Facteurs pronostiques et traitements de l adénocarcinome de l endomètre



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Transcription:

Facteurs pronostiques et traitements de l adénocarcinome de l endomètre P. Morice, S. Camatte, A. Thoury, P. Pautier, C. Lhommé, C. Haie-Meder, P. Duvillard et D. Castaigne Les facteurs pronostiques du cancer de l endomètre sont le stade d extension (classification FIGO, le grade tumoral, la profondeur d envahissement du myomètre, l atteinte ovarienne, les métastases ganglionnaires et à un degré moindre la cytologie péritonéale positive, la présence d emboles tumoraux et l atteinte du stroma cervical. Les métrorragies sont constantes et permettent le plus souvent un diagnostic précoce à un stade clinique initial (I ou II) curable et de bon pronostic. L hystérectomie avec annexectomie bilatérale est l intervention de référence. La dissection paramétriale est inutile en cas de lésion initiale (stade I). Le bénéfice du curage ganglionnaire par lymphadénectomie reste discuté en l absence d étude prospective randomisée. La voie laparotomique reste la voie de référence. L abord cœlioscopique peut être proposé en cas de lésion peu infiltrante sur un utérus de petite dimension bien exploré par IRM en préopératoire. La voie vaginale peut être proposée chez des patientes médicalement à risque en cas d utérus de petite dimension pouvant être extrait par voie basse sans morcellement. INTRODUCTION Les tumeurs malignes du corps utérin peuvent être classées en deux groupes principaux très différents au niveau pronostique et thérapeutique : le cancer de l endomètre (l adénocarcinome étant le type le plus fréquent) et les sarcomes du corps utérin (tumeurs rares globalement de très mauvais pronostic). Le cancer de l endomètre est en terme d incidence en France le troisième cancer de la femme (après le cancer du sein et les cancers colorectaux) avec 4 600 nouveaux cas par an et il est responsable de 1 200 décès en 1995 (1). La classification de l extension tumorale usuellement utilisée est celle de la FIGO, basée sur des données cliniques et histologiques (tableau I) (2). Certains facteurs pronostiques sont très clairement identifiés : stade d extension, grade tumoral, profondeur d envahissement de l endomètre, atteinte ovarienne, atteinte ganglionnaire. D autres sont plus discutés lorsqu ils sont isolément retrouvés : cytologie péritonéale positive, existence d emboles tumoraux, atteinte du stroma cervical (1, 3). Le pronostic global de l adénocarcinome du corps utérin est bon. Ce cancer, symptomatique souvent très précocement dans son histoire naturelle, est donc diagnostiqué à un stade clinique initial (stade I ou II) et donc hautement curable. Lorsque cette tumeur est dépistée à ce stade, le traitement débute par une chirurgie première (4). L hystérectomie est alors la chirurgie de référence. Cette hystérectomie a d abord un rôle thérapeutique majeur puisque dans un certain nombre de cas où les facteurs pronostiques sont excellents, l hystérectomie peut être le seul geste thérapeutique. Cette chirurgie permet d autre part, de préciser les facteurs pronostiques de la tumeur et donc d adapter les traitements postopératoires. TECHNIQUE DE L HYSTÉRECTOMIE L intervention chirurgicale débute, comme dans toute intervention à visée carcinologique, par une exploration abdomino-péritonéale et épiploïque complète. Au cours de cette exploration, on

422 Pelvi-périnéologie Stade 0 Stade I Stade II Stade III Stade IV Tumeur in situ. Tumeur limitée à l endomètre. IA : limitée à l endomètre IB : invasion du myomètre < 50 % IC : invasion du myomètre > 50 % Tumeur envahissant le col. IA : atteinte glandulaire du col IB : atteinte du stroma cervical Tumeur étendue hors de l utérus mais limitée au pelvis. IIIA : atteinte de la séreuse et/ou cytologie péritonéale positive et/ou atteinte des annexes IIIB : métastases vaginales IIIC : métastases pelviennes et/ou ganglionnaires Tumeur avec métastase à distance. IVA : atteinte de la vessie et/ou du rectum IVB : métastases à distance y compris ganglions abdominaux et/ou inguinaux Tableau I Classification de la FIGO 1988 pour les cancers de l endomètre (2). réalisera une cytologie péritonéale systématique. Toute lésion péritonéale suspecte sera prélevée. Concernant le traitement de l utérus en lui-même, tous les auteurs s accordent pour dire que l hystérectomie doit être totale (1, 4). En effet, l atteinte cervicale microscopique n est pas exceptionnelle dans les tumeurs de stade I. Elle peut être retrouvée dans 5 à 15 % des cas, et seule l analyse histologique complète de la pièce utérine et du col permet de s assurer de la résection complète de la tumeur endométriale. Classiquement, cette hystérectomie devait être extrafasciale. Néanmoins, aucune étude n a permis de confirmer l intérêt de l hystérectomie extrafasciale par rapport à l hystérectomie intrafaciale simple. Il faut impérativement associer à l hystérectomie une annexectomie bilatérale. En effet, l atteinte ovarienne n est pas exceptionnelle dans les tumeurs de l endomètre de stade I. Creasman la retrouve dans 5 % des patientes ayant une tumeur de stade précoce (5). L existence d une telle atteinte annexielle est un facteur pronostique péjoratif très important puisqu elle est associée dans un quart des cas à une atteinte ganglionnaire (5, 6). La réalisation d une colpectomie chez une patiente n ayant pas d atteinte macroscopique du vagin n est pas nécessaire (7). La résection chirurgicale du paramètre lors de l hystérectomie, c est-à-dire la réalisation d une hystérectomie radicale fait l objet de très nombreuses publications dans la littérature depuis plus de trente ans. En fait, là encore, actuellement aucune étude prospective randomisée ne permet de confirmer l intérêt de réaliser une hystérectomie radicale dans les cancers de l endomètre. Plusieurs travaux rétrospectifs semblaient montrer un intérêt thérapeutique à la réalisation d une hystérectomie élargie dans les cancers de l endomètre de stade II (8, 9). En revanche, d autres séries ont infirmé l intérêt thérapeutique de cette chirurgie radicale, mais ont observé une augmentation significative de la morbidité chez les patientes ayant bénéficié d un élargissement au paramètre (10, 11). Des études récentes semblent montrer que la dissection paramétriale est inutile chez les patientes ayant un cancer de l endomètre de stade I (7, 12). Elle pourrait être discutée chez les patientes ayant une atteinte macroscopique du col, décelable lors de l examen préopératoire (13). Néanmoins, en cas d atteinte minime du col, l hystérectomie simple reste suffisante (14). Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les patientes ayant un cancer de l endomètre ont souvent des facteurs de risque médicaux majeurs (obésité, diabète, hypertension artérielle) qui peuvent expliquer une morbidité accrue de l hystérectomie radicale, par rapport à celle observée chez les patientes traitées pour un cancer du col (15, 16). La prise en compte du contexte médical est donc tout à fait fondamentale pour discuter de l élargissement éventuel de l hystérectomie. Par ailleurs, lorsqu il existe une tumeur utérine de stade II, c est-à-dire avec une extension cervicale, cette hystérectomie est suivie d une irradiation postopératoire (curiethérapie ± radiothérapie externe). Il est donc important de moduler l indication d hystérectomie radicale en fonction du terrain médical et aussi d une éventuelle irradiation postopératoire. En effet, la réalisation d une hystérectomie (inutilement) élargie suivie d une irradiation postopératoire pourrait avoir des complications majeures. Chirurgie de stadification associée Cette chirurgie d exérèse de la tumeur primitive (hystérectomie) doit théoriquement s accompagner d une chirurgie de stadification permettant de mieux évaluer l extension extra-utérine éventuelle : la lymphadénectomie. Le groupe ganglionnaire le plus souvent atteint est le groupe pelvien obturateur (16). Le curage pelvien a alors

Facteurs pronostiques et traitements de l adénocarcinome de l endomètre 423 trois objectifs : il est diagnostique (car la lymphadénectomie est la technique la plus fiable pour évaluer l extension ganglionnaire), pronostique (le pronostic est en effet plus défavorable en cas de la découverte d une atteinte ganglionnaire) et peut être thérapeutique. Si l intérêt diagnostique n est discuté par personne, son apport pronostique spécifique reste discutable. En effet, dans les cancers de l endomètre, les différents facteurs pronostiques sont très intriqués entre eux (3). La connaissance de ces facteurs déterminés sur la pièce d hystérectomie seule permet de prédire de manière très fiable le risque d atteinte ganglionnaire, et donc, de mieux préciser la population de patientes nécessitant un traitement complémentaire. En l absence d étude prospective randomisée démontrant un effet thérapeutique à l exérèse des ganglions envahis, le bénéfice du curage systématique reste discuté dans les cancers de l endomètre. Cette lymphadénectomie peut être de toute façon évitée dans les cas ou le risque d atteinte ganglionnaire est nul ou très faible (tumeur intramuqueuse pure) ou dans les cas ou une irradiation postopératoire devra être réalisée (grade 3, infiltration très profonde du myomètre, atteinte cervicale, extension extra-utérine) (1). Dans les autres cas intermédiaires, la lymphadénectomie pelvienne, si elle est techniquement réalisable sans augmentation majeure de la morbidité (opérateurs entraînés et patiente ayant un bon état général et sans obésité morbide), est souvent associée à l hystérectomie. La réalisation d une extension de la lymphadénectomie à l étage lombo-aortique est affaire d école et n est pas un standard (1). Elle peut se discuter chez des femmes jeunes en bon état général et ayant des facteurs de risque d atteinte lombo-aortique (atteinte des ganglions pelviens). La réalisation de ce curage permettrait alors de mieux évaluer le niveau de l extension ganglionnaire et donc de préciser les champs de l irradiation externe postopératoire éventuelle (irradiation pelvienne seule et/ou pelvienne et lombo-aortique). Les modalités de la chirurgie de stadification éventuelle doivent aussi être adaptées au type histologique. Ainsi, dans le carcinome papillaire séreux de l endomètre, souvent associé à une extension péritonéale et ganglionnaire, une chirurgie de stadification complète identique à celle réalisée dans les cancers épithéliaux de l ovaire doit être réalisée (omentectomie, biopsies péritonéales multiples, curage pelvien et lomboaortique). Chirurgie conservatrice Si l hystérectomie avec annexectomie bilatérale reste la chirurgie de référence dans les adénocarcinomes de l endomètre, certains auteurs ont rapporté des courtes séries de conservation utérine chez des patientes jeunes souhaitant préserver leur fertilité (17, 18). Le traitement est alors basé sur des progestatifs. Néanmoins, ce type de prise en charge ne pourrait se concevoir qu avec des critères de sélections très rigoureux: tumeur n infiltrant pas ou très peu le myomètre (< stade IA), strictement limitée au corps utérin (nécessitant donc une évaluation laparoscopique initiale comportant une cytologie péritonéale, une inspection minutieuse des ovaires et une lymphadénectomie pelvienne), avec une surveillance rigoureuse (en particulier endocavitaire avec hystéroscopie régulière) et nécessité d une chirurgie de totalisation (hystérectomie) après l obtention des grossesses souhaitées. Mais, actuellement les séries sont trop courtes pour pouvoir confirmer l innocuité d une telle stratégie. À l instar de la chirurgie conservatrice dans les cancers épithéliaux invasifs de l ovaire ou dans les cancers du col utérin (trachélectomie élargie), la chirurgie conservatrice dans les cancers de l endomètre reste donc une chirurgie d exception. Voies d abord Plusieurs voies d abord peuvent être proposées pour réaliser l hystérectomie avec annexectomie bilatérale dans les cancers de l endomètre : la laparotomie (voie d abord de référence), la cœlioscopie et la voie vaginale exclusive. Les deux premières ont l avantage de permettre de réaliser une inspection pelvi-abdominale complète et d associer éventuellement à l hystérectomie une lymphadénectomie pelvienne qui ne peut pas être faite en cas d abord vaginal exclusif. Si la laparotomie reste la voie d abord de référence, la cœlioscopie semble, lorsqu elle est réalisée par des opérateurs expérimentés, donner des résultats carcinologiques comparables à ceux de la laparotomie, mais avec un meilleur confort postopératoire immédiat et une meilleure qualité de vie (19, 20). L abord laparoscopique permet de réaliser les mêmes gestes que par laparotomie et

424 Pelvi-périnéologie avec une même exhaustivité (en particulier lors du curage). Les études récentes suggèrent que la laparoscopie semble devenir la technique de référence. Mais, quelles sont les complications carcinologiques éventuelles spécifiques à l abord laparoscopique et donc ses limites? Des métastases sur orifice de trocart ont été observées après traitement laparoroscopique d un cancer de l endomètre. Ces métastases sont surtout dues au reflux par les trompes et/ou à la dissémination de cellules tumorales dans la cavité pelvienne lors de l utilisation d un manipulateur endo-utérin ou bien lors de la dissection de sites tumoraux (ganglions métastatiques) (21, 22). Pour éviter ce risque spécifique, on peut recommander d obturer les trompes (coagulation bipolaire) avant toute manipulation utérine, de ne pas utiliser de manipulateur endo-utérin et de pas réaliser de lymphadénectomie laparoscopique en cas d adénopathies suspectes évidentes. Par ailleurs, nous contre-indiquons l abord laparoscopique et recommandons une laparotomie en cas de tumeur infiltrant largement le myomètre (au-delà des deux tiers) et/ou en cas de tumeur survenant sur un utérus déjà volumineux (myomateux). Dans ces cas, il existe un risque de morcellement lors de l extraction de l utérus par voie vaginale ce qui peut, à l instar des sarcomes utérins, être éventuellement à l origine de récidive vaginale et/ou locorégionale très précoce (23). Pour bien évaluer ce risque avant l intervention, la réalisation d une IRM (et/ou d une bonne échographie endovaginale) est impérative pour bien évaluer le volume utérin et la pénétration myométriale de la tumeur. Par ailleurs, l obésité (en dehors des obésités extrêmes) ne semble pas être une limite technique (24). La voie vaginale sera réservée aux patientes présentant des tares médicales majeures et à l état général précaire (obésité majeure) contre-indiquant l abord laparoscopique ou abdominal. Dans ces cas, seule une hystérectomie avec annexectomie bilatérale sera réalisée. Le traitement postopératoire sera adapté aux facteurs pronostiques déterminés sur la pièce d hystérectomie. Une étude récente montre des résultats sur la morbidité et la survie intéressants sur une série de 51 patientes à haut risque de morbidité et ayant été traitées par voie vaginale exclusive (25). Ces différentes modalités de prise en charge chirurgicale sont récapitulées dans le tableau II. Tumeur de l endomètre cliniquement a priori limitée au corps utérin IRM abdomino-pelvienne ± échographie abdomino-pelvienne Femme bon état général Tumeur < 2/3 myomètre Volume utérin normal Annexes normales Pas d atteinte ganglionnaire Femme état général normal Tumeur > 2/3 myomètre et/ou gros utérus (myomateux) et/ou annexes suspectes et/ou ganglions très suspects Femme avec état général très médiocre Hystérectomie + annexectomie bilatérale + curage pelvien Par laparoscopie Hystérectomie + annexectomie bilatérale + curage pelvien ± curage lombo-aortique Par laparotomie Hystérectomie + annexectomie bilatérale Par voie vaginale Tableau II Stratégie de prise en charge chirurgicale d un adénocarcinome de l endomètre a priori de stade limité.

Facteurs pronostiques et traitements de l adénocarcinome de l endomètre 425 TRAITEMENTS POSTOPÉRATOIRES La chirurgie peut être suivie d une irradiation postopératoire qui peut être une irradiation externe (le plus souvent pelvienne à la dose de 45 Gy, utilisant des photons de haute énergie) et/ou une curiethérapie vaginale. Le but de ce traitement est d optimiser le contrôle local en réduisant en particulier le risque de récidive vaginale. Ainsi, le contrôle local de cette association radio-chirurgicale (hystérectomie simple) est donc excellent. Dans notre expérience concernant 390 patientes traitées par association radiochirurgicale pour un cancer de l endomètre, nous n avons observé que 7 récidives pelviennes (dont 3 avec une récidive vaginale pure) (26). Les patientes peuvent être traitées par une chirurgie exclusive (sans irradiation postopératoire) en cas de tumeur intramuqueuse, ou pénétrant très superficiellement le myomètre, et de grade 1 et sans atteinte de l endocol ni des annexes ni des ganglions (lorsqu ils ont été prélevés). En cas de tumeur infiltrante < 50 % du myomètre, de grade 1 ou 2 et N-, une curiethérapie vaginale de complément est souvent réalisée. En cas de tumeur pénétrant profondément le myomètre et/ou de grade 3 et/ou avec atteinte ganglionnaire, une irradiation externe suivie d une curiethérapie vaginale de complément est classiquement réalisée. Dans les situations intermédiaires, il n est pas possible de recommander un traitement, la prise en charge devant être faite au cas par cas en intégrant non seulement les facteurs pronostiques mais aussi l âge et le terrain. Une chimiothérapie peut être discutée en cas de dissémination extrautérine (atteinte péritonéale, ovarienne ou métastase à distance). CONCLUSION L intervention de référence dans les cancers de l endomètre est l hystérectomie totale simple avec annexectomie bilatérale. La lymphadénectomie pelvienne est souvent associée. Cette chirurgie peut être idéalement réalisée par laparoscopie dans des cas bien sélectionnés et avec des opérateurs entraînés (tumeur infiltrante < 2/3 du myomètre et utérus peu volumineux et sans atteinte macroscopique des ganglions ni des annexes). La laparotomie est réservée aux autres cas. Chez des patientes médicalement à risque et/ou avec des tares médicales importantes, une hystérectomie simple avec annexectomie par voie vaginale peut se discuter. Les traitements postopératoires dépendent des facteurs de risque histologiques déterminés lors de l analyse des pièces opératoires. Références 1. Bremond A, Bataillard A, Thomas L et al. (2001) Standards, Options et Recommandations pour la prise en charge chirurgicale des patientes atteintes de cancer de l endomètre. Bull Cancer 88: 181-98 2. International Federation of Gynecology and Obstetrics (1989) FIGO stage 1988 revision. Gynecol Oncol 35: 125-7 3. Michel G, Morice P, Castaigne D et al. (1998) Facteurs pronostiques et implications thérapeutiques des cancers de l endomètre. Contracept Fertil Sex 26: 452-6 4. Morice P, Camatte S, Fondrinier E et al. (2002) Quelle hystérectomie faut-il pratiquer dans les cancers de l endomètre de stade I et II? Bull Cancer 89: 157-9 5. Creasman WT, Morrow CP, Bundy BN et al. (1987) Surgical pathologic spread patterns of endometrial cancer. A Gynecologic Oncology Group Study. Cancer 60: 2035-41 6. Morrow CP, Bundy BN, Kurman RJ et al. (1991) Relationship between surgical-pathological risk factors and outcome in clinical stage I and II carcinoma of the endometrium: a Gynecologic Oncology Group study. Gynecol Oncol 40: 55-65 7. Tamussino KF, Reich O, Gucer F et al. (2000) Parametrial spread in patients with endometrial carcinoma undergoing radical hysterectomy. Int J Gynecol Cancer 10:313-7 8. Cornelison TL, Trimble EL, Kosary CL (1999) SEER data, corpus uteri cancer: treatment trends versus survival for FIGO stage II, 1988-1994. Gynecol Oncol 74: 350-5 9. Boente MP, Yordan EL Jr, McIntosh DG et al. (1993) Prognostic factors and long-term survival in endometrial adenocarcinoma with cervical involvement. Gynecol Oncol 51: 316-22 10. Leminen A, Forss M, Lehtovirta P (1995) Endometrial adenocarcinoma with clinical evidence of cervical involvement: accuracy of diagnostic procedures, clinical course, and prognostic factors. Acta Obstet Gynecol Scand 74: 61-6

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