C A N A D A Province de Québec District de Hull Cour Municipale Ville de Gatineau No. A-070027/95-00353 GATINEAU, le 27 janvier 1995 SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L'Honorable RAYMOND SÉGUIN LA CORPORATION MUNICIPALE DE LA VILLE DE GATINEAU, c. RICHARD LACASSE Plaignante Intimé D É C I S I O N Le défendeur doit répondre à l'accusation d'avoir conduit un véhicule routier alors que son permis de conduire avait été suspendu pour ne pas avoir payé certaines amendes, en vertu de l'article 105 du Code de la sécurité routière. En défense, le défendeur plaide les éléments suivants:
- qu'il ignorait le fait que son permis faisait l'objet d'une sanction par la Société de l'assurance automobile du Québec; - que les dispositions du Code de procédure pénale ne prévoient pas une telle suspension dans le cas d'une infraction portant sur le stationnement. La preuve révèle, qu'en date de son interception pour la présente infraction (le 7 janvier 1994), le défendeur n'avait pas encore acquitté l'amende qui lui avait été imposée suite au jugement par défaut rendu le 2 avril 1993. Dans son témoignage offert pour sa défense, le défendeur allègue de plus que l'avis de suspension envoyé par la Société de l'assurance automobile du Québec ne lui est jamais parvenu et, qu'en conséquence, il ignorait la suspension de son permis à la date de la présumée infraction. La Cour accorde foi au plaidoyer du défendeur, quant à son ignorance du fait de la suspension de son permis par la Société, compte tenu des explications qu'il apporte; celles-ci sont d'autant plus crédibles quand on constate, à l'analyse de la preuve, que l'avis de suspension expédié par poste recommandée, à l'adresse du défendeur, fut retourné avec la mention: «non réclamé», et ce malgré qu'il ait toujours bien pris soin de son courrier. À lui seul, ce plaidoyer suffirait à faire rejeter l'accusation; mais il y a plus: il y a lieu de considérer l'argument de droit soulevé par le
procureur du défendeur à l'effet que le Code de procédure pénale ne prévoit pas la suspension du permis pour une condamnation à une infraction de stationnement. LE DROIT: Une condamnation, suite à une infraction de l'article 381 du Code de la sécurité routière, en cas de non paiement, autorise-t-elle la Société de l'assurance automobile à suspendre le permis de conduire du défendeur? Le procureur du défendeur soutient que cette sanction ne peut être imposée alors que la thèse contraire est soutenue par le procureur de la plaignante. La disposition légale qui permet au percepteur d'amende de faire parvenir un tel avis de défaut de paiement menant à la suspension du permis par la Société de l'assurance automobile du Québec, est prévue à l'article 364 du Code de la sécurité routière qui se lit comme suit: 364. [Défendeur en défaut] Lorsque le défendeur n'a pas payé la somme due à l'expiration du délai prévu à l'article 322 ou consenti en vertu des articles 327 ou 328, ou lorsqu'à l'expiration d'un tel délai, le défendeur s'est engagé à exécuter des travaux compensatoires mais n'a pas respecté cet engagement, le percepteur doit aviser la Régie
de l'assurance automobile du Québec de ce fait afin que celle-ci procède à la suspension du permis de conduire ou du permis d'apprenticonducteur du défendeur ou refuse de délivrer à celui-ci un tel permis. [Infraction au Code de la sécurité routière] Le percepteur ne doit transmettre cet avis que s'il s'agit d'une infraction au Code de la sécurité routière (L.R.Q., chapitre C- 24.2) ou à un règlement relatif à la circulation adopté par une municipalité et que cette infraction ne concerne pas le stationnement. [Recouvrement] Le fait pour le percepteur de transmettre cet avis ne l'empêche pas de recourir aux autres mesures de recouvrement prévues dans le présent chapitre. On remarque qu'une exception au mécanisme de sanction s'applique pour les infractions concernant le stationnement. Est ce que cette réserve s'applique uniquement «à un règlement relatif à la circulation adopté par une municipalité», (les soulignés sont du soussigné) comme le prétend le procureur de la poursuivante, ou vise-t-elle globalement toutes les infractions concernant le stationnement tel que le plaide le procureur du défendeur? La Cour, avec respect pour l'opinion contraire, est d'avis que la disposition vise les deux types d'infraction, autant celles prévues au Code de la sécurité routière que
celles prévues à un règlement municipal; la référence: «que cette infraction ne concerne pas le stationnement», utilisée à la fin du paragraphe permet d'inférer qu'on vise les deux types d'infraction. L'autre volet du plaidoyer du défendeur est à l'effet que la présente infraction (article 381 du Code) doit être considérée comme concernant le stationnement. Le procureur de la poursuivante s'inscrit en faux contre cette interprétation en soulevant le fait qu'il s'agit plutôt du défaut de verrouiller les portières d'un véhicule laissé sans surveillance. Le procureur du défendeur allègue que cette disposition (article 381) s'insère dans la section II du Code intitulée «Immobilisation du véhicule» et qu'il faut en déduire qu'elle concerne le stationnement. Cette section II du Code énumère différentes situations d'infractions en rapport avec le stationnement d'un véhicule que l'on peut décrire sommairement ainsi: -art. 380 : laisser dans un véhicule sans surveillance un enfant de moins de 7 ans; -art. 381 : laisser sans surveillance un véhicule sans avoir enlevé les clefs et verrouillé les portières; -art. 382 : immobilisation sécuritaire d'un véhicule; -art. 383 : méthodes de stationnement;
-art. 384 : immobilisation d'un véhicule sur la chaussée où la vitesse maximale permise est de 70 km/h ou plus; -art. 385 : immobilisation d'un véhicule la nuit; -art. 386 : endroits de stationnement interdits; -art. 387 : immobilisation d'un véhicule avec personnes handicapées; -art. 388 : espaces réservés pour stationnement. Le mot «stationnement» n'est pas défini au code de la sécurité routière; aussi, en pareil cas, les règles jurisprudentielles veulent que l'on se réfère au sens usuel des mots, voir l'auteur, P.A. Côté () : Le dictionnaire «Le Petit Robert» nous donne les définitions suivantes: i) stationnement: «fait de stationner sur la voie publique ii) stationner :«rester à la même place». L'emploi de ce terme «stationnement» dans le Code de procédure pénale, en somme, fait référence à des situations nombreuses et variées où un véhicule est immobilisé, comme dans les cas énumérés plus haut.
L'analyse de ces dispositions amène la Cour à la conclusion que l'exception pour les infractions concernant le stationnement prévue par l'article 364 du Code de procédure pénale vise aussi l'infraction 381 du Code de la sécurité routière, soit celle de laisser un véhicule sans surveillance, sans avoir préalablement enlevé la clef de contact et verrouillé les portières. En conséquence, pour tous ces motifs, la plainte sera rejetée. GATINEAU, CE 27 JANVIER 1995. RAYMOND SÉGUIN JUGE MUNICIPAL