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Kantonsgericht KG Rue des Augustins 3, case postale 1654, 1701 Fribourg T +41 26 304 15 00, F +41 26 304 15 01 www.fr.ch/tc 101 2014-321 Arrêt du 6 mars 2015 I e Cour d appel civil Composition Vice-Présidente: Dina Beti Juge: Roland Henninger Juge suppléant: François-Xavier Audergon Greffier-rapporteur: Ludovic Farine Parties A., défenderesse et appelante, représentée par Me Sandra Wohlhauser, avocate, contre B., requérant et intimé Objet Modification de mesures protectrices de l'union conjugale, pension en faveur de l'épouse (art. 179 CC) Appel du 29 décembre 2014 contre le jugement du Président du Tribunal civil de la Gruyère du 15 décembre 2014 Pouvoir Judiciaire PJ Gerichtsbehörden GB

Page 2 de 7 considérant en fait A. A., née en 1972, et B., né en 1962, se sont mariés en 1998. Deux enfants sont issues de leur union : C., née en 2001, et D., née en 2003. Par jugement du 24 mai 2012, le Président du Tribunal civil de la Gruyère (ci-après : le Président) a prononcé des mesures protectrices de l'union conjugale. Il a notamment confié la garde des enfants à la mère, à laquelle il a attribué la maison familiale, et a astreint le mari à verser, dès la séparation effective, des pensions de 975 francs par mois, plus allocations, pour chacune de ses filles et de 2'500 francs en faveur de son épouse. L'intimé n'ayant finalement pas quitté la maison familiale, les époux vivent séparés depuis le 19 novembre 2013, date à laquelle l'appelante a pris un appartement à bail. Le 17 décembre 2013, B. a introduit une procédure de modification des mesures protectrices prononcées le 24 mai 2012, requérant une diminution de la contribution en faveur de son épouse ; dans sa réponse, cette dernière a demandé une augmentation des pensions en faveur des enfants et d'elle-même. Par jugement du 15 décembre 2014, le Président a nouvellement fixé à 1'940 francs par mois, dès la séparation effective, la contribution en faveur de A. et a rejeté tout autre ou plus ample chef de conclusions. B. Par acte du 29 décembre 2014, A. a interjeté appel contre le jugement du 15 décembre 2014. Elle conclut, sous suite de frais, à ce que la pension en sa faveur soit augmentée à 3'400 francs dès la séparation effective. Dans son appel et par acte séparé, elle a de plus requis l'effet suspensif et l'assistance judiciaire. La seconde requête a été admise par arrêt du 8 janvier 2015. C. Par écriture du 22 janvier 2015, postée le 24 janvier 2015, B. conclut au rejet de l'appel et de la requête d'effet suspensif, frais à la charge de son épouse ; de plus, il requiert que la contribution d'entretien en faveur de celle-ci soit diminuée, dès la séparation, à 1'600 francs par mois. D. Par arrêt du 2 février 2015, la Juge déléguée de la Cour a partiellement admis la requête d'effet suspensif, en ce sens qu'en modification du jugement du 24 mai 2012 la pension pour l'épouse s'élève provisoirement, durant la procédure d'appel, à 2'350 francs par mois. en droit 1. a) L'appel est recevable notamment contre les décisions finales de première instance, pour autant que, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions soit supérieure à 10'000 francs (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC). Le délai d'appel en procédure sommaire qui régit notamment les mesures protectrices de l'union conjugale (art. 271 let. a CPC) est de 10 jours (art. 314 al. 1 CPC) ; l'appel joint est irrecevable (art. 314 al. 2 CPC)

Page 3 de 7 En l'espèce, le jugement attaqué a été notifié à la mandataire de l'appelante le 19 décembre 2014 (DO/95). Déposé le 29 décembre 2014, l'appel a dès lors été interjeté en temps utile. Le mémoire est de plus dûment motivé et doté de conclusions. En outre, vu le litige sur la contribution d'entretien pour l'épouse en première instance, qui portait sur 1'800 francs par mois (3'400 francs 1'600 francs) dès le 19 novembre 2013, la valeur litigieuse en appel est clairement supérieure à 10'000 francs. Il s'ensuit la recevabilité de l'appel. Il en va différemment des conclusions prises par l'intimé dans sa réponse, qui tendent à une diminution de la pension pour l'appelante à hauteur de 1'600 francs dès la séparation effective : B. n'ayant pas lui-même interjeté appel, il s'agit là d'un appel joint qui est irrecevable, d'autant que la question de l'entretien entre époux relève du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC a contrario). b) La procédure sommaire (art. 252 ss CPC) s'applique aux causes de mesures protectrices de l'union conjugale (art. 271 let. a CPC), le tribunal établissant toutefois les faits d'office (maxime inquisitoire, art. 272 CPC). c) La cognition de la Cour d'appel est pleine et entière, en fait comme en droit (art. 310 CPC). d) Selon l'art. 316 al. 1 CPC, la Cour d'appel peut ordonner des débats ou statuer sur pièces. En l'espèce, vu l'objet de l'appel et le fait que toutes les pièces nécessaires à son traitement figurent au dossier, il n'est pas nécessaire d'assigner les parties à une audience. e) Vu le montant contesté en appel, soit 1'460 francs par mois (3'400 francs 1'940 francs) dès le 19 novembre 2013, comme la durée en l'état indéterminée des mesures prononcées, la valeur litigieuse pour un recours au Tribunal fédéral est largement supérieure à 30'000 francs (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 LTF). 2. a) Une fois que des mesures protectrices de l'union conjugale ou des mesures provisionnelles dans la procédure en divorce ont été ordonnées, elles ne peuvent être modifiées qu'aux conditions de l'art. 179 CC (applicable directement pour les premières, par renvoi de l'art. 276 al. 1 CPC pour les secondes : TF, arrêt 5A_883/2011 du 20 mars 2012, consid. 2.4). Selon l'art. 179 al. 1 CC, les mesures protectrices peuvent être modifiées ou révoquées, s'il s'avère par la suite qu'elles sont injustifiées ou que les circonstances se sont modifiées. Une modification ne peut ainsi être obtenue que si, depuis le prononcé des mesures, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable, notamment en matière de revenus, à savoir si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, ou si les faits qui ont fondé le choix des mesures dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévus. Une modification peut également être demandée si la décision de mesures protectrices s'est révélée par la suite injustifiée parce que le juge appelé à statuer n'a pas eu connaissance de faits importants (TF, arrêt 5A_287/2013 du 5 août 2013, consid. 2). La demande de modification ne vise donc pas la révision du jugement, mais son adaptation aux circonstances nouvelles c'est-àdire non prises en compte à l'avance par le jugement initial (ATF 131 III 189 consid. 2.7.4) intervenant chez les parents ou l'enfant (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1).

Page 4 de 7 b) En l'espèce, le premier juge a retenu que, contrairement à ce qui avait été prévu dans le jugement du 24 mai 2012, c'est l'épouse qui a déménagé avec les enfants, laissant la maison familiale à la disposition de son mari. Il a dès lors admis l'existence d'un motif de modification (jugement attaqué, p. 7). Ce point n'est pas remis en cause en appel. c) Concernant la situation financière de l'appelante, le Président a considéré qu'elle n'exerce aucune activité lucrative malgré ses recherches d'emploi et il ne lui a pas imputé de revenu hypothétique (jugement attaqué, p. 10). L'intimé ne le critique pas. Au niveau de ses charges, il a pris en compte un total de 3'388 fr. 15, soit 1'350 francs de minimum vital LP, 1'026 francs de part au logement (1'710 francs 684 francs), 388 fr. 05 de caisse-maladie, 27 fr. 10 pour l'assurance-ménage, 460 francs pour des traitements spécifiques des enfants, 35 francs pour une place de parc, 34 fr. 50 pour l'impôt véhicule et 67 fr. 50 pour l'assurance véhicule (ibidem). Ce total n'est remis en question que sous l'angle des frais liés à la voiture, l'intimé soutenant que son épouse n'a pas besoin d'un véhicule, dès lors qu'elle habite en périphérie de Fribourg (réponse, p. 2), et celle-ci affirmant qu'il aurait aussi fallu prendre en compte la mensualité de leasing de 378 fr. 85 acquittée (appel, p. 10). Point n'est toutefois besoin de trancher ces questions, dans la mesure où les montants en cause sont sans incidence sur le sort de la cause (infra, ch. 2f). Vu ce qui précède, il sera tenu compte du déficit de l'épouse tel que retenu par le premier juge, soit 3'388 fr. 15. d) Quant à l'intimé, le Président a considéré qu'il n'était pas établi que, comme il l'affirmait, son revenu avait diminué par rapport à 2012, en raison du fait qu'il aurait cessé de percevoir des primes et commissions. Il a dès lors pris en compte le même revenu qu'en 2012, soit 7'239 fr. 05 net par mois, commissions comprises, réalisé par un emploi auprès de E. SA (jugement attaqué, p. 8 s.). L'appelante lui reproche, alors qu'il a indiqué que la situation du mari était peu claire, de ne pas avoir donné suite à sa réquisition tendant à la production du contrat de travail de ce dernier, de ses extraits de comptes bancaires et postaux, ainsi que des comptes et taxations des sociétés E. SA et F. SA, l'intimé travaillant selon elle pour les deux entités (appel, p. 6 s.). De son côté, l'époux indique que son contrat est oral, que ce sont les certificats de salaire établis pour le fisc qui sont déterminant et qu'il résulte de ceux de 2013 et 2014, qu'il produit, que le revenu de 7'239 fr. 05 pris en compte est trop élevé (réponse, p. 3 s.). Dans la procédure ayant donné lieu au jugement du 24 mai 2012, A. avait déjà allégué soupçonner "l'intimé de ne pas déclarer toutes ses sources de revenus" (mémoire du 16 septembre 2011, p. 4). De plus, le Président avait astreint B. à produire ses certificats de salaire pour 2011 et son contrat de travail chez E. SA (p-v du 23 septembre 2011, p. 5). En outre, il avait obtenu de cette société copie des certificats de salaire de janvier à avril 2012, et du Service cantonal des contributions copie de la taxation 2010 du couple. Si ces éléments lui semblaient insuffisants, il appartenait à l'appelante de requérir la production d'autres moyens de preuve dans cette procédure, ce qu'elle n'a pas fait. En outre, elle n'a pas interjeté appel contre le jugement, qui a pris en compte un revenu de 7'239 fr. 05 réalisé auprès de la seule E. SA, soit 6'327 fr. 15 net plus 911 fr. 90 de primes (jugement du 24 mai 2012, p. 8 s.). Il n'est dès lors pas pertinent que, dans la présente procédure, elle ait fait valoir qu'elle "reste convaincue que le requérant n'est pas un simple employé de la société E. SA et que les revenus qu'il allègue ne correspondent pas à la réalité" (DO/31) : dans la mesure où la procédure de modification n'a pas pour but de corriger la première décision, son allégué, qui ne se rapporte pas

Page 5 de 7 à une situation nouvelle par rapport à celle qui prévalait en 2012, ne peut être pris en compte. Il en résulte que les réquisitions de preuves doivent être rejetées. Pour le surplus, l'intimé invoque ses certificats de salaire 2013 et 2014, selon lesquels son revenu serait inférieur à celui retenu par le premier juge. Toutefois, selon le premier, il a gagné en 2013 86'850 francs net, soit 7'237 fr. 50 par mois, ce qui correspond au salaire pris en compte. En 2014, il a certes réalisé un revenu net de 81'901 francs, à savoir 6'825 francs mensuellement. Néanmoins, dans la mesure où, comme l'a relevé le Président, les commissions perçues sont fluctuantes, il n'est pas encore rendu vraisemblable, avec ce document, que le revenu de B. aurait diminué de manière durable. Il s'ensuit qu'en l'état, le montant de 7'239 fr. 05 pris en compte par le premier juge ne paraît pas erroné. e) Au niveau des charges de l'intimé, le Président a retenu un total de 5'292 fr. 40 (3'342 fr. 40 + 2 x 975 francs [pensions pour les enfants]), dont 416 fr. 65 d'amortissement indirect du crédit hypothécaire, 45 fr. 15 de contribution immobilière, 28 fr. 25 de prime ECAB, 57 fr. 85 pour la taxe eau-épuration et 66 fr. 85 pour l'impôt véhicule (jugement attaqué, p. 9). L'appelante critique la prise en compte de la contribution immobilière, de la prime ECAB et de la taxe d'eau, au motif que la maison familiale fait l'objet d'une poursuite en réalisation de gage immobilier et va être très prochainement vendue (appel, p. 8 s., et pièce 5 [commandement de payer]). Il s'agit toutefois là d'un événement futur incertain : le fait que le contrat de crédit hypothécaire ait été dénoncé au remboursement par la banque et qu'une poursuite ait été introduite ne signifie pas encore qu'une vente forcée aura effectivement lieu, et il n'est de plus pas possible de déterminer en l'état dans quel délai la maison pourrait être aliénée. Au demeurant, le mari indique dans sa réponse (p. 4) qu'il est en pourparlers avec une banque pour conclure un nouveau contrat. Partant, il ne peut être tenu compte ici de cet élément. A. s'en prend aussi à l'amortissement retenu, l'intimé ne s'en acquittant plus depuis 2012 (appel, p. 8). Ce dernier l'admet (réponse, p. 3). Dès lors, il n'y a effectivement pas lieu de tenir compte de cette charge, qui n'est pas réellement acquittée. Enfin, l'appelante reproche au premier juge d'avoir retenu l'impôt véhicule (appel, p. 9). Or, il n'est pas contesté que l'époux, qui habite en Gruyère et travaille près de Lausanne, a besoin de son véhicule pour se rendre sur son lieu de travail ; cependant, le jugement attaqué ne retient que l'assurance et l'impôt véhicule, à l'exclusion des frais d'essence. Dès lors, l'établissement de la situation financière de l'intimé à cet égard n'est en tout cas pas défavorable à l'épouse. Vu ce qui précède, les total de charges du mari à prendre en compte s'élève à 4'875 fr. 75 (5'292 fr. 40 416 fr. 65), d'où un disponible avant impôts de 2'363 fr. 30 (7'239 fr. 05 4'875 fr. 75). f) Vu le disponible du mari et le déficit de l'épouse, et étant donné la nécessité de respecter le minimum vital du débirentier (ATF 126 III 8 consid. 3c ; TF, arrêt 5A_63/2012 du 20 juin 2012, consid. 6.1), la contribution d'entretien due à A. dès la séparation effective doit être diminuée à 2'350 francs par mois. Il est précisé que ce montant serait identique si l'on modifiait les charges retenues en lien avec la voiture de l'appelante (supra, ch. 2c). Il s'ensuit l'admission partielle de l'appel.

Page 6 de 7 3. Selon l'art. 106 al. 2 CPC, lorsque, comme en l'espèce, aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont généralement répartis selon le sort de la cause. Toutefois, l'art. 107 al. 1 CPC permet au juge de s'écarter de cette règle et de répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (let. c). Il ne résulte pas de cette disposition qu'il faudrait toujours répartir les frais par moitié dans une procédure matrimoniale : si celle-ci est litigieuse, il est conforme à la volonté du législateur et admissible de répartir les frais en fonction du gain ou de la perte du procès sur les effets accessoires (TF, arrêt 5A_70/2013 du 11 juin 2013, consid. 6). En l'espèce, chaque époux ayant gain de cause dans une proportion à peu près similaire, il se justifie que, sous réserve de l'assistance judiciaire octroyée à A., chacun supporte ses propres dépens d'appel et la moitié des frais judiciaires, fixés à 1'000 francs. la Cour arrête: I. L'appel de A. est partiellement admis. Les conclusions prises en appel par B. qui tendent à une diminution de la pension due à son épouse sont irrecevables. Partant, le chiffre 1 du dispositif du jugement rendu le 15 décembre 2014 par le Président du Tribunal civil de la Gruyère est réformé comme suit : "1. La requête est partiellement admise. Partant, le jugement de mesures protectrices de l'union conjugale du 24 mai 2012 est modifié comme suit : «6. B. contribuera à l'entretien de son épouse, A., par le versement d'une pension mensuelle de 2'350 francs, dès la séparation effective des époux.»" II. Pour la procédure d'appel, sous réserve de l'assistance judiciaire octroyée à A., chaque partie supporte ses propres dépens et la moitié des frais judiciaires dus à l'etat, fixés à 1'000 francs.

Page 7 de 7 III. Communication - Cet arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière civile au Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent sa notification. La qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF). L'acte de recours motivé doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Fribourg, le 6 mars 2015/lfa La Vice-Présidente. Le Greffier-rapporteur