LES VOLONTAIRES ONT ENFIN UN «STATUT»! Le volontariat est une activité fortement présente en Belgique. Selon l'association pour le volontariat 1, 17 % de la population belge effectue régulièrement une activité volontaire soit 1.500.000 de personnes engagées pour une moyenne de 7 heures par semaine. Le volontariat se répartit entre le sport (17,2%), l'action sociale (17,1 %), les associations professionnelles (10,7 %), l'éducation et l'enseignement (10 %), les arts et les lettres (9,1 %,), l'agrément (8,2 %) et quelques autres secteurs tels que le tourisme, la défense du patrimoine, la politique, la religion, les sciences... Toujours selon l Association pour le volontariat, l Europe compterait 50 millions de bénévoles! C'est dire si le volontariat est une composante majeure de la vie sociale. Dans une société à dominante matérialiste et individualiste, le volontariat permet de briser le cercle vicieux du repli sur soi. Il remplit manifestement, encore aujourd hui, un rôle de premier plan en terme de participation à la vie collective. Le 19 mai 2005, après quatre ans de travaux, la Chambre des Représentants a voté à l unanimité la loi relative aux droits des volontaires. Tous les partis démocratiques étaient cosignataires de la proposition, sauf le CD&V. Celui-ci avait déposé sa propre proposition de loi, mais s est ensuite rallié à la proposition majoritaire. A. Parcours parlementaire 2001. L année est déclarée «Année internationale des volontaires» par l ONU. Ce contexte suscite un regain d'intérêt pour le volontariat ainsi que la volonté partagée par l'ensemble des partis d'aboutir à un texte permettant d'établir de manière claire les droits des volontaires. Une première proposition de loi est déposée, le 28 novembre 2001. Le texte initial utilisait le mot «bénévole». C est finalement le terme de «volontaire» qui a été adopté. Y a-t-il une différence? Les deux expressions se traduisent en flamand par «vrijwilliger». Une nuance toutefois : la caractéristique du bénévolat est la gratuité. Or, la loi autorise la perception d une indemnité (ou remboursement forfaitaire de frais) qui ne doit être justifiée qu au-delà d un certain montant. La volonté est également d harmoniser les termes juridiques, notamment avec le Conseil supérieur des volontaires. Le Conseil supérieur des volontaires est un conseil consultatif créé auprès du SPF Sécurité sociale, par arrêté royal du 2 octobre 2002. Il a pour objectif d être un organe de concertation et de consultation permanent où les volontaires et les autorités entrent en contact afin de garantir une attention permanente aux problèmes spécifiques des volontaires, et ce dans de nombreux domaines : le droit de la responsabilité, la sécurité sociale, la fiscalité, le droit du travail En octobre 2003, Le Conseil supérieur des volontaires rédige un avant-projet de texte qui a apporté sa contribution à la seconde proposition de loi, déposée sous cette législature le 19 novembre 2003. Le Conseil a ensuite rendu un avis au Ministre des Affaires sociales le 3 mars 2004 sur le texte parlementaire. Le débat parlementaire qui s est ensuite tenu n a par ailleurs pas non plus négligé les avis rendus d une part par le Conseil d Etat le 2 mai 2002 sur la première proposition de loi et d autre part 1 Association pour le Volontariat ASBL, Rue Royale, 11, 1000 Bruxelles, 02/219.53.70, volontariat@skynet.be, www.volontariat.be 1
par le Conseil national du travail (CNT) le 9 février 2005 sur la deuxième version. Ces deux avis se sont avérés fort utiles lors du débat parlementaire, finalement riche de multiples consultations. Le Sénat n a quant à lui pas utilisé son droit d évocation et n a donc pas examiné le texte voté à la Chambre le 19 mai dernier. La loi est actuellement en cours de publication au Moniteur belge. Elle entrera en vigueur six mois après sa publication, soit vraisemblablement le 1 er janvier 2006. B. CONTENU DE LA LOI Pour une part, la loi coordonne des dispositions existantes et dispersées. Mais la loi introduit aussi un certain nombre de nouveautés. Je vous propos de parcourir les principaux éléments. 1. Définition du volontaire Selon l article 3 de la loi, le volontaire est une personne physique qui exerce une activité : - sans rétribution ni obligation ; - au profit d autrui (de tiers, d un groupe, d une organisation ou de la collectivité) ; - en dehors du cadre familial ou privé ; - qui se distingue des activités professionnelles ; - organisée par une association de fait ou une personne morale de droit public ou privé, sans but lucratif. La loi n exclut pas qu une personne salariée par une organisation y soit aussi volontaire, mais alors pas pour la même activité que l activité professionnelle. Cette possibilité n est pas prévue explicitement mais peut se déduire du commentaire des articles de la proposition de loi. 2 Par ailleurs, les mandataires et administrateurs qui exercent leur mandat à titre gratuit dans une ASBL sont considérés comme des volontaires et sont donc visés par la nouvelle loi. Par exemple, l obligation d assurance les concerne aussi ; il en est de même pour la faculté d octroi d une indemnité (remboursement forfaitaire de frais). 2. Note d organisation Les dispositions contenues dans la proposition de loi ne visent pas à octroyer un statut, mais plutôt à préciser les droits des volontaires. Octroyer un statut reviendrait à considérer que l'activité volontaire s'inscrit dans une relation contractuelle entre un bénévole et l'organisation qui fait appel à ses services. Or parler de relation contractuelle serait antinomique avec l'idée même de travail volontaire ; il ne s'agit pas ici de prévoir un cadre contraignant pour l'activité volontaire mais bien de permettre son développement serein. C'est la raison pour laquelle le texte ne parle pas de "contrat de volontaire" mais bien de "note d'organisation", visant à informer le volontaire du cadre de ses activités. Il faut se garder, dans cette matière, d'établir des similitudes entre l'activité volontaire et le travail rémunéré. Le volontariat n est pas un "emploi gratuit" en marge du droit du travail mais un "don de temps". Ce don n'a rien à voir avec les relations du monde du travail, mais s'inspire plutôt d'une volonté de s'engager dans une activité spécifique, à l'intersection de la créativité sociale, du don, du mouvement social, de la liberté et de l'entraide. 2 Proposition de loi relative aux droits des bénévoles, Doc. 51 0455/001, p. 13. 2
L article 4 de la loi prévoit que l organisation transmet au volontaire, avant le début des activités, une note d organisation qui précise au moins : - la finalité sociale et le statut juridique de l organisation (s il s agit d une association de fait, l identité des responsables) ; - que l organisation a contracté une assurance en responsabilité civile ; - si d autres risques liés au volontariat sont couverts et, dans l affirmative, lesquels ; - si l organisation verse des indemnités aux volontaires et, dans l affirmative, lesquelles et dans quels cas ; - que l activité exercée par le volontaire implique, le cas échéant, le respect du secret professionnel (auquel cas le texte de l article 458 du Code pénal doit être reproduit dans la note d organisation). Cette obligation d'information est positive car elle conforte le volontaire dans son engagement en pleine connaissance du cadre dans lequel s'exerce son activité. Il vaut toujours mieux prendre le temps de préciser au départ les modalités du volontariat que de devoir clarifier, en cours de route et parfois difficilement, des malentendus survenus entre l organisation et ses volontaires. Notons, enfin, que la signature de la note d organisation n'a pas été rendue obligatoire. Cela permet à certaines organisations de respecter le prescrit légal en communiquant les infos par divers canaux tels que la revue de l'association, le site web... 3. Responsabilités L article 5 clarifie les responsabilités de chacun. L organisation est tenue des dommages causés par le volontaire à des tiers dans l exercice de son activité bénévole. De son côté, lorsque le volontaire cause un dommage à l organisation ou à des tiers, il ne répond que de sa faute grave ou de son dol (manœuvre malhonnête visant à tromper une personne pour lui faire prendre un engagement qu autrement elle n aurait pas pris). Le volontaire ne répond de sa faute légère que si celle-ci présente un caractère habituel. Sa responsabilité est ainsi définie de la même manière que pour les travailleurs salariés. 4. Assurances L article 6 introduit l obligation pour une organisation de contracter une assurance en responsabilité civile. Le caractère obligatoire n a été introduit qu à la fin des débats parlementaires. Après de longs débats, les députés ont en effet estimé que le coût imposé ainsi aux associations est raisonnable et justifié face au souci de permettre à chaque volontaire d être couvert par une assurance. Dans certaines communes, provinces ou réseaux, une assurance globale est contractée pour l ensemble des associations concernées. C est pourquoi il a été décidé en Commission Affaires sociales de la Chambre que le Ministre fédéral des Affaires sociales allait écrire à ses collègues des Communautés et Régions pour attirer leur attention sur le rôle facilitateur qu elles pourraient jouer en matière d assurance collective. L article 6 de la loi prévoit aussi la possibilité, par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres, d étendre pour certaines catégories de volontaires la couverture du contrat d assurance aux dommages corporels subis lors d accidents survenus pendant l exercice du volontariat ou au cours de déplacements. 3
Les articles 7 et 8 ont pour objet de préciser que les contrats d'assurance familiale ne peuvent exclure le volontariat. En conclusion, les parlementaires ont effectué un compromis entre l'obligation de contracter une assurance et l'étendue de la couverture de celle-ci. 5. Droit du travail Même si le volontariat n est pas un emploi, il peut être dans l intérêt du bénévole d appliquer certaines dispositions du droit du travail. L article 9 de la loi prévoit une habilitation royale pour préciser cela, le cas échéant en fonction du type de volontariat. Il faut noter que, contrairement aux autres, cet article entre en vigueur le 1 er juillet 2006. 6. Indemnités L article 10 reprend notamment les dispositions établies par la circulaire du 5 mars 1999 du Ministre des Finances, Jean-Jacques Viseur. Le but est de permettre aux volontaires de bénéficier d'indemnités correspondant au remboursement de frais encourus pour l'exercice de leur activité de volontaire, sans que ces indemnités fassent l'objet de tracasseries de la part du fisc ou de l'onss. Deux possibilités sont prévues. Soit le volontaire fournit à l association les preuves des frais qu il a exposés dans le cadre de l activité volontaire et l association lui rembourse ces frais intégralement, sans qu une limite soit fixée à ce remboursement. Soit l association rembourse les frais exposés sur une base forfaitaire, sans justification. Dans ce cas, la loi prévoit trois plafonds : 24,79 euros par jour, 600 euros par trimestre et 991,57 euros par an. Attention, la loi reprend les montants fixés en 1999 (indice pivot 103,14 base 1996 = 100) et les lie à l indice santé. Les montants actuels sont donc : 27,37 euros par jour, 662,46 euros par trimestre et 1.094,79 euros par an. Ces limites permettent qu'une distinction claire soit maintenue entre le travail salarié et l'activité volontaire. Le député MR Alain Courtois souhaitait doubler ces plafonds pour régulariser, via le volontariat, une série d indemnités versées «au gris» dans le milieu du sport amateur (entraîneurs, arbitres ). Le Ministre des Finances, Didier Reynders, avait pourtant donné son point de vue le 2 mars 2005 à l occasion d une proposition de loi similaire : «Je considère qu au stade actuel la circulaire est déjà suffisamment généreuse pour rester dans le cadre de la législation existante. A défaut, on bascule dans un autre domaine qui consisterait à exonérer ce qui devient de la véritable rémunération. Ceci poserait problème à l égard d autres catégories de personnes rémunérées». C est également le point de vue des partenaires sociaux dans l avis rendu par le CNT le 9 février 2005. Dans le cadre du volontariat, la notion de gratuité doit être préservée. Reconnaissons cependant que, faute de mieux, une série d activités sont organisées moyennant le versement d indemnités «grises», dans le sport, mais aussi en dehors du sport (ex. : fanfares, gardes d enfant, personnes de compagnie, petits travaux de réparations et de jardinage, etc.). Mon souhait est de sortir de ces situations par le haut, via une extension du champ d application du système des titres-services. Le but est de rencontrer diverses situations où des indemnités non déclarées sont devenues la règle, en donnant au prestataire un véritable statut. Ces prestations permettraient soit de donner de l emploi à des chômeurs, soit de compléter légalement - et de 4
manière accessoire - l occupation d une personne déjà salariée par ailleurs. J ai déposé une proposition de loi en ce sens le 25 mai 2005. 7. Volontaires bénéficiant d allocations Actuellement, un chômeur (ou un prépensionné) voulant exercer une activité bénévole doit, au préalable, en demander et obtenir l autorisation auprès de l Onem. Avec la nouvelle loi (articles 13 et 14), le chômeur (ou le prépensionné) pourra commencer immédiatement ses activités volontaires dès qu il aura notifié ses intentions à l Onem. Le directeur du bureau régional de l Onem pourra faire savoir par écrit et de façon motivée au chômeur qu il a des objections à l encontre des activités présentées, en particulier s il estime que la disponibilité du demandeur d emploi pour le marché du travail s en trouvait réduite. A défaut de décision dans un délai de deux semaines à compter de la réception d une déclaration complète, l exercice de l activité bénévole avec maintien des allocations est réputé accepté. En cas de refus, le chômeur peut introduire un recours auprès de l Onem. Pendant la procédure de recours, le chômeur ne perd ni le droit aux allocations, ni le droit d exercer l activité bénévole faisant l objet du recours. En cas de contestation opposant le chômeur et l Onem, le tribunal du travail peut être saisi. En ce qui concerne les bénéficiaires d une indemnité d invalidité, l article 15 lève tout doute en précisant explicitement que les personnes en incapacité de travail peuvent exercer une activité bénévole. Aujourd hui, en effet, la jurisprudence interprète l article 100 de la loi AMI de manière trop restrictive lorsqu elle soutient que les personnes en état d incapacité de travail ne peuvent pas être actives. Par ailleurs, les bénéficiaires d une indemnité d invalidité devront encore demander l autorisation préalable au médecin-conseil. L article 16, quant à lui, stipule que l exercice d un volontariat et la perception des indemnités visées à l article 10 sont compatibles avec le droit au revenu d intégration. L article 17 fait de même en ce qui concerne le droit à l aide aux personnes âgées et l article 18 en ce qui concerne le revenu garanti aux personnes âgées. Aux articles 19 à 21, la loi prévoit qu une indemnité de volontariat n est pas considérée comme un revenu pour l application de la législation en matière d allocations familiales et que l octroi d une telle indemnité ne peut faire obstacle au paiement des allocations familiales. Enfin, l'article 22 prévoit la possibilité d'imposer des conditions supplémentaires aux organisations qui "occupent" à la fois des travailleurs salariés et des bénévoles (ex. Dimona ad hoc). Ceci en vue d empêcher le recours abusif au statut des volontaires. Signalons, pour terminer, que le travail réglementaire ne s arrête pas avec l adoption de cette loi. Différents arrêtés d exécution devront être pris et sont indispensables à l édifice. Et surtout, les différentes dispositions prises doivent être comprises et appliquées sur le terrain. Nous avons devant nous un grand chantier en matière d information et de conseil aux associations et aux volontaires. J espère que cette fiche technique pourra y contribuer. Benoît DREZE, Député fédéral cdh 5