De gauche à droite : Henri Lescourret, Gwendal Villeloup, Cyril Exposito et Frédéric Bouteille.



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Transcription:

14 Le souffle des bassons Une belle harmonie règne au cœur de ce pupitre. Entretien avec Henri Lescourret, Frédéric Bouteille, Cyril Exposito et Gwendal Villeloup, les quatre bassonistes de l Orchestre. je n ai gardé que le basson. Cyril Exposito : J ai commencé par le piano, pendant sept ans. Et puis, le professeur de piano m a conseillé de jouer d un instrument à vent. J ai joué de la trompette, mais cela ne marchait pas tellement. Comme le professeur de basson cherchait des élèves, j ai choisi le basson. J avais quatorze ans. Le parcours Pourquoi avoir choisi le basson? Henri Lescourret : Je ne sais pas très bien pourquoi, c est un peu par hasard. Comme beaucoup, j ai suivi un cursus de piano, au conservatoire de Pau. À l issue de ce cursus, mon professeur de piano m a conseillé de jouer d un autre instrument. J aimais bien le cor et le saxophone, mais le corniste ne m a pas plu. Et il y avait trop de monde au saxo. Le professeur de saxo était aussi professeur de basson, et cela l intéressait d ailleurs beaucoup plus que le saxo. J ai alors commencé le basson à seize ans. Je crois qu un instrument correspond à quelque chose de personnel, de profond. Ce n est pas un choix au départ, c est une affaire de circonstances. On peut donc commencer assez tard H. L. : Oui, enfin surtout dans ma génération. Maintenant, les élèves commencent vers huit ou neuf ans. Frédéric Bouteille : J ai aussi commencé le De gauche à droite : Henri Lescourret, Gwendal Villeloup, Cyril Exposito et Frédéric Bouteille. basson à seize ans. Auparavant, je jouais du piano mais je m y ennuyais. Quand je me suis rendu compte que tout le monde allait à l orchestre tandis que je rentrais chez moi faire mes gammes, j ai voulu changer. Je voulais faire du violoncelle, mais j ai pensé que c était trop tard. À quatorze ans, j ai fait de la contrebasse. Et puis, dans l école de musique où j étais, une classe de basson s est ouverte. Donc, comme j étais curieux, un instrument de plus ou un de moins Je me suis inscrit là par hasard, sans savoir ce que c était que cet instrument. J ai mené de front la contrebasse et le basson. Puis j ai fini par choisir, et je ne regrette pas! Un homme-orchestre! Et vous? Gwendal Villeloup: J ai commencé à huit ans. Le basson n était pas mon premier choix. C était la trompette. Mais il n y avait pas de place dans les cours pour la trompette, donc j ai rencontré le professeur de basson. C est surtout le contact avec ce professeur qui m a donné envie de jouer du basson. J ai aussi joué du piano, mais vraiment très peu de temps. Parce que je ne travaillais pas assez le piano, Êtes-vous issus d une famille de musiciens? H. L. : Il n y a pas un seul musicien dans ma famille. Le piano est un désir non-réalisé de ma mère qui était de la génération d aprèsguerre, avec très peu de moyens. Ma famille a voulu que j obtienne mon bac, elle avait une certaine appréhension plus ou moins avouée jusqu à mon entrée au conservatoire. C était une crainte devant l inconnu, car elle ne savait pas trop où j allais. F. B. : Moi c est un peu différent, car je suis issu d une famille assez bourgeoise. Donc il y a une éducation musicale assez naturelle. Quand j ai décidé de me consacrer uniquement à la musique je suivais des études pour devenir professeur de maths, cela a suscité de l incompréhension. De la même façon, je ne pousserai pas mes enfants à faire une carrière de musicien. C est assez difficile et cela nécessite un engagement total. H. L. : Je pense que c est plus difficile pour des enfants quand les parents sont professionnels, car il y a une connaissance du milieu et des difficultés pour y arriver. Quand j ai débuté, j étais un peu inconscient. J ai tout découvert au fur et à mesure. Si j avais su, je ne sais pas si j aurais eu la force de devenir musicien. G. V. : Dans ma famille, ma sœur a fait de la flûte et du violon. C était une volonté de mon père qui aurait aimé faire de la musique. Mon père m a dirigé vers la musique alors que je faisais du sport.

15 C. E. : Du côté de ma mère, beaucoup ont fait de la musique. Mon arrière-grand-père était chef d orchestre d une harmonie. Mon grandpère était batteur de jazz. Et ma mère joue du piano. C est elle qui m a fait commencer le piano. Mon père, qui a failli être footballeur professionnel, voulait que je fasse du sport. Ma mère l a emporté heureusement! L apprentissage du basson Vous enseignez? G. V. : Je donnais des cours, à Lyon, avant d être à l Orchestre. F. B. : J enseigne dans trois endroits différents. Et les professeurs de basson sont-ils très recherchés? F. B. : Oui. L une des raisons est que le basson demeure l un des instruments les plus chers. Il faut compter, prix d occasion, entre 2000 et 3000 pour avoir un instrument correct. D ailleurs, en général, dans les conservatoires, les instruments sont prêtés ou loués. Pour les parents, ce n est pas évident, il faut faire le grand saut. On achète plus volontiers un piano à ce prix-là. Par exemple, j enseigne au conservatoire d Aubervilliers, qui est une banlieue défavorisée, et cela m est arrivé d avoir des élèves qui rentraient à la maison avec leur instrument du conservatoire qui valait plus cher que tout ce que les parents avaient, y compris la voiture. Cela paraît assez démesuré. C.E.: Un basson comme nous avons la Rolls- Royce du basson coûte plus de 35 000. Le pupitre Depuis combien de temps êtes-vous à l Orchestre National d Île de France? H. L. : Vingt-cinq ans. F. B. : Vingt ans. G. V. : Six mois. C. E. : Dix ans. «Dans le répertoire classique, le basson est employé pour préciser les phrases des basses, ou des altos. Pour souligner et donner le rythme des violoncelles, apporter un timbre et une attaque, éclaircir la phrase.» N éprouvez-vous pas de la lassitude? H. L. : Pas du tout, et de moins en moins! Le fait que l Orchestre se régénère tout le temps avec de nouveaux musiciens, comme c est la preuve avec Gwendal, produit une augmentation de l effectif et un mélange de générations. Nous, les bassonistes, sommes issus de quatre générations différentes et nous nous entendons très bien. G. V. : Cela crée une richesse par rapport à des orchestres qui sont montés de toutes pièces et qui ont les mêmes générations de personnes. D ailleurs, à quatre, comment cela se passe-t-il? H. L. : Nous sommes tous très enthousiastes pour jouer. Or, comme il y a beaucoup de séries à deux, à effectifs peu importants, nous nous relayons. F. B. : Officiellement, il y a deux premiers [Henri Lescourret, chef de pupitre, et Frédéric Bouteille] et deux seconds [Cyril Exposito et Gwendal Villeloup]. C.E.: Surtout, on a la chance de faire un métier pour prendre du plaisir. Où êtes-vous situés sur le plateau? C. E. : Derrière les hautbois et les flûtes, et devant les trombones et les cuivres. Le basson Quelle est la différence entre le basson et le contrebasson? H. L. : Quelques mètres F. B. : C est le bassoniste qui joue du contrebasson, car c est le même genre d anche beaucoup plus grosse et le même genre de doigté. H. L. : Le contrebasson joue une octave plus basse quand même, on est dans les profondeurs de l instrument. Il y a un son à trouver. Comment se met-on au contrebasson? C. E. : Je suis également contrebassoniste, ainsi que Gwendal. J ai dû prendre deux cours pour le contrebasson. H. L. : Il n y a pas beaucoup de vocation de contrebassoniste, car le répertoire n est pas énorme. Il y a tout de même de beaux solos. Cela se joue sur une autre tessiture, en général plus réduite, qui favorise le grave. C est une vibration tellement grave qu il faut avoir une très bonne oreille pour s adapter. C.E.: Les allers-retours dans une même œuvre sont difficiles. Et ce pour des questions de matériel, de placement... F. B. : D ailleurs, beaucoup de répertoires, par exemple Mahler, exigent que le troisième basson se mette au contrebasson. Le basson est un instrument à anche double, quelle est la différence entre une anche simple et une anche double? H. L. : Une anche simple a une vibration qui peut partir de plus bas au point de vue nuance. Cela vibre sur un bec. Une anche double possède deux anches qui sont mises en vibration toutes les deux. F. B. : Avec une anche double, il y a plus de difficultés dans les attaques. Nous avons besoin d avoir un matériel d excellente qualité. C est le charme mais aussi la fragilité de l instrument. Nous avons des palettes de couleurs que ne possède pas la clarinette. Mais aussi des limites du fait que l anche nous impose des choses. On peut choisir entre trois et quatre anches différentes. La pratique du basson Le basson demande-t-il beaucoup de pratique chez soi? H. L. : Il y a toujours un nombre d heures de travail dans la semaine qui est stable. Cela peut aller un peu plus loin suivant les circonstances. G.V.: De plus, pour la préparation d un concert, si on ne connaît pas le morceau, on prend les

16 partitions et les enregistrements. On écoute. On repère les endroits stratégiques. C. E. : C est important d avoir des repères, de savoir ce qui se passe avant et après les solos. Emportez-vous votre instrument en vacances? H. L. : Si on ne le fait pas, on subit les conséquences en rentrant. C est une gymnastique. Il y a aussi des à-coups, des choses difficiles. Quand j ai joué le concerto en soliste avec Paul Meyer [Duo concertino de Richard Strauss], j ai fourni un travail différent. Psychologiquement, d être devant, c est plus angoissant! Et vous appréciez d être très exposé? H. L. : Oui, j apprécie, mais c est lourd à porter tout de même. Paul Meyer est un musicien qui fait cela à longueur d'année, ce n est pas pareil. C est vraiment très différent. Il faut travailler d autant plus à cause de l intensité du stress. F. B. : Pour relativiser, je pense que nos partitions sont un peu plus faciles que celles des violons, par exemple, où le travail est vraiment «On est très idéalistes dans notre métier de musicien. On croit à un miracle, à une osmose.» astronomique dans certaines symphonies. Nous sommes sous-exposés par rapport à eux. L acoustique Les changements de salle sont-ils dérangeants pour vous? F. B. : On change nos façons de jouer, on écoute davantage les sons selon les salles. Par exemple, si la salle est très sèche, on aura un son trop sec, qui manque de moelleux. G. V. : Dans une salle où il y a trop de réverbération, on a du mal à faire la part des choses. H. L. : Cela dépend de la mise en place, on écoute les autres. Il faut s adapter, mais cela dit, généralement, on connaît les salles où on se produit. On connaît donc l acoustique. C. E. : Il faut cependant se méfier parce que, récemment, on croyait connaître la salle et le son s est révélé être complètement différent. L équipe du théâtre a peut-être changé un détail, ne serait-ce que poser des rideaux F. B. : Il y a eu des améliorations dans l architecture des salles d Île-de-France, de belles salles ont été construites. Le répertoire Qu aimez-vous jouer? C. E. : J adore la période romantique! Les œuvres de Mahler et Mendelssohn ont souvent de très belles parties, dans les symphonies, même pour le second. G. V. : De belles parties pour le contrebasson aussi. F. B. : J aime tout le répertoire, du baroque jusqu au moderne tout! Nous sommes gâtés car le répertoire baroque est très intéressant. Dans le contemporain, malheureusement, nous ne sommes pas bien servis, ni en jazz. H. L. : Par contre, en mars, nous serons cinq bassonistes pour jouer Le Sacre du Printemps Zoom Le basson Instrument à vent de la famille des bois, le basson possède une anche double. Il est composé de quatre éléments en bois (petite branche, culasse, grande branche et pavillon) et d un bocal en métal. Son corps en érable, de perce conique, replié sur lui-même, mesure deux mètres cinquante-neuf. Le son du basson s étend sur trois octaves et demie. Le contrebasson possède trois branches. Il a une anche plus grosse que le basson et il sonne une octave plus bas. Principales œuvres pour bassons Concerto de Mozart, les trente-neuf concertos de Vivaldi, le Concerto de Weber, la Sonate de Saint-Saëns et de nombreux solos dans le répertoire d orchestre : le Sacre du Printemps de Stravinski, Alborada del Gracioso de Ravel, les symphonies de Brahms et de Tchaïkovski

17 de Stravinski avec l Orchestre. C est l une des rares œuvres où jouent deux contrebassons. Mais il est vrai que, dans le contemporain, le basson est l un des instruments les plus sousjoués. De nos jours, la société est faite sur le brillant. On n a pas un timbre éclatant qui passe au-dessus de tout le monde. Le basson est un instrument plus raide. F. B. : Dans le répertoire classique, le basson est employé pour préciser les phrases des basses, ou des altos. Pour souligner et donner le rythme des violoncelles, apporter un timbre et une attaque, éclaircir la phrase. H. L. : Il y a des possibilités hors du jeu habituel, une couleur particulière. J aime bien la couleur du basson dans le médium ou dans le médium aigu comme les Russes l ont utilisé. L Oiseau de feu [Stravinski] en est un exemple. Et puis aussi les symphonies de Chostakovitch qui ont une couleur très slave. Et Tchaïkovski évidemment. Tout le répertoire russe a utilisé le basson dans ce timbre un peu nostalgique, beaucoup plus ironique et goguenard chez Stravinski. G. V. : J aime le basson pour la musique française, pour Ravel. Dans le romantisme allemand, le basson n est pas forcément présent dehors, mais c est un répertoire qui est aussi très agréable à jouer. On participe sans être très en dehors, on est indispensables. Vous jouez en musique de chambre? H. L. : Oui, à l Orchestre, dans le cycle de musique de chambre, et ailleurs. On se fait plaisir dans les concerts de musique de chambre. L Orchestre est un peu une famille, et le fait d aller jouer ailleurs dans des conditions différentes permet de se connaître un peu mieux, et c est intéressant de rencontrer d autres musiciens. Est-ce très différent la musique de chambre? H. L. : Oui, tous les professeurs de musique de chambre de conservatoires souffrent du manque d élèves bassonistes parce que beaucoup d œuvres ont du basson. G. V. : Cela complète le reste et c est même très valorisant. C est un bon équilibre. Henri Lescourret et Cyril Exposito Le rôle du chef d orchestre Qu attendez-vous d un chef d orchestre? F. B. : On attend qu il nous emmène sur une interprétation qui se tienne, qu il nous paraisse crédible musicalement. Qu il nous apporte quelque chose. H. L. : Qu il ait une personnalité suffisamment forte pour conduire quatre-vingt-dix personnes dans le même sens. C est tout de même un travail énorme, psychologiquement. Il faut avoir des idées musicales très prononcées et un travail très soigné, une discipline extrêmement rigoureuse. Il faut une autorité naturelle, du talent! Jérôme Marcantetti

18 Comme Yoel Levi lorsqu il a dirigé la Deuxième symphonie de Mahler. En fait, on est très idéalistes dans notre métier de musicien, on est très exigeants. On croit à un miracle, à une osmose. On demande des personnalités exceptionnelles. F. B. : L exigence augmente avec la qualité des chefs que l on a. On cherche aussi un chef qui ne soit pas un tyran. H. L. : Il faut faire attention et ne pas critiquer le chef parce qu il ne correspond pas à nos attentes. Il faut être patient. Nous, musiciens, sommes en position de force, nous sommes très nombreux et le chef est tout seul, ce qui n est pas une place confortable. C. E. : J attends aussi du chef qu il nous fasse faire des tournées à l étranger, pour une renommée internationale. Yoel Levi parait avoir une direction très personnalisée pour chacun d entre vous F. B. : On a ressenti aussi qu il avait une telle exigence qu on était obligés d aller dans nos retranchements pour faire le maximum, et qu il avait l intention d obtenir le maximum de nous. C est une des raisons pour laquelle j étais tellement enthousiaste lors de son arrivée, car il donnait l impression qu il croyait en nous. H. L. : Il connaît ses œuvres parfaitement, souvent par cœur. F. B. : Non seulement il connaît bien son travail mais en plus il entend tout : les sections, les passages qui le gênent et ne fait rien au hasard. Toutes ses interventions sont utiles et en même temps il sait ne pas froisser les gens, ce qui est très important. G. V. : Il est très diplomate. Les Actions éducatives et culturelles Les AEC, considérez-vous que cette action soit importante pour former le public? H. L. : C est évident. Vu la place de la musique dans les écoles et les collèges, je pense que les structures professionnelles ont un rôle à jouer prédominant. Il est intéressant d aller vers d autres publics. G. V. : Cela rend l orchestre plus accessible, faisant oublier cette image trop stricte d hommes en noir! F. B.: L intérêt réside dans la variété des formes d animations. J aime bien le système où les enfants viennent à nous, proches de nous. J aime aussi aller dans les facs, et j ai beaucoup aimé les concerts éducatifs. H. L. : Il ne faut pas non plus empiéter sur le rôle des conservatoires. Chacun son rôle. C.E.: Aller dans les classes, ce n est pas notre métier. Par contre, il est très intéressant que les enfants viennent nous voir jouer. Propos recueillis par Emmanuelle Lucchini et Julie David Transcription Mélanie Chardayre Extrait de la partition du Sacre du Printemps de Stravinski. Première partie, L Adoration de la terre.