Atelier «Retour d expérience» BIENTRAITANCE ET QUALITE DE SERVICE Avignon, 16 et 17 septembre 2011 Michel SCHMITT Pilote de la mission ministérielle «Promouvoir la Bientraitance dans les établissements de santé» 2010 / 2011
Désillusion «Sentiment de subir, d être perdu, livré aux autres Le personnel assure des gestes techniques mais ne tient que rarement compte de ce qu éprouve vraiment la personne soignée. Elle aurait pourtant tellement besoin d être entourée, rassurée, écoutée» Flora, mars 2011 2
Les soignants perdent leurs repères -Triangulation des relations soignant soigné par prise en compte des proches, de la famille ou de tiers (personne de confiance) - Judiciarisation, i i réelle ou fantasmée, de la médecine - Formalisation non comprise des droits des patients - sources multiples d information : internet, presse - Violences - Impact croissant de l organisationnel et du managérial, des contraintes liées à la nécessaire efficience médico-économique (auxquels leurs études ne préparent pas les soignants) le monde de la santé devient une entreprise! 3
Les soignants perdent leurs repères - Notion aujourd hui caduque de libéralisme médical - Évolutions sociales et sociétales : effets 35 heures ; attentes professionnelles, personnelles et sociales des soignants ; valeur «travail» ; difficultés démographiques et économiques ; défaillance des relations professionnelles ; conflits personnels - Remise en cause nécessaire de l encadrement lorsque seules les sanctions positives sont encore admises - Régression du niveau de conscience dechacun, inversement proportionnel au nombre de lois, règlements, instructions et autres normes - Principe, déresponsabilisant, de précaution
Les soignants perdent leurs repères - Cloisonnement entre activités, services et disciplines dont souffrent l hôpital, le patient, la communauté soignante et au final, la société. La démarche de soin n est pas globalisée - Prééminence des techniques, inconsciemment «protectrices», derrière lesquelles s abrite le soignant au détriment de la clinique qui l expose, par crainte de l implication dans des échanges humains Le soignant n est nestsouventsouvent plus que «prestataire», de soins ou de services D ailleurs, la relation humaine privilégiée du soignant avec le malade et ses proches, lorsqu elle existe encore, n est plus valorisée Souvent, le soignant ne regarde plus, ne parle plus, n écoute plus, n entend plus les silences Il ne touche plus le corps du patient, ce qui distancie et met en place des barrières Le lien de confiance peut être mis en cause. L humanisme médical est menacé. Le soignant s abrite derrière la technologie et pas seulement du fait de la judiciarisation des pratiques! Il devient «captif» de mondes virtuels 5
Que devient le bon soin, la bientraitance it??? 7
Tendre à la Bientraitance, une lubie de Bisounours? La bientraitance n est : - ni un truc de «mémère», de «nunuche», de «bonne femme», de «bien pensant», de «catho» ou de professionnels en déshérence, - ni une stratégie de convenance (avant une visite de certification ), un effet de mode, un comportement de circonstance, une politique d opportunité ou de bienséance, - une démarche de bonne conscience, - ou une tentative de manipulation de soignants, désemparés par les évolutions socio économiques du monde de la santé mais au contraire : - un axe fort d amélioration i qualitative i du soin et du service rendu, centré sur la personne soignée et ses proches - un puissant levier managérial qui donne du sens à l engagement du soignant en touchant t le cœurde sonmétier - une action centrée sur les valeurs du soin 8
Malgré son bouclier technologique et scientifique, animé par la force de sa fragilité, quel soignant n a jamais : Été touché par les conditions d attente des personnes hospitalisées? Par leur mode de transfert entre les services? Hésité sur les modes de communication à adopter avec les patients, par exemple lors d actes lourds ouinvasifs if? Ou lors de l accueil de personnes d une origine i ethnique autre que la nôtre? Été affecté par les circonstances de l annonce du cancer, d une maladie grave ou chronique, d une MST, d un handicap, d une stérilité, d une fin de vie, d une pathologie psychiatrique, d une maladie rare ou «orpheline», d une amputation? Eté perturbé par la prise en charge d enfants denfants ou de personnes aux facultés de communication perturbées, démentes? Hésité sur la prise en charge de la souffrance et de la détresse de la personne accueillie, des proches et/ou des personnels, du handicap? Eté ému par le regard d une personne, soignée ou soignante? 9
Nous sommes, tous, maltraitants
La maltraitance «ordinaire» Etroitement corrélée à l asymétrie de la relation soignant / personne soignée, la maltraitance «ordinaire», quotidienne, banale et banalisée, la «maltraitance des détails» ne se mesure pas à la taille d un hématome ou d une plaie! Elle est latente t, consubstantielle ti du soin, et se définitit comme : «tout acte volontaire ou non attitude propos négligence omission action ou «tout acte, volontaire ou non, attitude, propos, négligence, omission, action ou absence d action portant atteinte à l intégrité physique, psychologique ou morale d une personne soignée ou de ses proches»
La maltraitance «ordinaire» La maltraitance «ordinaire» est essentiellement due à la banalisation, à l indifférence de la communauté soignante face à une «personne» qui se sent devenir «transparente», se dilue dans l appareil de soin, avant de disparaitre Absence ou refus de communication (verbale ou non verbale), manque d écoute Non respect des besoins élémentaires de la personne Prise en charge non suffisante de la douleur (traumatologie, cancérologie, actes interventionnels, ), de la souffrance Ennui et inoccupation des personnes accueillies
La maltraitance «ordinaire» Absence de prise en compte de la peur, de la pudeur, de la gêne, du sentiment d infériorité des personnes soignées et de leurs proches : la relation soigné/soignant est asymétrique +++ Défauts institutionnels et/ou organisationnels : délais de rendez vous, attente des résultats, durée exagérée des examens Absence de convivialité, d un minimum de confort des locaux (bruits, excès de lumière, froid et autres nuisances) Problématique de l accès aux soins (géographique, financière, culturelle ) «Petites» choses de la vie La maltraitance est absence d humanité et de bienveillance
Tendre à la bientraitance Tendre à la bientraitance Tendre à la bientraitance, un acte managérial fort qui redonne du «sens» aux soignants Comment initier une démarche de bientraitance? Comment faire adhérer les professionnels?
Et si c était moi???
Mise en place d un groupe de travail dédié Représentants de toutes les catégories de professionnels Représentants des patients et de leurs proches : d une part désignés par la CRUQ PEC d autre part «recrutés» par «petites annonces» dans les salles d attente Animation du groupe confiée à un représentant des personnes soignées Encadrement???
Lettre de mission : se rencontrer, parler et s approprier! Discuter, lister puis ECRIRE, lesvaleurs fondamentales du soignant, partagées par la communauté Discuter, lister puis ECRIRE, les conduites inacceptables Proposer les éléments constitutifs d une Charte Qualité «Tendre à la Bientraitance Prévenir la maltraitance» destinée à devenir l axe central du règlement intérieur et surtout passer du conceptuel à l organisationnel en rédigeant des Fiches Techniques (ou Fiches «Action») facilement applicables et évaluables +++ Décliner les travaux en Engagements concrets des professionnels
Valeurs fondamentales du soin partagées par la Communauté soignante
Les valeurs fondamentales du soignant 1. Respect de l Homme accueilli et de ses proches, de leur dignité, de leurs droits (respect de la parole, de l écoute ). Toute personne a droit à la promotion de son autonomie et de ses droits citoyens. 2. Le soin ne se limite pas à un geste technique : la personne soignée ne se résume pas à un champ d exploration, à un organe ou une pathologie, à un objet d examen, à un sujet d étude ou de publication 3. La famille, les proches, l environnement font partie de l univers de la personne accueillie et doivent être prises en compte par la Communauté soignante
Conduites inacceptables
Conduites inacceptables Non respect de la déontologie et de l éthique professionnelles dont l organisationnel, le managérial et l institutionnel!!! 1. Non satisfaction des besoins essentiels (dont la prise en compte de la souffrance et de l autonomie) 2. Atteintes à la liberté et la dignité de l humain, tant physiques que morales, à son intégrité ou à son autonomie 3. Evocation sans raison de la maladie afin d humilier la personne 4. Comportements d omission, de complicité ou de négligence
Conduites inacceptables 5. Corrections physiques et contraintes 6. Absence de prévention de la maltraitance et non respect de l obligation de signalement des conduites maltraitantes La maltraitance est un acte inacceptable, répréhensible. La conduite à tenir doit être «protocolée» dans les structures de de tous les intervenants de la communauté soignante. soin et connue 22
Charte qualité «Prévenir la maltraitance, tendre à la bientraitance»
Fiches «Action» La bientraitance passe par des actions concrètes, simples, aisément applicables Attente des personnes hospitalisées Communication avec les patients lors d examens lourds ou invasifs Respect de la nudité et de l intimité (tant physique que psychologique) des personnes soignées Accueil des personnes aux facultés de communication perturbées, ou démentes Dispositif d annonce du cancer ou d une maladie grave Prise en charge de la souffrance de la personne accueillie, de ses proches mais se e c a ge de a sou a ce de a pe so e accue e, de ses poc es as aussi du personnel
Réduction des délais de rendez vous Réduction des durées de séjour en salle de soin et d attente Réduction des délais de transmission des résultats, des lettres de sortie Communication des résultats et mesures aux personnels Modalités de signalement (information des services sociaux et signalement judiciaire) des maltraitances 26
Se présenter Exemple d engagements de soignants Dès la prise de rendez-vous vous, informer la personne soignée et ses proches du déroulement de l acte envisagé, de sa durée (garde d enfants, vie professionnelle et sociale : il n y a pas que le temps du soignant qui soit précieux!), de l hospitalisation éventuelle, des complications raisonnablement prévisibles Respecter les heures de rendez-vous ou, en cas de retard, informer la personne accueillie et lui en expliquer la cause Rendre les salles d attente plus conviviales (décors, musique, ) Gérer au mieux les situations ti de nudité en respectant t la pudeur des personnes soignées et la gêne des proches Ne jamais laisser une personne repartir avec des inquiétudes et interrogations : Donner les informations nécessaires avant et après le geste de soin Donner un compte rendu oral (ou expliquer pourquoi cela n est pas possible) et Donner un compte-rendu oral (ou expliquer pourquoi cela nestpas possible) et convenir d un rendez-vous ultérieur, au besoin téléphonique
Eléments de définition de la Bientraitance La Bientraitance est une posture professionnelle dynamique, individuelle et collective de soin, s adaptant aux évolutions de la société grâce à une veille et à une vigilance constante. Elle nécessite une confiance pérenne entre les intervenants, et donc la contradiction, l écoute, puis la remise en cause permanente, éthique et technique, de tous les acteurs de la communauté soignante dont elle centre les actions et les engagements sur la personne soignée et ses proches. Elle décline les différents aspects du RESPECT de l altérité, de la dignité et de l intériorité des personnes et de leur entourage. 28
Eléments de définition de la Bientraitance Elle suppose acquises, au préalable : 1. Les bonnes pratiques professionnelles, grâce aux actions de formation initiale et continue 2. La prise en charge : des besoins fondamentaux de la personne soignéeet desesproches, de la souffrance, tant du soigné que de l équipe soignante 3. La prévention de la maltraitance Démarche active, la bientraitance est le respect, l humanisme mis en actes Elle n est jamais acquise! Elle associe savoir faire et savoir être
Eléments de définition de la Bientraitance La «Bientraitance» n est pas le simple contraire de la maltraitance Ne pas faire de mal ne veut pas dire faire du bien Tout comme : ne pas faire de bien ne veut pas dire faire du mal Ne pas être maltraitant ne veut pas dire être bientraitant! Mais aucune action pour tendre à la bientraitance n est possible si la maltraitance n est pas prévenue! 30
La Souffrance
La souffrance Bientraitance Réflexion sur la souffrance de la personne soignée, de ses proches mais aussi des membres de la «Communauté Soignante»
La souffrance Comment un soignant en souffrance, car non respecté et non valorisé, pourrait-il il être bientraitant? Une réflexion doit avoir lieu sur le bien être au travail du soignant
Les souffrances 1. Souffrances liées à l organisationnel et à l institutionnel Quel que soit le secteur d activité, pour donner des «bornes» et donc des repères aux actions et aux acteurs, il faut arriver, par un débat de professionnels d une part, de société d autre part, à poser des règles et à définir ce qu est : - un travail bien fait (que veut dire bien faire?) - un bon soin (soigner et prendre soin?) 2. Souffrances liées à des comportements personnels dont le manque d attention à des collègues en souffrance 3. Souffrances liées à l accueil des patients : le respect des règles de civilité et de politesse élémentaire doivent être réciproques! 34
Valoriser la communauté soignante L hôpital n est pas qu un centre de coût 35
Conclusions Ensemble, prenons conscience de l existence dans nos structures d une maltraitance passive, ordinaire, par indifférence, par absence au quotidien d humanité et d humanisme Ensemble, assumons ce fait et travaillons pour changer les choses Ensemble, comprenons que la technique a ses limites et que nous soignons des Hommes et non des objets ou des machines Redonnons un sens à l engagement des soignants que nous sommes Être «bientraitant» ne se limite pas à obtenir «plus» de moyens Un sourire, une main tendue ne prennent pas de temps!
Conclusions La dynamique vers la bientraitance doit devenir sociétale! Empreinte de violence, notre société est elle prête à la nécessaire remise en cause pour tendre à la bientraitance? L hôpital ne peut pas devenir le dernier refuge de l humanisme et des valeurs humaines Le monde soignant ne sera jamais qu un reflet de la société, avec ses problèmes et son mal être! 37
«Le médecin doit guérir, parfois, Soulager souvent, Écouter toujours» Ambroise Paré 1514 michel.schmitt@ghca.fr