New York, 20 21 novembre. Document de travail : séance II



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Transcription:

AUDITION PARLEMENTAIRE 2008 AUX NATIONS UNIES New York, 20 21 novembre Document de travail : séance II VIOLENCE SEXUELLE A L ENCONTRE DES FEMMES ET DES ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMES 1 Il est désormais plus dangereux d être une femme qu un soldat dans les guerres modernes. Major-Général Patrick Cammaert, ancien Commandant adjoint de la force de la MONUC - Ce qu il faut savoir sur les violences sexuelles à l encontre des femmes et des enfants dans les conflits armés Les violences sexuelles en temps de guerre sont l un des plus grands silences de l histoire. Longtemps considéré comme le fait isolé de soldats en rupture de ban, le viol a été complaisamment érigé en mythe de l inévitable. Les conflits créent en effet un contexte propice à une endémisation des crimes sexuels. La loi et l ordre n ont plus cours; les armes légères et de petit calibre sont partout; la retenue morale et sociale fait place aux périls et aux privations de la guerre; et le sentiment que les rapports sexuels sont un dû s installe au sein des groupes armés qui mettent à sac, pillent et violent en toute impunité, traitant les femmes comme des «trophées de guerre». Bien qu elle ne date pas d hier, la violence sexuelle n est reconnue que depuis peu comme une menace fondamentale pour la sécurité. En juin 2008, le Conseil de sécurité de l ONU a adopté à l unanimité la Résolution 1820 qualifiant la violence sexuelle de tactique de guerre ayant des répercussions sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cette résolution définit un cadre ambitieux pour affronter une urgence actuelle. En période de conflit et de crise, les plus démunis sont ceux qui souffrent le plus. Les enfants nés de la guerre et leurs mères sont exposés à la vindicte publique et à l exclusion économique. Dans le cadre du processus consistant à adapter la protection à l évolution des conflits, il est indispensable de remédier à l instabilité perpétuée par la violence sexuelle. Avec les guerres qui ont fait rage en Bosnie, au Rwanda, en Sierra Leone, au Libéria, en République démocratique du Congo (RDC) et au Darfour, la logique militaire de viols massifs est devenue indéniable. Les villages déserts et les champs abandonnés sont le reflet cruel du terrorisme sexuel infligé aux populations déplacées. Des témoins oculaires racontent comment des femmes ont été violées par des bandes entières de rebelles dans l intention déclarée de leur faire porter des enfants de leur sang. Chaque jour, une quarantaine de femmes sont violées dans le Sud-Kivu, en RDC. Entre 20 000 et 50 000 femmes ont été violées en Bosnie au début des années 90. En Sierra Leone, ce sont entre 50 000 et 64 000 femmes déplacées à l intérieur du pays qui ont été victimes d agressions sexuelles commises par des combattants. Enfin, le mémorial du génocide du Rwanda rappelle que 500 000 femmes ont été violées en 100 jours de conflit. Pourtant, il est de notoriété publique que les chiffres officiels concernant les violences sexuelles sont très en-deçà de la réalité. Les victimes de viols prises au piège des conflits ou de crises sont 1 Document de travail établi par le Bureau de la prévention des crises et du relèvement du Programme des Nations Unies pour le développement. 1

parmi les moins visibles et les moins accessibles de la planète, dans des régions dépourvues et reculées. Le viol est une tactique privilégiée de torture parce que les victimes répugnent à le dénoncer. Les survivantes sont déconsidérées : les femmes sont rejetées par leur mari, les filles ne sont plus «bonnes à marier» et les femmes qui se retrouvent enceintes sont accusées d adultère ou d atteinte à «l honneur» de la famille. Cette stigmatisation injuste et la honte qui l accompagne sont profondément liées au fait, que jamais, les auteurs de crimes sexuels n ont eu à rendre compte de leurs actes. La réforme juridique et politique visant à faire porter la honte sur le violeur est un moyen d atténuer la stigmatisation qui fait du viol un outil puissant de destruction de la famille et du tissu social. Toutefois, l absence de dénonciation des viols n est pas liée uniquement à la peur de la stigmatisation et au chaos institutionnel mais aussi au fait que, dans bien des cas, elle est jugée vaine. Sur les 14 200 cas de viol répertoriés dans le Sud-Kivu (RDC) entre 2005 et 2007, seuls 2 % des violeurs ont été traduits en justice. De même, seuls 3 % des 10 000 affaires jugées par les tribunaux rwandais au regard du génocide ont donné lieu à des condamnations pour violences sexuelles. En outre, la justice officielle prévoit rarement des réparations ou un accompagnement des survivants. Il faut impérativement répandre l idée que la violence sexuelle - qu il s agisse d un acte isolé ou d une campagne concertée - est formellement réprimée par le droit international. Pour les communautés, le viol systématisé est une arme de destruction massive au même titre que n importe quelle autre. Il est à classer parmi les violations graves du droit humanitaire international, répertoriées dans le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale adopté en 1998; les Conventions de Genève de 1949; et la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux pour l ex-yougoslavie et le Rwanda. La violence sexuelle est désormais un crime international - et non plus l intemporel «dommage collatéral» de la guerre. Entités compétentes des Nations Unies et mandat Le Conseil de sécurité de l ONU considère désormais la protection des civils, y compris le sort des femmes et des enfants en zone de guerre, comme un des éléments centraux de son mandat. La Résolution 1820 du Conseil de sécurité voit dans la violence sexuelle en elle-même une menace pour la sécurité qui justifie une réponse aux problèmes de sécurité. Les acteurs de la sécurité, y compris les forces de maintien de la paix de l ONU et des organismes régionaux, sont habilités à la réprimer avec la même sévérité que n importe quelle autre atrocité. Le viol systématisé est ainsi passé du statut de «conséquence inévitable de la guerre», à celui de priorité de la politique extérieure. La Résolution 1820 exige «de toutes les parties à des conflits armés qu elles mettent immédiatement et totalement fin à tous actes de violence sexuelle contre des civils». Cette exigence cadre avec le fait que la violence sexuelle a pris un tour stratégique en devenant une tactique de choix pour les groupes armés. En élevant le coût politique, militaire et économique de ce crime, la Résolution 1820 marque un tournant tout en renforçant la résolution inédite qui l a précédée, à savoir la Résolution 1325. Elle appelle à la participation des femmes aux négociations de paix; demande que les criminels soient sanctionnés; et exige que la violence sexuelle soit exclue des amnisties. En appelant les belligérants et les forces de maintien de la paix à renforcer la prévention et la répression et en exigeant un rapport mondial du Secrétaire général, la Résolution 1820 élargit la protection des femmes et des enfants à d autres intervenants. Il faut que la violence sexuelle dans les pays ne figurant pas au programme de travail du Conseil de sécurité continue à être combattue par d autres organismes du système des Nations Unies et par les gouvernements. Ces structures relèvent de la Résolution 62/134 de l Assemblée générale, qui apporte un complément de taille à la Résolution 1820 du Conseil de sécurité. 2

La Campagne des Nations Unies contre la violence sexuelle en temps de conflit rassemble 12 entités des Nations Unies qui s efforcent de maintenir l engagement mondial de prévenir et de réprimer la violence sexuelle. Cette initiative met à profit les efforts préalablement déployés pour dégager un effet «démultiplicateur», qui consistent à améliorer la planification et à éviter les doublons. Elle vise à renforcer les alliances en vue d une action internationale à la mesure de la menace à combattre. Cette campagne témoigne de la nécessité d une action globale de lutte contre la violence sexuelle comprenant un soutien médical, judiciaire, psycho-social et économique, guidée par un principe de coordination et consistant à agir de manière unie. Elle a été adoptée en juin 2007 par le Comité des politiques du Secrétaire général comme «l indispensable initiative conjointe à l échelle du système des Nations Unies destinée à guider la sensibilisation, renforcer les connaissances, mobiliser les ressources et assurer une programmation conjointe» autour de la violence sexuelle en temps de conflit; et chargée par la Résolution 1820 du Conseil de sécurité, de coordonner les efforts, de «sensibiliser» à la violence sexuelle; et d «y mettre fin à terme». Problèmes/obstacles pratiques Au plan politique, il est nécessaire d entretenir la dynamique qui a conduit à l adoption de la Résolution 1820 et de répondre d urgence aux difficultés de mise en œuvre qu elle rencontre. Sur les plans humain, social et économique, le coût de la répression de la violence sexuelle est très supérieur à celui de la prévention. La diplomatie préventive - en particulier en ce qui concerne les groupes paramilitaires, qui sont difficiles à atteindre et souvent dépourvus d une hiérarchie claire - se heurte à des difficultés majeures. En effet, la méconnaissance des motivations des différents groupes, des structures qui les soutiennent et de leur idéologie rend problématique les efforts visant à les dissuader de commettre des actes contre les civils. Sur le terrain, les forces de maintien de la paix et le personnel humanitaire sont soumis à la «tyrannie de l urgence», dans laquelle la violence sexuelle est parfois éclipsée par les horreurs plus visibles de la guerre. Les missions de protection de la population civile sont rarement dotées de moyens suffisants. En outre, l absence de formation spécifique reposant sur une doctrine définie signifie que les forces de maintien de la paix ne sont pas correctement préparées pour répondre à la menace que représente la violence sexuelle. Le message central de la Résolution 1820 est que le phénomène de la violence sexuelle ne doit pas être délégué à des «experts de l égalité des sexes», mais au contraire intégrée dans le travail quotidien des acteurs opérationnels. Le plan de retrait de toute mission de maintien de la paix doit comprendre un renforcement de la capacité des institutions de gouvernance. Les carences des structures judiciaires et pénales engendrent des «violeurs récidivistes» - et condamnent ainsi les femmes à vivre parmi d anciens criminels et des criminels potentiels. Recommandations clés pour remédier à ce fléau Il importe que les parlementaires confrontent leurs expériences en matière de prévention de la violence sexuelle, d accompagnement des victimes et de répression, avec leurs collègues d autres pays. L UIP peut offrir un cadre pour mettre en commun les bonnes pratiques et les enseignements. Un comité pourrait être créé au sein de l UIP pour combattre la violence sexuelle et son incidence sur la sécurité nationale, régionale et internationale. Il pourrait par exemple prendre le nom d «Amis interparlementaires de la Campagne des Nations Unies contre la violence sexuelle». Les parlementaires sont idéalement placés pour faire valoir la primauté du droit international, en s assurant que les allégations de violence sexuelle figurent sur les actes 3

d inculpation; en veillant à ce que la violence sexuelle soit pénalisée et à ce que les victimes et les témoins soient protégés, car ces aspects du Statut de Rome risquent de se «perdre en chemin» au moment de la rédaction des textes d application; et en faisant en sorte d améliorer la coopération entre Etats au regard des mandats d arrêts de la Cour pénale internationale. Le viol ne doit jamais être supprimé du casier judiciaire suite à un vice de procédure ou pour hâter le traitement des dossiers en instance. Il faut que les parlements nouvellement institués dans les pays au sortir d un conflit légifèrent de manière à créer une société dans laquelle ni le sexe ni les autres caractéristiques distinctives ne soient source d exclusion, ce qui fera disparaître les causes profondes du conflit et de la discrimination. Les parlements représentent la volonté du peuple, y compris des femmes que les violeurs essayent de faire taire. Si les sociétés déchirées par la guerre veulent progresser durablement, la voix des survivants doit être au cœur du débat. La protection et l émancipation des femmes doivent être les deux piliers des efforts de lutte contre la violence sexuelle. La prise en compte des questions de genre par la justice et la réforme du secteur de la sécurité devront permettre de juger les criminels; de maintenir la discipline au sein de l armée; d ouvrir aux femmes l accès aux services armés; et d introduire l interdiction de la violence sexuelle dans la formation des soldats et des policiers. La Résolution 1325 du Conseil de sécurité appelle à une plus grande participation des femmes au maintien de la paix car elles ont un avantage comparatif en ce qui concerne les mesures à prendre face à la violence sexuelle. La composition des contingents est déterminée par les pays qui fournissent des effectifs militaires et de police et les femmes doivent absolument y être mieux représentées. Les Etats doivent poursuivre les membres de leurs forces armées/forces de sécurité rapatriés coupables d exploitation sexuelle et de sévices sexuels commis alors qu ils étaient en mission dans le cadre d opérations de soutien à la paix. Il faut élaborer des lois et des règles propres à protéger les enfants nés d un viol, notamment des lois interdisant de donner à un enfant un prénom préjudiciable. Reconnaître ces enfants comme des citoyens n est pas seulement une question de droits de l homme, c est aussi un moyen de contrer les campagnes de grossesses forcées, visant à altérer la composition d un groupe donné et à en faire éclater la cohésion. Les victimes de viol sont confrontées à des difficultés particulières en matière d accès à la justice : les policiers/enquêteurs sont majoritairement masculinsdes hommes; le dépôt de plainte se déroule souvent dans des conditions humiliantes qui créent un traumatisme supplémentaire; la confidentialité et la sécurité ne sont pas garanties; et rares sont les indemnisations. Les parlements ont des moyens concrets pour combattre la culture de l impunité en matière de violence sexuelle. Ils peuvent contrôler la réforme du secteur de la sécurité; inscrire au budget des fonds d indemnisation/des fonds d affectation spéciale pour les victimes; intégrer dans les données ventilées par sexe des données sur la violence sexuelle et adopter un modèle de collecte des données axé sur les prestations à fournir/centré sur la victime; ratifier sans réserve les traités relatifs aux droits des femmes/de l enfant; et subordonner l appui au processus de paix à la participation des femmes et à l exclusion des crimes de violence sexuelle des mesures d amnistie. Un Inventaire analytique des mesures dont dispose le personnel de maintien de la paix face aux violences commises contre les femmes en temps de guerre sera publié en 2009, sous les auspices de la Campagne des Nations Unies contre la violence sexuelle. Il faudra que les parlements veillent à ce qu il soit largement diffusé au plan national; à ce qu il soit transposé dans la doctrine et converti en objectifs de formation; et reflété dans les manuels militaires. 4

Il importe que les organismes régionaux de sécurité (OTAN, Union européenne, Union africaine, CEDEAO) renforcent leur capacité de réponse face à la violence sexuelle et mettent en commun les bonnes pratiques et les enseignements tirés de leur expérience. 5