«Réforme de la PAC : les enjeux pour les Régions françaises» A Clermont-Ferrand, le 22 novembre 2011, plus de 500 acteurs de l agriculture ont répondu à l invitation de l association des Régions de France et du Conseil régional d Auvergne. Au lendemain de la publication par la Commission européenne de ses propositions pour réformer la PAC, des représentants de la Commission, du Parlement européen, du Comité des régions et des organisations professionnelles agricoles françaises se sont positionnés sur les orientations de la réforme et sur la volonté des Conseils régionaux de mettre en œuvre et de gérer la future Politique agricole commune au niveau régional, comme la Commission européenne en donne la possibilité. PAC post-2013 : les Régions de France veulent peser dans le débat Le 12 octobre 2011, la Commission européenne a présenté ses propositions pour la PAC 2014-2020. Le Parlement européen et le Conseil de l Union européenne vont devoir les arbitrer. Pour le président de la Commission agriculture, pêche et forêt de l ARF, René SOUCHON, «le temps est venu d affirmer les positions des régions françaises qui entendent jouer pleinement leur rôle dans la mise en œuvre de la future PAC». Evoquant notamment la taxation sur les transactions financières qui rapporterait 60 milliards d'euros au budget communautaire, le président du Conseil régional d Auvergne a salué certaines propositions de la Commission qui permettraient à l Union européenne de disposer enfin de ressources propres. Il précise que «dans un contexte économique difficile, notamment pour les agriculteurs, il ne faut pas confondre rigueur budgétaire et austérité». Il s est également opposé à la position des gouvernements français et allemand qui souhaitent que la Commission revoie ses propositions financières à la baisse. Estimant que les négociations devaient maintenant porter sur la mise en oeuvre du premier pilier et du second pilier de la PAC, le président de la région Auvergne a aussi rappelé la position de l ARF en faveur d une régionalisation de la mise en œuvre et de la gestion de la future PAC. 1
Réforme de la PAC : les acteurs prennent position Ce que propose la Commission européenne Représentée par José Manuel SOUSA UVA de la DG agriculture, la Commission européenne a présenté ses propositions pour la PAC après 2013. Quatre règlements sont plus particulièrement concernés : les paiements directs, l'organisation commune de marché unique, le développement rural et les aspects transversaux de la PAC. Au nom de la DG Agri, le représentant de la Commission européenne a rappelé que «la réforme intervient dans un contexte de crise nécessitant plus de cohésion territoriale, économique et environnementale pour l agriculture européenne» et que «la nouvelle PAC doit refléter la vitalité des territoires et la diversité de l'agriculture de l'union». La Commission propose donc que les aides directes soient plafonnées et constituées d'un paiement de base, auquel s ajouteraient 30 % au titre du verdissement. Pour protéger la biodiversité, 7% des surfaces agricoles devraient être allouées à ce verdissement, contre 2,5% aujourd'hui. Une partie des aides directes serait maintenue couplée pour certaines productions animales. La viticulture et le secteur des fruits et légumes seraient désormais éligibles aux DPU. La disparition progressive des références historiques rapprocherait les niveaux d'aide à l'hectare, faisant diminuer significativement les écarts dans les zones d'agriculture intensive. Les aides seraient enfin plafonnées à hauteur de 300 000 euros par exploitation. François BONNEAU : la position des Régions de France Représentée par le président de la région Centre, l association des Régions de France a réservé un accueil favorable mais nuancé aux propositions de la Commission européenne. François BONNEAU a déploré le manque d'ambition de la Commision en ce qui concerne la régulation des marchés et le soutien aux zones à handicap naturel permanent. Il a aussi dénoncé l'orientation globalement libérale des propositions, sous influence de l'organisation mondiale du commerce (OMC). La fin des références historiques est évidemment un pas très important, bien que les modalités de mise en oeuvre restent à préciser. Quant aux mesures agro environnementales, elles vont dans le bon sens, même si les Régions souhaitent que les aides à l'agriculture biologique dépendent du premier pilier. Il salue aussi la recherche d'une plus grande équité dans l'attribution des aides, en particulier pour les jeunes agriculteurs. L'ARF souhaite d'ailleurs l'extension de la notion de «jeune agriculteur» au delà de 40 ans, en raison de l'évolution sociétale. A cet égard, il convient de s'interroger sur l'absence d'outils de politique foncière, le problème de l'accès au foncier des jeunes et des installés hors cadre étant plus que jamais d'actualité. 2
José BOVÉ : «Une petite réformette dans un contexte historique» Pour le représentant du Parlement européen, le moment est historique car «c'est la première fois que la PAC va être débattue selon le mode de la codécision. Le Conseil et le Parlement décideront ensemble». Mais pour le député européen, la déception est au rendez-vous de l histoire. Selon lui, si les premières propositions de la Commission «avaient du souffle et indiquaient une possible mise à plat de la distribution des aides», les propositions législatives du 12 octobre vont vers «une petite réformette, car une majorité d Etats membres ne souhaite pas cette remise à plat de la PAC». Et José BOVE de conclure en décrivant le verdissement de la PAC comme un leurre. Mercedes BRESSO : «la Commission européenne pouvait mieux faire» Au nom du Comité des régions d Europe, la présidente a approuvé l'abandon des références historiques et l'instauration d'un système d'aides à plusieurs étages avec bonus écologique. Elle a également reconnu l'importance de la création d'un cadre stratégique commun, couvrant les cinq fonds européens (FEDER, FEADER, FSE, FEAMP, et fonds de cohésion) ainsi que le développement des aides aux zones défavorisées. Mais elle a aussi fait part de sa déception : «Nous sommes loin de la réforme profonde attendue. Y a-t-il vraiment une répartition plus équitable des paiements directs? Quid de l'aide à l'emploi? La redistribution prévue n'est pas significative.» Pour aller plus loin, Mercedes BRESSO a également insisté sur la nécessité de développer les circuits courts qui peuvent garantir une production alimentaire de qualité, ainsi que sur le nécessaire renforcement du pouvoir des producteurs au sein de la chaîne alimentaire face au diktat de la grande distribution. Pour le deuxième pilier de la PAC, le Comité des régions pense aussi qu on est loin de la vaste réforme annoncée. Six priorités remplacent les quatre axes, mais, au fond, rien n'a changé. Pour le Comité des régions, il faut distinguer développement rural et agriculture, et ne pas mobiliser le FEADER exclusivement pour elle. 3
CESER : aller ver l agro-écologie Le Conseil économique, social et environnemental français considère que la question de fond est l'accès à l'alimentation à l échelle planétaire. Relayé par Régis HOCHART, il propose d orienter l'agriculture vers l'agro-écologie. Selon le CESER, plus d'un milliard d'individus n'ont pas accès à la nourriture et la spéculation s aggrave. Pour lui, la disparition du stockage public a été préjudiciable à la sécurité alimentaire. A terme, le CESER voudrait faire interdire la spéculation mais aussi encadrer et limiter la production d agrocarburants. Plutôt que d'alimenter la compétition internationale, le CESER suggère de miser sur les territoires, en renforçant le rôle des Conseils régionaux pour créer des entreprises locales de transformation et développer les circuits courts. Pour attester du réalisme de ses propositions, le CESER s appuie sur l exemple de la Corse, qui gère les fonds FEADER depuis 2007, et sur la gestion du FEDER par l Alsace depuis 2003. En matière d'agro-écologie, le CESER considère que les mesures doivent être plus fortes pour les deux piliers de la future PAC, en prenant en compte, par exemple, le nombre d actifs sur une exploitation et non plus les surfaces. 4
Mise en œuvre et gestion de la PAC : les Régions veulent la régionalisation Régionaliser la PAC en France A Clermont-Ferrand, René SOUCHON a rappelé que si l enjeu reste la préservation de l indépendance et de la souveraineté alimentaire de l Europe, la PAC a perdu en efficacité, en cohérence et en légitimité. Il convient aussi de relever le défi de la cohésion territoriale, de l aménagement du territoire et de la préservation de l environnement. Pour utiliser au mieux l enveloppe attribuée à la France pour la période 2014-2020, René SOUCHON estime nécessaire et cohérent de mettre en place une gouvernance régionale pour la mise en œuvre et la gestion des fonds des deux piliers. Cette régionalisation permettrait notamment la prise en compte de l emploi dans l'attribution des aides, ainsi qu un soutien à l'agriculture de montagne et aux zones défavorisées, tout en considérant les particularismes locaux de manière fine. Invitant l Etat français et les organisations professionnelles agricoles à choisir un modèle de mise en œuvre et de gestion régionale de la PAC, René SOUCHON a ainsi demandé au gouvernement de «s'appuyer sur la productivité des territoires». Les Chambres d agriculture favorables à la régionalisation du deuxième pilier Face aux propositions de la Commission, L'Assemblée permanente des Chambres d'agriculture (APCA) se veut pragmatique. Pour elle, plutôt que l égalité, les paiements doivent refléter l'équité. Attirant l attention de la Commission sur l augmentation des catastrophes naturelles, Guy VASSEUR, le président de l APCA, appelle à l intégration du paiement des assurances dans le deuxième pilier pour en favoriser la pluriannualité. Sur le fond du débat, il a estimé que la régionalisation du deuxième pilier de la PAC est pertinente et nécessaire. Régionalisation de la PAC : des nuances dans la position des syndicats français Questionnée sur ses préférences sur le futur choix du gouvernement français entre un modèle de gestion nationale de la PAC ou sa régionalisation, la Fédération nationale des syndicats d exploitants agricoles, par la voix de son secrétaire général Dominique BARRAU, a répondu par une interrogation sur le budget alloué à l'agriculture, qu'elle ne considère pas encore acquis. 5
Favorable à la régionalisation du deuxième pilier, Philippe COLLIN, porte-parole de la Confédération paysanne, pense que les aides au revenu, envisagées dans la future PAC, sont en réalité des aides à la surface. Pour lui, la régionalisation de la PAC implique une véritable politique régionale de l'installation, avec des compétences régionales en matière de foncier particulièrement. Un avis partagé par Carole DORE, porteparole des Jeunes agriculteurs, pour qui l'abandon des références historiques est une bonne chose. Comme la Coordination rurale, les Jeunes agriculteurs semblent préférer que la gestion du premier pilier reste nationale pour éviter la concurrence entre régions. Mais, à l inverse de la coordination rurale, les Jeunes agriculteurs militent pour une régionalisation du deuxième pilier, considérant que le développement rural est une affaire locale. Pour Jean MOUZAT, président du MODEF, la régionalisation de la PAC s'inscrit dans une véritable gestion de territoire, avec un maintien de l'agriculture comme régulateur. Alain ROUSSET : «N ayez pas peur des Régions, elles vous aiment!» C est par une déclaration d amour adressée aux agriculteurs que le président de l ARF a conclu le colloque. Revenant sur la position de l'arf, le président du Conseil régional d Aquitaine s est montré ferme en réaffirmant la nécessité de la régionalisation de la mise en œuvre et de la gestion de la PAC : «Nous sommes le dernier pays du monde à avoir une organisation napoléonienne qui permet à l'état d'utiliser les crédits européens comme substitut à son propre désengagement. On attend maintenant des Régions françaises qu'elles s'inscrivent dans une nouvelle gouvernance. Nous sommes dans une révolution culturelle et la décentralisation est un excellent moyen de prospective.» 6