II ÈME PARTIE LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DU COMMERÇANT : LE FONDS DE COMMERCE ET LES CONTRATS COMMERCIAUX



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II ÈME PARTIE LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DU COMMERÇANT : LE FONDS DE COMMERCE ET LES CONTRATS COMMERCIAUX CHAPITRE I - LE FONDS DE COMMERCE Le fonds de commerce (F.C.) est désormais défini par l art. 79 du code de commerce de 1996 comme étant «un bien meuble incorporel constitué par l ensemble des biens mobiliers affectés à l exercice d une ou de plusieurs activités commerciales». Nous examinerons, d abord, les éléments du F.C., ensuite les contrats qui portent sur le F.C. et les règles destinées à le protéger. Section I - LES ELEMENTS DU F.C. Ces éléments sont traditionnellement divisés en deux catégories, suivant leur nature, en éléments corporels et d autres incorporels. I - LES ELEMENTS CORPORELS Il s agit du mobilier commercial, des marchandises et du matériel et l outillage. 1 - Le mobilier commercial : c est-à-dire tous les objets mobiliers comme les bureaux, les fauteuils, les chaises, les salons de réception, les comptoirs 2 - Les marchandises : C est l objet même du commerce, il s agit de tous les produits et objets destinés à la vente. Mais, en cas de vente du F.C., les marchandises font normalement l objet d un inventaire et leur prix est fixé séparément. 1

3 - Le matériel et l outillage : Ces deux termes sont synonymes, ils désignent tous les biens meubles, autres que le mobilier commercial, qui servent à l exploitation du fonds, exemple : les appareils et machines, les moyens de transport Il faut noter cependant que ces éléments corporels n ont pas toujours une importance dans un F.C., sauf par exemple les appareils et machines dans l industrie, le mobilier dans l hôtellerie ou les véhicules de transport (bus et cars) dans le commerce de transport Par conséquent, bien que ces éléments corporels fassent partie du F.C. : - le vendeur du fonds reste libre de les exclure de la vente et les vendre à une autre personne ; - de son côté, l acquéreur du F.C. peut parfaitement se passer du matériel, outillage et mobiliers anciens. Par ailleurs, il existe bien des F.C. qui n ont pas de marchandises telles que les fonds des courtiers et agents d affaires Il reste que, ce sont les éléments incorporels qui confèrent son importance au F.C. II - LES ELEMENTS INCORPORELS Ce sont les éléments les plus divers du F.C. et les plus importants. 1 - La clientèle : C est l élément le plus important du F.C. ; d ailleurs, en vertu de l art. 80 du code de commerce, la clientèle est devenue un élément obligatoire du F.C.. Ce dernier ne peut en effet exister sans la clientèle. La clientèle est la faculté de grouper les clients habituels au commerce. Il ne s agit donc pas de l ensemble des clients d un commerce, car le commerçant ne possède pas la clientèle, il n en a pas le monopole et il suffit d une mauvaise gestion pour la perdre. 2

Cependant, bien que la clientèle soit l élément le plus important du F.C., cet élément reste insuffisant pour constituer à lui seul un F.C. ; la clientèle elle - même n existe que parce qu elle est attachée à certains éléments du F.C., ce sont ces éléments qui servent de support à la clientèle, ce sont eux qui sont en mesure de grouper la clientèle. Ces éléments vont varier suivant le type de commerce. 2 - Le nom commercial : C est l appellation empruntée par le commerçant pour l exercice de son commerce. # Il peut s agir du nom patronymique du commerçant ( ou nom civil ), exp. Établissement Ben Chekroun 1, ou d un pseudonyme, exp. Garage El Bahja, ou d un nom de fantaisie, exp. Hôtel Yasmine. # En ce qui concerne les sociétés commerciales, le nom commercial est dit dénomination sociale qui est généralement désignée par l objet de l activité de l entreprise 2. Cependant, en cas de cession du F.C., le vendeur peut, par une clause expresse, interdire à l acquéreur d user de son nom commercial, cette clause aura pour effet d exclure la cession du nom commercial avec le F.C., dans ce cas, le vendeur n a plus le droit de céder l usage du nom à un autre commerçant, sous peine de concurrence déloyale. # Le nom commercial fait par ailleurs l objet d une protection particulière par le législateur : - L art. 70 code de commerce donne le droit de faire usage du nom d un commerçant ou d une raison de commerce exclusivement au propriétaire de ce nom ou de cette raison, à condition de l inscrire au R.C. et de le faire publier dans un journal d annonces légales ; celui qui a un nom de famille identique doit ajouter à son nom une autre indication qui le distingue du nom commercial existant ; 1 - Le nom patronymique est hors du commerce, c est-à-dire ne peut être cédé. 2 - La nouvelle loi sur les sociétés commerciales a supprimé la raison sociale, en ce qui concerne les sociétés de personnes, qui était désignée, non par l objet social, mais par le ou les noms d associés. 3

- de son côté, l art. 72 code de commerce permet au commerçant de contraindre celui qui a fait illégalement usage de sa raison de commerce, à opérer la modification de la mention qu il a fait inscrire au R.C. et même de le poursuivre en justice en dommages-intérêts ; - l art. 84 DOC qualifie quant à lui l usage illégal d un nom, de concurrence déloyale susceptible de donner lieu à une action en dommages-intérêts ; - en outre, l art. 124 du dahir 23 juin 1916 relatif à la propriété industrielle, sanctionne d un emprisonnement de 3 mois à 3 ans et/ou une amende toute usurpation ou tout usage frauduleux d un nom commercial. 3 - L enseigne : C est un signe distinctif qui sert à individualiser un établissement commercial. - L enseigne peut prendre la forme d un emblème figuratif, exp. la coquille de Shell, le petit homme de neige de Michelin - Ca peut être une dénomination de fantaisie, exp. Hôtel au Lion d Or, 1000 chemises, Au Rabais, ou un nom d une personne exp. Chez Bahaa, Chez Smaïl ou le nom du quartier de l emplacement du commerce, exp. Café des Oudayas, Hôtel de la Tour Hassan - Souvent l enseigne reprend le nom commercial présenté sous une forme graphique originale, exp. le signe graphique de la CTM L usage d une enseigne semblable à celle d un commerçant du même lieu et faisant le commerce de produits semblables de manière à détourner sa clientèle constitue une concurrence déloyale qui peut donner lieu à une action en dommages-intérêts (Art. 84-2 DOC). 4 - Les licences : L art. 80 parle des licences, mais il s agit aussi des autorisations et des agréments. Elles sont accordées par les autorités administratives concernées pour l exploitation de certains F.C., 4

suivant le domaine d activité : tourisme, transport, hôtellerie, restauration, cinéma, vidéo, boissons alcooliques 5 - Le droit au bail : Ce droit n a d intérêt que dans le cas où le commerçant n est pas propriétaire du local dans lequel il exerce son commerce. Il est désigné dans la pratique par l expression de «propriété commerciale», ce qui exprime la protection accordée par le législateur aux locataires de locaux à usage commercial contre les éventuels abus des propriétaires des murs qui pourraient avoir des conséquences néfastes sur le commerçant. De plus, il est difficile de concevoir une vente d un F.C. sans local. Le droit au bail est demeuré réglementé par le dahir du 24 mai 1955, ses règles assurent au commerçant le droit au renouvellement du bail et, à défaut, le droit à une indemnité. 6 - Les droits de propriété industrielle : L art. 80 dresse toute une énumération de ces droits ; il s agit des brevets d invention, des licences, des marques de fabrique, de commerce et de service, des dessins et modèles industriels «et, généralement, conclue cet article, tous droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique qui y sont attachés». Ces droits continuent à être protégés par des textes spéciaux : les droits de propriété industrielle sont réglementés par le dahir du 23 juin 1916 3, quant aux droits de la propriété littéraire et artistique, qui sont assimilés aux droits industriels, ils restent régis par le dahir du 29 juillet 1970 4. Ces droits constituent un monopole du commerçant dans son exploitation commerciale et, comme ils font partie du F.C., ils peuvent être cédés avec ce dernier, mais pour les exclure il faut prévoir une clause expresse dans le contrat de vente du F.C.. 3 - B.O. du 10/7/1916, p. 690. 4 - B.O. du 7/10/1970, p. 1378. 5

Section II - LES CONTRATS PORTANT SUR LE FONDS DE COMMERCE Le F.C., en tant qu une universalité, c est-à-dire de nature distincte des éléments qui le composent, peut être vendu ( I), affecté en nantissement ( II), des règles communes ont cependant pour but la protection des droits du vendeur et du créancier nanti ( III), enfin le FC peut être mis en location ( IV). I - LA VENTE DU FONDS DE COMMERCE La vente du F.C., à l instar de tout contrat, est d abord soumise aux règles générales du DOC et surtout à celles relatives au contrat de vente prévues par ses articles 478 à 584. Vu ses particularités commerciales, la vente du F.C. a fait l objet d une réglementation spéciale qui fut contenue dans le dahir du 31 décembre 1914 5. Cette réglementation a été reprise par le code de 1996 dans ses articles 81 à 103 tout en subissant des modifications substantielles. Elle prévoit en effet des conditions particulières au contrat de vente du F.C. et partant, des effets spéciaux. A - LES CONDITIONS DE LA VENTE La vente du F.C. est soumise à des conditions de fond et de forme. A - LES CONDITIONS DE FOND Comme tout contrat, la vente du F.C. doit obéir aux règles générales en la matière : le consentement des parties (protection contre les vices tels que l erreur, le dol et la violence), la capacité commerciale (les opérations portant sur le FC étant des actes de commerce), l objet de la vente (les éléments du FC) et le prix de la vente. 5 - B.O. du 11/1/1915, p. 14. 6

B - LES CONDITIONS DE FORME Afin de protéger l acquéreur, l article 81 code de commerce oblige le vendeur d insérer certains renseignements dans l acte même de vente. Par conséquent, la rédaction d un écrit s impose d autant plus que l omission de ces mentions rend l acte annulable. Mais l écrit ne doit pas prendre obligatoirement la forme authentique, il peut être seulement sous seing privé. B - LES EFFETS DE LA VENTE Si la vente du F.C. fait l objet d une réglementation spéciale, c est parce qu elle produit des effets particuliers en dehors des effets généraux de toute vente. Cette réglementation a justement pour effet de protéger tous les intérêts en présence ; les droits de l acquéreur, ceux du vendeur qui consent une vente à crédit et ceux des tiers, en l occurrence les créanciers du vendeur. A - LES RÈGLES PROTECTRICES DES DROITS DE L ACQUÉREUR En dehors des règles générales à toute vente, l acquéreur du F.C. bénéficie d une protection spéciale par le code de commerce. 1 - Les règles générales Il s agit des règles de droit commun de la vente qui posent certaines obligations à la charge du vendeur. - Tout d abord, celui-ci s oblige à transférer la propriété du F.C. à l acheteur. - Ensuite, le vendeur est obligé, comme dans toute vente, de garantir l acheteur contre les vices cachés du F.C. - Enfin, le vendeur est tenu envers l acquéreur de l obligation de non concurrence. 7

2 - Les règles spéciales Désormais, le code de 1996 a institué d autres règles de nature formelle, spécialement destinées à la protection de l acquéreur. L art. 81 a, en effet, prescrit des mentions obligatoires à la charge du vendeur. L acte doit donc obligatoirement mentionner : le nom du vendeur, la date et la nature de son acte d acquisition, le prix de cette acquisition en spécifiant distinctement les prix des éléments incorporels, des marchandises et du matériel ; l état des inscriptions des privilèges et nantissements pris sur le fonds ; s il y a lieu, le bail, sa date, sa durée, le montant du loyer actuel, le nom et l adresse du bailleur ; l origine de la propriété du fonds de commerce 6. B - LES RÈGLES PROTECTRICES DES DROITS DU VENDEUR En tant que meuble, le FC obéit normalement aux règles de droit commun relatives à la vente des biens meubles; à ce titre, l acheteur du FC a pour obligation principale le paiement du prix convenu. Devant l importance de l investissement, un crédit est souvent consenti par le vendeur à l acquéreur du FC ; aussi, le législateur offre des garanties légales au vendeur du FC : le privilège du vendeur (Art. 91 et 92 c. com.) et l action résolutoire (Art. 99 à 103 c. com.). Le vendeur peut même opter pour leur cumul. 1 - Le privilège du vendeur Pour pouvoir bénéficier de ce privilège, le vendeur doit l inscrire au RC. Le vendeur doit, à peine de nullité, procéder à cette inscription 6 - C'est-à-dire les propriétaires successifs du fonds de commerce. 8

dans les 15 jours de la date de l acte de vente. Cette inscription n a pas besoin de publication dans les journaux. L inscription de ce privilège fera alors bénéficier le vendeur d un droit de suite et d un droit de préférence (V. infra III). 2 - L action résolutoire Au moment de l inscription de son privilège 7, le vendeur peut, en plus, opter pour l action résolutoire dans la perspective de récupérer son FC dans le cas où il y verrait un intérêt. A défaut de paiement, elle lui permettra d obtenir l effacement rétroactif du contrat de vente du FC pour inexécution par l acquéreur de son obligation de payer le prix. Pour pouvoir exercer cette action, le vendeur doit la mentionner et la réserver expressément lors de l inscription de son privilège. C - LES RÈGLES PROTECTRICES DES DROITS DES CRÉANCIERS DU VENDEUR Lors de l exercice de son activité, il est naturel que le commerçant soit amené à recourir au crédit, que ce soit dans ses relations avec ses fournisseurs ou avec les établissements de crédit. Il est donc normal qu il doit procéder, préalablement à la vente de son FC, à l apurement de sa situation vis- à- vis de ses créanciers ; ce qui n est pas toujours le cas. C est en prévision de certaines pratiques malhonnêtes que le législateur a instauré des règles pour protéger ces créanciers. Ces règles sont normalement destinées à sauvegarder les intérêts des créanciers chirographaires, mais rien n empêche, en droit, les créanciers gagistes de s en prévaloir ; alors que leur protection est assurée par le droit de suite, il leur est inutile de recourir à l application de ces règles 8. 7 - C'est-à-dire dans les 15 jours de l'acte. 8 - Cass. civ. 21 décembre 1937, D.H. 1938, p. 65. 9

Dans le but de protéger les droits des créanciers, trois mécanismes complémentaires sont mis au point par le législateur : la publicité de la vente du FC, l opposition et la surenchère. 1 - La publicité - Dépôt : Pour que les créanciers soient mis au courant de l opération de vente du FC, l art. 83 du nouveau code impose tout d abord, une fois l acte de vente enregistré, de déposer une expédition de l acte notarié ou un exemplaire de l acte sous seing privé dans les 15 jours de sa date au secrétariat-greffe du tribunal dans le ressort duquel est exploité le fonds ou le principal établissement du fonds si la vente comprend des succursales. - Publication au RC : Ensuite, un extrait de cet acte doit être publié au RC. - Publications au BO et journaux d annonces légales. : Enfin, une double publication doit être entreprise : * Une première publication de tout l extrait inscrit au RC est effectuée sans délai par le secrétaire-greffier au BO et dans un journal d annonces légales aux frais des parties. * Cette publication doit être renouvelée par l acquéreur entre le 8 ème et le 15 ème jours après la première insertion. - La sanction : Etant destinés aux créanciers, le défaut de dépôt et de publicité a pour conséquence que la vente du FC leur est inopposable et l acheteur reste tenu des dettes du vendeur (Art. 89). La jurisprudence est claire à ce sujet, elle considère que l acquéreur du fonds «n est pas libéré vis-à-vis des tiers créanciers. Il demeure susceptible d être actionné par les créanciers du vendeur» 9. En outre, il reste redevable même à l égard de l administration fiscale. 9 - Trib. Casablanca, 27 février 1937, G.T.M. 10/4/1937, p. 111. 10

2 - L opposition Une fois la seconde publicité accomplie, les créanciers du vendeur, même si leur dette n est pas encore exigible, ont un délai de 15 jours pour former opposition au tribunal. Il ne s agit pas d une opposition à la vente du FC, mais au paiement de son prix au vendeur. Par conséquent, le prix de vente doit rester consigné entre les mains de l acheteur pendant le délai de l opposition et même après ce délai au cas où des oppositions seraient formées; s il passe outre cette consignation et paie quand même le vendeur, il ne sera guère libéré vis-à-vis des tiers (Art. 89). Afin de remédier à cette situation de blocage du prix de vente, l art. 85 permet au vendeur, après l écoulement d un délai de 10 jours de l expiration du délai des oppositions, de saisir en référé le président du tribunal afin de l autoriser à percevoir son prix à condition de verser à la caisse du tribunal une somme suffisante, fixée par le président, pour désintéresser les créanciers opposants. 3 - La surenchère Tout créancier, qui se rend compte que le prix de vente déclaré est insuffisant pour désintéresser les créanciers opposants ou inscrits, a la possibilité de formuler son désir d acheter lui-même le FC en se déclarant surenchérisseur 10 et proposer de payer le prix déclaré majoré d un sixième du prix des éléments incorporels. Lors de la surenchère, à défaut d un plus fort enchérisseur, le fonds est adjugé au créancier surenchérisseur du sixième. II - LE NANTISSEMENT DU FC Le code de commerce réglemente le nantissement du FC sans déposséder le commerçant qui continue de l exploiter. 10 - En réalité, cette procédure a pour objectif de lutter contre les pratiques de dissimulation du prix réel de la vente. 11

Du reste, pour que le nantissement du FC puisse produire pleinement ses effets, ses conditions (A) et ses formalités (B) doivent être rigoureusement respectées. A - LES CONDITIONS Tous les éléments du FC énumérés à l art. 80 sont susceptibles d être compris dans le nantissement à l exclusion des marchandises, le législateur entend garder cet élément du fonds aux créanciers ordinaires. B - LES FORMALITÉS Exactement comme pour l acte de vente, le nantissement du FC doit être dressé par un acte authentique ou sous seing privé et déposé au tribunal dans lequel le fonds est inscrit dans les 15 jours de sa date. Ce dépôt sera suivi de l inscription d un extrait de l acte au RC, mais aucune publication dans le BO ou les journaux n est exigée. Cette inscription du nantissement au RC doit, à peine de nullité, être prise à la diligence du créancier gagiste dans les 15 jours de l acte constitutif, autrement dit, à défaut de cette inscription, le nantissement sera purement et simplement inopposable aux autres créanciers du propriétaire du FC. Cette inscription conserve le privilège pendant 5 ans et doit être renouvelée à l expiration de ce délai, sinon son effet prend fin et il est procédé à sa radiation d office par le greffier (Art. 137). III - LES REGLES COMMUNES A LA VENTE ET AU NANTISSEMENT DU FC En dehors de l action résolutoire qui est propre au vendeur du FC, le législateur a institué des règles communes à la vente et au nantissement qui ont pour effet de protéger les droits du vendeur et du créancier nanti ; il s agit en l occurrence du droit de suite et du droit de préférence. 12

A - LE DROIT DE SUITE En vertu du premier alinéa de l art. 122 c.com. «les privilèges du vendeur et du créancier gagiste suivent le fonds en quelques mains qu il passe». Il s agit donc de ce droit qui permet aux créanciers privilégiés inscrits et non payés de saisir le FC entre les mains de n importe quelle personne et à quelque titre que ce soit, qu il s agisse du propriétaire ou d un nouvel acquéreur en vue de le faire vendre aux enchères publiques. B - LE DROIT DE PRÉFÉRENCE Ce droit permet aux créanciers privilégiés, suite à la vente du FC aux enchères publiques, de se faire payer sur le prix de la vente par priorité sur les autres créanciers. IV - LA GERANCE LIBRE La gérance libre (ou gérance location) permet au propriétaire de donner la gérance du fonds à une personne en vertu d un contrat de location moyennant un loyer qui peut prendre parfois la forme d une participation aux bénéfices. Dans ce cas, le gérant locataire bénéficie de la qualité de commerçant et assume seul les risques de l exploitation. Le code de commerce de 1996 a réglementé pour la première fois la gérance libre (articles 152 à 158) ; cette réglementation traite de la publicité du contrat tout en veillant à la protection de tous les intérêts en présence. A - LES REGLES RELATIVES À LA PUBLICITE Ayant la qualité de commerçant, le gérant libre doit bien entendu satisfaire à toutes les obligations du commerçant et notamment se faire immatriculer au RC (art. 153 al. 1 c. com.). Mais la publicité dont il est question au chapitre relatif à la gérance libre est de toute autre nature, elle a pour objectif de faire connaître aux tiers que la propriété du fonds n appartient pas au gérant. 13

Pour ce faire, le législateur prévoit trois procédés de publicité : # Tout d abord, un extrait du contrat de gérance libre doit être publié dans les 15 jours de sa date au BO et dans un journal d annonces légales. Il reste qu il est dans l intérêt du bailleur du fonds d effectuer cette publicité dans la mesure où il demeure, jusqu à la publication et pendant les 6 mois qui suivent, responsable solidairement avec le gérant des dettes contractées par ce dernier à l occasion de l exploitation du fonds (art. 155). # Il appartient, en outre, au bailleur du fonds de procéder aux formalités relatives au RC ; il a le choix entre deux inscriptions : - soit demander sa radiation du RC ; - soit requérir la modification de son inscription personnelle avec la mention expresse de la mise en gérance libre. Autrement, le bailleur reste solidairement responsable des dettes de son locataire tant qu il n a pas requis ces inscriptions (art. 60 et 155). # Enfin, quant au gérant, il doit indiquer sur tous ses documents commerciaux ainsi que sur toutes les pièces signées par lui ou en son nom, son numéro d immatriculation au RC avec mention du tribunal où il est inscrit et sa qualité de gérant libre du fonds sous peine d une amende de 2 000 à 10 000 dhs. B - LES EFFETS DE LA LOCATION-GERANCE Il s agit en l espèce, des effets du contrat de location qui mettent certaines mesures à la charge du locataire et du bailleur. - Le premier doit payer le loyer qui peut consister en une participation aux bénéfices, exploiter le fonds dans les meilleures conditions, ne pas en changer la destination, c est-à-dire continuer le même commerce que le bailleur. En outre, n étant pas propriétaire du fonds, le gérant ne peut le vendre ni le donner en nantissement ; il ne peut non plus en sous louer 14

la gestion sans le consentement du bailleur étant donnée la nature intuitu personae du contrat. - En contrepartie, le bailleur a pour obligation de mettre tous les éléments du fonds à la disposition du gérant et ne doit pas en troubler la jouissance, notamment par la concurrence 15