Nitrates et qualité de l eau Impacts des modifications des pratiques de la fertilisation azotée sur l évolution de la qualité de l eau Programme régional d études sur sites bougies poreuses 1999-25 Contexte : La profession agricole, consciente de sa part de responsabi lité dans la pollution nitratée d une partie de la ressource en eau potable, a engagé depuis la fin des années 8 un certain nombre d actions visant à limiter les risques de fuites de nitrates vers les eaux souterraines. Le développement d de références r rences agronomiques régionales r pour le calcul de la dose d azote d (Observatoire Potentialités Agro-climatiques en Lorraine) et d outils d de pilotage de la fertilisation azotée e ont largement contribué aux modifications des pratiques agricoles dans le cadre des opérations Agri-Mieux Mieux,, zones vulnérables, périmp rimètres de captages ages et Contrat Territorial d Exploitation. d Sur les opérations Agri-Mieux Mieux,, le suivi de la qualité des eaux souterraines a montré qu'il était possible d'améliorer la qualité de l'eau en diminuant les quantités s d azote d minéral utilisées et par une meilleure prise en compte de la contribution des effluents d éd élevage sans pour autant pénaliser p la production agricole. Dans certains secteurs, l'impact des modifications des pratiques sur l'évolution de la qualité de l'eau est difficilement mesurab le. Les L particularités s hydrologiques de certains bassins peuvent conduire à de très lentes évolutions des teneurs en nitrates (le temps de réponse r peut se mesurer en dizaines d'années) pouvant remettre en cause l efficacitl efficacité des changements des pratiques culturales sur la diminution de la l concentration en nitrates dans les eaux. Aussi, pour démontrer d l intl intérêt des nouvelles méthodes m de raisonnement de la fertilisation azotée e sur la qualité des eaux sous culture, la Chambre Régionale R d Agriculture d de Lorraine utilise deux sites bougies poreuses depuis 1999. Ces dispositifs expérimentaux permettent de suivre l él évolution de la concentration en nitrates dans la solution du sol sous le système racinaire et de mesurer l impact l direct de chaque pratique de fertilisation azotée e sur les transferts de nitrates dans les eaux de lessivage. Cas DAR
Matériel et Dispositif expérimental Objectif des sites Comparer l impact de plusieurs pratiques de la fertilisation azotée a sur la qualité de l eau. Adapter au mieux l équilibre qualité des productions - qualité de l environnement 1 Matériel expérimental Bougies poreuses 1 - Pour ne pas pénaliser les interventions culturales et ne pas modifier le profil pédologique, nous avons choisi d utiliser des bougies poreuses placées horizontalement à un mètre de profondeur pour recueillir la solution du sol. 2 - Le principe de la bougie poreuse consiste à faire passer à l aide d une dépression, la solution du sol à l intérieur d une bougie en PVC munie d une tête en porcelaine poreuse située sous le système racinaire. Tube : - soit vide pour faire passer la solution du sol - soit pression pour chasser la solution de la bougie par le tube de prélèvement Tube de prélèvement Bouchon Tube en PVC Cupule L eau extraite de la bougie est utilisé pour le dosage en nitrates et le calcul des flux qui quittent le profil (figure n 1). 3 - Les prélèvements d eau sont réalisés tous les 4 mm de précipitations ou toutes les 3 semaines. Le volume d eau total est déterminé pour chaque bougie et un échantillon de 2 ml est prélevé pour y doser les nitrates. Figure n 1 2 Dispositif expérimental au champ 1 - Pour chaque pratique de fertilisation azotée étudiée, 7 bougies poreuses ont été installées en étoile sur un plot. Les tuyaux des 7 bougies du plot ont été regroupés dans une gaine enterrée dans une tranchée pour déboucher dans un regard en bordure de parcelle afin d y réaliser les manipulations de prélèvement d eau (figure n 2). 2 - Dans une même parcelle, 5 plots mitoyens ont été équipés pour permettre d étudier les effets de 5 pratiques de fertilisation azotée (figure n 3). Vue aérienne du dispositif Dose engrais apporté 1 - Pratique intensive 2 - Pratique raisonnée (actuelle) 3 - Pratique pilotée (méthode visuelle) 4 - Pratique en sous fertilisation sans apport d engrais X + 4 X X X 2 % Figure n 2 Passage de roues Bordure Pratique n 1 Bordure Pratique n 2 Bordure Pratique n 3 Bordure Pratique n 4 Bordure Pratique n 5 Bordure Bougies poreuses Passage de roues Collecte des eaux Chemin Figure n 3 3 Deux sites expériment aux semblables ont été aménagés en 1999 sur la Lorraine : (88) : sol superficiel argilo-calcaire du Bajocien (RU = 6 mm), système céréalier rotation culturale : Colza Blé - Orge. Villey St Étienne (54) : sol argilo-limoneux profond du Callovien (RU = 12 mm), système élevage rotation culturale : Maïs Blé Colza Blé.
Fertilisation azotée et qualité de l eau Effets des pratiques de fertilisation azotée sur la culture et sur les pertes d azote 3 Effets des pratiques de fertilisation azotée sur le rendement 1 De 1999 à 24, les rendements grains varient en moyenne de + 4 à - 6 % par rapport à la pratique dite raisonnée en fonction de la dose d azote apportée et du mode de fractionnement pour les quatre traitements fertilisés (tableau n 1). Tableau n 1 1- Intensive 2 - Raisonnée Pratiques de fertilisation azotée 3 - Pilotée (méthode visuelle) 4 - Sous fertilisation (MAE) 13% 1% 12% 94% 58% Villey st Et. 14% 1% 12% 97% 82% 2 - En sol superficiel sur le site de, le rendement du témoin est davantage pénalisé par rapport aux traitements fertilisés. Il en est de même pour la modalité «MAE». 4 Effets des pratiques de la fertilisation azotée sur la balance azotée culturale Balance az otée culturale (kg/ha) = Azote engrais Azote exportée par la culture 1 - Pour les traitements fertilisés, la balance azotée culturale est excédentaire de + 35 à + 1 kg N/ha en moyenne (Figure n 4). 2 - Pour la pratique intensive, elle est deux fois supérieure à celle de la pratique raisonnée. 3 - Pour les témoins, cette balance est négative : - 52 kg N/ha à - 67 kg N/ha à Villey St Etienne. Balance azotée culturale N kg / ha Moyenne de 1999 à 24 5 - Tém oin 4 - Sous fertilisation (MAE) 3 - Pilotée 2 - Raisonnée 1- Intens ive Figure n 4-75 -5-25 25 5 75 1 125 Villey st Et. 5 Suivi de la teneur en nit rates des eaux de lessivages 1 - Chaque année, 8 à 15 dates de prélèvement s d eau ont été réalisés de début novembre à mi-avril. Sur le site de Villey St Etienne, les dates de reprise et de fin drainage sont retardées de 15 jours (RU plus importante 12 mm). Pour représenter l évolution sur plusieurs années de la concentration en nitrates sous chaque pratique de fertilisation azotée, une moyenne m obile a été calculée (figure n 5). 2 - Au cours de la première année qui a suivi la mise en place des bougies poreuses, il y a eu une année blanche (pas de différenciation des pratiques de la fertilisation azotée) pour permettre une stabilisation du milieu. 3 Dés la deuxième année, l évolution des concentrations en nitrates semble se différencier en fonction des pratiques de fertilisation azotée. En sol plus profond à Villey St Etienne, cette différenciation sera observée une année plus tard. mg NO3 - / l 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1,, Suivi de la teneur en nitrates des eaux de lessivage à Colza (99/) Blé (/1) OP (1/2) OH (2/3) Colza ( 3/4) 1, 1/2/ 1/8/ 1/2/1 1/8/1 1/2/2 1/8/2 1/2/3 1/8/3 1/2/4 1/8/4 1/2/5 Blé (4/5) De 2 /5 à 25 (Trait 1 - MAE) (Trait 2- Témoin ) (Trait 4 - Raisonné) (Trait 3- Intensif) (Trait 5 - piloté /3 et Raisonné + fumier 4/5) Figure n 5
Fertilisation azotée et qualité de l eau Conséquences des pratiques de fertilisation azotée sur les concentrations en nitrates 6 Pratiques de la fertilisation azotée et concentration en nitrates 1 - Afin de tirer un premier bilan de ces expérimentations, une moyenne de la concentration en nitrates des eaux recueillies par les bougies poreuses a été calculée sur 4 campagnes ( figure n 6). 2 - La concentration moyenne en nitrates est plus importante sur le site de Villey St Etienne (système élevage, 46 mg NO3 - /l) qu à (système céréalier, 27 mg NO3 - /l). 3 - Le raisonnement de la fertilisation azotée pratiqué entre autre dans les opérations Agrimieux depuis le milieu des années 9 permet de réduire de 2 % la teneur en nitrates des eaux de lessivage par rapport aux pratiques plus intensives du début des années 9. 4 - L absence de fertilisation ne signifie pas pour autant zéro nitrate dans l eau, car ceux-ci sont produits naturellement dans le sol (17 et 34 mg NO3 - /l). Concentration moyenne en nitrates des eaux de lessivages 4 - Sous fertilisation (MAE) 3 - Pilotée (méthode visuelle) 2 - Raisonnée 1- Intensive Moyenne de 2 à 23 25 5 75 Villey st Et. mg N3- / l Figure n 6 5 - La réduction volontaire de 2 % de la dose d azote (par rapport à la dose calculée X) dans le cadre des MAE favorise une diminution plus importante de la concentration en nitrates (-15 à - 2 %) par rapport à la pratique raisonnée mais avec un r isque de pénalisation du rendement. 6 - L utilisation d outils de pilotage (ex : méthode visuelle) donne une qualité de l eau peu différente de celle mesurée en prat ique raisonnée. 7 Conséquence d un épandage d effluent d élevage sur l évolution de la qualité de l eau 1 - En août 23, un apport de fumier a été réalisé sur la pratique pilotée (35 t/ha de fumier d ovins à et 37 t/ha de fumier de bovins à Villey St Etienne) avant implantation d une culture de colza. 2 - Les amendements organiques tels que les fumiers contribuent à des apports de grandes quantités d azote 276 kg N/ha à et 125 kg N/ha à Villey (essentiellement sous forme organique) même avec des t onnages limités à 35 t/ha. 3 - Malgré le fort potentiel d absorption d azote par le colza, au cours des six mois qui ont suivi cet épandage la concentration en nitrates des eaux de lessivage a progressé de 39 % à et de 25 % à Villey St Etienne (figure n 7). 9 8 7 6 5 4 3 Effets d'un apport d'effluent organique sur l'évolution de la concentration en nitrates mg N3 - / l Apport d'effluent en août 23 4 - L effet lié à l effluent organique devient nul au cours de la troisième année. 5 - Ces résultats confirment le risque de dégradation de la qualité l eau lors d épandage d effluent organique. 6 - Pour réduire ce risque, il est préférable de limiter les quantités épandues par hectare et d adapter la fréquence des app orts en fonction des cultures. 2 1 avec effluent sans effluent Villey avec effluent Villey sans effluent Moyenne de la concentratioin en nitrates d'octobre 23 à janvier 24 Figure n 7
Fertilisation azotée et qualité de l eau Conséquences des pratiques de fertilisation azotée sur les flux d azote sous culture 8 Evolution de la lame d eau drainante 1 - Pour une même concentration en nitrates, les quantités d azote lessivées vont dépendre de l importance de la lame d eau drainante du moment. 2 - En fonction de la réserve utile des sols et des conditions climatiques (précipitations et évapotranspirations potentielles), la constitution de l eau drainante est établie pour chaque campagne (figure n 8). 3 - Les conditions climatiques particulièrement séchantes depuis 23 ont largement limité le niveau des lames d eau drainante annuelles (2 à 3 fois moins, figure n 9). mm 7 6 5 4 3 2 1 1-févr-99 1-août-99 mm 1 Evolution cumulée de la lame d'eau drainante 9 8 7 6 5 4 3 2 1 Evolution de la réserve en eau RU et drainage calculé Dc 1-mars-4 1-avr-4 1-mai-4 1-juin-4 1-juil-4 Colza (99/) Blé (/1) OP (1/2) OH (2/3) Colza ( 3/4) Blé (4/5) 628 mm 645 mm 548 mm 543 mm 318 mm 191 mm 1-févr- 1-août- 1-févr-1 1-août-1 1-févr-2 1-août-2 1-févr-3 1-août-3 1-févr-4 1-août-4 1-févr-5 1-sept-4 1-oct-4 1-nov-4 1999 à 25 RU = 6 mm Campagne du 1er février au 31 janvier Figure n 9 1-janv-5 1-mars-5 1-avr-5 1-mai-5 4/5 Dc RU = 6 mm Figure n 8 4 Ces faibles niveaux de lame d eau drainante n ont pas été sans conséquence sur l augmentation de la concentration en nitrates des eaux de lessivages (diminution de l effet dilution). 5 - Avec une réserve utile de 12 mm à Villey St Etienne, le niveau des lames d eau drainante est deux fois inférieur à celles de. 9 Détermination des flux de nitrates 1 - A partir des concentrations en nitrates et de la lame d eau drainante, un flux de nitrates a été calculé (kg NO3 - /ha). Pour chaque traitement, les quantités de nitrates lessivés sont calculées selon le principe suivant : Evolution des quantités de nitrates lessivés Figure n 1 par la lame d'eau drainante L NO3 = i [NO 3 ] i L NO3 : flux de nitrates x D c i-1, i [NO 3 ] i : teneur moyenne en nitrates prélevée par bougie poreuse au ième prélèvement D c i-1, i : drainage calcu lé entre les (i 1)ème et ième prélèvements 2 Sur cet essai, les quantités de nitrates lessivés varient de 3 à plus de 12 kg NO3 - /ha en fonction de la pratique de fertilisation azotée (figure n 1). kg NO3 - / ha Blé (4/5) 14 12 1 8 6 4 2 1-avr-4 1-juin-4 1-oct-4 1-avr-5 1 - Intensive 2 - Raisonnée 3 - Raisonnée avec fumier en 23 4 - Sous-fertilisation - MAE
Effets des modes de gest ion de la fumure minérale Correspondances entre la balance azotée culturale et le flux d azote 1 Balances azotées culturales et flux de nitrates lessivés 1 - Les flux d azote lessivé peuvent varier d une campagne à l autre de 1 à 3 en fonction des conditions de cultures et climatiques quelques soient les modalités de fertilisation azotée y compris le témoin zéro azote (figure n 11). 2 - Pour comparer les flux de nitrates lessivés à la balance azotée culturale, ils ont été transformés en flux d azote : NO3 - / N = 4,4271 Evolution des quantités de nitrates lessivés par la lame d'eau drainante kg NO3 - / ha OP (1/2) OH (2/3) Colza ( 3/4) Blé (4/5) 4 35 3 25 2 15 1 5 11 Relation balance azotée culturale et flux d'azote lessivé Azote lessivé estimé ( N kg/ha) 6 5 4 3 2 1-15 -1-5 5 1 15 2 Conclusion Villey St Etienne 1/2 - Blé 2/3 - triticale 3/4 - Colza 4/5 - Blé Balance azotée culture (N Kg/ha) Figure n 12 Ce programme d expérimentation a été réalisé : 1 - Intensive 2 - Raisonnée 3 - Pilotée puis fumier en 23 4 - Sous-fertilisation - MAE /5 3 - Les flux d azote lessivé sont proportionnels à l augmentation de la balance azotée culturale, mais avec un effet année très marqué (figure n 12). 4 - Pour un même niveau de balance azotée culturale, les flux d azote lessivé peuvent être différents d une année sur l autre et dépendent fortement des cond itions climatiques. 5 - Malgré une balance azotée culturale déficitaire (témoin zéro azote), les flux d azote lessivé ne sont pas négligeables. Ces résultats bougies poreuses confirment que le raisonnement de la fertilisation azotée pratiquée depuis le début des années 9 à partir du référentiel régional (OPAL) permet de limiter les flux d azote dans les eaux de lessivage par rapport à des pratiques antérieures. La réduction volontaire de la dose d azote (X 2 %) dans le cadre de mesures environnementales a des effets directs sur la réduction des pertes d azote mais avec une pénalisation du rendement. L absence de fertilisation minérale ne signifie pas pour autant zéro perte d azote dans les eaux de lessivage. Pour les situations en système élevage, il faut optimiser les épandages de fumiers en fonction de la sensibilité du milieu et du potentiel d absorption d azote par la culture et adapter la fumure minérale. Les épandages de fin d été ou début d automne devront être limités (tonnage à l hectare réduit) afin de réduire au maximum les risques de transferts d azote dans le milieu. sous la Maîtrise d ouvrage de : Chambre Régionale d Agriculture de Lorraine (contact : E. HANCE) avec le concours f inancier de : Cas DAR (Compte d Affectation Spécial du développement Agricole et Rural), Agence de l Eau Rhin-Meuse Conseil Régional de Lorraine Figure n 11 avec la collaborat ion : de l INRA de Mirecourt, des Chambres Départementales d Agriculture et des agriculteurs Chambre Régionale d Agriculture de Lorraine sept 27 - Crédits photos - CRALorraine