Octobre 2013 La loi de bioéthique autorisant la vitrification des ovocytes est entrée en vigueur en juillet 2011. La vitrification des ovocytes fait désormais partie des techniques de procréation médicalement assistée qui pourront être proposées aux femmes en France. C'est une nouvelle technique de congélation rapide des ovocytes qui donne la possibilité aux femmes de congeler leurs ovocytes en prévision de la chute de la fertilité. De l avis de tous les spécialistes de la reproduction, la fertilité des femmes chute progressivement avec l âge. Ce processus se traduit tous les mois par une diminution du nombre de follicules et de la qualité des ovocytes. Selon les statistiques publiées en 2013 dans MT médecine de la reproduction gynécologie endocrinologie, aussi bien en ce qui concerne les grossesses spontanées que la procréation médicalement assistée, le taux de fertilité baisse à partir de 35 ans et devient quasi nul après 43 ans. Sur 100 femmes de plus de 40 ans, 57 auront une grossesse dans les deux ans, 7 auront recours à la procréation médicalement assistée et 36 ne parviendront pas à avoir un enfant. Avant 30 ans, 91 femmes parviendront à avoir un enfant, 3 seulement auront recours à la procréation médicalement assistée et 6 ne parviendront pas à avoir un enfant. C est donc en toute connaissance de cause que le Collège National des Gynécologues Obstétriciens s est prononcé en décembre 2012 en faveur de la vitrification des ovocytes pour des raisons non médicales, et ce, dans l optique de remédier à la chute de la fertilité liée au vieillissement des ovocytes et de l utérus avec l âge.
Avancée médicale, réponse à la pénurie du don d ovocytes ou réparation d une injustice à l encontre des femmes? Le docteur Joëlle Bélaisch-Allart, gynécologue obstétricienne spécialiste de la reproduction et vice-présidente du Collège National des Gynécologues Obstétriciens a bien voulu répondre à nos questions. Fibrome Info France lui dit merci. Pour rappel, la congélation de spermatozoïdes se pratique depuis 1940. Selon les chiffres émanant du premier symposium international sur la vitrification d'ovocytes qui s'est tenu le 7 février 2013 en Espagne, 80% des femmes ont appris l'existence de la vitrification des ovocytes sur internet et seulement 3% en ont entendu parler par leur médecin. Avec l'entrée en vigueur de la loi de bioéthique de juillet 2011, qui autorise et recommande aux femmes l'auto-conservation de leurs ovocytes «avant traitement potentiellement stérilisant», nous espérons que la vitrification des ovocytes sera proposée systématiquement aux jeunes femmes atteintes de fibromes utérins, non seulement en raison du risque d infertilité que comporte cette affection, mais également avant ou après des traitements chirurgicaux, en raison du risque d adhérences post opératoires ou de synéchies. Deux fiches pratiques consacrées à la vitrification et au don d ovocytes, téléchargeables sur notre site internet, permettront désormais aux femmes d en savoir plus sur le sujet. A. MBARGA Présidente de FIF
Le don d'ovocytes Depuis la loi de bioéthique du 29 juillet 1994, le don d'ovocytes et le transfert d'embryons ont donné aux femmes un moyen d'être enceintes et donner naissance à un enfant biologique sans pour autant être leur enfant génétique, en partant du principe que c'est la femme bénéficiaire du don qui porte le bébé et non pas une mère porteuse comme cela est le cas dans le cadre de la Gestation Pour Autrui (GPA). Le premier transfert d'un ovule fécondé d'un être humain à un autre, ayant abouti à une grossesse a été effectué en juillet 1983 ; et la première naissance humaine résultant d'un don d'ovule a eu lieu le 3 février 1984. Cette intervention a été réalisée au Harbour UCLA Medical Center sous la direction du Dr John Buster de la Los Angeles School of Medecine de l'université de Californie.En France, le don d'ovocytes représente environ 5% des naissances obtenues dans le cadre de la fécondation in vitro. En 2011, 402 femmes ont effectué un don d'ovocytes ayant bénéficié à 800 couples et donné naissance à 208 enfants. Le taux de réussite du don d ovocytes correspond à 20-25% des naissances en France. Ce taux s explique par l âge des donneuses qui est plus élevé en France qu à l étranger, d une part parce que peu de jeunes mères sont sensibilisées à la problématique du don d ovocytes, d autre part parce la loi de bioéthique de juillet 1994 qui l encadre, stipule que seules les femmes ayant au moins un enfant, peuvent donner leurs ovocytes.
Avec l entrée en vigueur de la loi de juillet 2011, autorisant la vitrification des ovocytes par des femmes non mères, et ce dans l optique de créer une banque d ovocytes, il y a lieu d espérer qu un nombre plus important de femmes puisse être sensibilisé. En effet, compte tenu de la pénurie de donneuses, les couples pouvant proposer une donneuse, seront prioritaires et recevront en retour des ovocytes d une autre donneuse anonyme. Pour ces couples, le délai annoncé est alors de 18 mois à 2 ans et quelques fois, plus court. Pour les autres couples, le délai d attente pourra aller audelà de 5 ans. Quant aux femmes ayant 40 ans ou plus, elles ont peu de chances d obtenir un don d ovocytes en France ; il leur est fortement conseillé d aller directement à l étranger et ce, idéalement avant l expiration du délai de prise en charge par l Assurance Maladie: le jour du 43 ème anniversaire de chaque candidate. Avec seulement 400 dons environ par an en France, la liste d attente et les délais sont importants. En contrepartie, le niveau de contrôle et la sélection des donneuses plus drastiques, notamment en ce qui concerne la génétique. La recherche de ressemblance entre la donneuse et les receveuses est appréciable. A l étranger le don d ovocytes a des résultats avoisinant 50-60% de réussite en fonction des cliniques, en raison principalement de l âge des donneuses, dont la moyenne se situe autour de 25 ans. A noter également la rapidité de la prise en charge des couples: il y a peu de délais; les prix sont cependant prohibitifs et les prestations très variables. F. FONTES
Entretien avec le Docteur Joëlle Bélaisch-Allart gynécologue obstétricienne spécialiste de médecine de la reproduction,vice-présidente du Collège National des Gynécologues Obstétriciens (CNGOF) FIF : La vitrification des ovocytes est une nouvelle technique de procréation médicalement assistée qui donne la possibilité aux femmes de congeler leurs ovules en prévision d une grossesse future au moment opportun: pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette nouvelle technique? Dr Joëlle Bélaisch-Allart: La vitrification est une technique de congélation ultra rapide beaucoup plus efficace que la congélation lente de l ovocyte qui était peu efficace. FIF: Comment s effectue le prélèvement des ovocytes? Les femmes désireuses de recourir à la vitrification des leurs ovocytes sont-elles soumises à un traitement préalable? Dr Joëlle Bélaisch-Allart : Une femme qui souhaite conserver ses ovocytes doit subir une stimulation de l ovulation puis une ponction d ovocytes qui s effectue sous échoguidage sous anesthésie générale légère, ou sous anesthésie locale.
FIF : La ponction d ovocytes est-elle possible chez une femme présentant une insuffisance ovarienne? Dr Joëlle Bélaisch-Allart: Si la femme présente une insuffisance ovarienne, il est trop tard pour stimuler ses ovaires. FIF : En décembre 2012, le Collège National des Gynécologues Obstétriciens s est prononcé en faveur de la vitrification des ovocytes pour des raisons non médicales : pourquoi selon vous peut-il être utile pour une jeune femme de recourir à ce procédé? Dr Joëlle Bélaisch-Allart : Le désir tardif d enfant est devenu un phénomène de société, notamment pour les femmes les plus diplômées et dans les grandes villes. La fertilité féminine décroît avec l âge et les techniques classiques d Assistance Médicale à la Procréation (AMP), hors don d ovocytes (dont on connaît les difficultés et les risques obstétricaux), ne compensent pas cette chute de la fertilité liée à l âge. L autoconservation ovocytaire grâce à la vitrification permet aux femmes de conserver leurs ovocytes, sans raison médicale autre que prévenir la chute de la fertilité liée à l âge.
FIF : Comment expliquez-vous le fait que la vitrification des ovocytes n était pas proposée jusqu ici aux femmes atteintes de fibromes alors même que cette pathologie comporte un risque d infertilité? Peut-on espérer que ce traitement soit proposé dorénavant aux jeunes femmes atteintes de cette affection avant ou après les traitements chirurgicaux, afin de préserver leur capital fertilité en cas d adhérences post opératoires ou de synéchies? Dr Joëlle Bélaisch-Allart : Les fibromes perturbent la fertilité en agissant essentiellement sur l utérus et non sur les ovaires; la vitrification ovocytaire n a donc pas grand intérêt dans ce cas. Les problèmes d infertilité liés aux fibromes sont des problèmes d implantation de l embryon dans une cavité utérine pathologique. La seule indication de la préservation ovocytaire en cas de fibrome, ce sont les femmes d âge limite pour la reproduction à partir de 38 ans, qui nécessitent une chirurgie car leurs fibromes sont trop volumineux. Or la grossesse est déconseillée après une chirurgie utérine pendant quelques mois, le temps que l utérus cicatrise. On peut proposer dans ces cas de faire la conservation ovocytaire, d opérer les fibromes, d attendre que l utérus cicatrise (pendant ce temps la femme vieillit...) et utiliser les ovocytes lorsque la cavité utérine est redevenue apte à l implantation puis au développement d un embryon.
FIF : La vitrification des ovocytes comporte-t-elle des contreindications? Des effets indésirables? Dr Joëlle Bélaisch-Allart : La véritable contre-indication c est lorsque les ovaires ne répondent plus à nos traitements, c'est-àdire l insuffisance ovarienne. FIF : Jusqu à quel âge une femme peut-elle recourir à la vitrification de ses ovocytes? Tous les centres de PMA sont-ils habilités à pratiquer cette nouvelle technique au regard de la loi en vigueur? Dr Joëlle Bélaisch-Allart : Tous les centres peuvent pratiquer la vitrification ovocytaire mais uniquement dans le cadre de la loi de bioéthique c est-à-dire pour un couple formé d un homme et d une femme, vivants, en âge de procréer. L autoconservation ovocytaire dite de convenance n est pas autorisée en France à ce jour. La loi de bioéthique de 2011 a effectivement autorisé la vitrification ovocytaire et a théoriquement offert la possibilité aux donneuses d ovocytes sans enfant de conserver une partie de leurs ovocytes pour elles-mêmes (ce qui pourrait entrouvrir en France la voie à l autoconservation ovocytaire dite de convenance) mais le décret d'application permettant de prendre ces donneuses en charge manque toujours à ce jour...
FIF : En comparaison avec la congélation de sperme qui se pratique depuis 1940, considérez-vous que la vitrification des ovocytes pour des raisons non médicales est une avancée pour la femme, un progrès médical ou la réparation d une injustice? Dr Bélaish-Allart : Le désir tardif d enfant est devenu un phénomène de société. Les femmes ne disposent que d une courte période pour se reproduire, période qui coïncide avec le moment où, si elles veulent réussir professionnellement, elles doivent s engager à fond dans leur carrière, contrairement aux hommes, pour qui combiner paternité et plan de vie professionnel pose moins de problème. FIF : Pouvez-vous nous donner un ordre d idées du coût de la vitrification des ovocytes? Cette nouvelle technique est-elle prise en charge par la sécurité sociale? Dr Joëlle Bélaisch-Allart : Une autoconservation coûte environ 3000 euros, pris en charge par l assurance maladie si la fertilité est prématurément menacée par exemple avant une chimiothérapie.
FIF ; Selon les chiffres émanant du premier symposium international sur la vitrification d ovocytes qui s est tenu le 7 février 2013 en Espagne, 80% des femmes ont appris l existence de cette technique sur internet et seulement 3% en ont entendu parler par leur médecin: comment expliquez-vous un tel déficit d information et peut-on espérer à l avenir une meilleure circulation de l information en consultation? Dr Joëlle Bélaisch-Allart : Pour le moment l autoconservation dite de convenance est interdite en France ; il est difficile aux médecins d en parler! Propos recueillis Par A. MBARGA Présidente de FIF Septembre 2013