EXTREMES PLUVIOMETIQUES ET CONTRAINTES AU DEVELOPPEMENT AGRICOLE SUR LES TERRES NOIRES DU SUD- BENIN (AFRIQUE DE L OUEST) LANOKOU C. M., OGOUWALE E., YABI I. et AFOUDA F. Laboratoire Pierre Pagney Climat, Eau, Ecosystèmes et Développement (LACEEDE), BP 56, Cotonou, Bénin ; Tél : (+9) 95 558 / 96 967 ; Email : pachamath@yahoo.fr Résumé : Cette recherche étudie les contraintes induites par les extrêmes pluviométriques sur la mise en valeur agricole des vertisols du Sud-Bénin via l analyse de données de stations pluviomètres répartis sur le Sud Bénin (Pobè, Bohicon, Niaouli et Aplahoué)disponibles sur la période 959 et de données socio-anthropologiques (obtenues par enquêtes en milieu réel) du modèle RCSR (Risque, Contraintes, Stratégies, Résultats). Les localités des terres noires du Sud-Bénin ont enregistré en commun plus de 7 % d années extrêmement pluvieuses sur la période 95979 et environ 8 % sur la période 989. Chaque localité (dépression d Issaba, des Ko et des Tchis) est également marquée par des années pluviométriques extrêmes particulières à elle. Ces situations pluviométriques intenses ont favorisé la prolifération d adventices, nui à l'entretien des champs, limité les emblavures de la culture du Vigna unguiculata et pénalisé le démarrage de semis. Faces à ces contraintes climatiques, les stratégies développées par les paysans (57 % la mise en valeur des parties élevées des champs, 8 % le semis précoce et tardif, 98 % le pré-semis, 9 % la culture de contre saison et la riziculture irriguée) s'avèrent souvent peu efficaces. Face aux limites de ces stratégies, des systèmes de maîtrise de l eau, l amélioration du calendrier agricole, le renforcement des activités collectives ont été proposés comme mesures de mitigation. Mots clés : Terres noires du Sud-Bénin, instabilité pluviométrique, modèle RCSR, contraintes pédo-pluviométriques Abstract : This research examines the stresses induced by the extreme rainfall on agricultural development Vertisols of southern Benin by analyzing data from stations gauges spread over the South Benin (Pobè, Bohicon, Melaleuca and Aplahoué) available for the period 959 and socio-anthropological data (obtained by investigations in a real environment) model CRMN (Risk, Constraints, Strategies, Results). The black soil areas of southern Benin recorded together more than 7% of extremely wet years over the period 95 to 979 and about 8% over the period 989. Each locality (Issaba depression, of Ko and Tchis) is also marked by special to her extreme rainfall years. These intense rainfall conditions have favored the growth of weeds affected the maintenance of fields, limited plantings growing Vigna unguiculata and penalized starting seedlings. Faces to climatic constraints, strategies developed by farmers (57% enhancement of the higher parts of the field, 8% early and late sowing, 98% pre-sowing, 9% growing season against Rice irrigated) often prove ineffective. Given the limitations of these strategies, systems of water management, improving the agricultural calendar, strengthening collective activities have been proposed as mitigation measures. Keywords: black soil of southern Benin, rainfall instability, CRMN model constraints Soil rainfall Introduction Le climat est une composante essentielle de la vie économique et sociale pour toutes les communautés, notamment celles dont les activités sont encore fortement dépendantes des paramètres climatiques. De ces paramètres, les précipitations sont un élément déterminant sous les tropiques (Yabi et Afouda, ) puisqu'elles déterminent en grande partie la saison agricole. De faibles cumuls pluviométriques vont par exemple induire une faible humidité du sol, limitant la transpiration d une culture et donc sa productivité. A l inverse, un sol gorgé d eau limite l activité biologique dans le sol et la disponibilité en éléments nutritifs (Houndénou et al., 6). Ainsi, l excès et le déficit de précipitations compliquent la mise en valeur agricole des terres (Ogouwalé et al., ; Lanokou et al., ). Or, le Bénin méridional est marqué ces dernières années par une alternance d années pluviométriques excédentaires et déficitaires (Ogouwalé, 6). Cette variabilité pluviométrique contraint le développement de la production agricole (Boko, 988 ; Afouda, 99 ; Yabi, ; Houndénou et al., 6). A cela viennent s ajouter les conditions pédologiques du Sud-Bénin (figure ), caractérisé par des terres noires verisols rapidement inondées en saison pluvieuse et difficiles à humidifier en saison sèche en raison de la cohésion des agrégats (Allagbé, 995 ; Lanokou, ).
Figure. Situation géographique et découpage administratif du secteur d étude. Source : Fond topographique IGN, 99 et enquêtes de terrain, juillet. Cette recherche étudie les contraintes induites par l instabilité pluviométrique à la mise en valeur agricole des vertisols du Sud-Bénin et les stratégies d adaptation ation qui sont conséquemment développées par les populations paysannes. Cette étude a été conduite dans les localités des terres noires du Sud-Bénin situées entre 6 et 7 de latitude nord et 8 et de longitude est.. Données et méthodes Les statistiques des hauteurs de pluies annuelles de la période 95 à 9 consignées dans le compendium des données de l ASECNA (stations de Pobè, Bohicon, Niaouli et Aplahoué) ont permis d étudier la survenance des extrêmes pluviométriques. En outre, les perceptions paysannes sur les manifestations des extrêmes pluviométriques et les risques agricoles qui y sont liés ont été collectées auprès des populations. Les méthodes de traitement des données et d analyse des résultats ont été basées sur les statistiques descriptive (moyenne, écart type, etc.) et inductive. Les tendances pluviométriques interannuelles ont été déterminées en utilisant la formule : avec : x = est la valeur annuelle des précipitations ; x = est la moyenne des périodes pluviométriques (95979 979 et 989) ; σ = est l écart type de chaque période ; λ = valeur centrée réduite. Ces années ont été identifiées en considérant qu il y a déficit extrême lorsque la
valeur de l écart centré réduit est inférieure à -,5 et qu il y a excédent extrême lorsqu elle est supérieure à +,5. Les informations qualitatives et quantitatives relatives aux perceptions paysannes sur les manifestations des extrêmes pluviométriques et les risques agricoles qui y sont liés ont été collectées à partir des questionnaires adressés aux paysans et autres acteurs intervenant dans le domaine agricole dans les localités des terres noires du Sud-Bénin. Au total, deux cent un () ménages ont été interrogés dans arrondissements parcourus dans le secteur d étude. Le modèle RCSR (Risque, Contraintes, Stratégies, Résultats) appliqué à l analyse des contraintes pédopluviométriques induites par les extrêmes pluviométriques à la mise en valeur agricole des terres noires du Sud-Bénin (Lanokou, ) a essentiellement quatre composantes : - la première composante est le Risque qui comporte l aléa (hauteurs de pluies), l enjeu (mise en valeur agricole des terres noires) et l éventuelle survenance d une catastrophe (inondations et/ou sécheresses) ; - la deuxième composante est l ensemble des Contraintes qui surviennent du fait de la catastrophe qui peut être des inondations ou/et sécheresses ; - la troisième composante est l ensemble des Stratégies développées comme réponses aux contraintes induites par la manifestation de la catastrophe. Ces stratégies sont de deux ordres : celles d adaptation et celles de mitigation ; - la quatrième composante est l ensemble des Résultats obtenus du développement des stratégies : résultats obtenus des stratégies d adaptation et résultats induits de l amélioration ou de la modification de ces stratégies d adaptation.. Résultats et discussions.. extrêmement pluvieuses dans les secteurs des terres noires du Sud-Bénin Les extrêmes pluviométriques enregistrés dans les localités des terres noires du Sud-Bénin sont inégalement répartis entre les deux périodes 95979 et 989 (figure ). 6 5-5 -6 Aplahoué 95 95 95 956 958 96 96 96 966 968 97 97 97 976 978 Niaouli 95 95 95 Bohicon 95 95 95 956 956 958 958 96 96 96 96 96 966 96 966 968 968 95979 95979 97 97 97 976 978 Ecart centré réduits Aplahoué 98 98 Niaouli 98 98 98 98 986 986 988 988 99 99 99 99 99 996 99 996 Bohicon 95979 989 97 97 97 976 978 98 98 98 986 988 99 99 99 996 989 998 998 998 6 989 6 6 8 8 8
Pobè 95 95 95 956 958 96 96 96 Figure. Indices pluviométriques de 95 à 979 et de 98 à 9 extrêmement excédentaires années moyennes années déficitaires tendance Exceptée la station de Bohicon, l observation de la figure montre de façon globale que les années extrêmement pluvieuses sont moins prononcées au cours de la deuxième période (98-9) que la première (95979) dans la Dépression Médiane (localités des terres noires du Sud- Bénin). Ces stations (Aplahoué, Niaouli et Pobè) ont été marquées par une irrégularité de la survenance des années extrêmement pluvieuses. Cette irrégularité a caractérisé toute la Dépression au cours de la première période (95979). Le Tableau recense les années extrêmement excédentaires, normales et extrêmement déficitaires communes aux pluviomètres analysés. Tableau. pluviométriques extrêmes communes à toutes les stations 966 95979 989 968 97 97 97 976 978 98 98 98 986 988 99 99 99 996 998 6 8 Période extrêmement excédentaires normales extrêmement déficitaires 95979 955 ; 957 ; 96 ; 96 ; 968 95 ; 975 958 ; 969 ; 97 ; 97 ; 976 ; 977 989 988 99 98 ; 99 L examen du tableau montre que les localités des terres noires du Sud-Bénin ont enregistré en commun cinq années extrêmement excédentaires et six années extrêmement déficitaires sur la période 95979. Au contraire, la période 989 ne comprend qu une unique année extrêmement excédentaire et seulement deux années extrêmement déficitaires (98 et 99) communes à toutes les stations. Particulièrement, chaque station a connu des années d extrêmes pluviométriques. Il s agit, entre autres, des années extrêmement excédentaires de 95 ; 97 ; 97 ; 978 ; 985 et pour la station d Aplahoué, de 966, 98 et 8 pour la station de Pobè. Au titre des années extrêmement déficitaires propres à chaque station, il faut retenir, par exemple, 96 et 7 pour la station de Niaouli et 965, 966 et 98 pour la station de Bohicon. Ces extrêmes pluviométriques contraignent la production vivrière dans les localités des terres noires du Sud-Bénin... Incidences des extrêmes pluviométriques sur le développement agricole dans les terres noires du Sud-Bénin Les extrêmes pluviométriques créent des inondations qui apportent des sédiments qui enrichissent les terres. Ils favorisent néanmoins la prolifération des adventices (mauvaises herbes). La situation est aggravée par l engorgement partiel d eau qui rend la terre molle créant ainsi d énormes difficultés pour l entretien des champs. Ceci provoque des cas du non entretien des champs (planche ). Pobè
a b c Planche. Incidences des extrêmes pluviométriques sur le développement agricole dans les terres noires du Sud-Bénin Prise de vue : Lanokou, septembre ; juin et juillet L abondance de l eau de façon permanente bouche les pores par lesquels l air peut pénétrer le sol pour l aérer. Le sol s échauffe rapidement et les plantes jaunissent pour enfin mourir. Parfois, lorsque la plante atteint la maturation avant l arrivée de ce phénomène, les racines pourrissent et les tiges qui n ayant plus de quoi se fixer au sol, tombent dans l eau suite à un coup léger du vent et la production pourrit (photo c). La tendance à la hausse des hauteurs de pluies au cours du mois de récolte (août) occasionne une perte de récolte pour la culture du maïs. Ces fortes pluies qui engendrent les inondations des terres cultivables, limitent l emblavure au profit de la culture du Vigna unguiculata. Sur les terres noires apparaissent en période sèche des fentes de dessiccation qui rendent la réalisation de trous à semis en début de la grande saison culturale. En outre, ces risques biophysiques dus aux extrêmes pluviométriques sont aussi liés au déficit d eau en début de grandes saisons culturales avec pour conséquence le démarrage de semis incertain. Les pluies extrêmes induisent des difficultés pour le déplacement des biens et personnes dans les localités des terres noires du Sud-Bénin (photo d). Face à de telles situations, les populations paysannes développent des stratégies d adaptation... Stratégies d adaptation et de mitigation aux difficultés liées aux contraintes pédopluviométriques dans les terres noires du Sud-Bénin d Certaines stratégies d adaptation développées par les paysans sont présentées sur la planche. a b c Planche. Stratégies d adaptation paysannes aux contraintes induites par les extrêmes pluviométriques. Prise de vue : Lanokou, juin ; août et novembre
Les enquêtes de terrain ont révélé que 57 % des paysans ont procédé à la mise en valeur des parties exondées des champs (photo a), 8 % le semis précoce et tardif, 98 % le pré-semis, 9 % la culture de contre saison et la riziculture irriguée, 98 % ont déclaré utiliser le bâton pour faciliter le déplacement dans les boues (photo b), etc. Aussi, les paysans ont réalisé des ponts à l aide des matériaux locaux sur les pistes (photo c). Mais, toutes ces stratégies ne sont pas souvent efficaces. Le développement des systèmes de maîtrise de l eau, l amélioration du calendrier agricole, le renforcement des activités collectives, pourront être pratiquées comme mesures de mitigation. Conclusion Les localités des terres noires du Sud-Bénin ont enregistré en commun sur la période 95979 plus de 7 % d années extrêmement pluvieuses et sur la période 989 environ 8 %. Un tel contexte pluviométrique a favorisé la prolifération des adventices, créé des cas du non entretien des champs, limité les emblavures de la culture du Vigna unguiculata, rendu le démarrage de semis incertain et pénible le semis. Les stratégies développées par les paysans (e.g., 57 % la mise en valeur des parties élevées des champs, 8 % le semis précoce et tardif, 98 % le pré-semis, 9 % la culture de contre saison et la riziculture irriguée) s avèrent peu efficaces. Bibliographie Afouda F., 99 : L eau et les cultures dans Bénin central et septentrional : Etude de la variabilité des bilans de l eau dans leurs relations avec le milieu rural de la savane africaine. Thèse de doctorat nouveau régime. Paris IV-Sorbonne, 8 p. Allagbé, 995 : Impact de la colonisation Holli sur la production agricole dans la Lama. Mémoire de maîtrise de géographie, UAC, FLASH, DGAT, p. Boko M., 988 : Climats et communautés rurales du Bénin : Rythmes climatiques et rythmes de développement. Thèse de Doctorat d Etat ès Lettres et Sciences Humaines. CRC, URA 99 du CNRS, Univ. de Bourgogne, Dijon, volumes, 6 p. Houndénou C., Boko M. et Agbossou E., 6 : Péjoration climatique en milieux maïsicoles au sud du Bénin en Afrique de l Ouest. In Publication LECREDE, Vol, numéro, 65. Lanokou C.M., : Extrêmes pluviométriques et mise en valeur agricole des terres noires du Sud-Bénin. Mémoire de DEA, EDP/FLASH, UAC, p. Lanokou C. M., Ogouwalé E. et Afouda F., : Contraintes pédo-climatiques et stratégies d adaptation paysannes dans la Dépression Médiane d Issaba au Bénin (Afrique de l Ouest.). Actes du XXV ème Colloque de l'association International de la Climatologie, 95. Ogouwalé E., Afouda F. et Lanokou C. M., : Fondements climatiques des productions vivrières dans la dépression d Issaba dans le département du Plateau (Bénin, Afrique de l Ouest). In Publication Annales FLASH, Vol, numéro, pp 68. Ogouwalé E., 6 : Changements climatiques dans le Bénin méridional et central : Indicateur, scénario et prospectives de la sécurité alimentaire. Thèse de doctorat unique, EDP/FLASH, UAC, p. Yabi I. et Afouda F., : Extreme rainfall years in Benin (West Africa). Quaternary International (), doi :.6/j. quaint..., 5 p. Yabi I., : Particularités de la variabilité pluviométrique entre 7 et 8 de la latitude Nord au Bénin. Mémoire de maîtrise de Géographie. UAC/ FLASH/ DGAT. 95 p. 5