Conférence de presse mardi 4 décembre 2012 Discours de l'ambassadeur de l'union européenne en République du Congo, Son Excellence Marcel van OPSTAL Le braconnage: un fléau pour la conservation, un danger pour la stabilité, un défi à l'etat de droit et à la bonne gouvernance. Introduction Le braconnage et le commerce illégal d espèces sauvages ont été abordés ce 24 septembre 2012, au cours des discussions à l Assemblée Générale de l Organisation des Nations Unies portant sur le renforcement des gouvernances nationales et internationales, et non pas dans le cadre de la protection de l'environnement. Des chefs d Etats du monde entier s'étaient retrouver à New York, pour la 67ème réunion annuelle de haut niveau de l ONU, qui cette année avait comme principal sujet les activités criminelles telles que le commerce illégal d espèces sauvages, un fléau pour la conservation, un danger pour la stabilité et un défi pour les Etats de Droit. Le Président du Gabon, Ali Bongo Ondimba, durant un débat de haut niveau sur l'etat de Droit au niveau national et international, a déclaré que «cette criminalité organisée touche de plus en plus l environnement et la biodiversité à travers le braconnage et la pêche illégale.» Dans un communiqué écrit, les Etats-Unis d Amérique, membre permanent du Conseil de Sécurité, se sont prononcés contre "le dommage causé par le braconnage et le trafic aux efforts de conservation, à l Etat de Droit, à la gouvernance et au développement économique". La France, un autre membre permanent du Conseil de Sécurité, s est aussi prononcée sur la sévérité de l impact du commerce illégal d espèces sauvages. «Il reste encore des pans entiers d activités sans aucune sécurité juridique,» a dit Pascal Canfin, Ministre Délégué auprès du ministre des Affaires étrangères en France, chargé du Développement. «Le droit international reste lacunaire face au pillage des ressources naturelles, par exemple, ou au trafic de la faune sauvage.» Le Président du Gabon a aussi profité de l occasion pour réaffirmer la volonté de son pays à lutter «contre les violations de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d extinction (CITES) et les autres conventions de protection de l environnement et de la biodiversité.» Discours de l'ambassadeur de l'union européenne en République du Congo, Son Excellence Marcel van OPSTAL 1
Pourquoi de telles déclarations et dans quel contexte? Les estimations concernant la valeur du commerce illégal des espèces sauvages sont comprises entre 7.8 milliard de Dollars US et 10 milliard Dollars US par an, faisant de cette activité illégale le 5ième crime transnational dans le monde. Au même moment, nous assistons à la disparition de la grande faune africaine, en particulier en Afrique francophone. Les massacres récents d'éléphants au Cameroun, en sont une illustration. La vision d'out of Africa n'existera bientôt plus qu'à Hollywood. La faune sauvage du Bassin du Congo est en crise; le commerce illégal des espèces protégées s est dramatiquement intensifié ces dernières années et a atteint des niveaux critiques ; ainsi, 2011 a été l année de tous les records en matière de saisies d ivoire à grande échelle et de braconnage d éléphants, et il semble que l'année 2012 constituera aussi une année tragique. Comme notre invité d honneur de ce jour pourra mieux le développer et l illustrer, aujourd'hui ce commerce illégal est largement reconnu comme impliquant des réseaux criminels organisés, agissant au niveau transfrontalier, avec des exemples de grandes bandes de braconniers lourdement armés qui s infiltrent dans les pays à la seule fin de se procurer illégalement des produits de la faune sauvage. De ce fait, cela constitue une menace pour l intégrité territoriale et la sécurité régionale. Ces bandes armées agissent dans l'impunité la plus totale, certaines se reposant sur des complicités locales, à l'intérieur d'une zone de non droits couvrant un large territoire partant du Soudan à l'océan Atlantique et passant par la RDC, la RCA, le Tchad, le Congo, le Gabon et le Cameroun. L'implication de milices organisées dans le braconnage des éléphants et le trafic de l'ivoire constitue un tournent très inquiétant pour les efforts globaux visant à préserver cette espèce en voie de disparition. La bataille à livrer va au-delà des efforts classiques de conservation. Le commerce illégal des produits de la faune sauvage est maintenant tombé dans les mains de groupes armés qui posent un défi considérable à la sécurité et stabilité régionale. Le commerce illégal de l'ivoire alimente des groupes terroristes et des milices qui en utilisent les revenus frauduleux pour renforcer leur emprise et poursuivre leurs actions criminelles. Par analogie aux "diamants de sang", nous sommes confrontés à "l'ivoire de sang" et cette situation ne peut laisser indifférent. Hélas, il convient également de signaler la faiblesse des actions de répression et de poursuite du braconnage classique, au niveau national et local. Le braconnage et le commerce illégal de la faune sauvage ont des conséquences néfastes et durables sur la population et l environnement, mais les sanctions ne sont pas à la hauteur du crime en Afrique Centrale. Cette activité criminelle est donc très lucrative, avec peu de sanctions et des risques minimaux pour les braconniers et les trafiquants d être poursuivi par la justice, une combinaison dangereuse. Le WWF et TRAFFIC appellent les gouvernements et les institutions internationales à traiter le commerce illégal des espèces sauvages comme crime grave, à adopter les moyens de dissuasion efficaces, et à mener leurs efforts pour réduire la demande pour des espèces sauvages menacées. Face à ces développement, les réponses et les actions de luttes contre le braconnage, les modes de conservation de la faune sauvage doivent découler à la fois d'efforts internationaux globaux, régionaux, sous régionaux, nationaux et locaux. Nous sommes ainsi réunis aujourd'hui pour démontrer notre préoccupation, confirmer notre engagement et esquisser les actions réciproques que nous comptons mener au côté des autorités régionales, nationales et locales. Discours de l'ambassadeur de l'union européenne en République du Congo, Son Excellence Marcel van OPSTAL 2
Les réponses de l'union Européenne En ma qualité d'ambassadeur de l'union Européenne, il me revient de vous présenter les réponses que compte apporter l'union européenne aux défis de la conservation de la faune et de la lutte contre le braconnage. Cette réponse porte sur trois domaines, la conservation, la sécurité et la gouvernance. Au niveau ACP et du continent Africain, le projet BIOPAMA Biodiversity and Protected Area Management, lancé par la Commission européenne en juillet 2011, en support à la conservation de la biodiversité dans les Etats ACP, comporte deux volets, l'un portant sur les aires protégées, géré par l'iucn (Union pour la Conservation de la Nature) et le Centre Commune de Recherche de la Commission européenne; et l'autre sur l'accès aux ressources et partages des avantages, gérés par la GIZ allemande. L'objectif du volet "Aires Protégées" est d'améliorer la gestion des aires protégées dans les pays ACP, du niveau local au niveau régional. Dans ce cadre, un système d'informations de référence sur les aires protégées mettra à disposition des décideurs et gestionnaires des parcs des informations écologiques et socio-économiques. Ce système sera déployé dans des Observatoire s Régionaux, dont celui pour l'afrique Centrale sera basé à Kinshasa. Au niveau régional, BIOPAMA permettra de disposer d'informations générales sur les parcs, sur la richesse en espèces, la gestion e la gouvernance, les paramètres socioéconomiques, le suivi environnemental, et l'occupation des sols, entre autres. Ces informations serviront de base à établir les priorités d'intervention sur un réseau d'aires protégées significatives, représentant un intérêt majeur en termes de conservation et socio-économique, comme par exemple Odzala Kokoua. La Commission envisage également un programme spécifique visant à minimiser l'abattage d'espèces en danger en Afrique. Ce programme consistera à amplifier une initiative du CITES qui à travers un projet appellé "MIKES", Minimising the Illegal Killing of Endangered Species, cherchera à documenter et suivre l'abattage illégal des éléphants, des rhinocéros et des grands singes. Ce projet aura aussi pour objectif de renforcer les compétences et la capacité des agences d'application de la loi contre le braconnage et le trafic illégal de produit de la faune, tout en encourageant l'intégration des communautés locales dans les actions de conservation, de sensibilisation. En complément de ce programme, la Commission compte encourager et appuyer le réseau ALFA Application de la Loi sur la Faune en Afrique, qui concerne actuellement le Cameroun (The Last Great Ape Organisation LAGA), le Gabon (AALF - Application de la Loi sur la Faune Conservation Justice), la République du Congo (PALF Projet d'appui à l'application de la Loi sur la Faune Sauvage, et Fondation Aspinall), la RCA et la Guinée Conakry. Des pays ont déjà été identifiés pou un accroissement du réseau: la RDC, le Sénégal, le Togo, la Côte d'ivoire, le Bénin, le Tchad, le Nigéria et la Guinée Equatoriale. L'objectif de ce programme sera d'assister les gouvernements de ces pays respectifs à améliorer l'application de la loi sur la faune et à mettre en œuvre des actions dissuasives au trafic et à l'abattage d'espèces emblématiques telles que les éléphants, les grands singes, les panthères et léopards. Il visera particulièrement à faciliter l'arrestation des délinquants et leur poursuite en justice, tout en organisant des formations et sessions de sensibilisation pour les forces de l'ordre, la justice, les agents des eaux et forêts, afin de faciliter une bonne collaboration au niveau local. Discours de l'ambassadeur de l'union européenne en République du Congo, Son Excellence Marcel van OPSTAL 3
L'Union européenne estime que la constitution d'un réseau solide d'aires protégées en Afrique serait seul susceptible de garantir la survie de la grande faune dans les décennies à venir. Cela est lié au maintien de grands espaces protégés, bien gérés sur le long terme et connectés entre eux. Nous estimons que le temps n'est plus à l'intervention de bailleurs de fonds publics, qui apportent la majeure partie des financements, soutiennent les projets sur des cycles courts de trois à quatre ans, avec des critères d'éligibilité déconnectés de la réalité et soumis à des stratégies à géométrie variable, des volumes financiers très (trop?) importants sur des durées courtes d'exécution, des procédures de décaissements complexes (on privilégie la gestion administrative et financière plutôt que les résultats de terrain). Révolue aussi l'époque où les projets de ces bailleurs étaient négociés et signés avec les administrations en charge de la faune des pays concernés, ce qui est normal. Mais ces ministères manquent de capacités techniques et humaines, sans compter que tout cela se passait dans un contexte institutionnel de népotisme, voire de corruption. Peu d'argent arrivait sur le terrain, les communautés locales n'étaient pas ou peu associées, aucune gouvernance partagée n'était mise en place régionalement, et le court terme et les réalisations visibles ou études coûteuses étaient privilégiées par rapport à une vision de long terme. Nous estimons que le modèle de soutien des Aires Protégées en Afrique francophone doit évoluer vers des projets financés sur le long terme, moins coûteux, gérés au niveau local, avec une gouvernance impliquant l'etat, mais aussi la société civile, les ONG africaines et internationales et les collectivités régionales. C'est dans cet esprit et en prenant en compte les leçons du passé que l'ue compte encourager la négociation et mise en œuvre d'accords de partenariat public/privé, qui seuls semblent pouvoir garantir le développement d'un mécanisme pour contribuer à la conservation, au développement et à la réduction de la pauvreté. En République du Congo, un Accord de Partenariat a été signé avec African Parks Network (APN) pour assurer la gestion du Parc National d Odzala-Kokoua à long terme. Un deuxième accord a également été signé avec Leadership for Conservation pour l installation de campements et de produits touristique de portée internationale. Du fait de l'importance de ce parc parmi les écosystèmes naturels et la biodiversité en Afrique Centrale mais aussi de l approche innovante de ce partenariat, L'Union Européenne a décidé d'une aide portant sur deux subventions à African Parks Network : 1,8 M, à travers la subvention accordée au Réseau des Aires Protégées en Afrique Centrale (RAPAC) ; 5 M, à travers du programme ENRTP (Gestion Environnementale et Durable des Ressources Naturelles) Début de ce mois j'ai eu le privilège de me rendre à Odzala, à l'invitation du Ministre Djombo, pour assister à l'inauguration des sites d'écotourisme qui y ont été développés. L'introduction du tourisme offre de nouvelles perspectives en termes économiques et sociaux mais s'accompagne aussi d'une nécessité croissante de conservation, de lutte contre le braconnage et de mise en réseau des aires protégées du Congo. Les actions envisagées par l'union européenne ont été conçues dans un esprit de partenariat avec les entités régionales telles que la CEEAC, la COMIFAC, le RAPAC, impliquant des acteurs comme l'iucn, CITES, APN, PALF et bien d'autres. Au niveau politique, Ce partenariat implique cependant que les autorités régionales, nationales et locales aient également leur rôle à jouer. Discours de l'ambassadeur de l'union européenne en République du Congo, Son Excellence Marcel van OPSTAL 4
Sur le plan régional et sous régional, les aspects concernant la stabilité et la sécurité qui sont affectées par les mouvements de braconniers et de groupes criminels impliqués dans le commerce illégal, seront abordés parmi les sujets du dialogue politique entre l'union Européenne et l'union Africaine, et les organisations régionales compétentes en la matière telle que la CEEAC pour l'afrique Centrale. Il en sera de même au niveau du dialogue politique avec les Etats concernés par les problèmes évoqués. S'agissant de la République du Congo, je ne doute pas que Son Excellence Monsieur Denis Sassou Nguesso, Président de la République, accorde une attention toute particulière à ce fléau, à ce danger et défi, compte tenu de son engagement personnel dans le domaine de l'environnement, tel que démontré par son rôle de porte parole de l'union Africaine au cours de la Conférence de Rio + 20 et dans le processus du nouvel agenda du développement durable et du chemin vers l'économie verte. J'en appelle dès lors à Son autorité bienveillante pour que sous Son haut patronage, la République du Congo se confirme comme un havre de conservation, et qu'elle contribue de manière engagée et déterminée aux efforts visant à combattre le braconnage et le commerce illégal de produits de la faune. Marcel van OPSTAL Ambassadeur Discours de l'ambassadeur de l'union européenne en République du Congo, Son Excellence Marcel van OPSTAL 5