Risque d insécurité alimentaire sur les marchés de mil au Niger Résumé Mots clés : Abstract Keywords:



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Risque d insécurité alimentaire sur les marchés de mil au Niger Guillaume Kouablan ADINGRA (ENSEA-Abidjan, Côte d Ivoire) Antoine Finagnon DEDEWANOU (ENSEA-Abidjan, Côte d Ivoire) Résumé Cet article examine la transmission des prix entre deux marchés de consommation (Niamey et Agadès) et quatre marchés de regroupement (Maradi, Zinder, Tillabéry, Dosso) du mil au Niger. Le modèle de cointégration à seuil de type M-TAR d Enders et Siklos (2001) et des tests de causalité de Granger(1987) ont été utilisés sur des séries mensuelles de prix entre janvier 2005 et décembre 2013. Les résultats mettent en évidence le rôle directeur joué par les marchés de regroupement dans le contrôle des prix. De plus, les tests montrent que la transmission des prix sur certaines paires de marchés est asymétrique. Les prix sur les marchés de Maradi, Niamey, Zinder tendent à s adapter plus rapidement à l augmentation plutôt qu à la diminution des prix du mil ; ce qui entraîne une perte de bien-être du consommateur. Les réponses asymétriques sur les marchés du mil au Niger nous amène à conclure que les commerçants exercent un pouvoir de marché, et que le mauvais état des routes augmentent les coûts de transport. Afin de réduire les risques d insécurité alimentaire sur ces marchés (Maradi, Niamey, Zinder), les routes doivent être aménagées, et le pouvoir des marchés exercés par les commerçants doit être contrôlé. Mots clés : Transmission asymétrique des prix, marchés du mil, association de commerçants, Niger Abstract In this paper, we investigate the price transmission between two consumer markets (Niamey and Agadez) and four production markets of millet (Maradi, Zinder, Tillabery, Dosso) in Niger. For that purpose, the methodological framework is that of the threshold cointegration M-TAR model of Enders and Siklos (2001) and the causality tests of Granger. We use monthly time series of prices over the period January 2005-December 2013. Our findings highlight the leading role played by production markets in the price control. In addition, tests show that price transmission on some market pairs is asymmetric. The market prices of Maradi, Niamey, Zinder tend to adapt more quickly to the increase rather than decrease in millet prices, which leads to a loss of well-being of the consumer. Asymmetric responses markets millet in Niger leads us to conclude that traders exercise market power, and the poor roads increase the cost of transport. To reduce food safety risks in these markets (Maradi, Niamey, Zinder), roads should be appointed, and the power of markets held by traders to be controlled. Keywords: Asymmetric price transmission, millet markets, traders associations, Niger 1

INTRODUCTION Le Niger est un pays sahélien totalement enclavé avec une superficie de 1267000 km2 pour une population d environ 17,83 millions d habitants en 2013 (Banque Mondiale, 2013). Avec un produit intérieur brut de 412,52 USD par habitant (Banque Mondiale, 2013), le pays est classé parmi les plus pauvres au monde selon l indice de développement du PNUD en 2013 (Rapport PNUD, 2014). Environ 76% de la population vit avec moins de deux dollars par jour (Rural Poverty Portal, 2013). Le secteur primaire représente le principal pôle économique du pays et sa contribution au PIB est d environ 42,4% en 2011 (Banque Africaine de Développement, 2011) bien que seuls 12% du territoire national peut être cultivé du fait de la faiblesse et de la pauvreté des sols. La superficie totale cultivable du Niger est estimée à 15 millions d hectares. Concernant le régime alimentaire, en ville comme en campagne, au niveau des pauvres comme des riches, les Nigériens sont de grands consommateurs de céréales dont les deux principales produites dans le pays sont le mil et le sorgho. Les productions du mil et du sorgho, respectivement de 1 354 927 tonnes et 3 702 370 tonnes l an restent encore en dessous des besoins de la population qui sont estimés à 4 034 854 tonnes pour le mil et autant pour le sorgho (Programme de Renforcement et de Recherche sur la Sécurité Alimentaire en Afrique de l Ouest, 2012). Le Niger doit donc combler son déficit à l aide des importations de mil venues des autres pays voisins, en particulier le Nigéria. Par ailleurs, le Niger comme la plupart des pays Africains accorde une place importante aux marchés dans la satisfaction des besoins alimentaires de sa population. Cette stratégie fondée sur les avantages comparatifs suppose que les individus expriment leurs besoins alimentaires et que les marchés soient efficaces pour répondre à cette demande. Or, l hypothèse selon laquelle les marchés sont toujours efficaces pour satisfaire les besoins alimentaires relève de «l utopie». En effet, il existe de nombreuses sources de défaillance des marchés susceptibles d expliquer les hausses persistantes de prix et l existence de poche de malnutrition dans les pays en voie de développement. Ces situations d échec sont d abord liées à l importance des coûts de commercialisation et de transaction dans ces pays. Ces coûts résultent des difficultés d accès au crédit et à l assurance, du mauvais état des voies de communication, des asymétries informationnelles, des taxes formelles et informelles, etc. Les situations d échec des marchés peuvent être aussi dues à des situations non concurrentielles dans le secteur de la commercialisation des produits agricoles. Dans le cas extrême, lorsque le coût d accès au marché que représente l ensemble de ces facteurs devient prohibitif, les ménages sont conduits à des stratégies d autosuffisance et des régions entières peuvent être isolées (Araujo et al. (2010)). De plus, le Niger est constamment confronté à des crises alimentaires qui constituent une menace pour sa population et accentuent les risques liés à l accès à l alimentation. En effet, durant la première moitié de l'année 2012, le Niger a connu une grave crise alimentaire et nutritionnelle (Rapport sur le développement humain, 2014). Celle-ci a été déclenchée par une sécheresse sévissant de la fin de l'année 2011 au début de l'année 2012. Le pays a connu une crise alimentaire similaire entre février et août 2010, également déclenchée par la sécheresse. Et elle a été précédée par une crise alimentaire encore plus sévère en 2005, suite à une sécheresse survenue en 2004. Ces situations ont engendré une hausse persistante des prix dans la plupart des régions du pays, causant de nombreuses difficultés aux populations les plus vulnérables à accéder à l alimentation. Ainsi, il est donc important à ce stade de réflexion d analyser à la fois, l approvisionnement des marchés en mil à travers la mesure de l intégration des marchés mais aussi, le mécanisme de transmission des chocs des prix entres marchés domestiques au Niger. Car, même si les marchés sont intégrés, l impact de la transmission des chocs de prix peut être différent entre les zones de production excédentaires et les zones de production déficitaires. L objectif de cette étude est de tester l intégration et la transmission des chocs de prix des marchés de regroupement aux marchés de consommation du mil au Niger à l aide d un modèle de cointégration à seuil de type M-TAR (Momemtum Threshold Autoregressive). Pour cela, l étude considère, sur la période allant de janvier 2005 à décembre 2013, les prix de détail sur six principaux marchés provenant du Système d Information des Marchés (SIMA) du Niger. Il s agit de deux grands marchés de consommation que sont le marché de Niamey-Katako et celui d Agadez et de 4 marchés de regroupement ou de production que sont les marchés de Zinder, Tillabéry, Dosso, et de Maradi. 2

Plus spécifiquement l étude vise à déterminer le sens directeur des échanges et à déterminer si la transmission des prix est asymétrique ou non. Cette étude est intéressante dans la mesure où elle nous permettra d examiner la nature concurrentielle des marchés et aussi, de mettre en évidence les difficultés qui entravent l approvisionnement du mil sur ces marchés. Pour ce faire, nous adoptons à la fois une démarche théorique qu empirique. Le plan du papier est subdivisé en trois (03) parties : la section 1 traite de la revue de littérature sur le sujet, la section 2 expose la méthodologie de l étude et la section 3 présente les résultats de l étude. I- REVUE DE LITTERATURE 1. Mécanisme de formation des prix entre deux marchés spatialement séparés : un cadre théorique Théoriquement, le mode de formation des prix sur les marchés dépend de plusieurs facteurs dont les prix sur d autres marchés spatialement séparés. La transmission des prix est rendue possible par l arbitrage spatial des acteurs (Takayama et Judge, 1974). L arbitrage est défini comme le processus d échange entre des acteurs sur différents marchés avec l objectif de tirer un avantage des différences de prix excédant les coûts de transaction. En d autres termes, dans une économie de marché, l ambition de réalisation des profits incite les consommateurs à acheter dans les régions où les prix sont bas et à vendre dans celles où les prix sont élevés. Si l arbitrage est efficace, cette situation engendre à terme une baisse des prix qui ne reflète que les coûts de transaction. Le mécanisme de l arbitrage trouve son fondement théorique dans la théorie néo-classique. Le modèle de Takayama et Judge (1974) en est une illustration. Soient 2 régions i et j où i représente une région excédentaire (marché de regroupement) et j une région déficitaire (marché de consommation). Si l on suppose que le coût de transport unitaire de i à j, t ij, est constant alors l arbitrage des marchés concurrentiels suggère que la marge des prix p i et p j sera réduite au niveau du coût de transport unitaire soit p i p j = t ij. L intégration des marchés est alors le résultat de l arbitrage. Un arbitrage efficace réduit la différence de prix entre deux régions et la loi du prix unique peut être observée. Dans le cas d une région exportatrice (marché de regroupement) de produits alimentaires, lorsque les prix intérieurs sont supérieurs aux prix sur d autres marchés les importations se poursuivent jusqu'à ce que les prix intérieurs rattrapent le sur ces marchés, hors coût de transport. Lorsque les prix intérieurs (marché de regroupement) sont inférieurs aux prix sur les autres marchés (marchés de consommation), il est plus intéressant de vendre la production domestique (marchés de regroupement) sur les autres marchés. Les flux de biens ainsi engendrés des marchés excédentaires (prix plus faibles) vers ceux déficitaires (prix élevés) assurent que la loi du prix unique prévaut (Lypsey, 1999). Cependant, quatre conditions doivent être remplies : l absence de barrières commerciales, la transparence de l information, l absence d aversion pour le risque, l existence d un ou plusieurs marchés concurrentiels. 2. Cadre empirique L analyse de la transmission des prix cherche à comprendre la façon dont des chocs (hausse ou baisse des prix) survenant sur un marché de regroupement (de production) se répercutent sur un marché de consommation, mettant ainsi en évidence le degré d intégration des marchés et l efficacité de leur fonctionnement. Parmi les explications de l asymétrie de la transmission des prix entre marchés, le pouvoir de marché exercé par certains acteurs est souvent mis en évidence. En général, ce pouvoir de marché consiste à établir les prix à des niveaux différents de ceux qui résulteraient du jeu de la concurrence (Carlton et Perloff, 1995). Par exemple, Meyer et von Cramon-Taubadel (2004) montrent que la concentration observée dans l industrie de l abattage et dans la distribution peut expliquer l asymétrie de la transmission des prix sur les marchés de la viande de porc en Allemagne. Par ailleurs, Rapsomanikis et al. (2004) expliquent que des ententes entre commerçants dans des pays en développement peuvent maintenir des différences dans la variabilité des prix entre des marchés qui sont isolés en raison de conditions difficiles de transport. Cutts et Kirsten (2006) montrent que le grand nombre de 3

groupements de commerçants génère une asymétrie dans la transmission des prix sur les marchés vivriers en Afrique du Sud. Abdulai (2000) fait paraître que les ententes entre commerçants sur les marchés ruraux du maïs au Ghana permettent de maintenir leurs prix de vente à un niveau préalablement décidé de commun accord même en cas d événements qui auraient suscité une baisse de ces prix. Par exemple, selon Abdulai (2000), ces commerçants peuvent délibérément stocker leurs produits pour relever le niveau des prix en aval ou répercuter les baisses des prix de l aval vers l amont de la filière en s approvisionnant à un prix plus faible. En préfinançant les activités agricoles de leurs fournisseurs, les commerçants peuvent aussi se positionner comme des acheteurs incontournables. Ce positionnement peut aboutir à une transmission incomplète des prix entre marchés. L importance des coûts de transaction peut également être une autre source de l asymétrie dans la transmission des prix entre marchés. Balke et Fomby (1997) soulignent que même sur des marchés financiers efficaces, la présence des coûts importants de transaction est susceptible de créer une bande dans laquelle les rendements des actifs financiers peuvent dévier librement de leur point d équilibre. Dans les pays en développement, Rapsomanikis et al. (2004) prouvent que l ampleur des coûts de transaction résultant de la piètre qualité des infrastructures et des moyens de transport permet d expliquer une asymétrie de la transmission des prix entre marchés agricoles. Des coûts de transaction élevés contraignent l accès de nombreux producteurs aux marchés et temporisent l arbitrage entre les marchés. Faivre Dupaigre et al. (2008) expliquent que l acquittement de nombreux prélèvements illicites sur les axes de commercialisation en Afrique de l Ouest augmente les coûts de transport et, par conséquent, les coûts de transaction. Selon Rapsomanikis et Karfakis (2010), la distance et les coûts de transfert en Tanzanie impactent négativement les prix payés aux producteurs. L étude de Sobia (2002) sur l intégration des marchés de la banane plantain et du maïs en Côte d Ivoire révèle que les systèmes commerciaux efficaces sont caractérisés par un degré important d intégration des prix, c est-à-dire des mouvements fortement corrélés des séries de prix dans l espace et par de faibles coûts de transaction sur les marchés. Des possibilités de transferts importants du maïs et de la banane plantain existent entre le marché central d Abidjan et les marchés urbains et ruraux, mais ces transferts se font avec beaucoup de difficultés. En effet, la transmission des changements de prix sur le marché central ne se fait pas de façon immédiate aux marchés ruraux, mais avec un certain retard à cause de la mauvaise circulation de l information ; celle-ci s explique essentiellement par la distance. Les tracasseries diverses rencontrées par les commerçants ainsi que des difficultés de transport peuvent empêcher la fluidité des échanges de ces produits entre les différentes régions et au développement de l activité commerciale dans le pays. II- METHODOLOGIE 1. Présentation de la base de données et traitement statistique Les informations relatives aux prix de détail du mil sont collectées auprès du Service d Information des Marchés du Niger (SIMA-Niger). Les prix des produits vivriers sont collectés par des enquêteurs et font l objet de publications hebdomadaires et mensuelles. Nos données couvrent une période allant de janvier 2005 à décembre 2013. Pour tenir compte de l inflation, nous avons déflaté les prix par l indice des prix à la consommation du Niger. Notre étude est réalisée sur 6 marchés dont 4 marchés de regroupement ou de collecte que sont Maradi, Zinder, Tillabéry, et Dosso et deux marchés de consommation que sont Niamey-Katako et Agadez. Les données relatives aux superficies cultivées, au rendement du mil par hectare et à la superficie par région proviennent de la direction des statistiques du Ministère du Développement Agricole. En général, les prix des produits agricoles sont affectés de variations saisonnières 1. La présence de la saisonnalité ne permet pas de capter l évolution intrinsèque d une série et donc sa relation avec une autre. Pour prendre en compte cette saisonnalité, l introduction des variables muettes est la solution la plus utilisée. Alderman(1993) et Abdulai (2000) suggèrent d identifier les périodes saisonnières à 1 Les périodes de pénurie, de pluie où les routes sont impraticables, et des périodes de fêtes sont des exemples de facteurs saisonniers 4

partir d information a priori observables sur le fonctionnement des marchés. Ils préconisent de ne corriger que ces périodes saisonnières par l introduction des variables muettes correspondantes. Cette identification des mois de forte saisonnalité étant subjective, notre démarche consiste à désaisonnaliser toutes les séries de prix en utilisant les méthodes de désaisonnalisation modernes dont la méthode CENSUS-X12. Pour déterminer l ordre d intégration des variables, nous appliquons les tests de racine unitaire de Dickey-Fuller (1979), Phillips-Perron (1988). 2. Justification et choix de la méthode Dans ce qui suit, nous allons brièvement présenter plusieurs approches utilisées dans l analyse de la transmission asymétrique des prix afin de retenir une approche pour notre étude. L approche de Houck À la suite de Houck (1977), un grand nombre d auteurs a utilisé des tests de Transmission Asymétrique des Prix (TAP) basés sur la segmentation des variables de prix entre phases croissantes et décroissantes (Boyd et Brorsen, 1988 ; Kinnucan et Forker, 1987 ; Bailey et Brorsen, 1989 ; Zhang et al, 1995 ; Mohanty et al, 1995). Houck avait proposé un modèle asymétrique statique qui peut être écrit de la façon suivante : Où P i et temps). P j P P P jt jt j, t1 P P P it 0 1 jt 2 jt t sont les prix d un bien donné sur les marchés indicés par i et j, est l opérateur de différence première, et si P jt Pj, t 1 et 0 sinon. P P P Peltzman(2000) considère la réécriture suivante de l équation 1 : jt jt j, t1 si P jt t 1,..., T Pj, t 1 P ( P P ) ( ) P P P it 0 1 jt jt 2 1 jt t 0 1 jt 2 jt t Peltzman(2000) teste pour l asymétrie en considérant la signification du coefficient (1) (indice de et 0 sinon, et 2 (2). Il inclut k valeurs décalées de la variable indépendante pour tenir compte des réponses dynamiques. Ceci équivaut à tester si 1 2 dans (1). Houck (1977), lui-même, a proposé de prendre la somme des deux côtés de l équation (1) pour dériver ce qui suit : Pit 0 1 Pjt 2 Pjt t1 t1 t1 (3) Puisque Où P P P P t1 * it i i0 i P P P * UP DOWN i 0 1 j 2 j UP Pj, l équation (3) peut être réarrangée comme suit : est la somme de tous les changements positifs du prix du bien j à la date t=1 à et (4) DOWN Pj est la somme correspondante de tous les changements négatifs du prix j sur la même période et où 1 T. Alors que certains auteurs reconnaissent que prendre la somme de (1) pour dériver (3) et (4) conduit à l introduction d un terme de tendance (voir par exemple, Kinnucan et Forker (1987) ; Zhang et al (1995)), d autres, comme Mohanty et al (1995), ne le reconnaissent pas, estimant plutôt l équation suivante : P P P * * UP DOWN i 0 1 j 2 j Il faut noter que dans un certain nombre d applications, des décalages sont incorporés dans (3), (4) ou (5) pour tenir compte des réponses dynamiques de prix. Ceci conduit à la spécification suivante : k k * * UP DOWN i 0 1 l j, tl 2 l j, tl (6) l0 l0 P P P 0 (5) 5

dans laquelle les symétries de court terme et de long terme sont rejetées quand les termes individuels 1l et 2l sont inégaux et quand k 1l 2l l0 l0 k respectivement. Le modèle à correction d erreur asymétrique (MCEA) L approche du MCE asymétrique est motivée par l idée que toutes les variantes de l approche de Houck présentées précédemment, ne sont pas consistantes avec la cointégration des séries de prix concernées (von Cramon-Taubadel (1998), von Cramon-Taubadel et Loy (1999)). Le problème fondamental des spécifications dérivées de l approche de Houck (1977) est qu elles sont basées sur un simple VAR en différences (1). Ce modèle n est pas la spécification appropriée pour des variables cointégrées car elle ne tient pas compte des avantages de l information reflétée par leurs niveaux. De plus, il faut noter que la somme appliquée à (1) pour dériver (3) à (6) change la nature du terme d erreur : si t dans (1) est une erreur aléatoire stationnaire, alors t t1 dans (3) à (6) sera une marche aléatoire. Si P i et P j sont cointégrés, alors une représentation du type modèle à correction d erreur existe (Engle Granger, 1987) qui peut être écrite de la manière suivante : Où P P ECT ( L) P ( L) P it 0 1 jt 2 t1 3 i, t1 4 j, t1 t ECT P P t it 0 1 jt ( L) 3 ( L) 4 représente les déviations à la relation de cointégration existant entre P i et P j et et sont des polynômes de décalage. Granger et Lee(1989) proposent une modification de (7) qui inclut une segmentation du terme d erreur ECT entre une composante positive et une composante négative : P P ECT ECT ( L) P ( L) P Où it 0 1 jt 2 t1 2 t1 3 i, t1 4 j, t1 t ECT ECT t1 t1 si ECT t 1 0 et sinon et test de type Fisher peut être utilisé pour tester si ECT 2 2 ECT t1 t1 si ECT t 1 0 (7) (8) et 0 sinon. Un et donc tester si la transmission des prix entre P i et P j est symétrique. Cette méthode a été utilisée pour la première fois pour la transmission des prix par von Cramon-Taubadel (1998). Une spécification beaucoup plus générale est utilisée dans von Cramon-Taubadel et Loy (1999) dans laquelle le terme de correction d erreur et les changements de prix exogènes sont segmentés : P P P ECT ECT ( L) P ( L) P Où it 0 1 jt 1 jt 2 t1 2 t1 3 i, t1 4 j, t1 t 1 1 et 2 2 déviations à l équilibre de long terme (savoir si peuvent être testés. En plus du test pour l ajustement asymétrique des 2 2 l asymétrie entre les ajustements contemporains ou de court terme (si (9) ) cette spécification permet de tester pour 1 1 L approche de cointégration à seuil Bien que l approche en termes de MCE asymétrique soit supérieure aux approches qui l ont précédée, quand les séries des prix sont cointégrées, Balke et Fomby (1997) et Enders et Granger (1998) montrent que les tests d existence d une relation de cointégration ont une faible puissance en présence d ajustements asymétriques. Ceci est dû au fait que ces derniers tests assument implicitement un ajustement symétrique et linéaire. Donc il est illogique de baser un test quant à l existence d un ajustement asymétrique sur des tests de cointégration qui sont eux-mêmes basés sur la supposition d ajustement symétrique. Enders et Siklos (2001) proposent une extension de la stratégie de test de Engle et Granger (1987) basée sur le modèle autorégressif à seuils (TAR). Selon cette approche, la relation de cointégration de long terme entre P i et P j est d abord estimée : P P (10) it 0 1 jt i ) 6

Au lieu de tester la stationnarité des résidus i comme le proposent Engel et Granger(1987), et donc, par extension, de tester pour la cointégration entre P i et P j Enders et Siklos (2001) proposent d estimer l équation suivante : Où t 1 t1 1 t1 t t1 t1 si t 1 s et 0 sinon, et, t1 t1 si t 1 du seuil retenu. Les conditions nécessaires et suffisantes pour la stationnarité de cointégration entre P i et P j ) sont maintenant que 1 0 et s 1 0 (11) et 0 sinon. Où s désigne la valeur et i 1 1 (et donc pour la (1 )(1 ) 1. Enders et Siklos simulent les valeurs critiques d un test de type Fisher qui peut être utilisé pour tester l hypothèse combinée 1 1 0. Si l hypothèse est rejetée, on peut conclure que P it et P jt sont cointégrés. L hypothèse nulle d ajustement symétrique peut alors être testée avec un test de type Fisher standard où l hypothèse nulle testée est 1 1 Enders et Siklos (2001) suggèrent aussi l estimation d un autre modèle autorégressif à seuils (M-TAR) selon lequel est segmenté entre et selon le signe de t 1. La nature de l asymétrie dans une modélisation de type M-TAR diffère fondamentalement de celles qui ont été présenté plus haut. Selon l approche de M-TAR, le changement dans la marge entre les prix à différents niveaux de la chaîne de la mise en marché ne dépend pas de la taille de la marge à un point précis dans le temps mais plutôt de l amplitude de la direction du changement dans la période précédente. Le comportement dynamique du terme de correction d erreur dans le cadre d un modèle M-TAR présente alors des mouvements abrupts et rapides(le momentum dans l intitulé anglais du modèle : Momentum Threshold Auto-Regressive). Enders et Siklos (2001) suggèrent aussi des modifications des modèles TAR et M-TAR qui permettent à la valeur seuil dans la segmentation des t t1 t1. i de différer de Balke et Fomby (1997), qui indiquent que les approches de types TAR et M-TAR peuvent être élargies pour prendre en compte des seuils multiples. Les modélisations TAR et M-TAR pour tester la transmission asymétrique des prix ont été utilisées par Abdulai (2002), Hassan et Simioni (2001) et Harper et, Goodwin et al (2001). Il existe deux cas de figure dans l estimation des modèles TAR ou M-TAR de Enders et Siklos (2001). Dans le premier cas, le seuil s est connu et égale à zéro. L hypothèse sous-jacente est que la relation de long terme c est-à-dire la vitesse d ajustement dépend de la nature positive ou négative du choc. Dans le second cas, le seuil est inconnu et déterminé de façon endogène. La réponse asymétrique aux chocs de prix du marché central ou de consommation est déduite à partir d un seuil a priori inconnu et qui sera donné par l estimation du modèle TAR ou M-TAR. Lorsqu on ne connaît pas la valeur du seuil, il est possible de la déterminer de façon endogène. La procédure consiste à déterminer le seuil de façon conjointe avec 1 et 1. Le seuil choisi est celui qui minimise la somme des carrés des résidus (Chan, 1993). La procédure de Chan consiste à trier en ordre croissant les résidus issus de l estimation de l équation (10). Pour éviter l influence des valeurs initiales les 15% des premiers résidus et les 15% des derniers résidus sont éliminés. La recherche des seuils se fait dans les 70% restants des résidus. Pour chaque seuil potentiel, on estime le modèle sous la forme de l équation (11) et on retient la somme des carrés des résidus. Le seuil choisi est celui qui minimise la somme de carrés des résidus. Toutefois, lorsque le seuil est inconnu les auteurs comme (Enders et Siklos, 2001 ; Enders et Falk, 1999 ; Chan et Tong, 1989) ont montré que les valeurs des coefficients 1 et 1 ainsi que l inférence liée à la restriction 1 1 sont potentiellement biaisées. Finalement, les auteurs Enders et Granger(1998), Enders et Siklos(2001) proposent un modèle à correction d erreur asymétrique de la manière suivante : n k 1t 0 1 t1 1 t1 Pi, t1 t i2 l1 P (13) 7

Où les termes négatives et les paramètres 1 et 1 représentent les paramètres d ajustement des déviations positives et t un bruit blanc. L ajustement des variations de la variable 1 et 1 P 1t, est symétrique lorsque sont significativement égaux. Dans ce cas, le MCE de Engel Granger(1987) est un cas particulier du MCE asymétrique de Enders et Granger(1998). Dans cet article, nous utilisons l approche M-TAR pour tester l intégration entre nos marchés. Notre démarche est semblable à celle suggérée par (Balke et Fomby(1997)). D abord, nous étudions le comportement «global» des marchés pour voir si nos marchés sont cointégrés 2 à partir des tests classiques d Engel et Granger (1987) et la seconde étape consiste à tester le comportement «local» des marchés en modélisant les effets de seuil dans la transmission des prix. III- PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS 1. Description de la filière mil dans six régions nigériennes Le marché du Mil au Niger Le mil constitue l une des principales céréales de l agriculture au Niger tant du point de vue des superficies emblavées, de la production que de leur contribution à l alimentation (Soumana, 2001). Sur la période 2008-2012 (Figure 1), la production du mil a connu deux phases de baisse. La première, celle survenue au début de 2008, peut être due à l effet continu couplé de la crise alimentaire qui a frappé le pays en 2005 et de la crise financière qu a traversé le monde entier en 2008. La deuxième phase survenue au lendemain de 2010 est aussi la conséquence de la crise alimentaire qu a connue le pays entre Février 2010 et Août 2010. Figure 1: Evolution de la production annuelle (en milliers de tonnes) du mil au Niger, 2008-2012 4.500 4.000 3.500 3.000 2.500 2.000 Production 1.500 1.000.500.000 2008 2009 2010 2011 2012 Source : SIMA-Niger/ Les Auteurs Le mil est cultivé dans plusieurs régions du Niger et la plus grande zone de production se trouve au centre-est du pays, suivie de la région sud (Dosso) comme le montrent le tableau 1 et le graphique 1. Tableau 1 : Production moyenne et superficie cultivée du mil dans six régions nigériennes, 2008-2012 Statistiques Maradi Zinder Tillabery Dosso Niamey Agadez National Superficie cultivée (1000 ha) Moyenne (1000 hectares) 1563,6 1242,0 1445,7 1217,2 25,5 29,1 6977,4 2 Fomby et Balke (1997) suggèrent en effet de commencer par les tests de Engle et Granger (1987) qui en l absence d effets de seuil sont beaucoup plus puissants. 8

Coef variation (%) 4,7 3,5 6,9 5,2 4,2 199,0 3,0 Observations 5 5 5 5 5 5 5 Production (1000 tonnes) Moyenne (1000 tonnes) 756,2 561,3 616,6 668,4 15,5 14,5 3339,9 Coef variation (%) 14,1 15,4 23,9 10,8 27 199 148,3 Observations 5 5 5 5 5 5 5 Source : Direction des Statistiques du Niger/Ministère du Développement Agricole Nous notons que les différents marchés nigériens de mil sont approvisionnés par les régions du centre-sud (Maradi), du sud (Dosso), du sud-ouest (Tillabéry) et du centre-est (Zinder). Ces régions sont excédentaires tandis que la capitale (Niamey) et la région du Nord (Agadès) sont des régions déficitaires. Graphique 1: Principales régions de production et de consommation du Mil au Niger Source : Les Auteurs Le téléphone mobile permet, aujourd hui, aux agriculteurs de faire écouler facilement leur production sur plusieurs marchés, rendant ainsi les producteurs plus performants et plus compétitifs. Les circuits commerciaux à travers lesquels s effectuent la collecte et la distribution du mil au Niger débutent principalement dans les régions de production de Maradi et de Zinder (SIMA-Niger, 2010). Le mil est collecté et regroupé à Maradi puis transféré vers les marchés de Niamey, d Agadez et de Tahoua. A partir de Niamey, des circuits de distribution plus courts assurent l approvisionnement des autres marchés du pays. La région Ouest est aussi une région d approvisionnement en mil pour Niamey. Ainsi, du mil provenant du Burkina Faso est acheminé vers Niamey et l Ouest du Niger, tandis que des circuits de commercialisation reliant certains marchés de collecte de l Ouest aux régions frontalières du Mali s animent occasionnellement dans les deux sens (SIMA-Niger, 2010). Par 9

ailleurs, une grande partie du mil consommé au Niger est importée du Nigéria ; ces importations empruntent les circuits suivants : Kano- Zinder (Maradi)-Niamey Illéla-Niamey en passant par Konni Jibia-Niamey par Maradi et Konni Kandjiwa-Niamey en passant par Dosso. 2. Analyse de l évolution des prix du Mil sur les marchés du Niger Figure 2: Evolution du prix réel du Mil sur six marchés nigériens, 2005-2013 Source : SIMA-Niger, Les Auteurs L analyse spatiale de l évolution des prix réels (Figure 2) fait ressortir que, de 2005 à 2013, le marché d Agadez était le plus cher. En effet, à Agadez, la situation alimentaire se caractérise par un faible niveau d approvisionnement des marchés en céréales et un accroissement de la demande. La conjugaison de ces deux phénomènes a engendré une hausse des prix du mil. En général sur la période d étude, le marché de Maradi confirme sa position de marché de collecte en affichant les prix les plus bas par rapport aux autres régions. Il est suivi de Zinder, de Tillabéry et de Dosso. Globalement, les prix des quatre marchés (Maradi, Zinder, de Tillabéry et Dosso) confirment leur position de marché de collecte. La variation interannuelle du prix de mil indique une forte hausse en 2005 sur l ensemble des six marchés étudiés. Cette forte hausse des prix était liée à un problème de pénurie sur les marchés nationaux et même sous régionaux. Pour y faire face, les ménages ruraux et les partenaires au développement ont substitué le riz, dont le prix n avait pas encore augmenté, au mil. Avec la crise de 2011-12, les prix du mil sont restés élevé de juillet 2011 à janvier 2012. Ce niveau élevé en cette période de récolte s explique par la conjugaison de deux facteurs : l annonce par le gouvernement du Niger de l achat de 100.000 tonnes de céréales locales pour la reconstitution du stock National de Sécurité. Pour profiter de cette opportunité, les commerçants ont procédé à une constitution de stocks en achetant des quantités importantes sur les marchés et jusque dans les villages Les producteurs excédentaires ont préféré mettre sur le marché certains produits comme le sésame plutôt que les céréales. En janvier 2012, lorsque le gouvernement a annoncé la fin de ses achats, les commerçants ont commencé à libérer petit à petit leurs céréales. 3. Résultats des estimations Le tableau 2 présente les résultats du test de racine unitaire sur chaque marché de l étude. 10

Tableau 2 : Résultat du test de racine unitaire sur chaque marché de mil au Niger (modèle sans tendance ni constante) Marchés ADF PP En niveau En différence première Décision En niveau En différence première Décision Agadez 0,39-10,55*** I(1) 0,46-10,61*** I(1) Niamey 0,21-9,86*** I(1) 0,21-10,13*** I(1) Maradi -0,005-10,66*** I(1) 0,01-10,7*** I(1) Tillabéry -0,16-13,65*** I(1) -0,03-14,12*** I(1) Zinder 0,27-8,95*** I(1) 0,36-10,3*** I(1) Dosso 0,1-8,87*** I(1) 0,44-9,84*** I(1) Source : SIMA-Niger/ Les Auteurs Note : Les valeurs critiques du test d ADF et de PP au seuil de 1%, 5% et 10% sont respectivement de -2,58, -1,94 et de -1,61. Le symbole *** indique que les valeurs sont significatives au seuil de 1%, ** indique que les valeurs sont significatives au seuil de 5% et, * désigne que les valeurs sont significatives au seuil de 1% L hypothèse nulle de racine unitaire spécifiant la non-stationnarité des séries de prix désaisonnalisées est testée en utilisant le test augmenté de Dickey et Fuller (1979) et celui de Phillips-Perron (1988) sans tendance ni constante. Le nombre optimal de retards est sélectionné à partir du critère de Schwartz. Les résultats des tests de racines unitaires reportés dans le tableau 2 indiquent que toutes les séries sont non-stationnaires en niveau et intégrées d ordre 1. Etant donné que les séries sont stationnaires en différence première, les tests de cointégration standard selon l approche d Engel et Granger ont été testés et résumés dans le tableau 3 Tableau 3 : Résultat du test de cointégration d Engel et Granger entre marchés du mil au Niger Paires de marchés ADF Statistique VC Niamey-Maradi -14,756* -2,93 Niamey-Zinder -15,628* -2,93 Niamey-Tillabery -13,185* -2,93 Niamey-Dosso -12,872* -2,93 Agadès-Maradi -17,282* -2,93 Agadès-Zinder -16,452* -2,93 Agadès-Tillabery -11,552* -2,93 Agadès-Dosso -10,682* -2,93 Source : SIMA-Niger / Les Auteurs Note : Les statistiques ADF sont comparées aux valeurs tabulées par McKinnon (1991). Ces valeurs correspondant à -3,59 ; -2,93 et -2,60 au seuil de 1%, 5% et de 10%. * désigne que les valeurs sont significatives au seuil de 1% Selon ce test, l hypothèse nulle d absence de cointégration entre les séries de prix de mil est rejetée pour toutes les paires de marchés. La comparaison des statistiques calculées sous l hypothèse nulle 11

aux valeurs critiques de la table de McKinnon (1991) confirme la relation de cointégration entre les séries de prix des marchés de consommation (Niamey et Agadès) aux marchés de regroupement ou de collecte (Maradi, Dosso, Tillabery et Zinder). Le tableau 4 présente les résultats de la statistique de la trace selon l approche multivariée de Johansen en considérant un modèle avec tendance Tableau 4 : Résultats du test de cointégration de Jonhansen entre marchés du mil au Niger Paires de marchés r = 0 VC (5%) r 1 VC (5%) Niamey-Maradi 20,518** 18,96 6,358 12,26 Niamey-Zinder 21,025** 18,96 6,656 12,26 Niamey-Tillabery 21,359** 18,96 12,425 12,26 Niamey-Dosso 18,027** 18,96 6,004 12,26 Agadez-Maradi 25,594** 18,96 8,337 12,26 Agadez-Zinder 27,48** 18,96 6,782 12,26 Agadez-Tillabery 17,016 18,96 9,759 12,26 Agadez-Dosso 11,159 18,96 5,873 12,26 Source : SIMA-Niger / Les Auteurs Note : le symbole ** indique que les valeurs sont significatives au seuil de 5% D après ce tableau, sous l hypothèse nulle d absence de cointégration, les statistiques de la valeur propre montrent une relation de cointégration pour chaque paire de marché considérée sauf pour la paire Agadès-Dosso au seuil de 5%. Ces résultats montrent qu une combinaison linéaire des variables tend vers un état d équilibre dans le long terme pour toutes les paires de marchés sauf pour la paire Agadès-Dosso et Agadès-Tillabery. Il est important dans les études d intégration des marchés de déterminer le sens des flux commerciaux, car on s attend à ce que les régions productrices aient une influence sur les prix des régions consommatrices. Les tests de causalité de Granger ont ainsi le mérite de nous permettre de déterminer la direction des échanges. En effet, les tests de ca usalité de Granger indiquent l existence d une relation statistiquement significative entre les prix retardés et les prix à l instant t. Ces tests consistent à tester des restrictions de nullité des coefficients du système à l aide d un F- test standard pour chaque équation. Le sens de causalité devrait nous indiquer la direction des échanges entre zone de regroupement et zone de consommation. Les résultats des tests de Granger sont résumés dans le tableau 5. 12

Tableau 5 : test de causalité de Granger entre les paires de marchés du Mil au Niger retard Observations F-stat P-value Maradi ne cause pas Niamey 104 7,289*** 0,0002 3 Niamey ne cause pas Maradi 0,887 0,4509 Zinder ne cause pas Niamey 106 7,725*** 0,0065 1 Niamey ne cause pas Zinder 0,037 0,8477 Niamey ne cause pas Tillabery 105 8,603*** 0,0004 2 Tillabery ne cause pas Niamey 4,506** 0,0134 Niamey ne cause pas Dosso 106 0,875 0,3518 1 Dosso ne cause pas Niamey 4,201** 0,0443 Maradi ne cause pas Agadès 105 24,441*** 0,0000 2 Agadès ne cause pas Maradi 1,533 0,2208 Zinder ne cause pas Agadès 104 13,323*** 0,0000 3 Agadès ne cause pas Zinder 1,255 0,2941 Agadès ne cause pas Tillabery 105 0,396 0,6738 2 Tillabery ne cause pas Agadès 2,951* 0,0569 Agadès ne cause pas Dosso 102 1,466 0,2087 5 Dosso ne cause pas Agadès 6,074*** 0,0000 Source : SIMA-Niger/ Les Auteurs Note : Les symboles ***,** et * indiquent respectivement que les coefficients sont significatifs au seuil respectifs de 1%, 5% et de 10% D après les résultats du tableau 5, il ressort d une façon générale que les prix sur les marchés de regroupement que sont Maradi, Zinder, Tillabery et Dosso causent au sens de Granger les marchés de consommation Niamey et Agadès. La direction du commerce se fait dans les deux sens entre la paire Niamey- Tillabéry. En dehors de cette paire (Niamey-Tillabéry), aucun prix sur les marchés de consommation ne cause au sens de Granger les prix sur les marchés de regroupement. Ces résultats remettent en cause le rôle central joué par les marchés de regroupement (Maradi, Zinder, Tillabery et Dosso) dans la formation de prix du mil au Niger. Etant donné que les séries de prix sont tous stationnaires en différence première, nous pouvons spécifier, selon la démarche d Engel et Granger(1987), une équation qui traduit la dynamique de court et de long terme. En s inspirant de la démarche suggérée par Balke et Fomby(1997) nous étudions premièrement le comportement global des marchés avant d étudier le comportement local des marchés. Le tableau 6 présente les résultats de l estimation de cointégration de long terme entre les paires de marchés 13

Tableau 6 : Estimation de la relation de cointégration de long terme entre paire de marchés de mil au Niger selon l approche d Engle Granger(1987) Constante β 1 R 2 Niamey-Maradi 2,268*** (14,8) 0,608*** (20,4) 0,797 Maradi-Niamey -1,930 *** (-5,57) 1,310*** (20,40) 0,797 Niamey-Zinder 2,181*** (12,28) 0,623*** (18,10) 0,755 Zinder-Niamey 2,181*** (12,28) 0,6230*** (18,10) 0,755 Niamey-Tillabery 1,340*** (4,469) 0,7511*** (13,50) 0,632 Tillabery-Niamey 0,853** (2,537) 0,842*** (13,506) 0,632 Niamey-Dosso 0,838** (2,671) 0,848*** (14,512) 0,665 Dosso-Niamey 1,14 *** (3,911) 0,784*** (14,512) 0,665 Agadès-Maradi 1,304*** (7,454) 0,792*** (23,292) 0,836 Maradi-Agadès -0,536** (-2,202) 1,054*** (23,29) 0,836 Agadès-Zinder 1,013*** (5,96) 0,846*** (25,69) 0,861 Zinder-Agadès -0,317 (-1,49) 1,017*** (25,69) 0,861 Agadès-Tillabery 0,623 (1,45) 0,881*** (11,106) 0,537 Tillabery-Agadès 2,1130*** (7,148) 0,610*** (11,106) 0,5378 Agadès-Dosso -0,184 (-0,429) 1,03*** (12,94) 0,612 Dosso-Agadès 2,188*** (8,907) 0,591*** (12,94) 0,6126 Source : SIMA-Niger/ Les Auteurs 14

Note : Les valeurs entre parenthèses désignent les t-value de l estimation. Les symboles *** et ** indiquent respectivement que les valeurs sont significatives au seuil de 1% et 5% Les coefficients estimés s avèrent significatifs pour toutes les paires de marchés considérés. Ce résultat montre qu à long terme une variation des prix à la hausse sur les marchés de regroupement se traduirait par une variation des prix à la hausse sur les marchés de consommation que sont Niamey et Agadès et vice versa. Toutefois, les changements à la hausse sur les marchés de consommation semblent plus affecter les prix sur les marchés de regroupement. Par exemple, les variations de prix à la hausse sur le marché de Niamey sont transmises totalement sur le marché de Maradi alors que seulement près de 60% des variations des prix à la hausse sur le marché de Maradi sont transmises sur le marché de Niamey. Le tableau 7 présente les résultats de la transmission des prix de court terme en concordance avec le théorème de représentation d Engel Granger (1987). Les résultats du test selon le MCE standard présenté dans le tableau 7 confirme que le commerce du mil se fait dans un sens unique c est-àdire du marché de regroupement (Maradi, Zinder, Tillabery, et Dosso) aux marchés de consommation (Niamey, Agadès) sauf pour la paire Agadès-Maradi où la transmission des prix se fait dans les deux sens. Les paramètres de correction d erreur estimés pour le marché de consommation Niamey et les autres marchés de regroupement varient de -0,17 à -0,377 pour le marché de consommation Agadès et, pour les autres marchés de regroupement (Zinder Tillaberry, Dosso), ils varient de -0,103 à -0,395. Pour la paire Agadès-Maradi, le paramètre de correction d erreur est de- 0,52 tandis que, pour l axe Maradi-Agadès, le paramètre de correction d erreur est de -0,24. Ces résultats indiquent premièrement que le marché de consommation de Niamey corrige le déséquilibre de long terme à une vitesse plus élevée que celui du marché de consommation d Agadès. De plus, Il est à noter que le marché de consommation d Agadès corrige le déséquilibre de long terme à une vitesse plus élevée que celui du marché de regroupement Maradi. Il est donc possible que les associations de commerçants davantage présentes sur les marchés de consommation de Niamey et d Agadès exploitent mieux les informations commerciales que les commerçants isolés situés sur les marchés de regroupement (Maradi, Zinder, Tillaberry, Dosso). De plus, les associations présentes sur le marché de consommation de Niamey exploitent mieux les informations de prix que ceux d Agadès. On note par ailleurs, que les prix sur les marchés de regroupement causent à long terme les prix sur les marchés de consommation. Tableau 7 : Estimation de la relation de cointégration de court terme selon Engel Granger (1987) sur les marchés du mil au Niger ECT t 1 t-value Niamey-Maradi -0,377*** -3,94 Maradi-Niamey -0,127-0,909 Niamey-Zinder -0,336*** -3,724 Zinder-Niamey 0,035 0,259 Niamey-Tillabery -0,302*** -3,873 Tillabery-Niamey -0,01-0,09 Niamey-Dosso -0,178** -2,287 Dosso-Niamey 0,104 1,475 Agadez-Maradi -0,525*** -5,087 Maradi-Agadez -0,249* -1,735 15

Agadez-Zinder -0,395*** -3,598 Zinder-Agadez 0,078 0,489 Agadez-Tillabery -0,180** -2,914 Tillabery-Agadez -0,061-0,768 Agadez-Dosso -0,103* -1,705 Dosso-Agadez 0,075 1,443 Source : SIMA-Niger / Les Auteurs Note : le symbole *** indique que les valeurs sont significatives au seuil de 1%, ** indique que les valeurs sont significatives au seuil de 5% et, * désigne que les valeurs sont significatives au seuil de 1% Afin de savoir si la transmission des prix d un marché à un autre se fait de manière symétrique ou non et de valider l hypothèse de cointégration à seuil entre les paires de marchés, nous avons utilisé la démarche d Enders et Siklos (2001) résumée dans le tableau 8. Tableau 8: Résultats du test de cointégration à seuil et de transmission asymétrique des prix du mil par paire de marchés au Niger Niamey-Maradi 0,013 Maradi-Niamey -0,041 s i ρ + a ρ a ρ + = ρ =0 b ρ + = ρ c Q(8) d -0,629*** (-4,102) -0,309*** (-2,987) -0,406*** (-3,719) -0,597*** (-4,064) 12,746 10,883 1,733 (0,191) 3,077* (0,082) 0,919 0,718 Niamey-Zinder -0,017-0,222** (-2,376) -0,652*** (-5,361) 17,191 7,844*** (0,006) 0,67 Zinder-Niamey 0,06-0,669*** (-4,107) -0,298*** (-3,487) 14,513 4,071** (0,046) 0,944 Niamey-Tillabery -0,038-0,36*** (-3,455) -0,163 (-1,104) 6,15 1,383 (0,242) 0,985 Tillabery-Niamey 0,068-0,191 (-1,219) -0,457*** (-4,14) 8,697 2,289 (0,133) 0,978 Niamey-Dosso 0,044-0,381** (-2,541) -0,245*** (-3,249) 8,506 0,65 (0,422) 0,99 Dosso-Niamey -0,028-0,195** (-2,589) -0,46*** (-3,531) 9,585 3,111* (0,081) 0,88 Agadez-Maradi 0,042-0,737*** (-4,856) -0,49*** (-4,237) 20,764 1,671 (0,199) 0,57 Maradi-Agadez -0,088-0,48*** (-4,606) -0,83*** (-4,721) 21,752 2,934* (0,09) 0,414 16

Agadez-Zinder 0,053 Zinder-Agadez -0,053-0,873*** (-6,457) -0,472*** (-4,349) -0,426*** (-3,802) -0,901*** (-6,157) 28,075 28,406 6,476** (0,012) 5,562*** (0,02) 0,59 0,708 Agadez-Tillabery -0,016 Tillabery-Agadez -0,09-0,218*** (-2,787) -0,211** (-2,444) 0,015 (0,128) -0,455*** (-2,836) 3,959 6,237 2,935* (0,09) 1,996 (0,161) 0,845 0,92 Agadez-Dosso -0,039 Dosso-Agadez 0,021-0,246*** (-3,314) -0,17 (-1,47) -0,261* (-1,81) 0,301*** (-3,78) 7,13 8,223 0,008 (0,928) 0,86 (0,356) Source : SIMA-Niger/ Les Auteurs Note : a Les valeurs sans parenthèses sont les coefficients estimés et celles entre parenthèses sont les statistiques de test de Student pour ρ + et ρ b le terme φ correspond aux F-statistiques calculées sous l hypothèse nulle d absence de cointégration. Ces statistiques sont comparées à celles des valeurs critiques tabulées par Enders et Siklos (2001). Ces valeurs critiques sont 5,76, 6,86 et 9,26 pour des seuils de 10%, 5% et de 1% c Les valeurs sans parenthèses sont les F-statistiques et celles entre parenthèses sont les valeurs des probabilités correspondantes à ces statistiques de Fisher sous l hypothèse nulle de symétrie (ρ + = ρ ) Les valeurs sans parenthèses sont les F-statistiques et celles avec parenthèses sont les valeurs des probabilités correspondantes. d Statistiques de Ljung-Box pour lesquelles les premiers ordres (8) d autocorrélation des résidus sont conjointement égaux à zéro. i Les valeurs indiquent le seuil trouvé à partir du modèle M-TAR avec seuil endogène Le symbole *** indique que les valeurs sont significatives au seuil de 1%, ** indique que les valeurs sont significatives au seuil de 5% et, * désigne que les valeurs sont significatives au seuil de 1% Puisqu il existe une relation de cointégration entre les séries de prix pour des paires de marchés cidessus mentionnées selon le test d Enders et Granger, l hypothèse nulle de symétrie de la relation de cointégration (ρ + = ρ ) est testée en utilisant le test de Fisher standard (Enders et Granger, 1998). Enders et Granger expliquent que si l hypothèse nulle d absence de cointégration (ρ + = ρ = 0 ) est rejetée alors les paramètres d ajustement ρ + et ρ convergent vers une distribution normale multivariée. La restriction selon laquelle l ajustement est symétrique (ρ + = ρ ) peut dès lors être testée en utilisant le test standard de Fisher. Selon les résultats de ce test, l hypothèse nulle de symétrie de cointégration entre les séries de paires de marchés n est pas rejetée lorsque les valeurs calculées de Fisher sont comparées à la valeur critique de la table de Fisher. D après les résultats du tableau 8, la statistique φ étant supérieure aux valeurs critiques tabulées par Enders et Siklos (2001), nous pouvons conclure que les séries de prix entre le marché de consommation Niamey et les autres marchés de regroupement (Maradi, Zinder, Tillaberry et Dosso) sont cointégrés avec seuil non nul. Cependant, la cointégration est asymétrique pour les paires de marchés Maradi-Niamey, Niamey-Zinder et Zinder-Niamey. Concernant le marché de consommation Agadès et les autres marchés de regroupement (Maradi, Zinder, Tillaberry, et Dosso) la statistique φ calculée valide l existence d une relation de cointégration avec seuil endogène non nul sauf pour la paire Agadès-Tillaberry. De plus, les marchés de regroupement sont cointégrés avec le marché de consommation d Agadès selon le même test. Cependant, bien que les marchés soient cointegrés, la statistique de Fisher conclue à une cointégration asymétrique entre les paires de marchés Maradi- Agadès, Agadès-Zinder et Zinder-Agadès. 17 0,155 0,143

Les paramètres des coefficients ρ + et ρ spécifiant les variations positives et les variations négatives ou la cointégration est asymétrique sont statistiquement significatifs et de signes attendus. Etant donné que, ρ > ρ + en valeur absolue entre les paires de marchés Maradi-Niamey de Niamey-Zinder, et de Zinder-Agadès, on peut alors conclure l hypothèse d une intégration asymétrique des marchés de mil de Maradi-Niamey de Niamey-Zinder, et de Zinder-Agadès selon une variation négative des prix. Par ailleurs, le fait que ρ < ρ + en valeur absolue entre les paires de marchés Zinder-Niamey et Agadès Zinder on peut alors conclure l hypothèse d une intégration asymétrique des marchés de mil de Zinder-Niamey et de Agadès-Zinder selon une variation positives des prix. Des différents tests repris aux tableaux 3 à 5, il résulte que les marchés de consommation que sont Niamey et Agadès entretiennent des relations commerciales avec les marchés de regroupement que sont Maradi, Zinder, Tillaberry, et de Dosso. Ces relations commerciales seraient garanties par les associations de commerçants malgré l importance des distances 3 et l impraticabilité des routes séparant les marchés de consommation et les marchés de regroupement. Le degré d intégration de ces marchés peut aussi s expliquer par le fait que les pays africains connaissent un développement extraordinaire de la téléphonie mobile. Il a été démontré que la téléphonie mobile est un outil de développement économique et contribue à l amélioration des conditions de vie des populations par le fait qu il concourt aux désenclavements des régions les plus reculées. Ce dynamisme dans le secteur de la télécommunication serait ainsi susceptible d accélérer l intégration des marchés au Niger et de développer le commerce entre ces marchés. En effet, les producteurs ne sont plus obligés de se déplacer pour vendre leurs produits car les acheteurs eux-mêmes viennent dans les exploitations acheter la récolte. Le fait de connaitre par exemple, la date de récolte réduit ainsi les coûts de transaction car évite aux acheteurs de se déplacer sans avoir la garantie de trouver la production. De plus, l importance de la demande du mil sur les marchés de consommation que sont Niamey et Agadès et du rôle joué par les associations de commerçants en garantissant les échanges entre les marchés quelle que soit la période conduit à une relation de cointégration symétrique avec seuil non nul sur les paires de marché Niamey-Maradi, Niamey-Tillabery, Niamey-Dosso, Agadès-Maradi, Agadès-Tillabery et Agadès-Dosso. Outre ce facteur, la transmission symétrique des prix du mil entre ces marchés s explique aussi par le niveau compétitif des prix sur le marché de consommation Niamey et Agadès. Cela pourrait être dû par la diversité des sources d approvisionnement sur ces grands marchés de consommation notamment les produits venant du voisin, le Nigéria. La transmission asymétrique négative observée sur les paires de Maradi-Niamey de Niamey-Zinder, et de Zinder-Agadès résulterait d un arbitrage mené par les associations des commerçants installés à Maradi, Niamey et Zinder. En effet, ces associations adopteraient différentes stratégies afin de préserver leurs marges commerciales. Elles influencent la fixation et la transmission des prix en contrôlant l approvisionnement de mil. Par exemple, lorsque les prix diminuent sur le marché de Zinder ou Agadès, les commerçants installés sur ces marchés constitués en associations réduisent l approvisionnement du marché de consommation en mil soit en stockant leur produit, soit en les commercialisant sur d autres marchés où les conditions de transport et d arbitrage sont meilleures. Cette stratégie consiste à accroître les prix du mil sur ces marchés. Lorsqu il s agit d une hausse sur les marchés de Maradi, Niamey, Zinder, les échanges se poursuivent entre ces marchés (Maradi, Niamey, Zinder) et les marchés de Niamey, Zinder et Agadès respectivement. Ces résultats confirment qu ils existeraient des facteurs tels que les coûts de transaction, le pouvoir du marché qui entravent la relation de long terme entre les séries de prix entre ces marchés. Le tableau 9 présente les résultats du modèle à correction d erreur asymétrique (MCEA) sur les paires de marchés où l asymétrie dans la transmission des prix a été observée. 3 Les distances entre Niamey et les autres villes c est-à-dire Maradi, Zinder, Tillabery, et Dosso sont respectivement de 657 ; 892 ; 110 ; 134 km respectivement. Quand à celles d Agadès et les villes de Maradi, de Zinder, de Tillabery, et de Dosso les distances sont respectivement de 673 ; 438 ; 1051 et de 807 km 18

Tableau 9 : Résultats du modèle à correction d erreur asymétrique sur les marchés du Mil au Niger de type M-TAR + ECT t 1 ECT t 1 Niamey-Maradi ----- ----- Maradi-Niamey 0,1262 (1,166) -0,4064** (-2,396) Niamey-Zinder Zinder-Niamey -0,184 (-0,821) 0,166 (0,492) -0,313*** (-3,151) 0,131 (0,878) Niamey-Dosso ----- ----- Dosso-Niamey -0,191** (-2,18) -0,296** (-2,113) Agadez-Maradi ------ ------ Maradi-Agadès 0,068 (0,466) 0,060 (0,272) Agadès-Zinder Zinder-Agadès 0,272* (2,402) -0,132 (-0,782) 0,595* (3,219) -0,371 (-1,342) Tillabery-Agadez ------ ------ Source : SIMA-Niger/ Les Auteurs Les résultats issus du tableau 9 montrent que seulement les écarts négatifs sont significatifs sauf pour la paire de marché Dosso-Niamey. Ces résultats présentent comment les commerçants situés à Maradi, à Niamey, à Dosso et à Agadès corrigent les déviations issues d une hausse sur les prix du mil sur les marchés de Niamey, Zinder, Niamey et Zinder respectivement. Au vu des résultats de ce tableau, en considérant la paire Maradi-Niamey, nous notons qu environ 40% des écarts négatifs sont résorbés au cours du mois sur le marché de Maradi, tandis qu en considérant la paire Niamey- Zinder, près de 31% des écarts négatifs sont corrigés le mois suivant. Ceux-ci traduisent que, lorsque les prix du mil augmentent sur le marché de Niamey, les commerçants installés à Maradi augmentent les prix plus que proportionnellement afin de bénéficier de plus de marges de leur vente. Sur l axe Niamey-Zinder, une hausse de 1% des prix s accompagne d une hausse de 31% des prix sur le marché de consommation Niamey. S agissant de la paire Dosso-Niamey, les ajustements des prix à la hausse sur le marché de Dosso sont supérieurs aux ajustements des prix à la baisse. La vitesse moyenne de diminution des prix est de 19% contre 29 % pour la vitesse moyenne d augmentation des prix. Le fait que les vitesses d ajustement des prix à la hausse sur les marchés de Maradi, Niamey, et Dosso soient plus rapides que les baisses, confirmerait l existence de 19

regroupement et met en évidence la nature non concurrentielle ou non compétitive de la vente de mil sur les marchés de Maradi, Niamey et Dosso. Cette situation n est pas à l avantage des consommations qui doivent subir les hausses des prix sur les marchés. La présence d asymétrie négative observée sur les paires de marchés Maradi-Niamey de Niamey-Zinder, et de Zinder- Agadès pourrait être lourde de conséquence pour les populations vivantes à Maradi, Niamey et Zinder. Le mil étant un aliment de base au Niger, très peu substituable et ancré dans les habitudes de consommation des ménages, le fait que les prix s ajustent plus rapidement aux hausses plus qu aux baisses sur les marchés de Maradi, Niamey, et Dosso pourrait réduire le pouvoir d achat des ménages, exposant ces derniers plus vulnérables à la faim ou à des difficultés alimentaires. En effet, bien que les aliments soient disponibles sur ces marchés (Maradi, Niamey, Dosso), les consommateurs pourraient ne pas avoir accès au mil sur ces marchés à cause des prix qui s ajustent très rapidement aux hausses. Des actions devront être menées par le gouvernement Nigérien afin de réduire le pouvoir de marché, améliorer les infrastructures routières, etc. Nos résultats sont semblables à ceux de Fiamohe et al. (2008) où l auteur a mis évidence le rôle mené par les associations ou regroupement dans la fixation des prix du mil sur les marchés du maïs, de la semoule de manioc et de l igname au Benin. De plus, nos résultats ne semblent pas s écarter de ceux obtenus par Etoundi M. (2011) qui a conclu que les marchés de la tomate au Cameroun sont bien intégrés mais que la transmission des prix reste asymétrique entre certaines paires de marchés CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS Cette étude a examiné la transmission des prix entre les marchés de consommation de mil de Niamey et d Agadès et quatre marchés de regroupement (Maradi, Zinder, Tillabery et Dosso). Les résultats des tests de cointégration au sens de Johansen et d Engel et Granger ont montré que la plupart des marchés considérés sont bien intégrés sauf les paires Agadès-Tillabery et Agadès-Dosso. Les tests de causalité de court et de long terme ont mis en évidence le rôle joué par les marchés de regroupement (Maradi, Zinder, Tillabery, Dosso) dans la fixation des prix. D après les résultats de ce test, l échange commercial se fait des marchés de regroupement aux marchés de consommation. Les résultats obtenus à partir du MCE standard d Engel et Granger montrent que les déséquilibres sur les marchés de consommation (Agadès et Niamey) sont corrigés assez rapidement. Les tests de cointégration asymétrique du modèle MTAR selon l approche d Enders et Siklos (2001) ont permis de montrer que malgré l ampleur des coûts de transaction entre les marchés de consommation et de regroupement de mil au Niger, certains marchés sont symétriquement bien intégrés sauf pour les paires de marché Agadès-Tillabery où le test invalide l existence d une relation de cointégration avec seuil entre ces deux marchés. Le test d Enders et Siklos montre par ailleurs que, bien que les marchés soient intégrés la transmission des prix entre certaines paires de marchés est asymétrique. C est le cas notamment des paires de marchés Maradi-Niamey, Niamey-Zinder, Zinder-Niamey, Maradi- Agadès, Agadès-Zinder et Zinder-Agadès. Les résultats du modèle à correction d erreur asymétrique (MCEA) montrent que les prix s ajustent plus rapidement aux hausses plus qu aux baisses entre les paires de marchés. L intégration des marchés serait due au boom observé dans le secteur de la télécommunication notamment avec les appels téléphoniques qui facilitent le commerce entre les marchés. De plus, la présence d association sur les marchés de regroupement faciliterait les échanges entre les différents marchés malgré les coûts de transport élevés. Par ailleurs, ces associations de commerçants exerceraient un pouvoir sur ces marchés qui pourrait expliquer les transmissions asymétriques entre certaines paires de marchés. L analyse de la cointégration et de la symétrie de la transmission des prix sur les marchés de mil au Niger pourrait bénéficier de quelques améliorations méthodologiques. Il conviendrait pour des prochaines études de prendre en compte les coûts de transactions, vu que dans cette étude, ils sont supposés stationnaires. Si l on souhaite équilibrer la vitesse de la transmission et permettre aussi que les baisses et les hausses des prix soient transmises symétriquement entre les marchés, il conviendrait d améliorer la praticabilité des axes routiers séparant les différents marchés et aussi atténuer le pouvoir de marché 20