Systèmes de production pérenne en zone d altitude du Vietnam : Cas du Thé et bambou



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Systèmes de production pérenne en zone d altitude du Vietnam : Cas du Thé et bambou Mémoire présenté par : BOULANGER FLORENT En vue de l obtention du DIPLOME D AGRONOMIE TROPICALE DE L IRC- SUPAGRO et du DIPLOME D INGENIEUR EN AGRICULTURE DE L INSTITUT POLYTECHNIQUE LASALLE BEAUVAIS HERROU MAEL En vue de l obtention du DIPLOME D AGRONOMIE TROPICALE DE L IRC- SUPAGRO et du DIPLOME D INGENIEUR EN AGRICULTURE DE L ECOLE SUPERIEURE D AGRICULTURE D ANGERS Maître de stage : Damien Hauswirth et Aurélie Vogel DIRECTREUR DE MEMOIRE : Damien Hauswirth et Aurélie Vogel Octobre 2009

Systèmes de production pérenne en zone d altitude du Vietnam : Cas du Thé et bambou Mémoire présenté par : BOULANGER FLORENT En vue de l obtention du DIPLOME D AGRONOMIE TROPICALE DE L IRC- SUPAGRO et du DIPLOME D INGENIEUR EN AGRICULTURE DE L INSTITUT POLYTECHNIQUE LASALLE BEAUVAIS HERROU MAEL En vue de l obtention du DIPLOME D AGRONOMIE TROPICALE DE L IRC- SUPAGRO et du DIPLOME D INGENIEUR EN AGRICULTURE DE L ECOLE SUPERIEURE D AGRICULTURE D ANGERS Maître de stage : Damien Hauswirth et Aurélie Vogel MEMBRE DE JURY : Dreyfus F., Valony M.-J. Guerber-Cahuzac B. Chabanne A. Renard O. Octobre 2009

Sommaire Introduction... 1 1 Problématique et méthodologie... 2 1.1 Projet et structure d accueil... 2 1.2 Analyse de la demande GRET /CIRAD... 3 1.2.1 Deux études distinctes mais avec des objectifs globaux identiques... 3 1.2.2 Et une problématique commune... 3 1.3 Phasage des stages... 4 1.4 Outils mobilisés... 4 1.5 Démarche méthodologique... 5 1.5.1 Objectifs et outils spécifiques mobilisés dans les différentes phases... 5 1.5.2 Choix de rédaction du rapport... 12 2 contexte de l étude... 13 2.1 Présentation du Vietnam... 13 2.2 Milieu physique... 15 2.2.1 Des districts pauvres de montagnes éloignés des centres économiques majeurs15 2.2.2 Des conditions climatiques influencées par le milieu... 15 2.2.3 Accès à l eau et ruissellement, deux enjeux prépondérants pour l agriculture locale 17 2.2.4 Topographie et hydrographie : deux zones montagneuses... 18 2.3 Histoire agraire... 19 2.4 Catégorisation d usages des sols... 21 2.5 Mises en valeur du milieu... 22 2.6 Contexte socio-économique... 23 2.6.1 Encadrement de l agriculture... 23 2.6.2 Accès aux semences et aux intrants... 24 2.6.3 Opportunités de commercialisation... 26 2.6.4 Organisation des filières... 26 2.7 une variabilité des prix plus ou moins forte... 28 2.7.1 Une variabilité des prix selon la saison... 28 2.7.2 Une faible rémunération de la qualité... 29 2.8 Principaux points de comparaison des deux régions... 30 3 Points de comparaison : analyse des pratiques... 32 3.1 Analyse des pratiques de cultures pour les cultures annuelles... 32 3.1.1 La culture du riz irrigué... 32 3.1.2 Pratiques culturales sur les cultures annuelles de pentes... 34 3.1.3 Des rendements de cultures annuelles variables selon les zones :... 34 3.2 Comparaison des modes de conduite du thé et bambou... 35 3.2.1 Gestion des parcelles... 35 3.2.2 Plantation et remplacement d une parcelle... 36 3.2.3 Associations pratiquées au stade pré-commercial... 38 3.2.4 Pratique de culture en phase commerciale... 39 3.3 Systèmes d élevage... 42 3.3.1 L élevage bovin... 42 3.3.2 L élevage porcin... 43 3.3.3 L élevage de volaille... 44 3.3.4 Elevage et agriculture, deux ateliers complémentaires... 44 3.4 Analyse des temps de travaux par cultures... 45

3.4.1 Calendrier cultural des cultures annuelles... 45 3.5 Comparaison des temps de travaux sur thé et bambou... 47 3.5.1 Etude des cultures thé et bambou... 47 4 Performances technico économiques... 50 4.1 Système de culture thé et bambou... 50 4.1.1 Comparaison des niveaux moyens de productivité de la terre et du travail... 50 4.1.2 Productivité de la terre et du travail selon la surface du parcellaire... 53 4.1.3 Etude de l influence d une variation des prix de vente de la production sur les productivités... 57 4.2 Performances d exploitation... 58 4.2.1 Couverture des besoins en céréales... 58 4.2.2 Etude des produits bruts et des marges brutes d exploitation et de leur composition... 58 4.2.3 Comparaison des performances technico-économiques d exploitations... 58 4.2.4 Comparaison des facteurs de différenciation des performances d exploitation. 59 Conclusion... 59 Bibliographie... 61 ANNEXES... 62

SIGLES ET ACRONYMES ADAM : Appui au développement de l approche agro-écologique en région de moyenne montagne du nord Vietnam AFD : Agence Française de Développement CIRAD : Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement GRET : Groupe de recherche et d Echanges Technologiques IRC SupAgro : Institut des régions chaudes SupAgro (Centre international d'études supérieures en sciences agronomiques de Montpellier) NOMAFSI : Institut des sciences agricoles et forestières pour les zones de montagne du Nord du Vietnam ou Northern Mountainous Agriculture and Forestry Science Institute SCV : Système sous Couvert Végétal UR : Unité de Recherche VND : Vietnam dông, monnaie vietnamienne ; - en octobre 2008, 1 euro = 26 000 VND 1 dollar = 16 245 VND - en juin 2009, 1 euro = 25 000 VND 1 dollar = 17 800 VND

INTRODUCTION Les zones de montagnes au Vietnam représentent plus 75% du territoire national. Isolées géographiquement, elles connaissent de fortes situations d enclavement par rapport aux zones plus développées du pays (zones de deltas et de plaines) (CASTELLA et al., 2005). L accessibilité réduite ou l enclavement des zones de montagnes est à l origine de faibles opportunités de commercialisation ce qui ralentit encore le développement économique (CASTELLA et al., 2005). Elles sont restées pour la plupart à l écart du développement économique national et font partie des régions les plus pauvres du pays selon la classification officielle. Les populations des zones de montagnes dépendent largement de la mise en valeur des terres de pentes, (CLEMENT and AMEZAGA, 2007). Traditionnellement peuplées d ethnies dites minoritaires pratiquant la culture sur abattis brulis, les systèmes agraires de montagne ont subi de nombreux bouleversements. La fin du modèle agricole collectiviste (début des années 1980 à 1993) a vu la déforestation des terres de pentes augmenter en intensité au profit de monocultures annuelles telles que maïs et manioc (LY, 2008 ; SADOULET et al., 2001). Bien que leurs pratiques actuelles aient un impact négatif sur la qualité des sols et par conséquent sur les rendements, les cultures annuelles sur pentes restent une source de revenus indispensable pour les foyers (LY, 2008). C est en 1970 que l Etat vietnamien a décidé de développer les cultures pérennes sur pente dans les deux zones d études : le bambou dans la province de Thanh Hoa et le thé dans la province de Yen Bai. La création de nouvelles zones économiques avait pour but de désengorger le centre et le sud du pays et de limiter les effets de la déforestation. Avec un objectif similaire, ces deux cultures ne sont pas conduites de la même manière. L étude des pratiques, des performances économiques des exploitations de ces deux régions à pour objectif de prendre connaissance de la diversité physique, socio-économique et économiques des exploitations. La justification d une telle étude, qui serra présentée dans un premier temps, permettra de définir la méthodologie employée durant le stage. Méthodologie indispensable pour la comparaison des deux zones. La comparaison des régions débute par une étude croisée des milieux pour s orienter plus spécifiquement vers les pratiques mises en place par les producteurs de bambou et de thé. Enfin, l analyse technico-économiques aura pour objectif de comparer les performances des exploitations théicoles et bambouicoles et de définir les facteurs de différenciation des exploitations. Cette comparaison a été effectuée sur la base de deux diagnostics agraires, un sur le thé, dans le district de Van Chan, province de Yen Bai et le second sur les districts de Quan Hoa et Ba Thuoc, province de Thanh Hoa (cf. Boulanger, 2009 et Herrou, 2009) 1

1 PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE 1.1 PROJET ET STRUCTURE D ACCUEIL Le Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) et le Groupe de Recherche et d'échanges Technologiques (GRET) travaillent depuis de nombreuses années au Vietnam (1988 pour le GRET et 1996 pour le CIRAD). Ils ont à leur actif plusieurs projets de développement et de recherche dans le pays. Tous deux sont aujourd hui engagés dans un projet de développement de zones de montagnes, s appuyant sur les cultures pérennes (cf. Boulanger, 2009, chapitre 2.1, Herrou, 2009, chapitre 1.1). Initié fin 2008, le projet ADAM (Appui au Développement de l approche Agro écologique en région de moyenne altitude et de Montagnes du Nord Vietnam) a pour objectif l application des principes de l agro-écologie 1 à la culture du thé. Lancé en 2005, le projet LDP (Luong Development Project) vise à la fois, une amélioration des pratiques agronomiques et un développement de la filière bambou. Le CIRAD n est pas le maître d œuvre du projet ADAM (NOMAFSI), il y fournit une assistance technique pour la mise au point de systèmes de culture sous Couvert Végétal (SCV). En collaboration avec d autres ONG locales, le GRET a la maîtrise d œuvre du projet LDP depuis son commencement. Il dispose d un personnel de coordination conséquent et d équipes formées sur le terrain. La logistique et l accès à l information y sont par conséquent plus importants. De par son antériorité (3 ans), le projet LDP connaît parfaitement le contexte local et dispose d une source d informations sur la zone plus abondante. Enfin, alors que le projet LDP est essentiellement centré sur le bambou et sa filière, le projet ADAM vise à terme, à contribuer à la création et à la diffusion de systèmes de cultures basés sur les SCV (système sous couvert végétal) dans les zones montagneuses théicoles. Tout ceci explique en partie les attentes différentes des deux projets vis-à-vis de ces études. L étude demandée par le GRET a pour objectif de déterminer la place des systèmes de production à base de bambou dans les exploitations, alors que la CIRAD, en plus de cet objectif, désire connaitre les pratiques culturales mises en place sur le thé. L intérêt d une étude comparative commune est de dégager des pistes de compréhension globale de l organisation des systèmes de culture pérennes en zones de montagne à partir de deux études de cas. 1 L agroécologie est une démarche scientifique attentive aux phénomènes biologiques et qui associe le développement agricole à la protection-régénération de l environnement naturel (P. Rabhi, 2005) 2

1.2 ANALYSE DE LA DEMANDE GRET /CIRAD La très grande diversité des écosystèmes au nord du Vietnam est à l origine d un impact différencié des politiques agricoles nationales selon les situations locales (Zeiss et al, 2001). Les deux organismes de développement, le Groupe de Recherche et d'échanges Technologiques (GRET) et le Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), interviennent au Vietnam dans le cadre de recherche pour améliorer les conditions des populations vivant de l agriculture. Tous deux ont pour objectif de comprendre : Le développement économique des zones rurales du Vietnam à l écart des grandes améliorations qu ont connues d autres régions L organisation et la gestion de l agriculture de ces régions et plus particulièrement des pentes cultivées Des études basées sur un diagnostic agraire ont été mises en place en 2009. Ce diagnostic, principalement basé sur des enquêtes, a pour but de renseigner l organisation du paysage agricole et les pratiques des agriculteurs des deux régions. Partis de besoins spécifiques de diagnostic, les propositions de sujets de stage se sont finalement inscrites dans le cadre d une collaboration plus large GRET et CIRAD. C est dans ces deux cadres respectifs que ce sont insérées les deux études de diagnostic agraire. 1.2.1 Deux études distinctes mais avec des objectifs globaux identiques Ces deux stages avaient comme objectif de contribuer à la réalisation d un diagnostic comparatif des systèmes de production et de culture pérenne du Nord-Vietnam en explorant deux cas particulier à partir d une approche méthodologique commune : Province de Yen Bai, district de Van Chan, situé à 156 km au Nord-Ouest de Hanoi, où les systèmes de culture théïcoles ont été étudiés ; Province de Thanh Hoa, districts de Quan Hoa et Ba Thuoc, situés à 150 km au Sud de Hanoi, où les systèmes de cultures bambouicoles ont été étudiés. 1.2.2 Et une problématique commune Dans un contexte d altitude et de montagne, les deux zones d études se prêtent à une comparaison basée sur une problématique commune : Quels sont les facteurs essentiels de différenciation des systèmes de productions (milieu biophysique, environnement socio-économique ou encore les politiques locales) au sein et entre les deux régions théïcole et bambouicole? Qu elles sont les stratégies et les pratiques culturales opérées par les agriculteurs des deux régions? Quels sont les facteurs clés de différenciation des performances technicoéconomiques des exploitations agricoles? 3

1.3 PHASAGE DES STAGES Afin d optimiser le temps imparti à l étude d une petite région agraire initialement inconnue, les quatre mois de stage ont été divisés en 3 phases successives de terrain 1,: La phase 1, d une durée de trois semaines, a été consacrée à la prise de contact avec le milieu, à un premier échantillonnage de lieux d enquête et au renseignement de paramètres agricoles des zones d étude. Ces paramètres ont été établis grâce à l élaboration d une grille d indicateurs qui ont été renseignés durant cette période (cf. annexe 1). Des enquêtes technico-économiques visant à recueillir des données sur les performances économiques des exploitations des deux zones ont ensuite été conduites durant trois semaines. Elles ont été réalisées grâce à des grilles d enquêtes préalablement construites (cf. annexe 2). Enfin, quatre semaines de terrain ont été consacrées à l analyse des pratiques et stratégies paysannes au sein des systèmes de cultures thé ou bambou. Les trois phases de terrain ont été entrecoupées de retours transitoires sur Hanoi (débriefing, construction de grilles d enquêtes et d analyse, restitution transitoire). Le calendrier de travail (cf. Annexe 3) récapitule le déroulement du travail effectué au cours de ce stage. Ces phases ont été établies afin d optimiser le travail sur le terrain. En pratique, des informations sur chaque phase ont été recueillies tout au long de l étude. L histoire agraire des deux régions n était pas l élément principal à renseigner, les responsables de stage, D. Hauswirth et A. Vogel ont fait le choix d en réduire son analyse. En milieu de stage, une semaine a été consacrée à la visite croisée des terrains lors d une mission commune regroupant les deux maitres de stage et la directrice de mémoire, M.J. Valony. Ceci a permis à chaque stagiaire de découvrir la zone d étude de l autre membre du binôme, afin de faciliter le travail de comparaison des données / intégration des résultats effectué par la suite. Un tel phasage permet de cadrer l étude. Mais, pour celles-ci, où la bibliographie disponible sur les deux zones n est pas la même, le temps nécessaire à la compréhension du milieu n était pas équivalent. De plus, le recueil des données s étant révélé plus difficile que prévu, certains points n ont pas pu être approfondis (pratiques culturales précises sur les cultures annuelles, justification des pratiques sur le thé ou le bambou ). 1.4 OUTILS MOBILISES Divers outils ont été mobilisés au cours de cette étude : Dans un premier temps, un travail bibliographique et cartographique succinct a été réalisé afin de dégager une vue d ensemble de la région Nord Vietnam et des zones d études. Certaines informations géographiques sur les sols, la phytogéographie ou le climat n ont pu être obtenues. Un zonage agro-écologique des districts et la comparaison des lieux d enquête effectués ont participé à une meilleure compréhension du milieu. 1 Districts de Quan Hoa et de Ba Thuoc (Thanh Hoa) pour le bambou et district de Van Chan (Yen Bai) pour le thé 4

Dans un souci de précision et d intégration des résultats, les différentes phases d enquêtes ont été menées à partir de questionnaires réalisés en commun : La phase de prise de contact avec le milieu a été réalisée sur la base d une grille d indicateurs à renseigner (cf. annexe1). Pour les deux membres du binôme, le travail d enquête a été réalisé avec un interprète vietnamien francophone. Les critères retenus lors du recrutement ont été tout d abord un niveau de français correct et une connaissance du vocabulaire agricole. Mais, avec une durée de trajet importante due à des lieux de stages éloignés de la capitale et des salaires peu attractifs, les exigences ont été revues. La préparation des entretiens par l explicitation de chaque terme des questionnaires a facilité le travail en binôme stagiaire/interprète. Cependant, des biais inhérents à l interprétariat ont subsistés : Incompréhension du vocabulaire technique Temps d entretien plus important limitant le nombre de questions par enquête Biais de traduction Réticence de la part de l interprète à aborder certains sujet (politique, tradition ) 1.5 DEMARCHE METHODOLOGIQUE 1.5.1 Objectifs et outils spécifiques mobilisés dans les différentes phases 1.5.1.1 Prise de contact avec le milieu Cette phase avait pour objectif la compréhension globale du système agraire à travers la qualification et quantification des facteurs de milieux -facteurs biophysiques (climat, relief ) et socioéconomiques (infrastructures, présence d usine ) ainsi que l analyse de différents paramètres relatifs aux systèmes de production (calendriers culturaux, niveaux de fertilisation, etc.). Echantillonnage géographique Deux niveaux d échantillonnage successifs ont été effectués : Un premier niveau d échantillonnage des communes a été réalisé afin de sélectionner les communes d étude (cf Tableau 1, Boulanger, 2009, chapitre 1.3.2, Herrou, 2009, chapitre 1.4) Le deuxième niveau d échantillonnage effectué un mois après le début de l étude, s est orienté vers le choix des villages. Le Tableau 1 ci après résume les principaux critères d échantillonnage retenus lors de cette phase. 5

Critères d échantillonnages des communes Critères d échantillonnages des villages Tableau 1 : Critères d'échantillonnage des communes et des villages durant la prise de contact avec le milieu Echantillonnage social Zone thé Type de milieu Altitude (m) Culture principale Pente Proximité d une usine d Etat Conduite du thé Relations contractuelles des paysans Enclavement Accès au riz irrigué Zone bambou Topographie Enclavement/axe routier principal Présence d une usine d agro transformation Distance par rapport au bureau Enclavement/route principale Présence d une usine d agro transformation L objectif du stage étant la comparaison de systèmes de production comportant un système de culture pérenne, les entretiens se sont naturellement focalisés sur les exploitations disposant d ateliers thé ou bambou (cf. Tableau 2). Le nombre d exploitations enquêtées a été limité par le temps. Il s agit donc d études de cas. Cette méthode introduit un biais sur la représentativité des données. En effet, des interactions peuvent exister entre exploitations même si elles n ont pas d atelier cultures pérennes. La démarche méthodologique définie communément par le CIRAD et le GRET a été appliquée par chaque étudiant à son terrain respectif. Même si les premières semaines n ont été consacrées qu à la compréhension du milieu, le reste du stage a permis d en continuer l analyse et de préciser certains points. Au cours de cette phase, des hypothèses ont été faites quant aux facteurs possibles de différenciation des performances technico-économiques des exploitations. Les années 2008 et 2009 ont été prises comme base pour les enquêtes. Ceci afin de pourvoir faire une comparaison entre deux années. Cependant, l évolution récente du milieu socioéconomique et l étude des pratiques à long terme a obligé la tenue d entretiens sur la dernière décennie. Compréhension du milieu Nombre d entretiens effectués Tableau 2 : Modalités pour le choix des acteurs enquêtés 50 Modalités de sélection des acteurs enquêtés Acteurs les plus diversifiées possibles Nature des acteurs enquêtés Exploitants, Cadres des comités populaires, usines, collecteurs, magasins agricoles, marchés 6

1.5.1.2 Phase d étude technico-économique Le deuxième mois de l étude a été consacré à l analyse économique. Les enquêtes auprès des exploitants ont été orientées vers le recueil de données économiques afin de comparer ultérieurement les performances technico économiques des exploitations. Différents choix méthodologiques ont été faits pour faciliter la collecte et l analyse des données. La phase économique a nécessité le recours à des entretiens fermés, quantitatifs et directifs. Les données recueillies ont ensuite été saisies dans un masque de saisie construit en commun, puis analysées selon les mêmes méthodes (tri ascendant de résultats obtenus dans des études de cas répondant à des critères de différenciation a priori). Les premiers choix ont été faits au moment de la construction du questionnaire utilisé pour le recueil des données. Echantillonnage social Analyse économique Nombre d entretiens effectués 35 Modalités de sélection des acteurs enquêtés Exploitations ayant un atelier thé ou bambou Tableau 3 : Modalités d'échantillonnage des enquêtes économiques Nature des acteurs enquêtés Exploitants produisant du thé ou du bambou Le choix des exploitations qui ont été enquêtées à été limité par le temps, seules 35 exploitations ont pu être enquêtées (cf. Tableau 3 ci-dessus) Choix d une année de référence : Les données économiques recueillies ont été limitées à l année 2008 (la plus proche à l esprit des agriculteurs enquêtés). Particularité de l année 2008 : - un prix des engrais très élevé en lien avec l augmentation du prix des hydrocarbures - Un hiver 2007-2008 exceptionnellement rigoureux réduisant le nombre d animaux par exploitation dans les zones de montagne - Une demande exceptionnelle pour le thé tirée par le marché chinois Conversion des devises (au 01/06/2008) Devises Achat (Dong vietnamien Vente (Dong vietnamien VND) VND) Dollars US ($) 16 245 16 247 Euros ( ) 25 783 27 300 Tableau 4 : Taux de change des devises au 1 juin 2008 (Source : Vietcombank, 2008) Choix sur l imputation de la main d œuvre : 7

La main d œuvre rémunérée a été classée comme une charge économique d atelier. Seule la main d œuvre familiale est retenue dans le décompte des actifs. Une autre solution (non retenue) aurait pu être de comptabiliser l ensemble des journées travaillées. Un choix sur les prix de références Les prix retenus pour les calculs économiques sont basés sur des valeurs de références pour les productions et les intrants. Ces références ont été établies à dire d agriculteurs et ont servi à calculer les produits bruts des productions et les charges brutes liées à ces cultures. Seules les valeurs spécifiques de production du thé et du bambou ont été conservées sans passer par un prix de référence. Pour le bambou, les producteurs ne sont pas capables de détailler précisément la qualité de la production (calibre des tiges) pour l ensemble de leur récolte. Il était donc impossible d effectuer des moyennes de prix par type de qualité. Afin de pouvoir comparer des valeurs exprimées dans des unités différentes, des unités communes et leurs facteurs de conversion ont été définis (cf. Tableau 5 ci-dessous). Types de cultures Nom production Modalité Rapport Riz Riz paddy Cultures annuelles Maïs Maïs sec 0,7 du frais Manioc Manioc sec 0,3 du frais Thé Frais 0,2 frais Cultures pérennes Bambou Tiges Cannelle Frais Tableau 5 : Unités communes et leurs facteurs de conversion pour les cultures Les prix du matériel en cours d amortissement ont été ramenés aux prix d achat en 2008. Pour la durée d amortissement, la durée moyenne d utilisation à été retenue. 1.5.1.2.1 Choix de l échelle d étude : Les données récoltées en vue de l analyse économique des systèmes de culture ont été recueillies à l échelle de la parcelle (qui se superpose le plus souvent aux systèmes de culture). Ceci entraîne un biais car les performances d atelier peuvent fortement différer entre deux parcelles (exemple : deux parcelles avec des densités de plantation ne sont pas différenciées dans le recueil des données économiques). 1.5.1.2.2 Précision sur l utilisation des données et leur intégration La difficulté à recueillir des données dans un temps limité et avec interprétariat a conduit à faire des choix pour l intégration de certaines données. Ainsi, les charges foncières, de bâtiments d élevage, de matériel ainsi que les produits fonciers ont été délibérément intégrés en charges et produit à l échelle de l exploitation, non de l atelier. Ce choix se justifie par une utilisation des données plus simple et par le fait qu il n est souvent pas possible de lier un outil donné à une production spécifique. Tous ces choix méthodologiques biaisent les données récoltées et conclusions apportées dans l étude. L extension des résultats est donc à prendre avec précaution. 8

Les données économiques récoltées durant l étude ont été utilisées comme suit : Echelle atelier de production Les données ont été recueillies à la parcelle : les parcelles conduites de la même manière, avec les mêmes successions culturales dans l année et les mêmes associations ont été considérées comme une seule et même parcelle. Ainsi, pour la partie économique, une parcelle = sole de l exploitation conduit de la même manière durant l année. Culture annuelle Produit Brut (PB) = (quantité (Q) culture principale (CP) * prix au kilo)* nombre de cycle + quantité de sous produit * prix au kilo + quantité culture associée (CA) * prix Marge Brute d atelier (MB) = PB CI Avec Charges Intermédiaires (CI) = intrant(s) * prix à l unité = semence + crédit de productivité sur les semences + engrais + crédit de productivité sur les engrais + produits phytosanitaires (insecticides, fongicides ) + coût des prestations de service payés (PS) + coût de la main d œuvre extérieure (MOE) payée. Cultures pérennes thé et bambou PB = Q CP * prix/qualité + Q CA * prix + sous produit * prix + Q CA * prix MB d atelier = PB CI Avec CI = engrais + crédit de productivité + produits phytosanitaires + hormones (thé) + coût prestation de service + coût main d œuvre extérieure amortissement Amortissement : correspond au coût de mise en place des cultures : MO, PS, plants Ils ont été ramenés à l année. Pour le thé, une parcelle a été considérée comme amortie au bout de 7 ans (amortissement annuel = amortissement total/7). Pour le bambou, cette charge n a pas été prise en compte car la mise en place d une parcelle d engendre pas de coût particulier. Autre cultures pérennes PB = quantité produite par parcelle * prix + CA * prix Etant donné les difficultés rencontrées pour avoir des données sur les espèces d arbres plantés (fixant la valeur du bois), l âge de coupe, la quantité potentielle de coupe par hectare et la véritable propriété des terres par les agriculteurs (qui définie si le revenu issu de la coupe leur reviendra), les PB issus des autres cultures pérennes ne sont composés que des produits de vente de l année 2008. MB = PB CI Avec CI = intrant + produits phytosanitaires + PS + MOE 9

Echelle atelier élevage PB = animaux vendus * prix + sous produits CI = alimentation + frais vétérinaires + frais gardiennage + frais achat (engraisseur) Echelle exploitation PB = Somme des PB d atelier + produit de prestation de service à l extérieur + Travail externalisé + produits financiers + produit de location + produit issu du travail para et/ou extra agricole MB d exploitation = PB charges d exploitation Avec charges d exploitation = charges foncières de location de terre + charges foncières (taxes) + charges de bâtiments (amortissement des bâtiments 1 ) + coût d entretien + charges de matériel (amortissement 1 du matériel) + charges financières (crédit) + charges de location + charges issues du travail para et/ou extra agricole. Productivité de la terre : MB/ha = (MB*10 000)/surface Avec surface = surface qui a permis de produire la MB Productivité du travail familial MB/actif = MB/AF Avec AF = nombre d actifs familiaux (équivalent temps plein) sur l exploitation avec les équivalences données dans le Tableau 6 ci-dessous : Nombre d équivalent temps plein Adulte Enfant < 12 ans Ancien > 60 ans 1 0,6 0,6 Tableau 6 : Equivalent temps plein utilisé pour le calcul du nombre d actifs familiaux Productivité de la journée de travail Comme il a été précisé précédemment, la main d œuvre rémunérée a été classée comme une charge économique. L étude des pratiques agricoles a permis de définir des temps de travaux par opération. Ce sont ces données qui ont été utilisées pour le calcul de la productivité de la journée de travail. MB/jt = MB/jours travaillés Avec - jt = jours de travail - jours travaillés = nombre de jours nécessaire pour la conduite d un atelier 1 Le prix des bâtiments/matériel considérés est celui de l année 2008, la diversité de mode de construction des bâtiments/matériel à conduit à prendre la durée d utilisation à dire d agriculteur comme durée d amortissement 10

1.5.1.3 Phase d enquête sur les pratiques La description des pratiques paysannes étudiées au cours de cette phase s est limitée aux cultures du thé ou du bambou. Cependant, le lien avec les autres systèmes de cultures et d élevage de l exploitation a été conservé dans l analyse des logiques paysannes à l échelle de l exploitation (cf. Tableau 7 ci-dessous). Cette phase d enquête des pratiques a été menée à l aide d entretiens semi-quantitatifs sur les cinq dernières années afin de comprendre les éventuelles évolutions et l origine des pratiques. L analyse des pratiques s est concentrée sur les plantations en phase d implantation (stade pré-commercial) et celles en production commerciale. Les pratiques culturales mises en œuvre lors des phases de sénescence n ont pas été très étudiées pour des raisons de temps. Pour le bambou, les phases de sénescence sont de plus difficilement identifiables à l échelle de la parcelle. Analyse des pratiques Nombre d entretiens effectués 20 Modalités de sélection des acteurs enquêtés Exploitations ayant un atelier thé ou bambou, Usine de transformation des productions thé ou bambou Tableau 7 : Modalités d'échantillonnage des enquêtes sur les pratiques agricoles Nature des acteurs enquêtés Exploitants produisant du thé ou du bambou 1, représentants des usines de transformation 1 Remarque : pour l analyse des pratiques sur le thé et le bambou, les exploitations ont été enquêtées selon le stade de leur plantation. De la mise en place des cultures jusqu à la première récolte, celles-ci sont au stade pré-commercial. A partir de la première récolte, elles sont ensuite en phase commerciale (à partir de 3 ans pour le thé, de 4 ou 5 ans pour le bambou). Le stade de sénescence pour le thé intervient lorsque la production diminue et que le thé commence à dépérir. 1.5.1.4 Adaptation en fonction des difficultés rencontrées Les principales difficultés rencontrées ont été : - l accès à certaines informations comme les cartes et les données statistiques - le refus d entretiens par certains acteurs du milieu agricole, principalement les usines agroindustrielles (usines de thé, et usines de manioc pour la zone bambou) - l accompagnement par un cadre du comité populaire lors de la visite de certains villages - le recours à une double traduction dans quelques villages isolés où les agriculteurs âgés ne parlent pas tous la langue Kinh (langue nationale, celle de l ethnie majoritaire du même nom). - Les déplacements ont également été un facteur limitant, notamment durant la mousson (à partir de juillet) où l accès à certaines zones (zones isolées de montagnes) fut difficile voire impossible vu l état des sentiers. 11

1.5.2 Choix de rédaction du rapport L étude a été construite de façon à ce qu une comparaison soit possible entre les deux zones. Néanmoins, la rédaction ne devait pas occulter la partie individuelle de chaque zone. La solution de rédaction de deux rapports individuels et d un rapport commun a finalement été retenue d un commun accord comme celle pouvant le mieux s adapter à ce type de demande. 12

2 CONTEXTE DE L ETUDE 2.1 PRESENTATION DU VIETNAM Le Vietnam est un pays d Asie du Sud-est frontalier avec la Chine au Nord, le Laos à l Est et le Cambodge au Sud-ouest. Il est entièrement bordé par la mer de Chine à l Est (cf. annexe 4). Sa superficie totale est de 332 000 km², dont 75 % sont couverts par des montagnes essentiellement localisées dans le Nord et au Centre du pays. Les terres les plus fertiles sont situées dans les deltas du Fleuve Rouge (au Nord) et du Mékong (au Sud). Des aménagements permettent d y réaliser jusqu à 3 cultures par an (2 irriguées + 1 culture sèche) dans le Nord et 3 cycles de riz irrigué par an dans le Sud. La population approche aujourd hui les 90 millions d habitants. Elle se concentre surtout dans les zones de deltas. 70% de cette population vit en milieu rural et dépend au moins pour partie, des revenus de l agriculture (FAO, 2001). Le Nord-Vietnam est indépendant depuis les accords de Genève de 1954, qui ont fait suite à la défaite des Français à Dien Bien Phu après neuf années de guerre. Ces accords ont mis fin à la Colonie d Indochine tout en divisant le pays au niveau du 17e parallèle : la République Démocratique du Vietnam de Ho Chi Minh au Nord et la République du Vietnam de Ngo Dinh Diem au Sud. Une nouvelle guerre s est alors engagée entre le Sud Vietnam soutenu par les Etats-Unis (lesquels n avaient pas signé les accords de Genève) et le Nord- Vietnam communiste. Ce n est qu après la chute de Saigon le 30 avril 1975 que le pays fut réunifié pour devenir la République Socialiste du Vietnam. Jusqu en 1979, le Vietnam était un pays socialiste à économie planifiée et centralisée. Les échanges extérieurs étaient limités aux pays du COMECON (Council for Mutual Economic assistance). L agriculture était organisée en coopératives agricoles où les moyens de productions étaient mis en commun, y compris la force de travail. Après de longues années de guerres, le système collectiviste présent depuis le début des années 60 au Nord, rencontra de nombreuses difficultés à s imposer au Sud. Dès la fin des années 70, des crises successives mettent fin à ce système. A partir de 1986, le pays s est engagé dans une vaste réforme : le Doi Moi ou «renouveau». Des réformes successives et graduelles ont permis la réémergence du secteur privé et la fin du contrôle des prix. L agriculture vietnamienne a subit de grands bouleversements durant cette période. Les réformes foncières et la révolution verte ont largement contribué à l amélioration des techniques et des rendements (passage de 1 à 2 cycles de riz irrigués par an, puis de 2 à 3 par exemple). Depuis cette réforme, la contribution du secteur agricole au PIB a progressivement décru (cf. Figure 1 ci après). Les actifs ruraux représentent aujourd hui près de 65-70 % de la population. Le revenu moyen par habitant, d'environ 350-400 $ par an (en 2008). L écart des niveaux de vie entre ville et campagne reste important : 10% de la population citadine vit en dessous du seuil de pauvreté tandis que 30% de la population rurale est pauvre. La part importante de sous-emploi 1 en campagne est un frein à l'amélioration de la productivité du travail et du revenu des foyers ruraux. 1 Lorsque la durée ou la productivité de l emploi d une personne sont inadéquates par rapport à un autre emploi possible que cette personne est disposée à occuper et capable de faire (Organisation internationale du travail) 13

Figure 1: Evolution de la part du PIB par secteur Source : Doa The Tuan, 2003 Depuis la réforme engagée au milieu des années 1980, le Vietnam connaît une forte croissance économique. Le taux de croissance du pays sur les 23 dernières années s élève à 114%, soit une moyenne de 6,8% de croissance annuelle (cf. Figure 2 ci-dessous). Cependant, le développement de l'industrie et surtout du secteur tertiaire (taux de croissance de 9 à 10 % par an) ne permet pas encore d'absorber le surplus de main d'œuvre laissé vacant par l agriculture (DaoThe Tuan, 2003). Figure 2: Croissance annuelle du PIB % (La banque mondiale, 2008) 14

2.2 MILIEU PHYSIQUE 2.2.1 Des districts pauvres de montagnes éloignés des centres économiques majeurs Les caractéristiques spécifiques aux zones bambou et thé sont détaillées dans les rapports individuels (cf. Boulanger, 2009, chapitre 2.2 ; Herrou, 2009, chapitre 2.1). Elles présentent cependant des particularités communes : Toutes deux sont des zones d altitude - Ce sont des zones majoritairement mises en valeur par des ethnies dites minoritaires (Thai, Muong, H Mong, Dao) - Les districts étudiés sont situés dans les zones les plus pauvres du pays (cf. annexe 5). Ils sont parmi les 61 districts les plus pauvres selon la classification nationale. En tant que districts pauvres de montagnes peuplés d ethnies minoritaires, les deux zones étudiées bénéficient de programme de soutien de l Etat pour leur développement économique. Les principaux sont les programmes 30A et 135 pour le développement des infrastructures et de l économie des zones enclavées et le programme 134 d aide aux minorités ethniques (facilitation de l accès à la terre, aide financière directe, accès à l eau). Les deux zones sont éloignées d environ 70 km des pôles économiques provinciaux, Thanh Hoa et Yen Bai, et ne profitent pas de la relative proximité de la capitale (150 km). Le relief montagneux limite le développement des infrastructures routières entrainant un surcoût en termes de transport des marchandises. Les échanges économiques entre les zones d études s en retrouvent diminués. Les zones bambou et thé sont ainsi tenues à l écart des possibilités de développement dont jouissent les régions voisines de ces grands centres économiques. 2.2.2 Des conditions climatiques influencées par le milieu Pour comparer les climats locaux, les données climatiques ont été prises sur les zones les plus basses. Les Figure 3 et Figure 4 ci-dessous présentent ainsi le climat des zones étudiées pour des altitudes inférieures à 300m. Figure 3:Précipitations et températures de la zone thé, station de Van Chan (Rakotofiringa, 2008) 15

Figure 4: Précipitations et températures de la zone bambou, station de Hoi Xuan (100m d altitude), Quan Hoa district, moyenne sur 3 ans de 2005 à 2007 (Thanh Hoa Statistic Office, 2007) Le régime des précipitations des deux zones mettent en avant deux saisons : une saison sèche de novembre à février-mars et une saison humide d avril-mai à octobre qui concentre de 70 à 80% des précipitations annuelles. L offre climatique en eau est toutefois supérieure dans la zone bambou qui a également des pluies de mousson plus intenses (cf. Tableau 8). Zone bambou Zone Thé Précipitations annuelles 2 000 mm 1 700 mm Précipitations mensuelles maximales Précipitations mensuelles minimales 415 mm 280 mm 5mm Tableau 8: Précipitations annuelles et maximales des zones thé et bambou 15 mm Nous retrouvons deux cycles de riz annuels dans les deux zones d études. Le cycle de printemps (février à mai) pendant la saison sèche, nécessite un apport d eau complémentaire et ne peut donc être réalisé qu au sein de systèmes irrigués. Les températures des deux zones suivent également les mêmes variations intra annuelles. Au vu de la forme des données climatiques disponibles, il est impossible de mettre en avant des différences interzones. Nous pouvons cependant conclure que la saison agricole des deux zones connaît un ralentissement au cours des deux mois les plus froids (décembre et janvier). Les températures inférieures à 15-20 C en moyenne ralentissent, voire empêchent la croissance végétative des principales cultures. A cela s ajoute des risques élevés de températures de moins de 10 C incompatibles avec les variétés cultivées localement. Les années de références ainsi que les pas de temps des relevés entre thé et bambou sont différents. Les seules données disponibles pour la zone thé sont les graphiques présentés. Les bases de données ayant servi à leur construction n ont pas pu être obtenus. 16

Contrairement à la zone bambou où l implantation des villages ne dépasse pas 400 mètres d altitude, certains villages de la zone thé sont implantés à plus de 900 m d altitude. Les contraintes climatiques sont plus marquées pour ces villages : - Températures inférieures de 3 à 4 C - Saison sèche plus marquée en fonction de l altitude (cf. Boulanger, 2009, chapitre 2.2.2). - L accès à l eau est moindre, les cultures irriguées sont moins fréquentes qu en zone de plaine. Les deux zones présentent les caractéristiques d un climat tropical humide avec un régime des pluies marqué, à deux saisons : - Une saison sèche où le manque d eau ajouté aux faibles températures ralentit voire empêche le développement des cultures - Une saison humide à températures élevées, concentrant l essentiel des précipitations correspondant aux périodes de croissance végétative les plus fortes. Avec une saison des pluies plus intense et des activités agricoles concentrées dans les vallées de basses altitudes, la zone bambou dispose d une offre climatique en eau plus importante. 2.2.3 Accès à l eau et ruissellement, deux enjeux prépondérants pour l agriculture locale L accès à l eau est un enjeu majeur dans les deux zones d étude. A ce titre, la zone thé connaît des conditions plus contraignantes du fait d une offre en eau plus faible, notamment en altitude et d un accès limité par le relief (mise en valeur agricole du milieu limité). En ce qui concerne la zone bambou, le facteur limitant l accès à l eau est plus le fait du relief que de l offre climatique. Les fortes pluies de moussons concentrées sur 6 mois de l année sont à l origine d une baisse de la qualité des sols, principalement les sols de pentes occupés par des cultures annuelles. Celles-ci supposent que les sols restent à nu durant une partie de l année et qu ils soient ainsi soumis à des phénomènes d érosion très intenses lors de fortes pluies. De plus les cultures annuelles n opposent qu une faible résistance au ruissellement des eaux de pluies du fait de leur faible couverture du sol. Dans ces conditions, les sols de pentes perdent rapidement leurs propriétés agronomiques (pertes de fertilité et dégradation de la structure) ce qui provoque une baisse parfois rapide des rendements. Sur la zone bambou par exemple, après 3 ans de cultures annuelles sur pentes, les rendements obtenus ne justifient plus l investissement en travail consenti. L Etat vietnamien, conscient de cette menace, tente de limiter ce phénomène en mettant en avant les cultures de long terme sur les pentes (couverture du sol pluri annuelle toute l année). La catégorisation des terres et leur redistribution, entérinées par la réforme agraire de 1993, permet à l état de contrôler et d organiser l occupation des sols du pays. 17

2.2.4 Topographie et hydrographie : deux zones montagneuses Bien que les deux zones présentent des altitudes très variables (200 à plus de 1500 mètres), les profils topographiques ne se ressemblent pas (cf. Figure 5, Figure 6 ci dessous). S-E 2 km Figure 5 : Profil topographique de la zone bambou Est 2 km Figure 6 : Profil topographique de la zone thé Si les deux zones étudiées sont des zones de montagnes aux variations d altitudes comparables, l altitude moyenne de la zone bambou est inférieure (250 m) à celle de la zone thé (400 m) et les points hauts de la zone bambou se succèdent plus rapidement que dans la zone thé. Ces différences, notamment en termes d altitude moyenne, expliquent en partie des conditions climatiques différentes. Dans les deux cas, la disponibilité en terre pour l agriculture reste limitée. De plus, ce relief caractérisé par de fortes pentes, génère des temps de déplacement importants (parcelles à plus de 3h de marche dans certains cas), augmente la pénibilité du travail et constitue un frein à la mécanisation de l agriculture. Autre conséquence de ces formes de relief, le réseau hydrographique ne présente pas les mêmes caractéristiques. Les sols des deux régions changent rapidement. Sur une roche mère calcaire, les sols en hauts de pentes sont calcaires alors que les bas de pentes et les bas fonds sont parfois très acides. Les deux milieux ont un ensemble karstique (en altitude pour le zone de thé), mais les conséquences sur le réseau hydrique ne sont pas les mêmes. Le réseau hydrique de la zone de bambou apparaît plus développé, cette zone est composée de nombreux ruisseaux permanents tandis que les ruisseaux du district de Van Chan sont souvent temporaires. Les contraintes pour la mise en valeur du milieu ne sont donc pas les mêmes. 18

2.3 HISTOIRE AGRAIRE Fin années 60- années 70 Années 80 Années 90 Années 2000 Périodes historiques nationales 1958-1982 : Période collectiviste Organisation agricole en coopératives 1959-1975 : Guerre / USA 79 : crise syst. coop 1980-1993 : Libéralisation progressive 1993- à nos jours : période post collectiviste : allocation individuelle des terres, gestion individuelle des parcelles 1986 à nos jours : Doi Moi, = ouverture à l économie de marché Histoire locale Bambou Thé Avant 1970 : Une déforestation poussée 1970-1980 : Soutien étatique à la plantation 1970-1980: Arrivée du thé sur la zone 1980-1990 : Transfert droit d usage des plantations 1980 2000 : Augmentation des surfaces en thé dans le district 1990 à nos jours : Développement du marché et de la filière 2000 : Des pratiques de plus en plus liés au contexte éco Contexte socio politique et conséquenc es Bambou Thé Fin années 1960 : coopérative = riz basfonds ; CA sur pentes A partir 1960 : - Bambou = solution à la pauvreté et surtout a l épuisement des sols après déforestations massives - Plantation encouragée par l état (incitation financière) - Coopérative : obligation de planter du bambou sur les terres de pentes -Nouvelle région économique : développement du thé sur la commune de Lien Son principalement -Arrivé de nouvelle population Kinh pour la culture du thé Fin 70-début 80 : crise du système coopératif : extension des surfaces de CA sur pentes ; déforestation Fin 80 s à 92 : décollectivisation progressive, fin des coopératives, transfert progressif des droits d usages des sols Déplacement des minorités vers des zones non occupées par les Kinh A partir de 1993 : sécurisation du foncier et soutien de l état pour la plantation de cultures pérennes sur pentes Appui ONG, dont projet LDP Développement du marché Développement de filière concurrente pour l occupation des terres de pentes (manioc, canne acacia) -Nouvelle usine d état sur la commune de Lien Son pour la transformation du thé -Les paysans de Lien Son deviennent salariés de l usine et sont rémunérés à la tâche -L usine Lien Son devient une société par action : terres distribuées aux paysans mais sous la gestion de l usine -Politique de reboisement : surface de CA remplacées. -Programmes d incitation à la plantation de thé 19

Fin 60 s- 70 s Années 80 Années 90 Années 2000 Pratiques agricoles Emprise sur le paysage Bambou - Thé Bambou Thé Pratiques sous la gestion de l état (Lien son) A partir 1960 : augmentation des surfaces, d abord sur les terres dégradées, les rives du Song Ma principalement Implantation du thé sur des terres vierges sur collines de Lien Son Arrêt de l utilisation des mini-terrasses sur Lien Son (1980) Diminution des distances inter rang Diminution importante des surfaces avant début des années 80 Augmentation progressive à partir de 88 Développement du thé dans les autres communes Pratiques de plus en plus décidées par les paysans, vieillissement du thé : augmentation des traitements 2005 : Apparition des variétés améliorées de thé (LDP1,2) Augmentation des surfaces ralentie, voire stagnation (développement filière concurrente) Des parcelles vieillissantes en remplacement ou non Filière Bambou Pas d informations disponibles Peu développée, faibles débouchés Développement de la filière : Augmentation du nombre d acheteurs dans la plaine (The Bamboo Factory (2004)) 2003 : premiers ateliers de prétransformations = augmentation des débouchés, développement du marché (augmentation de la coupe) Thé Pas d informations disponibles - Fixation de la filière dans certaines communes ; implantation de l usine et diversification dans les autres communes - Deux cas : monopole pour les communes aux nord du district et très diversifiées au sud du district Figure 7: Chrono séquence historique comparée des zones thé et bambou Le Vietnam a connu en l espace de 40 ans un passage à une agriculture collectiviste suivi d un retour à une agriculture familiale «propriétaire de la terre» et de ses moyens de production (cf. Figure 7 ci-dessus). De nombreuses réformes agraires ont été nécessaires afin d assurer la transition entre système collectiviste et système plus libéral. Mais le Vietnam a aujourd hui réussi sa transition, même si dans les textes, le contrôle de l état sur l agriculture reste important (cf. 2.4 et 2.6.1). Au niveau local, l histoire de ces deux zones est similaire. Elles partagent les enjeux et les défis inhérents aux zones de montagnes : surfaces agricoles limitées, cultures des pentes et enclavement. L agriculture sur pente est indispensable pour l équilibre alimentaire et financier des foyers en zone de montagne. La préservation de la qualité de ces sols est par conséquent essentielle. Ces deux régions ont ainsi, à la même époque (années 70), basé leur développement agricole respectif autour de deux cultures pérennes dont la couverture du sol permanente limite l impact du ruissellement et de l érosion (cf. annexe 8). Le soutien de l Etat fut cependant plus conséquent pour le thé où les exigences de transformation post récolte sont plus contraignantes. Aujourd hui ces deux productions profitent, en plus du soutien de l Etat, des multiples débouchés issus de l ouverture et du développement des marchés, même si ceux-ci peuvent être ponctuels et très variables. 20

2.4 CATEGORISATION D USAGES DES SOLS Au cours de ces 50 dernières années, le Nord Vietnam a connu plusieurs réformes agraires (cf. 2.3). La première phase de la catégorisation des terres a été établie avec la loi foncière de 1993. Cette loi met définitivement fin au système de coopératives. Les terres de bas fonds et de pentes inférieures à 15 (terres de production agricoles ; cf. Tableau 9 cidessous) sont redistribuées aux paysans en fonction de la taille du foyer. Elle a ensuite été complétée par la résolution 02 (1995) qui reconnaît officiellement l attribution des terres de pentes selon le droit à la 1 ière défriche. En ce qui concerne les terres de pentes supérieures à 15, l objectif premier est la protection de la ressource forestière mise à mal pendant la période collectiviste. Le Tableau 9 ci-dessous reprend les différentes catégories d usages du sol et les règles foncières qui leur sont associées pour les terres agricoles et sylvicoles. La catégorisation d usages des sols fait suite aux différentes réformes agraires entérinant progressivement, dans les années 80 et 90, la décollectivisation de l agriculture. Types de terres concernés Règles de production Droits d usage Terres de production agricole Bas-fonds pentes < 15 et Terres de forêts de production Cultures annuelles Cultures pérennes mais exceptions + exploitation forestière Terres de forêts de protection Terres de forêts à usage spécial Pentes > 15 Pentes > 15 Pentes >15 Zone en tête de bassin versant, préservation de la ressource en eau. Pas de cultures, même pérennes. exploitation sylvicole possible si autorisation Pas de cultures, aucune exploitation possible. Réserves de biodiversité. Zones protégées. 20 ans 50 ans - - Règles de transmission Transfert, échange, héritage, location, gage Transfert, échange, héritage, location, gage - - Tableau 9: Catégories d usages et règles foncières pour les terres agricoles et sylvicoles, en vigueur au moment de l étude Avec la catégorisation des terres, l état exerce une forme de contrôle de l occupation des sols. Il impose aux paysans les grandes orientations d usages de leurs sols, notamment pour les pentes (cultures pérennes obligatoire pour les pentes de plus de 15 ). Cependant il est difficile d évaluer l impact réel de ce contrôle de l Etat sur l occupation des sols agricoles et sylvicoles. Les paysages des deux zones révèlent une part importante de cultures annuelles sur des terres où la pente dépasse largement la limite officielle des 15 d inclinaison. La rareté des surfaces planes (donc des terres agricoles destinées aux cultures annuelles) dans ces reliefs montagneux pourrait expliquer ces exceptions. Les terres de pentes étant les principaux lieux d exploitation agricole, il est difficile d y interdire totalement les cultures annuelles sans menacer la sécurité alimentaire et financière des populations. Les terres défrichées pendant la période collectiviste sont attribuées aux paysans qui les ont mises en valeurs. 21

2.5 MISES EN VALEUR DU MILIEU La Figure 8 ci-dessous est une représentation d un transect type, un modèle, dans lequel sont intégrées les deux régions étudiées. Figure 8: Modèle de transect continu (source : Observations de terrain) Selon Castella et al. (2005) l utilisation des terres est largement soumise à la topographie. Dans une étude sur l impact des dynamiques agraires sur les paysages de montagnes, il identifie deux types de villages en fonction de l organisation de leur territoire : les villages organisés autour de bas-fonds rizicoles (villages 1) et les villages dont le territoire plus étendu sont caractérisés par de fortes pentes cultivées et boisées (villages 2). Nous retrouvons ces deux types de villages dans la zone thé qui présente une mosaïque de milieux agraires plus diversifiée selon la topographie (allant des plaines rizicoles aux sommets de montagnes, cf. Figure 8). 22

La diversité des milieux agraires de la zone thé est ainsi à l origine de modes de mise en valeur du milieu plus nombreux. Alors que la zone bambou comporte essentiellement des villages de types 1 plus ou moins éloignés de la route principale. L occupation des pentes est notamment plus variée. Là où le bambou est ultra majoritaire, les pentes de la zone thé comporte différentes essences forestières en monoculture : acacia, sapin, cannelle. Soumises aux mêmes règles foncières d occupation des sols, la mise en valeur agricole des zones thé et bambou varie de fait de différences topographiques. 2.6 CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE 2.6.1 Encadrement de l agriculture 2.6.1.1 Un encadrement étatique limité L agriculture vietnamienne est caractérisée par l existence d un service public d encadrement déconcentré à tous les niveaux administratifs, du national au communal. Les grandes orientations de l agriculture nationale et les lignes directrices des règles de production demeurent planifiées par le Ministère de l Agriculture et du Développement Rural et sont reprises par la suite au niveau provincial. La spécialisation des deux zones d études dans la production de thé ou de bambou (cf. 2.3) sont, par exemple, toutes deux le résultat d orientations décidées nationalement. Les provinces se voient attribuer des objectifs et des orientations de production ainsi que les budgets spécifiques nécessaires à leur réalisation. Les services agricoles de la province mettent en place des mesures en conséquence. Celles-ci devront être appliquées par les districts qui eux-mêmes vont répéter l opération jusqu aux districts. La prise de décision fait l objet d une gestion «top-down». Les services agricoles des districts comprennent 3 secteurs : - Le secteur encouragement ou vulgarisation de l agriculture, en charge du transfert de technologies et des connaissances. Il organise les formations paysannes au niveau communal. Il met également en place des essais agronomiques (se rapprochant plus de parcelles de démonstration) et planifie les besoins en semences (variétés et quantités). - Le secteur protection des plantes s occupe de la prévention et de la lutte contre les maladies. - Le secteur vétérinaire prend en charge la prévention et la gestion des stocks de vaccins. Cependant dans la pratique, l accès à ces services reste limité. La présence sur le terrain est assurée au niveau communal. Chaque commune dispose d un vulgarisateur et d un vétérinaire. Le premier diffuse l information technique, le second assure les vaccinations obligatoires ou les actions de lutte contre les épidémies au sein des villages (les autres traitements se font essentiellement à titre privé). Ces cadres communaux sont chargés d encadrer l ensemble des villages de la commune (de l ordre d une dizaine de villages à population essentiellement agricole). 23

Dans ce contexte, il apparaît difficile pour un paysan d avoir accès régulièrement aux conseils et formations techniques provenant du service public. Accès qui est d autant plus restreint que la distance des villages par rapport aux comités populaires du district (administration communale), est grande. 2.6.1.2 Encadrement para étatique local Les zones d études présentent d autres sources d encadrement agricole (cf. Boulanger, 2009, chapitre 2.4.3, Herrou, 2009, chapitre 2.3.5) : - Paquets techniques : usine de thé et usine agroindustrielle (usine de manioc zone bambou) - Coopérative de services agricoles dans la zone bambou Ces services restent très localisés, ils sont situés dans les parties les plus accessibles des zones et ne concernent qu une partie des paysans (paysans vendant aux usines, paysans adhérents à la coopérative). Ainsi leur impact reste limité sur l agriculture des zones étudiées. L agriculture des zones thé et bambou demeure peu encadrée. L encadrement étatique bien que faible, en reste la principale source, voire l unique, dans ces zones enclavées. La plupart du temps, une majorité de paysans ne dispose d aucun accès régulier à des conseils ou à des formations techniques. Les deux zones présentent toutefois un encadrement agricole para étatique localisé qui trouve son origine dans le secteur privé et/ou coopératif. 2.6.2 Accès aux semences et aux intrants 2.6.2.1 Fourniture et disponibilité L accès aux intrants (semences comprises) est subventionné par l Etat qui prend en charge les coûts de transport supplémentaires induits par le relief et l isolement des districts. L objectif est de réduire au maximum l écart de prix des intrants entre zones de montagnes et zones de deltas plus accessibles. L Etat dispose d entreprises semencières publiques qui ont le contrôle de la production et du choix des semences produites. Les quantités et le type de semences produites sont planifiés au niveau de la province avant d être partagés entre les districts, puis entre les communes. Les paysans ont accès à ces semences à travers des magasins représentants de ces firmes publiques (c'est-à-dire salarié par ces firmes) ou des magasins rémunérés à la commission (privés mais produits issus du système public) répartis dans les communes. La situation est la même pour les engrais même si le système tend à se privatiser plus rapidement que pour les semences. La planification des besoins par l état est moins importante. Cependant dans les districts isolés, les entreprises privées ne disposent que de très peu de magasins représentants (le district de Quan Hoa dans la zone bambou ne dispose par exemple que d un seul magasin privé d engrais). N étant pas soutenus par l Etat, qui ne peut subventionner qu une quantité limité d intrants limité par unité géographique, le prix de leurs engrais en zone de montagne est plus élevé. 24

Le Tableau 10 ci-dessous détaille les semences et engrais principaux, disponible dans les deux zones d études. Semences Produits phytosanitaires Maïs Riz Engrais complet NPK Engrais complet NPKS Phosphate Zone Bambou Zone Thé Hybride VN10 Hybride CP888 Hybride VN4 Hybride Vietnam Lo Hybride MX2 Hybride 3Q Hybride MX4 Hybride U63 Hybride U838 Hybride U23 «Tim Huong» (locale) Hybride N97 Hybride U1338 Khang Dan (locale) Hybride DU527 Hybride U826 5 10 3 6 8 4 5 8 3 12 5 10 10 5 5 5 10 3 8 5 5 3 15 Pham Dam Lam Thao (16p) Di ammonium sulfate 21% Azote Urée (%??) Urée 46% Potassium MOP (60% K) Tableau 10: Semences et engrais disponibles sur les deux zones d études (sources : résultats d enquêtes) L accès aux intrants est en grande partie sous le contrôle de l Etat qui en planifie les besoins et décide des types d intrants. Les paysans bénéficient d intrants subventionnés. Cependant, la gamme de produits disponible est peu étendue. Le choix des intrants reste donc limité pour le paysan. De plus, les prévisions basées sur la consommation de l année passée, peuvent ne pas correspondre aux besoins réels des paysans en année n+1. En planifiant de la sorte les besoins en intrants, l Etat diminue la réactivité du système de fourniture et tend à uniformiser les pratiques (pour exemple, les variétés de riz utilisées sont la plupart du temps identiques selon les enquêtes, et ce, dans les deux zones). En cas de conditions exceptionnelles (aléas climatiques ou épidémies par exemple), ceci peut avoir des conséquences dramatiques sur les rendements. Mais en contrepartie, les paysans ont la garantie d avoir accès à des intrants subventionnés. 2.6.2.2 Cas du thé et du bambou : Les producteurs de bambou ne consomment pas d intrants. Bien que recommandée par le projet LDP, la fertilisation minérale, est absente des pratiques culturales du bambou (cf. 3.4). De plus, il n existe pas de fournisseurs de boutures de bambou. Les paysans produisent eux-mêmes leurs plants. En conséquence, la culture de bambou est indépendante d un système d agro fourniture et de ce fait de l évolution des prix des intrants. 25

A contrario, le thé conduit en intensif est une culture très consommatrice en intrants. Des apports d engrais et des traitements phytosanitaires sont régulièrement effectués. De plus, hormis le cas du thé Shan (thé conduit en extensif), les nouvelles plantations sont quasi systématiquement plantées avec des plants améliorés achetés soit auprès d une usine, soit auprès de particuliers ou encore auprès du centre du thé de Phu Tho (ville au sud est du district). Le système de fourniture en intrants aux mains de l Etat assure des prix régulés (coût de transports non supportés par les paysans) dans l ensemble des deux zones même si la diversité et les quantités disponibles peuvent être limitées par ce contrôle. Thé intensif et bambou n ont pas la même dépendance vis-à-vis des intrants. La fourniture en intrants pour le bambou est d une part très faible (pas de fertilisation) et individuelle pour les jeunes plants (boutures). Le thé intensif dépend lui d une filière avale pour la fourniture de ses intrants. Les marges dégagées sont directement fonction des variations du coût des intrants. Les conduites extensives et biologiques se rapprochent quant à elles du bambou. 2.6.3 Opportunités de commercialisation Les opportunités de commercialisation pour les produits agricoles hors thé et bambou sont similaires dans les deux zones : marchés agricoles, vendeurs individuels, voisinage, magasins privés (cf. Boulanger, 2009, chapitre 2.4.4, Herrou, 2009, chapitre 2.3.2) Ces opportunités sont principalement locales, sauf pour le maïs et le manioc qui peuvent être exportés sur le marché régional (produits non périssables une fois séchés ou transformés) mais là encore l isolement réduit les possibilités de commercialisation. 2.6.4 Organisation des filières Le thé et le bambou présentent des schémas d organisation de filière similaires, toutes deux basées sur un système de collecte (plus développé pour le bambou) et un grand nombre d acteurs (mais peu diversifiés). 2.6.4.1 De nombreuses possibilités «théoriques» de ventes Les deux filières offrent aux paysans de nombreuses possibilités de vente de leur production (nombreux ateliers de pré-transformation et collecteurs pour le bambou, nombreux ateliers de transformation et usines pour le thé). Dans l absolu, le paysan est en mesure de choisir librement son acheteur. En réalité ces possibilités sont limitées par les impératifs postrécolte pour les deux productions. Le thé doit être transformé dans les 12h (valeur moyenne qui varie selon la transformation) suivant la récolte lorsque la production est commercialisée en frais. Pour le bambou, certaines utilisations (transformations en produits de qualité comme les lamelles de parquet) nécessitent une transformation 3 jours maximum après la récolte. De plus les tiges qui y sont destinées ne peuvent pas séjourner plus de 24 heures dans l eau (pertes de propriétés physiques rendant la tige inutilisable pour ces procédés). A cette contrainte temps s ajoutent des difficultés de transport pour le bambou (poids des tiges, éloignement des points de collecte). 26

Ainsi ces contraintes temps et ces difficultés de transport limitent la distance qu un paysan est capable de parcourir pour vendre sa récolte. Le système de collecte pallie à ces contraintes mais dans le cas du bambou il exclut les paysans de la valeur ajoutée potentielle issue de la transformation (cf. Herrou, 2009, chapitre 2.3.3). En conséquence, les paysans ne peuvent faire jouer la concurrence entre les acheteurs que de manière limitée. Ils sont ainsi dépendant des acheteurs les plus proches. Ils ne peuvent que très peu influer sur les prix pratiqués : production de qualité (à condition que celle-ci soit suffisamment rémunérée), séchage individuel de la production de thé. De plus, les producteurs de bambou n ont souvent qu une faible connaissance du marché (peu de paysans enquêtés connaissent la destination et la valorisation des tiges de bambou) ce qui réduit leur pouvoir de négociation. Cependant, dans le cas de gros volumes de coupe, le paysan est en mesure de choisir son acheteur avec plus de liberté (en cas de gros volumes de coupe, les acheteurs font eux-mêmes le déplacement, (cf. Herrou, 2009, chapitre 2.3.3)). Dans le cas du thé, il y a un problème de commercialisation lors de faibles volumes de production. Certains producteurs sont obligés de transformer eux même une partie de leur récolte en début et en fin de saison car les principales usines de transformation ne fonctionnent qu à partir d un certain volume de production, et les petits ateliers ne peuvent pas tout absorber. 2.6.4.2 Un soutien des filières concentré à l amont Les filières thé et bambou bénéficient principalement d un soutien à la production de matière première. L Etat met en œuvre des programmes de développement (programmes 661 et 147), pour encourager la plantation de cultures pérennes dans les zones de montagnes à fortes pentes (thé, bambou, keo et sapin pour le papier). L usine de thé de Lien Son participe également au soutien de la production avec la fourniture de services agricoles. Le projet LDP soutient directement la production et la filière bambou, notamment les petites unités de transformation (prospection de débouchés, développement de nouveaux produits, conseils et essais agronomiques pour la production). Le NOMAFSI pour le thé, soutient uniquement la production (essais agronomiques, amélioration des pratiques, formations techniques). 2.6.4.3 Diversité des produits et des marchés Le Tableau 11 ci après présente les différents produits issus du thé et du bambou. Chacune de ces deux productions peut être transformée en plusieurs produits finaux. Les transformations du thé sont essentiellement locales. Il ne peut être transporté sur de longues distances (impératifs post-récolte, cf.2.6.4.1). La production de thé s accompagne donc de création de richesse localement. Au contraire pour le bambou, seules les pré-transformations sont locales, la plus grande partie de la valeur ajoutée est créée hors du district. Ces ateliers de pré transformation ne se sont développés que récemment (à partir de 2004). Les plus gros volumes de vente concernent toutefois les tiges brutes pour la construction où aucune valeur ajoutée n est créée sur la zone. 27

La production de thé sur la zone est destinée à la commercialisation internationale et locale (thé vert) alors que le bambou est plutôt l objet d une consommation locale et nationale pour les produits bruts. Les produits finaux sont destinés à l exportation mais le marché principal reste national pour les tiges non transformées (cf. Tableau 11) Ainsi les cours du thé, et avec eux les revenus des paysans, sont plus sensibles aux variations des prix mondiaux et au cours du Dong. Bambou Thé Produits Tiges brutes Pâte à papier (utilisation des sous produits) Baguettes Lamelles de parquet Thé vert Thé noir Thé Oolong Prétransformation locale Locale Transformation finale Artisanat : hors provinces Construction : périphérie Hanoi Hanoi, Thanh Hoa (ville) Périphérie Hanoi/locale (faibles volumes) Marché National International International et national Locale Périphérie Hanoi International Locale Tableau 11: Comparatif des produits, des lieux de transformation et des marchés associés International local, national, 2.6.4.4 Achat périodique contre achat annuel La production du thé s étale d avril-mai à novembre. Elle n offre donc pas de revenus constants tout au long de l année. D un autre côté les investissements en travail et en capital pour cette culture se limitent à cette période. Le bambou au contraire, peut être récolté tout au long de l année. De plus, la demande en tiges est constante toute l année. Le bambou est ainsi pour les producteurs une véritable réserve d argent sur pied, mobilisable à tout moment. 2.7 UNE VARIABILITE DES PRIX PLUS OU MOINS FORTE 2.7.1 Une variabilité des prix selon la saison Comme la majorité de cultures de rente, thé et bambou connaissent des variations intra annuelles des prix. Les prix sont les plus faibles lorsque la pleine saison arrive et inversement, durant les périodes de faibles rendements, les prix sont supérieurs. Dans ce contexte, ne serait-il pas intéressant pour les producteurs de thé et de bambou d essayer de récolter durant les périodes où les prix sont élevés. 28

2.7.2 Une faible rémunération de la qualité Que se soit pour le thé ou le bambou, une production de qualité est plus contraignante : - Pour le thé cela signifie une récolte plus fréquente afin d avoir des bourgeons plus jeune donc un investissement en travail plus important qui se traduit soit par une augmentation des coûts de production du fait d un recours à la main d œuvre salariée, soit par une augmentation du travail familial (cf. Boulanger, 2009, chapitre 2.4.5). - Pour le bambou, une meilleure production signifie des tiges de plus gros calibre. Ceci est favorisé par une intensité de coupe plus faible ainsi qu une fréquence de coupe moindre (une ou deux coupes par an hors saison des pousses) (cf. Herrou, 2009, chapitre 2.3.4). L écart de prix entre la meilleure et la plus mauvaise qualité de production est faible pour le thé (13% de différence entre les qualités B et C). Pour le bambou, le prix varie de 70% entre les plus grands et les plus petits diamètres coupés. Dans le cas du thé, la rémunération de la qualité ne semble pas suffisante au vu de l augmentation des coûts de production engendrés. La situation est différente pour le bambou. Le principal facteur pour une production de qualité est une diminution de la pression de coupe (moins de tiges coupées par unité de surface et espacement des coupes). Pour cela, les paysans doivent pouvoir se passer des revenus du bambou sur de longues périodes. Mais lorsque le bambou est la principale voire l unique source de liquidités des foyers, il est difficile de réduire la pression de coupe. 29

2.8 PRINCIPAUX POINTS DE COMPARAISON DES DEUX REGIONS Figure 9 : Caractéristiques générales des deux zones d'étude Les deux graphiques de la Figure 9 ci-dessus représentent de façon qualitative les caractéristiques des deux régions (0= faible, 5=fort). La lecture se fait par comparaison d une modalité sur les deux régions. Ils sont complétés par des graphiques représentant les caractéristiques intra zones en Annexe 6. 30

Ces deux schémas permettent de mettre en évidence les similarités des deux zones : - Un relief très marqué dans des régions enclavées - Une faible présence de l eau dans le paysage (peu de rivières) même s il y a des différences à des échelles plus petites - Un encadrement agricole inégalement réparti entre au sein des zones d étude - Des opportunités de commercialisation réduites par l enclavement La principale différence est l importance des surfaces de riz irrigué par rapport aux surfaces de cultures annuelles (manioc et maïs principalement). La proportion de surfaces en cultures annuelles dans la zone thé est plus importante que dans la zone bambou. En effet, les communes de la zone thé situées en altitude, cultivent de grandes surfaces de maïs et de manioc. Tandis que dans la zone bambou, la culture de bambou à un taux d occupation des terres de pentes plus important. Les surfaces de culture annuelles sur pentes (maïs et/ou manioc) sont minoritaires. Comparée au thé, la prégnance du bambou par rapport aux autres cultures (annuelles et pérennes) est plus forte. Des modes de conduites plus intensifs pour le thé expliquent cette différence. Avec une grande partie du thé conduit en intensif, les surfaces consacrées à cette culture sont faibles par rapport aux surfaces totales. En comparant non plus les deux zones, mais les deux districts de la zone bambou aux cinq communes de la zone thé (cf. annexe 6), il ressort que le district de Quan Hoa et les communes de Nam Lanh et Suoi Giang disposent d une réserve foncière importante, principalement composées de forêt primaire ou secondaire. 31

3 POINTS DE COMPARAISON : ANALYSE DES PRATIQUES 3.1 ANALYSE DES PRATIQUES DE CULTURES POUR LES CULTURES ANNUELLES Les spécificités des pratiques pour les cultures annuelles sont présentées dans les deux rapports respectifs correspondant aux zones bambou et thé. Dans les deux zones d enquêtes, le riz est prioritaire pour l allocation des investissements en capital et en travail dans l exploitation. Nous nous arrêterons uniquement sur les pratiques culturales du riz en ce qui concerne les cultures annuelles. 3.1.1 La culture du riz irrigué 3.1.1.1 Calage des cycles dans l année Les deux zones d études ont des caractéristiques climatiques différentes. Les répercutions sur les dates de mise en place des cycles de riz sont importantes (cf. Figure 10 ci dessous) mm Figure 10 : Cycles culturaux de riz irrigué selon la pluviométrie des deux zones d'étude La culture du riz occupe les parcelles de bas fond dans les deux zones où les paysans mettent en place deux cycles de riz par an. Au vu du régime des précipitations (cf. 2.2.2), le premier cycle ne peut se réaliser qu au sein de systèmes irrigués. La date d installation du premier cycle est également soumise aux températures. La température minimale pour le développement du riz est de 13-14 C (Mémento de l agronome, 2002). Les risques de températures inférieures à ce seuil sont élevés pendant l hiver dans les deux zones. Cette température minimale est atteinte plus tardivement dans la zone thé où l implantation du premier cycle intervient un mois plus tard en moyenne (ce 32

décalage est plus important dans les zones les plus élevées de la zone thé). Le second cycle est en conséquence également décalé entre les deux zones. 3.1.1.2 Itinéraire technique du riz irrigué L itinéraire du riz irrigué n est présenté que pour un cycle (cf. Tableau 12 ci-dessous). Les opérations s organisent en fonction de la date de repiquage. Etape Période de l année Caractéristiques Préparation Cycle de printemps : du sol Un mois avant repiquage (travail du sol, sarclage et reconstruct ion des bordures) Semis en pépinières Cycle d automne : 15 jours avant repiquage Cycle de printemps : (un mois avant le repiquage) -Travail du sol : o Charrue (1 fois) + herse 1 fois o 3 passages de herse (Rq : retournement du sol à la houe pour les surfaces inférieures à 50m² où les outils attelés ne passent pas et pour les terres trop profondes > 1m dans lesquelles les animaux ne peuvent pas se déplacer) -Bordures : - Sarclage manuel - Reconstruction ou consolidation -Semis de la pépinière une fois la germination des semences activée (maintien à l obscurité et à un fort taux d humidité pendant un mois pour le cycle de printemps, 15 jours pour le cycle d automne) -Semis en pépinière : 10 à 20 kg pour 100 m² Cycle d automne :(15 à 20 jours avant le repiquage) Repiquage Cycle de printemps -Repiquage au stade 3 feuilles o Avant stade 3F : plantule trop faible pour supporter la transplantation Cycle d automne o Après stade 3F : développement de la plantule trop important par rapport à la densité, ce qui génère une chute du taux de survie Sarclage Fertilisatio n Récolte -15 à 20 jours avant le repiquage (pas d adventices au repiquage car moment critique pour le riz) -20 à 30 jours avant la récolte (à la montaison, formation des grains) Au moment des sarclages -Sarclage manuel -Niveau de fertilisation variable o Fumier : 60 à 300 qtx/ha o NPK : absent ou 160 à 800 kg/ha o KCL, urée -Récolte manuelle -Le riz encore en tige et en épis, est ensuite battu mécaniquement ou manuellement sur la parcelle ou au village pour obtenir du paddy (riz + enveloppe) -Le paddy est décortiqué à la machine (100 à 300 VND/kg de paddy selon le nombre de décortiqueuses du village) Tableau 12: Principales étapes de l'itinéraire technique du riz dans les deux zones d'études 33

La réalisation de pépinière permet un gain de temps. Le riz réalise une partie de son développement sans mobiliser la totalité de la surface qui reste occupée par le cycle précédant (alors en phase de maturation des grains). De plus la période qui suit le semis est une des plus critiques. Le riz ne doit ni manquer d eau, ni être submergé, il doit rester à l ombre pour ne pas bruler. Afin de faciliter sa mise en place, le semis s effectue en bord de parcelle. Les agriculteurs travaillent une petite parcelle qui sera protégée par des filets contre les animaux. Un tunnel est également installé afin de protéger les germes du froid et de conserver l humidité. Le battage du riz est principalement fait mécaniquement. Les récoltes sont portées jusqu à la batteuse qui peut appartenir à des privés qui effectuent de la prestation de service, ou bien avoir été fournie par le comité populaire (500 VND/kg de paddy). 3.1.2 Pratiques culturales sur les cultures annuelles de pentes Les pratiques sur cultures annuelles de pentes sont détaillées dans les rapports individuels (Boulanger, 2009 ; Herrou, 2009). Les cultures de pente occupent au sein d une même région, une importance différente selon les communes étudiées. Les exploitations des communes en altitude ont une part de surface de pente plus importante (2 à 3 fois supérieure) que les exploitations de vallée. Les variétés utilisées sont identiques dans les deux zones (cf.2.6.2). Les cultures annuelles sur pentes ne bénéficient pas de fertilisation : ni organique, ni minérale. De faibles différences peuvent être relevées dans les dates des cycles. Maïs et manioc sont implantés plus tôt dans la zone bambou (1 à 2 mois d avance) en raison des différences climatiques. 3.1.3 Des rendements de cultures annuelles variables selon les zones : Le Tableau 13 ci-dessous récapitule les rendements des cultures annuelles, observés sur les deux zones. Rendements (kg/ha) District Commune Maïs (grains Riz (paddy) Manioc (sec) secs) Tan Son 3 000 Quan Hoa 10 000 Na Lac 3 600 10 000 Quan Hoa Ba Thuoc 3 700 16 000 Son Luong-Tan 6 000 Thinh- Lien Son Van Chan 3 000-4 000 8 000 Nam Lanh Suoi 4 000 Giang Tableau 13 : Rendements des principales cultures annuelles au sein des zones thé et bambou 34

Le riz de bas fond On observe de fortes différences de rendements des cultures annuelles (cf. Tableau 13 ci avant). La zone bambou accuse un rendement observé en riz moins élevé pour des fertilisations chimiques comparables (de l ordre de 1000 kg NPK/ha). Mais les rendements moyens des districts de la zone bambou sont équivalents à ceux de la zone thé (de l ordre de 60 quintaux/ha selon les statistiques du district). L autosuffisance en céréales varie ainsi fortement entre les deux zones. Mais les enquêtes dans les deux zones, ont révélé qu un grand nombre de familles sont obligées d acheter du riz au cours de l année. Les cultures annuelles sur pentes Pour les cultures annuelles sur pentes, les rendements sont supérieurs dans la zone bambou. Dans les deux zones, la fertilisation, organique ou minérale est absente sur les cultures annuelles sur pentes. Mais dans la zone bambou, les cultures annuelles font le plus souvent suite une défriche-brulis. Elles bénéficient ainsi d un sol riche lors des premières années de mises en culture. Après 3 ou 4 ans, celles-ci sont remplacées par du bambou. Au final, contrairement à la zone thé, les cultures annuelles de pentes dans la zone bambou occupent des parcelles récentes au sol non épuisé par de longues années de monoculture. 3.2 COMPARAISON DES MODES DE CONDUITE DU THE ET BAMBOU 3.2.1 Gestion des parcelles 3.2.1.1 Architecture parcellaire La comparaison des données fait ressortir une grande diversité d architectures parcellaires pour le thé. Les parcelles de bambou sont plus homogènes et varient essentiellement selon l implantation dans la topographie (pentes faibles ou fortes). Pour le thé, la différenciation des parcelles se fait à plusieurs niveaux : - Des modes d implantation différents sont mis en place pour chaque type de milieu dans lequel le thé est implanté - Au sein d un même milieu, les densités de plantation peuvent être variables (cf. Boulanger, 2009, chapitre 3.2.2) - Les associations pratiquées sur les parcelles de thé font appel à une large gamme d espèces Le bambou ne nécessite pas de mise en valeur particulière du milieu. Sa conduite est extensive et ne nécessite qu un minimum d interventions entre l implantation et la coupe. Dans la diversité des architectures parcellaire du thé (cf. Boulanger, 2009, chapitre 3.2.3), la parcelle de type 3 identifiée pour le thé, se rapproche le plus des architectures parcellaires que l on retrouve pour le bambou. Cette architecture parcellaire peut être rencontrée dans des situations très diverses : des pentes allant de 25 à 60, des parcelles de tailles variables (300 à 10 000 m²), mais la densité de plantation est toujours faible. 35

3.2.1.2 Des modes de conduites variés sur les deux zones Le Tableau 14 ci-dessous présente les différents modes de conduite identifiés pour le thé et le bambou. Culture du thé Culture du bambou Mode de conduite «Conduite intensive» «Conduite biologique» «Conduite extensive» Coupe très fréquente tout au long de l année Coupe essentiellement hors saison des pousses Coupe à faible fréquence Tableau 14 : Mode de conduite du thé et du bambou Les facteurs utilisés pour différencier les modes de conduites diffèrent pour les deux systèmes de cultures (cf. Boulanger, 2009, chapitre 3.2.3, Herrou, 2009, 3.3.1). Pour ces deux cultures, la diversité des modes de conduites ne s exprime pas au même niveau. Pour le bambou, la différence de conduite porte essentiellement sur la fréquence de coupe. Dans le cas du thé, le nombre de facteurs discriminants est plus important. En effet, comme pour les architectures parcellaires, on observe parmi les producteurs une forte diversité de pratiques portant sur différentes étapes de l itinéraire technique (ITK). 3.2.2 Plantation et remplacement d une parcelle Les nouvelles parcelles de thé ou de bambou sont installées soit lors d une intensification de la production ou en remplacement d une plantation existante jugée peu productive, soit sur une parcelle cultivée autrement par le passé. 3.2.2.1 Remplacement L origine des plants utilisés pour l installation ou le remplacement d une parcelle de bambou ou de thé extensif et biologique est similaire : les plants sont le plus souvent autoproduits par les paysans. Le coût de production est ainsi réduit au minimum Par opposition, l installation d une parcelle de thé intensif se fait le plus souvent avec des variétés améliorées achetées auprès de pépiniéristes privés ou du centre de thé de Phu Tho (district voisin). L investissement nécessaire est important : de l ordre de 1 800 000 VND/ha soit 110 $/ha. Un agriculteur souhaitant renouveler une parcelle de bambou ou de thé peut procéder de deux façons différentes : 1 Le remplacement progressif de la parcelle 2 La destruction totale d une partie ou de toute la surface de la parcelle puis sa replantation 36

Le remplacement progressif est pratiqué lorsque la densité plantation des anciens pieds est faible (plus de 6 m pour le bambou, de l ordre de 1 mètre pour le thé). En effet, le thé comme le bambou ne doivent pas être étouffés lors de leurs premières années d implantation. Si la densité de plantation est trop importante ou si les anciens pieds sont trop abimés, ils seront arrachés tous ensemble sur une partie de la parcelle. La gestion des résidus diffère ensuite selon la culture considérée. Dans le cas du thé, les résidus sont valorisés en bois de chauffe. Dans le cas du bambou, la touffe est d abord débarrassée de ses tiges qui sont commercialisées à bas prix, puis la souche est brûlée sur la parcelle. 3.2.2.2 Mode d implantation des nouvelles parcelles Contrairement au thé, la plantation du bambou s inscrit dans une succession culturale dont la plus courante est : défriche-brûlis//cultures annuelles pendant 3 ou 4 ans//association bambou/cultures annuelles//monoculture de bambou. Il est rare qu un bambou soit installé directement après défriche, les producteurs privilégiant le manioc ou le maïs immédiatement après défriche. Cet usage agricole des sols de pente est possible jusqu à ce qu à 4 ou 5 ans après la plantation. Après, le bambou oppose une trop forte concurrence pour la lumière et les nutriments du sol, les cultures annuelles ne poussent plus. Le thé est implanté sur des terres dont les précédents sont très variés : manioc ou maïs depuis plusieurs années, défriche, etc. L installation d une nouvelle parcelle réside donc plus dans un processus d intensification de la culture du thé que dans l augmentation des surfaces totale par exploitation. L implantation du thé comme du bambou est promue par une politique favorisant l installation de cultures pérennes sur pentes. Les aides proposées par les comités populaires diffèrent mais sont incitatives pour les agriculteurs : aides directes pour le bambou (10 000 000 VND par ha planté sur pente (615 $)), subvention de 80% des plants dans le cas du thé. D autres plantes pérennes sont subventionnées, telles que l acacia ou le pin. Le thé et le bambou sont préférentiellement choisis par les paysans car ces deux cultures permettent un revenu régulier. Deux autres facteurs jouent également dans le choix des paysans : les subventions proposées et l accessibilité des parcelles (les cultures pérennes ne demandant que peu d interventions sont installées sur les parcelles les moins accessibles Les autres cultures pérennes sont le plus souvent exploitées par coupe franche : elles dégagent un fort revenu à terme, mais une seule fois tous les 8 à 15 ans. 37

3.2.3 Associations pratiquées au stade pré-commercial La mise en place d une parcelle de culture pérenne se traduit par l absence de revenus avant que les premières récoltes. Afin de permettre un revenu agricole durant la période de transition vers la phase commerciale, des cultures annuelles sont presque toujours associées au thé ou au bambou pendant les premières années de la culture (cf. Tableau 15 ci-dessous). Thé intensif Thé biologique Thé extensif Bambou Manioc +++ 0 0 +++ Maïs +++ 0 0 + Haricot - 0 0 0 Soja - 0 0 0 Riz pluvial 0 + +++ 0 Tableau 15 : Fréquences de cultures annuelles mises en association avec le thé et le bambou La gestion de cette phase non productive pour le bambou (extensif) se rapproche ici de celle du thé intensif. Dans les deux cas, l intensification de l usage du sol est plus forte que pour les conduites extensives et biologiques du thé. De plus, il vise ici à augmenter les liquidités (cultures commerciales : maïs et manioc) pendant cette période, tandis que les associations réalisées avec le thé extensif et biologique participent à l équilibre alimentaire des foyers (riz pluvial). Ces associations permettent de dégager un revenu d une parcelle immobilisée par la culture pérenne non mature. L association permet également de limiter les travaux d entretien de la parcelle, les deux cultures bénéficiant des mêmes travaux. Les cultures annuelles permettent de réduire le développement des adventices et l effet du ruissellement, le temps que le thé ou le bambou couvre le sol. Le mode d installation des associations culturales est présenté dans les rapports individuels. Les cultures annuelles sont installées en inter rang et ne font généralement l objet d aucune fertilisation (Boulanger, 2009 ; Herrou, 2009). 38

3.2.4 Pratique de culture en phase commerciale 3.2.4.1 Des modalités de gestion différentes du thé et du bambou Les cultures de bambou et de thé ne présentent pas les mêmes exigences en travail (cf. Figure 11 ci-dessous). Figure 11: Représentation qualitative des exigences en travail des cultures pérennes étudiées pour les différentes conduites Le thé intensif est une culture pour laquelle il n est pas possible de reporter les interventions sur la parcelle. Un retard de récolte entraine une diminution de la qualité du thé. Les cueillettes tardives donnent des récoltes avec des feuilles de thé ouvertes, le taux de théine et de tanin sont alors réduits, diminuant la qualité et par conséquent, le prix d achat. Les interventions (récoltes, fertilisation, quantités d intrants ) sont identiques sur toutes les parcelles de l exploitation. Dans le cas du thé biologique et extensif, toutes les parcelles d une exploitation sont gérées de la même manière. Cependant, les interventions peuvent être décalées de quelques jours voire quelques semaines, sans grande conséquence sur la production. Pour le bambou, la distance entre la parcelle et l exploitation influence l intensivité des interventions pratiquées (cf. Herrou, 2009, chapitre 3.2.4) D une façon générale, les cultures de thé intensif et de bambou s opposent en termes d exigences culturales (cf. Figure 11 ci-dessus). Les conduites biologiques et extensives du thé sont les plus proches de celle du bambou. Elles sont peu exigeantes en travail, ne requiert pas de fertilisation et les récoltes peuvent être faites de façon irrégulière. 39

3.2.4.2 Deux gestions qui s opposent : Bambou/thé extensif/bio VS thé intensif La gestion des cultures se définit par les différentes étapes de l ITK (cf. Tableau 16 cidessous). Culture Bambou Thé Mode de production Fréquence de la récolte Mode de récolte Fertilisation minérale Produits phytosanitaires Gestion mensuelle Gestion mensuelle hors saison des pousses Gestion à coupe unique Intensif Biologique Extensif +++ ++ + ++++ ++ + A la main A la main A la main A la main ou moto mécanisé A la main A la main 0 0 0 +++ 0 0 0 0 0 +++ 0 0 Désherbage Manuel Manuel Manuel Chimique et manuel Manuel Manuel Fréquence de la taille Main d œuvre La coupe de tiges fait office de taille pour le bambou Familiale et extérieure 1 Familiale et extérieure Familiale et extérieure +++ ++ + Familiale et extérieure Tableau 16: Pratiques culturales sur le bambou et le thé selon les modes de conduite Familiale Familiale Les facteurs de différenciation utilisés dans ce tableau sont présentés précisément pour chaque culture dans les parties individuelles (Boulanger, 2009 ; Herrou, 2009). Le thé intensif est le seul mode de conduite à utiliser des engrais minéraux, des traitements phytosanitaires et des désherbants. De plus, ce mode de conduite est le seul à faire appel à des machines motorisées pour la récolte. 1 MO salariée ou entraide, extérieure à la famille 40

Une comparaison de ces deux cultures permet donc de faire ressortir des modes de conduite assez proches entre le thé E ;B et le bambou et de discriminer la production de thé intensif par rapport à toutes les autres conduites : - La gestion du thé intensif fait appel à des outils qui ne sont utilisés dans aucune des autres conduites : fertilisants chimiques, produits phytosanitaires - Les conduites biologiques et extensives se rapprochent des conduites du bambou en termes de travail et de d intensivité. 3.2.4.3 Comparaison des associations culturales pratiquées en phase commerciale En phase commerciale, les associations pratiquées pour le thé comme le bambou sont essentiellement des cultures pérennes. Les associations avec des cultures annuelles ne seront donc pas présentées dans le rapport commun mais uniquement dans les études individuelles. La diversité et la fréquence des associations pratiquées par les producteurs de thé sont plus importantes qu en production de bambou. La culture de bambou supporte très bien les associations culturales en phase de production. Cependant, la présence d arbres en association sur une parcelle de bambou oblige à réduire la densité de plantation afin de permettre aux jeunes plants de bambou de se développer. Ceci génère une pression de coupe plus importante sur les pieds de bambou, ce qui met en péril la plantation entière. De plus, l association avec d autres cultures pérennes doit être mise en place dès les premières années du bambou (ou un an ou deux avant son implantation). Car une fois développé, la canopée du bambou impose une trop forte concurrence pour la lumière. Le thé est plante d ombrage. Son association avec des cultures pérennes est souvent pratiquée pour améliorer son développement et/ou pour fournir un revenu supplémentaire (cf. Boulanger, 2009, 3.2.1). De plus il est possible d implanter des arbres sur des plantations de thé quel qu en soit l âge car la hauteur du thé est faible par comparaison au bambou (de 50 cm à 2m pour le thé contre 15-20m pour le bambou). La densité de plantation d associations pérennes peut également être plus importante. Le thé est parfois la culture associée à une plante pérenne principale (exemple thé/cassia). La diversité des associations en bambou est faible. Seules deux essences forestières ont été rencontrées en association : l acacia et le Xoan. S agissant du thé, 6 autres essences d arbres ont été repérées en plus de celles citées pour le bambou. La mise en valeur du sol avec les plantations de thé est plus importante grâce aux multiples associations pratiquées. Les producteurs peuvent profiter de plusieurs sources de revenu sur la même parcelle. Un tel usage du sol est difficile à obtenir pour le bambou au vu de sa taille et de sa couverture au sol. 41

3.3 SYSTEMES D ELEVAGE Les principaux systèmes d élevage rencontrés dans la zone sont les suivants : - Elevage porcin pour la vente (jusqu à 20 porcs à l engraissement par exploitation), - Elevage bovin pour le transport, le travail agricole, la viande (vente) - Elevage de volailles pour l autoconsommation 3.3.1 L élevage bovin 3.3.1.1 Description de l élevage L élevage bovin est lié à la présence de terres irriguées sur l exploitation. Il est constitué majoritairement par des buffles qui sont utilisés pour le travail du sol des rizières et le transport des marchandises sur les courtes distances. Il représente aussi un mode de capitalisation pour certaines familles des zones isolées. Le nombre moyen d animaux par exploitation est de 2 ou 3 buffles d âge différent. L achat d un buffle représente un investissement conséquent (7 millions VND pour un bufflon de 3 ans, soit 430 $). De plus, il est nécessaire d avoir une personne disponible tous les jours pour lui permettre de s alimenter (cf. 3.3.1.2) L élevage bovin n est ainsi pas accessible à tous les foyers. Les riziculteurs qui n ont pas de buffles sont contraints d attendre que les autres exploitations aient fini leurs travaux avant de pouvoir commencer à labourer. Il est rare de rencontrer des prestations de services (rémunérées) car les familles s arrangent souvent entre elles pour se prêter les animaux. Dans la commune de Suoi Giang (zone thé), certains producteurs ont aussi des vaches qui servent également pour le transport. La zone bambou a un élevage de bœufs plus développé destiné à la vente. Il est un moyen de capitalisation courant pour les foyers. Les animaux qui ne sont pas utiles pour le travail sont vendus soit lorsqu ils sont jeunes, soit en réforme. Ils partent alors en boucherie. Certains animaux sont tués lors des cérémonies (mariage principalement). 3.3.1.2 Mode d alimentation Les ressources en fourrages sont irrégulières au cours de l année. En saison humide, l alimentation ne pose pas de problème car même si les fourrages ne sont pas de bonne qualité, avec les fortes précipitations, les quantités disponibles sont importantes. Les exploitants des vallées envoient une personne de la famille faire paitre les animaux sur les pentes non cultivées ou en plantations pérennes (thé Shan, bambou etc.) 3 à 4 heures par jour. Ce sont souvent les enfants qui, n ayant pas école l après midi, partent avec les animaux et reviennent le soir à la maison. Pour les exploitations situées en altitude, les animaux sont laissés en liberté durant la journée. Lors de la saison sèche, l alimentation en fourrage est plus problématique car sa pousse est ralentie par la diminution des températures et des précipitations. Certains agriculteurs utilisent le Co Voi ou herbe à éléphant (Pennisetum Purpureum) pour nourrir les bovins. Ils plantent cette herbe sur les bords de parcelles et la coupent régulièrement. 42

Mais ces saisons sont aussi l objet de changements d occupation des terres agricoles. Durant la saison des pluies, toutes les terres sont occupées par des cultures. L espace utilisable pour la pâture est fortement limité dans les zones de basses altitudes. Seuls les rizières après la récolte peuvent être mises en pâture en attendant le repiquage. A noter que l élevage reste difficilement indentifiable dans les deux régions d étude. 3.3.1.3 La reproduction La reproduction des bovins n est pas une priorité pour les exploitants. Elle se fait par monte naturelle lorsque les animaux sont lâchés la journée. 3.3.1.4 Prophylaxie Des vaccins sont effectués par les vétérinaires de la commune mais les agriculteurs sont rarement au courant de leur contenu. Cependant, il est fréquent de rencontrer des exploitations où certains animaux ne sont pas vaccinés car ils sont nés après le passage du vétérinaire. 3.3.2 L élevage porcin 3.3.2.1 Description de l élevage Deux types d élevage porcin sont présents. Sur les communes d altitude, l élevage porcin se compose de 5 à 10 porcs par exploitation (race Meo). Ce sont des porcs de montagne en totale liberté. Ils sont tous autoconsommés. Les exploitants des communes de vallée de la zone thé et ceux de la zone bambou élèvent de 2 à 20 porcs (race Mong Caï) dans des porcheries. Ils peuvent être naisseurs, engraisseurs ou naisseur-engraisseur. L objectif de cet atelier est la vente des produits à la boucherie. 3.3.2.2 Mode d alimentation Les porcs sont nourris avec du maïs, du manioc, du son de riz et des concentrés industriels. La ration n est pas stable dans l année car les productions ne suffisent pas toujours à alimenter les animaux. De plus, elle diffère entre les exploitations. 3.3.2.3 La reproduction L insémination artificielle par le vétérinaire de la commune est la technique la plus utilisée pour les porcs conduits en intensif. Cependant, le taux de mortalité est très élevé dans les élevages. Tout comme pour les bovins, il n a pas été possible de faire un schéma d élevage car le nombre d animaux par exploitation est faible et n est jamais constant. 3.3.2.4 Prophylaxie Aucune prophylaxie n est faite pour les porcs de montagne. Pour les porcs intensifs, des vaccinations sont effectuées comme pour les bovins. 43

3.3.3 L élevage de volaille Les volailles sont présentes dans toutes les exploitations. Elles sont toujours autoconsommées et aucune vente de produit issu de cet élevage (œuf, fiente) n a été rencontrée durant les enquêtes. L alimentation est faite à partir de maïs et parfois de concentrés industriels ainsi que des restes des repas de la famille. 3.3.4 Elevage et agriculture, deux ateliers complémentaires La Figure 12 ci-dessous présente les relations agriculture/élevage identifiées sur la zone. Nous remarquons ici que la fumure organique est exclusivement destinée aux parcelles de riz. Figure 12 : Lien entre l'agriculture et l'élevage dans les zones d'étude 44

3.4 ANALYSE DES TEMPS DE TRAVAUX PAR CULTURES 3.4.1 Calendrier cultural des cultures annuelles Les calendriers culturaux du riz irrigué sont présentés par la Figure 13 ci-dessous. Figure 13 : Calendriers culturaux en HJ/mois des systèmes de riz irrigués dans les zones thé et bambou Les deux graphiques de la Figure 13 représentent le temps de travail nécessaire à la conduite d un hectare de riz irrigué. Les données sont issues des enquêtes faites auprès des agriculteurs situés en vallée. Nous prenons en compte ici des exploitations ayant des surfaces de 2000m² en riz irrigué. 3.4.1.1 Un décalage des cycles dans le temps Les cycles du riz irrigué dans la zone bambou démarrent un mois plus tôt (janvier contre février pour le premier, mai contre juin pour le second ; cf. Figure 10, 3.1.1.1). Ce décalage des cycles est à relier à une hausse des températures et des précipitations plus tardives (1 mois) pour la zone thé (cf. 2.2.2). Dans la zone bambou, le second cycle arrive en moyenne deux semaines après la récolte du premier. Ceci peut être à l origine de temps de préparation du sol plus longs (48 HJ/ha contre 21HJ/ha) du fait d un travail de nettoyage de la parcelle plus important. Bien que les deux cycles de riz se succèdent sans interruption dans la zone thé, les pics de travaux y sont moins intenses que dans la zone bambou (120 HJ/ha en février et juillet dans la zone thé contre près de 160 HJ/ha en janvier et juin dans la zone bambou). 3.4.1.2 Repiquage et récolte, les principaux pics de travail Le repiquage (140 HJ/ha pour la zone bambou, 120 HJ/ha pour la zone thé) puis la préparation du sol (48 HJ/ha) qui l accompagne (dans la zone bambou) sont les opérations culturales les plus intensives en travail. La période de repiquage est resserrée dans le temps. Il doit être effectué de manière à éviter que les premières pluies de mousson en mai ne provoquent une verse du riz) et ne pas compromettre le démarrage du second cycle avec une récolte trop tardive. Dans les deux zones, la date limite de repiquage du second cycle se situe fin juillet. Une implantation tardive du riz irrigué se traduit par un risque accru d allongement des phases 45