La gestion de la liquidité dans TARGET2 INTRODUCTION Dans un RTGS (Real-Time Gross Settlement system), les transactions sont réglées en monnaie centrale, de façon continue, sur une base brute. Ce type de système de paiement présente l avantage de réduire considérablement le risque systémique dans la mesure où les paiements deviennent définitifs dès leur imputation. Toutefois, le règlement rapide des opérations dépend d une part de la liquidité disponible sur les comptes de règlement des participants concernés, d autre part de l efficacité des mécanismes d imputation. A cet égard, TARGET2 intègrera les outils de gestion et d optimisation de liquidité les plus performants parmi les différents RTGS actuellement en fonction. L objet de la présente note est d en présenter les caractéristiques. 1. Pooling de la liquidité TARGET2 repose sur une plate-forme technique commune. Ce choix rend possible un suivi de la trésorerie sur une base consolidée et en temps réel, pour l ensemble des «RTGS accounts» d un établissement. Il sera ainsi possible à un établissement ayant des implantations dans plusieurs pays de piloter son activité à partir d un point unique et de gérer sa trésorerie de manière centralisée, d autant que les systèmes exogènes européens, dont un certain nombre se règlent actuellement en dehors de TARGET se dénoueront obligatoirement dans les «RTGS accounts» à l issue de la période de transition (quatre ans au maximum après l ouverture du système). La fonctionnalité de pooling de liquidité, repose sur la notion de compte virtuel. 1
Le compte virtuel La fonctionnalité de compte virtuel (ou «liquidity pooling»), permet de gérer de manière intégrée la liquidité intrajournalière qui se trouve répartie entre plusieurs comptes RTGS définis comme constituant un groupe de comptes. Le règlement d une opération sur l un quelconque des comptes appartenant au groupe de comptes peut intervenir dès lors que le solde du compte virtuel (cumul des soldes des comptes individuels augmenté des éventuelles lignes de crédit accordées contre collatéral) le permet. A noter que seuls les comptes ouverts sur les livres d une centrale de la zone euro peuvent bénéficier de cette fonctionnalité. BBBBFRPPXXX AAAAFRPPXXX Domestiq ue BBBBDEFFXXX compte virtuel du groupe de comptes BBBBESMAXXX Transfrontière Zone euro BBBBGB3LXXX OUTs 2. Les priorités Les Niveaux de Priorité Niveau de priorité Très urgent Urgent Normal (usage restreint) Utilisateurs Systèmes Exogènes Systèmes exogènes Systèmes exogènes Banques centrales Banques centrales Banques centrales Participants (*) Participants Participants Usage Principal Règlements de Systèmes Exogènes Opérations de politique monétaire Opérations de numéraire (*) Opérations CLS + transferts de liquidité vers les systèmes exogènes Virements interbancaires urgents Virements de clientèle urgents Virements interbancaires Virements de clientèle En fonction de leur criticité les paiements à régler peuvent se voir affecté l un des trois niveaux de priorité disponibles : très urgent, urgent et normal. Un paiement très urgent est prioritaire par rapport aux autres catégories de paiement, indépendamment de son heure d entrée dans le système. Les participants ont la possibilité de changer le niveau de priorité des paiements normaux en paiements urgents et des paiements urgents en paiements normaux. En revanche, il n est pas possible de modifier le niveau de priorité d un paiement très urgent. Chaque niveau de priorité est assorti d une possibilité de réservation de liquidité (cf. 3) et fait l objet d une file d attente spécifique (cf. 4) 2
3. La réservation de liquidité Les participants à TARGET2 disposent de la possibilité de réserver de la liquidité pour faciliter le règlement de certaines opérations : - Des réserves de liquidité peuvent ainsi être définies pour chaque niveau de priorité des paiements ; - Des fonds peuvent également être transférés sur des sous-comptes dédiés afin de garantir le règlement des systèmes exogènes qui ont adopté la procédure de règlement 6 1. Les réservations de liquidité sont réalisées de façon interactive au moyen de l ICM (Information and Control Module). Illustration de l effet des réservations sur la liquidité d un participant au PM Montant maximal de liquidité pour régler les paiements Montant maximal normaux = 700 de liquidité pour les Montant maximal paiements urgents de liquidité pour les = 900 paiements très Réservation pour les urgents = 1 000 paiements urgents = 200 Réservation pour les paiements très urgents = 100 Le participant a réservé 100 pour les paiements très urgents et 200 pour les paiements urgents. Si ce participant dispose d un solde positif de 1000, le montant maximal de liquidité pour régler les paiements urgents est de 900 (1000-100) et de 700 pour les paiements de priorité normale (1000-100-200). Si un paiement urgent de plus de 900 ou un paiement de priorité normale de plus de 700 sont présentés à l imputation, ils seront l un comme l autre placés en file d attente 4. Les files d attente Chaque compte dispose de trois files d attente, chacune d entre elles correspondant à un niveau de priorité (très urgent, urgent et normal). Les files d attente correspondant aux paiements de priorité très urgent et urgent sont traitées suivant le principe du FIFO, alors que la file d attente des paiements normaux suit un principe dit de «FIFO by-passing». - Un paiement de priorité (très) urgent ne peut être réglé tant que le paiement qui le précède dans la file d attente n est pas lui-même réglé (ou éventuellement déplacé ou révoqué). - Un paiement de priorité normale ne peut être réglé si un paiement de priorité (très) urgent est en attente. En revanche, il peut être réglé même si un paiement de priorité normale est déjà en attente, dès lors que la liquidité est disponible et que les conditions de limites et de réservation de fonds sont respectées. Il convient toutefois de noter qu un paiement peut faire l objet d un règlement 1 Règlement d un système exogène sur des sous-comptes dédiés 3
immédiat dès son entrée dans le système, dans le cadre des mécanismes d offsetting (cf. 6- Les processus d optimisation), même si des opérations de priorité supérieure sont en attente. La seule condition est que cette imputation, combinée avec l imputation d opération(s) de sens contraire, se traduise par une augmentation nette de la liquidité du participant. Pour faciliter l imputation des paiements en attente, les participants ont la possibilité d agir sur leurs files d attente, en : - modifiant le niveau de priorité (de urgent vers normal ou de normal vers urgent ) d un paiement, ce qui revient à le changer de file d attente ; - changeant la position d un paiement dans la file d attente, en la plaçant en début ou en fin ; - modifiant l heure d exécution prévue (heure au plus tôt ou au plus tard) d une opération ; - révoquant une transaction en attente d imputation. 5. L utilisation de limites Afin d éviter que certains participants ne soient tentés d attendre de recevoir des règlements de leurs contreparties avant d émettre leurs propres paiements, TARGET2 permet de définir des limites, bilatérales ou multilatérales, en émission. La fixation d une limite bilatérale envers un participant a pour effet d empêcher l exécution des paiements qui auraient pour effet de faire passer le solde net bilatéral des échanges avec ce participant au dessus de cette limite. La fixation d une limite multilatérale permet d empêcher l exécution des paiements qui auraient pour effet de faire passer le solde net des échanges avec l ensemble des participants pour lesquels aucune limite bilatérale n a été fixée au dessus de cette limite. Cette fonctionnalité permet d éviter de gérer des limites bilatérales avec chacun des participants au système (TARGET2 devrait compter environ 1.000 participants directs). Illustration de l effet de limites bilatérales pour les paiements de priorité normale Banque A Paiements normaux vers la B Banque B Paiements normaux vers la A Limite bilatérale de la Banque A envers la Banque B Liquidité utilisable pour les paiements avec la Banque B Paiements de A vers B non réglés (file d attente) pour cause de dépassement de limite bilatérale 4
6. Les processus d optimisation Les mécanismes d optimisation mis en oeuvre dans TARGET2 ont pour objet de réduire les besoins de liquidité des participants tout en améliorant la fluidité des échanges. Ces processus qui sont de deux types, les processus d offsetting et les processus d optimisation proprement dits, fonctionnent en parallèle dans TARGET2. Offsetting Les algorithmes d offsetting sont activés lors de l entrée d une nouvelle opération dans le système. Ils essayent d imputer immédiatement cette opération, en combinaison avec d autres opérations en attente. Ainsi, la réception d un virement émis par un participant A au bénéfice d un participant B donne lieu à la recherche, dans la file d attente de B, d opérations de sens inverse (i.e. de B vers A) qui, imputées simultanément avec ce virement, permettent de réduire les besoins de liquidité de A ou B. Dans le cas où l opération ne peut être imputée immédiatement, elle est placée en file d attente et est alors traitée par les processus d optimisation décrits ci-après. Optimisation Les algorithmes d optimisation sont au nombre de cinq. Les trois premiers sont appliqués aux paiements placés en file d attente (priorité normale) et sont activés en continu pendant toute la journée. Les deux derniers correspondent à des modalités d imputation particulières pour les systèmes exogènes. Paiements de priorité normale l algorithme d optimisation tout ou rien simule l imputation de toutes les opérations en attente de l ensemble des participants. Si toutes les positions calculées restent créditrices (ou sont 5 couvertes par les lignes de crédit collatéralisées) après imputation, toutes les opérations sont imputées en une passe. Si ce n est pas le cas, aucun paiement n est imputé et l algorithme d optimisation partielle est mis en oeuvre ; l algorithme d optimisation partielle simule l imputation de tous les paiements en attente et identifie les opérations dont la mise à l écart permettrait de débloquer une file d attente ; Si cet algorithme n aboutit pas, l algorithme d optimisation multiple est activé ; l algorithme d optimisation multiple parcourt l ensemble des positions bilatérales d une vis-à-vis de l ensemble de ses contreparties afin d identifier les opérations dont la mise à l écart permettrait d accélérer les traitements. Règlements des systèmes exogènes algorithme d optimisation du règlement des systèmes exogènes faisant usage de la procédure de règlement 5 2. Cet algorithme permet de faciliter l imputation d un ou de plusieurs systèmes exogènes en tentant une imputation simultanée avec des opérations «normales» placées dans les files d attente des participants ; algorithme d optimisation du règlement des systèmes exogènes faisant usage de la procédure de règlement 6 3. Il s agit en fait de l équivalent du processus d optimisation en «tout ou rien», appliqué aux sous-comptes. Ces processus d offsetting et d'optimisation ne permettent de régler un paiement que dans le respect des limites ou des réservations de liquidité. 2 Règlement multilatéral simultané 3 Règlement sur des sous-comptes dédiés
7. Comparaison avec les dispositifs existant dans TBF et PNS La possibilité de mettre en place des limites multilatérales dans TARGET2, permet de fixer une limite à l ensemble des contreparties et s ajoute, pour le «reste du monde» aux limites bilatérales, qui existent dans PNS. Les priorités PNS ne propose pas de classification des opérations par priorité. TBF distingue deux niveaux de priorité, la plus urgente étant réservée aux opérations de la centrale, aux règlements des systèmes exogènes et aux règlements CLS. En comparaison TARGET2 offre des possibilités plus fines de gestion des priorités. De plus, chaque niveau de priorité fait l objet d une file d attente spécifique et comporte la possibilité de réserver de la liquidité. La gestion des limites Il n y a pas de gestion de limites dans TBF. Hormis l exigence d un montant minimal de 1 million d euros pour la mise en place de limites bilatérales dans TARGET2, aucune différence dans le fonctionnement des limites bilatérales n est à signaler entre TARGET2 et PNS. Dans les deux systèmes, on observe les caractéristiques suivantes : - limites bilatérales en émission ; - les limites peuvent être désactivées (PNS ne propose pas à proprement parler de désactivation mais une valeur très grande correspond en pratique à une désactivation 4 ) ; - les limites peuvent être modifiées à la hausse ou à la baisse en cours de journée, les changements sont alors pris en compte pour les virements en attente et les virements à venir. 4 De nombreux participants PNS utilisent la valeur 90 milliards d euros pour leur limite bilatérale vis-à-vis du participant virtuel TBFPNS servant aux mouvements de fonds entre les deux systèmes. 6 L efficacité des processus d optimisation Dans TBF, le traitement d'optimisation permanente s'appuie sur la notion de soldes virtuels. Le solde virtuel d'un Groupe de Comptes (GC) se définit comme le solde que présenterait le Groupe de Comptes si les ordres en attente étaient imputés sans contrôle de provision (que ce soit au débit ou au crédit). Pour chaque GC, il existe deux soldes virtuels : - le solde virtuel global : SV, - le solde virtuel ne prenant en compte que les opérations de priorité 1 : SV1. Dès qu une opération est mise en file d attente, les SV et les SV1 de chaque GC sont vérifiés. Si les SV de tous les GC sont créditeurs ou nuls, alors toutes les opérations en attente sont imputées. Si seuls les SV1 sont créditeurs ou nuls, alors toutes les opérations en attente de priorité 1 sont imputées. L analyse comparée des algorithmes d optimisation de PNS et TARGET2 met en évidence deux éléments : - Ils sont dans l ensemble extrêmement proches dans leur fonctionnement : l algorithme d optimisation bilatérale est identique dans PNS et dans TARGET2 ; les algorithmes d optimisation multilatérale utilisés sont quant à eux similaires dans les deux systèmes (celui de TARGET2 est pur FIFO à la différence de celui de PNS qui s affranchit légèrement de cette contrainte). - La fréquence d invocation des algorithmes d optimisation est beaucoup plus élevée dans TARGET2 qu elle ne l est dans PNS. En effet sauf intervention humaine, l optimisation multilatérale de PNS est invoquée trois fois dans la journée (10h30, 14h00, 16h00) et nécessite le blocage du système. L optimisation bilatérale entre deux participants n est invoquée dans PNS
qu au moment où un paiement entre ces deux participants est mis en file d attente. En revanche, les procédures d optimisation de TARGET2 sont mises en oeuvre dès l arrivée d un paiement dans le système ainsi qu en continu tout au long de la journée (optimisation bilatérale et multilatérale), ces deux types de mécanismes fonctionnant en parallèle et sans bloquer le système. Les processus d optimisation de TARGET2 seront par conséquent vraisemblablement plus efficaces que ceux de PNS, notamment du fait de leur fréquence très élevée d invocation. CONCLUSION Les outils d optimisation et de gestion de la liquidité de TARGET2 sont les plus complets et les plus performants parmi ceux que l on peut observer actuellement dans les systèmes de règlement d opérations de montant élevé comparables. Néanmoins, un participant ne pourra pleinement bénéficier de ces mécanismes que s il se repose pour l essentiel sur TARGET2 pour la gestion de ses opérations et de sa trésorerie intrajournalière en émettant ses opérations le plus possible au fil de l eau, sans les retenir au niveau de sa plate-forme participant et sans attendre de disposer de la provision correspondante. 7