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Transcription:

Sommaire I. RAPPEL DE LA PROBLÉMATIQUE DE NON DURABILITÉ... 2 1.1. CONCEPTUALISATION ET DÉFINITION DE LA DURABILITÉ... 2 1.2. PRINCIPALES ÉTAPES DE LA MÉTHODOLOGIE ADOPTÉE POUR L APPRÉCIATION DE LA DURABILITÉ... 2 1.2.1. Mise à profit des données officielles... 2 1.2.2. Le découpage en zones homogènes et sa validation... 3 1.2.3. Caractérisation des zones homogènes retenues... 3 1.2.4. Identification des systèmes de production et données collectées... 4 1.3. CARACTÉRISATION DE LA SITUATION ACTUELLE DES SYSTÈMES AGRAIRES IDENTIFIÉS... 4 1.3.1. Pression sur les ressources naturelles... 4 - Ressources en eau... 4 - Ressources en sol... 5 - Couvert végétal naturel... 5 1.3.2. Des modèles de développement basés sur l intensification ont atteint leurs limites... 5 - Caractérisation des modèles... 5 - Menaces de non durabilité des systèmes en difficulté et leur interprétation... 8 1.3.3. Occupation de l espace caractérisée par une urbanisation peu maîtrisée... 9 1.3.4. Approches de développement agricole : intervention publique omniprésente et peu cohérente... 10 1.2. ELÉMENTS DE PROSPECTIVES... 10 1.2.1. Scénario tendanciel... 10 1.2.2 Scénario tendanciel majoré par des forçages économique et climatique... 12 - Définition des forçages... 12 - Conséquences de ces forçages sur l activité agricole... 13 - Conséquences sur les ressources naturelles... 13 II. STRATÉGIE D AMÉLIORATION DE LA DURABILITÉ... 17 2.1. MATRICE DE CORRESPONDANCE DES SYSTÈMES DE PRODUCTION ET DES MENACES... 17 2.2. AXES STRATÉGIQUES RÉPONDANT AUX EXIGENCES DE DURABILITÉ... 20 2.2.1. Présentation générale... 20 - Préservation de la productivité agricole... 20 - Sauvegarde des exploitations menacées... 21 - Gestion des risques... 21 - Protection et gestion des ressources naturelles (eau, sol, forêt)... 21 - Amélioration de la gestion de l urbanisation... 21 2.2.2. Contenu détaillé des axes stratégiques retenus... 21 - Axe de préservation de la productivité agricole... 22 - Axe de gestion des risques... 22 - Stratégie de sauvegarde des exploitations menacées... 23 - Protection et gestion des ressources naturelles... 23 - Gestion des processus d urbanisation... 28 2.4. CORRESPONDANCES ENTRE AGRO SYSTÈMES ET ACTIONS D ADAPTATION... 31 III. PLAN D ACTIONS ASSOCIÉ À LA STRATÉGIE D ADAPTATION... 35 3.1. INSERTION DE LA STRATÉGIE D ADAPTATION DANS LE TISSU INSTITUTIONNEL NATIONAL ET INTERNATIONAL. 35 3.1.1. Cadre national... 35 3.1.2. Cadre institutionnel international... 37 3.2. PLANNING DES ACTIONS D ADAPTATION... 37 IV- CONCLUSION... 40 CNEA / Rapport de la 3 ème phase i

Liste des abréviations ACTA AFA AIC AEP CNEA CTV CRA CRDA CSA CES DT FIOP GIS GTZ Ha IRESA INRAT Km MARH MEDD m mm OEP PPI UTAP URAP : Aménagement et conservation du territoire agricole : Agence Foncière Agricole : Association d intérêts collectifs : Alimentation en eau potable : Centre National d Etudes Agricoles : Cellule Territoriale de Vulgarisation : Centre de Rayonnement Agricole : Commissariat Régionale au Développement Agricole : Coopérative de services agricoles (actuellement SMSA) : Conservation des eaux et du sol : Dinar Tunisien : Financement des investissements et organismes professionnels : Système d informations géographiques : Coopération Technique Allemande : Hectare : Institution de la recherche et des études scientifiques agricoles : Institut National de la Recherche Agronomique de Tunis : Kilomètre : Ministère de l Agriculture et des Ressources Hydrauliques : Ministère de l Environnement et du Développement Durable : Mètre : Millimètre : Office de l Elevage et des Pâturages : Périmètre Public Irrigué : Union Tunisienne de l Agriculture et de la Pêche : Union régional de l Agriculture et de la Pêche CNEA / Rapport de la 3 ème phase ii

Résumé L étude stratégique de développement durable et Agriculture dans le gouvernorat de Nabeul est conçue en trois phases complémentaires. La première phase a permis de définir le concept de durabilité et sa caractérisation. La deuxième phase a été dédiée à l appréciation de la durabilité des systèmes agraires (de production) analysés dans les différents scénarii envisagés. La principale conclusion de l analyse effectuée montre que quelque soit le scénario considéré, des systèmes de production importants se trouvent menacés dans leur reproductibilité socio économique, voire leur faisabilité technique. Au vu d une telle conclusion, une stratégie de renforcement de la durabilité de l activité agricole s impose qui fait l objet de la présente phase de l étude (3 ème phase). Le rapport de cette troisième phase comprend trois parties. Une première partie de rappel de la problématique et des répercussions de la libéralisation des échanges et du changement climatique, ainsi que les stratégies mises en œuvre pour y faire face. Une seconde partie portant sur les orientations stratégiques pour un développement agricole durable et une troisième partie donnant les grandes lignes d un plan d action et des éléments de sa mise en œuvre. Rappel de la problématique de durabilité et éléments de prospective Les atteintes et les menaces sur les ressources naturelles - Ressources en eau Les ressources en eau du Cap bon sont composées de nappes excessivement surexploitées et de stocks mobilisés par des retenues relativement sous utilisées. Les eaux souterraines se trouvent alors menacées par l intrusion marine et ses conséquences sur la salinité, la baisse de plus en plus grande du niveau piézométrique. Des salinités dépassant par endroit 7 g/l de résidu sec sont enregistrées. Des cônes de dépression de -4 à -14 m, témoignant de l inversion du gradient d écoulement hydraulique et de l intrusion marine, sont aussi observés. Cet état des choses s est traduit par l abandon de plusieurs puits. On dénombre plus que 2800 puits abandonnés. Il importe de signaler que la construction des ouvrages de mobilisation des eaux de surface a fortement réduit la recharge naturelle des nappes qui se faisait à partir des Oueds. On estime que les nappes de la côte orientale ne sont rechargées annuellement que par uniquement 10% des quantités de pluies reçues ; celle de Grombalia est alimentée par seulement 6% de la pluviométrie de la région. La non connexion des retenues, leur éloignement relatif des périmètres irrigués et une utilisation limitée constituent les principaux problèmes que soulève la gestion des eaux de surface. L apport des eaux transférées du Nord s avère de plus en plus insuffisant pendant les mois de pointe (juillet) mais surdimensionné durant le reste de l année. De plus, les stations de traitement des eaux usées sont situées dans les zones produisant les cultures maraîchères, ce qui limite leur utilisation à moins d un transfert vers d autres zones. - Ressources en sol La petite exploitation domine dans le gouvernorat de Nabeul. L intensification des systèmes de production par l usage accru des inputs et des taux d utilisation élevés du sol ont constitué les principaux leviers pour pallier l exiguïté des exploitations agricoles. Des modes de faire valoir directs et indirects ont permis d organiser la production par les propriétaires, des métayers et des exploitants. Les conséquences des choix productifs et des arrangements institutionnels sont essentiellement une baisse de la fertilité des sols et, par voie de conséquence, des rendements. CNEA / Rapport de la 3 ème phase i

Outre ces menaces, les sols du gouvernorat connaissent, selon les agro systèmes distingués, des taux d érosion de moyenne à faible intensité. Toutefois, les interventions de lutte contre ces processus érosifs sont faibles, bien en deçà des besoins. Enfin, l occupation de l espace du gouvernorat est caractérisée par une urbanisation peu maîtrisée se traduisant par des pressions importantes sur les terres agricoles, par des inégalités d équipement du territoire et, partant, par un coût élevé sur la qualité de la vie. A titre d exemple, la régression des terres agricoles dans la zone Grombalia-Soliman entre 1996 et 2002 est estimée à 3150 ha soit 585 ha/an en moyenne. - Couvert végétal naturel Les systèmes de production conduits en pluvial et combinant céréales et élevage extensif présentent un coût environnemental élevé. L exploitation abusive de la forêt essentiellement en tant que parcours représente une menace sérieuse pour la durabilité de cette ressource. L omniprésence de l intervention publique avec peu cohérente dans les approches de développement L intervention publique a concerné la mobilisation et la protection des ressources naturelles notamment l eau, l approvisionnement en intrants, l organisation des producteurs, la réalisation de campagne de lutte contre les maladies Cette intervention n a pas atteint un niveau de cohérence permettant la hiérarchisation et la conciliation des objectifs contradictoires visés. Cette absence de cohérence apparaît lors de la recherche simultanée de l intensification des systèmes de production et la protection des ressources naturelles, lors de l implantation d unités industrielles ou touristiques créatrices d emplois sur des terres agricoles. Pour l exécution de leur intervention, les Pouvoirs Publics ont crée une Administration spécialisée. La mise en œuvre de ces structures administrative s est faite le plus souvent au détriment des anciennes organisations paysannes qui ont vécu un relâchement certain. Cette évolution des régimes institutionnels s est accompagnée par des difficultés de plus en plus évidentes de réussir des actions collectives, combien nécessaires pour l exploitation et la protection des ressources communes. La projection des tendances Le prolongement des choix observés dans la situation actuelle conduirait à des points de rupture certains. Ces derniers concerneraient l accélération de la dégradation du potentiel productif agricole et notamment ses éléments composés d actifs naturels. Ce processus de dégradation se traduirait par des baisses des rendements de plus en plus importantes et, partant, par l aggravation de l incapacité de certains systèmes de production à rémunérer les facteurs de production à leurs coûts d opportunité. Deux voies extrêmes d accroissement de la productivité des actifs agricoles peuvent être envisagées. La première consiste à augmenter, via la mécanisation, la surface cultivée par actif. Dans le cas du gouvernorat, la mécanisation des travaux agricoles offre une marge de manœuvre d accroissement de la productivité du travail agricole, particulièrement faible. La seconde voie est un processus d intensification continue des techniques d exploitation de ressources en terre limitées, c'est-à-dire d augmentation des rendements physiques à l hectare. Le paquet de la révolution verte (mécanisation, irrigation, semences sélectionnées, intrants divers) a constitué un tournant sur cette voie. La prédominance de la petite et moyenne exploitation dans le gouvernorat de Nabeul a favorisé cette deuxième voie de développement de l activité agricole. Les limites de cette solution sont évidentes dans les systèmes de production pratiquant le maraîchage. La reconversion des systèmes de culture au profit de spéculations moins exigeantes en main d ouvre et en eau d irrigation pourrait constituer une voie intermédiaire entre les deux premières CNEA / Rapport de la 3 ème phase ii

précédemment présentées. Il convient de signaler que les dernières augmentations des prix mondiaux des céréales observées favoriseraient une telle reconversion. Une telle voie pourrait affecter des systèmes de production actuellement sans difficulté de reproduction. La probabilité d une telle éventuelle augmentera, si ce renchérissement des prix des céréales se poursuit aux cadences observées. Impacts de la libéralisation des échanges et des changements climatiques - Sur la durabilité des ressources L impact des changements climatiques se traduirait par l amplification des facteurs déjà en place. Les ressources édaphiques seront dans l avenir menacées par les perturbations des régimes pluviométriques et leurs conséquences sur la violence des écoulements et aussi par les besoins d intensification des systèmes de production exigée par l amélioration ou/et le maintien de la compétitivité des produits agricoles. L élévation accélérée du niveau de la mer conduirait à la submersion des zones basses, situées essentiellement sur les côtes orientales. Cette submersion se traduira par des pertes des sols agricoles évaluée à 1225 ha ce qui aggravera la pression sur cette ressource. L étude des effets de l élévation accélérée du niveau de la mer a identifié les sites suivants qui seront concernés par la submersion. Le site de la plaine de Soliman appartenant au golfe de Tunis : De surface actuelle de 220 hectares, cette zone se transformera en une lagune de 270 hectares entourée de 450 hectares de zones humides basses, soit une extension totale de 500 hectares. - La zone du Golfe de Hammamet : Deux sites importants seraient potentiellement submersibles, le site du complexe du fond du Golfe d Hammamet (Sidi Khlifa-Halk El Menjel) et le site des sebkhas du Sahel central. Au total, 3300 ha seraient submergés Le site du chapelet des sebkhas côtières (15 à 20 km entre Kélibia et Nabeul) : Les surfaces actuelles de l ordre de 460 hectares, se transformeraient en lagunes de 730 hectares entourées des zones basses en forme de sebkhas, soit une perte totale de terres de l ordre de 1000 hectares. En ce qui concerne les ressources en eau, elles seraient affectées par les changements climatiques et par les politiques économiques instaurant une plus grande ouverture des frontières vis-à-vis du reste du monde. Les changements climatiques auront essentiellement un impact sur les régimes pluviométriques et partant des changements dans le ruissellement et l écoulement et, partant, dans l érosion des sols, donc sur la salinisation et l élévation du niveau de la mer. Le changement du régime d écoulement et l élévation du niveau de la mer ont les effets de loin les plus importants. La côte orientale du Cap Bon est citée parmi les zones les plus vulnérables à l élévation de la mer. Par conséquent, ses ressources souterraines déjà très fragilisées par une grande surexploitation, seront mises en péril suite à cette élévation accélérée du niveau de la mer. L ouverture de l économie va se traduire par des accroissements des quantités des produits agricoles exportés et produits actuellement dans la région. L eau étant un facteur principal de production agricole des exportations du gouvernorat de Nabeul (les agrumes, la vigne et les cultures maraîchères) connaîtra un accroissement de sa demande. En outre, la demande des secteurs économiques serait appelée à augmenter, notamment celles de l eau potable et du secteur touristique. Les projections prévisibles à l horizon 2050 seraient la perte de 47% des ressources en eau et l augmentation de la salinité jusqu à son seuil maximum, de l ordre de 5 à 6 g/l. CNEA / Rapport de la 3 ème phase iii

- Sur la durabilité des activités Les perturbations dues aux forçages économique et climatique entraîneraient l aggravation de la fragilité des systèmes de production menés en sec et en irrigué et de l acuité des conflits à propos de l utilisation des ressources. L ouverture des frontières et la réduction de la protection de certains produits agricoles exposeront les systèmes de production à une concurrence accrue. Les changements climatiques agiront à la marge des effets de libéralisation des échanges et réduiraient les dotations en ressources naturelles (eau, sol) et augmenteraient les besoins en eau des cultures pratiquées. Les systèmes de production agricoles de la région auront donc à améliorer leur compétitivité dans un contexte de réduction des ressources naturelles. Les systèmes de production les plus concernés par cette amélioration de la compétitivité sont ceux basés sur la viniculture, la tomate et le lait. Il est évident que ces changements attendus aggraveraient la situation des systèmes de production déjà en difficulté. Deux catégories de systèmes de production peuvent se comporter différemment vis-à-vis de la libération des échanges. La première catégorie représente les systèmes compétitifs dont l existence est économiquement justifiée. En revanche, les systèmes de production de la deuxième catégorie ne peuvent pas supporter la concurrence et ne seront pas économiquement durables. Ces systèmes nécessitent une reconversion pour gagner en compétitivité. Soumis au forçage climatique, les systèmes de production à capacité compétitive certaine vont se subdiviser à leur tour en deux groupes, le premier est composé de systèmes qui seraient appelés à être compétitifs et un deuxième dont la durabilité écologique serait menacée. L'efficacité des stratégies et la nécessité de nouvelles orientations stratégiques Les prolongements des tendances, que confirment les orientations du XI ème Plan, risquent d aggraver les menaces qui pèsent sur certains systèmes de production, notamment les plus fragiles que ce soit en matière de dotation en ressources ou en matière de compétitivité. Les pouvoirs publics agissent par des mesures de correction et la recherche d une gestion optimale de la demande en eau, en particulier, et de l ensemble des ressources naturelles en général. Ces mesures devraient atténuer les impacts du prolongement des tendances sur les systèmes mais ne seraient suffisantes pour faire face aux menaces que véhiculent les changements climatiques et que peut engendrer une libéralisation des échanges des produits agricoles et agro-alimentaires. Une stratégie d amélioration de la durabilité de l activité agricole s impose quelque soit le scénario considéré. Cette stratégie comprend deux grandes composantes essentielles à savoir la reconversion des systèmes de production économiquement non durables et la sauvegarde des systèmes écologiquement non durables. Stratégie de durabilité : Orientations stratégiques et axes de développement La stratégie à élaborer est considérée, ici, comme étant un ensemble cohérent de recommandations choisies de manière à pouvoir conduire à des actions rationnelles, simples et datées (situées dans le temps), et intégrées dans leurs relations. Elle consiste à mettre en valeur l analyse des interdépendances et des interfaces entre les objets de la réalité étudiée. Il s agit de l aboutissement d un processus interdisciplinaire de compréhension et d étude mené conjointement par l équipe CNEA et les responsables régionaux, notamment ceux du secteur agricole, les cadres du CRDA. Compte tenu de l organisation sociale de l activité agricole, la conception de la stratégie de durabilité fera intervenir trois échelons institutionnels : local, régional et national. Au niveau local, la stratégie devra préciser les adaptations à entreprendre essentiellement par les propriétaires, les exploitants et les métayers. L échelon régional fera intervenir le CRDA et les autres directions régionales chargées de la gestion de l espace, de l environnement et du développement CNEA / Rapport de la 3 ème phase iv

économique et social du gouvernorat. Les départements ministériels de l agriculture et des ressources hydrauliques, d une part, et de l environnement et du développement durable, d autre part, constituent l essentiel des acteurs à impliquer au niveau national. Le contenu de l intervention de l ensemble de ces opérateurs est à décliner en actions techniques, économiques et institutionnelles. Au vu d un tel contenu, un plan d actions est élaboré. Les actions proposées dans ce rapport intègrent les éléments pertinents des stratégies validées d adaptation à l élévation accélérée du niveau de la mer et du secteur agricole aux changements climatiques. Elles tiennent aussi compte des résultats des analyses menées sur le terrain avec les opérateurs locaux. Le contenu de la stratégie élaborée est structuré autour de cinq orientations conçues pour permettre à l activité agricole du gouvernorat de dépasser les menaces de non durabilité observées et aussi de s adapter aux forçages anticipés. Ces orientations concernent (i) la préservation voire l augmentation de la productivité agricole, (ii) la sauvegarde des exploitations menacées, (iii) la gestion des risques inhérents à l aggravation de la variabilité climatique, (iv) la protection et la gestion des ressources naturelles (eau, sol, forêt) et (v) l amélioration de la gestion de l urbanisation. Contenu détaillé des axes stratégiques retenus 1) Axe de préservation de la productivité agricole Il convient de rappeler que les marges de manœuvre pour réaliser un tel objectif sont jugées faibles. Toutefois, trois actions complémentaires structurent le contenu de cet axe. Elles concernent des gains de productivité à travers l amélioration des efficacités, l incitation à la performance économique et la dynamisation des associations des producteurs. L amélioration des efficacités technique et allocative de l utilisation des facteurs de production constitue la principale source de gain de productivité pouvant être mise à profit. Le renforcement de la régulation par les mécanismes du marché est de nature à informer les producteurs des valeurs d échange des facteurs utilisés. L amélioration du référentiel informationnel de ces producteurs, les incitera à en faire un meilleur usage, notamment en ce qui concerne les ressources naturelles. Des mécanismes d'incitation positive indexée aux résultats économiques des exploitations sont à penser et à mettre en place. Selon, ces mécanismes certaines subventions ou prêts seraient réservés aux exploitations les plus performantes. Il s agit ici de définir deux catégories d incitations, l une à objectifs économiques et l autre à visée sociale. Les bénéficiaires de ces deux catégories d interventions publiques doivent être correctement ciblés selon leur performance économique. Le renforcement et la dynamisation du tissu associatif constituent une troisième voie de développement, à opposer au marché et à l Etat social dont l intervention est appelée à se réduire. Ce courant associatif doit gagner en autonomie et en efficacité. Il permettra de réduire les coûts de production, de commercialisation et de transaction. Il sera aussi un garant de la réussite de l action collective, pour l amélioration de la gestion des ressources communes, nappes, forêts, périmètres irrigués. Ce tissu associatif est à promouvoir à différentes échelles, au sein même d un maillon d une filière donnée (les producteurs ou les intermédiaires de la filière tomate ou agrumes), entre les maillons d une même filière ou aussi entre différentes filières. Cette dernière possibilité autorisera la création de consortium d exportation regroupant pour plusieurs filières (agrumes, vignes, etc.) ou/et d approvisionnement de systèmes de production à orientations culturales différentes. 2) Axe de gestion des risques Actuellement les agriculteurs cherchent à gérer les risques encourus à travers leurs choix productifs. C est ainsi que l engouement pour la tomate, par exemple, est à expliquer par des prix CNEA / Rapport de la 3 ème phase v

homologués payés par les transformateurs et par une bonne maîtrise des techniques de production, résultat d une certaine spécialisation. Cette spécialisation s est traduite par une baisse des rendements réalisés. De plus, l ouverture des frontières et les changements climatiques auront, comme il a été précédemment précisé, des effets d amplification des risques auxquels les agriculteurs seront confrontés. Pour permettre aux agriculteurs de la région de Nabeul de faire face aux risques amplifiés, quatre actions sont identifiées. La première action vise à réduire la variabilité des revenus des ménages agricoles. La deuxième et la troisième proposent l instauration de systèmes d assurance et de programmes de stockage. La dernière concerne la recherche agronomique et la possibilité de mettre au point des paquets technologiques de nature à réduire le risque physique. La diversification des spéculations agricoles et la pluriactivité sont des possibilités de réduction de la variabilité des revenus des actifs agricoles. Toutefois, leur faisabilité se trouve conditionnée d une part par la limitation des risques spécifiques à chaque spéculation en ce qui concerne la première possibilité et d autre part par des actions d aménagement du territoire, c'est-à-dire l existence de solutions non agricoles à des problèmes agricoles, pour ce qui est de la deuxième possibilité. Le développement de systèmes d assurance est de nature à permettre aux agriculteurs de partager les risques auxquels ils font face. Ces systèmes devront autoriser les agriculteurs à se protéger contre des risques isolés, mauvaises récoltes dues à des infestations, vents, etc. Ils doivent aussi concerner les effets de sécheresse ou les inondations, phénomènes plus généraux et appelés à devenir plus fréquents. Compte tenu de l absence de référentiels technique et institutionnel permettant d asseoir ces systèmes d assurance sur des bases solides, une phase pilote de fiabilisation des paramètres est à lancer dans un premier temps par l Administration. Les privés prendront la relève au fur et à mesure que la base informationnelle nécessaire au fonctionnement des systèmes d assurance mis en place devient suffisante pour la prise de décision. Un programme de stockage des produits est un autre levier de lutte contre les risques associés à l activité agricole dans le nouveau contexte mondialisé et subissant les effets des changements climatiques. Ce programme autorisera du stockage à la ferme par les agriculteurs eux mêmes, par des associations d agriculteurs à constituer ou aussi le stockage par des privés à l échelle locale ou régionale. Les incitations à mettre en place par les Pouvoirs Publics pour le lancement d un tel programme concerneraient des prêts pour le financement des stocks. L information sur la structure temporelle des prix constitue un autre élément non moins important pour la gestion des stocks détenu par des privés. La recherche agronomique devra intégrer le risque en tant qu objectif de sélection de ses résultats. Etant donné l amplification attendue de la variabilité des résultats de l activité agricole, le risque physique dû à cette variabilité des productions est à considérer comme un élément central dans la conception de nouveaux programmes de recherche. Ces derniers auront comme objectif primordial la réduction de la variabilité des rendements enregistrés. 3) Stratégie de sauvegarde des exploitations menacées Il s agit de concevoir des actions visant à aider des exploitations compétitives à dépasser des situations critiques dues à des évènements climatiques extrêmes. Des crédits de campagne dont les échéanciers de remboursement tiennent compte des cycliques climatiques sont à mettre en œuvre, des soutiens publics sous forme d achat d aliments de bétail ou de traitement phytopathologiques sont à concevoir. Les effets de ces aides seront renforcés et complétés par ceux des actions visant à atténuer le risque physique et financier. CNEA / Rapport de la 3 ème phase vi

4) Protection et gestion des ressources naturelles Cet axe stratégique comprend des dispositions communes à toutes les ressources qui revêtent un caractère plutôt national et d autres doublement spécifiques, à chaque ressource et par catégorie de ressource. (i) Dispositions communes à toutes les ressources Elles concernent des actions pour la veille climatique et océanographique qui consistent d une part, à suivre les évènements climatiques et leurs conséquences sur le niveau des mers et, d autre part, à analyser les données collectées par les systèmes de suivi à mettre en place. La protection de la côte et des zones basses contre l érosion et la submersion est une action prévue par cette catégorie de dispositions. Le renforcement de l action collective en tant que processus de gestion des ressources communes constitue une autre disposition générale à envisager. Ce renforcement passe par l autonomisation des organisations d usagers. Les actions de veille climatique et océanographique comportent des mesures pour le suivi climatique et océanographique mais aussi pour la protection des ressources naturelles et les infrastructures portuaires. Les mesures techniques à réaliser pour assurer la veille et le suivi concernent essentiellement (i) la mise en place d un système de centralisation des informations, (ii) l installation de marégraphes pour le suivi du niveau de la mer sur le terrain, (iii) l installation de houlographe courantomètre pour le suivi de la houle et du courant, (iv) la mise en place de moyen de calcul pour le traitement et l interprétation de données et (v) la mise en place d un système de diffusion et d exploitation des données après traitement. Les travaux envisagés pour l adaptation des zones basses concernent l exhaussement près de 34 millions de m 3 de remblais. Les zones concernées sont principalement les Sebkha de Slimane et de Hamam Laghzaz, la côte orientale du Cap Bon et le fond du golfe de Hammamet. La surface concernée est d environ deux mille sept cents hectares (2700 ha). Les mesures d adaptation des côtes contre l érosion sont de deux catégories, la première concerne le suivi et l étude du trait de côte (280 km). La seconde se rapporte à la régénération de cordons dunaires et de protection côtière (130 km). Les actions de protection des eaux souterraines du littoral sont de quatre ordres (i) Etude lithologique et structurale des nappes côtières ; (ii) Renforcement de la surveillance des bilans quantitatifs et qualitatifs ; (iii) Protection des aquifères contre la surexploitation et (iv) Recharges artificielles des nappes côtières. (ii) Dispositions spécifiques Les actions spécifiques à la ressource eau sont classées en deux grandes catégories, la première concerne l augmentation de ses disponibilités et la seconde l amélioration de la gestion des stocks mobilisés. Les actions d accroissement des volumes mobilisés regroupent l acquisition de connaissances plus fines dans le temps et dans l espace des données météorologiques, hydrologiques et souterraines, la création de nouvelles retenues (barrages, des barrages collinaires et des lacs collinaires) pour capter le maximum possible des eaux de ruissellement, l exploration des nappes souterraines à des profondeurs supérieures à 1000 m, la création de nouvelles zones de recharges artificielles des nappes. Les actions se rapportant à la gestion des stocks mobilisés concernent le suivi du niveau piézométrique et de la qualité des eaux des nappes les plus exploitées, l interconnexion des retenues d eau pour créer un équilibre hydrique, l intensification de l utilisation des eaux usées traitées en développant les outils et les méthodes de traitement, l élargissement des zones CNEA / Rapport de la 3 ème phase vii

d interdiction et d entretien pour la protection des eaux souterraines de la surexploitation, le renforcement de la législation en vigueur en réglementant l exploitation individuelle et favoriser l exploitation collective des ressources en eau. Outre ces actions, des mesures spécifiques sont préconisées au niveau de certaines nappes connaissant des situations particulières, à l instar des nappes de Haouaria, des côtes orientales Nabeul Hammamet et de Grombalia. En ce qui concerne les ressources en sol, et selon l état actuel de leur dégradation et l importance de l intervention des pouvoirs publics dans leur protection, l action devra prendre deux orientations, une plus grande implication des agriculteurs dans la lutte antiérosive et la poursuite des travaux de protection. L implication des propriétaires dans le processus de lutte contre la dégradation de la fertilité de leur terre est à concevoir dans le cadre d une politique de gestion de l environnement combinant les instruments économiques (taxes, subvention) et de sensibilisation pour atteindre ces objectifs. En absence d une telle politique, les travaux mécaniques auront ont une faible longévité et seront sans effet sur la perte de la fertilité des sols due aux pratiques culturales adoptées. L action de protection contre l érosion des sols sera assurée par des techniques douces sur les terrains à faibles pentes et par des terrassements là où la pente est importante. 5) Gestion des processus d urbanisation Cette gestion a, pour objectif, la réalisation d une meilleure maîtrise de l'urbanisation, une rationalisation des extensions urbaines qui s opèrent au détriment des terres agricoles, une amélioration de l équipement des zones rurales et une orientation des incitations fiscales vers les projets réalisés conformément aux documents d'urbanisme en vigueur. Cet objectif est atteint à travers la mise en œuvre d un ensembles cohérent d actions pouvant être classées trois catégories, l amélioration de l efficacité des documents d urbanisme existant, l élaboration d outils de planification et d orientation de l utilisation de l espace pour les zones qui ne sont pas encore concernées par ces documents(les zones rurales) et la conception et la mise en œuvre d autres incitations de nature économique pour influencer l occupation de l espace. Les incitations à l investissement sont actuellement accordées en fonction de leur localisation par rapport aux limites administratives (délégations prioritaires). Un tel ciblage a favorisé l'implantation de projets en dehors des agglomérations urbaines mais dans leurs environs immédiats dans des zones généralement agricoles. Ce ciblage peut être utilement amélioré par la prise en compte, outre la localisation administrative, le critère de vocation de l'emplacement d'après un document d'urbanisme en vigueur et non en fonction d un simple déclassement ponctuel. Des réformes des textes sont, à cet effet, nécessaires. D une manière générale, ces axes stratégiques concernent l ensemble des systèmes agraires définis. Toutefois, on peut relever une certaine correspondance entre des actions contenues dans l un et l autre des axes et un système agraire donné. C est ainsi que l adaptation du système agraire I, maraîchage, est davantage une question de protection de la côte, d amélioration de l efficacité de la gestion des ressources communes, nappes et réseaux d irrigation et d aménagement des zones rurales. La création de consortiums d exportations ou d approvisionnement en intrants permet aussi aux systèmes de production de cette zone de maîtriser leurs coûts de transactions et, partant, d améliorer leurs rentabilités respectives. La durabilité de l activité agricole dans l ensemble Nabeul-Hammamet sera améliorée par une protection des terres agricoles à garantir par une actualisation de son schéma d aménagement urbain et par des gains d efficacité de l usage des ressources naturelles, notamment les eaux usées. CNEA / Rapport de la 3 ème phase viii

Le système agraire III verra sa durabilité améliorée particulièrement par la relance du tissu associatif, des gains d efficacité des plantations et par une protection des terres agricoles dans le cadre d une vision concertée de l affectation des sols à garantir par une révision du schéma directeur d aménagement du territoire. La relance négociée de l action coopérative est un levier institutionnel non moins important que les autres mesures. Le système agraire basé sur les cultures pluviales sera concerné davantage par des actions dédiées à la gestion des risques associés à ses activités et par des actions de protection des terres contre l érosion. La lutte contre ce phénomène est aussi à concevoir à travers l instauration d actions collectives visant la protection de la forêt et la gestion des externalités induites par les choix techniques des agriculteurs. Il importe de signaler que l adoption de l action collective négociée en tant qu approche de gestion des problèmes environnementaux constituera une innovation institutionnelle dans ce domaine. En outre, la stratégie de durabilité comporte des actions conçues aux échelons national et régional et visant à créer un cadre favorable à la mise en œuvre des mesures ventilées par système agraire. Il s agit essentiellement d améliorer la connaissance à propos des chocs anticipés et de leurs effets sur le potentiel productif national. Des actions d adaptation sont aussi prévues, notamment la création d assurances agricoles et l orientation de la recherche agronomique vers la mise au point de systèmes de production adaptés à l exagération des extrêmes climatiques habituels. L examen des cadres institutionnels national et international prouve que l insertion et le financement de cette stratégie d amélioration de la durabilité ne doivent pas poser des difficultés particulières. Toutefois, des structures ad hoc aussi bien à l échelle nationale et régionale en charge de la mise en œuvre d une telle stratégie restent à concevoir et à créer. La réussite de l action collective concertée constitue une autre condition nécessaire pour cette stratégie. CNEA / Rapport de la 3 ème phase ix

Introduction Il importe de rappeler que «l étude stratégique de développement durable et Agriculture dans le gouvernorat de Nabeul» est conçue en trois phases complémentaires. La première phase a permis de définir le concept de durabilité et sa caractérisation dans le cas du gouvernorat étudié. La deuxième phase a été dédiée à l appréciation de la durabilité des systèmes agraires (de production) analysés dans les différents scénarii envisagés. La principale conclusion de l analyse effectuée montre que quelque soit le scénario considéré, des systèmes de production importants se trouvent menacés dans leur reproductibilité socio économique, voire leur faisabilité technique. Au vu d une telle conclusion, une stratégie de renforcement de la durabilité de l activité agricole s impose. La stratégie à élaborer est considérée, ici, comme étant un ensemble cohérent de recommandations choisies de manière à pouvoir conduire à des actions rationnelles, simples et datées (situées dans le temps), intégrées dans leurs relations comme dans un système de coordonnées ou d équations. Son élaboration dépasse la simple juxtaposition de contributions spécialisées sur l évolution du climat, la disponibilité des ressources en eau, le rôle des écosystèmes ou sur la performance des agro - systèmes. Elle part d une vision intégrée des questions abordées. Elle consiste à mettre en valeur l analyse des interdépendances et des interfaces entre les objets de la réalité étudiée. Il s agit de l aboutissement d un processus interdisciplinaire de compréhension et d étude mené conjointement par l équipe CNEA et les responsables régionaux, notamment ceux du secteur agricole, les cadres du CRDA. Compte tenu de l organisation sociale de l activité agricole, la conception de la stratégie de durabilité fera intervenir trois échelons institutionnels : local, régional et national. Au niveau local, la stratégie devra préciser les adaptations à entreprendre essentiellement par les propriétaires, les exploitants et les métayers. L échelon régional fera intervenir le CRDA et les autres directions régionales chargées de la gestion de l espace, de l environnement et du développement économique et social du gouvernorat. Les départements ministériels de l agriculture et des ressources hydrauliques, d une part, et de l environnement et du développement durable, d autre part, constituent l essentiel des acteurs à impliquer au niveau national. Le contenu de l intervention de l ensemble de ces opérateurs est à décliner en actions techniques, économiques et institutionnelles. Au vu d un tel contenu, un plan d actions est élaboré. Les actions proposées dans ce rapport intègrent les éléments pertinents des stratégies validées d adaptation à l élévation accélérée du niveau de la mer et du secteur agricole aux changements climatiques. Elles tiennent aussi compte des résultats des analyses menées sur le terrain avec les opérateurs locaux. Le contenu de la stratégie élaborée est structuré autour de cinq orientations conçues pour permettre à l activité agricole du gouvernorat de dépasser les menaces de non durabilité observées et aussi de s adapter aux forçages anticipés. Ces orientations concernent (i) la préservation voire l augmentation de la productivité agricole, (ii) la sauvegarde des exploitations menacées, (iii) la gestion des risques inhérents à l aggravation de la variabilité climatique, (iv) la protection et la gestion des ressources naturelles (eau, sol, forêt) et (v) l amélioration de la gestion de l urbanisation. CNEA / Rapport de la 3 ème phase 1

I. Rappel de la problématique de non durabilité 1.1. Conceptualisation et définition de la durabilité Au cours de la première phase de l étude, il a été procédé à la conceptualisation et à la définition de la durabilité. Trois dimensions essentielles de la durabilité ont été distinguées ; La durabilité économique qui renseigne sur la capacité d une activité à dégager un produit en mesure de rémunérer la totalité des facteurs utilisés à leurs prix économiques. La dimension écologique concerne le respect des systèmes écologiques affectés par l activité économique considérée (externalités négatives émises). La dernière dimension se rapporte au degré d adaptation des techniques utilisées aux exigences des écosystèmes et aussi à la rentabilité économique. La réalisation de ces exigences est assurée par un ensemble d interactions devant exister entre ses principales dimensions de la durabilité, économique (le potentiel productif, ressources naturelles et équipements et sa rentabilité analysée dans une optique dynamique) et la technologie adoptée (ou requise). L existence et l efficacité de ces interactions sont largement déterminées par les institutions adoptées et mises en œuvre et par le capital social de l organisation sociale étudiée. Les exigences de la durabilité sont à analysées en termes : (i) de substituabilité des facteurs de production. L existence de choix techniques adéquat mais aussi d un système de prix favorable à cette substitution constitue une première réponse. L adoption des techniques d économie d eau est un exemple de cette substitution entre facteurs, dans la mesure où cette technique se traduit par le remplacement de l eau par le capital (et de l énergie). L introduction de la mécanisation, des traitements chimiques et de la récolte de la pomme de terre actuellement observée dans la zone I est une autre illustration de cette substitution. (ii) de gestion de l environnement conciliant sa protection et sa mise à profit par les usagers. Une telle gestion requiert la conception et la mise en œuvre d instruments économiques (taxes/ subvention), de textes et de lois organisant l accès aux ressources naturelles et aussi de campagnes d informations et de sensibilisation des usagers. (iii) et d un tissu institutionnel adapté et à même d organiser l accès aux ressources naturelles et la diffusion/production des innovations techniques devenues nécessaires. En conclusion, les interactions permettent en particulier de gérer les chocs internes et externes, et ce, par la mise en place de mécanismes d adaptation et d auto régulation. Il est crucial de signaler que plus les formes d adaptation issues de ces mécanismes intègrent ces interactions, plus elles sont viables et plus la durabilité du système social est grande. Selon ce cadre conceptuel, la durabilité de l activité agricole est à apprécier à la lumière des interactions entre le milieu naturel exploité, les activités elles-mêmes, les techniques utilisées, les institutions régissant le fonctionnement du secteur, les politiques visant son développement et la conservation des ressources utilisées. 1.2. Principales étapes de la méthodologie adoptée pour l appréciation de la durabilité 1.2.1. Mise à profit des données officielles Sur la base des données officielles disponibles, il a été procédé, en ce qui concerne les ressources naturelles, à la description des dotations du gouvernorat en ces actifs et à la caractérisation des modes d accès à ces derniers et de leur état de protection/ dégradation. Les activités agricoles utilisatrices de ces ressources productives ont été présentées. Les principaux résultats techniques et économiques générés par ces activités sont analysés. L appréciation des degrés de compatibilité des stratégies mises en œuvre par les acteurs en présence pour exploiter ces ressources constitue un CNEA / Rapport de la 3 ème phase 2

éclairage important et complémentaire à l analyse précédente, c'est-à-dire celle des statistiques quantitatives. 1.2.2. Le découpage en zones homogènes et sa validation Sur la base des données GIS relatives à la carte agricole, notamment celles qui concernent les aspects pédologiques, géomorphologiques et climatiques et d occupation des sols, un premier découpage de l espace du gouvernorat en zones homogènes a été opéré. Ce découpage a fait l objet d une présentation (réunion du 06/11/2007) suivie d une discussion en vue de sa validation par les cadres du CRDA de Nabeul. Les zones homogènes retenues sont au nombre de quatre et correspondent grosso modo aux trois systèmes agraires pouvant être distingués et à la zone urbaine de Nabeul- Hammamet : 1) le système des cultures maraîchères menées en irrigué, 2) l agriculture pluviale pratiquée dans le cap Bon central, 3) et le système arboricole composée de la viticulture menée en sec et de l agrumiculture conduite en irrigué. En outre, le différentiel d urbanisation a été pris en compte pour distinguer une quatrième zone à savoir l ensemble Hammamet-Nabeul. 1.2.3. Caractérisation des zones homogènes retenues Cette caractérisation s est faite en termes de précision de leurs consistances administratives (secteurs, délégations concernées), de leurs dotations en ressources naturelles mises à profit (eau : volume, sources d eau, sol : surface et degré de vulnérabilité, couvert végétal : forêt et parcours) et des principales spéculations pratiquées. Les menaces essentielles de cette mise en œuvre du potentiel productif sont ensuite étudiées, notamment celles liées aux organisations paysannes et leurs conséquences sur la protection des ressources naturelles. Les données objectives relatives aux dotations en ressources naturelles et aux occupations des sols des périmètres irrigués compris dans ces zones ont été mises à profit lors de cet exercice de caractérisation. Des discussions avec les cadres régionaux et locaux du CRDA (les chefs de division de production agricole et d exploitation des périmètres irrigués, des chefs CTV et de CRA) d une part, et des agriculteurs, de certains responsables locaux de l Union Tunisienne de l Agriculture et de la Pêche (UTAP), d autre part, ont permis de compléter les données officielles et d apprécier l importance des principales menaces de durabilité identifiées. Sur la base du contenu de l analyse des zones jugées, au prime abord comme étant parfaitement homogènes, des spécificités locales ont été décelées. Celles-ci peuvent être liées à des conditions climatiques, morphologiques ou liées à la tenure foncière. Elles sont à interpréter comme des variantes du système agraire concerné. Elles correspondent à des variations intra zone des caractéristiques essentielles d un système agraire donné. A l exception des données physiques ou celles se rapportant à un investissement structurant géographiquement circonscrit tel qu un barrage ou un périmètre irrigué, la définition de ces sous zones s est faite sur la base des connaissances des acteurs sur place, cadres du CRDA, agriculteurs, responsables locaux. Chaque sous-zone est caractérisée par sa contribution aux principales productions caractérisant le système agraire concerné et par la dégradation de ses ressources naturelles. L analyse de la dimension institutionnelle est conçue ici comme une tentative d explication de l incapacité des sociétés locales à gérer la dégradation des actifs naturels qu elles exploitent. Les choix techniques responsables de la dégradation des ressources naturelles relevée sont analysés au niveau de systèmes de production à étudier. Le choix d un échantillon d exploitations à enquêter a permis une telle étude. CNEA / Rapport de la 3 ème phase 3

1.2.4. Identification des systèmes de production et données collectées Les systèmes de production sont identifiés à la fois en fonction des critères classiques d occupation culturale des sols (orientations des cultures et intégration de l élevage) mais aussi de techniques de production et de relation avec le milieu naturel. Pour certaines strates ou sous zones, la dimension institutionnelle (adhésion à des associations paysannes) a constitué un critère pertinent de classification et de définition des systèmes de production Des interviews avec des informateurs privilégiés (Focus group de 4 à 5 personnes par groupe) ont été conduits. Les groupes sont composés tantôt de cadres du CRDA (les chefs CTV et de CRA) tantôt par des agriculteurs. Ces interviews ont permis l élaboration de la typologie des systèmes de production au niveau de chaque zone homogène. Pour chaque système de production, un échantillon de deux à trois exploitations agricoles a été retenu qui ont fait ultérieurement l objet d enquêtes. Les données collectées auprès des groupes d informateurs privilégiés concernent : les orientations culturales dominantes (assolements / types d élevage), les rotations techniques et les techniques de production (degré de mécanisation des opérations culturales, apports des engrais minéraux et de la fumure organique, technique d irrigation et efficience de cette opération), les relations avec le milieu naturel utilisation de la forêt en tant que terre de culture ou en tant que parcours (en ha ou en % de l apport fourrager), sources d eau et types d accès à la ressource (individuel, collectif), tour d eau, les organisations paysannes / institutions pour l écoulement de la production, l accès aux ressources naturelles, l approvisionnement en intrants, les modes de faire valoir dominant. l évolution des rendements obtenus en unités physiques, Ces données générales sont complétées et illustrées par des données ponctuelles relatives à des exploitations précises faisant partie de l échantillon retenu auprès desquelles des enquêtes ont été menées. Le nombre d exploitants enquêtés est de trois à quatre par sous zone. L enquête s est déroulée selon un guide d entretien préparé à l avance et concerne essentiellement les points suivants : - Une description de l appareil de production. - Une description des spéculations pratiquées : cultures, élevage... - L établissement des fiches technico-économiques des productions réalisées. - L estimation du revenu de l exploitation et rémunération des principaux acteurs (propriétaires de la terre, métayer / locataire). Ces rémunérations peuvent être ajustées en fonction de monétisations de la dégradation du milieu naturel occasionnée par l exploitation. - Les menaces (atouts) pesant sur l exploitation. L exploitation des données recueillies a permis de caractériser chaque système de production : taille, statut de la propriété, techniques de production en relation avec le milieu naturel, l emploi agricole, et d estimer ses performances économiques et son coût environnemental. 1.3. Caractérisation de la situation actuelle des systèmes agraires identifiés 1.3.1. Pression sur les ressources naturelles - Ressources en eau Les ressources en eau du Cap bon sont composées de nappes excessivement surexploitées et de stocks mobilisés par des retenues relativement sous utilisées. Les eaux souterraines se trouvent CNEA / Rapport de la 3 ème phase 4

alors menacées par l intrusion marine et ses conséquences sur la salinité, la baisse de plus en plus grande du niveau piézométrique. Dans les faits, on enregistre des salinités dépassant par endroit 7 g/l de résidu sec. Des cônes de dépression de moins quatre à moins quatorze mètres, témoignant de l inversion du gradient découlement hydraulique et de l intrusion marine, sont aussi observés. Cet état des choses s est traduit par l abandon de plusieurs puits. On dénombre plus que 2800 puits abandonnés. Il importe de signaler que la construction des ouvrages de mobilisation des eaux de surface a fortement réduit la recharge naturelle des nappes qui se faisait à partir des Oueds. On estime que les nappes de la côte orientale ne sont rechargées annuellement que par uniquement 10% des quantités de pluies reçues, soit près de 580 mm en moyenne. Celle de Grombalia est alimentée par seulement 6% de la pluviométrie de la région, soit 460 mm par an en moyenne. La non connexion des retenues, leur éloignement relatif des périmètres irrigués et une utilisation limitée constituent les principaux problèmes que soulève la gestion des eaux de surface. En outre, il convient de noter que l apport des eaux transférées du Nord s avère de plus en plus insuffisant pendant les mois de pointe (juillet) mais surdimensionné durant le reste de l année. De plus, les stations de traitement des eaux usées sont situées dans les zones produisant les cultures maraîchères, ce qui limite leur utilisation à moins d un transfert vers d autres zones. - Ressources en sol Comme dans toutes les régions d anciennes agricultures, la petite exploitation domine dans le gouvernorat de Nabeul. L intensification des systèmes de production par l usage accru des inputs et des taux d utilisation élevés du sol ont constitué les principaux leviers pour pallier l exiguïté des exploitations agricoles. Des modes de faire valoir directs et indirects ont permis d organiser la production par les propriétaires, des métayers et des exploitants. Les conséquences des choix productifs et des arrangements institutionnels sont essentiellement une baisse de la fertilité des sols et, par voie de conséquence, des rendements. Outre ces menaces, les sols du gouvernorat connaissent, selon les agro systèmes distingués, des taux d érosion de moyenne à faible intensité. Toutefois, les interventions de lutte contre ces processus érosifs sont faibles, bien en deçà des besoins. En plus, l occupation de l espace du gouvernorat est caractérisée par une urbanisation peu maîtrisée se traduisant par des pressions importantes sur les terres agricoles, par des inégalités d équipement du territoire et, partant, par un coût élevé sur la qualité de la vie. - Couvert végétal naturel Les systèmes de production conduits en pluvial et combinant céréales et élevage extensif présentent un coût environnemental élevé. L exploitation abusive de la forêt essentiellement en tant que parcours représente une menace sérieuse pour la durabilité de cette ressource. 1.3.2. Des modèles de développement basés sur l intensification ont atteint leurs limites - Caractérisation des modèles Les conditions d accès aux ressources naturelles et de leur mise en valeur ont entraîné des baisses de rendements physiques observées dans certains modèles de développement peu compatibles avec leur reproduction. Cette incompatibilité s exprime dans les faits par une baisse de la rentabilité de ces modèles du point de vue des acteurs privés concernés. Il convient de noter que la prise en compte des principaux dégâts causés à l environnement rendrait la rentabilité sociale encore plus douteuse. En effet, il est possible de considérer l impact sur l environnement en tant qu un coût de production pour la collectivité. Un tel coût pourrait être approché par la valeur monétaire des baisses de rendements constatées, méthode d évaluation dite des variations des productivités. CNEA / Rapport de la 3 ème phase 5

En dépit de la diversité des caractéristiques des modèles de développement agricoles connaissant des blocages de reproduction, l échec essentiel de ces modèles est dû à leur incapacité à générer un surplus économique durable à même d attirer le capital et le travail. Il sera donc procédé à la mise en exergue des principaux mécanismes ayant été à l origine de cet échec. L accès à la terre organisée en propriété ou en copropriété privées morcelées a entraîné l apparition de la location ou du métayage comme mode de faire valoir indirect. Ce dernier, à son tour, a été à l origine d une course vers l intensification peu respectueuse de la fertilité des sols cherchant à rémunérer et la propriété et le gérant. Dans cet élan d exploitation intensive du foncier, l irrigation est apparue comme un levier important. Cette course peu encadrée à l irrigation s est très vite traduite par une surexploitation des nappes ; laquelle surexploitation a engendré une augmentation des teneurs en sels des eaux d irrigation. La dégradation de la qualité des eaux d irrigation et la baisse de la fertilité des sols, l absence d assolements ont été à leur tour à l origine de baisses substantielles des rendements des cultures pratiquées. Les rendements ainsi obtenus ne permettent plus de dégager des valeurs ajoutées à même de rémunérer tous les intervenants, propriétaires, locataires et/ou métayers. A titre d illustration de cette incapacité de certains modèles à rémunérer les facteurs de production à leurs coûts d opportunité, le tableau n 1 donne les résultats économiques d enquêtes menées auprès d un échantillon d exploitations appartenant aux différents systèmes de production identifiés. Tableau 1 : Marges brutes par ha dégagées par les systèmes de production enquêtés (DT/ha) Système Surface en ha Occupation du sol en ha Elevage en tête Marge brute par ha Maraîchage d hiver (0,2 ha) Polyculture irriguée dominante maraîchage d été 2 Tomate (1 ha) Arachide (0,5 ha) PDT saison (0.5 ha) 1700 1.75 PDT (1.5ha) fourrage (1,2 ha) tomate (0,5 ha) piment (0.2 ha) 3 vaches RP 6010 PDT (0,6 ha) Orge (0,7 ha) 3 (1 ha irrigué) Tomate (0,3ha, Arachide (0,3ha) Orge sec (1ha) Fève (1ha) 2 vaches RLC 1500 Système dans PPI mixte 6 Artichaut (1ha) Céréales (0,5 ha) Piment (3 ha) Pastèque (0,7 ha) Melon (0,8 ha) 2350 6.5 BD (1,5 ha) tomate (4) Piment (1 ha) 1600 Polyculture irriguée avec maraîchage d hiver 2 20 Fraise, pomme de terre, tomate, piment, maraîchage d hiver PDT AS (1.5) ; Sal. & choux (0.5) ; PDT S (1.5), piment (0.5) 1920 3300 Monoculture de fraise 2 Fraise / fraise Agrumes sur eaux usées 1.5 Agrume 1 vache RLC 4000 12700 CNEA / Rapport de la 3 ème phase 6

Fourrage / élevage sur eau usée 2.5 (2 loués) Luzerne (0.5) fourrage d hiver (2) fourrage d été (1.5) 15 vaches 4520 6.5 (5 loués) Luzerne (1) fourrage d hiver (5.5) fourrage d été (2.5) 30 Vaches RLC 3500 4 Oliviers (0.5) agrumes (1.2) orge (2) fourrage (3.3) 12 vaches 3500 Polyculture élevage 150 Grenadier + pêcher (45) olivier (25) grandes cultures (80) 200 brebis 600 4 Oliviers (0.5) agrumes (1.2) orge (2) fourrage (3.3) 12 vaches 4600 Système arboricole à base de vigne 18.5 Blé irrigué (2.5) olivier (2) vigne de table (2) vigne de cuve (4) amandier (2) pêcher (6) 3 Vigne de table (1.5) vigne de cuve (1.5) 3500 650 1.5 Agrume (1.5) 3500 Système agrumicole 2.5 Céréales (2.5) agrumes (360p) prunier (50p) bigaradier (60p) 1050 2.5 Agrumes (2.5) 9145 Grandes cultures en pluvial (plaine) 3.5 BD (1) orge (1) VA (1) Fève (0.5ha) 3 vaches RLC + 10 brebis 1015 Grandes cultures en pluvial (plaine) 40 BD (14 ha) orge (6) ha fourrage (10 ha) leg.(10 ha) 18 vaches RLC 825 Elevage caprin en zone de montagne 50 caprins 2500 Compte tenu des loyers de terre pratiquées dans le gouvernorat (environ 1000 DT /ha irrigué et 400 dinars/ha en sec) et des revenus escomptés par les métayers (près de 1000 DT /ha), tous les systèmes de production dégageant une marge brute moins de 2000DT/ha irrigué et de 1500 D/ha en sec connaissent des difficultés de reproduction. A côté de ces modèles en difficulté, le tableau n 1 montre d autres modèles qui sont en mesure de dégager un surplus suffisant pour assurer leur reproductibilité. Il s agit essentiellement des modèles : - de jeunes plantations d agrumes conduites en mode de faire valoir direct dans des exploitations de tailles acceptables (2 à 3ha) et profitant des eaux du nord et de bonnes conditions édaphiques. Un tel modèle représenterait 40% de l agrumiculture de la région, - de systèmes de production combinant irrigué (cultures maraîchères et arboriculture) et pluvial (céréales, fourrages et élevage) dans la région de Korba- Menzel Temime et pratiqués sur de grandes à moyennes exploitations, CNEA / Rapport de la 3 ème phase 7

- de système de vignes de table conduit dans la région de Kélibia essentiellement, ou de vigne pour la transformation de la région de Grombalia avec cépage amélioré et jeunes plantations pratiqués par des exploitations adhérentes aux coopératives de vinification. De tels systèmes représenteraient près de 60% de la viticulture de la région - et enfin les nouveaux modèles de développement observés particulièrement dans la région de Nabeul Hammamet, initié le plus souvent par de jeunes agriculteurs et pratiquant une agriculture mécanisée combinant sec et irrigué sur de grandes surfaces. Les capacités financières indéniables de ces promoteurs leur permettent de conduire des services agro-touristiques sur leurs exploitations. En somme, le tableau n 1 montre l existence de deux catégories de systèmes de production, ceux qui sont en difficulté de reproduction et d autres qui dégagent des résultats économiques suffisants pour garantir leur durabilité. La première catégorie montre des menaces de non durabilité. - Menaces de non durabilité des systèmes en difficulté et leur interprétation Il s agit, ici, d une part d identifier les expressions pratiques des menaces de non durabilité des systèmes en difficulté et, d autre part, de les interpréter à la lumière du cadre conceptuel précédemment élaboré. Le tableau n 2 permet de faire la correspondance entre les menaces de non durabilité observées et leur interprétation en termes du cadre conceptuel retenu. Tableau 2 : Correspondance entre menaces observées et types de non durabilité Expressions pratiques Sur exploitations des nappes Dégradation des sols par érosion Travail du sol peu adapté Sur pâturage (parcours et forêt) Urbanisation peu maîtrisée Faible exploitation des PPI Systèmes céréaliers Modèles ayant atteint leurs limites P.I. privés Petite exploitation Causes / types de non durabilité Non durabilité écologique institution action collective peu efficaces Techniques peu appropriées institution d internalisation des externalités inexistantes Techniques peu adaptées Institutions actions collectives anachroniques Economique institution Incitations économiques absentes action collective difficile Non durabilité économique Technico-économique Technique - institutions Technique -institutions On peut, sur la base du contenu du tableau n 2, classer les menaces de non durabilité en trois catégories. La première se rapporte à la dimension écologique, c'est-à-dire un usage peu protecteur des ressources naturelles ; Il est une évidence que l absence d institutions efficaces organisant l accès aux actifs naturels a rendu possible un tel usage. Autrement dit l observation d usages dégradant des ressources naturelles signifie l incapacité des institutions existantes à infléchir ces comportements peu protecteurs. La seconde catégorie de non durabilité traduit la dimension économique, c'est-à-dire l incapacité des systèmes à générer des surplus garantissant leur reproductibilité. La dernière traduit le peu d adaptation des techniques utilisées aux conditions naturelles, notamment climatiques. CNEA / Rapport de la 3 ème phase 8

Les différentes menaces de non durabilité décrites précédemment peuvent être interprétées comme des crises: - mineures et leur dépassement ne remet pas en cause le système de production concernés, cas du système maraîchage irrigué (système agraire 1), - nécessitant une refonte du système, c est le cas du système agrumicole sur petite exploitation (Beni Khalled), - de non durabilité, cas du système extensif céréale élevage utilisant les parcours forestiers. Ces menaces de non durabilité se trouvent accentuées par des contraintes extra agricoles telles que l urbanisation et ses conséquences sur l activité agricole. 1.3.3. Occupation de l espace caractérisée par une urbanisation peu maîtrisée L'expansion touristique dans le gouvernorat et particulièrement dans la zone Hammamet-Nabeul a fait que l'urbanisation a occupé essentiellement le littoral. La faible densité de cette occupation, le long de la côte, et le caractère souvent anarchique du développement urbain, ont entraîné la formation d'un ensemble urbain quasi continu composé des communes de Nabeul, Dar Châabane et Béni Khiar et de rattacher Hammamet à Nabeul initialement distants de 12 km. L expansion très rapide des activités touristiques et de services qui leur sont liées d une part, et un développement sensible des activités industrielles, d autre part, sont à l origine de l extension urbaine ayant pour conséquence une forte consommation de l'espace qui s'est faite aux dépens des terres agricoles. La prolifération de nouveaux quartiers à la périphérie des noyaux originels aux alentours des zones touristiques et le long des voies de communication, sans qu'ils ne soient accompagnés d'une planification adéquate répondant aux besoins prévisibles en logements, infrastructures et équipements, a donné lieu à un développement spontané des zones à vocation d'habitat dans la majeure partie de la région. Ce type de développement concerne aussi bien les quartiers d'habitat modeste et occupés par la main d'œuvre du tourisme que les zones résidentielles qui sont contiguës aux zones touristiques. Dans le reste de la zone côtière, hormis l ensemble Nabeul-Hammamet, l habitat évolue, tout comme dans l ensemble du gouvernorat, à un rythme élevé. Cette évolution rapide a engendré, là aussi, une pression urbaine sur les terrains agricoles et les zones humides notamment par essaimage de noyaux ruraux situés entre korba et El Mida. La fragilité des sites d implantation touristique à cause de la présence de cordons dunaires et de la chaîne lagunaire le long de la côte a réduit jusque là l activité touristique dans cette zone. Malgré ces données peu favorables à ces activités, plusieurs programmes de promoteurs privés et de l AFT sont envisagés pour implanter des zones touristiques à Kélibia, Menzel Témime, Korba, Korbous et Zembra. La zone Grombalia-Soliman constitue un site très favorable au développement du secteur industriel, d abord pour sa proximité du grand Tunis, puis pour la bonne desserte routière surtout de Grombalia, l existence de ressources agricoles et la présence des carrières de pierre. Dans les faits, elle connaît une concentration d établissements industriels implantés, le plus souvent, dans des zones naturelles non aménagées et parfois au détriment des terres agricoles. C est ainsi que l activité agricole, malgré son importance dans l économie de la zone, se trouve menacée par une régression continue des terres agricoles qui a atteint entre 1996 et 2002 une surface de 3150 ha soit 585 ha/an en moyenne. La zone des glacis est la zone la moins dynamique du Cap Bon. C est une zone ou aucune entité urbaine réelle n existe. Elle est plutôt constituée de campagnes répulsives. Elle correspond à la partie du Cap Bon qui se caractérise par un milieu naturel sensible, des potentialités de développement économique assez limitées et souvent présentant des risques sur le plan environnemental. Le potentiel humain est en légère régression mais présentant une tendance au CNEA / Rapport de la 3 ème phase 9