De manière générale, quelle définition donnez vous à la Maladie d Alzheimer? Peut on parler d une ou de plusieurs maladies d Alzheimer?



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Transcription:

BonjourMonsieurHannequin,alorspourcommencercetentretien,peut êtreserait il opportundevousprésenter,vousetvotreéquipe,etdenousdireenquelquesmotsla naturedevosrecherchesfondamentalessurlamaladied Alzheimer? Notre équipe de recherche est spécialisée essentiellement sur les facteurs de risques génétiques de la maladie d Alzheimer, divisée en une équipe clinique dans le service de neurologie du CHU de Rouen et un laboratoire de biologie moléculaire. L objectif est de répondreauxgrandesquestionsquiseposentdansledomainedelagénétiquedelamaladie d Alzheimer.Nousnousconcentronssurdeuxtypesd études:identifierlesfacteursderisque génétiquesenpopulationgénérale,cequidemandeuneméthodologieparticulièreconsistant à recueillir un grand nombre de patients et de sujets témoins. Ces études se font donc en collaboration avec d autres équipes au niveau national mais aussi à l échelle internationale puisqu ilfautavoirénormémentdesujetspourcontrôlertouteslesvariables,l âge,leniveau culturel, la répartition régionale pour espérer mettre en évidence ces facteurs de risque. Le deuxièmepointderechercheestunethématiquepropreànotreéquipeenfrance,ils agitde s intéresser aux familles touchées par une maladie autosomique dominante dont le déterminisme est fixé par une anomalie sur un gène qu il suffit d avoir pour développer la maladieetlatransmettre. Demanièregénérale,quelledéfinitiondonnez vousàlamaladied Alzheimer?Peut on parlerd uneoudeplusieursmaladiesd Alzheimer? La question de la définition de la maladie est une bonne question car il faut savoir si l on s intéresseaumécanismedelamaladie,etàcemoment làonvaappelerlamaladieparson nomquellesquesoientlesexpressions,oubiensil onparledesesexpressionselles mêmes, comme par exemple la tuberculose qui peut affecter un os, un poumon et bien d autres organes. Ainsi ce qui définit une maladie ce sont soit ses causes, soit un moyen d objectiver précisémentleslésionsencause. Pour ce qui nous intéresse ici, ce qui définit la maladie d Alzheimer, ce sont des lésions, l existence de deux différentes lésions et leur répartition dans le cerveau : la meilleure définitionàl heureactuelleestdoncunedéfinitionanatomopathologique. Il existe différentes voies menant au développement de la maladie d Alzheimer, commentpeut onexpliquercelaetlescausessont ellestoujourslesmêmes? Le problème est que l on peut distinguer différents niveaux de causes. Il y a des causes de certitude. Par exemple les causes conduisant à la maladie sous sa forme autosomique dominante:unepersonnequiaunemutationsurlegènedeprésilinne1vaobligatoirement développerlamaladie.lesautrescausessontdesfacteursderisque,l âge,lesexe Iln yena qu unaujourd huiquirésisteàl analyseetquijouepourtantunrôlemajeur:legèneapoeet notamment l allèle e4 surtout à l état homozygote. En effet dans ce cas là, la probabilité de

développer la maladie est de l ordre 12 fois supérieure aux personnes qui n ont pas ce génotype. Qu entendez vousprécisémentparcechiffrede12foissupérieur? Quandjevousdis12foissupérieur,jemeplaceaupicd analyseàl âgede70ans.onpeut l exprimerautrementsivouslevoulez.sil onprenddeuxpopulationsséparéeségalementpar sexeetpartanched âge,etquel unepossèdeungénotypeapoe3/apoe3etl autrepossédant ungénotypeapoe4/apoe4,cettedernièrepopulationtrouvera12foisplusdemaladieatteint delamaladiequel autregroupe. Vous avez parlé des deux lésions permettant de définir la maladie d Alzheimer. Pourriez vous m'en dire un peu plus quant aux mécanismes à l origine de ces deux lésions.l hypothèsedelacascadeamyloïdeestaujourd huitenue,cettehypothèseestellepartagéepartous? Alors,ilyadeuxtypesdelésions.Leslésionsintracellulaires,quisontl atteintedesprotéines Tau,desprotéinesconstitutives,etl onvaalorstrouverdesinclusionstauparticulièresque l on va appeler des dégénérescence neurofibrillaires. Ce qu il faut savoir c est que ces dégénérescences neurofibrillaires obéissent à une distribution anatomique au fil du temps danslecerveauquiesttrèsbiencodifiée,l équipedelilled AndréDelacourteaparfaitement objectivé cela sur des centaines de cerveaux. De l autre côté, on trouve des plaques séniles extracellulaires,quisontdesdépôtsdepeptidesaß. Leparadoxeestlesuivant:actuellementlacascadeamyloïdemontrequel onaidentifiéles mécanismes conduisant aux dépôts de ces peptides Aß qui vont s agréger pour donner des plaques séniles puis des plaques neuritiques. Mais ce qui est le mieux corrélé au déficit cognitifdespersonnescesontlesdégénérescencesneurofibrillaires.lelienentreledépôtdu peptideaßetlesdégénérescencesneurofibrillaires,laphysiopathologiedulienentrelesdeux lésions est encore un gros challenge, n est pas encore établi, et suscite encore de nombreux débatsethypothèses.autrementdit,onexpliquetrèsbienl agrégationdespeptideaßd une partetlesdégénérescencesneurofibrillairesd autrepart,onsaitqu ilexisteunlienentreces deuxphénomènesmaiscelui ciresteaujourd huiencoreinconnu. Etvous,qu enpensez vousdecedébatsurlelienentrelesdeuxlésions? Je n ai rien à y penser à proprement parler. Il y a des données qui sont contradictoires et encorebeaucoupàchercher.onresteencoreàl étatd hypothèses. Ya t ilunconsensusaujourd huisurlescausesgénétiquesdelamaladied Alzheimer?

Il n y a pas de discussion, les données sont extrêmement robustes et validées par de nombreuses équipes. Sur les formes autosomiques dominantes, le mécanisme est très clair puisqu uneanomaliesurungèneestresponsabledudéveloppementdelamaladie.ledébat aujourd hui se porte sur les gènes et la présence ou non de certains allèles en tant que facteurs de risque du développement de la maladie. Sur ce point de nombreuses équipes réalisent de multiples recherches par confrontation de populations. Le problème arrive lorsque l on découvre par exemple qu un certain allèle pour un gène augmente le risque de développer la maladie de 1% à 2%, ce qui ne signifie pas grand chose en termes de quantification. Surlediagnostic,quelleestlaprocéduremiseenplace? Lorsqu un patient souffre d un déficit cognitif, une multitude de batteries de tests et d examens est réalisée auprès de ce patient. En dessous de 5% des normes statistiques, les genssontconsidéréscommeayantuntroubledemémoireauthentifié.ensuiteonréalisedes imageriespoursavoirlescausesdesestroubles.onpeutalorsparfoistrouverunetumeurou unepathologievasculairequel onnesuspectaitpasauparavant.ilfautbiencomprendreque l imagerieneréalisepasundiagnosticdelamaladied Alzheimer,carleslésionsresponsables delamaladiesontàl échellemicroscopiqueetnesontdoncpasdétectables.actuellementon acependantmisaupointdesmarqueursditspibquiestunmarqueurparticulierdesplaques amyloïdes,quiestutiliséàmaconnaissancedansunoudeuxcentresfrançais,maisquireste del ordredelarechercheetnonpasdudiagnostic. Certainsdiagnosticssesontretrouvésinfondésàl autopsie,qu enest ilexactement? Danslesbonneséquipes,letauxd erreurestde5%entreàl avisdescliniciensetl autopsie. Cette marge d erreur, liée à des maladies rares et aux difficultés normales d un diagnostic neurologique, est relativement tolérable aujourd hui. Ce taux est admissible notamment par rapport au risque que l on ferait prendre au patient en réalisant par exemple une biopsie cérébrale. Par contre il est nécessaire que les gens prennent des recommandations très précisespouraméliorerleurtauxdecertitude. N ya t ilunproblèmedemoyensderrièretoutcela? Non,lesprécédentsPlansAlzheimerontpermisraisonnablementunmaillageduterritoireen consultation mémoire ainsi qu une accessibilité relativement bonne, bien meilleure qu il y a dixans. Pourtant,seulement20%desgensconsultent

C estvrai,onvoitencoredesgensconsulterunpeutard.ceproblèmeestidentiqueàd autres maladiesliéesàl âgeetilyaunsérieuxbesoind informationdupublicetdeformationdes médecins qui sont en première ligne. Certaines personnes ont tendance à considérer que perdrelamémoirefaitpartieduvieillissementnaturel.effectivement,quandonvieillitilest normald avoircertainesaltérationsdecertainescomposantesdelamémoiremaisilfautbien savoir faire la différence entre ces altérités et les symptômes de la maladie d Alzheimer. Aujourd hui c est assez simple de différencier: à partir du moment où l on dispose de tests avecdesnormesenfonctionduniveaucultureletdel âge,jusqu à80à85ans audelà,ilest vraiquel onaunpeumoinsdenormes sivousvoyezqu unindividuestendessousduseuil 5%desnormesquel onapoursatranched âge,ilestclairementendehorsdelacourbede Gauss. Quifixecesnormes? Despersonnesréuniesdansdifférentscentrespourcollecterdessujetstémoins,fairepasser des tests et voir comment les résultats se distribuaient dans les populations. En règle générale,leseuilimposéestceluide5%. Quelleestlaplacedestestsgénétiquesdansledépistagedelamaladied Alzheimer? Pourlaformeautosomiquedominante,ilestévidentquel onutiliselestestsgénétiques.une personne vient vous voir et possède des troubles de mémoire, des signes de la maladie d Alzheimer,etelleestapparentéeàunefamilleoùaétéidentifiéeunemaladied Alzheimer autosomiquedominantedueàunemutationdeprésilinne1oudugènedel APP.Danscecaslà,vousêtesenfacedequelqu undemaladequiauneprobabilitétrèshauted êtreporteur héritier de l anomalie génétique. Vous allez alors rechercher la présence de cette anomalie génétique. Il se peut par ailleurs que l on n ait pas identifié l anomalie génétique parce que c étaitilyaplusieursannéesmaisonaunecertitudedudiagnosticchezl ascendant(pèreou mère) et l on sait que à chaque génération, il y a des personnes malades et des personnes jeunesengénéral.danscecasprécis,onfaitsignerunconsentementinforméexpliquantque l on va rechercher au titre du diagnostic cette anomalie et l on va alors pouvoir dire à la personnequ elleauneanomaliesurtelgène. Mais il existe une autre situation tout à fait différente, celle des descendants ou des apparentésfrèresousœursdequelqu unchezquil onamontrélaprésenced uneanomalie génétique. Cette personne va bien, elle est jeune et veut connaître son statut. Là on rentre dans un cadre légal très codifié que l on appelle la consultation de diagnostic pré symptomatiquequialieudansdescentresdegénétiqueagréésoùunavisseradonnéparun neurologue, un psychologue, et des généticiens dans un processus de plusieurs semaines voire de plusieurs mois, à l issue duquel, avec toujours le consentement et la volonté de la personne,unrésultatluiseratransmis.ilestévidentquecettepratiquenepeutsefairequ au casparcasdansdessituationsàchaquefoisparticulières.

Pourquoi n utilise t on pas les tests génétiques pour détecter la présence de l allèle APOEe4afindespécifierlamaladie(diagnosticdedifférenciation)? Laprésencedecetallèlen estqu unfacteurderisque.aussiilnes agitqued uneprobabilité augmentéededévelopperlamaladieetnonuntestdiagnostic.vousavezdespersonnesqui sontapoe4homozygoteetquinecontracterontpaslamaladie,certescespersonnessonttrès peunombreuses.eneffet,onpensetoutdemêmequesilesgensapoee4homozygotevivent suffisammentvieux,ilsvontfinirparcontracterlamaladied Alzheimer,maisvousn avezpas ce caractère de certitude que l on trouve pour les formes autosomiques dominantes. Ainsi, danstouslespays,lesrecommandationssontclaires:onnefaitpasdetestsgénétiquespour cegène. Biensur:cesrecommandationssontcellesde2008.Siunjourondisposedetraitementsqui interviennent en amont du processus, bien avant les premiers symptômes, on pourra alors utiliser les statistiques des recherches fondamentales pour pouvoir prévenir ce facteur de risque.aujourd huilasituationnepermetpascetypedepréventionsurunfacteurderisque, lesrecommandationschangerontlorsquel onpourraintervenir. Pourtantaujourd huil objectifn est ilpasunepréventionlaplusprécocequisoit,alors mêmequelestraitementssemblentinsuffisants? Actuellement, en population générale, la priorité sont les facteurs de risques vasculaires associés,làoùl onpeutvraimentfaireinfluencerleschoses,maisonnepeutpasactuellement fairedelapréventiondelamaladied Alzheimerentantquetelle. Quepensez vousdudiagnosticaustadeprécoce? Quand on parle de diagnostic au stade précoce, il y a derrière cela l idée que la personne ressent déjà des troubles de la mémoire. Actuellement, les personnes qui ont ce que l on appelle un déficit cognitif léger ont une probabilité de 15% par an de voir leurs troubles se poursuivre en maladie d Alzheimer. Au bout de 5 ans, la moitié de ces personnes souffrent donc de la maladie d Alzheimer. Plusieurs prédicteurs sont utilisés pour contrôler ces évolutions:lestestsdelamémoire,maisaussilesimageriesvolumétriquesdel hippocampe. Surlestraitements,quelleestlastratégiemiseenplaceactuellement?Lapsychologue de France Alzheimer (Interviews Judith Mollard) a parlé d effet placebo pour les traitements médicamenteux de la maladie d Alzheimer : quelle est l efficacité de ces traitements?

Toutd abord,lapolitiquedestraitementssefaitsurtoutauniveaunationalcarcelle cireste trèstributairedesremboursementsdesmédicaments. Pourcequiconcernel efficacitédestraitements,lapersonnedefrancealzheimerasûrement beaucoupdedonnéesscientifiquesavecelle,maisjepensequ ilestunpeuindélicatdeparler d effet placebo dans la mesure où toutes les recherches scientifiques se font «contre effet placebo», on ne peut pas parler d essais thérapeutiques sans placebo, mais je ne veux pas polémiquer. Les essais thérapeutiques ont montré des effets très faibles sur des courtes durées,deunàsixmois.maislagrandedifficultévientdecequelesrésultatssefontsurdes populations,orl onnepeutpasdutoutprévoirsitelouteltraitementfonctionnerasurtelou tel patient. Tout le monde est d accord pour dire que les effets sont relativement limités, et que l on ne sait pas du tout prédire l évolution de la maladie pour chaque cas. Certaines personnes sont «déclineurs rapides» d autres «déclineurs lents» et on a des différences d évolutionsdeplusieursannéesentreelles. De quel ordre sont ces différences d évolutions? J ai lu par exemple que deux vrais jumeauxquiavaientcontractélamaladieavaientconnudesévolutionsdifférentesavec desécartsdedéclenchementd unedizained années,sait onpourquoi? Non, on ne sait pas, s il s agit de vrais jumeaux, on peut penser qu il ne s agisse que d effets d environnement. Onabeaucoupparléd unvaccincontrelamaladied Alzheimer?Est cepossibleetdans combiendetemps? Ilfautfaireattentionaumotvaccinquiadanslepublicuneconnotationparticulière,liéeàla prévention. Là, il s agit de l utilisation d anticorps qui ont pour but d empêcher en quelque sortelaformationd agrégationd Aß.Plusieursessaisontétémenésquiontétédélétèresmais actuellement des essais sont en cours, certains viennent d être finalisés et un grand essai à l échelleinternationaledémarreaujourd hui. Quepensez vousdurôledel actionpubliqueetdesdifférentsplansalzheimermisen placeenfrance? LespremiersplansAlzheimeronteuplusieursavantages:faireaccéderplusdepatientsau diagnostic, définir des recommandations, mailler le territoire de consultations mémoire, former des professionnels, par exemple, des psychologues de la neuropsychologie de la démence, en clair, mettre les professionnels en ordre de marche et de bonne pratique. L intérêt des accueils de jour et du renforcement des structures se sont faits sentir notamment pour lutter contre l augmentation permanente du nombre de malades. Aujourd hui, le dernier Plan Alzheimer a plusieurs facettes, notamment la recherche, la

gestiondesmaladesetl aideauxfamillesdespatientsquisontdespointsimportants.l APA (Allocation Personnalisée d Autonomie) joue un rôle fondamental pour payer à ceux qui en ont besoin des auxiliaires de vie, des passages de personnes pour garder les malades. La grande partie de l APA passe chez ces personnes qui ont la maladie d Alzheimer ou des maladies apparentées. De nombreuses allocations se sont développées progressivement au coursdesannées(andph,lesmaisonsdeshandicaps ).Dansnotrepays,lapriseencharge sociale de la maladie est heureusement importante si l on compare à d autres pays, et d ailleursc estlecoûtquecelagénèrequiposeleplusproblème. Peut on admettre le raisonnement selon lequel les solutions scientifiques n arrivant pas, les traitementsayantpeud efficacité,ilvaudraitmieuxchercheràaccompagnerlemaladeetaller versunepriseenchargepsychologique. Lamaladied Alzheimerestunevraiemaladie.Lesgensquipensentquedebonnesparoleset beaucoup d affection vont guérir la maladie d Alzheimer n ont jamais observé un cerveau humaindequelqu unatteintdecettemaladie.ilfautdoncavoirunedémarcheraisonnableet double:s attaquerauxcausesdelamaladie,ets occuperdespatientsetdeleurentourage.ce n estpasunemaladiedupsychismenidelarelationàl autre. AuRoyaume Uni,onaaxél actionpubliquesurlapriseenchargesociale Cesontdesdécisionspolitiques.Onprendlechoixdecréerplusdeplaceseninstitutionsou l on prend le choix de rembourser les médicaments du moment. En France la politique est doublesachantquelecoûtsocialoccupeuneplacetrèsimportante. Entantquechercheursetcliniciens,qu enpensez vous? Jepensequel onnepeutpasfairel unsansl autre.soit,onpeutattendrequelesautrespays fassentlarechercheetl onappliqueracequ ilsonttrouvé,soitonestimequel onestdansun paysdéveloppé,cequejecrois,avecdeschercheursdequalité,cequejecrois,etcomptetenu des problèmes posés par cette maladie, je suis persuadé qu il faut une politique de santé et recherchedansnotrepays.onn apasàopposerleschoses,maisc estvraiqu ilestnécessaire defairedeschoixd unpointdevuefinancier.quandondécided investirsucespathologies lourdes, il faut également prendre soin de distribuer les moyens financiers à de bonnes équipesdechercheurs,productives,pourfaireunerecherchedebonnequalitésansperdreni detempsnid argent. Commentsepasselarechercheauniveauinternational?

Larecherchesurlamaladied Alzheimernepeutsefairequ àl échelleinternationale.toute hypothèse et recherche de bon niveau sont validées par les instances internationales. Les publicationssontàchaquefoisréaliséessurdesjournauxinternationaux. Selon vous quelles sont les controverses scientifiques autour d Alzheimer, les points quifontdébatentrelesdifférentsacteurs? Surlestraitements,ceux cisontgérésparlesfirmespharmaceutiquesessentiellement,pour des raisons de moyens financiers, et il y a des options différentes. On peut distinguer deux grandes voies : certains vont s attaquer aux causes de la maladie, intervenir sur les mécanismesmoléculairesenamontdelaformationdupeptideaß,cetteprotéinequirésulte d unclivaged uneplusgrandeprotéine,l APP,cesgenspensentqu ilfautmettredel énergie pouressayerdeperturberceclivagelorsqu ilestd ordrepathologique.d autrespensentque l onpeutraisonnablements attaqueràlaconséquence,c est à direàl agrégationdupeptide Abàpartirdumomentoùilestgénéréetclivé.Rienn empêcheradansl avenird associerces deuxgrandesvoies,sousformed uncocktailquiattaquelesdeuxniveauxduproblème. Lerestedudébatestundébatdesociétécomplexeetquisefocaliseauniveaud unenation. Qu est cequec estdevieillir?queveut onpournospersonnesâgées?ledébatdesociétéest différent selon les maladies d Alzheimer. Il est évident que par une forme autosomique dominante,ilestclairementinacceptabled observerunedémencechezdespersonnesjeunes. Pourleresteils agitd undébatdesociétéavectouslesproblèmeséthiquesquecelapose. L annoncedelamaladieauxpatientssefait ellesystématiquement? Celafaitpartiedesrecommandationsextrêmementexplicitesàcesujet.Onditàlapersonne en face de soi la raison pour laquelle elle a ce trouble et on doit nommer ce trouble. La rétentiond informationdissocieraitlepatientdeschoixthérapeutiquesengagés.ilfautbien admettrequecommecesontdespatientsquioublientouquiontdestroublesdujugement, ondoitconsidérerqu ilsneprennentpastoutelamesuredecequ onleurdit.enrevanche, commel onvoitdespersonnesdeplusenplusjeunesquiseplaignentdeleurmémoiremais quinesontpasencoreaustadedeladémence,cespersonnessontdeplusenplusavertieset informées.d oùégalementtouslesélémentsdelaloisurladésignationparlemaladed une personne de confiance par anticipation des pertes de facultés, ou des recommandations sur sondevenir. Pourtantl annoncenes est ellepasfaitependantlongtemps? Voussavezilya15ans,dansnotrepaysonnedisaitpasauxpatientsqu ilsavaientuncancer dupoumonouuncancerdusein.c estunequestiond évolutiondesmentalités.aujourd hui, siunepersonneseplaintdesamémoireetqu onluiditqu ils agitdelamaladied Alzheimer,

le patient va l entendre et en plus il va ouvrir son poste de télévision ou la radio et va en entendreparler.enfin,ilpossèdeuneboitesdemédicamentsoùlemotalzheimeryestinscrit cequiestunpointimportantauquotidien. Quellessontvosrelationsavecleslobbiespharmaceutiques? Concernant les praticiens, ce sont eux qui décident pour leurs patients des traitements à suivre.auniveaudelarechercheilyadespartenariatsinstitutionnelscontractuelsentrele publicetleprivésurdesobjectifsderecherchetoujoursexaminéspardesinstances,toutcela étant très contrôlé. Comme le challenge est important en termes financiers, il faut que des partenariatsavecleprivésedéveloppentcarlepublicnepeutpasassureràluiseullaprisede risque. Mais la recherche fondamentale est complètement dissociée de la pratique de distribution des boites de médicaments. Ce n est pas parce qu un laboratoire développera avecvousunpartenariatscientifiquequevousallezdevoirprescriresesmédicaments. Ilyaplusieursgroupesdetravailsurlamaladied Alzheimer,commentcesgroupesse parlent ilsentreeux? LePlanMénardréférencetouslesgroupesderecherche.LaFranceestuntoutpetitpaysetil est inimaginable que l on puisse faire une recherche sans la faire en collaboration. Mais ce qu il faut c est probablement mettre davantage de cohérence et éviter que les groupes ne travaillent en parallèle sur des problématiques similaires. Il est extrêmement important de garantirunecomplémentaritéetunesynergieentrelesgroupesdetravail.c estnotamment l undesobjectifsdunouveauplanalzheimerquiviseàunepolitiquederestructurationdans ce domaine. Par exemple, il y a un déficit en analyse de cerveaux en France par rapport à d autres pays, et il faut que les cerveaux puissent être collectés, analysés et mis à la dispositiondeschercheursetquechacunycontribue. Unmotpourconclure Cequ ilfautcomprendrec estqu ilyadesgensquis intéressentàdeschosesdifférentes,des facettesdifférentes,desapprochescomplémentairesavecdesmétierstotalementdifférents: certains s intéressent aux cascades amyloïdes sur la drosophile, d autres à comment fonctionne la mémoire dans le cerveau en imagerie fonctionnelle ou à comment débute la maladie.cen estpasuneoppositiond approches,cesontdesquestionsdifférentesàchaque foisetcesontdesoppositionspragmatiquesd intérêts. Ilpeutyavoirdesdifférencesd approchesentermessocio économiques,ilfautpeut êtreplus d auxiliaires pour s occuper des conjoints que de chercheurs : ce sont là des décisions idéologiques.pourmapart,jen aipasdutoutcettevisiondichotomiquedeschoses.

Enfin,ilnefautpasoublierquec estunemaladieorganique,carsinononneparleplusdutout de la même chose. Après avoir dit cela, il faut bien sur s occuper des patients et les médicaments ne sont pas la seule solution loin de là. J ai assisté à un débat où l on essaie d opposerdeschosesquinesontpasdumêmeordre. Vous avez rencontré des gens qui pensaient que la maladie était avant tout psychologique? OUI. Vousavezdesnoms? Non,maisilyadesouvragesentierslà dessusquisontdemoinsenmoinscrédiblesàmesure quelascienceprogresse.celaestvraidansd autresdomaines:onentenddemoinsenmoins depersonnesdirequel autismeestunemaladiedel éducationdelamère. Celafaitpartiedudébat? Oui,maisilnefautpasqu ilyaitdefauxdébats,desdébatsd arrièregarde.etilnefautpas restreindreledébatàlafranceetàsaculturelatine,parrapportàcequinefaitplusdébatde l autrecôtédelafrontièrebelge. Merci.