre droit du crédit et droit des paiements, au bénéfice des compléments suivants. Monopole bancaire? Son assouplissement était envisagé, par ajout d une nouvelle exception à l article L. 511-6 du CMF pour permettre à des particuliers de consentir un prêt rémunéré. Services de paiement? Était proposé de lever l option de l article 26 de la DSP ce que le législateur français n avait pas fait lors de la transposition de celle-ci 8 afin de créer un régime prudentiel dérogatoire pour certains EP, comme il en existe un pour les établissements de monnaie électronique (CMF, art. L. 526-19). On retrouvait cela clairement exposé dans le rapport d activité 2013 du Pôle Assurance, Banque, Épargne (pôle commun à l ACPR et à l AMF), distinguant entre «les plates-formes de dons et le service de paiement» et «les plates-formes de prêts et les opérations de banque». 4. Déclaration politique. Le ministre Fleur Pellerin présentait, le 14 février 2014, le projet d assouplissement du cadre réglementaire du financement participatif qu elle souhaitait. Le dossier de presse exposait ceci : une réglementation des EP assouplie pour le don ; la création d un statut d IFP pour les plates-formes de prêt. On pourrait faire valoir qu un discours politique n a guère de valeur juridique. Sauf qu une législation prise par voie d ordonnance prive de travaux préparatoires sur lesquels s appuyer. Quoique frustre, peut-être, cette logique binaire avait le mérite de la clarté : un régime juridique propre à chaque type de financement participatif, rattaché tantôt au droit des paiements, tantôt au droit du crédit. On s y retrouvait à peu près. Mais les cartes ont été singulièrement rebattues depuis, au bénéfice d un régime unique (hors celui, bien sûr, des conseillers en investissements participatifs, CIP) à multiples tiroirs. 7 V. encore ACPR, Rapp. annuel 2013, p. 82 ; AMF, Rapp. annuel 2013, p. 24. 8 Voilà tout de même une curieuse façon (à contre temps) de lever une option de la DSP (art. 26) afin d inscrire un statut de «petit» établissement de paiement dans le CMF au prétexte (non-dit au demeurant, comme une sorte de législation téléologique cachée) d un intérêt particulier, celui de la promotion du financement participatif. Le rapport au Président de la République expose, laconiquement, que «ce statut est ouvert à d autres intermédiaires financiers».

102 LE CADRE JURIDIQUE DU CROWDFUNDING II. DORÉNAVANT... 5. De trois à deux catégories de crowdfunding. Tant le guide AMF/ACP que la consultation qu elles lancèrent par la suite distinguait bien les trois types classiques de financement participatif : sous la forme de dons, de prêts ou de titres financiers 9. Ne demeurent cependant dans l ordonnance du 30 mai 2014 que l investissement et le prêt : on lit en effet dans le rapport au Président de la République l accompagnant que «la réforme concerne deux types de platesformes», celles qui proposent soit des titres, soit des prêts ; que «le second volet de la réforme concerne le financement participatif sous forme de prêts et, dans une moindre mesure, de dons». On en déduit que le crowdfunding par dons n est pas directement réglementé, ce que la suite confirmera ; que le droit des services de paiement serait en conséquence évacué, ce que la suite démentira. 6. Une seule catégorie à «régime-valise». Nous le disions en commençant : une dérogation supplémentaire au monopole bancaire, la création d un régime prudentiel allégé d EP 10, l avènement du statut d IFP, telles sont les nouveautés apportées par l ordonnance du 30 mai 2014. Mais qu en est-il de nos repères? Comment cela s articule-t-il? Les IFP 11 d abord : seuls le sont (doivent l être) les personnes qui exercent, à titre habituel, via un site internet, l intermédiation pour les opérations de prêt à titre onéreux ou sans intérêt 12. Liberté est offerte à celles qui ne proposent que des opérations de dons de prendre (intérêt?), ou non, la qualité d IFP (CMF, art. L. 548-2, I et II, nouveaux). Le monopole bancaire ensuite : concernant, cette fois, les seuls prêts rémunérés, et afin de permettre aux plates-formes de les proposer, est ajouté une dérogation au monopole bancaire en faveur, non pas de celles-ci, mais des particuliers, dès lors à même de consentir de tels prêts, dans la limite de 9 On retrouve peu ou prou une même catégorisation dans la Communication de la Commission européenne du 27 mars 2014 : «Libérer le potentiel du financement participatif dans l Union européenne», COM (2014) 172 final, distinguant mécénat participatif (crowd sponsoring), prêt participatif (crowd lending) et investissement participatif (crowd investing). 10 Allégé signifiant dispense des règles de fonds propres et de contrôle interne, à l exception de celles relatives à la lutte anti-blanchiment et à l externalisation des prestations essentielles. En contrepartie, les EP bénéficiaires ne peuvent exercer sous passeport européen ni fournir des services de transmission de fonds. 11 Qui, rappelons-le, doivent être immatriculés à l ORIAS. V. son rapport annuel 2013, Avantpropos de son Président et p. 54. 12 On remarque que les prêts non rémunérés naviguent d un régime à un autre selon l évolution des textes.

P. STORRER : QUAND LE CROWDFUNDING RENCONTRE LE DROIT DES PAIEMENTS 103 1 000 euros par prêteur et par projet (CMF, art. L. 511-6, 7, et D. 548-1 nouveaux). Et les nouveaux «petits» EP? Sont-ils, toujours, le costume obligé du financement par dons? L ordonnance ne le dit pas, qui se contente de prévoir un régime prudentiel allégé, sans destination particulière (CMF, art. L. 522-11-1 nouveau). Le rapport au Président de la République nous éclaire un (tout petit) peu (mais ce n est qu un rapport, pas la loi!) : «Pour l exercice de leur activité, les plates-formes de dons ou de prêts sont susceptibles de recevoir des fonds. Pour faciliter le développement de cette activité, il est créé un régime prudentiel allégé des établissements de paiement» 13. D où il ressort que l IFP (prêts ou dons) n est pas, nécessairement, un PSP ; qu il ne le devient qu en cas de réception (ou encaissement) des fonds de ses clients. De là cette règle que les CIP peuvent être IFP, mais «à la condition de ne pas fournir de services de paiement» (CMF, art. L. 547-1, III, al. 2, nouveau) 14. 7. Conclusion provisoire. Même légitime, il est tout de même curieux d avancer que la soumission des IFP au régime des services de paiement, même allégé, soit destinée à promouvoir une telle activité (c est plutôt l inverse qui se produirait, en ce sens que le développement du crowdfunding encouragera la création de nouveaux EP 15 ). Car soit le droit des paiements «rattrapera» des intermédiaires qui, sans cela, exerçaient hors réglementation du financement participatif (dons) ; soit il doublera (doublonnera?) le statut d IFP (prêts, y compris sans intérêt, et dons par soumission volontaire). Un autre motif d étonnement est que le critère de déclenchement du régime des paiements est la réception ou l encaissement de fonds pour compte de tiers (caractéristique d une intermédiation financière), notion d autant plus large et conquérante qu elle n est pas définie, ni dans la DSP, ni dans le CMF. Qui ne connaissent pas de définition unitaire du 13 Le décret n 2014-1053 du 16 septembre 2014 relatif au financement participatif fixe à 3 millions d euros d opérations de paiement par mois le plafond en dessous duquel un établissement peut bénéficier du régime allégé. Le montant du capital minimum est quant à lui de 40 000 euros (CMF, art. D. 522-1-1 et D. 522-1-2 nouveaux). 14 On suppose que cette condition négative résulte de l article L. 547-6 nouveau du CMF, aux termes duquel «un conseiller en investissements participatifs ne peut recevoir de titres financiers de ses clients. Il ne peut recevoir d autres fonds que ceux destinés à rémunérer son activité». 15 En ce sens, Rapport ACPR, 2013, p. 47, à propos des agréments d EP : «L adoption prochaine des textes législatifs relatifs à la finance participative (crowdfunding) devrait par ailleurs générer de nouveaux projets».

104 LE CADRE JURIDIQUE DU CROWDFUNDING service de paiement mais posent seulement une liste des (ils sont sept) services de paiement 16. Or l on voit mal comment nos intermédiaires en financement (dons ou prêts), fût-il participatif (ou d «économie sociale et solidaire», l expression est à la mode, y compris législative : loi n 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l économie sociale et solidaire), ne recevraient ou n encaisseraient pas les fonds de leurs clients. Sauf à n être «que» les intermédiaires (double intermédiation) de PSP (qui eux-mêmes, soit dit en passant, peuvent être IFP : CMF, art. L. 548-2, III) et l on retombe, sans doute, sur les statuts d agent (le statut d IOBSP paraît fermé par les textes nouveaux) ou d IOBSP par quoi l on commençait... 16 Cf. P. STORRER, «Crowdfunding, bitcoin : quelle régulation?», D., 10 avr. 2014, n 14, Point de vue, et «L encaissement de fonds pour le compte de tiers vaut-il fourniture de services de paiement?», Revue Banque n 777, nov. 2014, p. 86.