TITRE III LES PRIVILEGES MOBILIERS



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TITRE III LES PRIVILEGES MOBILIERS CHAPITRE 1 ER GENERALITES Section 1. Notions 1. Le privilège est défini par l'article 12 de la loi hypothécaire, comme une caractéristique inhérente à la créance, que le législateur reconnaît à celle-ci en raison de sa qualité et qui permet à son titulaire d'être payé par préférence sur le produit de réalisation des biens sur lesquels il porte 1. 2. La loi présume que certaines créances méritent une faveur particulière pour des raisons d'humanité, d'équité, d'intérêt public, d'équilibre budgétaire des organismes publics ou d'intérêt public, ou en considération de divers facteurs économiques ou sociaux. La date de la créance, de même que l'importance ou le montant de celle-ci, sont indifférents 2. 3. N'étant rien d'autre qu'un droit d'être payé de manière préférentielle sur le prix 3, l'exercice du privilège suppose, en principe, la liquidation de tout ou partie du patrimoine du débiteur en raison de la mise en œuvre d'une procédure d'exécution d'origine individuelle ou collective, portant sur un, plusieurs ou tous les biens du débiteur, au profit de deux, plusieurs ou tous ses créanciers. En d'autres termes, l'exercice d'un privilège suppose un concours entre les créanciers du débiteur, et ne modifie pas le rapport de droit noué entre le débiteur et le créancier privilégié. Avant la survenance d'un concours, rien ne permet de distinguer la créance chirographaire de la créance privilégiée 4. SECTION 2. CLASSIFICATION 4. Les privilèges peuvent être classés en quatre catégories en fonction de l'assiette des biens sur laquelle ils portent. On distingue ainsi: 1 STRANART, Les sûretés réelles, Story-Scientia 1988, p. 56; «Les sûretés réelles traditionnelles Développements récents», in Le droit des sûretés, J.B., 1992, p. 93. 2 STRANART, «Les sûretés réelles traditionnelles Développements récents», in Le droit des sûretés, J.B., 1992, p. 93. 3 STRANART, Les sûretés, Story-Scientia 1988, p. 56. 4 STRANART, «Chronique de jurisprudence Les sûretés réelles», Rev. Banq. 1975, p. 283.

- les privilèges sur tous les biens, meubles et immeubles; - les privilèges sur tous les biens meubles et sur la valeur résiduaire des immeubles; - les privilèges spéciaux sur meubles; - les privilèges immobiliers. 5. Les privilèges immobiliers produisent des effets proches de ceux qu'engendre l'hypothèque, de sorte que leur examen, parallèlement à celui de l'hypothèque, se justifie davantage. SECTION 3. APPLICATION DE LA LOI DANS LE TEMPS 6. Par deux arrêts de principe des 22 février 1985 5, la Cour de cassation a précisé qu'une loi nouvelle attachant un privilège à une créance existante ou étendant un privilège octroyé déjà à une telle créance, s'applique immédiatement et bénéficie donc aux créances nées antérieurement à sa mise en vigueur, pour autant que cette application ne porte pas atteinte à des droits irrévocablement fixés, tels que ceux que les créanciers puiseraient dans une situation de concours survenue avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle 6. CHAPITRE II PRIVILEGES SUR TOUS LES BIENS : LE PRIVILEGE POUR FRAIS DE JUSTICE 1. Textes 7. Aux termes de l'article 17 de la loi hypothécaire, «les frais de justice sont privilégiés sur les meubles et les immeubles, à l'égard de tous les créanciers dans l'intérêt desquels ils ont été faits». 8. L article 19 alinéa 1 er,1 de la loi hypothécaire «Les créances privilégiées sur la généralité des meubles sont celles ci-après exprimées, et s exercent dans l ordre suivant : 1 Les frais de justice faits dans l intérêt commun des créanciers». 2. Créance garantie 5 Pas. 1988, I, 742 avec les conclusions de Madame l'avocat général Liekendael; Rev. Not. 1988, p. 294; J.T., 1988, p. 294; J.T., 1989, p. 2091; R.W., 1988-1989, p. 193 et 31 octobre 1988, Pas., 1989, I, 227; J.L.M.B., 1989, p. 718, note CAEYMAEX; R.G.D.C., 1991, p. 66 et la note LECHIEN; contra: Liège, 28 juin 1984, J.L. 1986, p. 605. 6 STRANART, «Les sûretés réelles traditionnelles Developpements récents», in Le droit des sûretés, J.B., 1992, p. 54; voir encore: Cass.,17 juin 1987, R.W., 1987-1988, p. 397. 2

9. Les frais privilégiés sont tous les frais faits par un créancier sous l'autorité de la justice pour la conservation et la liquidation d un ou de plusieurs avoirs du débiteur dans l'intérêt de ses créanciers 7, et non pas seulement, même si telle n était pas son intention lorsqu il y a consenti, dans l intérêt exclusif du créancier qui les a encourus. L illustration la plus parlante de ces dispositions légales se trouve dans la saisie intentée avant le concours mais n ayant pu conduire, antérieurement à la survenance de celui-ci, à une distribution de sommes au profit du créancier saisissant. Pour la créance-cause de la saisie, le créancier, du moins en raison de sa seule qualité de premier saisissant, ne bénéficie nullement d un privilège, mais il le peut, au contraire, pour le remboursement des frais encourus, sous l'autorité de la justice, pour mener la procédure d exécution, non jusqu à son terme mais jusqu à sa caducité et sa récupération par la masse des créanciers. Quelle est la mesure de ce remboursement privilégié? 10. Comme le rappelle un jugement ud tribunal de commerce de Gand du 16 février 2004 8, les frais engendrés par la saisie-exécution de la voiture d un futur failli sont privilégiés sur le fondement des articles 17 et 19-1 de la loi hypothécaire. Il n en est rien, en revanche, ainsi que l avait précisé le même tribunal, dans un jugement du 15 mars 2001 9, des dépens et de l indemnité de procédure, qui n ont pas contribué au maintien d un bien dans le patrimoine du débiteur, ou à sa liquidation, au bénéfice concret des autres créanciers de ce débiteur. 11. Ne peut davantage, estime la Cour d appel de Bruxelles, dans un arrêt du 23 mai 2003 10 être privilégié sur cette base, le prix des fournitures de gaz, même si elles ont été effectuées sur l ordre du tribunal. La condamnation à fournir un bien ou à prester une obligation prononcée par le tribunal ne s identifie pas, en effet, à l autorité de la justice, réglant et vérifiant la régularité des actes de procédure nécessaires à la conservation ou à la liquidation des biens du patrimoine du débiteur. 3. Assiette du privilège 7 MOREAU-MARGRÈVE, Chronique not. Liège, vol. VIII, pp 8-9, n 5 ; Ledoux, Chronique de jurisprudence Les sûretés réelles, Dossier J.T., n 43, 2003, p. 33, n 13. 8 T.G.R., 2004, 109. 9 T.G.R., 2001, 172. 10 J.L.M.B., 2004, 973 et R.D.C.B., 2003, 787. 3

12. Le privilège est général parce qu'il est susceptible de s'étendre à n'importe quel bien, meuble ou immeuble, du débiteur, mais ne grève réellement que le ou les biens conservés 11. 13. Dans la plupart des cas, il n'est dès lors pas strictement logique de classer le privilège pour frais de justice dans la catégorie des privilèges sur tous les biens, car il s agit d un privlège relatif quant aux biens formant son assiette, en ce sens qu il ne peut être invoqué que par rapport aux biens que les frais exposés ont concernés soit en les administrant, soit en les réalisant, soit encore en les conservant 12. Toutefois, il arrive que l'activité d'une personne désignée pour accomplir un mandat de justice conserve l'universalité des biens de la personne dont le patrimoine se trouve géré par le tiers ainsi mandaté. Dans ce cas, le privilège porte effectivement sur tous les biens 13. 4. Opposabilité et rang 14. Le privilège ne peut être opposé qu'aux créanciers qui ont tiré un profit actuel et certain des frais exposés 14. 15. Il bénéficie de la disposition de l'article 19 in fine de la loi hypothécaire prévoyant que lorsque la valeur des immeubles n'a pas été absorbée par les créances privilégiées et hypothécaires, la portion du prix restant due est affectée de préférence au paiement des créances privilégiées générales 15. 16. Le profit actuel et certain se détermine par la preuve que les créanciers ont, par l'action de celui qui a fait les frais, épargné des débours qu'ils auraient nécessairement dû exposer eux-mêmes 16. L'intervention du créancier doit donc avoir été objectivement utile, en ce sens que l'intention qui y a présidé n'importe pas; seul le résultat doit être pris en considération. L'utilité effective et objective est une question de fait, qu'il appartient aux cours et tribunaux d'examiner cas par cas. Généralement, le juge procède à une ventilation des frais en recherchant acte par acte, le résultat qu'il a permis d'obtenir 17. 11 STRANART, Les sûretés, p. 58. 12 LEDOUX, Chronique de jurisprudence Les sûretés réelles, Dossier J.T., n 43, Larcier, 2003, p. 35. 13 VEROUGSTRAETE, Manuel la faillite et du concordat, p. 433, n 755. 14 LEDOUX, «Chronique», J.T., 1987, n 34; MOREAU-MARGREVE, «Les sûretés - Chronique de droit à l'usage du Palais», 1987, p. 87; STRANART, Les sûretés, p. 59. 15 VEROUGSTRAETE, Manuel de la faillite et du concordat, p. 434, n 758. 16 LEDOUX, "Chronique", J.T., 1984, n 34, p. 304; MOREAU-MARGREVE, «Les sûretés», in Chronique du droit à l'usage du Palais ; Liège, 1987, p. 87; STRANART, Les sûretés, p. 60; Bruxelles, 16 mars 1995, J.T., 1995, p. 811. 17 STRANART, «Les sûretés réelles traditionnelles» in Le droit des sûretés, p. 97; Liège, 10 mars 1986, Jur. Liège 1986, p. 373; Comm. Liège, 13 décembre 1988; R.D.C.B,. 1989, p. 812; Bruxelles, 22 juin 1989, R.W., 1989-1990, p. 1193; Comm. Liège, 15 novembre 1989, J.L.M.B., 1991, p. 492, note CAEYMAEX. 4

17. Il est admis actuellement que les honoraires du curateur de faillite constituent des frais de justice privilégiés, même envers les titulaires de sûretés spéciales, dans la stricte mesure du profit effectivement tiré par ceux-ci de l'intervention du curateur. Par son arrêt du 13 septembre 1991, la Cour de cassation a décidé, en effet, que lorsque le curateur a vendu un bien grevé d'une hypothèque ou d'un privilège spécial, les frais et honoraires nécessaires à la réalisation du bien doivent être prélevés en vertu des articles 17 et 21 de la loi hypothécaire, par priorité sur le produit de la vente de ce bien grevé et qu'il était contraire aux dispositions précitées ainsi qu'à la nature du privilège et de l'hypothèque, de prélever par préférence tous les frais et honoraires du curateur sur l'ensemble du produit de la réalisation de tous les actifs en ce compris ceux grevés d'un privilège spécial ou d'une hypothèque 18. Les honoraires du curateur constituent, en réalité, des dettes de la masse et non des créances privilégiées en qualité de frais de justice. Toutefois, cette question de qualification est indifférente pour déterminer le rang des honoraires du curateur, car l'utilité effective pour les créanciers du failli est également le critère permettant l'admission et la priorité d'une dette de la masse. 18. En revanche, lorsqu'un immeuble dépendant d'une succession vacante est saisi et vendu à la requête d'un créancier hypothécaire, le curateur à succession vacante ne bénéficie pas, pour ses honoraires et frais, du privilège prévu à l'article 17 de la loi hypothécaire, en l'absence de devoirs réellement accomplis dans l'intérêt du créancier hypothécaire. Les droits de celui-ci doivent dès lors être exercés par priorité tout comme en matière de succession bénéficiaire 19. 5. Illustrations 19. La créance garantie peut être constituée de frais judiciaires tels que les frais de citation 20, d'obtention du jugement, d'expédition, de signification, de frais de saisie y compris les frais relatifs aux incidents de la saisie, dans la mesure où ceux-ci aboutissent au maintien et à l'exécution de la saisie 21, ainsi que les frais extrajudiciaires faits sous l'autorité de la justice, à savoir les honoraires et débours des auxiliaires et mandataires de justice, tels que huissiers, curateurs, commissaires au sursis, administrateurs provisoires désignés sur le fondement de l'article 8 de la loi sur les faillites 22. 18 R.D.C.B., 1992, p. 333, note VAN BUGGENHOUT et GREGOIRE; voir également, Comm. Namur, 16 décembre 1999, J.L.M.B., 2000, p. 1002, Comm. Namur, 22 mai 1997, J.T., 1997, p. 586 ; Liège, 19 janvier 2001, R.R.D., 2001, p. 305 ; Comm. Bruxelles, 11 mai 2000, R.D.C.B., 2000, p. 815, note VAN BUGGENHOUT et PARIJS ; Mons, 21 décembre 2000, J.L.M.B., 2001, p. 1733 ; Bruxelles, 15 mars 2001, R.D.C.B., 2002, p. 51, note PARIJS. 19 Civ. Bruxelles (sais.), 8 décembre 1986, Pas., 1987, III, 37. 20 Comp. Comm. Hasselt, 3 mars 1994, R.D.C.B., 1995, p. 620. 21 Bruxelles, 6 janvier 1972, Pas. 1972, II, 60; STRANART, Les sûretés, p. 59 ; DIRIX, «Overzicht van rechtspraak, Voorrechten en hypotheken, 1991-1997», T.P.R., 1998, p. 543. 22 VEROUGSTRAETE, Manuel de la faillite et du concordat, p. 434, n 757; Comm. Gand, 23 avril 1975, J.C.B. 1980, II, 35; Gand, 24 juin 1984, T. Not. 1983, p. 301; Comm. Namur, 19 octobre 1982, J.L. 1983, p. 18; Comm. Liège, 18 octobre 1982, J.L. 1983, p. 21. 5

20. En revanche, ne bénéficient pas du privilège les honoraires de l'avocat, son intervention n'étant ni obligatoire ni faite sous l'autorité de la justice 23 ; n'en bénéficient pas davantage les honoraires d'un notaire pour des prestations étrangères à sa mission d'officier public 24. CHAPITRE III PRIVILEGES GENERAUX SUR MEUBLES SECTION 1. INTRODUCTION 21. Les privilèges généraux sur meubles portent sur tous les meubles du débiteur, mais, en principe, subsidiairement aussi sur les immeubles de celui-ci, «lorsque la valeur des immeubles n'a pas été absorbée par les créances privilégiées ou hypothécaires» 25. 22. Les privilèges généraux sur meubles servent, selon le voeu du législateur, la satisfaction d'intérêts sociaux, politiques ou de sécurité sociale 26. Ils sont énumérés par l'article 19 de la loi hypothécaire. A cette liste s'ajoutent d'autres privilèges créés par des lois particulières. SECTION 2. LE PRIVILEGE DES FRAIS FUNERAIRES 1. Texte 23. Aux termes de l'article 19, alinéa 1 er -2 de la loi hypothécaire, sont privilégiés sur les meubles du débiteur, les frais funéraires en rapport avec la condition sociale et l'état de fortune du défunt. 2. Créance garantie 24. Ce privilège peut être invoqué par toute personne qui a supporté ou fait l'avance des frais funéraires, qu'il s'agisse de l'entreprise de pompes funèbres ou du proche qui en a réglé la facture. Ainsi, le fils qui a payé les funérailles de son père failli bénéficie du privilège des frais funéraires, sans qu'il ait à justifier d'une subrogation dans les droits de l'organisateur de l'enterrement. 23 Comm. Hasselt, 1 er décembre 1977, L.R.L. 1981, p. 63. 24 Liège, 4 décembre 1975, J.L., 1975-1976, p. 137. 25 Article 19 in fine de la loi hypothécaire Sur l'origine historique de cette situation, voy. T'KINT, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, pp. 197-199. 26 STRANART, Les sûretés, p. 61. 6

25. Des dépenses florales conformes aux usages bénéficient du privilège 27. 26. Sont généralement également considérés comme bénéficiant du privilège, les frais liés aux soins, au parement ou au transport de la dépouille et donc au linceul, à la chapelle mortuaire, à la mise en bière, à la décoration de la maison mortuaire, à l'office funèbre, aux honoraires du ministre officiant, à l'impression et à l'envoi des faire-part de décès, à l'inhumation et à l'incinération. En revanche, sont privés du privilège, les frais faits pour l achat des vêtements de deuil de la famille et du personnel du défunt, les offices religieux postérieurs à l'inhumation, le repas servi après l'office funèbre ou la tombe 28. 3. Rang 27. Le rang du privilège des frais funéraires est fixé par l'article 25 de la loi hypothécaire. Il prime tous les autres privilèges à l'exception du privilège des frais de justice, du privilège des frais de conservation et du privilège de l'hôtelier, du transporteur et du gagiste, pour autant qu'eux-mêmes ne soient pas primés par le vendeur. SECTION 3. LE PRIVILEGE DES FRAIS DE DERNIERE MALADIE 1. Texte 28. L'article 19, alinéa 1 er, 3 de la loi hypothécaire reconnaît un privilège aux frais de dernière maladie prodigué au débiteur (et non à sa famille), pendant un an avant la survenance du concours. 2. Créance garantie 29. Ce privilège est donc attaché, aux honoraires des médecins, chirurgiens, sagesfemmes, gardes-malades, pharmaciens, kinésithérapeutes, infirmiers et infirmières, pourvu qu'ils soient conformes aux barèmes en usage, ainsi qu au prix des médicaments, au coût de l'hospitalisation, etc. 30. La dernière maladie n'est pas nécessairement celle dont le débiteur est décédé. Il suffit qu'elle soit celle qui précède le concours des créanciers. L'article 19, alinéa 2 précise, en 27 Comm. Charleroi, 29 novembre 1988, J.L.M.B. 1989, p. 1500; T'KINT, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, p. 203. 28 CATTARUZZA et GEORGES, Privilèges et hypothèques, pp. 154 et 155 et réf. citées. 7

effet, que l'époque indiquée au paragraphe 3 est celle qui précède la mort, le dessaisissement ou la saisie, source du concours 29. 3. Rang 31. Le privilège des frais de dernière maladie s'exerce après celui des frais de justice et celui des frais funéraires, en fonction de leur place dans l'énumération de l'article 19 de la loi hypothécaire. SECTION 4. LE PRIVILEGE DES FRAIS DE SUBSISTANCE 1. Texte 32. L'article 19, alinéa 1 er, 5 de la loi hypothécaire accorde un privilège aux «fournitures de subsistance faites au débiteur et à sa famille, pendant six mois». 33. Là encore, cette période est celle qui précède la mort, le dessaisissement ou la saisie du mobilier, source du concours 30. 2. Créance garantie 34. Le terme «subsistance» doit être entendu largement. Il recouvre tout ce qui est nécessaire à la consommation journalière du ménage du débiteur: nourriture, eau, gaz, électricité, mazout, etc. pourvu que soient préservées les limites de la tempérance 31. 35. Le privilège est refusé aux frais consentis pour la subsistance d'une personne morale 32. 3. Rang 36. Le privilège des frais de subsistance s'exerce après les privilèges sociaux examinés cidessous, en fonction de leur place dans l'énumération de l'article 19 de la loi hypothécaire. SECTION 5. LE PRIVILEGE DES TRAVAILLEURS 29 CATTARUZZA et GEORGES, Privilèges et hypothèques, p. 164 et réf. citées. 30 Article 19, alinéa 2 de la loi hypothécaire. 31 Trib. Civ. Bruxelles, 13 février 1892, Pas. 1892, III, 311; J.T., 1892, p. 330. 32 Liège, 16 décembre 1985, R.P.S., 1986, n 6403, p. 218, obs. P.C.; J.L.M.B., 1986, p. 183; T'KINT, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, p. 203. 8

1. Texte 37. L'article 19, alinéa 1 er, 3 bis accorde un privilège, «pour les travailleurs visés à l'article 1 er de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, la rémunération telle qu'elle est définie à l'article 2 de ladite loi, sans que ce montant puisse excéder 7.500 euro; cette limitation ne s'applique pas aux indemnités comprises dans la rémunération et qui sont dues aux mêmes personnes pour rupture de leur engagement. Le montant prévu ci-dessus est adapté tous les deux ans par le Roi après avis du Conseil national du travail». 2. Créance garantie 38. Les créances nanties du privilège général visé à cet article sont les créances d'indemnité compensatoire de préavis ou d'indemnité complémentaire due par l'employeur en cas de rupture abusive du contrat de travail conformément à l'article 63 de la loi du 3 juillet 1978 33, ou encore l'indemnité d'éviction due à un représentant de commerce 34, au même titre que les créances d'arriérés de rémunération, mais sans le plafond fixé pour ces dernières 35. 39. Sont également privilégiés tous les avantages pécuniaires (primes ou gratifications contractuelles, treizièmes mois, etc ) qui s'ajoutent à la rémunération en espèces proprement dites, ainsi que les avantages en nature (mise à la disposition du travailleur, d'une voiture, d'un logement, etc ) 36. 40. Il en est de même de l'indemnité forfaitaire pour frais de déplacement, qui est un avantage évaluable en argent auquel le représentant de commerce a droit à charge de son employeur en raison de son engagement 37. 41. En revanche, la créance d'allocation de prépension versée par le dernier employeur comme complément des avantages accordés par la sécurité sociale, n'est pas privilégiée 38. 33 Comm. Bruxelles, 4 février 1980, J.C.B., 1980, p. 531; Comm. Verviers, 6 septembre 1988, J.L.M.B, 1988, p. 1509; Liège, 18 mai 1989, J.L.M.B., 1989, p. 1022; Trib. trav. Gand, 30 septembre 1989, J.T.T., 1989, p. 263; Comm. Charleroi, 22 octobre 1986, J.L.M.B., 1987, p. 819, obs. PARMENTIER; Rev. Rég. Dr., 1987, p. 44, obs. CAEYMAEX; Comm. Verviers, 6 septembre 1988, J.L.M.B., 1988, p. 1509. 34 Comm. Bruxelles 4 décembre 1984, R.D.C.B., 1985, p. 328. 35 Sur la portée du terme "rémunération" au sens de cette disposition, voy. PARIJS et VAN BUGGENHOUT, «Het voorrecht van de werknemers (artikel 19-3bis) een op hol geslagen sociaal voorrecht», R.D.C.B., 1990, pp. 820 et suiv.; CLOQUET, «Les concordats et la faillite», in Les Novelles, Droit commercial, t. IV, 2 ème éd., p. 602, n 2067; Mons, 22 septembre 1993, J.L.M.B., 1995, p. 140. 36 T'KINT, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, p. 204. 37 Anvers, 19 février 1991, R.W., 1991-1992, 1065, note; Chron. D.S. 1992, p. 409, note. 38 Cass., 19 juin 1974, R.N.B., 1976, p. 495; Comm. Bruxelles, 27 décembre 1984, R.D.C.B., 1986, p. 226; Liège, 24 septembre 1986, J.L.M.B., 1987, p. 107, obs. CAEYMAEX; C.T. Liège, 12 février 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1105, obs. Cl. PARMENTIER; Bruxelles, 19 décembre 1990, R.D.C.B., 1991, p. 711; 9

42. Ne le sont pas davantage les intérêts dus sur la créance visée à l'article 19 alinéa 1 er - 3 bis de la loi hypothécaire 39. 43. Le personnel intérimaire ne bénéficie pas du privilège et pas davantage la société d intérim. En effet, le travailleur intérimaire ne preste pas en exécution d un contrat conclu avec l utilisateur de sa main d œuvre et n est pas reliée à lui par un rapport de subordination. Par ailleurs, il ne perçoit de lui aucune rémunération. La société d intérim, quant à elle, est prestataire de services envers l utilisateur, ce qui n engendre en soi aucun privilège, ni en nom propre ni en qualité de subrogé du travailleur 40. 44. Avant la loi du 26 juin 2002 41, le travailleur ne pouvait réclamer le paiement que de sa rémunération nette et non brute; c'était dans cette mesure également que pouvait dès lors s'exercer le privilège 42. Désormais, l article 2 de cette loi précise que la rémunération privilégiée est celle qui existe avant l imputation des retenues pour les organismes sociaux et l Etat. 45. La rémunération brute du travailleur se décompose dans le chef de l'employeur en plusieurs obligations parallèles: la rémunération nette, due au travailleur, les cotisations dues à l'onss et le précompte professionnel dû au fisc 43. En conséquence, dès lors, qu en règle, le privilège établi par l article 19 3 bis de la loi hypothécaire ne s applique pas aux cotisations de sécurité sociale dues par les travailleurs ni au précompte professionnel qui concernent la rémunération à laquelle le travailleur a droit en vertu des prestations effectuées Anvers, 30 juin 1997, R.W., 1997-1998, p. 1374 et obs.; Comp. Comm. Bruxelles, 10 janvier 1989, R.D.C.B., 1990, p. 980; Liège, 30 juin 1989, J.L.M.B. 1989, p. 1498 ; Mons, 20 février 2003, J.L.M.B., 2004, p. 962 ; R.R.D., 2004, p. 143. 39 Cass., 17 avril 1980, Pas., 1980, I, 1028; Liège, 1 er juin 1982, J.L., 1983, p. 261, obs.; Mons, 6 novembre 1989, R.D.C.B., 1990, p. 977; J.L.M.B., 1990, p. 1086; Cass., 16 juin 1988, Pas., 1988, I, 1250; J.L.M.B., 1988, p. 1093; J.T., 1988, p. 632 et obs. Y. DUMON, R.C.J.B., 1990, p. 5 et note VEROUGSTRAETE, R.D.C.B., 1988, p. 765; Liège, 4 juin 1986, J.L.M.B., 1987, p. 148, obs. CAEYMAEX; voir encore: GEINGER, COLLE et VAN BUGGENHOUT, «Overzicht van rechtspraak - Het faillissement in het gerechtelijk akkoord», T.P.R., 1991, pp. 407 et suivantes; T'KINT, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, pp. 200 et suivantes; COPPENS et T'KINT, «Examen de jurisprudence - Les faillites, les concordats et les privilèges», R.C.J.B., 1991, pp. 576 et suivantes; GREGOIRE, «L'exécution transformée des obligations sociales de l'employeur failli», Rev. de l'ulb 1991, pp. 39 et suivantes. 40 Comm. Hasselt, 3 mars 1994, R.W., 1994-1995, p. 1089 ; Comm. Anvers, 27 mars 2002, R.W., 2002-2003, p. 1471 ; Comm. Louvain, 20juin 2002, R.A.B.G., 2003, p. 1209, note Carlier. 41 M.B., 9 août 2002. 42 T'KINT, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, p. 205; Cass., 17 novembre 1986, Pas. 1987, I, 337; Cass., 6 février 1987, Pas. 1987, I, 676; Cass., 16 mars 1987, Pas., 1987, I, 845; Cass., 23 mai 1996, Pas., 1996, I, 509 ; R.W., 1996-1997, p. 563, avec les conclusions de Monsieur l'avocat général et obs. WERQUIN; J.T, 1997, p. 252; Cass., 25 juin 1982, Pas., 1982, I, 1268; Cass., 21 juin 1985, Pas., 1985, I, 1349; Cass., 5 octobre 1992, Pas., 1992, I, 1112; R.W., 1992-1993, p. 826; Cass., 23 novembre 1992, Pas., 1992, I, 1295; R.W., 1992-1993, p. 1036; J.T., 1995, p. 736, obs. T'KINT; J.T.T., 1993, p. 63; Comm. Namur, 22 octobre 1992, Rev. Rég. Dr., 1992, p. 40; Comm. Bruxelles, 20 juin 1989, R.D.C.B., 1989, p. 989, note VAN GELDER 43 Cass., 23 mai 1996, Bull. Cass., 1996, p. 509 ; Pas.,1996, I, 509. 10

antérieurement à la faillite, le curateur est tenu de calculer la créance du travailleur relative à des demandes nées antérieurement à la faillite sur la base de la rémunération brute, diminuée des cotisations de sécurité sociale du travailleur et du précompte professionnel forfaitaire fixé sur la base des revenus bruts diminué des retenues obligatoires et doit verser le précompte professionnel retenu à l administration pour autant que le rang des privilèges respectifs l y autorise 44. 46. Le privilège ne s'étend pas aux dommages-intérêts qui indemnisent un préjudice distinct de celui qui résulte de la rupture du contrat de travail 45. SECTION 6. LE PRIVILEGE DU PECULE DE VACANCES 1. Texte 47. Aux termes de l'article 19, alinéa 1 er, 4 de la loi hypothécaire, sont privilégiées - les créances de l Institut national d assurance maladie-invalidité et celles des organismes assureurs définis à l article 2 de la loi relative à l assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994, pour les prestations de l assurance soins de santé, de l assurance indemnités ou de l assurance maternité versées indûment, - les sommes dues en vertu de l'arrêté-loi sur les vacances annuelles des travailleurs salariés à titre de cotisation ou de rémunération de vacances, pour l'exercice échu et pour l'exercice en cours. 2. Créance garanties 48. La créance en remboursement de prestations d assurance versées par l Institut national d assurance maladie-invalidité bénéficie du privilège. 49. Bien que ne faisant pas partie de la rémunération, le pécule de vacances est directement payé par l'employeur aux travailleurs employés 46. En revanche, le pécule de vacances des travailleurs ouvriers n'est pas dû par l'employeur, mais est payé par une caisse spéciale alimentée par des cotisations versées à cette fin à l'onss par l'employeur. 3. Rang 44 Cass., 21 janvier 2005, avec les conclusions du Ministère public, Arr. Cass., 2005. 45 Comm. Liège, 14 septembre 1982, J.L., 1983, p. 45, obs. P.F. 46 T'KINT, Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, p. 207, n 402. 11

50. L'article 19, alinéa 1 er, 4 de la loi hypothécaire consacre des privilèges immédiatement inférieurs à celui reconnu à la créance de rémunération. SECTION 7. LE PRIVILEGE DES ORGANISMES ET ASSUREURS SOCIAUX 1. Texte 51. L'article 19, alinéa 1 er, 4 ter nonies (second) de la loi hypothécaire, confère un privilège aux cotisations dues: - à l'office national de sécurité sociale et celles dont il assure le recouvrement pendant cinq ans à compter de la date d'exigibilité des cotisations ou de la date de la notification prévue à l'article 22 de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs; - à la Caisse de secours et de prévoyance en faveur des marins et celles dont (elle) assure le recouvrement, pendant cinq ans à compter de la date d'exigibilité des cotisations; - au Fonds des maladies professionnelles; - au Fonds de sécurité d'existence; - au Fonds des accidents du travail; - au Fonds social pour les ouvriers diamantaires; - au Fonds des accidents du travail. 52. Il octroie également un privilège aux cotisations et aux majorations dues aux caisses d'assurances sociales pour travailleurs indépendants et à la Caisse nationale auxiliaire d'assurances sociales pour travailleurs indépendants, durant cinq ans à dater du jour où les montants sont exigibles. 53. Le délai de cinq ans au cours duquel le privilège peut s'exercer est suspendu par la mort du débiteur, le dessaisissement ou la saisie, même partielle, de ses biens 47. Pour éviter la péremption due à l écoulement de ce délai, l Office doit poursuivre l exécution forcée de sa créance à l encontre du débiteur. La circonstance qu avant sa faillite, la société débitrice ait été mise en liquidation n a pu constituer un obstacle à l introduction d une telle 47 Trib. Trav. Namur, 7 décembre 1992, J.L.M.B., 1993, p. 751. 12

poursuite. C est ce que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 4 janvier 2001 48 en des termes sans équivoque : «La mise en liquidation d une société commerciale n entraîne pas en soi l interdiction pour un créancier jouissant d un privilège général de recourir à une voie d exécution individuelle contre les biens du débiteur». Et la Cour suprême d en déduire qu est légalement justifiée la décision qui refuse d admettre au passif privilégié de la faillite d une société commerciale la créance de l Office national de sécurité sociale au motif qu il eût pu et dû, pendant les périodes où la société était en liquidation, recourir à des voies d exécution pour éviter la péremption de son privilège. 54. Bénéficient de même d'un privilège général, en vertu de l'article 19 alinéa 1 er, 4 quater de la loi hypothécaire, les cotisations principales, ainsi que les versements supplémentaires dus par les employeurs assujettis à la loi sur les allocations familiales, et, en vertu de l'article 19 alinéa 1 er, 4 septies, les cotisations dues au Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises. 55. Sont enfin privilégiés, selon le prescrit de l'article 19 alinéa 1 er 4 octies, les cotisations, majorations et intérêts prévus par la loi instituant une Commission Sociale Nationale pour les petites entreprises. 56. La plus grande partie des décisions rendues sur la portée du privilège bénéficiant aux diverses espèces de cotisations sociales concerne les sommes dues à l'office national de sécurité sociale. 2. Créance garantie 57. Il était de jurisprudence constante que le privilège garantit le paiement des cotisations en principal, mais non les intérêts et les majorations 49 avant l entrée en vigueur de l article 44 de la loi du 3 juillet 2005 portant diverses dispositions en matière sociale 50. 58. Cette limitation s'appliquait également aux cotisations dues par les travailleurs indépendants à la caisse d'assurances sociales à laquelle ils sont affiliés 51, avant sa suppression expresse par une loi du 25 janvier 1999. 3. Assiette 48 DAOR, 2001, p. 283, note TAS; Pas., 2001, I, 18; T.R.V.,2001, p. 169, note. 49 Cass., 7 avril 1986, Pas., 1986, I, 959; R.G.D.C., 1990, p. 325, obs. GREGOIRE; Cass., 23 février 1989, Pas., 1989, I, 646; R.W., 1989-1990, p. 83; J.L.M.B., 1989, p. 874. Liège, 21 décembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 230. 50 M.B., 19 juillet 2005. 51 Cass., 22 février 1988, Pas., 1988, I, 742, avec les conclusions de Mme LIEKENDAEL; R.N.B., 1988, p. 294; J.T., 1989, p. 201; R.W., 1988-1989, p. 193; Cass., 31 octobre 1989, Pas., 1989, I, 227; J.L.M.B., 1989, p. 718, obs. CAEYMAEX; Liège, 1 er février 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1482; Comm. Liège, 10 mai 1988, R.D.C.B., 1989, p. 980. 13

59. L'on sait que conformément à l'article 30 bis de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêtéloi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, celui qui contracte avec un entrepreneur non enregistré est solidairement responsable des dettes de celui-ci envers l'onss, à concurrence de 50% du prix total des travaux. La créance de l'onss de ce chef bénéficie du privilège général institué par l'article 19, 4 ter de la loi hypothécaire, non seulement sur les meubles de l'entrepreneur, mais également sur ceux du cocontractant de celui-ci 52. 60. Dans le cadre d un concordat judiciaire, les privilèges généraux ne sont d aucune utilité. Et pour cause, l exercice d un privilège suppose le concours et le concordat, selon notre opinion loin d être partagée par tous n en est pas un. C est pourquoi il faut approuver un jugement du tribunal de commerce de Liège du 16 avril 2002 53 qui décide qu une mesure d échelonnement de créances, visant celle de l Office national de sécurité sociale, intégré dans un plan de règlement élaboré en vue de l obtention du sursis définitif, s impose effectivement à lui comme aux autres créanciers. 61. La loi du 20 juillet 2005 portant des dispositions diverses prévoit l insertion, dans l arrêté royal n 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants 54, d un article 16 ter, rédigé comme suit : 1 er. La cession, en propriété ou en usufruit, d'un ensemble de biens, composés entre autres d'éléments qui permettent de retenir la clientèle, affectés à l'exercice d'une profession libérale, charge ou office, ou d'une exploitation industrielle, commerciale ou agricole ainsi que la constitution d'un usufruit sur les mêmes biens, n'est opposable à l'organisme percepteur des cotisations qu'à l'expiration du mois qui suit celui au cours duquel une copie authentique de l'acte translatif ou constitutif a été notifiée à l'organisme percepteur des cotisations. 2. Le cessionnaire est solidairement responsable du paiement de toute créance visée à l'article 16bis due par le cédant à l'expiration du délai visé au 1 er, à concurrence du montant déjà versé ou fourni par lui ou d'un montant correspondant à la valeur nominale des actions qui ont été attribuées en échange du transfert avant l'expiration du délai précité. 3. Les 1 er et 2 du présent article ne sont pas applicables si le cédant joint à l'acte de cession un certificat établi exclusivement à cette fin par les organismes percepteurs de cotisations dans les trente jours qui précèdent la notification de la convention. 52 Cass. 23 février 1989, J.L.M.B., p. 874. 53 J.L.M.B., 2002, p. 1373. 54 L on relèvera par ailleurs qu en ce qui concerne les cotisations de sécurité sociale des travailleurs salariés le même dispositif est mis en place par la loi du 3 juillet 2005 portant des dispositions diverses relatives à la concertation sociale et introduisant un nouvel article 41 quinquies dans la loi du 27 juin 1969 révisant l arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. Ce nouveau régime n entrera en vigueur qu à une date à déterminer par le Roi. 14

La délivrance de ce certificat est subordonnée à une demande introduite en double exemplaire par le cédant auprès de l'organisme percepteur des cotisations. Le certificat est refusé par l'organisme percepteur des cotisations si, au jour de la demande, le cédant a une dette liquide et certaine à l'égard de l'organisme ou si la demande est introduite après l'annonce de ou au cours d'un contrôle par un contrôleur social. Le certificat est soit délivré soit refusé dans un délai de 30 jours à dater de l'introduction de la demande par le cédant. 4. Ne sont pas soumises aux dispositions du présent article les cessions réalisées par un curateur, un commissaire au sursis ou dans le cadre d'une opération de fusion, de scission, d'apport d'une universalité de biens ou d'une branche d'activité réalisée conformément aux dispositions du Code des Sociétés. 5. La demande et le certificat visés au présent article sont établis conformément aux modèles arrêtés par le Ministre des Classes moyennes.» L entrée en vigueur de cette disposition a été fixée au 1 er janvier 2006. SECTION 8. LE PRIVILEGE DU FONDS D INDEMNISATION DES TRAVAILLEURS LICENCIES EN CAS DE FERMETURE D ENTREPRISES 1. Texte 62. Inséré dans l'article 19, alinéa 1 er, 3 bis de la loi hypothécaire, le privilège du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises garantit les créances du Fonds «basées sur l'article 8, alinéa 1 er de la loi du 30 juin 1967 portant extension de la mission du Fonds ( )». 63. En revanche, «les créances du Fonds ( ) basées sur l'article 8, alinéa 2 de la loi du 30 juin 1967 ( ) dans la mesure où ces créances ne peuvent plus être recouvrées par la subrogation légale, et les créances de ce même Fonds basées sur l'article 18 de la loi relative à l'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises» sont privilégiées à un rang inférieur, à savoir celui de l'article 19, alinéa 1er, 4 quinquies de la loi hypothécaire. 2. Créance garantie 63. La détermination de l'assiette de ce privilège suppose que soient comprises les conditions d'intervention du Fonds. A cette fin, deux types de dispositions légales doivent être examinées: celles qui régissent l'intervention du Fonds d'indemnisation des travailleurs 15

et celles qui lui reconnaissent une action récursoire contre l'employeur. Leur portée peut être ésumée de la manière qui suit. a. Création d un Fonds d indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d entreprises (le «Fonds») 64. Créé par l'article 9 de la loi du 28 juin 1966 relative à l'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises 55, le «Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises» a reçu pour mission initiale de payer aux travailleurs intéressés, en cas de carence de l'employeur, une indemnité de fermeture accordée, calculée et modalisée conformément aux dispositions des articles 4 à 6 de la même loi. b. Extensions de la mission du Fonds 65. La loi du 30 juin 1967 portant extension de la mission du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises 56 élargit, comme son intitulé l'indique, l'obligation d'intervention du Fonds, en le chargeant, «lorsque l'employeur ne s'acquitte pas de ses obligations pécuniaires envers ses travailleurs, de leur payer: 1 les rémunérations dues en vertu des conventions individuelles ou collectives de travail, 2 les indemnités et avantages dus en vertu de la loi ou de conventions collectives de travail» 57. 66. Les «obligations pécuniaires» de l'employeur envers ses travailleurs comportent les rémunérations et les arriérés de rémunération, y compris les avantages considérés comme formant partie intégrante de la rémunération, les pécules de vacances des travailleurs employés et les indemnités de rupture de contrat. Ces charges nouvelles imposées au Fonds d'indemnisation des travailleurs se sont simplement ajoutées, sans rien y ôter, à son obligation ancienne de verser l'indemnité de fermeture prévue par la loi organique précitée du 28 juin 1966. 67. Une deuxième loi d'extension de la mission du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises promulguée le 12 mai 1975 58 assigna au Fonds, l'obligation de payer aux travailleurs âgés, à défaut de leur employeur, les indemnités complémentaires de prépension auxquelles ils ont droit en vertu d'une convention collective de travail. 55 M.B. 2 juillet 1966. 56 M.B. 13 juillet 1967. 57 Article 2 1 de la loi du 30 juin 1967. 58 M.B. 12 juin 1975. 16

68. La loi du 12 avril 1985 chargeant le Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises du paiement d'une indemnité de transition 59 accorde aux travailleurs repris par un nouvel employeur après la faillite ou le concordat judiciaire par abandon d'actif de leur entreprise initiale, un droit à une indemnité de transition à charge du Fonds «pour la période qui prend cours à la date de l'interruption de leur activité consécutive à l'interruption totale ou partielle d'activité de l'entreprise et qui prend fin à la date de l'engagement par le nouvel employeur» 60. 69. Enfin, la loi du 26 juin 2002 relative aux fermetures d entreprises 61 régit les conséquences de la cessation définitive de l activité principale de l entreprise, lorsque le nombre de travailleurs est réduit en-desous du quart du nombre de travailleurs qui y étaient occupés en moyenne (pourvu, pour que s applique la loi, qu ils soient au moins au nombre de vingt) au cours de l année civile qui précède l année de la cessation d activités, ainsi que de la reprise de l actif d une entreprise en faillite ou faisant l objet d un concordat judiciare. La loi confie au Fonds le soin de payer une indemnité de fermeture aux travailleurs concernés, lorsque l employeur, le curateur ou le liquidateur n a pu le faire. En cas de faillite, de concordat judiciare ou de tranfert conventionnel, le Fonds a également pour mission de payer l indemnité due ne cas de licenciement collectif. c. Double limitation réglementaire de l intervention du Fonds 70. Le Roi a assigné un double plafond à l'intervention du Fonds. D'une part, aux termes de l'article 7, alinéa 1 er de l'arrêté royal du 6 juillet 1967, pris en exécution de l'article 6 de la loi du 30 juin 1967 portant extension de la mission du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises 62, la rémunération n'est prise en compte, tant pour le paiement des sommes dues pour les prestations exécutées en cours de préavis, pour les arriérés de rémunération, les indemnités de congé, pour les pécules de vacances des employés que pour les indemnités complémentaires spéciales, qu'à concurrence de 75.000 francs par mois. 71. D autre part, selon l article 7, alinéa 3 du même arrêté royal, «le montant maximum des ements ffectués par le Fonds en application de l'article 2 de la loi du 30 juin 1967 précitée, ne peut dépasser 900.000 francs par travailleur et par fermeture d'entreprises», sauf l'indemnité spéciale de prépension et sous réserve d'indexation éventuelle tous les deux ans. d. Retenues d ordres social et fiscal 59 M.B., 19 juin 1985. 60 Voir sur l'ensemble des missions du Fonds: «Het sluitingsfonds en de problematiek van het faillissement», T.P.R., 1987, pp. 217 et suivantes. 61 M.B., 9 août 2002. 62 M.B., 13 juillet 1967. 17

72. L'article 5 de la loi du 30 juin 1967 prévoit que, lorsque le Fonds assure, à défaut de l'employeur, les paiements prévus à l'article 2, c'est-à-dire, lorsque le Fonds exécute à la place de l'employeur, les obligations pécuniaires de celui-ci, il est tenu d'effectuer les retenues imposées en application des législations fiscales et relatives à la sécurité sociale, et d'en opérer le paiement aux organismes intéressés. Le Fonds s'acquitte ainsi du versement des cotisations sociales et du précompte professionnel. 73. Le Fonds assume la même obligation lorsqu'il assure le paiement de l'indemnité de transition 63. e. Recours du Fonds envers l employeur 74. L'exercice des privilèges reconnus au Fonds suppose qu'il se prévale envers l'employeur des actions récursoires que lui ouvre son intervention effective en faveur du travailleur. Sur quels fondements légaux repose ce recours? 75. L'article 18 de la loi organique du 28 juin 1966 prévoit que «l'employeur qui ferme son entreprise est tenu de rembourser au fonds le montant des indemnités que celui-ci a payées en application de l'article 9 alinéa 2 de la présente loi», sans autre précision quant à la mesure ou aux modalités de cette action récursoire. 76. L'article 8 de la loi du 30 juin 1967, quant à lui, précise que le Fonds est «subrogé» de plein droit envers l'employeur-débiteur aux droits et actions du travailleur pour le recouvrement des rémunérations, indemnités et avantages qu'il a payés (alinéa 1 er ), ainsi qu'aux droits et actions des organismes sociaux pour le recouvrement des cotisations (alinéa 2). 77. Quel est le régime juridique de ces divers recours, à l'égard de l'employeur, du Fonds d'indemnisation des travailleurs licenciés en cas de fermeture d'entreprises? Quatre hypothèses doivent être distinguées, en fonction du contenu de l'obligation du Fonds d'indemnisation des travailleurs: le Fonds intervient tantôt pour payer au travailleur une indemnité de fermeture, tantôt pour assumer les «obligations pécuniaires» de l'employeur défaillant, ou encore pour assurer le versement d'une indemnité de transition. Enfin, le Fonds effectue, lorsqu'il paie, les retenues fiscales et sociales qui s'imposent. 78. Ayant versé au travailleur, l'indemnité de fermeture qui lui est accordée par l'article 9 de la loi précitée du 28 juin 1966, le Fonds bénéficie d'un simple recours à exercer contre l'entreprise fermée, sans que l'article 18 de la loi ne prévoie expressément la subrogation du premier dans les droits du travailleur à l'égard de la seconde. 63 Article 10 de la loi du 12 avril 1985. 18

79. Ce recours simple entre-t-il dans le champ d'application des articles 1249 et suivants du Code civil, relatifs au paiement avec subrogation? Les conditions de la subrogation légale sont au nombre de trois: pour être subrogé aux droits de l'accipiens, sans devoir exiger pour cela l'accord exprès de ce dernier, mais par le seul effet automatique de la loi, il faut (1) que le solvens paie une dette; (2) qu'il paie celle-ci effectivement; (3) qu'il s'agisse (exclusivement ou partiellement) de la dette d'autrui, au règlement de laquelle le solvens est intéressé en raison de l'existence de l'une des trois situations prévues à l'article 1251 du Code civil. Dans le système ainsi établi par le Code civil, la subrogation légale apparaît comme une dérogation au principe général selon lequel l'acquisition des droits d'autrui suppose le concours des volontés de celui qui acquiert et celui qui transmet. A ce titre, la subrogation légale doit être considérée comme étant de droit strict, ne souffrant pas, en conséquence, l'extension par analogie 64. Ainsi, n'est pas légalement subrogé aux droits du créancier celui qui, n'étant tenu ni avec le débiteur, ni pour lui en vertu du contrat (et ne se trouvant pas dans l'une des trois autres situations traitées par l'article 1251 du Code civil), peut seulement être obligé de remplir les engagements du débiteur si celui-ci reste en défaut 65. Tel est précisément le cas du Fonds d'indemnisation des travailleurs qui, n'étant pas tenu, avec l'employeur ou pour l'employeur, au paiement de l'indemnité de fermeture, mais assumant simplement l'obligation légale propre d'en assurer le paiement à défaut d'exécution, ne peut bénéficier du mécanisme subrogatoire pour vanter les droits du travailleur accipiens, à l'égard de l'entreprise défaillante. 80. Certes, le Fonds dispose, comme le lui accorde l'article 18 précité, d'un recours contre l'employeur, mais cette créance n'épouse pas les caractéristiques de celle dont pouvait, avant le paiement, se prévaloir le travailleur licencié, dont le Fonds ne tient donc pas son droit au remboursement. Ce recours forme un droit autonome, distinct de celui du travailleur, qui n'apparient qu'au Fonds, et avant lui, n'appartenait à personne; ce droit au remboursement naît exclusivement de l'exécution par le Fonds de sa propre obligation légale. Du caractère restrictif de la notion de subrogation légale et de l'origine propre de la créance du Fonds envers l'employeur, découle l'inapplicabilité au Fonds des divers bénéfices subrogatoires et notamment de l'attachement à sa créance du privilège reconnu à celle du travailleur 66. 64 Cass., 30 mars 1944, Pas., 1994, I, 283. 65 Cass., 27 mai 1980, Pas., 1980, I, 144. 66 Mons, 5 mai 1992, R.G.D.C., 1993, p. 240, note GREGOIRE. 19

81. En revanche, la loi de redressement du 22 janvier 1985 reconnaît au Fonds un privilège propre, introduit à l'article 19, alinéa 1 er, 4 quinquies de la loi hypothécaire pour ses créances basées sur l'article 18 de la loi du 28 juin 1966. Actuellement, fort de ce nouveau privilège, le Fonds d'indemnisation, privé du bénéfice subrogatoire, peut toutefois espérer dans la mesure que lui confère son rang en fonction des possibilités de chaque liquidation, échapper aux réductions spoliatrices imposées aux créanciers chirographaires 67. 82. Comme on l'a exposé ci-dessus, le Fonds, chargé d'assurer l'exécution des obligations pécuniaires de l'employeur, au sens de l'article 2 de la loi du 30 juin 1967, se trouve subrogé envers l'employeur-débiteur, par l'effet de l'article 8 alinéa 1 er de la même loi, aux droits et actions du travailleur bénéficiaire de l'intervention. 83. Quel est la portée de cette subrogation? Il est constant que lorsque le Fonds verse les sommes dont le paiement est garanti par la loi au profit du travailleur, il exécute sa propre dette 68, de sorte que l'article 8 précité ne peut être compris comme une application particulière, en matière sociale, de la règle générale exprimée à l'article 1251, 3 du Code civil. L'arrêt rendu le 13 décembre 1992 par la Cour de cassation, à laquelle était soumise la question de la solution du concours entre le travailleur partiellement payé et le Fonds 69 a décidé, en ce sens que: ( ) le Fonds d'indemnisation, quoique payant en exécution d'une obligation propre qui lui est imposée par la loi, les rémunérations, indemnités et avantages dus au travailleur, bénéficie néanmoins à l'encontre de l'employeur d'une subrogation; cette subrogation, si elle a pour effet de transmettre au subrogé, à concurrence de ce qui a été payé par lui, la créance du subrogeant avec tous ses éléments et accessoires et notamment en l'espèce, avec le privilège conféré au travailleur par l'article 19, 3 bis de la loi hypothécaire, ne peut cependant nuire au créancier originaire pour la partie de sa créance qui n'a pas été payée par le Fonds d'indemnisation et réduire les droits dont il aurait disposé pour obtenir ce reliquat si le paiement partiel avait été effectué par le débiteur luimême; la solution inverse serait inconciliable avec le but poursuivi par le législateur qui, par la loi précitée du 30 juin 1967, a voulu, dans le cas de fermeture d'entreprises, accroître les garanties, de sorte que le travailleur licencié reçoive ce qui lui est dû par l'employeur; dès lors, en décidant que le 67 Voir GEINGER, COLLE et VAN BUGGENHOUT, «Het faillissement en het gerechtelijk akkoord», T.P.R., 1991, p. 574, n 228; voir également SWENNEN «Het sluitingsfonds en de problematiek van het faillissement», T.P.R., 1987, p. 218-225. 68 WANTIEZ et BEAUFILS, «La subrogation en droit social» in La subrogation, Colloque du Jeune Barreau de Mons, 1992, n 2. 69 J.T., 1983, p. 172, note REGOUT-MASSON ; CAEYMAEX, note sous Comm. Bruxelles, 7 avril 1987, J.L.M.B., 1987, p. 1386; voir également Cass., 6 décembre 1982, Pas., 1983, I, 432; J.T., 1983, p. 361; Chron. Dr. Soc. 1984, p. 14, note STORCK et WILLEMS; R.D.C.B., 1983, p. 250; obs. sous Cass., 16 octobre 1989, R.D.C.B., 1990, p. 163; R.W., 182-1983, col. 801 avec les conclusions du Procureur général LENAERTS, alors avocat général; J.T., 1983, p. 361; GEINGER, COLLE et VAN BUGGENHOUT «Het faillissement en het gerechtelijk akkoord», T.P.R., 1991, p. 576. 20