Projet expérimental de Physique Statistique ETUDE D UN JET TURBULENT. Eruption du volcan Asama (Japon), 1973



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Projet expérimental de Physique Statistique ETUDE D UN JET TURBULENT Cyclone Helena Turbulences océaniques Ecoulement turbulent autour d une voiture Ecoulement turbulent autour d un oiseau Eruption du volcan Asama (Japon), 1973 jet turbulent

Sommaire : 1. Introduction... 3 2. Rappels d hydrodynamique générale... 3 2.1 Equation de Navier-Stokes... 3 2.2 Ecoulements laminaires et turbulents, nombre de Reynolds... 3 2.3 Ecoulements au voisinage d une paroi... 5 2.4 Approximation de la couche limite... 6 3.Physique du jet turbulent... 9 3.1 Description qualitative du jet... 9 3.2 Notion de turbulence... 10 3.3 Nécessité d'une description statistique de l'écoulement... 12 3.4 Dissipation dans le jet turbulent : cascade de tourbillons... 12 3.5 Zone pleinement turbulente : autosimilarité... 14 3.5.1 Forme du jet... 14 3.5.2 Autosimilarité du profil de vitesse moyenne... 14 3.5.3 Lois phénoménologiques... 15 4. Montage expérimental... 17 4.1 Le jet... 17 4.2. Mesure de la vitesse d'un fluide... 17 4.2.1 Mesure statique... 17 4.2.2 Mesure dynamique... 19 4.2.3. Déplacement de la sonde... 19 4.2.4. Branchements électriques... 20 5. Nature du travail à effectuer... 21 5.1 Observation à l'oscilloscope... 21 5.2 Etalonnage du banc de déplacement de la sonde ("calibration XY")... 21 5.3 Etalonnage de l'anémomètre à fil chaud... 21 5.4 Etude des vitesses moyennes du jet... 22 5.5 Etude des turbulences dans le jet... 22 6. Bibliographie... 23 Annexe 1 : Bruit, mesure, précision et auto-corrélation... 24 A1.1 Bruit, incertitude, dispersion... 24 Annexe 2 : programmes et branchements... 28 Annexe 3 : équations de la couche limite appliquées au jet turbulent... 30 1.2.1 Jet bidimensionnel laminaire... 30 1.2.2 Jet bidimensionnel turbulent... 31 2

1. Introduction La grande majorité des écoulements fluides rencontrés dans la vie de tous les jours sont turbulents. On peut citer en exemple (cf photos sur la couverture du poly) : les écoulements d air autour des ailes d avion ou des voitures, les courants océaniques, les mouvements des masses atmosphériques, et même les écoulements sanguins dans notre corps. Ici, nous étudierons l exemple d un jet d air turbulent à symétrie axiale. Nous commençons par rappeler quelques notions indispensables d hydrodynamique avant d aborder la physique du jet turbulent proprement dit. 2. Rappels d hydrodynamique générale 2.1 Equation de Navier-Stokes L équation de Navier-Stokes de la dynamique d un fluide newtonien incompressible s écrit : ρ Dv Dt = ρ( v + v v) = ρg P + µ v (Eq.2 1) t où ρ désigne la masse volumique du fluide et µ sa viscosité dynamique 1 (unité SI : Pa.s) On rappelle (cf cours d hydrodynamique de M. Rabaud) que cette équation est l équivalent de l équation de Newton en mécanique, pour un système physique constitué par une particule fluide (les éléments de l'équation sont des forces par unité de volume). Les termes cinématiques sont dans le membre de gauche. Le terme v. v est un terme convectif inertiel, dû au fait qu on a un système fluide. On parle parfois de force inertielle pour le terme ρ v. v. Dans le membre de droite, on a les forces par unité de volume exercées sur la particule fluide : dans l ordre, on trouve les forces de gravité, de pression et de viscosité. L équation de Navier-Stokes étant a priori non linéaire, à cause de la présence du terme inertiel, elle est en général difficile à résoudre, et rien n indique qu il existe une unique solution (pour des conditions aux limites données). Pour tester la stabilité d'une solution donnée, on peut lui ajouter une petite perturbation et voir si cette perturbation est amplifiée, ou au contraire si elle va se résorber. Note : un fluide est considéré comme incompressible lorsque le nombre de Mach est inférieur à 0.3. Celui-ci est défini comme : Mach = U où U est une vitesse typique de l écoulement considéré et c c est la vitesse du son dans le fluide considéré. La traduction mathématique de l incompressibilité est divv = 0. 2.2 Ecoulements laminaires et turbulents, nombre de Reynolds Le nombre de Reynolds est un nombre qui caractérise l importance du terme convectif de l équation de Navier-Stokes par rapport au terme visqueux. En effectuant le rapport en ordre de grandeur des deux termes correspondants on obtient : " force" inertielle Re = force visqueuse = ULρ µ = UL ν (Eq.2.2) 1 On note ici la viscosité dynamique µ et non η, afin de ne pas la confondre avec la longueur de Kolmogorov (voir plus loin dans le poly) notée traditionnellement η 3

où : U et L sont respectivement une vitesse et une dimension caractéristiques de l écoulement ν est la viscosité cinématique du fluide, définie par υ = µ / ρ (remarquons que ν a la dimension d un coefficient de diffusion, soit des m 2 s -1.) Fig 2.1 : Ecoulement autour d un cylindre, à nombre de Reynolds croissant de gauche à droite En général, dans un écoulement donné, il existe un nombre de Reynolds critique Re C (il s agit plutôt d une gamme de nombres que d un nombre précis) dépendant de la géométrie de l écoulement tel que : Pour Re << Re C l écoulement est laminaire, ce qui signifie que le terme visqueux l emporte sur le terme convectif non linéaire ; l équation de Navier-Stokes est alors linéaire, et ses solutions sont uniques et stables. Pour Re >> Re C l écoulement est turbulent, le transport de quantité de mouvement par convection l emporte sur le terme visqueux. L équation de Navier-Stokes est alors non linéaire et plus difficile à résoudre a priori. De plus, les solutions peuvent être instables. Remarque : la valeur de Re C diffère beaucoup suivant la géométrie de l écoulement. Ainsi, pour un écoulement tridimensionnel autour d un objet sphérique, Re C 1, alors que pour un écoulement dans un tuyau cylindrique, Re C 10 3!! 4

2.3 Ecoulements au voisinage d une paroi L expérience consistera à étudier un jet turbulent, donc à grand nombre de Reynolds. Il se trouve, comme nous allons le voir plus loin, qu on pourra se placer dans le cadre d une hypothèse dite de la couche limite. Nous commençons donc par un court exposé sur cette notion. A cause de la complexité de l équation de Navier-Stokes, on ne sait la résoudre que dans des cas particuliers : U U Fig 2.2 : a) Ecoulement laminaire b) Ecoulement non visqueux irrotationnel Le cas d un écoulement laminaire est le plus simple ; le nombre de Reynolds étant faible, le terme convectif est négligeable et on retrouve une équation linéaire. L écoulement de Poiseuille dans un tuyau cylindrique, le calcul de la force de Stokes (force de frottement visqueux sur une sphère solide en mouvement dans un fluide) entrent dans le cadre de cette hypothèse. Malheureusement, dans la pratique, les écoulements laminaires sont rares, et la grande majorité des écoulements observés sont plus ou moins turbulents. En d autres termes, Re >> 1 et le terme convectif n est pas négligeable, et donc l équation de Navier-Stokes n est plus linéaire. - Un autre cas simple est le cas symétrique du précédent, c est celui du fluide parfait, où l on néglige complètement les phénomènes visqueux. L équation de Navier-Stokes devient r alors l équation d Euler. Si l écoulement est en plus irrotationnel (tel que v = 0 ), alors on peut également résoudre le problème simplement, en faisant intervenir un vecteur potentiel dont dérive la vitesse. Ceci n est pas très réaliste dans la pratique, la meilleure preuve étant qu en présence d une paroi, le fluide glisserait dessus, alors qu on sait qu il existe une condition de non-glissement au voisinage de la paroi. Cela implique notamment qu'aucune force de traînée (force de frottement fluide) ne devrait s exercer sur un solide immergé dans un fluide en mouvement. 5

profil réel de vitesse U y x profil de vitesse pour un fluide parfait δ(x) couche limite visqueuse L Fig 2.3 : Ecoulement réel à grand Re La seule manière réaliste de traiter le problème consiste à se placer dans une approximation ou dans une autre suivant la zone du fluide considérée. Ainsi, sur la paroi solide, la vitesse doit s annuler. Loin de la paroi, la vitesse retrouve la valeur qu elle avait en amont du solide. Il existe donc une zone au voisinage de la paroi où la vitesse varie très vite le long de l axe perpendiculaire à la paroi (y sur le dessin), avec un fort gradient de vitesse à cet endroit. Les effets visqueux y sont donc importants. Remarquons qu on a aussi dans cette zone r v 0 2. Cette zone s appelle couche limite. A grand nombre de Reynolds, son épaisseur δ est petite devant la taille de l objet L. Par contre, loin de cette zone, les effets visqueux sont négligeables, et on peut utiliser l hypothèse d un écoulement non visqueux (et irrotationnel). 2.4 Approximation de la couche limite Nous traitons ici le cas simple d une couche limite bidimensionnelle. Nous nous limiterons à une couche limite laminaire, dans laquelle le champ de vitesse ne varie que lentement dans le temps. Notons v(u, V) les coordonnées du vecteur vitesse suivant les axes x et y définis sur le dessin plus haut. Par définition, le nombre de Reynolds «moyen» de l écoulement est tel que Re = U L >> 1 (Eq. 2.3) υ Dans ce cas, la couche limite a une forme très allongée dans la direction de l écoulement, ce qui implique que : δ << L A l intérieur de la couche limite, les différentes grandeurs varient beaucoup plus vite dans la direction transverse y que dans la direction de son axe x. On aura donc : x << y et 2 2 2 << 2. (Eq. 2.4) x y Regardons les ordres de grandeur, en effectuant une analyse dimensionnelle. L équation de conservation de la masse donne : div v = U x + V = 0 (Eq. 2.5) y 2 Pour forger votre sens physique sur la notion de vecteur rotationnel, voir http://math.la.asu.edu/~kawski/vfa2/ 6

Soit, en ordre de grandeur : U L V (Eq. 2.6) δ Ou encore : V U δ (Eq. 2.7) L Donc l hypothèse δ / L << 1 implique que V / U << 1. L équation de Navier-Stokes donne, par projection sur x et y : U U x + V U y = 1 P ρ x + U υ( 2 x 2 + 2 U 2 ) (Eq. 2.8) y U V x + V V y = 1 P ρ y + V υ( 2 x 2 + 2 V 2 ) (Eq. 2.9) y On a enlevé les termes en t, car on a ici une couche limite laminaire. Le terme U x est d ordre U U, le terme L y est d ordre V. Ces deux termes, d après ce qui δ précède, sont du même ordre de grandeur. En ne gardant dans les deux équations ci-dessus que les termes d ordre le plus bas, on obtient : U U x + V U y = 1 P ρ x + υ 2 U 2 (Eq. 2.10) y 0 = 1 P (Eq. 2.11) ρ y Dans la couche limite, les termes visqueux et convectif sont du même ordre de grandeur, on en déduit : U U x υ 2 U 2 (Eq. 2.12) y Soit : U 2 L υu 2 (Eq. 2.13) δ δ L 1 (Eq. 2.14) Re L hypothèse Re >> 1 implique donc bien que δ << L Remarque : On peut définir un nombre de Reynolds plus local, dans la couche limite elle-même, en prenant comme dimension caractéristique, au lieu de la longueur L de l objet, l épaisseur δ de la couche limite. Mais que choisir pour la vitesse caractéristique, U ou V? Essayons l un ou l autre choix : Si Re δ,u = Uδ υ (Eq. 2.15) Alors Re δ,u Re (Eq. 2.16) Ou si Re δ,v = V δ υ (Eq. 2.17) Alors Re δ,v 1 (Eq. 2.18) Le deuxième choix traduit donc le fait que, à l échelle de la couche limite, les effets visqueux et convectifs sont du même ordre de grandeur (puisqu on retrouve un nombre de Reynolds de l ordre de 1). 7

Remarque : Nous avons traité ici le cas d une couche limite laminaire. Pour un nombre de Reynolds grand, mais encore assez modéré (< 1000), cette couche limite est laminaire. Si l on augmente encore le nombre de Reynolds (Re > 1000), la couche limite devient elle-même turbulente. En aval de l obstacle, il y a décollement de la couche limite et apparition de forts tourbillons. L'image ci-dessous représente une couche limite turbulente. Fig 2.4 : Image par fluorescence laser d'une couche limite turbulente Dans le cas d un jet turbulent, bien qu il n y ait aucune paroi solide et que le jet soit justement libre, on peut utiliser l approximation de la couche limite, à cause de la forme allongée du jet. Le traitement mathématique correspondant est reporté à l'annexe 3. 8

3.Physique du jet turbulent 3.1 Description qualitative du jet Ici, nous vous proposons d étudier un jet libre turbulent, à symétrie axiale. En pratique, ce jet est créé par un ventilateur de vitesse réglable, équipé à sa sortie d une buse cylindrique. Le jet est dit «libre» car aucune paroi n est censée le perturber. On parle aussi de jet «noyé» car le fluide que l on injecte et le milieu dans lequel on l injecte sont identiques (de l air dans les deux cas). Quand on réalise cette expérience, on constate que le jet est pratiquement toujours turbulent 3 : en pratique le nombre de Reynolds critique de transition laminaire/turbulent pour un tel jet vaut seulement 10. Ceci peut sembler paradoxal, dans la mesure où l'écoulement dans la buse cylindrique en amont ne devient turbulent que pour Re > 1000 environ. La différence vient nécessairement du fait qu'on a un jet libre dans l'air ambiant, supposé fixe. Sur les "bords" du jet, il existe un fort cisaillement (une forte contrainte tangentielle due au frottement des couches de fluide les unes sur les autres). Comme ce fort cisaillement existe, non pas au voisinage d'une paroi (comme c'est le cas dans la conduite cylindrique) mais au voisinage de gaz immobile, ce dernier peut très facilement être mis en mouvement. C'est donc ce qu'on observe : en pratique, l'air ambiant est entraîné en mouvement, des tourbillons sont générés au "bord" du jet, à la frontière 4 entre celui-ci et l'air ambiant. A partir de dorénavant, on se place dans le cas où Re >10, et on observe donc un jet turbulent. Si l'on prend une photo de ce jet avec un long temps de pose, on obtient une image moyenne de la forme du jet. Ceci est illustré sur la figure a ci-dessous. Le jet a une forme assez allongée : l'essentiel du mouvement du fluide a donc lieu le long de l'axe du jet. 5 Fig 3.1 : Différentes images d'un jet (Re = 1690). Figures extraites du Tritton, p. 290. Si l'on en prend une photo instantanée, on a l'image de la figure b ci-dessus, ou l'image cidessous, extraite d'une simulation que l'on peut trouver sur : http://www.engineering.uiowa.edu/~cfd/gallery/images/turb6im.gif 3 Nous définissons plus bas cette notion de manière plus précise. 4 Cette notion est un peu floue. 5 C'est pour cette raison qu'on peut utiliser l'approximation de la couche limite pour décrire le jet. 9

Fig 3.2 : Image instantanée d'un jet (simulation) On voit qu'il existe une première zone dans le jet, non loin de la sortie de la buse, où la turbulence demeure assez limitée. Celle-ci semble augmenter entre l'amont et l'aval du jet. On voit également que la "frontière" entre le jet et l'air ambiant est très irrégulière, et très fluctuante. Si l'on ajoute une onde sonore à une fréquence donnée, et qu'on éclaire le jet avec un stroboscope de même fréquence, on peut amplifier des fréquences présentes dans le jet. C'est ce que l'on voit sur la figure f ci-dessus. On peut alors préciser un peu la précédente description : il semble qu'au début du jet (près de la buse) des instabilités périodiques apparaissent, sous forme de tourbillons réguliers (voir aussi la photo de couverture du poly). Puis, au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la buse, ces tourbillons réguliers croissent en taille, sont déstabilisés, et le jet devient "pleinement turbulent". Fig 3.3 : dessin illustrant le modèle du jet utilisé, et faisant apparaître les différentes zones du jet. (dessin extrait de l'article de Malmström et al.) Le jet est ainsi divisé en quatre zones : un noyau central laminaire de forme triangulaire où la vitesse est uniforme, et est égale à la vitesse U 0 à la sortie de la buse. Dans cette zone, la turbulence reste faible. Une zone de transition Une zone pleinement turbulente (zone d'auto-similarité) La signification de ces termes est expliquée dans le paragraphe suivant. 3.2 Notion de turbulence On enregistre un signal temporel en un point donné de l écoulement (la vitesse ou la pression instantanée en un point, par exemple). Dans la zone laminaire, le signal est pratiquement constant dans le temps. 10

Dans les deux zones turbulentes (zone de transition et zone pleinement turbulente), le signal fluctue de manière irrégulière. Si l on fait la transformée de Fourier de ce signal, on a : soit un spectre avec quelques fréquences caractéristiques, peu nombreuses, ce qui correspond à quelques tourbillons bien définis. Ceci correspond à la zone de transition vers la turbulence. soit le spectre est assez riche et contient une multitude de fréquences caractéristiques : on parle alors de turbulence pleinement développée. Le mécanisme de passage d un état à un autre rappelle fortement la transition vers le chaos. De fait, le mouvement turbulent d'un fluide constitue bien un exemple de chaos déterministe. Note 1 : la notion de turbulence n est pas définie très clairement On peut dire que c est un état d instabilité continuelle, caractérisé par une perte de prédictibilité. Elle se produit quand les effets convectifs (non linéaires) sont plus importants que les effets diffusifs. Il apparaît alors de la vorticité caractérisée par le vecteur ω = r v. Deux remarques à méditer, à propos de la vorticité: Paradoxalement, le fait que la convection domine la diffusion visqueuse n empêche pas cette dernière d être indispensable à l existence de la vorticité Un écoulement turbulent fait nécessairement apparaître de la vorticité, mais celle-ci n est pas caractéristique de la turbulence : on peut très bien avoir de la vorticité dans un écoulement laminaire. Par exemple, dans un r tel écoulement laminaire au voisinage d une paroi solide, il existe un fort gradient de vitesse, et v 0. Note 2 : Du point de vue mathématique, la turbulence apparaît quand la solution de l'équation de Navier-Stokes devient instable par rapport à une petite perturbation, qui s'amplifie et diverge. Dans le cas d'un écoulement laminaire, la solution est au contraire stable par rapport à une petite perturbation (qui se résorbe d'elle-même). 11

3.3 Nécessité d'une description statistique de l'écoulement Pour une description plus quantitative de ce jet turbulent, on est obligé, à cause de la nature même de la turbulence, d adopter une description statistique de l'écoulement. On note désormais v( u, v ) les coordonnées instantanées du vecteur vitesse suivant les axes x et r (en coordonnées cylindriques). On les décompose suivant : u = U + u (Eq. 3.1) v = V + v (Eq. 3.2) Avec : U = u = 1 T T u (t)dt (Eq. 3.3) 0 V = v = 1 T T v (t)dt (Eq. 3.4) 0 Ainsi, U et V représentent respectivement les moyennes temporelles de u et v, tandis que u et v indiquent la partie fluctuante de chaque composante de la vitesse (par définition, u = v = 0). Les moyennes temporelles doivent être prises sur un temps T suffisamment long par rapport à tous les temps caractéristiques du phénomène qui nous intéresse. L'équation de Navier-Stokes est bien entendu valable pour les vitesses instantanées u et v. Nous aurons également besoin par la suite de la notion d écart-type sur la vitesse, qui est par définition : σ u = u 2 (Eq. 3.5) σ v = v 2 (Eq. 3.6) On peut également définir le taux de turbulence d'un écoulement comme : u 2 U (Eq. 3.7) 3.4 Dissipation dans le jet turbulent : cascade de tourbillons Comme le jet finit par "s'éteindre" (ou "se diluer" dans le fluide ambiant), son énergie cinétique initiale est nécessairement dissipée. Par quel mécanisme? Kolmogorov (dans les années 1940) a émis l idée qu il existait dans un écoulement pleinement turbulent (en général, pas seulement dans un jet) toute une série de tailles de tourbillons : les plus grands tourbillons de taille L sont anisotropes (ils sont déformés dans la direction moyenne de l écoulement), et ils contiennent la plupart de l énergie cinétique. Ces tourbillons transmettent de proche en proche leur énergie (sans perte d'énergie) aux tourbillons de taille un peu plus petite qu eux, jusqu à ce qu on arrive aux tourbillons de taille la plus petite (notée généralement η, attention à ne pas confondre avec la viscosité dynamique), qui sont ceux où la dissipation visqueuse va avoir lieu (on retrouve alors Re 1 à l échelle de ces plus petits tourbillons). Avant d arriver à ces plus petits tourbillons, la viscosité ne joue aucun rôle. On parle dans la littérature de cascade de tourbillons. η est appelée échelle de Kolmogorov. 12

On peut remarquer que les petits tourbillons sont supposés isotropes : à leur échelle, l information sur la direction moyenne de l écoulement a été perdue. Echelles caractéristiques de longueur et de temps : Grands tourbillons : Leur taille est la dimension du jet (son rayon) soit : L = δ. (Eq. 3.8) Le temps caractéristique associé est τ L L σ v (Eq. 3.9) Où σ v représente la vitesse quadratique moyenne. Elle intervient ici car les tourbillons sont par définition associés à la turbulence, c est donc σ v qui donne la bonne échelle de vitesse. Petits tourbillons : Par définition, la taille des plus petits tourbillons, η, est telle que le nombre de Reynolds y soit localement de l ordre de 1, ce qui donne : Re = σ vη 1 (Eq. 3.10) υ Le temps caractéristique associé est : η υ σ v (Eq. 3.11) τ η η σ v υ2 σ v (Eq. 3.12) Fig 3.4 : Représentation schématique d'une particule fluide au sein du jet turbulent, dans des configurations successives (dessin extrait du Tritton p. 319) En termes d'énergie, on peut introduire la puissance massique ε dissipée dans l'écoulement. Dimensionnellement, elle ne peut dépendre que de ν et de η (et pas de L, puisque la dissipation a lieu à petite échelle). L'unité de ε est [ε] = L 2 T -3, donc on trouve : η = ( υ3 ε )1/ 4 (Eq. 3.13) 13

3.5 Zone pleinement turbulente : autosimilarité 3.5.1 Forme du jet Nous raisonnerons ici uniquement sur les vitesses moyennes, et nous utiliserons des arguments très simples, afin de dégager quelques lois sur le jet turbulent. Nous avons déjà noté que le jet turbulent avait une forme allongée, ce qui implique que l'essentiel du mouvement du fluide a lieu selon l'axe du jet. On a donc V << U. U décroît donc assez vite suivant l'axe r. On peut définir le rayon du jet δ comme : U(r = δ) = U(r=0)/2 (Eq. 3.14) Dans la zone pleinement turbulente, on se situe à une distance grande devant la dimension de la buse. On n'a donc plus aucun paramètre caractéristique ayant la dimension d'une longueur. On a donc nécessairement, pour la largeur δ du jet à une distance x de la buse : δ X (Eq. 3.15) Où l'on a posé : X = x x 0 (Eq. 3.16) x 0 représente l'origine fictive du jet pleinement turbulent (elle peut être aussi bien en amont qu'en aval de la buse). Le jet a donc une forme conique. On utilise donc les coordonnées cylindriques (r, θ, X) par la suite. 3.5.2 Autosimilarité du profil de vitesse moyenne De même, dans la zone pleinement turbulente, on n'a aucun paramètre caractéristique ayant la dimension d'une vitesse. La vitesse longitudinale moyenne est donc nécessairement de la forme : U = U C f ( r ) (Eq. 3.17) δ où U C représente la vitesse moyenne sur l axe du jet : U C = U (X, r=0) (Eq. 3.18) On dit que la structure du jet dans la zone pleinement turbulente est autosimilaire. Conservation du débit de quantité de mouvement La pression dans le jet est sensiblement la même que dans l'air extérieur. Or cette dernière est uniforme et égale à la pression atmosphérique. On peut en déduire qu'il n'y a pas de force de pression exercée sur le jet. Comme les effets de la gravité sont également négligeables à cause de la faible dimension du jet, on n'a finalement aucune force extérieure qui s'exerce sur le jet. A partir de là, on peut comprendre qu'il y ait conservation du débit de quantité de mouvement dans le jet. Celui-ci est défini par : + M = ρ U 2 2πrdr (Eq. 3.19) Pour une démonstration plus rigoureuse de cette conservation du débit à partir de l'équation de Navier-Stokes, voir en annexe. Remarque : on peut noter l analogie avec ce qui se passe lors d un choc mou entre deux objets, où l on a, de la même façon, conservation de la quantité de mouvement totale, et diminution de l énergie cinétique totale Conséquence sur le profil de vitesse La conservation du débit de quantité de mouvement s écrit : 14

soit : avec : + M = ρ U 2 2πrdr indépendant de X (Eq. 3.20) + 2 2 ρu Cδ ε f 2 (ε)dε indépendant de X (Eq. 3.21) ε = r (Eq. 3.22) δ On en déduit donc : 2 ρu Cδ 2 indépendant de X. (Eq. 3.23) Si le nombre de Reynolds est suffisamment grand, les caractéristiques grossières de l écoulement sont indépendantes de la viscosité ν (hypothèse de similarité du nombre de Reynolds), notamment U C. On peut alors écrire : U C = U C (X, ρ, M) (Eq. 3.24) Dimensionnellement, on a M 1 U C (Eq. 3.25) ρ X On en déduit à nouveau : δ X (Eq. 3.26) Débits de masse et d'énergie cinétique Si l'on s intéresse maintenant au débit de masse, défini en coordonnées cylindriques par : + m = ρ U2πrdr (Eq. 3.27) On montre facilement que le débit de masse doit augmenter avec X, suivant : m X (Eq. 3.28) Quant au débit d énergie cinétique, défini par : E = 1 2 ρ + U 3 2πrdr (Eq. 3.29) On montre qu il diminue avec X suivant : E 1 (Eq. 3.30) X Nous vous laissons le soin de vérifier et d interpréter physiquement ces deux résultats. 3.5.3 Lois phénoménologiques Différentes études expérimentales ont porté sur le jet d air turbulent axisymétrique. Nous avons essayé de synthétiser les résultats de quelques unes de ces études dans le tableau un peu plus loin: Conservation du débit de quantité de mouvement dans le jet : M = M 0 = πd2 4 ρu 0 2 (Eq. 3.31) où M 0 est le débit de quantité de mouvement à la sortie de la buse d est le diamètre de la buse U 0 est la vitesse du jet à la sortie de la buse On pose encore : 15

X = x x 0 (Eq. 3.32) x 0 représente l origine fictive du jet autosimilaire Débit de masse m = α X m 0 d où α est une constante numérique (sans dimension) Variation avec X de la vitesse sur l axe du jet U C (X ) = K d U 0 X (Eq. 3.33) (Eq. 3.34) Profils transverses de vitesse moyenne U U(X ) = U C (X ) exp( 66.62 ( r x )2 ) (Hussein) (Eq. 3.35) 1 U(X ) = U C (X ) (1+ 41.5(r x) 2 2 ) (Padet) (Eq. 3.36) Forme du jet : δ est défini par : δ = tanβ X (Eq. 3.37) r = δ(x) pour U(X ) U C (X ) = 1/ 2. (Eq. 3.38) Auteurs Re α Κ x 0 / d tanβ Ricou et > 2.5 10 4 0.318 Spalding 1961 Hussein et al. 10 5 0.324 5.8 4 0.102 1994 (x < 100*d) (x < 100*d) Padet > 10 3 0.6 (Pbl 6.3 0.1 facteur 2) Malmström 1997 7 10 3 < Re < 9.7 10 4 3.98 < K < 5.69-2 < x 0 < 5.2 0.103 < tanβ < 0.147 16

4. Montage expérimental 4.1 Le jet Un ventilateur à vitesse réglable est utilisé pour générer le jet. Ce ventilateur envoie un débit d air constant à travers une buse à sortie cylindrique, de diamètre 2 mm, et de rapport longueur/diamètre supérieur à 10. Un jet d'air à symétrie axiale, immergé dans l'air environnant, est ainsi créé à la sortie de la buse. Figure 4.1 : Montage expérimental. Un ventilateur (derrière la paroi, invisible sur cette photo) envoie Buse du jet cylindrique Fil chaud Support du fil chaud Tube de Pitot Banc de déplacement Potentiomètre un débit d air constant à travers la buse. 4.2. Mesure de la vitesse d'un fluide La façon la plus simple d étudier le jet est de mesurer la vitesse de l air en différent points de l espace. Vous utiliserez deux types d anémomètres, qui sont utilisés en laboratoire ou dans l industrie. 4.2.1 Mesure statique Une façon de mesurer la vitesse d un jet est de mesurer la pression d arrêt. La figure suivante présente le principe de cette mesure : un tube Pitot est placé dans un écoulement, et crée un point d arrêt (c est-à-dire un point ou une ligne de vitesse s arrête, le point B). En appliquant le théorème de Bernouilli, la pression au point B est directement reliée à la vitesse au point A. Remarques : o Quelles sont les conditions à vérifier pour que le théorème de Bernouilli soit applicable? o Que vaut la pression au point A (attention, la justification n est pas évidente)? o Il s agit ici d un tube Pitot simple, à mesure de pression d arrêt. Il existe des tubes Pitot doubles, avec deux ouvertures. 17

Buse O A Tube Pitot Figure 4.2 : Tube Pitot pour mesurer la pression d arrêt. Le tube de Pitot est relié à un manomètre à tube incliné (cf cf Figure pour le principe et Figure pour le montage expérimental), qui permet de déterminer les pressions P A et P B (avec P A >P B ) en fonction de la distance l, de l angle α et des masses volumiques du liquide ρ L et du gaz ρ G. Figure 4.3 : Manomètre à tube incliné. Sous l'action de la surpression en A, le liquide monte de l dans le tube incliné de l angle α par rapport à l horizontale Le liquide choisi est, selon la gamme de pression mesurée, du mercure, de l'eau ou de l'alcool. On augmentera la sensibilité de l'appareillage en diminuant la différence ρ L -ρ G. Dans notre cas, on prendra de l'alcool (ρ L = 800 g/l) et de l'air (ρ G = 1 g/l). Il est important de noter que le temps de réponse d'un tel manomètre peut atteindre plusieurs secondes. À faire : déterminez la relation entre la vitesse au point O, la longueur l et l'angle α.. Effectuer une démonstration rigoureuse et détaillée de cette relation sur votre compte-rendu. Vers P A Vers P B Réservoir à alcool Indicateur de planéité Réglage de la planéité Figure 4.4 : Manomètre à tube incliné utilisé 18

Au fur et à mesure que la pression P A augmente (si l'on suppose la pression atmosphérique constante), on doit utiliser des valeurs de α de plus en plus grandes. Il faut donc, avant de démarrer une série de mesures, veiller à ce que le niveau d alcool soit adéquat pour que le zéro des mesures de l soit indépendant de α. Si ce n est pas le cas, il faut ajouter ou retirer de l alcool. Sur quelle échelle de temps cet ajustement est-il correct? Les quatre positions possibles pour l inclinaison du tube de lecture correspondent à des angles α dont les tangentes valent respectivement 0,05 ; 0,1 ; 0,2 et 0,4 (il y a en fait cinq positions : la position la plus basse correspond à un angle nul). Ces valeurs de α n ont évidemment un sens que si le réglage de la planéité a été effectué. 4.2.2 Mesure dynamique La réponse en fréquence du système précédent est assez limitée. On ne peut donc pas l'utiliser pour mesurer les vitesses instantanées résultant d'une turbulence. C est un anémomètre à fil chaud que vous utiliserez pour faire vos mesures. Cet anémomètre est constitué d'un fil de platine d'un diamètre de l'ordre de 5 µm, et d une longueur d environ 1.5 mm, traversé par un courant électrique. En l'absence de toute autre contrainte, ce courant échauffe le fil jusqu'à une température d'équilibre qui va dépendre de l'écoulement et qui sera d'autant plus basse que la vitesse du fluide sera élevée. La quantité de chaleur fournie par le fil à l'air environnant (convection naturelle sans le jet et convection forcée par l'air du jet en mouvement par rapport à la sonde) est restituée au fil par effet Joule. Le fil est maintenu à température constante (donc à résistance constante) par un circuit d'asservissement qui permet de modifier l'intensité du courant parcourant le fil. Ce circuit d'asservissement est constitué d'un pont de Wheatstone. La loi de King permet de faire le lien empiriquement entre la vitesse de l'air environnant le fil chaud et la tension mesurée aux bornes du pont : V 2 = V 0 2 + av b (Eq 4.1) où V est la tension mesurée pour la vitesse v du fluide, V 0 la tension pour une vitesse nulle, et a et b deux constantes de calibration à déterminer. Un anémomètre à fil chaud a généralement une réponse en fréquence correcte jusque vers 200 khz. Il permet donc une étude de la turbulence (dont les échelles de temps sont inférieures à la seconde dans ce système). Il nécessite en revanche une étape de calibrage, afin de déterminer la valeur des coefficients a et b : pour cela on utilisera le tube de Pitot. Il faut également noter que le fil chaud est principalement sensible à la composante de la vitesse transverse au fil : en effet, la composante de la vitesse parallèle au fil n est pas très efficace pour le refroidir (en terme de convection), et n est donc pas mesurée. En outre, le fil chaud, en moyenne, sera sensible à la moyenne de la norme de la vitesse, et non pas à la moyenne du vecteur vitesse : cela peut imposer des corrections aux mesures. Attention! Un fil de 5 µm de diamètre est évidemment très fragile! 4.2.3. Déplacement de la sonde Les deux sondes sont fixées sur un support mobile. Deux moteurs permettent de déplacer ce support dans les deux directions du plan horizontal, permettant ainsi la cartographie du champ des vitesses dans un plan de symétrie du jet. La présence du tube de Pitot sur le banc de déplacement a-t-elle une influence sur la mesure par le fil chaud? Si oui dans quelle région? Le banc de déplacement est mû dans les deux directions horizontales par des moteurs pas à pas. Leur principe de fonctionnement est le suivant : en détectant le passage à +5 V d'un bit (le bit d'horloge (cf Figure ), le moteur avance d'un pas. Le mouvement du moteur s'effectue 19

donc en écrivant alternativement 0, puis 1, puis 0,... dans le bit d'horloge. 300 pas d un moteur correspondent environ à un déplacement de 1 mm. Figure 4.5 : Fonctionnement d'un moteur pas à pas. A chaque flèche correspond un pas du moteur Le pilotage des moteurs se fera à l aide de la sortie digitale de la carte d acquisition. Les branchements et les programmes qui vous sont fournis pour piloter ces moteurs sont décris dans l'annexe 2. Rappel : Ne jamais modifier les programmes qui vous sont fournis. Utiliser la commande «Save as» pour les écrire dans votre bibliothèque personnelle, où là vous pouvez les modifier. Attention : Le sens de déplacement d un moteur ne doit JAMAIS être inversé sans arrêter préalablement le moteur. Cette opération est mécaniquement douloureuse pour le moteur. Un potentiomètre est associé à chaque moteur et permet d accéder à la position du banc dans la direction associée au moteur. La résistance électrique de ces potentiomètres est reliée linéairement à la position des sondes dans le plan : en montant ces potentiomètres dans un pont diviseur de tension, vous pouvez mesurer la position de la sonde. 4.2.4. Branchements électriques Il y a plusieurs précautions particulières à prendre sur ce montage : Il ne faut pas raccorder le fil chaud au boîtier contenant le pont de Wheatstone si le boîtier est déjà sous tension. Il faut utiliser les borniers qui sont montés sur un support en bois, avec une nappe de fils disponible : en effet, ces fils vous permettront de piloter les moteurs (voir l annexe correspondante) 20

5. Nature du travail à effectuer Les sondes à fil chaud étant très fragiles et onéreuses (environ 100 Euro HT pièce), il est formellement interdit aux étudiants d'y toucher. Pour toute intervention sur la sonde, s'adresser à l'enseignant. Le but de ce projet est d étudier la cartographie des vitesses dans un jet turbulent. Pour cela une sonde à fil chaud motorisée permettra de mesurer les vitesses sur différentes section de ce jet. 5.1 Observation à l'oscilloscope Avant de commencer l'expérience, il convient d'identifier les différentes composantes du montage et d'effectuer les branchements vers les appareils de mesure. La description du montage est donnée au chapitre précédent. Ne pas relier les appareils au secteur sans accord préalable de l'enseignant. Après raccordement au secteur, observer le signal du fil chaud à l'oscilloscope, fourni par l'asservissement à l'entrée du pont de Wheatstone. Cette mesure vous donne une idée des signaux que vous aurez à mesurer. D un point de vue physique, cette mesure vous permet de différencier qualitativement les différents régimes du jet (cône de stabilité, zone de turbulence, etc ). Faites un schéma grossier des diverses zones caractéristiques, en donnant approximativement leur taille, et en indiquant l allure du signal dans ces zones. Dans la zone turbulente, essayez de déterminer un ordre de grandeur du temps caractéristique que devra durer votre mesure pour être représentative d un état moyen indépendant du temps. 5.2 Étalonnage du banc de déplacement de la sonde («calibrage XY») Afin de pouvoir cartographier le champ des vitesses, il faut être capable de mesurer la position du fil chaud. Pour cela, on utilisera la valeur de potentiomètres solidaires des déplacement du chariot. Montez ces potentiomètres en pont diviseur de tension et calibrer leur valeur (voir l annexe correspondante). Évaluez la précision et la sensibilité de cette mesure. Pouvez-vous l utiliser pour piloter des déplacements inférieurs au millimètre? Pour piloter les chariots lors de vos mesures, vous avez à votre disposition des programmes qui envoient un nombre donné d impulsions aux moteurs pas à pas. Quelle est l avantage et l inconvénient de cette méthode? Vérifiez la conversion nombre de pas / millimètre, afin de pouvoir commander le déplacement de votre chariot. 5.3 Étalonnage de l'anémomètre à fil chaud Vous devez étalonner l anémomètre à fil chaud afin de pouvoir mesurer la vitesse de l air dans le jet. Cet étalonnage devra permettre d'établir la relation entre la tension lue aux bornes du pont de Wheatstone et la vitesse de l'air à l'aide de la loi de King. Pour cela, vous allez mesurer plusieurs vitesses différentes à la fois avec votre fil chaud et avec un anémomètre de Pitot tel que celui décrit au paragraphe 4.2. Ce dernier vous permet de connaître la vitesse 21

absolue du jet et sert de référence. Soyez attentifs à ce que vos vitesses de référence couvrent une gamme suffisante pour vos mesures ultérieures. Dans quelle région du jet faut-il établir cette relation? Est-elle valable ailleurs? Quelle est la durée de validité d'un étalonnage? 5.4 Étude des vitesses moyennes du jet Cette partie représente le travail principal de ce projet. Il s agit de voir si les différentes prédictions théoriques peuvent être mises en évidence par ce montage, et de discuter les différences éventuelles. Il faut donc que vous ayez lu les articles fournis, et que vous les ayez compris. En pratique, vous devez également faire un programme qui pilote la sonde à travers des sections du jet, et enregistre les profils de vitesse ainsi que la turbulence. On pourra s intéresser aux points suivants : Quel est le nombre optimum d'échantillons à acquérir pour avoir une valeur moyenne fiable? Un écart-type fiable? Commenter cette réponse en fonction de la position de la sonde dans le jet. Cette question est primordiale pour la suite de votre étude, prenez le temps de bien étudier ce problème, tant du point de vue théorique qu expérimental. Étudier la vitesse moyenne sur un plan transverse à la direction de propagation du jet. Réaliser quelques profils transverses de vitesse. Quelle est la forme du jet? Quel est son angle d'expansion? Étudier l'évolution de la vitesse moyenne suivant l'axe du jet, en fonction de la distance x au point d'émission. Étudier l'évolution du flux de quantité de mouvement du jet immergé en fonction de la distance x au point d'émission. Y a-t-il conservation du débit total de quantité de mouvement du jet à travers les plans transverses, lors de la propagation? Étudier l'évolution du débit de masse du jet immergé en fonction de la distance x au point d'émission. Y a-t-il conservation du débit total de matière à travers les plans transverses, lors de la propagation? Étudier l'évolution du débit d'énergie cinétique du jet immergé en fonction de la distance x au point d'émission. Y a-t-il conservation du débit total d'énergie cinétique du jet à travers les plans transverses, lors de la propagation? Justifier toutes les réponses par les courbes appropriées. 5.5 Étude des turbulences dans le jet Étude qualitative : Essayer de visualiser qualitativement la forme du jet : avec de la fumée, ou avec un stroboscope pour voir les différents tourbillons ; le photographier avec un appareil numérique Étude plus quantitative Il est conseillé de traiter les points suivants dans l'ordre : Étudier l'écart-type de la vitesse dans un plan transverse à la direction de propagation du jet. Réaliser quelques profils transverses de turbulence L étude de la turbulence suppose une analyse de Fourier sur le signal mesuré, c est-à-dire que l acquisition doit fournir une série de points de mesure régulièrement espacés d un intervalle de temps connu. Détailler dans le cahier comment vous comptez procéder. 22

6. Bibliographie Cours de mécanique des fluides de Marc Rabaud (M2) Tritton, Physical Fluid Dynamics Kundu et Cohen, Fluid mechanics Landau, Mécanique des fluides Padet, Fluides en écoulement, Masson Articles : - Ricou and Spalding, Measurements of entrainment by axisymmetrical turbulent jets, J. Fluid. Mech. 11, 21-32 (1961) - Hussein, Capp and George, Velocity measurements in a high Reynolds number momentum conserving axisymmetric turbulent jet, J. Fluid. Mech. 258, 31-75 (1994) - Malmström, Kirkpatrick, Christensen and Knappmiller, Centreline velocity decay measurement in low velocity axisymmetric jets, J. Fluid. Mech., 246, 363-377 (1997) De manière générale, pensez à chercher sur le web, mais conservez l esprit critique!! 23

Annexe 1 : Bruit, mesure, précision et auto-corrélation Le but de cette annexe est de rappeler quelques notions utiles pour ce projet. Il ne s agit pas d un cours de statistique ou de traitement du signal. Vous êtes évidemment encouragés à approfondir ces notions. A1.1 Bruit, incertitude, dispersion À toute mesure physique est associée une incertitude : il est expérimentalement impossible de mesurer une grandeur avec une précision absolue. Déterminer précisément cette incertitude est également impossible, pour les même raisons : il est en revanche possible de l estimer. Quand vous donnez un résultat chiffré, c est à vous d évaluer le degré de confiance que l on peut accorder à votre résultat ; cela dépend de la méthode que vous avez suivie pour l obtenir, et du soin avec lequel vous avez travaillé. Il n y a pas de méthode universelle pour estimer une incertitude, il s agit souvent d appliquer des règles de bon sens, en essayant de déterminer quels sont les chiffres réellement significatifs de votre résultat. On distingue généralement deux types différents d incertitude : le biais systématique et la dispersion statistique. Un biais indique qu une mesure sera systématiquement fausse de la même quantité (ou du même pourcentage) ; c est le cas, par exemple d une balance mal tarée (ou d une mesure effectuée à l aide d un fil chaud mal étalonné). Un biais peut être mis en évidence et compensé par un calibrage de la mesure. Un biais affecte de la même manière toutes les mesures ; il ne peut donc pas être mis en évidence sans la mesure d un étalon. Une dispersion statistique indique que si la même mesure est répétée plusieurs fois, des résultats (légèrement) différents seront obtenus. Les causes de la dispersion peuvent être multiples : il s agit le plus souvent de bruit ; cependant, dans le cadre de ce projet, les fluctuations de la turbulence sont la cause principale de la dispersion. Prenons un exemple : soit un ensemble Σ X = {X 1, X 2,, X N }. Cet ensemble représente N mesures d'une même grandeur physique X, que vous avez réalisées avec un appareil, dans des conditions identiques. Dans un monde idéal, ces N valeurs doivent être identiques ; elles ne le sont pas. Un histogramme permet de représenter graphiquement vos résultats. La forme de cet histogramme est caractéristique de la distribution de vos résultats ; cette distribution dépend de votre source de dispersion (il ne s agit pas obligatoirement d une distribution gaussienne). La moyenne de votre ensemble, µ X, caractérise la valeur autour de laquelle sont distribuées vos mesures. L écart-type σ X de votre ensemble caractérise leur dispersion. Par définition : N µ x = 1 X N i (Eq A1.1) i= 1 1 N σ X = ( X N 1 i µ X ) 2 (Eq A1.2) i= 1 24

Histogramme de S X Histogramme de S µ s X s µx X X µ X Fig A1.1 :Chacun des N éléments de l ensemble Σ X représente un point de mesure. La distribution de ces mesures peut être quelconque. σ X donne une estimation de la dispersion de l expérience. Quand N augmente, µ X et σ X tendent vers des valeurs constantes. L ensemble Σ µ est constitué de M éléments, chacun de ces éléments étant la moyenne de N mesures. σ µx représente donc l incertitude sur la mesure de µ X quand N points ont été utilisés pour calculer cette moyenne. Plus N est grand, plus la distribution de Σ µ tend vers une gaussienne, et plus σ µx tend vers 0. Pour mesurer µ X et σ X avec précision, il faudrait une infinité de mesures : cela prendrait trop de temps. La moyenne que vous mesurez, c est-à-dire pour un N fini donné, µ X,mes (N), a donc une certaine incertitude. Comment l estimer? Un moyen simple est de répéter plusieurs fois la même procédure, c est-à-dire de faire plusieurs fois N mesures, et de construire un ensemble statistique avec les moyennes obtenues. On obtient alors un autre ensemble statistique de M éléments, Σ µ = {µ X1, µ X2,, µ XM }. L écart type de cet ensemble σ µx vous donne alors une estimation de l incertitude sur µ X,mes (N). Le théorème central limite vous donne les résultats suivants : la distribution de votre ensemble des moyennes Σ µ tend vers la distribution normale (gaussienne) quand N augmente ; σ µx ~ σ X / N Vous pouvez tester ces résultats sur un jeu de pile ou face, par exemple. Certains appareils permettent de moyenner un signal sur un temps T donné. Pour des raisons similaires, cette mesure aura une dispersion proportionnelle à T -1/2 (le bruit caractéristique de ces appareils est donc indiqué en unité de V Hz -1/2, quand il s agit d une mesure de tension). Augmenter le nombre de mesures d un facteur 10 permet donc de diminuer l incertitude sur la moyenne mesurée d un facteur ~ 3. (Vous avez dû voir ces notions au cours de la séance S3.) µ mx 25

A1.2. Auto-corrélation Toutes ces considérations sont issues de notions statistiques ; elles impliquent notamment que toutes les mesures X i soient indépendantes les unes des autres. Or ce n est pas le cas dans votre expérience : les fluctuations des mesures sont principalement dues à l existence de turbulences. Grossièrement, ces turbulences traduisent le fait que des vortex (tourbillons) passent au travers de votre sonde. Ces vortex ont une certaine taille, une certaine vitesse, et vont donc mettre un certain temps, τ, pour traverser votre fil chaud. Si l intervalle entre deux mesures est inférieur à τ, alors ces mesures ne seront pas indépendantes, puisqu elles caractérisent alors le passage du même vortex. Cas extrême, si vous faites vos N mesures dans un intervalle de temps plus petit que τ, vous allez très bien caractériser le passage d un vortex donné, mais votre mesure ne sera absolument pas représentative de l état stationnaire moyen du jet. Pour quantifier la notion d indépendance des mesures, il faut utiliser la notion d autocorrélation, R(t). Cette fonction va mesurer si deux mesures, séparées par un intervalle de temps t donné, sont statistiquement corrélées. Reprenons l ensemble {X i } des mesures, et supposons que ces mesures sont faites à des intervalles de temps réguliers dt. Alors, pour un temps t = k dt, on a la formule suivante : R(t = k dt) = Moyenne[(X i - µ X )(X i+k - µ X )] / σ X 2 (Eq A1.3) Pour t = 0, on trouve R(0) = 1 ; le fait qu une mesure soit corrélée avec elle-même n est pas étonnant. X i+k - µ X X i+k - µ X X i+k - µ X X i - µ X X i - µ X X i - µ X Fig A1.2 : Une façon de se représenter la notion de corrélation est de travailler dans l espace ( (X i - µ X ), (X i+k - µ X ) ). Si la mesure X i n est pas corrélée à la mesure X i+k, alors l ensemble Σ X sera représenté par une distribution aléatoire (figure de gauche). En revanche si une corrélation existe, alors les points de Σ X favoriseront certains quartiers du plan : la figure centrale représente un exemple de corrélation positive (si X i - µ X est positif, alors X i+k - µ X a plus de chance d être positif que négatif), la figure de droite un exemple de corrélation négative. Si t est suffisamment grand, X i et X i+k vont être statistiquement indépendantes : le fait de savoir si X i est plus grand (ou plus petit) que µ X n apporte aucune information sur la valeur de X i+k. Le produit (X i - µ X )(X i+k - µ X ) aura alors une moyenne nulle, R( ) = 0. Pour les temps intermédiaires, t ~ τ, les mesures seront corrélées. Cela signifie que si X i est plus grand que µ X, alors X i+k aura statistiquement plus de chance d être plus grand que µ X (dans le cas d une corrélation positive, 0 < R(t) < 1), ou alors moins de chance d être plus grand que µ X (cas d une corrélation négative, -1 < R(t) < 0). 26

Le temps caractéristique T cor que met cette fonction pour tendre vers 0 donne une estimation de l intervalle de temps sur lequel les mesures seront corrélées (T cor ~ τ). En général, on utilise la définition suivante : T cor = R(t)dt (Eq A1.5) R (t) 0 1 0 t T cor Fig A1.3 : Exemple de courbe d auto-corrélation temporelle. L aire du carré représente la même surface que l aire sous la courbe R(t). T cor est le temps caractéristique de l autocorrélation. Dans le cas précis de la mesure de la turbulence dans le jet, la carte PCI permet d enregistrer N = 1000 points à une certaine fréquence F (dt = 1/F est le temps entre deux mesures). Si dt > T cor, alors les mesures X i seront statistiquement indépendantes les unes des autres : les formules issues du théorème central limite sont valides. En revanche, si dt < T cor, alors σ µx sera plus grand que ne le prévoit le théorème central limite, car le nombre effectif de mesures indépendantes sera plus petit que N (une partie des mesures «ne compte pas», car n étant pas statistiquement indépendantes, elles n apportent pas d information supplémentaire). La valeur de F va donc influer directement sur la qualité de la mesure de µ X. Note : la corrélation entre deux mesures, spatiales ou temporelles, est une notion importante de la théorie du traitement du signal. La définition donnée ici est très restrictive, appliquée au problème du jet turbulent. Des pistes de réflexions : T cor caractérise-t-il plutôt les grands vortex, les vortex intermédiaires, ou les petits? T cor sera-t-il identique en tout point de l espace? Quel va être l effet de la durée de votre mesure sur sa précision? Quel rôle va jouer le bruit électronique dans votre mesure? 27