La politique monétaire



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Transcription:

Conclusion : Le problème de la neutralité monétaire La politique monétaire Introduction : qui conduit la politique monétaire? I) La dynamique de la création monétaire 1 La notion de masse monétaire 2 Comment se crée la monnaie? 3 Avantages et limites de la création monétaire II) La politique monétaire 1 Les objectifs possibles de la politique monétaire 2 Les moyens de la politique monétaire 3 les conséquences de la politique monétaire

Introduction : qui conduit la politique monétaire? La notion de Banque centrale est apparue au cours du XVIII siècle quand les banques ont acquis le pouvoir de dématérialiser la monnaie, c est-à-dire de créer plus de monnaie papier qu il y avait de dépôts métalliques. Ce phénomène est économiquement très intéressant mais monétairement très dangereux, puisqu il peut conduire à la dévalorisation de la monnaie si trop de «monnaie papier» circule. Il appartient donc à une banque de contrôler cette circulation. En France la Banque de France fut créée en 1800 et obtint le monopole de l émission monétaire en 1848. Il appartient donc aux Banques centrales de surveiller les autres banques, de leur prêter en cas de difficultés et surtout de conduire la politique monétaire du pays. Mais dés l origine des Banques centrales, 2 écoles vont s affronter :

- l école française : pour la France de Napoléon (et de De Gaulle!!) puisque la Banque centrale conduit la politique monétaire, il est logique qu elle soit dépendante des pouvoirs politiques : politique monétaire = politique économique = politique d un gouvernement légitime. La France (et beaucoup d autres pays) voudront toujours subordonner la politique monétaire aux intérêts du pays. - l école anglaise : la monnaie est une chose trop sérieuse pour être confiée aux hommes politiques qui voudront s en servir. La Banque centrale doit être indépendante des pouvoirs politiques, et la politique monétaire ne doit être conduite que dans le seul intérêt de la monnaie. C est cette conception qui va l emporter : en 1993 la Banque de France devient indépendante des pouvoirs publics. Dans la zone euro, la politique monétaire est donc menée en toute indépendance par la Banque centrale européenne (doc 1) depuis 1998

On peut se rappeler que le siège de la BCE est à Francfort (en face du siège de la Bundesbank). La BCE dispose d un capital propre de 5.7 milliards (au 1 Janvier 2009) et de réserves financières déposées par les Banques centrales nationales d un montant approximatif de 40 milliard La politique monétaire dont nous allons parler n est donc absolument plus du ressort de la France I) La dynamique de la création monétaire Pour bien comprendre ce qu est une politique monétaire et à quoi elle sert, nous devons d abord comprendre comment se crée et se détruit la monnaie. 1 La notion de masse monétaire La masse monétaire est l ensemble des moyens de paiement détenus par les agents économiques non financiers résidents. Dans le cas français on la connaît par les statistiques de la Banque de France

Les 3 conceptions de la masse monétaire : de la plus «liquide» vers la moins «liquide» : On appelle liquidité de la monnaie sa faculté plus ou moins grande à régler une dette ou un achat : on peut par exemple facilement régler un achat avec des billets ou par chèque ou carte de paiement (dépôts à vue), plus difficilement avec des comptes sur livrets (puisqu il faut aller chercher l argent) et encore plus difficilement avec des titres de dettes puisqu il faut attendre d être remboursé. On remarquera que l or, quelque soit sa forme, n est plus une monnaie, pas plus qu une quelconque œuvre d art. - M1 : Pièces, billets, dépôts à vue : 4341 milliards - M2 : M1 + les comptes sur livrets (livrets «A», livret «jeunes», CODEVI.) : 8199 milliards - M3 (masse monétaire «officielle» : M2 + les titres de dettes de court terme (< à 2 ans) (OPCVM monétaire, bons du Trésor négociables ) : 9447 milliards Cette masse monétaire a tendance à augmenter : depuis 2003, la masse monétaire française M3 a augmenté de 53%. Pourquoi?

2 Comment se crée la monnaie? Il faut tout de suite se sortir une image de la tête : celle de la «planche à billets». Elle existe, mais sa seule vocation est de remplacer les billets usagés, ou de convertir des dépôts à terme ou à vue en pièces ou billets. En aucun cas on ne peut augmenter artificiellement la masse monétaire en fabriquant des billets. Ce serait tout simplement de la fausse monnaie. Les nouveaux billets ne font que se substituer à un autre type de monnaie. Ils ne s ajoutent pas à elle. Le principe de la création monétaire est en fait très simple : à chaque fois qu une banque accorde un prêt à un client, elle crédite le compte de ce client d une somme dont elle ne dispose pas en réalité. Elle fait un simple pari : tout le monde, en même temps, n ira pas chercher de l argent liquide «réel», et utilisera cette somme sous forme scripturale (carte de paiement, chèque).

La création monétaire dans le bilan d une banque : Actif Réserves liquides : 10 millions Créances sur clients : 100 millions Nouvelle créance : 1 million Passif Dépôts à vue : comptes des clients : 110 millions Nouveau compte crédité : 1 million Total actif : 111 millions Total passif : 111 millions

Assez peu de personnes réclament de l argent liquide car justement, quand on va en chercher, il y en a. Alors pourquoi s inquiéter? La contrepartie de la monnaie par une banque est donc la créance qu elle détient sur son client. Et il en est de même pour l ensemble de l économie : l essentiel de la masse monétaire a comme contrepartie les créances sur l économie, c est-à-dire les remboursements futurs des prêts accordés. Quand les prêts sont remboursés, la monnaie créée est «détruite». Mais comme dans les économies il y a plus de crédits accordés que de crédits remboursés, au total la masse monétaire augmente. On a donc une relation simple : prêts accordés par une banque = création monétaire = croissance de la masse monétaire. La vitesse de création de la monnaie dépend donc du montant des crédits accordés par les banques : plus celles-ci accordent des crédits et plus vite la monnaie est créée.

3 Avantages et limites de la création monétaire La trop forte création monétaire est donc dangereuse. La création monétaire provient des crédits accordés : ceux-ci permettent aux entreprises d investir et aux ménages de consommer. La création monétaire permet donc une activité économique importante et elle est donc un instrument de lutte contre le chômage, et c est la raison essentielle pour laquelle les hommes ont historiquement souhaité dématérialiser la monnaie : ils ne voulaient pas dépendre des découvertes d or et d argent pour assurer leur prospérité. Mais la création monétaire porte un danger : si trop de monnaie se créée par rapport aux richesses disponibles, les prix vont monter et la valeur de la monnaie pour une même somme va diminuer. C est ce que l on appelle l inflation. Il y a alors risque de perte de confiance dans ladite monnaie, risque de panique bancaire (on va retirer la «bonne» monnaie).

On retrouve donc ici une opposition classique entre keynésiens et libéraux : - pour les keynésiens, on peut stimuler l activité économique en facilitant les emprunts, ce qui se traduit par le gonflement de la masse monétaire, ce qui peut provoquer effectivement une «petite» inflation. - pour les libéraux, le soutien à l activité économique par la création monétaire ne sert à rien et il est dangereux puisqu il est source d inflation. On appelle cela la Théorie quantitative de la monnaie (proposée par l économiste américain Irving Fisher (1867-1947) : MV = PT Ceci signifie que la masse monétaire (M) x par sa vitesse de circulation (V) (remarque : en effet, un même billet peut servir à plusieurs transactions!!) = le volume des transactions (T : ce qui correspond au volume des achats) x par leur prix (P). Si MV augmente et que T n augmente pas, alors P augmente

II) La politique monétaire Elle consiste donc, de la part des autorités monétaires indépendantes, à contrôler la quantité de monnaie en circulation, en fonction des objectifs que l on s assigne. 1 Les objectifs possibles de la politique monétaire Il y a donc 2 objectifs possibles : - soutenir l activité économique - maintenir la stabilité des prix Mais disons le clairement, sauf cas exceptionnel comme cette année, l objectif essentiel des banques centrales est bien le maintien de la stabilité des prix, et la convergence internationale des taux d inflation. C est en particulier l objectif central assigné à la BCE par le traité de Maastricht : l inflation ne doit pas excéder durablement 2%

Traité de Maastricht : Article 105 : «L objectif principal du SEBC est de maintenir la stabilité des prix, définie comme une inflation inférieure à 2% par an. Sans préjudice de l objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté». Il faut donc bien comprendre ici 2 points essentiels : - il est inutile et injuste (de la part de la France en particulier) de reprocher à la BCE et à M Jean Claude Trichet son «obsession» de la lutte contre l inflation. M Trichet ne fait qu appliquer ce pourquoi il a été nommé. - si donc l Union européenne souhaite donner un autre mandat à la BCE, comme c est le cas pour la FED américaine, il faudra un autre traité Il faut d ailleurs ajouter, en regardant l évolution des différentes situations, que la politique anti inflationniste de la BCE est également suivie par les États-unis et la plupart des autres pays.

Et selon les libéraux, c est grâce à une économie saine, c est-à-dire sans inflation excessive, que le chômage finit par reculer : Hausse de la compétitivité prix sur les marchés étrangers Inflation faible Hausse du pouvoir d achat avec modération salariale Faiblesse des taux d intérêts : hausse de la consommation et de l investissement Baisse du chômage En France, cette politique a été appliquée à partir de 1983, sous le nom de «désinflation compétitive» et elle n a pas vraiment été remise en cause depuis. D autres politiques monétaires peuvent néanmoins exister :

2 Les moyens de la politique monétaire Elles disposent pour cela de 2 méthodes : La politique monétaire consiste donc à contrôler l évolution de la masse monétaire. Les banques ont en effet tendance, quand tout va bien, à créer beaucoup de monnaie en accordant des prêts. Mais les banques ont également besoin de liquidités : - parce que les clients retirent de l argent liquide - parce que les banques doivent faire face à des frais : payer les salariés, les fournisseurs Elles ne peuvent pas le faire avec les créances des clients - parce que les banques doivent également rembourser des prêts qu elles ont contractés. On dit alors que les banques doivent se refinancer, c est-à-dire échanger les créances qu elles ont sur leurs clients contre de l argent liquide (de la monnaie «banque de France»).

- elles peuvent vendre des créances à d autres banques sur le marché monétaire : elle verseront alors à ces banques un taux d intérêt correspondant à ce prêt : PIBOR, LIBOR, EURIBOR Le problème étant qu elles ne sont pas sûres de trouver sur le marché monétaire des fonds disponibles. De plus, quand une banque prête à une autre banque, elle se prive elle-même de liquidités. Dans son ensemble, la masse monétaire ne peut donc pas augmenter, puisque la création monétaire des unes est compensée par la destruction monétaire des autres. - une banque peut alors se tourner vers la Banque centrale pour trouver les liquidités nécessaires. On dit que la Banque centrale est «prêteuse en dernier recours» : c est-à-dire qu elle est la seule, au fond, à pouvoir garantir jusqu au bout les créances des banques. La Banque centrale qui prête aux banques les refinance. Contre ce refinancement, elle va leur faire payer un taux d intérêt, différent selon le type de créances : ce sont les taux directeurs

Les taux directeurs sont donc les taux auxquels la banque centrale prête aux autres banques. Ils constituent l arme décisive de la politique monétaire. - une baisse des taux relance l activité économique mais peut se traduire par un retour de l inflation. Quand une Banque centrale veut limiter la création monétaire, elle va augmenter ses taux directeurs : les banques répercuteront cette hausse sur leurs propres taux d intérêts, ce qui limitera les crédits, donc la création monétaire, donc la hausse des prix. A l inverse, si la banque centrale veut favoriser l activité économique, elle diminue ses taux d intérêts pour que les banques accordent plus de crédits aux consommateurs et aux entreprises. L évolution des taux directeurs des banques centrales constitue donc un indicateur essentiel de la politique monétaire : - une hausse des taux directeurs ralentit la hausse des prix, mais aussi l activité économique

Nous voyons donc bien que de 2005 à 2008 la BCE a eu le souci de lutter contre l inflation qui atteignait en effet presque 4% à la mi 2008. Ensuite, les taux directeurs ont très fortement baissé, partout, pour atteindre le minimum de 1% (voire 0% au Japon) pour contrer les effets de la crise de 2009. A l occasion de cette crise, le souci principal des Banques centrales a été d assurer la sauvegarde des flux de crédits, pour sauvegarder un minimum d activité économique. Pour cela, les Banques centrales ont utilisé 3 moyens : - une baisse très importante des taux d intérêts - des prêts massifs accordés aux banques - et surtout le rachat des «créances douteuses» détenues par les banques : par exemple, la Banque centrale d Angleterre a racheté pour 68,4 milliards de créances à la Royal Bank of Scotland pour la sauver de la faillite

Le problème qui va alors se poser dans les prochains mois sera d éponger ces énormes quantités de liquidités déversées par les Banques centrales pour sauver le système (on dit qu il faut «faire rentrer la pâte dans le tube»). Si les Banques centrales n y parviennent pas, il y a un risque sérieux de retour de l inflation et de faiblesse monétaire générale (sans parler de bulles spéculatives). Et pour éponger ces liquidités, il n est pas difficile de prévoir une hausse des taux d intérêts : pas trop rapide ni trop forte pour ne pas «casser» la reprise qui s amorce, mais hausse quand même. La politique monétaire est donc bien une véritable politique économique. Mais elle est également une véritable arme de politique économique. La politique monétaire a en effet des conséquences, et pas seulement sur le niveau des prix. Au-delà même des effets sur l activité économique interne, elle agit sur les relations des pays entre eux, au travers de la valeur de leurs monnaies respectives.

3 Les conséquences de la politique monétaire La politique monétaire d un pays (ou d une zone) détermine en effet la valeur de cette monnaie par rapport aux autres monnaies. Ainsi, quand un pays lutte contre l inflation, il augmente ses taux d intérêts, ce qui rend cette monnaie plus rémunératrice qu une autre. En même temps, cette monnaie est plus stable, ce qui donne confiance aux investisseurs. Donc, quand une Banque centrale augmente ses taux d intérêts, le cours de la monnaie a tendance à augmenter par rapport aux autres monnaies. Mais en sens inverse, quand un pays désire «affaiblir» sa monnaie, il lui suffit d avoir des taux d intérêts plus faibles que les autres pays. Cet affaiblissement monétaire va alors permettre au pays en question d exporter plus puisque ses produits à l exportation vaudront moins cher, et d importer moins,pour les mêmes raisons. La politique monétaire devient alors une arme redoutable de politique commerciale. Et beaucoup de pays s en servent!!

La faiblesse du dollar depuis une dizaine d années (et même bien avant : depuis le milieu des années 1960 : «le $ est notre monnaie, mais c est votre problème» disait à cette époque M Richard Kahn secrétaire au Trésor) n est donc pas un hasard, mais le fruit d une stratégie délibérée. D où l importance stratégique que revêt la place d une monnaie dans les échanges internationaux et dans les réserves de change. Et de ce coté là, les Etats-Unis conservent leur suprématie, malgré la concurrence nouvelle de l euro. Le problème, c est que les autorités monétaires chinoises ont décidé d arrimer la valeur du Yuan à celle du dollar. La monnaie chinoise est donc très sous évaluée. Mais si cette sous évaluation peut s expliquer dans le cas américain (leur déficit commercial est colossal : pratiquement 400 milliards $), elle n est pas justifiable pour un pays qui croule sous les excédents commerciaux, au détriment des pays à monnaie «forte» (l Union européenne), et surtout au détriment de leurs emplois.

Conclusion : le problème de la neutralité monétaire La théorie initiale des libéraux (pour être plus précis : de Jean Baptiste Say) était que la monnaie n était que «le véhicule des produits», qu elle n affectait pas leur valeur, bref, qu elle exerçait un rôle économique neutre. Aujourd hui plus personne ne partage cette opinion, y compris les plus libéraux : la valeur de la monnaie exerce bien une influence décisive sur le niveau de l activité économique, et ceux qui le comprennent le mieux sont les américains. Le problème se repose alors : si la question de l indépendance des Banques centrales ne se pose plus, celle de la surveillance politique de ces banques reste d actualité. L Union européenne est en effet dans une situation historique inédite : jusqu à présent il y a toujours eu, face au pouvoir monétaire, un pouvoir politique légitime, qui pouvait le cas échéant faire valoir les «intérêts supérieurs du pays» aux autorités monétaires.

Il faut par exemple se rappeler qu au moment de la réunification allemande, le Chancelier Helmut Kohl a imposé à la Bundesbank le taux de change Deutsch Mark / Ost Mark = 1 pour 1, ce qui était une hérésie monétaire totale. Aux Etats-Unis, mais aussi au Japon et au Royaume-Uni, les Banques centrales acceptent le plus souvent les décisions politiques des gouvernements, même s ils cherchent à les freiner. Or, dans l Union européenne, il n y a pas (pas encore?) de pouvoir politique vraiment légitime, pouvant le cas échéant s opposer (voire s imposer) à la Banque centrale européenne. C est à la fois dommage et dangereux : - dommage, car cela jette un doute sur la crédibilité des décisions de la BCE, alors qu elle ne le mérite pas - dangereux car le sort de 495 millions de personnes repose sur la décision de 6 directeurs, ce qui n est guère démocratique, et peut éloigner encore plus les populations des instances dirigeantes.