Maladies communes (multifactorielles)



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Transcription:

Maladies communes (multifactorielles) Des variations individuelles (polymorphismes) au niveau de certains gènes peuvent prédisposer (ou protéger) à une maladie en interaction avec des facteurs de l environnement (alimentaire, cigarette, infection, stress ) Ex : Maladies métaboliques diabète de type 1 T1DM diabète de type 2 T2DM Maladies neurologiques sclérose en plaque MS maladie de Parkinson PD maladie d Alzheimer AD Maladies psychiatriques schizophrénie Maladies vasculaires hypertension artérielle Maladies articulaires polyarthrite rhumatoïde RA Maladies infectieuses! prédisposition à la lèpre

Facteurs génétiques et environnementaux Génétique Environnement Principes de génétique humaine Josué Feingold, Marc Fellous, Michel Solignac Hermann éditeurs

Feingold et al Variations du risque en fonction du génotype

Récurrence familiale dans quelques maladies communes Risque Relatif (RR) = Odds Ratio (OD) = λs Feingold et al

Comment identifier les gènes et les allèles responsables de cette augmentation du risque relatif? 1. Etudes familiales (analyse de liaison) Grandes familles «monogéniques» : méthode paramétrique Petites familles : méthode non paramétrique : Etude des cousins germains (sib-pairs) 2. Etudes d association Etudes cas-témoins comparaison de fréquence allélique ou fréquence génotypes (aa/aa/aa) (pour test effet récessif, dominant ou additif) Dans population générale ou population ± «isolée» (islande, finlande, juifs ashkenaze, villages de montagne ) avec éventuels effets fondateurs

1. Méthode des germains atteints (sib-pairs) 1 3 2 4 1 2? Probabilité à priori (si parents informatifs = IBD) 2 allèles communs (1 2) 0.25 1 allèle commun (1 4 ou 2 3) 0.50 0 allèle commun (3 4) 0.25 IBD: Identity by descent; IBS: Identity by state (si parents non typés ou non informatifs)

Méthode des germains atteints χ 2 = Σ (O - A) 2 A Déterminer la valeur du p d après la distribution du χ 2 Feingold et al

Locus de susceptibilité à la lèpre Etude «Genome Wide» Mira et al. Nature Genetics, 2003 Les patients étudiés : 86 familles 205 patients (90 paucibacillaires, 115 multibacillaires)

Locus de susceptibilité à la lèpre 20 microsatellites de la région 6q25-27 Mira et al. Nature Genetics, 2003

2. Etudes d association Etudes cas-témoins Comparaison de fréquence allélique ou fréquence génotypes (aa/aa/aa) (pour test effet récessif, dominant ou additif) Hypothèse d un effet fondateur risque relatif et risque attribuable : Risque = p(m) Risque relatif RR = p(m)f+/p(m)f- (f+; f-: facteur de risque présent ou absent) Risque attribuable défini au niveau de population: proportion de cas imputables au facteur de risque RA= f(rr-1)/1+ f(rr-1) f=fréquence allèle

Etudes d association Gène(s) ou allèles candidats Région candidate Whole genome association study (GWAS) : possible que depuis 2005

Etude d association; interprétation de résultat positif (= statistiquement significatif) Allèle est directement impliqué dans risque pathologique: nécessite test fonctionnel Exemple: Maladie d Alzheimer

Formes monogéniques de la maladie d Alzheimer Très rares (moins de 1 pour mille), plaques amyloïdes Autosomique dominant, début précoce 4 gènes (multigénique) : APP, préséniline 1, préséniline 2, (TREM2) Forme multifactorielle de la maladie d Alzheimer Début tardif, plaques amyloïdes Touche environ 10% de la population à 85 ans

Forme multifactorielle de la maladie d Alzheimer Gène de prédisposition : ApoE Allèles : Apo ε4 arg arg Apo ε3 cys arg Apo ε2 cys cys 17 % 73 % 10 % Fréquence des génotypes ε4 homozygote : 0,17 x 0,17 0,03 (3 %) ε4 hétérozygote : 2 x 0,17 x 0,83 0,28 (28 %) ε2 ou ε3 (pas ε4) : 0,83 x 0,83 0,69 (69 %)

Risque relatif de l allèle ε4 pour la maladie d Alzheimer : génotype patients % contrôles % risque relatif RR ε4 ε4 ou ε3 ε4 58 31 x 3,1 26 ε4 ε4 14 3 x 7,7 ε3 ε4 44 28 x 2,6 ε2 ou ε3 (pas ε4) 42 69 risque attribuable RA (%) Incidence de la maladie vers 85 ans 10% 0,1 x 0,14 0,1 x 0,44 RR homoz =. 0,03. = 7,7 RR hétéroz =. 0,28. = 2,6 0,1 x 0,42 0,69 0,1 x 0,42 0,69

Risque relatif de l allèle ε4 pour la maladie d Alzheimer : génotypes (fréq.) RR risque à 85 ans ε4 ε4 (3 %) 7,7 x 44 % ε3 ε4 (28 %) 2,6 x 16 % ε2 ou ε3 (69 %) 1 x 6 %

Estimation de la prévalence de démence DSM-III-R (Alzheimer) selon l âge et le génotype ApoE e4

Etude d association; interprétation de résultat positif (= statistiquement significatif) Allèle est directement impliqué dans risque pathologique: nécessite test fonctionnel Allèle est en déséquilibre de liaison avec allèle proche impliqué fonctionnellement dans risque : nécessite étude par séquençage de l haplotype à risque, éventuellement dans différentes populations

Déséquilibre de liaison et haplotype Emergence de variation au cours de l évolution Variations dans les chromosomes dans une population. Adam et mutation Eve Temps présent

Evolution de longueur de région commune chez des patients, autour d une mutation ou variant à risque 1 ère G 2 ème G 10 ème G 50 ème G 100 ème G M ou VR 40Mb 25Mb 2-3Mb 0.5Mb 0.2Mb M: mutation VR: variant à risque

Association entre la lèpre et 81 SNPs de la région candidate (2 Mb) Mira et al, Nature, 2004

Mira et al, Nature, 2004

Y a t il d autres gènes et allèles responsables de l augmentation du risque relatif dans la maladie d Alzheimer? Whole genome association study (GWAS) Polymorphismes en déséquilibre de liaison avec allèle proche impliqué fonctionnellement dans risque

GWAS 2009 Maladie d Alzheimer, Harold et al Nat. Genet. 2009

GWAS 2009 Maladie d Alzheimer, Harold et al Nat. Genet. 2009 SNPs showing genome-wide significant association with AD in stage 1 of the GWAS.

Etude d association; interprétation de résultat positif (= statistiquement significatif) Allèle est directement impliqué dans risque pathologique: nécessite test fonctionnel Allèle est en déséquilibre de liaison avec allèle proche impliqué fonctionnellement dans risque Mauvais choix des témoins, artefact lié à une stratification de la population étudiée Faux positif (type 1 error) (signification de p 0,01 ), problème capital des tests multiples (emploi correction de Bonferroni ou autres tests) et biais de publication de résultats positifs: nécessite études de réplication

Nature Genetics, 2003

Variants rares, polymorphismes communs Les stratégies «whole genome association» sont basées sur l hypothèse: maladie commune, facteur génétique de risque fréquent dans la population (common disease/ common variant); dans ces cas le risque relatif est rarement supérieur à 2. Mais étude de maladies monogéniques suggère que variants individuellement rares peuvent avoir effets important sur le risque Variant fr 1/10, RR2: risque attribuable = 9% Variant fr 1/1000, RR10: RA = 1% 2ème cas: variant plus important pour l individu, mais peu contributif pour la population

Variants génétiques et maladies rares ou communes

Maladie de Parkinson corps de Levy dans la substantia nigra Touche environ 3% de la population à 80 ans Formes monogéniques, début précoce Au moins 5 gènes connus, expliquent 3% des cas Formes Dominantes présence de corps de Lévy - PARK1, PARK4 α-synucléine - PARK8 LRRK2 Formes Récessives absence de corps de Lévy - PARK2 parkine - PARK6 PINK1 - PARK7 DJ-1 Forme multifactorielle, début vers 55-60 ans, corps de Levy Antécédents familiaux chez 15 % des patients > RR 5

Variants rares, maladies communes Un concept émergent Maladie de Parkinson glucocérébrosidase (GBA) (mutations homozygotes > maladie de Gaucher) Gan-Or et al. Neurology 2008 : Mutations modérées (N370S, R496H) et sévères (84insGG, IVS2 + 1, V394L, D409H, L444P, RecTL) mutations perte de fonction. Risque relatif des mutations GBA hétérozygotes génotype mutations hétérozygotes pas de mutation patients % contrôles % risque relatif RR 17,9 6,3 x 3,2 16% 82,1 93,7 risque attribuable RA (%) 0,03 x 0,179 RR hétéroz =. 0,063. 0,03 x 0,821 0,937 = 3,2 Neumann et al. Brain 2009

CONCLUSIONS: Identifier les variants rares des maladies communes > séquençage à haut débit séquencer un génome humain pour 1 000 $ Progrès dans l interprétation, et surtout dans les applications éventuelles seront beaucoup plus lents et progressifs, et limités par la complexité des facteurs de risque